Dans les commencements de sa liaison avec Grimm, s’ennuyant de lui pendant une campagne qu’il faisait en Westphalie à la suite du maréchal d’Estrées (1757), excitée par les lectures qu’elle entendait, vers le même temps, des lettres de La Nouvelle Héloïse, elle eut l’idée d’écrire, elle aussi, une sorte de roman qui fut l’histoire de sa propre vie, et où elle ne ferait que déguiser les noms. […] Mais, avant tout, que je sache ce que vous pensez et quelles sont vos idées sur votre situation. » — « Hélas ! […] Il ne laissera plus désormais que l’idée d’un ami dangereux, d’un despote mordant, cynique et traîtreusement brusque. […] Elle eut un moment l’idée de la dévotion, et de prendre Dieu comme pis-aller ; mais un excellent ecclésiastique qu’elle introduit et qu’elle fait parler fort sagement, l’abbé Martin, n’eut pas de peine à lui démontrer qu’elle méconnaissait son cœur. […] Quelle justesse dans ses idées !
L’idée lui était venue d’écrire un roman, Le Gil Blas révolutionnaire ; mais il n’avait rien de cette imagination qui crée les personnages ou qui anime les détails. […] Il est permis de croire que, quand il s’adressait à l’époque assez peu étudiée de Louis XIII, avec le dessein de la poursuivre jusque sous la Fronde et de ne s’arrêter qu’à la mort de Mazarin, il était un peu conduit par le désir de contredire les idées communes, de faire justice de certaines préventions et de retourner du tout au tout certaines opinions consacrées. […] Mais il est du moins devenu impossible de se faire désormais une idée complète de cette époque de la Fronde sans écouter le témoignage, le rapport habile et si bien dressé de M. […] C’est ainsi du moins que ceux qui viendront après seront à même de prendre une idée de lui et de le reconnaître entre tant de gens également distingués, qu’on loue d’une manière uniforme et monotone. […] Bazin, plus large et plus naturelle, très curieuse de recherches, et laissant dans l’esprit du lecteur une idée plus nette des choses et des personnages.
C’est plutôt l’idée d’une personne accomplie. […] Cette raison saine, cet esprit sensé, mêlé à l’enjouement et au charme, il l’avait trouvé chez Ninon, et ce coin du portrait d’Émilie n’était pas du tout une pure idée imaginaire. […] Le portrait de Ninon, d’après Mlle de Scudéry, nous en donnerait pourtant une idée trop adoucie et affaiblie : elle avait bien autrement de verve, de saillie et de piquant. […] L’appétit est quelque chose dont je jouis encore… Cette idée d’appétit revient souvent entre eux et se mêle assez naïvement aux plus vives tendresses même de l’amitié : Que j’envie ceux qui passent en Angleterre, écrit Ninon, et que j’aurais de plaisir à dîner encore une fois avec vous ! […] Ne tenir plus à la vie que par le corps et sentir que ce corps diminue et dépérit chaque jour, c’est là l’idée générale qui règne dans cette correspondance des deux spirituels vieillards, et qui finit par affecter assez péniblement le lecteur.
Le sourire, que nous ne pouvons retenir à certains endroits où il abonde dans l’idée de sa gloire, expire bientôt sur les lèvres et fait place à un sentiment supérieur quand on sait qu’il faut, après tout, des ressorts à toutes les âmes, et qu’un prince qui douterait de lui-même, un roi sceptique, serait le pire des rois. […] L’idée de gloire, qui est inséparable de Louis XIV, s’y mêle, et, comme l’avenir aura un jour à s’occuper de ses actions, comme la passion et le génie des divers écrivains devront s’y exercer, il veut que son fils trouve là de quoi redresser l’histoire si elle vient à se méprendre. […] Pourtant, réduite et entendue dans un certain sens, cette idée a sa justesse : « Je ne crains pas de vous dire, écrit-il pour son fils, que plus la place est élevée, plus elle a d’objets qu’on ne peut ni voir ni connaître qu’en l’occupant. » Saint-Simon, que j’oserai ici contredire et réfuter, a dit de Louis XIV : Né avec un esprit au-dessous du médiocre, mais un esprit capable de se former, de se limer, de se raffiner, d’emprunter d’autrui sans imitation et sans gêne, il profita infiniment d’avoir toute sa vie vécu avec les personnes du monde qui toutes en avaient le plus, et des plus différentes sortes, en hommes et en femmes de tout âge, de tout genre et de tous personnages. Et il revient plusieurs fois sur cette idée, que Louis XIV n’avait qu’un esprit au-dessous du médiocre, mais qu’il était très capable d’acquérir et de se former, de s’approprier ce qu’il voyait faire aux autres. Il est une chose pourtant que Louis XIV n’eut à emprunter à personne et qui lui est bien originale, ce fut cet état, cette fonction réelle de souverain dont personne alors n’avait l’idée autour de lui, que les troubles de la Fronde avaient laissé dégrader et dépérir dans les esprits, et que Mazarin, même dans la restauration du pouvoir, n’avait que médiocrement relevée dans la révérence publique.
Beaucoup de ses lettres sont datées de la nuit ; il se levait quand une idée le dominait, et appelait un secrétaire de nuit, qui écrivait à l’instant. […] Il n’a pas craint quelque part de comparer crûment la charge des peuples à celle des bêtes de somme, qui doit être proportionnée à leurs forces : « Il en est de même, ajoute-t-il, des subsides à l’égard des peuples ; s’ils n’étaient modérés, lors même qu’ils seraient utiles au public, ils ne laisseraient pas d’être injustes. » Dans tout ce que j’aurai à dire de Richelieu, je m’attacherai à le faire avec vérité, sans parti pris, sans idée de dénigrement : on est revenu, par expérience, de cette idée-là, qui tendait à méconnaître et à déprimer en lui l’un des plus généreux artisans de la grandeur de la France. […] À quel point Montesquieu n’était-il pas imbu de l’ancien esprit parlementaire ou de l’idée philosophique moderne, le jour où il lui échappa une telle parole ! […] « Il fallait, en cette occasion, s’écrie Richelieu, mépriser sa vie pour le salut de l’État ; mais Dieu ne fait pas cette grâce à tout le monde. » Il revient souvent sur cette idée, que le courage qui fait entreprendre les choses sensées et justes dans l’ordre public est une grâce spéciale de Dieu ; et ce n’est point chez lui une forme de langage : évidemment il le croit. […] Richelieu n’est pas un philosophe ; ce haut esprit, qui est surtout un bon esprit armé d’un grand caractère, paie tribut aux idées et aux préjugés de son temps ; il parle en maint endroit comme croyant aux présages, aux horoscopes et aux sortilèges ; il est superstitieux : mais aussi il est sincèrement religieux, il croit au don de Dieu qui s’étend sur certains hommes destinés à être des instruments publics de salut : si les fautes commises envers les personnes publiques lui paraissent d’un tout autre ordre que celles commises contre des particuliers, les fautes de ces personnes publiques elles-mêmes lui semblent aussi plus graves et de plus de poids, eu égard à la responsabilité et à l’étendue des conséquences.
Quand il lui faut décrire un objet ou un ensemble, noter un dialogue, exprimer une idée, il ne tente pas de choisir, entre les termes exacts possibles, ceux doués de qualités communes indépendantes de leur sens, la sonorité et la splendeur comme chez Flaubert, le mouvement et la grâce comme chez les de Goncourt, la rudesse cladélienne ou la noblesse et le mystère de M. […] Il procède d’habitude par l’accolement, sans conjonction, de deux propositions à sens presque identique, qui redoublent l’idée, l’enfoncent en deux coups de maillet, et marchent puissamment dans un rythme balancé, jusqu’à ce que soit atteinte la fin du paragraphe, que M. […] Il est permis d’admettre qu’un esprit parvenu à ces sympathies, comparant leur objet — de pures idées — aux misérables éléments dont il est extrait — la réalité — se prenne de tristesse et de mépris pour l’imperfection et l’hostilité des choses, se sente irrité contre les vices mesquins et les vertus compromises des créatures vivantes, parvienne au pessimisme colère qui caractérise toute l’œuvre de M. […] Cesser tout à coup de penser les choses réelles, en détacher un caractère extrêmement compréhensible et ne plus concevoir les individus qu’en tant qu’ils participent de cet attribut métaphysique est le fait soit d’une intelligence spéculative et savante, soit parfois d’un styliste émérite, d’un homme au tour d’esprit verbal qui emploie inconsciemment la synthèse que les mots ont faits de nos idées générales. […] Enfin, il a conçu le premier, sans la réaliser, malheureusement, la grande idée que le roman ne devait pas être une étude individuelle, mais bien une vue d’ensemble où passerait la foule, où s’étalerait toute une époque, et qui, décentralisé et indéfini, engloberait tout un peuple, dans un temps et toute une ville.
La bio-sociologie de ces derniers temps, il est vrai, a tenté de rétablir l’équilibre entre les deux termes injustement dissociés, et des travaux considérables ont modifié les idées à cet égard. […] Le fait de la réunion cordiale d’hommes supérieurs de tous pays autour d’une question ou d’une idée, contient en lui-même une vertu inappréciable, dont l’influence ne peut pas ne pas se faire sentir. […] Il faut une propagande aussi active au service d’idées plus larges et plus vraies, si l’on veut un jour que la solidarité prenne la place de l’ignorance et de la haine réciproques. […] L’évolution profonde qui est en train d’élargir jusqu’à des limites encore incalculables le champ devenu trop étroit de nos conceptions traditionnelles, bouleversera inévitablement l’idée coutumière du nationalisme. […] 49 Ce que j’ai voulu mettre en lumière, c’est le fait de la montée à travers les consciences, d’un sentiment nouveau, celui de la solidarité humaine, toujours écrasé par l’idée mal comprise de patrie.
Ne lui parlez pas de ces idées complexes, ambiguës, où il entre du pour et du contre, de ces pensées entre chien et loup : ces nuances, ces crépuscules d’idées n’existent pas pour elle. […] Le jury était en partie composé de républicains, disait-on : il n’y avait donc pas eu de faveur dans la récompense ; et le front de l’artiste s’éclairait de satisfaction à l’idée de n’avoir pas seulement une qualité d’emprunt et de reflet, mais de valoir par soi-même quelque chose. […] On serait heureux d’avoir donné une idée, qui ne fût pas trop incomplète, d’une nature riche, loyale, généreuse, d’une personne qui, dans le plus haut rang, unit le don de beauté au feu sacré de l’art ; qui a le courage de ses pensées et le charme de ses sentiments.
