Il s’est mis à la recherche du bien avec autant d’acharnement que d’autres à la recherche du mal, et il y a eu plus de plaisir. […] Nous nous sommes souvent irrité de voir tant de dons précieux compromis à plaisir par une extrême lutte dans l’exécution. […] L’analyste tire du plaisir des occasions les plus triviales, parce qu’il n’en est pas où il ne puisse mettre en jeu sa puissance de perspicacité. […] C’est aussi là le plaisir du lecteur. […] J’ai du plaisir à faire d’une duchesse une empoisonneuse. » Il y a d’ailleurs tant de forfaits dans les romans de M.
Quel plaisir de s’attarder avec lui à recueillir les paroles imagées du morutier ! […] Si ce n’était pas pour moi un vif plaisir que de signaler au public ce précieux recueil « d’essais », ce serait un étroit devoir. […] Il a pourtant cédé, plus d’une fois, aux instances de ceux qui avaient deviné le vif plaisir et le rare profit qu’ils auraient à l’entendre. […] Et toutefois, je ne serais qu’à moitié surpris, si quelqu’un m’affirmait que pendant les années qui suivirent immédiatement son succès à l’agrégation, il ne se défendit pas toujours du plaisir d’aligner des vers, encore qu’il ait pris la précaution de n’en pas publier un seul, après ceux du collège. […] Je me suis donné le plaisir de relever, dans l’œuvre de Shakespeare, tous les passages où la musique intervient, où elle est exaltée.
On finit par se tenir tranquille, et l’on regarde le monde aller, en tâchant d’éviter les heurts, en ramassant çà et là quelques petits plaisirs commodes. […] Les croyances et les volontés, dissoutes par la tolérance universelle et par les mille chocs contraires des idées multipliées, ont engendré le style exact et fin, instrument de conversation et de plaisir, et chassé le style poétique et rude, arme de guerre et d’enthousiasme. […] Un homme riche adonné à son plaisir et à ses profits trouve que la religion est une affaire si embarrassée et encombrée de tant de comptes obscurs qu’il ne sait comment lui ouvrir un crédit parmi ses livres. […] Quel plaisir aurais-je retiré d’une obéissance ainsi payée, si la volonté et la raison (la raison aussi est choix), inutiles et vaines, toutes deux dépouillées de liberté, toutes deux rendues passives, eussent servi la nécessité et non pas moi ? […] » Ce Dieu n’est qu’un maître d’école qui, prévoyant le solécisme de son élève, lui rappelle d’avance la règle de la grammaire, pour avoir le plaisir de le gronder sans discussion.
Par ce sentiment de la réalité, qui est comme un premier, intérêt involontaire pour tout ce qui est de l’homme, tout en humiliant nos passions il ne se défend pas d’une sorte de plaisir à les peindre. […] Tout en disant avec saint Paul : « Que ceux qui usent de ce monde soient comme n’en usant pas », il ne craint point de prendre plaisir aux grandes actions des hommes qui ont voulu s’y perpétuer par la gloire. […] L’autorité, la beauté de ces ouvrages sortent si naturellement du fond qu’on ne peut pas y trouver de plaisir sans s’engager dans le débat. […] S’il vient, il nous fera plaisir ; Mais Dieu nous garde du désir ! […] De là la satisfaction continuelle et égale qu’on éprouve à le lire, parmi d’autres plaisirs de goûts plus vifs et divers, selon les beautés qui se détachent de ce fond de justesse et de raison.
Barbey d’Aurevilly, préférences heureuses, comme on va voir, et faites à souhait pour le plaisir des yeux. […] S’il entre dans son plan de se comprendre dans ce martyrologe, voici quelques notes que je me fais un plaisir de mettre à sa disposition. […] C’était plaisir d’entendre Auguste Vacquerie, avec sa longue tête chevaline et ses yeux matois, raconter cette anecdote qui allait bien un peu contre lui et son athéisme. […] Je ne parlerai ni d’Homère, ni de Virgile, quelque plaisir que nous en puissions éprouver tous, ici, ni de nos vieux poètes français, ni même du siècle de Louis XIV, pas même de la magnifique explosion romantique. […] — Une catastrophe sérieuse interrompit ces peines et ces plaisirs, factices.
Il n’y a point d’endroit qui ne soit peint d’or et d’azur, et orné d’une manière à exciter aux plaisirs de l’amour. […] Ce prince prenait tant de plaisir à faire faire cette belle allée, qu’il ne voulait pas qu’on y plantât un arbre qu’en sa présence. […] Ils se figurèrent que si cet aîné venait à régner, leur perte était infaillible ; qu’il y avait tout à craindre d’un esprit hautain comme le sien, qui, à l’âge de vingt ans, se verrait, de captif, tout à coup devenu souverain ; que, quand il ne se croirait pas avoir été offensé par eux, le plaisir qu’il prendrait à faire le maître le porterait à d’étranges résolutions, dont la moindre serait de changer la face de la cour. « Et qui sait, disaient-ils en eux-mêmes, s’il n’attentera point à nos vies ? […] Ce n’est pas ici le lieu d’expliquer ceci plus au long, non plus que quelques façons de parler persiennes, que nous avons exprimées en leur naturel, dans la croyance que nous avons eue que les savants y prendraient plaisir. […] Prendra-t-il plaisir à recevoir de nos mains une couronne que nous aurions offerte à un autre ?
C’étaient des jouissances, comme l’émotion d’un péril d’où l’on serait sûr de sortir, et qui vous ferait passer dans le corps un frisson de plaisir peureux. […] * * * — Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là, à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour présent, juger le journal, remuer le passé, comme si l’on tisonnait l’histoire, faire jaillir au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie, sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; avoir la sensation de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées, qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées, comme avec la chaleur d’une poignée de main ; s’épanouir dans cette expansion de tous, et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant ! […] Ce n’est plus un plaisir, une récréation, un exercice gymnastique ; enfin, le canotage : c’est le sport nautique, une institution de progrès qui a des présidents, des secrétaires, qui fabrique des discours aux régates, une société de pochards en vareuse et de marins d’eau de vaisselle, qui veulent par l’association faire leur chemin, arriver au moyen de la marine de plaisance à des distinctions, à une sorte de carrière. […] On me parle d’une famille avec un rien de petite rente, consacrant tout son pauvre argent au plaisir du spectacle, se privant d’une femme de ménage, se salissant les doigts aux plus gros ouvrages, et assistant, le soir, en gants propres, aux premières représentations, — famille connue de toutes les ouvreuses, en relation avec tous les buralistes, et même les sergents de ville, qui ont servi dans le régiment où le père était major. […] Je ne voulais pas parler, parce que je ne me souciais pas que la scène d’un récent dîner recommençât, mais un peu asticoté par les uns et par les autres, je pris la voix la plus douce pour affirmer que j’avais plus de plaisir à lire Hugo qu’Homère, essayant cette fois de parer les foudres de Saint-Victor avec le nom d’Hugo.
