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1415. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jules Girard » pp. 327-340

Girard, si Thucydide n’est pas ce qu’on peut appeler rigoureusement un philosophe, c’est toujours cependant un esprit philosophique, une espèce de rationaliste plus ou moins athée, comme l’étaient tous les Grecs cultivés au temps de Périclès.

1416. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

C’était une espèce de Boileau en prose, élargi et vaste, avec plus de chaleur au cœur que Boileau et plus heureux, car les dindons auxquels il eut affaire toute sa vie ne purent jamais l’émasculer… Il a même jugé Boileau, qu’il respectait, de manière à faire croire qu’il le dominait par le sens critique.

1417. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La révocation de l’Édit de Nantes »

C’est un protestant d’une autre espèce, un protestant moderne, c’est-à-dire à peine un protestant.

1418. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Vauvenargues » pp. 185-198

Comparez cela à la destinée de Vauvenargues, pauvre, malade, défiguré, presque aveugle, mourant à trente et un ans, criblé de petites dettes, grandes comme des trous de crible ; espèce de Job qui manquait jusque de fumier !

1419. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame Du Deffand »

— dans cet autre mot, qui n’est pas le seul de l’espèce : « Il me suffit d’être contente pour être heureuse. » Je n’aime point qu’elle écrive à toute page des phrases dans ce genre affreux : « La nature est le seul tyran dont il ne faille pas secouer le joug.

1420. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « X. Doudan »

Lamartine est raillé, à nombre de pages, sous sa double espèce de poète et d’homme politique.

1421. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Mademoiselle de Condé »

C’était, au fond, une espèce de philosophe dans un amoureux pédantesque, mettant souvent les deux gros pieds de son pédantisme sur une âme charmante… qui prenait cela comme une caresse !

1422. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

L’auteur de ce travail, M. l’abbé Sauveur Gorini, ne peut pas passer pour un écrivain dans le sens littéraire du mot, quoiqu’il ait souvent ce qui fait le fond de l’écrivain, — une manière de dire personnelle, — mais c’est un érudit, et un érudit d’une nouvelle espèce, venu en pleine terre, à la campagne, comme une fleur sauvage ou comme un poëte… Jusqu’ici vous aviez cru, n’est-ce pas ?

1423. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XV. Vauvenargues »

Comparez cela à la destinée de Vauvenargues, pauvre, malade, défiguré, presque aveugle, mourant à trente-et-un ans, criblé de petites dettes, grandes comme des trous de crible ; espèce de Job qui manquait jusque de fumier !

1424. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVI. Médecine Tessier »

— De la fixité des essences et des espèces morbides, par J.

1425. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Léon Aubineau. La Vie du bienheureux mendiant et pèlerin Benoît-Joseph Labre » pp. 361-375

aussi païenne que le monde antique l’était du temps de Diogène, Mais ses Diogènes, à elle, étaient d’une autre espèce.

1426. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Brispot »

Inspiré à son tour par le livre de sa foi et par sa cohabitation de cœur et d’esprit avec les hommes de génie qui ont écrit sur ce livre saint des pages si éclatantes et si profondes, l’abbé Brispot a plusieurs fois montré que cette espèce d’intimité, ce grand voisinage, avait porté bonheur à sa pensée.

1427. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Mgr Rudesindo Salvado »

Ce saint missionnaire catholique, qui n’est jamais qu’un missionnaire, et qui ne peut pas être autre chose, a bien plus pensé, en écrivant les Mémoires historiques sur l’Australie, à l’édification de nos âmes, qu’à nous donner un livre dans le sens livresque du mot, et cependant ce livre, et un excellent livre, riche d’observations de toute espèce et de notions neuves, s’est fait sous cette plume qui n’y pensait pas !

1428. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Le Docteur Favrot »

Le docteur Favrot ne se livre là-dessus à aucune espèce de critique.

1429. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Pour cette raison, la Revue française, comme toutes les autres revues contemporaines, n’est qu’une espèce de mosaïque plus ou moins éclatante d’individualités, se détachant ou s’unissant sur un fond commun littéraire.

1430. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Ferdinand Fabre »

Chaste et régulier dans ses mœurs, mais orgueilleux, — et la chasteté qui s’emmanche dans l’orgueil est terrible, car elle se fait payer par l’orgueil des sensualités qu’elle repousse, — l’abbé Capdepont dit « Tigrane » est, de plus, une espèce de Macbeth ecclésiastique, à qui les trois Sorcières qui sont en lui : la Puissance du génie, l’Autorité du caractère, et la Science, moins affirmatives que les Sorcières de Macbeth, ne lui disent pas : Tu seras Roi !