Depuis lors, le fils du général Friant, dans une pensée de piété domestique, a publié une Vie militaire fort exacte de son glorieux père, auprès duquel il a servi lui-même durant des années, et il nous est maintenant permis de nous faire une idée précise du genre de mérite et d’héroïsme de ce modèle des divisionnaires. […] À la bataille de Sediman, où Mourad Bey à la tête de ses mameluks se brisait contre les carrés français, mais où un feu de quatre pièces tiré des hauteurs emportait bien des hommes, qui une fois tombés et laissés sur le champ de bataille étaient massacrés, le général Desaix, affligé de voir ces braves périr d’une mort horrible, eut un moment l’idée de rejoindre les barques pour les y déposer ; il demanda l’avis de Friant qui lui répondit aussitôt, en lui montrant les retranchements ennemis : « Général, c’est là-haut qu’il faut aller ; la victoire ou la mort nous y attend, nous ne devons pas différer d’un moment l’attaque. » — « C’est aussi mon sentiment, répliqua le général Desaix, mais je ne puis m’empêcher d’être ému en voyant ces braves gens périr de la sorte. » — « Si je suis blessé, repartit le général Friant, qu’on me laisse sur le champ de bataille ! […] Ceux qui ont servi sous le général Friant, questionnés sur ses mérites et qualités, nous ont donné de lui une idée que le colonel Michel, un d’entre eux, a résumée heureusement dans ce vivant portrait : Le général Friant, par son bon naturel, son excellent cœur, ses sentiments généreux, l’humanité qui le dominait, aimait ses soldats, les soignait comme ses propres enfants, vivant de leur vie, se mêlant avec eux, tout en conservant sa dignité ; il en était chéri et estimé au point que pas un d’eux n’eût balancé à sacrifier sa vie pour sauver celui qu’ils appelaient : Notre bon, notre brave père. — (Tombant mortellement blessé près de lui à la Moskowa, un voltigeur lui disait : « Mon général, voilà quatorze ans que je suis sous vos ordres ; votre main, et je meurs content […] L’empereur eut l’idée d’en récompenser un des trois anciens divisionnaires du maréchal Davout, et il désigna Friant.
Le grand Gœthe, le maître de la critique, a établi ce principe souverain qu’il faut surtout s’attacher à l’exécution dans les œuvres de l’artiste, et voir s’il a fait, et comment il a fait, ce qu’il a voulu : « Il en est beaucoup, disait-il, qui se méprennent, en ce qu’ils rapportent la notion du beau à la conception, beaucoup plus qu’à l’exécution des œuvres d’art ; ils doivent ainsi, sans nul doute, se trouver embarrassés quand l’Apollon du Vatican et d’autres figures semblables, déjà belles par elles-mêmes, sont placés sous une même catégorie de beauté avec le Laocoon, avec un faune ou d’autres représentations douloureuses ou ignobles. » Il y a donc, selon lui, une part essentielle de vérité, qui entrait dans les ouvrages des anciens, dans ceux qu’on admire et qu’on invoque le plus, et c’est cette part de vérité, cette nature souvent crue, hideuse ou basse, moins négligée des anciens eux-mêmes qu’on ne l’a dit, qu’il ne faut point interdire aux modernes d’étudier et de reproduire : « Puisse, s’écriait Gœthe, puisse quelqu’un avoir enfin le courage de retirer de la circulation l’idée et même le mot de beauté (il entend la beauté abstraite, une pure idole), auquel, une fois adopté, se rattachent indissolublement toutes ces fausses conceptions, et mettre à sa place, comme c’est justice, la vérité dans son sens général ! » En France et dans notre société, c’est moins encore l’idée de beauté que celle de morale qui fait ce même office de pavé accablant, et dont on s’arme sans cesse, qu’on jette à la tête de tout nouveau venu, avec une vivacité et une promptitude qui ne laissent pas d’être curieuses, si l’on songe à quelques-uns de ceux qui en jouent de la sorte. […] Feydeau l’idée, la situation et le talent, j’avais fait des réserves suffisantes ; mais, me souvenant de nos propres débuts, déjà si lointains, et des accusations, au moins exagérées, dont nous-même fûmes autrefois l’objet de la part d’adversaires prévenus, je ne saurais admettre que le meilleur moyen d’encourager ou de redresser un talent qui se produit soit de lui lancer d’abord un écritoire à la tête ou de le lapider. […] Il a déconcerté la plupart de ceux qui s’étaient fait à l’avance une idée de l’auteur ; s’attendant à trouver en lui un érotique, ils se rencontrèrent nez à nez avec un passionné et un byronien.
L’auteur, en commençant, ne se dissimule pas quel courage est nécessaire pour oser en pareil temps exposer des idées saines sur l’art dramatique : mais, en prenant la plume, il s’est résigné à subir les conséquences de sa témérité ; et dût la cabale ameutée immoler à son fanatisme la nouvelle pièce classique qu’il nous promet avant un mois peut-être, la vérité l’emporte, et il va la proclamer hautement. […] Que si, de cette espèce de 93 littéraire, on consent à se transporter en idée à l’âge d’or d’avant la Révolution, oh ! […] Il serait bien long et bien fastidieux de rétablir ici dans leurs termes nos propres idées si souvent exposées et pourtant si mal comprises ; il est à la fois plus simple et plus utile d’attaquer à notre tour la question traitée pat M. […] Si la rénovation du théâtre dans le sens des idées dites romantiques est impraticable en France, il faut s’en prendre à l’une ou à plusieurs de ces quatre causes : 1° notre constitution sociale, 2° le goût du public, 3° le manque d’auteurs, 4° le régime des théâtres.
Vous faites-vous maintenant une idée exacte du moi des psychologistes ? […] Les philosophes, moins humbles, ont insisté sur l’idée du château-fort ; ils ont affecté au moi, tel qu’ils croient le concevoir, une sorte de sérénité insouciante et la dédaigneuse immobilité d’une sentinelle qui se repose sur ses armes ; au haut de leur doctrine escarpée ils lui ont donné un air de confiance et de contemplation, mais en ne s’en tenant pas à l’apparence, en s’approchant de plus près, en mettant le doigt à travers le créneau, on reconnaît que ce mot imposant et vanté n’est rien qu’une froide pierre, une vaine statue. De l’idée que les psychologistes se font de la nature du moi, ils déduisent rigoureusement sa destinée. […] A l’origine, quand l’humanité naissante, venue je ne sais d’où, échappant à une vie antérieure et inconnue, sortant du non-moi au sein duquel elle avait été recueillie et transformée, se leva debout, secoua sa fange, se sentit à part, et fit en chancelant le premier pas dans sa nouvelle carrière de progrès, les choses durent se passer étrangement, et nous avons peine, de la hauteur où nous sommes aujourd’hui, à nous en représenter l’idée.
À l’époque où furent faites les annexions, on n’avait l’idée ni des limites naturelles, ni du droit des nations, ni de la volonté des provinces. […] L’homme était revenu, après des siècles d’abaissement, à l’esprit antique, au respect de lui-même, à l’idée de ses droits. […] Formée d’abord par la violence, puis maintenue par l’intérêt, cette grande agglomération de villes, de provinces absolument différentes, porte à l’idée de race le coup le plus grave. […] Nous touchons ici à un des problèmes sur lesquels il importe le plus de se faire des idées claires et de prévenir les malentendus.
Taine n’a pas assez vu qu’une œuvre n’est point caractérisée par les traits qui lui sont communs avec les autres productions de la même époque et par les idées alors courantes, mais aussi et surtout par ce qui l’en distingue ; cette école n’étudie pas assez la personnalité des œuvres, leur ordonnance intérieure et leur vie propre. […] Pour bien comprendre une œuvre d’art, il faut se pénétrer si profondément de l’idée qui la domine, qu’on aille jusqu’à l’âme de l’œuvre ou qu’on lui en prête une, de manière à ce qu’elle acquière à nos yeux une véritable individualité et constitue comme une autre vie debout à côté de la nôtre. […] Une œuvre d’art est d’autant plus admirable qu’elle éveille en nous plus d’idées et d’émotions personnelles, qu’elle est plus suggestive. […] Le critique idéal est l’homme à qui l’œuvre d’art suggère le plus d’idées et d’émotions, et qui communique ensuite ces émotions à autrui.
Riccoboni donne la déclamation théâtrale pour cause de la plupart des fausses idées que nous avons du véritable héroïsme. […] Dans la conversation, on se communique ses idées pour ainsi dire de bouche à bouche ; mais, sur le théâtre, il faut garder les proportions de la perspective : c’est-à-dire qu’il faut « que l’expression de la voix soit au dégré de la nature, lorsqu’elle parvient à l’oreille des spectateurs ». […] On ne chicane Riccoboni sur aucune des choses sensées qu’il dit par rapport à la différente manière de débiter un sermon, un panégyrique, une oraison funèbre ; mais on n’approuve point son idée de vouloir qu’il en fut des prédicateurs, comme des artistes & des ouvriers, qu’on admet à l’essai, & auxquels on n’accorde l’exercice public de leur profession qu’après avoir fait preuve de talent. […] Nous n’avons plus, il est vrai, Bourdaloue, La Rue, Massillon ; mais l’idée qui nous reste de leur débit peut tenir lieu de leçons : chacun avoit le sien propre, toujours assorti aux lieux, aux temps, aux circonstances, aux auditeurs, au stile, & au sujet du discours.
Si placé au fond d’un puits, vous n’en voyiez qu’une petite portion circulaire, vous ne tarderiez pas à vous réconcilier avec mon idée. […] C’est, ou je me trompe fort, de l’espace immense qui nous environne, du silence profond qui règne dans cet espace et d’autres idées accessoires dont les unes tiennent à l’astronomie et les autres à la religion. […] L’idée de Deshays n’est pourtant pas sans mérite, non. […] Mais suivez cette idée, et les détails vous en feront bientôt sentir toute la vérité.
Dans ces idées, Paris restait pour lui une ville impossible, où la misère avait trop beau jeu. […] Donc, sous peine de froisser l’art dans un de ses principes les plus susceptibles, ne séparons jamais la forme de l’idée. […] On entrevoit à l’arrière-plan, au milieu des arbres, une ville orientale (Bethléem sans doute) avec ses fortifications crénelées. — Pour le moment, Joseph est fort occupé à tresser une couronne de fleurs sauvages pour amuser le petit Jésus : ce détail familier, avec de tels personnages, n’est-ce pas là une idée touchante et hardie ? […] et avec quelle profusion l’idée flotte sur cette forme !
Franz, de déshonorer un homme, on le déshonore bravement, — à ses risques et périls, — en le nommant et en signant le déshonneur qu’on lui inflige… Certainement, dans nos idées, à nous, qui ne sommes pas Cosaque, cela ne serait ni très noble, ni très fier, ni, dans le cas présent, très pudique ; mais cela serait effréné, sauvage, téméraire, à fond de train dans la vengeance, cosaque enfin ! […] Tout cela est tombé dans les idées communes, même au théâtre ! […] Tuer un homme endormi, après possession préalable, bien entendu, — une idée qui a passé dans la tête, et jusque dans la main de la dame cosaque d’aujourd’hui, car son poignard était déjà levé, quand l’homme menacé se réveilla ; — le tuer, cet homme endormi qui avait été à tant de femmes, pour qu’il ne fût plus à personne, n’est pas une idée d’originalité très cosaque, mais du plus vieux, du plus usé et du plus plat romanesque de partout, à cette heure, sotte et folle, de ce beau monde civilisé !