Il y a là une claque qui semble officier, et des renversements d’extase et des pâmoisons de plaisir qui rabâchent à chaque mot : « Adorable ! […] Le plaisir physique que vous a donné, à telle minute, telle femme, le plat réussi que vous avez mangé, tel jour, vous ne le retrouverez plus jamais. […] Dimanche 21 juillet Puissant, sur lequel nous sommes tombés ici, où il fait le Programme de Vichy, nous amène Vallès, débarqué ce matin du train de plaisir, en paletot d’hiver, gesticulant de la canne, parlant haut, et avec son accent bon garçon auvergnat, ayant l’air de crier : « Vallès est dans vos murs ! […] Bon enfant, mais un hôte à l’hospitalité à brûle-pourpoint, et quelquefois sans tact, et dur de paroles aux inférieurs… Au physique, l’œil clair, le nez à l’arête sèche, sanguin, sensuel, denté pour mordre au plaisir… et par là-dessous toujours à son affaire, faisant servir tous ceux qu’il reçoit à quelque chose, tirant de ses hôtes une idée, une réclame, une utilité : des plans à l’architecte, un premier-Vichy au littérateur, et plaçant à intérêt tous ses dîners. […] Elle nous dit, heureuse de nous montrer toutes ses chambres d’amis, qu’elle n’a qu’un plaisir, c’est d’avoir du monde, c’est de vivre au milieu de gens qui lui sont sympathiques et qu’elle aime, qu’elle aurait bien pu, si elle avait voulu, faire des choses extraordinaires, des monuments, des palais de financiers, mais qu’elle aime bien mieux sa perse avec de vieux amis assis dessus.
Je le fais avec grand plaisir, ne me cachant pas cependant la difficulté grande, à bien parler de vos pointes-sèches, à la fois si légères et si colorées, vos pointes-sèches d’une égratignure sur le cuivre, si artiste. […] Au fond, je me demande, si ça me fait un très véritable plaisir, et je n’en sais vraiment rien. […] Un vrai plaisir dans ce livre, à la dégustation d’une expression, d’une épithète, d’une image. […] Et c’est un plaisir de voir Mirbeau, parlant de ces plantes, avoir dans le vide, des caresses de la main, comme s’il en tenait une. […] Oui, l’auteur du rapport avait passé, tout son temps, au Cap, dans les cercles, les cafés, les lieux de plaisir, et n’avait fait qu’une apparition d’une quinzaine, aux mines, mais, dans son séjour au Cap, de ses conversations avec les ingénieurs des compagnies, les employés venant là, faire la fête quelques jours, de ces confidences des uns et des autres, dans une griserie générale, il avait soutiré tous les documents, dont il avait besoin, et n’avait eu qu’à les contrôler, qu’à les vérifier aux mines.
Nous mettrons le frein à la bouche d’un cheval fougueux, quand nous réprimerons en nous les plaisirs. » Pareillement, on retrouve une idée chrétienne, celle de la grâce, dans toutes les morales mystiques. […] Mais, puisque je l’ai déjà dit, je préfère tout simplement le redire : il n’y a pas un mot, dans les pages que l’on va lire, qui se rapporte à l’entretien que le Saint-Père a bien voulu m’accorder ; et, quoi que l’on pense des idées que j’y exprime, je me fais un scrupule, un devoir et un plaisir d’en revendiquer pour moi seul toute la responsabilité. […] Mais je crois d’autre part les avoir assez loués ; « Intolérants et orgueilleux, — disais-je encore, il n’y a pas trois ans, — difficiles à manier, chagrins et moroses, méprisants et austères, affectant la religion jusque dans leur costume, les protestants, en revanche, possédaient la vertu dont ces défauts étaient comme l’enveloppe, et grâce à elle on peut dire qu’en 1685 et depuis plus d’un siècle, ils représentaient la substance morale de la France… Écartés des tentations par les mesures mêmes qui les éloignaient des emplois, ils se dressaient, dans la société du temps de Louis XIV, comme un enseignement vivant par l’ardeur de leur foi, par leur constante préoccupation du salut, parleuréloignement des plaisirs faciles, par la dignité de leurs mœurs, par la raideur même enfin et la fierté de leur attitude. » Ne pouvant pas abuser ici du droit de me citer moi-même, je renvoie le lecteur à l’étude, Sur la formation de l’idée de progrès dont je tire ces lignes. […] 2° Sur l’article du catholicisme. — Pour ce qui est du mérite des « œuvres » et des « indulgences », ou encore de la solidarité qui lie les générations des catholiques entre elles, je ne puis pas, pour faire plaisir aux protestants, rayer le purgatoire du nombre des croyances de l’Église, ni m’en moquer avec eux, si j’en trouve la conception admirable. […] … » III « Monsieur, « Vous faites appel aux hommes de bonne volonté : permettez à l’un d’entre eux de vous dire pourquoi il donnera son concours à ceux qui, par tous les moyens légitimes, — c’est mon correspondant qui souligne, — combattront le concordat philosophique que, nouveau Bonaparte, vous êtes allé signer à Rome au nom de la pensée française (en admettant qu’elle tienne dans le Journal des Débats et la Revue des Deux-Mondes)… » J’arrête ici la citation, dont on devine aisément la suite, mais je ne puis me priver du plaisir d’en signaler un bien curieux détail.
Si Malherbe a pu dire de la vie des mortels : Tout le plaisir des jours est en leurs matinées ; La nuit est déjà proche à qui passe midi, cela semble surtout vrai de la vie poétique et tendre, de l’inspiration élégiaque et romanesque. […] « (8 août 1847)… Mon bon frère, ton ami Devrez, qui va partir pour nos chères Flandres, se charge avec plaisir de nos tendresses et d’un petit paquet pour toi. […] En jouir sans qu’elle y trouve du plaisir serait de plus une jouissance bien incomplète, et je ne me sens pas l’énergie d’aimer pour moi-même.
Nous avons le même plaisir que devant un beau tableau ou un beau livre ; au plus fort des passions qu’il nous présente, nous savons que les personnages sont des fantômes, et que ce n’est point un sang véritable que nous voyons couler. […] S’il friponne les gens et leur débite des contes, c’est par naturel, pour son plaisir, par besoin d’imagination, plutôt qu’avec calcul et pour son profit. […] Tout était en commun, plaisir, peine, souffrance Ce qui manquait à l’un, l’autre le regrettait ; Si l’un avait du mal, son ami le sentait ; Si d’un bien, au contraire, il goûtait l’espérance.
Je suis persuadé que la beauté du plumage et du chant, comme toutes leurs autres qualités spécifiques, leur sont dévolues pour leur propre plaisir et pour leur avantage. […] On y dit la messe et on y demande pardon au Dieu victorieux du sang de tant de millions de victimes répandu à plaisir pour amuser les Romains ! […] Après un an de séjour à Rome, j’y allais encore passer des heures entières avec plaisir.