Et comme tout se tient dans les sociétés, dans les idées et dans le langage, et que le désordre introduit quelque part amène le désordre partout, si les comédiens des sociétés modernes et chrétiennes sont mis là où la bassesse romaine et païenne mettait avant leur mort les empereurs, sous qui elle tremblait, où ces sociétés mettront-elles leurs vrais grands hommes, — ceux qui honorent, éclairent et servent la patrie, et, quand il le faut, meurent pour elle ? […] Mais comment pourrait-on caractériser de manière à en donner l’idée la critique du feuilleton dramatique, non seulement en ce qui regarde les pièces, mais en ce qui regarde le comédien et la comédienne, ces demi-dieux auxquels on rend le plus bouffon des cultes, dans son sérieux et dans sa bonne foi ? […] Même dans Rome éperdue et perdue, dans Rome devenue la corybante de ses arènes et de ses jeux, une pareille idée ne put effleurer ces cerveaux corrompus, mais qui avaient appris dans la loi romaine la majesté du père et du magistrat domestique : Pater familias. […] Cette idée devait venir plus tard.
et rapprochement dont l’idée nous vient tout à coup. […] Seulement, pourquoi n’a-t-il pas compris également, poussé par la logique de ses idées, que la famille donnant d’abord, comme à Rome, l’organisation politique, c’était une inexorable conséquence que l’institution politique se moulât sur la famille, sur cette énergique unité de la puissance paternelle, et que la racine de toute monarchie, pour un temps donné, était là ? […] Malgré tout ce qu’il y avait de largeur politique dans l’esprit d’Auguste, il n’avait point eu l’idée d’une institution qui permît de faire arriver à l’Empereur l’expression de ce que les provinces attendaient de son gouvernement et de sa justice. […] Si l’auteur des Césars avait creusé, comme il le pouvait mieux que personne, les idées sur l’Empire que nous touchons à peine ici, il eût fait mieux encore (quoiqu’on ne puisse plus s’y méprendre) saillir les différences ou les analogies qu’il y a entre nous, modernes et chrétiens, et la vieille société romaine.
Il ne serre pas assez l’idée qui en est le sujet. L’idée de ce livre, en effet, c’est la tolérance religieuse. […] Il l’acclame et il la proclame ; mais, dans l’intérêt de son idée, il finit par ne plus voir qu’elle dans l’Histoire… Il s’est livré à une distraction que je crois plus réfléchie qu’involontaire, et c’est à l’aide de cette distraction qu’il a cherché à l’avance une généalogie pour une idée qui n’en a pas.
Resté un enfant dans la vie, comme, du reste, cette promptitude à la colère le prouve bien, car il n’y a d’hommes forts que les sangs-froids ou les sangs-froidis, — à qui le monde appartient, disait Machiavel, — resté un enfant, comme un poète de métaphysique, par l’esprit, et un prêtre par le cœur et les habitudes (les prêtres sont toujours des enfants quand ils sont descendus de l’autel), Lamennais n’avait pas grand goût pour la réalité qui le blessait souvent, qui le faisait bondir de souffrance, cette sauvage hermine de Bretagne, et il s’en détournait, se retirant violemment en lui-même, les yeux retournés en dedans et attachés sur une idée, — une idée qui fut la vérité pendant une moitié de sa vie et une erreur pendant l’autre moitié, — mais qui, dans tous les temps, a suffi aux ardeurs et aux aspirations de cette âme désintéressée ! […] Ce que nous avons voulu, nous, simplement indiquer, c’est qu’il y avait dans ce livre posthume des qualités et un accent qu’on ne connaissait pas à Lamennais, et qui le faisait différer de lui-même, tout en y ajoutant… La Correspondance de Lamennais répondra, pour les réfuter, à deux idées communes : la première, que cet ardent tribun de l’Église d’abord et ensuite de la démocratie, traité dernièrement encore de pessimiste, de malade et de furieux, par quelqu’un qui se porte très bien probablement, eut une âme ambitieuse et ulcérée ; et la seconde, que l’esprit, cette chose svelte, retroussée, légère, n’entrait pour rien dans la composition de son talent surchargé, grandiose et pompeux. […] On y verra, du moins, qu’il n’était pas, comme homme, le violent d’âme et de passion égoïste comme on l’avait fait, et que, comme talent, il n’était pas non plus uniquement le violent de couleurs, de mouvement et d’idées, dans lequel on a vu trop exclusivement son génie.
… Je ne sais rien de lui, sinon qu’il est professeur, comme il nous l’apprend, du reste, dans le titre même de son livre, et qu’il a, malgré son nom allemand, la précision française du langage, et un mépris très français aussi pour les idées allemandes… Il range, en effet, Kant et Hégel — mais trop en passant, il est vrai, — parmi les sophistes dont il écrit l’histoire. […] Funck Brentano, qui devrait croire à la philosophie puisqu’il la professe, le sophiste n’existe point en soi… Le sophiste, c’est toujours un philosophe dépravé qui déprave une philosophie antérieure, qui abuse de cette philosophie, qui en fausse le principe, les idées, le langage, et cela est vrai si la philosophie est elle-même une vérité. […] a choisi l’Angleterre pour y chercher et y trouver des modèles de sophistes contemporains, et il en a pris deux, — les plus gros actuellement de ce pays, — Stuart Mill et Herbert Spencer, — lesquels n’ont pas même la qualité, si commune en Angleterre, de l’originalité, et qui sont venus demander le peu qu’ils ont d’idées à la France. […] … Il parle beaucoup d’idées contingentes et nécessaires, que la Sophistique de tous les temps a pour habitude ou pour calcul de confondre.
Supérieurs — quelques-uns, du moins, — par le sentiment aux tristes et secs théoriciens du rationalisme, ils ne valent pas mieux quant aux idées et lorsqu’on les force à descendre dans le fond des choses. […] Il laisse les choses du sentiment dans lesquelles il excelle, pour exprimer des idées générales de cette force et de cette largeur. […] Par ses convictions, en effet, par son éducation, par ses idées, c’est un philosophe qui a parfaitement conscience de lui-même, tandis que, par ses facultés, c’est un catholique qui s’ignore. […] Or, supposez pour un moment qu’à ces facultés et ces qualités de talent qui tiennent à une âme où le sentiment surabonde et pourrait devenir si aisément de la foi, l’auteur de la Famille eût réuni le catholicisme d’idées, de préoccupation, d’admiration, le catholicisme doctrinal qui maîtrise si bien la vie et l’esprit de ceux qui y croient et qui l’aiment, ce livre éloquent serait devenu un chef-d’œuvre.
La seule composition qu’il y ait, en effet, dans une œuvre si peu combinée, c’est sa conduite en ligne droite jusqu’au dénouement, et le dénouement, qui doit être l’émotion suprême et en même temps l’idée du livre, agrafant l’esprit et ne Lâchant plus le souvenir. […] Eh bien, demandez à ces livres palpitants l’émotion passée, demandez-leur l’idée qu’ils résument et expriment par leur conclusion même ! Cette idée, vous pourrez la traduire et vous en rendre compte en deux mots. […] Vous n’avez pas l’idée.
Il n’a, lui, ni ces idées, ni ce mouvement, ni cette flamme ! […] Aussi, dans Le Diable boiteux, publié avant Gil Blas, et dont l’idée et les premiers chapitres appartiennent à Luis Velez de Guevara, Le Sage peignit-il (si cela peut s’appeler peindre ?) […] Le feuilleton, c’est le fait-Paris qui vient souffleter l’idée, le sentiment, l’observation, au nom de l’amusement des imbéciles qui ne comprennent ni l’observation, ni le sentiment, ni l’idée, et qui ne se passionnent puérilement que pour l’inattendu des circonstances et le hasard bête des événements.
Paul Féval l’a dédoublée et détriplée ; et de cette épopée dernière des temps prosaïques et civilisés, il a dégagé une spécialité de roman dans lequel l’intérêt des faits qui se succèdent l’emporte sur l’intérêt des idées et des sentiments. […] j’allais presque dire prostitué), il a parfois touché avec une main moderne, et qui n’est pas la gourde main de ce chiragre de Le Sage, à la passion, au sentiment, à l’idée, à toutes ces choses qu’on ne peut pas plus rejeter entièrement du roman que de l’âme humaine. […] Dans Aimée, où il essaya de faire autre chose que de l’aventure, dans Le Drame de la Jeunesse, plus réussi, et où il révéla ce qu’il pourrait être, s’il voulait énergiquement remonter vers les hautes et profondes régions du roman ; dans Le Drame de la Jeunesse, où il reprit l’idée d’Aimée — l’influence des livres et du théâtre sur la pensée et la moralité modernes, l’altération du naturel par les réminiscences littéraires, la pose, la comédie éternelle jouée entre nous et Dieu, et qui nous empêche d’avoir l’originalité même de nos vices et de nos douleurs, — il poussa au comble du suraigu cette ironie15 qui est le caractère de son esprit et le symptôme de sa force, et qui pourrait faire de M. […] Féval pourrait se garder des dangers de la production trop facile, en portant et eu creusant longtemps ses idées, et surtout, surtout en renonçant à un genre de composition qui abaisse la portée de son talent.
Les procureurs du roi de chefs-lieux d’arrondissement et même les présidents de cour sont émus et correspondent avec l’auteur pour lui soumettre leurs idées et discuter les siennes ; il répond dans les Débats très-officiellement et sans rire à ces missives qui lui donnent un caractère respectable et qui servent à couvrir son jeu. […] Sue est d’ailleurs un assez bon garçon (good fellow,) qui ne prend pas trop au grave sa bonne fortune de grand homme ; il ne se donne pas pour un écrivain, mais pour un homme à idées et à combinaisons romanesques, ce qui est vrai. […] Il en a rapporté son idée de roman maritime, par où il a débuté.
Mais, si toutes les conséquences de l’art nouveau ne sont pas tirées, s’il reste encore des applications possibles au gré des génies inventeurs, si, parmi les idées en jeu dans la société, il en est quelqu’une, noble et féconde, qui attende encore son organe éclatant et son expression éternelle, rien ne s’arrête ; la révolution que les uns ont entamée se consomme par d’autres, et le siècle accomplit jusqu’au bout sa destinée de gloire. […] Si par malheur vous comprenez peu et que vous n’aimiez guère la poésie ; si vous n’avez pas reçu de la nature le sens délicat de la mélodie, le goût exquis du chant, et que vous vous trouviez embarrassé pour apprécier directement le mérite d’un poète, écoutez-le une demi-heure parler en prose ; et si sa prose est molle, vide d’idées, sans éclat, sa poésie court grand risque d’être elle-même pauvre, pâle et chétive ; osez-le ranger impitoyablement parmi les versificateurs. […] Sans cela, cet article avait naturellement et logiquement, dans l’ordre d’idées exprimées au-dessus, sa place à la suite de celui-ci.
Dans la destruction complète de l’ancien régime, trop d’intérêts et de croyances étaient blessés ; dans le triomphe des idées nouvelles, trop d’enivrement de victoire et de vengeance gagnait et débordait de jour en jour. […] Ce qui nous fâche et nous étonne, c’est que des jeunes hommes qui semblaient pleins d’âme et d’avenir, d’une intelligence étendue et exercée, plus propre sans doute à spéculer qu’à agir, s’étant imaginé de tout temps qu’ils auraient, dans une révolution, à jouer le rôle de Girondins, se figurent probablement que l’heure est venue, et, par une étrange illusion, s’arrêtent, non pas devant des échafauds à dresser (nous n’en sommes pas là encore, et on abolira peut-être la peine de mort en attendant), mais devant les conséquences à tirer de leurs idées politiques. […] Au reste, les conséquences des bonnes idées ne manquent pas ; assez d’esprits logiques les déduiront ; et, malgré les fausses vues, les indécisions et les intérêts qui viendront à la traverse, notre révolution pacifique d’aujourd’hui aura son cours, ainsi que l’autre révolution turbulente a eu le sien, il y a quarante ans.
Chapitre V Le vocabulaire médico-esthétique Le mot — est-il admis — reste distinct de l’idée qu’il enferme. […] Répertoire complet des mots par les idées et des idées par les mots.
Quand les parents aiment assez profondément leurs enfants pour vivre en eux, pour faire de leur avenir leur unique espérance, pour regarder leur propre vie comme finie, et prendre pour les intérêts de leurs enfants des affections personnelles, ce que je vais dire n’existe point ; mais lorsque les parents restent dans eux-mêmes, les enfants sont à leurs yeux des successeurs, presque des rivaux, des sujets devenus indépendants, des amis, dont on ne compte que ce qu’ils ne font pas, des obligés à qui on néglige de plaire, en se fiant sur leur reconnaissance, des associés d’eux à soi, plutôt que de soi à eux ; c’est une sorte d’union dans laquelle les parents, donnant une latitude infinie à l’idée de leurs droits, veulent que vous leur teniez compte de ce vague de puissance, dont ils n’usent pas après se l’être supposé ; enfin, la plupart ont le tort habituel de se fonder toujours sur le seul obstacle qui puisse exister à l’excès de tendresse qu’on aurait pour eux, leur autorité ; et de ne pas sentir, au contraire, que dans cette relation, comme dans toutes celles où il existe d’un côté une supériorité quelconque, c’est pour celui à qui l’avantage appartient, que la dépendance du sentiment est la plus nécessaire et la plus aimable. […] La base principale d’un tel lien, l’ascendant du devoir et de la nature, ne peut être anéanti ; mais dès qu’on aime ses enfants avec passion, on a besoin de toute autre chose que de ce qu’ils vous doivent, et l’on courre, dans son sentiment pour eux, les mêmes chances qu’amènent toutes les affections de l’âme : enfin, ce besoin de réciprocité, cette exigence, germe destructeur du seul don céleste fait à l’homme, la faculté d’aimer, cette exigence est plus funeste dans la relation des parents avec les enfants, parce qu’une idée d’autorité s’y mêle, elle est donc par la même raison plus funeste et plus naturelle ; toute l’égalité qui existe dans le sentiment de l’amour suffit à peine pour éloigner de son exigence l’idée d’un droit quelconque ; il semble que celui qui aime le plus, par ce titre seul, porte atteinte à l’indépendance de l’autre ; et combien plus cet inconvénient n’existe-t-il pas dans les rapports des parents avec les enfants ?
Création spontanée du peuple, elle est à son image et pour son besoin : langue de la vie quotidienne, de l’usage pratique et de la sensation physique, langue de rudes soldats, de forts paysans, qui ont peu d’idées et ne raisonnent guère. […] Dès le moyen âge, la séduction de nos idées et de nos écrits fait délaisser à des étrangers leur langue nationale pour la nuire ; le Florentin Brunetto Latino, au xiiie siècle, se fera une place parmi les prosateurs français comme au xviiie le Napolitain Galiani et le Prussien Frédéric. […] Elle disputera au latin les matières de science haute et ardue ; elle prétendra au privilège de traduire les plus graves et les plus nobles idées : histoire, morale, philosophie, théologie, science, tous les genres lui appartiendront un jour, et son extension coïncidera avec l’étendue de l’esprit français.
On reproche à son œuvre le romanesque ; et le fait est qu’il y en a beaucoup, et de deux sortes : celui de l’action et des personnages et celui des idées. […] Pour l’autre romanesque, celui des idées… eh bien ! […] Son style même, ample, aisé, frais et plein, ne se recommande ni par une finesse ni par un éclat extraordinaire, mais par des qualités qui semblent encore tenir de la bonté et lui être parentes… George Sand a été une matrice pour recevoir, un peu pêle-mêle, les plus généreuses idées.
Renan, l’Avenir de la Science (Pensées de 1848) est un in-octavo de plus de cinq cents pages compactes, un répertoire et comme un « trésor » de toutes les idées que M. […] Paul Bourget, mal lu par les gens du monde et traduit sans finesse dans leurs conversations, a-t-il contribué sans le savoir à répandre cette idée d’un Renan sceptique et dilettante. […] Et, d’autre part, vous pouvez constater que cet esprit est celui de son œuvre entière et que, dans les trente volumes qui la composent, il n’y a pas une seule idée d’importance qui ne soit au moins en germe dans ce livre qu’il appelle plaisamment « son vieux pourana ».
J’aurais dû m’apercevoir que la tristesse secrète de notre ami n’avait rien de concerté et n’avait rien de délicieux ; j’aurais dû deviner chez lui le rongement d’une idée fixe, le ravage continu d’une épouvante. […] Les contes où « il a peur » comme le Horla et une demi-douzaine d’autres dont les titres m’échappent n’étaient point des fantaisies ; non plus que, dans Bel Ami, la description du détraquement lent d’un cerveau par l’idée ininterrompue de la mort. Pierre, dans Pierre et Jean et le héros de Fort comme la mort, et celui de Notre Coeur, durant ses promenades dans la forêt de Fontainebleau, nous montrent à quel point le travail d’une idée fixe, altérant sans cesse, pour celui qui en est possédé, les rapports habituels des choses, le peut rapprocher de la folie.
Les riches ont généralement des goûts grossiers et attachent l’idée de bon ton à des choses ridicules ou de pure convention. […] La ploutocratie, dans un autre ordre d’idées, est la source de tous nos maux, par les mauvais sentiments qu’elle donne à ceux que le sort a faits pauvres. Ceux-ci, en effet, voyant qu’ils ne sont rien parce qu’ils ne possèdent pas, tournent toute leur activité vers ce but unique ; et, comme pour plusieurs cela est lent, difficile ou impossible, alors naissent les abominables pensées : jalousie, haine du riche, idée de le spolier.
Un enchaînement de contradictions révoltantes, où la Nature se ment à elle-même, à chaque page ; un chaos de raisonnemens absurdes, dont il ne résulte que des idées vagues, détruites par des observations les plus simples ; un renversement général de toutes les institutions ; un réchauffé des délires de tous les anciens Philosophes ; en un mot, un assemblage monstrueux d’inconséquences & d’atrocités. […] Si malheureusement la Postérité devoit juger de notre Siecle, par l’idée qu’un tel Livre est capable d’en donner, balanceroit-elle à croire que nous avons renchéri sur ce que les Siecles barbares peuvent offrir de plus monstrueux ? […] La vue des désordres qui naissent de l’indépendance, n’est-elle pas un nouveau motif pour ramener à la soumission & faire comprendre qu’elle captive nos idées, non pour les contraindre, mais pour les arrêter au moment de l’erreur ?
La liberté serait dans ses idées comme dans ses actions. […] Son œuvre, prise dans sa synthèse, ressemblerait à la terre ; des productions de toute sorte, une seule idée première pour toutes les conceptions, des fleurs de toute espèce, une même sève pour toutes les racines. […] L’auteur pense que tout poëte véritable, indépendamment des pensées qui lui viennent de son organisation propre et des pensées qui lui viennent de la vérité éternelle, doit contenir la somme des idées de son temps.
Charpentier fut si enchanté de la fortune de son livre, qu’il en donna promptement avis au comte de Bussy, dans une lettre où il lui disoit : « J’ai présentement d’illustres sectateurs, & je ne pouvois pas espérer un plus heureux succès de mon opinion, que d’avoir fait résoudre le roi d’effacer les inscriptions latines de tous les tableaux historiques de la grande gallerie de Versailles, & d’y en mettre de Françoises, comme il y en a présentement. » Il est certain que les idées de cet académicien, zélé pour notre langue, contribuèrent beaucoup à la faire employer pour les tableaux de la gallerie de Versailles ; mais il ne l’est pas moins aussi, que les inscriptions qu’il donna furent effacées. […] Mais en est-il une dans le monde, qui puisse exprimer toute la variété de nos idées & de nos sensations, toutes les nuances dont elles sont susceptibles ? […] Chez elle, tout est image : d’un seul mot, on peut rendre plusieurs idées.
Son livre, néanmoins, parut un attentat contre les idées reçues en Italie. […] Combien les modernes ont-ils d’idées inconnues aux anciens ? […] L’un & l’autre n’ont souvent rien de commun avec les idées que les mots représentent littéralement.
Consacrés par les siècles, ces poèmes ont reçu du temps une espèce de sainteté qui justifie le parallèle et écarte toute idée de profanation. […] Le grec ne porte qu’une idée politique et locale, où l’hébreu attache un sentiment moral et universel. […] Dans la Bible, au contraire, le plus haut sublime provient souvent d’un contraste entre la grandeur de l’idée et la petitesse, quelquefois même la trivialité du mot qui sert à la rendre.
La ressemblance des idées que le poëte tire de son génie, avec les idées que peuvent avoir des hommes qui se trouveroient être dans la même situation où ce poëte place ses personnages, le pathetique des images qu’il a conçûës avant que de prendre la plume ou le pinceau, font donc le plus grand mérite des poëmes, ainsi que le plus grand mérite des tableaux. C’est à l’intention du peintre ou du poëte : c’est à l’invention des idées et des images propres à nous émouvoir, et qu’il met en oeuvre pour executer son intention, qu’on distingue le grand artisan du simple manoeuvre, qui souvent est plus habile ouvrier que lui dans l’execution.