Chapitre IV LXXIX L’aveugle, après avoir bu une goutte de mon rosoglio dans ma gourde, reprit le récit juste où la veuve l’avait interrompu …………………………………………………………………………………………………………………………………………… — Quand Hyeronimo remonta de Lucques le soir, bien avant dans la nuit, à la cabane, il nous raconta que les messieurs de Lucques avaient été pleins d’honnêteté et de caresses pour lui pendant tout le chemin, qu’ils s’étaient arrêtés dans toutes les osteries des gros villages qu’ils avaient rencontrés pour s’y rafraîchir d’un verre de vin, d’une grappe de raisin, d’un morceau de caccia-cavallo, sorte de fromage dur et brillant, comme un caillou du Cerchio, et que partout on l’avait forcé de se mettre à table avec eux et de boire comme un homme, jusqu’à ce que les yeux lui tournassent dans la tête et la langue dans la bouche, comme pour le faire babiller à plaisir sur Fior d’Aliza, sa cousine ; sur Léna, sa tante ; sur l’aveugle et sur sa famille. […] tout ce qu’il y avait pour nous et pour eux de parenté, de souvenirs, d’amitié, de plaisir, d’intelligence entre ce treillage plus vieux que nous tous devant la maison. […] Eh bien, après, nos murs seront nus contre le soleil et la pluie, il n’y aura pas d’ombre sur la porte, les oiseaux et les lézards s’en iront chercher leur plaisir ailleurs.
J’y pris une fiasque, et la montrant, ainsi que la zampogne, au piccinino, je lui dis que n’ayant plus rien à faire dans la cour, après mon service fini, j’allais pour passer le temps, à l’ombre des arcades du cloître, jouer quelques airs de mon métier aux malheureux enfermés sans amusement dans leurs loges ; le piccinino, qui avait bon cœur, qui aimait, comme tous les enfants, le son de la zampogne, n’y entendit aucune malice et trouva que c’était une pensée du bon Dieu que de rappeler la liberté aux captifs et le plaisir aux malheureux. […] Les colombes mêmes battaient des ailes comme de plaisir à m’entendre, ces jolies bêtes se regardaient, se becquetaient, se lissaient les plumes et semblaient se dire : « Tiens ! […] La femme du bargello aimait bien les airs que je jouais ainsi pour un autre, et elle me disait le matin : — Je ne sais pas ce qu’il y a dans ta zampogne, mais elle me fait rêver et pleurer malgré moi, comme si elle disait je ne sais quoi de ma jeunesse à mon cœur ; ne crains pas, mon garçon, d’en jouer tout à ton aise, même quand tu devrais me tenir éveillée pour l’entendre : j’ai plus de plaisir à veiller qu’à dormir, en l’écoutant.
Vous savez que ce caractère-là est le plus commun parmi les hommes légers ; leur conscience ne leur pèse pas plus que leur cervelle, et ce qui leur fait plaisir ne leur paraît jamais bien criminel. […] que sa vue me fit peine et plaisir à la fois, monsieur ! […] CCXLV Ce que nous dîmes tous les trois, pendant ces deux heures que le père Hilario fit durer, à sa grande fatigue, le plaisir et la peine, comment pourrais-je vous le redire ?
Toutefois, le plaisir bas, mais réel, de rendre autrui ridicule, ou de l’épouvanter, ou simplement de le faire souffrir, expliquait en quelque manière la peine que prenaient ces bizarres spécialistes, et leurs feintes prolongées, et leurs attentes, et leur endurance de Peaux-Rouges. Mais je me demande quel plaisir a cherché l’inconnu facétieux qui nous a trompés, M. […] Je songe avec plaisir que, en se livrant à ce badinage presque savant, la jeune Mme Langlais se revoyait dans le pensionnat de la rue de Chaillot, le front penché auprès de celui de Joseph Delorme, sur un volume d’Horace.
Il lui reproche paternellement ses lettres trop courtes et ses trop rares visites ; et cependant il sait qu’elle ne peut lui donner que cela : un plaisir d’« apparition », le plaisir de la voir de temps en temps vivre sa vie gracieuse et inutile. […] Né d’un vieux sang républicain et très pur ; muni des meilleures « humanités » ; formé à la fois par la fréquentation du monde, par l’étude de l’histoire et de l’économie politique, et par de longs voyages en Amérique et en Allemagne (tout à fait l’éducation d’un homme politique d’outre-Manche, comme vous voyez) ; honnête homme avec raffinement ; très courageux, et du courage le plus allègre ; et, par surcroît, ayant eu l’esprit de n’être pas encore ministre, il m’apparaît, j’ai plaisir à le dire, comme une des grandes espérances de notre pays.
Quoi qu’il en soit, en toute occasion, et lorsqu’il rencontre des opinions de cette nature chez quelques-uns des personnages de l’histoire, Mézeray les touche évidemment avec plaisir et les fait valoir d’un mot. […] Il se donna le plaisir de tous ses défauts : c’est une des formes du découragement.
Et pour terminer ce petit épisode de Picard que j’ai introduit ici avec plaisir : on le voit donc, l’effort qu’au milieu de sa carrière tenta ce spirituel auteur pour atteindre à la haute comédie, fut manqué ; il livra sa grande bataille en cinq actes et en vers, comme je l’ai appelée, et il la perdit. […] Quelqu’un qui vous lirait sans vous connaître croirait, à cette expression, que vous avez été fait capucin ou trappiste malgré vous : car enfin votre emploi n’est pas celui que vous auriez voulu choisir, mais cette histoire est celle de presque tous les hommes ; j’en vois bien peu qui eussent fait par plaisir ce qu’ils sont obligés de faire par devoir.
Bachaumont était le fils d’un président à mortier au parlement de Paris, et il fut quelque temps conseiller clerc au même parlement, homme d’esprit avant tout et de plaisir, frondeur durant la Fronde, chansonnier sans prétention, et qui se convertit dans sa vieillesse. […] Dans le Voyage de Chapelle et Bachaumont, on mange beaucoup ; on mange dès le Bourg-la-Reine, et ainsi à chaque étape ; on se gorge, on s’empiffre, ce sont les termes, et c’est le plaisir ; la gourmandise rabelaisienne s’y montre dans tout son plein.
Celui-ci a certes de la joie, de la vivacité, des saillies à plaisir, et, en fait de philosophie, point de parti pris ; il est resté pour nous, dans certains morceaux, plus agréable que Saint-Lambert. […] Cowper, en terminant ce petit poème, indique tous les plaisirs innocents et encore bien nombreux qu’il permet à son solitaire et à son ami des champs, et il les résume par une image poétique, en disant que ce sont tous ceux « qui ne laissent aucune tache sur l’aile du Temps ». — Nous voilà loin de Saint-Lambert, de ses inspirations et de ses lectures, et c’est précisément cette distance que j’ai voulu faire mesurer aujourd’hui.