Il en fait tour à tour le plus grand poète et le plus pathétique vulgarisateur de choses abstraites qui ait jamais existé Cette faculté d’assimilation, ou d’imprégnation, qui est à un degré si déplorable dans Cousin, — et qui le transforme tour à tour en éponge qui boit tout ou en cuvette dans laquelle on mêle tout, idées et systèmes, — cette faculté d’être un Grec, deux Écossais, trois Allemands à la fois, et de ne pouvoir parvenir à être un homme, exalte l’admiration effrayante de Wallon et lui inspire ces incroyables arabesques de louanges et ces perfides lacs d’amour de l’éloge qu’il trace autour de son nom… C’est là ce qui lui fait verser sur cette grande tête, dévouée aux… flatteries, assez de couronnes pour l’accabler. […] Pour qu’il tombe de plus haut et qu’il se brise mieux, il l’élève ; puis, quand il l’a mis au plus haut de ses facultés exagérées, il le précipite dans cette conclusion (page 129) : « Il est le modèle achevé, pour ainsi dire idéal, de ces riches et pauvres natures, communes à toutes les époques, mais qu’il était donné à notre xixe siècle de mettre en pleine lumière… qui sont à la fois sincères et fausses, aptes et inaptes à tout, font le bien avec ardeur, le mal avec passion, aiment l’idée pour l’idée, l’art pour l’art, et, sublimes égoïstes, se prêtent toujours pour ne se donner jamais.
Dès ce jour, Mme Vauquer, née de Conflans, qui avait alors quarante-huit ans effectifs et n’en acceptait que trente-neuf, eut des idées. […] Ses illusions d’enfance, ses idées de province avaient disparu. […] Ces idées l’assaillirent au milieu des champs, pendant les promenades que jadis il faisait gaiement avec ses sœurs, qui le trouvèrent bien changé. […] Elles me tiennent si bien à l’âme, que j’avais idée que vous les verriez ce soir. […] Mes sœurs s’amusaient et criaient ; j’entendais leur lointain tapage comme un accompagnement à mes idées.
Boschot est un poète plein d’idée et d’idées poétiques.
Ses amis conviennent, & il en est convenu lui-même, que l’inexpérience de la jeunesse, la trop grande fermentation des idées, la liberté des pays où il écrivoit alors, l’ont entraîné dans des assertions sur la politique, que sa raison plus mûre a condamnées ensuite. Puisqu’il s’est rendu ainsi justice à lui-même, on ne doit pas le priver des louanges qu’il mérite, pour les vues profondes, les pensées vives, les critiques justes, & sur-tout pour la maniere nerveuse & précise avec laquelle il y exprime toutes ses idées.
On ne peut s’empêcher de trouver trop de gaieté dans son Amusement Philosophique sur le Langage des Bêtes : le ton qu’il y prend, sort un peu trop des bornes prescrites à la gravité de son état ; mais on peut dire en même temps que cette Dissertation agréable, dont on ne doit pas adopter toutes les idées, est la production d’un esprit aimable & pétillant, qui égale Fontenelle pour le talent de revêtir les choses les plus sérieuses des graces du badinage & de la légéreté. […] Il n’a pas prétendu sans doute qu’on l’en crût sur sa parole ; une pareille décision donne une idée trop foible de son jugement & de sa Littérature, pour être adoptée par ceux qui connoissent combien cette Société a été féconde en bon Littérateurs.
On a osé nous donner pour la perfection philosophique cette misérable situation, qui n’est que le résultat de confusion des idées & de l’affaissement de la raison. […] Les Voyages de Cyrus ne méritent pas les mêmes éloges, mais donnent l’idée d’une érudition très-étendue, d’une morale judicieuse, & sont écrits d’un style dont la noblesse & le sentiment forment le caractere principal.
Le succès de Béwerley ne prouve autre chose que la corruption des idées, du goût, & des mœurs du Siecle. […] Il paroîtra singulier que cet Apologiste, après avoir employé tant de raisonnemens pour le justifier, parle ensuite de sa conversion, de maniere à donner une idée peu favorable de sa droiture.
De tout ce qu’il a écrit [& le nombre de ses Productions est assez considérable], le seul Ouvrage qui lui ait donné de la célébrité, est son Livre des Mœurs ; nouvelle preuve que la plupart des Esprits de ce Siecle n’ont cru pouvoir se faire un nom qu’en s’écartant des routes ordinaires, & en débitant des systêmes opposés à toutes les idées reçues. […] L’expression est heureuse ; mais ces Messieurs devroient savoir que, si cet Auteur, réprouvé parce qu’il est décent, honnête, raisonnable dans la plupart de ses sentimens, n’a pas mérité d’être célébré par eux, comme tant d’autres, il n’en a pas moins le mérite d’écrire d’une maniere bien supérieure aux Auteurs de la Philosophie du bon sens, du Code de la Nature, du Christianisme dévoilé, & de tant d’autres rapsodies aussi insupportables par l’extravagance des idées, que par la bizarre contexture du style.
quelle richesse d’objets et d’idées ! […] Il est fait pour tourner la tête à deux sortes de gens ; son élégance, sa mignardise, sa galanterie romanesque, sa coquetterie, son goût, sa facilité, sa variété, son éclat, ses carnations fardées ; sa débauche, doivent captiver les petits-maîtres, les petites femmes, les jeunes gens, les gens du monde, la foule de ceux qui sont étrangers au vrai goût, à la vérité, aux idées justes, à la sévérité de l’art ; comment résisteraient-ils au saillant, au libertinage, à l’éclat, aux pompons, aux tétons, aux fesses, à l’épigramme de Boucher.
Sérieusement, ç’a été une idée heureuse et bien conçue, d’embrasser un groupe naturel, un groupe de famille, qui offre à la fois des traits frappants de ressemblance et une agréable variété. […] Il a été publié de ses lettres ou dépêches durant ces années un assez grand nombre pour qu’on puisse se faire une idée nette du caractère et des qualités qu’il y montra. […] Comprendre quelque chose au jeu de la machine, avoir la moindre idée de la constitution anglaise, impossible ! […] On se confirma dans l’idée que la France avait envoyé du premier coup ce qu’elle avait de mieux. […] C’est ce qu’a fait de mieux le duc de Nivernais, et ce qui donne le plus l’idée d’un Chesterfield français en sa personne.
Mais les idées de goût qu’on se formait alors allaient à faire envisager comme sauvage et barbare tout ce qui, en pittoresque, était l’opposé de la culture savante et régulière de Versailles. […] Une idée fixe l’occupait et le passionnait au milieu de cette vie aventurière, dans laquelle son caractère ombrageux et sa position mal définie lui donnaient de perpétuels déboires. […] Le succès en fut prompt et immense ; l’influence croissante de Rousseau et des idées de sensibilité et de religion naturelle avait préparé les esprits à saisir avidement de telles perspectives. […] L’esprit était très-éveillé aux idées nouvelles de science en 1784 ; la chimie, la physique, allaient changer de face par les travaux des Laplace et des Lavoisier. […] Sans parler du poète Robbé qui se mêlait d’avoir des idées là-dessus, plus d’un chaud partisan se déclara pour le système des marées, la fonte des glaces, l’allongement du pôle.
Par là, la vie mondaine, échappant au formalisme frivole, eut un caractère profondément intellectuel ; les salons furent comme des marchés d’idées, où les échanges ne languissaient pas, et la fonction propre de l’homme du monde fut la conversation. […] Enfin l’esprit castillan s’est offert à nos courtisans dans une idée que dégageaient, non plus les fictions des livres, mais les vies réelles ou légendaires de quelques individus comme Villamerliana : idée de politesse héroïque et de gravité hautaine même dans la facétie. […] Sa poésie amoureuse est d’une finesse abstraite, et transpose avec une exquise précision le sentiment en idée. […] Tout cela était fort bien : mais il fallait du génie pour traduire ces idées, et c’est ce qui manqua. […] Voilà où en est Scudéry, et où ils en sont tous, et cette idée éclose dans les écoles philosophiques de la Grèce, pieusement recueillie par les chrétiens pour absoudre les chefs-d’œuvre parfois embarrassants de l’épopée païenne, sera consacrée par le docte père Le Bossu dans un inepte traité que Boileau estimera.
Victor Hugo, car la critique s’en préoccupe fort, ne sont pas gens pour cacher leurs affections ou leurs idées, parce qu’elles sont sincères, pures et réfléchies. […] Hugo n’a pas innové moins hardiment dans la langue que dans les idées et les systèmes littéraires. […] D’année en année, il révélait une nouvelle face de son talent et en même temps un certain ordre d’idées. […] L’idée que Didier se fait de Marion devient Marion même. […] que d’idées remuées !
L’esprit ne peut sortir de lui-même ; et les choses qu’il croit extérieures à lui sont, uniquement, ses idées. […] L’idée qu’il a voulu suivre, apparaît nettement, dès l’abord. […] La Société Wagnérienne a été fondée avec grand succès, et partout une appréciation plus juste des idées Wagnériennes commence à se montrer. […] Quel effet maintenant l’idée Wagnérienne a-t-elle eu sur nos compositeurs ? […] Il reprend cette idée wagnérienne que les arts, pris isolément, ne peuvent exprimer la totalité de la vie.
Et voici encore une belle idée. […] Des idées originales, c’est M. […] Racine avait-il des idées ? […] Quelle étrange idée des valeurs se fait donc M. […] Les idées libérales, qu’on a longtemps appelées les idées françaises, gardent leur prix.
Quelle diable d’idée possède le vieux rebbe, de vouloir marier tout le monde ! […] — Mes idées ne sont pas drôles, répondit David gravement, elles sont justes. […] « Les enfants ont de drôles d’idées, dit l’anabaptiste. […] C’est étonnant que le père Christel et la mère Orchel, qui n’ont pas quatre idées dans la tête, aient mis ce joli petit être au monde. […] Comme les idées d’un homme changent en trois mois !
N’avons-nous pas nous-mêmes bouleversé toutes nos anciennes idées sur la décence extérieure et sur l’élégance des costumes ? […] L’enthousiasme chevaleresque couvre ce qu’il y a de gigantesque et d’extravagant dans l’idée de résister seul, dans sa tente, à toute l’armée des Grecs. […] Racine a supprimé sagement cette idée d’une mortelle qui reconnaît la supériorité du fils d’une déesse : idée très froide pour nous, qui n’admettons point de race divine, mais qui pouvait plaire aux Grecs. […] Le poète français n’a pas cru devoir employer l’idée du danger que peut courir Clytemnestre dans un camp prêt à se soulever, et il a bien fait, ce n’est qu’une idée secondaire ; le grand danger de Clytemnestre et de sa fille vient de l’oracle qui demande le sang d’Iphigénie, et de l’ambition d’Agamemnon prêt à le répandre. […] Cette idée ne lui serait pas venue, si la pièce eût toujours été également méprisée à la ville.