D’abord révolté, récalcitrant, ruant et fort roué de coups, voulant parler et crier à tous ce qu’il est, ce qu’il a sur le cœur, et ne parvenant qu’à braire, puis soumis et résigné, il n’a pas tardé à s’apercevoir que le plus sage pour lui est encore de faire son métier d’âne en conscience ; peu à peu, la curiosité aidant, il y prend presque plaisir et trouve çà et là, pour prix de sa patience, de petits dédommagements, jusqu’à ce qu’à la fin son mérite singulier le tire du pair et qu’il devienne un âne savant et tout à fait célèbre, un âne à la mode, un âne à bonnes fortunes. […] On ne relit pas assez cette charmante fable chez Apulée, qui est le seul et unique auteur de l’Antiquité qui nous l’ait transmise ; et c’est parce qu’on ne la relit pas chez lui, c’est parce qu’on la prend à des sources de seconde et de troisième main, que l’on s’en fait une fausse idée et qu’on s’en exagère la portée, le sens, en même temps qu’on s’en gâte le plaisir et que l’on en corrompt l’amusement.
Delécluze, qui a toujours eu le goût des procès-verbaux et des copies exactes, soit en dessin, soit en littérature, n’était pas fâché que Beyle se lançât et, selon lui, extravaguât beaucoup, afin d’avoir le plaisir d’écrire : le soir, à tête reposée, les conversations dont il nous donne les échantillons aujourd’hui dans ses Souvenirs, et qu’il nous représente comme des fantaisies folles : car sa marotte à lui, c’est la sagesse ? […] Le principe et le mérite du romantisme, selon sa définition familière et entre amis, est « d’administrer à un public la drogue juste qui lui fera plaisir dans un lieu et à un moment donnés » ; ce qui ne veut pas dire du tout que la drogue qui a réussi en un cas et dans un pays réussira également ailleurs.
Son plaisir comme son triomphe était de démêler des intérêts compliqués, de débrouiller des situations épineuses, de compenser et contrebalancer des influences, de ménager des mariages et alliances considérables, d’agiter enfin des desseins profonds dont rien ne se trahissait au dehors et ne venait déranger le dédain de sa lèvre ni obscurcir la calme sécurité de son front. […] Alors le bon Fray Juan Regia s’attendrit beaucoup : il commença à pleurer, et ce fut d’une voix entrecoupée par ses larmes qu’il répondit comme il put : “Que Votre Majesté vive durant de longues années, au plaisir de Dieu, comme nous le désirons, et qu’Elle ne veuille pas nous annoncer sa mort avant le temps !”
Nous arrivons à une période moins idéale et moins heureuse ; je n’en exagérerai pas à plaisir les laideurs ni les dangers. […] C’est à croire que la Nature, après avoir produit l’auteur des Maximes, c’est-à-dire le moins dupe des hommes, s’est fait un malin plaisir de lui opposer le plus parfait contraste dans un de ses rejetons et qu’elle a voulu prendre sa revanche dans la même famille.
Ce qui frappe le plus dans ce roman d’Émile, fait et publié par un auteur de vingt et un ans « qui a connu la souffrance à l’âge où les jeunes gens, en général, ne connaissent encore que le plaisir », c’est l’expérience précoce du monde, la connaissance anticipée des hommes. […] Le plaisir est un butin qui lui appartient ; partout où il le trouve, il s’en empare sans scrupules et en jouit sans remords.
Les nouvelles que vous voulez bien me donner des heureux progrès dans votre lien conjugal me font le plus grand plaisir, et vous voulez même presque me laisser l’espérance d’y avoir contribué par mes propos, qui étaient bien épurés par l’intention unique de cimenter par là les liens et le bonheur de deux personnes qui me sont si chères et précieuses. » Enfin le 19 décembre 1778, la reine accouche de son premier enfant qui sera Madame, duchesse d’Angoulême. […] Elle vivait, elle plaisait, elle se jouait aux enchantements de la vie : on n’écrit pas les riens, les mille inventions fugitives, les dissipations, les plaisirs.
C’est plaisir de voir entre ses mains la hardiesse et l’incomparable originalité de la critique allemande, tempérée et corrigée par l’esprit pratique anglais. […] Et tout cela (voilà le point essentiel) s’est passé avant Solon, avant Pisistrate, avant l’ère des écrivains, de temps immémorial, à cette époque légendaire, créatrice et spontanée, où la Muse dictait les chants à ses favoris, devant un auditoire ému, crédule, passionné, naïf, sans critique aucune, sans autre critérium à lui que sa curiosité et son plaisir.
Le ministre des États-Unis à Paris, Gouverneur Morris, témoin aussi impartial que bien informé, et qui est fort à consulter sur l’évêque d’Autun en 89, nous a montré ces trois jeunes gens, Narbonne, Choiseul et l’abbé de Périgord, formant une sorte de triumvirat à la mode, et se donnant la main pour arriver : « Ce sont trois jeunes gens de famille, hommes d’esprit et de plaisir. […] Talleyrand, qui avait déjà pensé aux Bourbons, mais qui n’eût point été fâché sans doute de ne pas en être réduit à leur merci, et qui aurait pu favoriser encore une combinaison de régence, prit alors son parti, et en quittant la salle du Conseil, clopin clopant, il dit au duc de Rovigo ces mémorables paroles où le bon sens, d’un air de négligence, se donne à plaisir tous ses avantages : « Eh bien !
Quand toutes les pensées de l’homme se rabattent vers la terre, le plaisir prend une valeur infinie. Or dans une société énervée par l’excès de l’exercice intellectuel et la pratique de la politesse, le plaisir est dans le sentiment ; on ne sait plus agir.
Là, les individus sont plus effacés, évitent de se mettre en évidence : ils agissent sur les âmes par la direction privée plus que par la prédication publique ; ils trouvent leur plaisir dans le sentiment de l’immense force collective dont ils participent, à laquelle ils contribuent par leur obéissance même, plutôt que dans le libre gouvernement de leurs facultés en vue de l’intérêt divin. […] Les conférences sur les vertus chrétiennes, la charité, la chasteté, la sainteté, celles de 1846 sur Jésus-Christ se lisent encore avec un plaisir qui va parfois jusqu’à l’émotion.
Or, bien que nous soyons, nous et le monde, dans un flux perpétuel, et qu’il y ait d’ailleurs quelque plaisir à changer (d’abord on jouit ainsi des choses en un plus grand nombre de façons, et puis cette faculté de recevoir du même objet des impressions diverses peut aussi bien passer pour souplesse que pour légèreté d’esprit), toutefois, et je le dis à ma honte, je n’ai pas assez changé dans cet espace d’une année pour avoir rien d’essentiel à ajouter à ce que j’ai dit déjà. […] Nous le renvoyons aux Trouilles, dans l’intérêt de son talent et peut-être, je suis affreusement sincère, pour notre plaisir.
C’est plaisir de voir celui qui a été le sujet de tant de phrases, en faire si peu. […] Il prolonge à plaisir un tableau qui, du technique, s’élève bientôt au moral dans des proportions gigantesques, et qui se couronne par la conquête de l’Hindoustan et la civilisation du cœur de l’Afrique.
Je me suis donné le plaisir de lire en même temps des pages correspondantes de Hume : on ne croirait pas qu’il s’agisse de la même histoire, tant le ton est différent ! […] Même lorsqu’il raconte, comme dans sa Vie de Washington, c’est d’une certaine beauté abstraite qu’il donne l’idée, non d’une beauté extérieure et faite pour le plaisir des yeux.
« Quels plaisirs surpassent ceux de l’esprit ? […] Il faut tout dire : quelques années après, Frédéric communiquait, un soir, de ses vers au professeur Thiébault, bon grammairien et académicien que lui avait procuré d’Alembert, et il se laissa aller par mégarde à montrer une épigramme très mordante qu’il avait faite contre d’Alembert lui-même : ce roi caustique n’avait pu se refuser au malin plaisir de noter quelque ridicule qu’il avait saisi dans ce caractère honorable.
Quand les dames de Saint-Cyr la pressaient dans sa retraite dernière d’écrire sa vie, elle s’en défendait, en disant que ce serait une histoire uniquement remplie de traits merveilleux tout intérieurs : « Il n’y a que les saints qui pourraient y prendre plaisir. » Et elle croyait parler humblement en s’exprimant ainsi. Mais il n’est pas besoin d’être saint pour prendre plaisir à ces ressorts secrets du cœur, qu’elle-même nous a assez franchement dévoilés.
Le jour de sa réception (23 novembre 1671), il fit un remerciement qui fut très goûté de la compagnie ; mais ces remerciements, bien que déjà oratoires, se prononçaient jusqu’alors à huis clos, et, comme on louait Perrault du sien, il répondit que, si son discours avait fait plaisir à Messieurs de l’Académie, il l’aurait fait à toute la terre si elle avait pu l’entendre ; il ajouta qu’il ne serait pas mal que l’Académie ouvrît ses portes les jours de réception, et qu’elle se fît voir dans toute sa parure. […] Il est un pur amateur qui dit son avis ; c’est son droit et son plaisir : L’agréable dispute où nous amusons Passera, sans finir, jusqu’aux races futures ; Nous dirons toujours des raisons, Ils diront toujours des injures45.
Je ne m’ennuie que quand on me force à les quitter, et je les retrouve toujours avec plaisir. […] Il y a plaisir avec les livres, quand on n’en fait point, et avec des amis, tant qu’on n’a que faire d’eux.
Il était temps que je finisse le mien ; ma vue se trouble le soir, je vois les objets doubles, surtout ceux qui sont élevés ou à l’horizon ; mais ma confiance est en Celui qui a fait la lumière et l’œil. » Il est dans le coup de feu de ses tableaux ; l’enthousiasme le prend lui-même en se relisant, et il jouit le premier des beautés qu’il va introduire : « Il y a eu des moments, s’écrie-t-il, où j’ai entrevu les cieux, éprouvant, à la vérité, dans ce monde, des maux inénarrables. » Il sent qu’il a le charme ; le vieux censeur théologien qu’on lui a donné est séduit lui-même, et n’a pu s’empêcher de dire que c’était divin, délicieux : « Je sais combien il faut rabattre de ces éloges, mais ils me font plaisir. […] Bernardin de Saint-Pierre, dont le plan embrassait « la recherche de nos plaisirs dans la nature et celle de nos maux dans la société », prenait ce beau monde par son faible, et le flattait, même en le critiquant.
La seule étude salutaire aux hommes est celle qui nous apprend à vivre avec eux, à les connaître, et celle qui contribue à notre conservation et à notre plaisir : je regarde les autres comme des jouets qui amusent les enfants. […] Cela commence à reprendre, et je vous avoue que j’ai du plaisir à voir reformer de nouveau cette armée que j’ai connue si bonne autrefois, que j’ai vu ruiner par des guerres sanglantes, et qui, comme un phénix, renaît de ses cendres.
Jamais, mon ami, nous ne nous embrasserons dans cette demeure antique, silencieuse et sacrée, où les hommes sont venus tant de fois accuser leurs erreurs ou exposer leurs besoins, sous ce panthéon, sous ces voûtes obscures où nos âmes devoient s’ouvrir sans réserve, et verser toutes ces pensées retenues, tous ces sentiments secrets, toutes ces actions dérobées, tous ces plaisirs cachés, toutes ces peines dévorées, tous ces mystères de notre vie dont l’honnêteté scrupuleuse interdit la confidence à l’amitié même la plus intime et la moins réservée. […] On a bien plutôt dit cela est beau ; cela est mauvais ; mais la raison du plaisir ou du dégoût se fait quelquefois attendre, et je suis commandé par un diable d’homme qui ne lui donne pas le tems de venir.
L’art tout entier est chose de luxe ; l’activité esthétique ne se subordonne à aucune fin utile ; elle se déploie pour le seul plaisir de se déployer. […] Vivre, c’est, avant tout, agir, agir sans compter, pour le plaisir d’agir.
Et je vous ai tant lu et tant aimé, cher écrivain, que je dois vous faire expier le plaisir que vous m’avez donné. […] Je crois inutile d’attendre le bon plaisir du Dictionnaire de l’Académie, qui se hâtera sans doute de définir le mot quand la chose n’existera plus.
pour ma part, je n’ai jamais été de ceux qui s’exagèrent à plaisir la puissance de l’esprit humain. […] D’ailleurs, excepté les plaisirs incroyables de la mystérieuse cohabitation qu’il goûte avec elle, je ne vois pas comment la philologie a payé à du Méril le dévouement de toute sa vie et le prix de ses facultés !
Si les plaisirs qu’elle a donnés sont vifs, comme ceux que donnent les enfants, les services qu’elle a rendus sont assez minces ; car les enfants n’en rendent pas. […] Et jamais il n’a mieux fait l’un et l’autre que dans ce livre, où, par le plaisir qu’il donne, quand on le lit, on oublie ce qu’il souffre, et où, quand on l’a lu, on se le rappelle avec admiration et tristesse !
Ce n’a été qu’un cri, ou plutôt une unanimité de cris de plaisir, de surprise et d’admiration. […] C’est toujours le même Mérimée, mais, comme je l’ai déjà dit, il est ici tout son roman, il est ici tout son sujet à lui-même, et je le lis, pour cette raison, avec moins de plaisir que le Vase étrusque ou Carmen.
« Le plaisir de revoir une personne exquise — dit Renan avec certitude — guérit », et même ressuscite, à ce qu’il paraît ! […] Et moi je ne sais pas, depuis le baiser de Judas, qu’il excuse, qu’il appelle, en larmoyant du plaisir de se reconnaître : le pauvre Judas !