Mais Mably et Daunou avaient là-dessus des idées qui paraissent, aujourd’hui, singulières. […] n’y a-t-il pas des contradictions, des hiatus dans la suite des idées ? […] Ce sont les faits psychiques (vulgairement appelés sentiments et idées). […] Cette répugnance, est métaphysique, elle naît d’une idée préconçue sur la direction du monde. […] C’est l’idée fondamentale de l’Esprit des lois de Montesquieu.
Daudet, ce soir, est repris de son idée de la fondation d’une revue qui s’appellerait la « Revue de Champrosay » où il serait prêt à mettre cent mille francs, et où il grouperait autour de lui notre monde, dont il payerait la copie, comme aucun directeur ne l’a fait jusqu’ici. […] L’idée est bonne, et avec le magasin d’idées que possède Daudet, il ferait un excellent directeur de revue. « Mais pourquoi le titre de « Revue de Champrosay » ? […] Aujourd’hui, où je sais un interviewer à la cantonade, je jette rapidement sur le papier les idées que je veux développer. […] Il déclarait que lui, resté un fervent catholique, sur cette terre, il sentait un peu mourir chez lui l’idée religieuse, ne croyant plus que Dieu pût s’intéresser à la prière de l’animalcule qu’il lui semblait être, en cette poussée incessante et ce fourmillement de création ! […] Daudet est surtout très frappé de la quantité et du bouillonnement des idées, dans le livre de son fils.
Institution sociale d’abord, elle est devenue par la suite un simple fait de conscience individuelle ; un état d’âme, une idée et un sentiment intérieurs ; elle s’est individualisée de plus en plus57. […] Il n’en est pas moins vrai que l’idée religieuse n’exclut pas certains sentiments antisociaux ou même qu’elle les favorise.
C’est l’idée qu’on se forme de Charron à la lecture de ses Ouvrages. […] Il est vrai que la manière de procéder de Charron peut présenter d’abord l’idée de Scepticisme aux esprits superficiels ou intéressés ; mais il est aisé de prouver qu’il n’a jamais douté de la Religion qu’il professoit ; qu’au contraire son intention a toujours été de la défendre.
C’est l’idée fixe. […] Ses idées sur l’Afrique plaisent au maréchal ; sa manière de mener les Arabes en paix comme en guerre lui convient. […] On ne se fait pas d’idée de cela à Paris. […] C’est alors qu’on en vint ou qu’on en revint à l’idée d’un débarquement en Crimée. La Crimée était d’abord l’idée favorite du maréchal, le joyau dont il rêvait.
Il y a dix ans on accordait l’originalité des idées, la puissance de l’orchestration ! […] Elle est, en effet, aujourd’hui, dans le monde, le grand agent de la dernière initiation à cette chose, dont très peu de gens ont une idée, — le Wagnérisme. […] Mais il ajoute que cette intuition de l’Idée dans la musique ne serait pas possible, si l’on n’avait, déjà, par la conscience, une intuition subjective de cette Idée. […] Le Rêve, où l’esprit parvient au plein éveil de cette conscience intérieure, peut donner l’idée de ce qu’est la musique. […] D’ailleurs, un regard jeté sur le jeune homme eût suffi pour enlever à tout prince l’idée d’en faire son maître de chapelle.
Laisné qu’est venue la première idée de remplir ce devoir public envers son grand-oncle, et de lui faire décerner cet honneur31. […] Était-ce pour l’auteur de Cleveland, du Doyen de Killerine et de Manon Lescaut, que ces dignes gens se mettaient en fête, ou bien par reconnaissance pour la famille d’administrateurs municipaux, d’échevins, de magistrats héréditaires, dont le souvenir se lie dans leur idée à celui d’une bienveillance constante et d’une équitable protection ? […] Il y a une trace de respect humain : vers la fin, dans la première version, le chevalier Des Grieux était montré comme sur la voie de la pénitence dans le sens chrétien et dans l’idée de grâce, et comme se livrant entièrement aux exercices de la piété. […] On ne comprend pas, disait quelqu’un, que l’abbé Prévost ait eu l’idée d’une pareille histoire. C’est qu’il n’en a pas eu l’idée : il l’a sue, il l’a sentie, il l’a racontée.
Eh bien, la comtesse de Grammont est une des correspondantes spirituelles de Fénelon, non pas précisément une de ses pénitentes ; pourtant il semble être celui qui contribua le plus à la ramener et à la fixer aux idées de religion, et ce ne fut que lorsque Fénelon fut retiré à Cambrai et dans l’exil que la comtesse revint à ses anciens errements de Port-Royal et à se déclarer ouvertement de ce côté : jusque-là, et tant que Fénelon avait été à sa portée, elle se contint dans une voie moyenne. […] Qu’il y ait eu dans la doctrine des derniers stoïciens, d’Épictète même et de Marc-Aurèle, un commencement de cette manière de concevoir l’affranchissement de l’esprit, je ne le nierai pas ; mais une telle pensée n’a eu son éclaircissement entier et son accomplissement que dans le christianisme et dans l’idée de Dieu qu’il est venu révéler au monde. […] L’idée de Dieu, c’est-à-dire d’une cause supérieure et première qui nous domine et nous environne, est une idée toute naturelle et selon la perspective humaine de tous les temps. Il arrive seulement que cette idée varie dans son mode et dans ses degrés.
Qu’on veuille songer à ce qu’était autrefois, et il n’y a pas longtemps encore, parmi nous la réputation de Dante et l’idée qu’on se formait de son poème. […] Sans doute il le sentit plutôt en artiste qu’en philosophe ou en historien ; il le prit plutôt par le style que par l’ordre de ses idées ; il méconnut le théologien ; il négligea le côté tendre, suave même et idéalement amoureux ; il ne l’aborda que par L’Enfer, ne le suivit point au-delà, et y laissa ses lecteurs comme si ç’avait été le vrai but. […] Mais il fallait d’autres introducteurs encore que ceux-là pour apprivoiser à l’idée de Dante. […] Amoureux dès l’âge de neuf ans de la jeune Béatrix, qui n’en avait que huit, Dante conserva toute sa vie le culte inconcevable de cette ardeur qui semblerait fabuleuse si elle n’était d’accord avec les idées raffinées qui se professaient en cet âge chevaleresque. […] On est revenu de l’idée de trouver dans les œuvres du passé, fût-ce même dans les chefs-d’œuvre, des modèles parfaits d’idéal et de pure et facile beauté.
En 1833 il alla à La Chesnaye en Bretagne, où M. de Lamennaisw avait eu l’idée de fonder un établissement d’études religieuses pour servir le catholicisme ; mais l’esprit du maître commençait déjà à se diriger ailleurs, et il allait aspirer à faire des élèves tout différents. […] Son centaure, vieilli et contristé, déclare au visiteur humain qui le consulte que, pour être allé avec tant d’ivresse et de fougue et avoir tant pressé et tourmenté l’immense nature, il n’a pas surpris le grand secret et n’a rien arraché à la nuit des origines ; qu’il a senti seulement le souffle errer, sans saisir le sens ni les paroles, et que l’incompréhensible est pour lui le dernier mot comme le premier. — Mais je n’ai pas à analyser ici les productions de Guérin ; il me suffit d’en rappeler l’idée et d’en provoquer le réveil : ses œuvres complètes, on nous l’annonce enfin, vont paraître, prose et vers, lettres et fragments d’art, grâce aux soins des mêmes amis qui se sont voués à l’honneur de son nom et à la conservation de sa mémoire. […] La solitude fait cela ; il y vient des idées qui ne ressemblent à rien du monde, inconnues, jolies comme des fleurs ou des mousses. […] C’est cette idée qui désormais l’environne et qui ne la quittera plus. […] « Rien que les larmes, disait-elle, font croire à l’immortalité. » — Et de ses lectures : « Ce n’est pas pour m’instruire, c’est pour m’élever que je lis. » Mlle de Guérin, dans sa piété de plus en plus épurée, caressait pourtant une idée encore terrestre, c’était de voir recueillis en un volume les productions, les essais trop épars de ce frère chéri et qui, tout à la poésie, n’avait pas eu le temps de songer à la gloire.
J’en dois l’idée à l’un de mes confrères à l’Académie, au noble général historien M. de Ségur, qui lui-même en avait été très frappé dans une lecture récente. […] Il y eut depuis, sur la liste des Quarante, plus d’un personnage revêtu de cette éminente dignité militaire, les maréchaux de Richelieu, d’Estrées, de Belle-Isle, de Beauvau ; mais il fut le premier maréchal de France qui, en possession du bâton, eut cette idée gracieuse sous Louis XIV de vouloir être de l’Académie. […] Le père de Villars dans sa jeunesse, par sa tournure ou ses sentiments, donnait à ses enjouées contemporaines l’idée de cet intéressant personnage, et le nom lui en était resté. […] La guerre entre l’empereur et le Turc, comme on disait, ayant recommencé, Villars eut l’idée d’y aller tenter prouesse. […] Son gouvernement de Fribourg lui donne occasion d’aller visiter les entrées des montagnes Noires : « Il ne les trouva pas d’un accès si difficile que l’on le publiait, et dès ce temps-là il prit des connaissances qui lui furent utiles dans la suite. » Le roi lui demande même des mémoires sur les projets de guerre qu’on peut former : Villars les lui remet en audience particulière ; le roi les lit et l’assure que c’est avec plaisir, et qu’il en comprend les conséquences et l’utilité : mais comme celui qui pensait n’était pas à portée d’être chargé de l’exécution, qu’il y avait trois maréchaux de France destinés au commandement de l’armée d’Allemagne, et que, d’ailleurs, le ministre de la guerre (c’était alors Barbesieux) était ennemi déclaré du marquis de Villars, ses idées ne furent point suivies.
Nous avons à rappeler l’idée même et le sujet de l’important travail qu’il vient de mener à fin. […] Sous l’empire de ces idées de bon sens, il se fit peu à peu, dans l’esprit exclusif de ses concitoyens, un assez grand changement pour qu’après lui, en 1738, on pût voir, dans la cité calviniste par excellence, s’élever une église, — non pas catholique (ne demandons pas l’impossible) —, mais une église luthérienne. […] Il s’était appliqué à se bien connaître lui-même, et il savait aussi le train du monde, le cours des idées, le fin des choses. […] Tout a changé dans Genève, tout s’est transformé ; après un âge brillant, qui a recommencé et même surpassé en mouvements d’idées les beaux jours du xviiie siècle, une autre révolution s’est produite ; la face des choses a été renouvelée ; là comme ailleurs, le flot du grand nombre débordant, ce qui était relativement l’aristocratie a perdu son petit empire. […] Mais faut-il donc, pour cette république studieuse et intelligente, parce qu’elle est devenue démocratique dans sa forme, dans son ménage intérieur, lui faut-il renoncer à l’idée de voir sortir désormais de son sein des continuateurs et de dignes héritiers de ces hommes qui ont exercé sur leur temps une action si suivie, si salutaire, qui ont rempli dans le monde savant une telle fonction, plus efficace et plus utile encore que brillante ?