Le poète de La Chanson des Gueux ne les peint pas que de par dehors, pour le seul plaisir de faire du pittoresque. […] Je dis que la Critique — la Critique littéraire, bien entendu, et non la Critique morale, qui n’a que faire ici, — peut prendre ce livre et l’écailler comme on écaille un poisson, et le racler du fil de son couteau et en retrancher, couche par couche, tout ce qui déshonore littérairement une telle œuvre, c’est-à-dire le gongorisme effréné, l’atroce mauvais goût, les bassesses ignobles et malheureusement volontaires d’expression, l’haleine des pires bouches, enfin tous les défauts dont l’auteur a fait comme à plaisir d’immondes vices, il restera et on trouvera, sous tout cela et malgré tout cela, un énorme noyau de poésie, résistant et indestructible, qui brillera de sa propre lueur dans l’histoire littéraire d’un siècle qui a des poètes comme Hugo, Vigny, Musset, Baudelaire et Lamartine, le plus grand de tous !
La grande ville exerce un attrait prodigieux, même sur les petites gens dont la vie est rude, fatigante, excédante ; elle possède un charme spécial, dont l’idée n’est pas nécessairement liée à celle de plaisir, mais qui consiste peut-être dans la perpétuelle activité où l’on se sent plongé, dans l’incessante distraction de l’esprit et des yeux qui n’aperçoivent plus aussi bien la fuite des jours, dans la facilité et l’urbanité des relations, dans leur fragilité même qui les renouvelle, en somme dans les moyens que l’homme y trouve d’échapper à lui-même. […] Ils n’ont pas pris la peine d’observer, ils ont suivi la coutume qui était de rire de la province pour le plaisir du Parisien.
La science était nouvelle pour lui ; pour la première fois, il jouissait du plaisir d’enseigner ; pour la première fois, il jouissait du plaisir de construire et d’abattre.
Ainsi raisonnent les hommes, quand, à l’alentour d’une table, souvent ils tiennent la coupe, et que, couronnant leur tête de fleurs, ils disent volontiers : Ce plaisir n’a qu’un moment pour les pauvres humains ; tout à l’heure il aura passé, et il ne sera pas permis de le rappeler jamais. » Cette fois encore un prélude avait retenti, non pas sans doute de la lyre sacrée, mais de cette corde mélancolique et douce que devait bientôt toucher Horace avec plus d’insouciance que de triste certitude, et en égayant son âme par les douceurs de la vie sans prétendre la convaincre qu’elle doit à jamais mourir. […] Lucrèce, presque seul, fut inspiré et égaré par ces temps affreux, alors qu’il passait du juste mépris d’un culte aussi corrompu que ses adorateurs à la négation d’une Providence qui permettait tant de crimes, et à l’apothéose du plaisir comme seul dédommagement des misères de l’homme.
Mais l’analyse de tous les sentiments du cœur humain est si admirable, il y a tant de vérité dans la faiblesse du héros, tant d’esprit dans les observations, de pureté et de vigueur dans le style, que le livre se fait lire avec un plaisir infini.
Juste Olivier4, et nous nous sommes donné le plaisir de dire pendant deux ou trois ans des choses justes et vraies sur le courant des productions et des faits littéraires.
Et je restai longtemps, longtemps sans la comprendre, Et longtemps à pleurer son secret sans l’apprendre, A pleurer de sa mort le mystère inconnu, Le portant tout scellé dans mon cœur ingénu… Et ce cœur, d’avance voué en proie à l’amour, où pas un chant mortel n’éveillait une joie, voilà comme elle nous le peint en son heure d’innocente et muette angoisse : On eût dit, à sentir ses faibles battements, Une montre cachée où s’arrêtait le temps ; On eût dit qu’à plaisir il se retînt de vivre ; Comme un enfant dormeur qui n’ouvre pas son livre, Je ne voulais rien lire à mon sort ; j’attendais, Et tous les jours levés sur moi, je les perdais.
La poésie, en se faisant simple auxiliaire à la suite des idées philosophiques, avait perdu ses qualités éminentes les plus énergiques et les plus châtiées ; Voltaire, son dernier représentant illustre, avait été son plus grand corrupteur L’entreprise de Chénier fut une œuvre d’étude et de long silence, pleine de secrets labeurs au sein d’une vie de plaisirs, et animée d’un profond amour de cette France, qu’il voulait doter de palmes plus rares.
Il est permis de croire qu’en mourant Walter Scott n’emporte pas de grande pensée inachevée ; son génie s’était épanché à l’aise et abondamment ; il avait assez dit pour sa gloire et pour nos plaisirs ; quoiqu’il n’eût que soixante-deux ans, il est mort plein d’œuvres et il avait rassasié le monde.
Cette littérature, sans autre but que les plaisirs de l’esprit, ne peut avoir l’énergie de celle qui a fini par ébranler le trône.
Je le dis pour mon plaisir.
Et, pour en revenir à Séverin Malapert, si la vie eût été plus large dans la petite maison de l’ancien agent voyer, il n’eût pas eu tant de plaisir à gagner, près du grenier, « la petite pièce, donnant sur les vignes, qui lui servait de dortoir et de cabinet de travail », et là, à relire ses poètes favoris et à rêver tout son soûl.
Ni la prière, ni la lecture des Livres saints, ni la joie austère d’instruire les enfants et d’évangéliser les humbles, ni les rencontres et les agapes cordiales avec les confrères, ni la nature qui est belle partout, même en pays plat, ni les plaisirs du jardinage, ni les promenades dans les champs, le bréviaire à la main, ni la fraîcheur des matins, ni la douceur des soleils couchants sur la lande, ne suffisaient à remplir cette âme inquiète.
On découvre que quelques-unes de nos plus grandes admirations nous ont été imposées ; que ce qui nous fait le plus de plaisir ou le plus de bien, ce ne sont pas toujours les œuvres reconnues et consacrées, mais tel livre moins célèbre, qui nous parle de plus près et pénètre en nous plus avant… Or, si chacun faisait ainsi, quel désordre !
Je ne l’attends point des grands écrivains, ni des autres ; et dès lors le bien qu’on m’apprendra d’eux me causera un plaisir mêlé d’un peu d’étonnement, mais la découverte de leurs défaillances ne leur fera aucun tort dans mon affection.
Il a publié lentement des sonnets sonores, enfin recueillis dans les Trophées, qui, par la fermeté du dessin, l’éclat des tons et la puissance du modèle, suggèrent un plaisir esthétique rival de celui qui est propre aux arts plastiques, et qui donnent souvent par l’accord de l’idée et de la forme le sentiment même de la perfection.
… Jean-Jacques raconte que, tout enfant, il allait se poster, à la promenade, sur le passage des femmes et que, là, il trouvait un plaisir obscur, mais très vif, à mettre bas ses chausses.
Le roi était tout-puissant sur la nation par sa gloire, par le noble usage qu’il faisait de sa gloire même : Molière était tout-puissant près du roi par le plaisir qu’il donnait à la cour, par la louange, par le concert de louanges que Racine et Boileau, ses jeunes amis, guidés par ses conseils et son exemple, prodiguaient à l’envi au monarque.
Je tâcherois de vous procurer quelque plaisir du même genre que celui dont vous venez de me régaler ».
Un certain Filistus, bel esprit de cour, prenoit plaisir à l’agacer continuellement dans la conversation, à lui faire venir la rougeur au visage, à le railler jusqu’en présence d’Auguste.
Ce monstre, qui souhaitait que le genre humain n’eût qu’une tête, pour avoir le plaisir de la couper, n’osa faire subir à Perse le sort de Lucain.
On a cru que Rousseau s’étoit fait l’entrepôt des plus affreux libèles anonymes, envoyés continuellement de Paris à son adresse, contre un homme qui ne s’occupoit qu’à procurer du plaisir & de la gloire à sa nation.
Cette petite aventure n’est point une fable : La Fontaine l’avoue lui-même par ce vers : Ceci n’est pas un conte à plaisir inventé.
Il est vrai, me dira-t-on, que les sujets ne sçauroient manquer aux poëtes tragiques, qui peuvent faire entrer dans une action des personnages ausquels ils donnent des caracteres faits à plaisir, et qui peuvent encore orner leur fable par des incidens extraordinaires inventez à leur gré.
Voilà pourquoi l’on habille aujourd’hui communément ces personnages de vêtemens imaginez à plaisir, et dont la premiere idée est prise d’après l’habit de guerre des anciens romains, habit noble par lui-même, et qui semble avoir quelque part à la gloire du peuple qui le portoit.
Mais les hommes nez pour être de grands peintres ou de grands poëtes, ne sont point de ceux, s’il est permis de parler ainsi, qui ne sçauroient se produire que sous le bon plaisir de la fortune.
Au contraire nous avons du côté du nord des voisins qui sont naturellement moins sensibles que nous au plaisir d’entendre de la musique. à en juger par les instrumens qu’ils aiment davantage, et qui nous sont presqu’insupportables, soit à cause du trop grand bruit qu’ils font, soit à cause de leur peu de justesse et leur peu d’étenduë, il faut que ces voisins aïent déja l’oreille plus dure que nous.
J’ai bien envie de me donner le plaisir d’une seconde addition.
C’est un plaisir de malice qui est très sec et très desséchant et qui rend l’esprit très aride.
n’ayant, elle, nulle préoccupation de faire cette construction enragée et endiablée qu’on appelle un livre, et ne voulant que se faire plaisir à elle-même et peut-être à nous, en écrivant ses Récits qui se trouvent finalement en être un.
Un pareil assemblage est une grande et belle idée : c’est là qu’on retrouve avec plaisir Corneille et Condé, Turenne et Racine, Pascal et Sully, Colbert et Descartes, Molière et le maréchal de Luxembourg, La Fontaine et Quinault, avec le président de Lamoignon et Duquesne.
-C.) est un excellent ouvrage de vulgarisation qu’on peut lire encore avec plaisir et avec fruit. […] Mais on a plaisir à constater que Rodin en est exempt. […] Ce plaisir est pour Spinoza si puissant, si profond, que c’est bien là ce qu’il nomme amour. […] Pierre Lasserre, on a plaisir à constater qu’il ne s’écarte pas dans la discussion du ton élevé qui convient à un philosophe et à un historien. […] N’éprouvait-il donc aucun plaisir à la laisser au moins transparaître, et souvent à la proclamer tout net ?
Celle-là saisit l’homme, non plus violemment par l’appât du plaisir immédiat, mais par la séduction de la tendresse. […] S’il continue à croire que ce plaisir est un des plus complets de ce monde, il sait aussi que ce n’est qu’une épilepsie de quelques secondes et qui se retrouve dans bien des conditions diverses. […] Dans l’entre-deux des cours, le collégien apprenait que les femmes, prétendues de plaisir, seraient, comme les camarades et les maîtres, des ennemies jurées de sa personne. […] C’est le désir d’un voluptueux, fatigué de ses plaisirs habituels et qui s’invente un sursaut nouveau des nerfs. […] Pour un tel homme, le cosmopolitisme ne sera plus uniquement un plaisir, ce sera une éducation.
On regrette que, pour le plaisir de bafouer Chateaubriand, un esprit aussi délicat que M. […] J’y ai pris autant de plaisir qu’il y a vingt ans. […] De là sa séduction unique, et pour notre plaisir, mieux vaut qu’il soit ainsi fait. […] Louis Bertrand conte souvent pour le plaisir de conter. […] Julien Benda non seulement avec le plus vif plaisir, mais encore avec une sorte de passion.
Assurément la végétation eût été plus belle et plus riche au mois de juin, et d’autre part j’aurais eu plaisir à me trouver à Roncevaux le 15 août, au jour anniversaire de la bataille ; mais, en somme, nous avons été favorisés dans notre visite par un temps exceptionnel en cette saison. […] Le chevalier prit le terme des neuf jours, mais ensuite il le prorogea au trentième, et ensuite au trois cent trentième, « car les plaisirs qu’il avait sans cesse étaient tels qu’un jour ne lui semblait pas une heure ». […] En 1453, un rimeur appelé Hermann de Sachsenheim écrivit un long poème sur la montagne enchantée où règnent tous les plaisirs dans un éternel printemps, et où Vénus tient sa cour avec son époux le Tannhäuser : cela suppose que déjà la légende existait avec ses traits essentiels. […] Et le temps venu, s’étant mis à table et ayant soupé, revenus près du feu, cuisant des châtaignes et discourant avec grand plaisir, Giano se tourna vers ledit hôte, et lui dit : « Comment vont les affaires ? […] Un an auparavant, Wieland avait imprimé dans le Mercure allemand son imitation de l’original, Des Vœgleins Lehren, qui se lit encore avec plaisir, mais ne vaut pas à coup sûr le vieux conte français.
La ville était aux pieds de l’enchanteresse, attendant son heure et son bon plaisir. […] Le public peut supporter facilement toutes les tyrannies, mais absolument il ne veut pas qu’on lui impose son admiration et ses plaisirs. […] Triste plaisir ! […] Il n’a pas de plus grande injure à adresser à cette belle créature qu’il offense en courant, sans plaisir, sans pudeur, sans probité. […] — Moncade : J’y souperai si cela lui fait plaisir !
ni haine, qui leur donne la colère, la transe ou le plaisir ? […] Je prends un plaisir détaché à cette petite fille inconsciente qui danse. […] J’écris quand cela me fait plaisir, mais en parler, non. […] Avec quel plaisir rare on s’abstrait de toute idée d’école ! […] Pourquoi donc allonger le vers à plaisir ?