Il n’avait pas seulement du courage, il avait du coup d’œil, des idées, du brillant ; il séduisait à première vue. […] Il avait montré comment une bonne armée se crée et s’organise, il nous montre aujourd’hui comment elle se fond et se défait ; on sait mieux, après l’avoir lu, ce qu’il faut entendre par ces mots de corruption et de décadence ; on s’en fait une trop juste idée, en même temps qu’on sait aussi faire la part des exceptions, de la valeur, du désintéressement et de l’intégrité, qui se personnifient en quelques nobles figures, même aux plus tristes moments de cette monarchique histoire. […] Le comte de Gisors étudiait de près les hommes, les institutions ; il fut guidé et piloté à certains jours en Angleterre par Horace Walpole, qui garda de lui la meilleure idée, et qui, en apprenant sa mort, écrivait : « Je suis très chagrin de la mort du duc de Gisors ; il m’avait été recommandé quand il vint en Angleterre. […] Pour en donner une faible idée, il suffira de dire que le comte de Gisors, un colonel exemplaire, a pour lui vingt-trois chevaux, sept de plus que ne portait l’ordonnance, et que le maréchal n’a pas moins de vingt-huit secrétaires, dont Grimm était un : qu’on juge parla du reste. […] Rousset, je ne crois pas que la poésie soit de trop pour ajouter à l’idée de son héros parfait une dernière auréole et pour projeter sur cette intéressante figure je ne sais quel reflet d’une imagination attendrie.
Mais, sans chicaner pour un titre, et en allant au fond des choses, je demanderai au poëte laquelle des sept pièces lui a été inspirée par une idée haute et grande ? […] Schiller n’a fait sur Colomb qu’une douzaine de vers, et il y a mis une grande idée : « Courage, hardi navigateur ! […] Les noms seuls de Camille, de Tullius et des vieux Romains lui viennent à la bouche, et il est loin en idée de la patrie des Mirabeau, des Barnave et des Camille Jordan. […] On s’est trop habitué de nos jours à mettre l’idée de force dans le coup de collier d’un moment et dans un va-tout ruineux. […] Les caractères ont du dessin ; ils se détachent bien, ils se détachent trop en ce sens qu’ils représentent trop chacun une idée, une partie du système politique, un ressort.
Franchissez les parenthèses, sortez des deux ou trois apologues qui compliquent le chemin, il y a dans cette préface non seulement de gracieux détails, mais une idée juste. […] Loin de moi l’idée que l’écrivain littéraire puisse rester indifférent à de certaines heures, qu’il puisse venir parler au public en des jours d’émotion universelle sans laisser lui-même éclater ses vœux, ses émotions, ses sympathies généreuses ! […] J’essaierai pourtant de donner idée de ce récit souvent interrompu, dont l’inspiration dans les meilleures parties me paraît être de faire sentir tout ce qu’il y a de frais, de léger, de fugitif et d’oublieux dans la jeunesse. […] Ils sont partis, ce semble, pour une promenade au bois ; mais, à eux comme à l’auteur, l’idée vient en marchant, et ils vont plus loin sans songer seulement à se retourner et sans s’être dit qu’ils iraient plus loin. […] Combien j’en retrouve en idée de ces chapitres piquants, de ces petits chefs-d’œuvre sur tous les auteurs du jour, sur tous les romanciers en vogue, sur tout ce qui a passé, chanté, jasé, voltigé au théâtre !
En sortant du Temple, si on ose se former l’idée de ces mystères de la douleur, il me semble que la vie comme l’âme de Madame Royale était achevée dans ce qu’elle avait d’essentiel ; elle était fermée du côté de l’avenir : toutes ses sources et toutes ses racines étaient désormais dans le passé. […] Madame Royale n’en eut jamais l’idée ni le soupçon. […] Une pareille idée d’opposition ne se présentera jamais, je puis l’assurer, à celui qui viendra de relire le simple récit chrétien et humain de Madame Royale au Temple. […] Mme d’Angoulême, obéissant à l’impulsion du sang maternel, eut l’idée d’une résistance ; et, pour l’organiser, elle fit tout ce qu’on pouvait attendre d’un noble et viril caractère. […] Elle aurait considéré comme une profanation et comme un sacrilège l’idée de faire de son malheur et de celui des siens, de sa vertu et de l’intérêt respectueux qu’elle inspirait, un moyen de politique, de succès et d’attrait, même pour ce qu’elle croyait la bonne cause.
Tout s’ouvrait à la joie, à la galanterie, aux idées de gloire et d’amour, et aussi à l’esprit qui y avait part : car, à peine Madame fut-elle mariée et se fut-elle détachée de la reine sa mère qui la gardait à ses côtés, « ce fut une nouvelle découverte de lui trouver l’esprit aussi aimable que le reste ». […] Le roi, qui précédemment avait peu souri à l’idée de l’épouser, « connut, en la voyant de plus près, combien il avait été injuste en ne la trouvant pas la plus belle personne du monde ». […] Lorsqu’il eut été exilé dans son diocèse, Madame ne cessa de lui écrire et de désirer, de demander son rappel ; cette instance même allait contre le but : Le roi, dit Cosnac, crut que Madame ne pouvait pas conserver un si violent et si continuel désir de mon retour, sans que nous eussions ensemble de grandes liaisons, et sans que je lui fusse fort nécessaire ; et ces liaisons, selon les idées qu’on lui en avait données, lui paraissaient une cabale formée, qu’on ne pouvait détruire avec trop de soin. […] Il faut rendre à Cosnac cette justice qu’il ne s’y laissa point éblouir, et qu’il vit surtout dans cette idée ce que nous y voyons aujourd’hui, un haut témoignage de l’estime de Madame : « Quelque ambitieux qu’on m’ait cru dans le monde, je puis dire avec sincérité que ce qui me flattait le plus dans cette lettre, c’était d’y voir l’augmentation de l’amitié de Madame. […] Il faut, pour justifier mon dévouement à cette princesse, et pour ma consolation, que je trace une légère idée de ses vertus.
La principale idée bien conçue doit exercer son despotisme sur toutes les autres. […] Ce n’est pas assez que tu aies voulu que celui-ci fît telle chose, celui-là telle autre ; il faut encore que ton idée ait été juste et conséquente, et que tu l’aies rendue si nettement que je ne m’y méprenne pas, ni moi, ni les autres, ni ceux qui sont à présent, ni ceux qui viendront après. Il y a dans presque tous nos tableaux une faiblesse de concept, une pauvreté d’idée dont il est impossible de recevoir une secousse violente, une sensation profonde. […] C’est qu’ils ne peuvent atteindre à aucune idée forte et grande. […] Ceux-ci regardent les premiers comme des têtes étroites, sans idées, sans poésie, sans grandeur, sans élévation, sans génie, qui vont se traînant servilement d’après la nature qu’ils n’osent perdre un moment de vue.
Les personnages allegoriques modernes sont ceux que les peintres ont inventez depuis peu et qu’ils inventent encore, pour exprimer leurs idées. […] Il est rare que les peintres réussissent dans les compositions purement allegoriques, parce qu’il est presque impossible que dans les compositions de ce genre, ils puissent faire connoître distinctement leur sujet, et mettre toutes leurs idées à portée des spectateurs les plus intelligens. […] Il est vrai qu’il paroît impossible d’imaginer en ce genre rien de meilleur que cette idée élegante par sa simplicité, et sublime par sa convenance avec le lieu où elle devoit être placée. […] Malheureusement ce tableau n’a pas été executé suivant une idée si ingenieuse et si simple. Le prince qui avoit conçu une idée si noble, eut en cette occasion un excès de complaisance, et déferant trop à l’art, il permit au peintre d’alterer l’élegance et la simplicité de sa pensée par des figures qui rendent le tableau plus composé, mais qui ne lui font rien dire de plus que ce qu’il disoit déja d’une maniere si sublime.
Y a-t-il là un idéal dont doive se préoccuper un écrivain, ou bien existe-t-il, dans l’idée même du roman, un élément qui détermine et limite le public auquel s’adresse le romancier ? […] Obligé de dire le mal, il doit en éveiller l’idée sans en exciter le désir. […] Il a écrit pour des hommes et des femmes qui peuvent pénétrer et compléter son idée, deviner les sous-entendus, peser les mots, et faire à côté de l’œuvre du maître ce qu’on pourrait nommer l’œuvre du lecteur. […] Et veuillez observer qu’on peut soutenir cette idée sans être, pour cela, partisan d’une éducation étroite, sans prendre parti pour la pruderie, la niaiserie et l’ignorance, qui n’ont jamais été des vertus, et qui sont aujourd’hui des dangers graves. […] Mais il a donné un exemple admirable de description vivante quoique étendue, quand il a peint le comice agricole dans Madame Bovary, parce que l’idée maîtresse du livre s’y mêle étroitement à la vision des choses.
Zola s’est fait une idée du paysan français, et composé méthodiquement un dossier d’horreurs villageoises. […] Je ne connais point assez le paysan pour m’en faire moi-même une idée très précise, et encore moins, quelque idée que je m’en fasse, pour vouloir la substituer à celle de M. […] Comme dans L’Assommoir le fameux couple Boche, comme dans Pot-Bouille l’oncle Josserand et l’inénarrable Trublot, La Terre est pleine de Fouan et de Bateau, de Delhomme et de Macqueron, d’Hilaire et de Palmyre, qui n’ayant qu’une idée n’ont aussi qu’une façon de la traduire, comme les Krampach et les Nonancourt du vaudeville classique. […] Et ils ne seraient enfin tout à fait ressemblans, à leurs propres yeux comme aux nôtres, que s’ils exprimaient des sentimens ou des idées à eux dans la langue du commun et de l’honnête usage.
Une idée lui était venue : adjuger l’éducation de sa petite fille à la moins exigeante. […] Il avait, en ces matières, des sentiments tranchés et des idées confuses. […] Un voisin redressa mes idées. […] Voilà mon idée. […] — Peut-être bien, dit l’enfant ; mais j’ai une autre idée.
Étrange idée ! […] C’est une idée excellente. […] Cette idée me gêne. […] Je vous donne ces idées pour ce qu’elles valent. […] les idées de Rollin et de M.