Ne pouvant les condamner par son absence, l’Empereur protestait par son attitude contre les plaisirs de son peuple. […] Ses rares amours, si elle en eut avant Henri II furent toutes politiques : instruments de règne et non de plaisir. […] Car, à son lever, selon le jour qu’il est, il sçait quelles affaires il doit traiter, ou quels plaisirs il doit gouster. […] Cela lui a fait beaucoup de plaisir. […] Elle mangeait beaucoup et souvent, avec le plaisir animal qu’apportent à leurs repas les créatures solitaires.
Je me souviens d’avoir ressenti un plaisir violent en contemplant un mur de l’Acropole, un mur tout nu (celui qui est à gauche quand on monte aux Propylées). […] Mais est-ce à un public lettré, choisi, sensible aux détours subtils de l’âme de Bérénice ou d’Andromaque, de bouder si rare plaisir quand par hasard on le lui offre ? […] notre oreille déconcertée cherche vainement la mesure, et l’incertitude où vous la tenez lui enlève toute possibilité de plaisir. […] — Eh quoi, répliquons-nous, ne prenez-vous aucun plaisir à La Fontaine ? […] Nous accordons que le retour du même nombre forme un élément du plaisir que nous procure le vers régulier.
Il avait dressé, vivantes, des âmes qui créaient leur vie, sous le motif unique du plaisir ; et des âmes choisies, qui éprouvaient le seul plaisir — désintéressé — du conscient Orgueil. […] Nos amis nous sont une illusoire somme de plaisirs espérés. […] Ou bien accueillera-t-on la contradictoire idée d’un amour désintéressé (désintéressé du plaisir d’aimer) ; ou niera-t-on que l’amour commun des hommes est la réunion, seulement, de toutes nos affections particulières !
Il n’est permis à personne de confondre et de brouiller les notions nécessaires à expliquer l’homme dans la réalité de son être, fût-ce même pour faire honneur au génie de Shakespeare et plaisir à ceux qui l’aiment, mais cependant qui ne veulent pas l’aimer comme des idolâtres ou des fous ! […] Mais entre cette grandeur du plus grand des poètes dramatiques, et l’ubiquité dans toute grandeur dont voudrait le douer François Hugo, il y a bien quelques étapes à faire que ne font pas si vite ceux qui, au lieu de traduire officiellement Shakespeare, se contentent de le lire pour leur plaisir personnel ! […] Mais, disons-le pourtant, à côté de cette préoccupation qui n’est pas singulière du tout et qui est d’un bon fils qui voit partout la politique de papa, comme cette pauvre servante de curé voyait jusque dans la lune les humbles culottes de son maître, j’ai trouvé dans cette introduction nouvelle de François Hugo une indépendance et un détachement de-son auteur qui m’ont fort étonné dans mon jeune Bouddhiste shakespearien et qui m’ont causé un plaisir encore plus vif que la surprise. […] Faudra-t-il donc que Shakespeare, ce puits de vérité humaine, ait son azur incessamment troublé par les petits crachats de François-Victor Hugo pour l’innocent plaisir d’y faire des ronds ?
Qui ne ressentira un divin plaisir en ce corps mortel, lorsque nous contemplerons ce monde des nations, si varié de caractères, de temps et de lieux, dans l’uniformité des idées divines ? […] Tous les individus de ce peuple se sont isolés dans l’intérêt privé ; on n’en trouvera pas deux qui s’accordent, chacun suivant son plaisir ou son caprice. […] Ainsi les hommes isolés encore veulent le plaisir brutal, et il en résulte la sainteté des mariages et l’institution de la famille ; — les pères de famille veulent abuser de leur pouvoir sur leurs serviteurs, et la cité prend naissance ; — l’ordre dominateur des nobles veut opprimer les plébéiens, et il subit la servitude de la loi, qui fait la liberté du peuple ; — le peuple libre tend à secouer le frein de la loi, et il est assujetti à un monarque ; — le monarque croit assurer son trône en dégradant ses sujets par la corruption, et il ne fait que les préparer à porter le joug d’un peuple plus vaillant ; — enfin quand les nations cherchent à se détruire elles-mêmes, elles sont dispersées dans les solitudes… et le phénix de la société renaît de ses cendres. […] Vie pure et tranquille, plaisirs honnêtes et modérés, gloire et trésors acquis par le mérite, paix céleste de l’âme, (et ce qui est plus poignant à mon cœur) amour dont l’amour est le prix, douce réciprocité d’une foi sincère !
Il y a plaisir pourtant à rencontrer ce coin de saine et heureuse littérature conservé à la fin du xviiie siècle, et qui se transmet d’un maître indulgent dans un élève vigoureux. […] C’est ainsi qu’en multipliant à plaisir ses travaux, et en se créant avec une rare vigueur de pensée ces surcroîts et comme ces superfluités d’action et d’emploi au milieu d’occupations qui, seules, eussent absorbé tout autre, Daru, sans s’en douter, préludait à ce rôle qui devait l’illustrer un jour, celui d’administrateur de la plus forte trempe sous le capitaine le plus infatigable qui ait jamais existé.
Tu n’es point connue là où le Plaisir est adoré, cette chancelante déesse à la ceinture dénouée et aux yeux errants, toujours appuyée sur le bras de la Nouveauté, son volage et fragile soutien ; car tu es tendrement patiente (meek) et constante, haïssant le changement, et trouvant dans le calme d’un amour éprouvé des joies que les orageux transports ne donnent jamais. […] Quel que soit le lieu où j’aie entendu une mélodie pareille, la scène m’en revient à l’instant, et avec elle tous ses plaisirs et toutes ses peines.
Aussitôt qu’il est quitte d’une guerre si rude, il se réinstalle à Rheinsberg et s’y met à vivre de cette vie qui, sauf de courts intervalles, sera désormais la sienne, vie de luxe, de beaux-arts, de plaisirs raffinés, de conversation libre où les artistes étaient admis sur un pied de familiarité décente. […] Je vous remercie mille-fois du plaisir que vous me faites de vouloir vous prêter à mes désirs, et si le ciel pouvait être touché par nos vœux, je le prierais de répandre sur votre personne les bénédictions les plus précieuses.
Bailly… etc. » Suit tout une histoire grotesque composée à plaisir. […] Désabusée comme elle était, elle avait à craindre pourtant le grand ennemi des personnes qui ont vécu dans la société et qui se sont fait une habitude de la conversation, l’ennui. « Je voudrais, disait-elle, trouver quelqu’un qui calculât la vie et qui en fît le cas qu'elle mérite. » Oui, mais pour en causer avec ce quelqu’un et pour se donner le plaisir de dire ensemble que la vie n’est rien. « J’ai eu une destinée singulière, disait-elle encore : j’ai voulu être lettrée, et les lettrés m’ont paru ignorants ; femme du monde, et, outre la bêtise des gens du monde, c’est qu’ils ne savent pas vivre.