Si j’avais à choisir entre les pièces pour achever l’idée du portrait, au lieu des joujoux gothiques déjà indiqués, au lieu des tulipes hollandaises et des miniatures sur émail de Japon qui ne font faute, je tirerais de préférence, du sixième livre intitulé les Silves, les trois pages dénature et de sentiment, Ma chaumière, sur les Rochers de Chèvremorte et Encore un printemps. […] , que l’idée m’est venue de tenter quelque chose d’analogue, et d’appliquer à la description de la vie moderne, ou plutôt d’une vie moderne et plus abstraite, le procédé qu’il avait appliqué à la peinture de la vie ancienne, si étrangement pittoresque.
Une connaissance sûre des mythes anciens, des idées, de l’enthousiasme, de l’éloquence : tels, je pense, les mérites de cette Vie mystique, œuvre d’un philosophe, sinon d’un poète. […] De même que « Richard Wagner n’est pas entré dans la légende en savant ou en curieux, mais en créateur », de même que Richard Wagner, « rejetant les aventures sans fin et tous les accessoires du roman, se place du premier bond au centre même du mythe et de ce point générateur recrée de fond en comble les caractères et l’organisme de son drame », de même enfin « qu’en restituant au mythe sa grandeur primitive, son coloris original, il sait y approprier les passions et les sentiments qui sont les nôtres, parce qu’ils sont éternels, et subordonner le tout à une idée philosophique », — de même Édouard Schuré dégage d’une époque historique ses éléments essentiels, lui recrée une émouvante jeunesse, et la fixe en cet état dans l’imagination humaine.
On sent qu’un Ouvrage de la nature de celui-là, qui contredit les idées reçues, & qui contient une doctrine si opposée à celle des Inoculateurs & à leurs intérêts, devoit nécessairement éprouver des contradictions, & susciter des ennemis à l’Auteur. […] Il est vrai que si quelque chose pouvoit flatter son amour-propre & ajouter à la bonté de sa cause, ce seroit la maniere dont on a attaqué ses idées & combattu ses raisonnemens.
Tout aujourd’hui, dans les idées comme dans les choses, dans la société comme dans l’individu, est à l’état de crépuscule. […] Aussi, quelque idée qu’on veuille bien s’en faire, n’est-elle que très peu clairement entrevue dans ses livres.
Les poètes, les écrivains, les amis particuliers de madame Victor Hugo, ont eu l’idée de faire magnifiquement relier, pour elle, le volume de poésies de son mari, d’insérer dans ce volume quelques pages blanches, de couvrir ces pages blanches de leurs noms, et de quelques lignes de prose ou de vers attestant leur souvenir et leur affection pour cette illustre et vertueuse femme. […] Et la nuit s’écoulait dans ces chastes délires, Et l’amour sous la table entrelaçait vos doigts, Et les passants surpris entendaient ces deux lyres, Dont l’une chante encore, et dont l’autre est sans voix… Et quand du dernier vin la coupe fut vidée, J’effeuillai dans mon verre un bouton de jasmin ; Puis je sentis mon cœur mordu par une idée, Et je sortis d’hier en redoutant demain !
Méditer le monde social dans son idée éternelle. […] — Le point de départ de la science nouvelle est la première pensée humaine que les hommes durent concevoir, à savoir, l’idée d’un Dieu. == Cette science emploie d’abord des preuves philosophiques, ensuite des preuves philologiques.
M. de Choiseul épiait (et sincèrement, on peut le croire,) les occasions de l’obliger en cour et de le servir : il eut de bonne heure l’idée de lui faire avoir la résidence de Rome ; mais il fallait préparer les voies : De mon côté, lui écrivait Bernis (14 mai 1759), je ne songe qu’à m’attacher à mon état et à mettre dans les partis que je prendrai à cet égard le temps, les réflexions et la droiture qui conviennent à mes principes et à mon caractère… Je serai toujours prêt à servir le roi quand vous croirez que je puis lui être utile. […] L’idée d’aller à Rome en qualité de ministre du roi lui souriait beaucoup ; il désirait n’y aller qu’étant déjà prêtre et de plus évêque. […] En expliquant pourquoi il regrette moins le séjour de Paris dans les années de son exil, Bernis revient plus d’une fois sur cette idée, que la politique y est devenue un sujet habituel de conversation : « Les hommes et les femmes n’ont aujourd’hui dans la tête que de gouverner l’État. […] Mme de Genlis qui visita Rome en ces années, et qui accompagnait Mme la duchesse de Chartres, s’étend beaucoup sur la réception que fit l’ambassadeur de France à cette princesse : Le cardinal de Bernis, auquel j’avais annoncé l’arrivée de Mme la duchesse de Chartres, envoya au-devant l’elle jusqu’à Terni son neveu, le chevalier de Bernis, avec deux voitures, dont l’une magnifique pour la conduire à Rome, et l’autre chargée d’un excellent dîner… Le cardinal nous reçut avec une grâce dont rien ne peut donner l’idée. […] La conduite de Bernis dans quelques affaires délicates telles que le procès du cardinal de Rohan, où il fallut se prononcer entre sa propre cour et celle de Rome, quelques négociations de confiance et de famille dont il fut chargé, telles qu’une tentative de rapprochement entre le roi d’Espagne Charles III et son fils Ferdinand, roi des Deux-Siciles, et le voyage qu’il fut autorisé de faire à Naples dans cette vue, ne purent qu’accroître son autorité paisible et l’idée qu’on s’était formée de sa sagesse9.
Les lions, les hyènes et les chacals se chargeaient de la musique et se disputaient dans l’ombre les mules et les chevaux que nous laissions derrière nous sur la route ; car, ma chère amie, tu ne peux te faire une idée de la quantité de ces pauvres animaux qu’on abandonne, faute de pouvoir les nourrir. […] Sur ce point comme sur tant d’autres, c’est un gaspillage dans l’armée dont on ne saurait se faire une idée sans en avoir été témoin… Mais brisons là-dessus ; je ne veux te parler que du pittoresque. — Je te disais que le pays était d’une sévérité admirable. […] Je n’aurais pas balancé à t’apporter cet embarras, si une autre idée ne m’était venue : c’est d’en parler à Madame Adélaïde : ce serait digne d’elle de faire élever un enfant pris sur le champ de bataille où son neveu a été fait lieutenant général. […] J’ai tous les renseignements imaginables sur ce fait. » Il ne perdit nullement de vue son idée bienfaisante : on fit venir la petite fille en France, et Mme Adélaïde la prit en effet sous sa protection. […] Jamais je n’ai eu occasion de faire un ouvrage aussi intéressant et aussi pittoresque ; mais aussi fallait-il voir les lieux, car il n’y a pas de description, de dessin, de croquis, qui puisse donner une idée de l’originalité de la scène.
La cherté s’est mise sur les Ronsard et les Baïf, qui étaient à vil prix dans notre jeunesse ; et, pour se faire une juste idée des destinées et des vicissitudes bibliographiques de Ronsard, par exemple, il suffit de la remarque suivante, qui est de M. de Sacy. […] On y a gagné en largeur d’idées, et l’on s’est mieux rendu compte des révolutions ou revirements du goût. […] Une noble idée d’émulation le saisit aussitôt. […] C’est alors que, sur le déclin du moyen âge, un poème qui ne semblait point destiné d’abord à la grande fortune qu’il eut depuis, le Roman de la Rose, causa, parmi les esprits cultivés, une vive distraction, et apporta dans le courant des idées poétiques une perturbation étrange ; ce qui n’était d’abord qu’un accident devint (comme cela s’est vu souvent en France) l’occasion d’un entraînement général, d’une véritable révolution dans le goût. […] La verve satirique de certains détails de la seconde partie, l’audace philosophique de quelques conceptions surajoutées à l’idée première, contribuèrent à répandre ce poème, et, comme la popularité en fut énorme, disproportionnée, toute la poésie se jeta sur cette nouveauté, qui atteignit même le théâtre en y créant le genre insipide des moralités et soties.
Ce monde spirituel des vérités et des essences, dont Platon a figuré l’idée sublime aux sages de notre Occident, et dont le Christ a fait quelque chose de bon, de vivant et d’accessible à tous, ne s’est jamais depuis lors éclipsé sur notre terre : toujours, et jusque dans les tumultueux déchirements, dans la poussière des luttes humaines, quelques témoins fidèles en ont entendu l’harmonie, en ont glorifié la lumière et ont vécu en s’efforçant de le gagner. […] Un homme, un homme seul au xviiie siècle, nous semble recueillir en lui, amonceler dans son sein et n’exhaler qu’avec mystère tout ce qui tarissait ailleurs de pieux, de lucide et de doux, tout ce qui s’aigrissait au souffle du siècle dans de bien nobles âmes ; humilité, sincérité parfaite, goût de silence et de solitude, inextinguibles élancements de prière et de désir, encens perpétuel, harpe voilée, lampe du sanctuaire, c’était là le secret de son être, à lui ; cette nature mystique, ornée des dons les plus subtils, éveille l’idée des plus saints emblèmes. […] Il a peu d’idées, des systèmes importuns, une modestie fausse, une prétention à l’ignorance, qui revient toujours et impatiente un peu ; mais il sent la nature, il l’adore, il l’embrasse sous ses aspects magiques, par masses confuses, au sein des clairs de lune où elle est baignée ; il a des mots d’un effet musical et qu’il place dans son style comme des harpes éoliennes, pour nous ravir en rêverie. […] Son royalisme pourtant se conciliait déjà avec des idées libérales et constitutionnelles : il avait même composé une brochure politique dans ce sens, qui ne fut pas publiée, faute de libraire. […] Toutes les scènes qui ont pour cadre l’Italie, principalement dans les secondes Méditations, ne se rapportent donc pas originairement à l’idée d’Elvire, à laquelle je les crois antérieures ; ou bien elles auront été combinées, transposées sur son souvenir par une fiction ordinaire aux poëtes.
Sur une foule de points et de sujets, lui, sorti primitivement du giron classique et fidèle à bien des préceptes d’autrefois, il s’est trouvé l’un des plus avancés et des plus osés, l’un des moins prévenus contre l’idée ou la forme survenante, un des plus accueillants et des plus patients des chercheurs. […] Il y a mieux : pour lui, si je ne me trompe, cette grâce, cette aisance de rédaction qui le distiguent, doivent quelquefois déterminer, inspirer, guider la recherche par l’idée d’en faire usage. […] Or cette part, on le sait, était grande dans l’école littéraire d’alors, et j’ajouterai qu’elle avait assez droit de l’être, en raison des loisirs plus cultivés et des idées en vogue durant la seconde moitié de la Restauration. […] Il reçut de la Grèce sa façon de sentir, de juger, de s’exprimer ; il fut Athénien par ses idées sur l’art, sur le beau. […] On prend un livre, on s’y enfonce, on s’y oublie ; on médite alentour, on y muse et s’y amuse, desipere in libro ; puis insensiblement la pensée se prend, une idée sourit, on veut l’étendre, l’achever : déjà la plume court, la déduction ingénieuse et industrieuse se poursuit, et, quand on s’y entend aussi aisément que M.