1431. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Catulle Mendès »

L’inimaginable ribambelle de monstres qu’il exhibe dans ce roman sont d’une espèce infiniment plus râblée et plus carabinée que tous ceux de la Ménagerie tératologique de Victor Hugo, — le maître dans l’art de faire marcher ces horribles mécanismes qui ne vivent pas, mais qui ont l’air de vivre, comme Vaucanson faisait digérer l’estomac en bois de son canard… Tous, sans exception, dans le livre de M. 

1432. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Théophile Gautier. » pp. 295-308

Il jouit parmi les lettres d’une espèce de canonicat de popularité douce, car il ne s’y mêle rien de politique ni d’orageux, comme dans la popularité de Mme George Sand ou de M. 

1433. (1874) Portraits contemporains : littérateurs, peintres, sculpteurs, artistes dramatiques

Il me demanda de lui faire quelque chose, parce que, disait-il, il me trouvait « drôle. » Je lui fis les Jeunes-France, espèce de précieuses ridicules du romantisme, puis Mademoiselle de Maupin, dont la préface souleva les journalistes, que j’y traitais fort mal. […] L’empereur, quelque ennemi qu’il fût des idéologues, ne pouvait s’empêcher de reconnaître en lui-même que, sans la poésie et l’art, un règne n’est pas complet, et il entretenait, à raison de six mille livres de rente, quelques auteurs tragiques pour que l’espèce ne s’en perdît pas. […] Ce volume, par une espèce de contraste railleur, était placé à côté des Contes drolatiques », auxquels il ne faisait pas suite », ajoutait en riant l’auteur de la Comédie humaine. […] L’amour comme Murger le comprend est d’une espèce particulière. […] La rue du Doyenné se croise avec l’impasse du même nom, et s’enfonce au-dessous du niveau général de la place par une pente assez rapide ; l’impasse se termine par une espèce de terrain fermé assez peu exactement d’une clôture de planches à bateaux noircies par le temps.

1434. (1949) La vie littéraire. Cinquième série

Or, dans le récit de La Valette, Bonaparte n’est pas pris au dépourvu par un péril laid et d’espèce nouvelle. […] Les ascendants transmettent aux descendants le type de l’espèce. […] Nous y retrouvons ce Saccard « grêle, rusé et noirâtre », qui était à ses débuts un drôle de la pire espèce. […] Elle lui conte des contes de fées, lesquels ont une suite et un enchaînement qui leur donnent une espèce de vérité. […] Ce sont des espèces de contes ou nouvelles très rapides, comme nous les aimons aujourd’hui.

1435. (1907) Propos de théâtre. Quatrième série

Nous ne sommes, dans l’espèce, que des greffiers, et non pas des juges, du moins en dernier appel. […] Tous les « types » qu’il a créés et qui resteront sont de cet ordre et comme de ce département de l’espèce humaine. […] C’est une espèce de président Magnaud qui serait avocat. […] Celui-ci fait, avec les d’Orcieu, une espèce de ménage à trois, sans affiche et sans scandale. […] Or au théâtre, nous nous moquons du Génie de l’espèce comme d’un zeste.

1436. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

Il fait l’amour avec une espèce de souillon37, et, voulant poignarder son rival, il a le poignet retourné, en sorte que sa propre lame lui entre dans l’œil et dans la cervelle, et qu’il meurt, toujours maudissant et blasphémant. […] Les actions extrêmes de l’homme proviennent, non de sa volonté, mais de sa nature99 ; pour comprendre les grandes tensions de toute sa machine, c’est sa machine entière qu’il faut regarder, j’entends son tempérament, la façon dont son sang coule, dont ses nerfs vibrent, et dont ses muscles se bandent ; le moral traduit le physique, et les qualités humaines ont leur racine dans l’espèce animale. Considérez donc l’espèce ici, c’est-à-dire la race ; car les sœurs de l’Ophélia et de la Virginia de Shakspeare, de la Claire et de la Marguerite de Gœthe, de la Belvidera d’Otway, de la Paméla de Richardson, font une race à part, molles et blondes, avec des yeux bleus, d’une blancheur de lis, rougissantes, d’une délicatesse craintive, d’une douceur sérieuse, faites pour se subordonner, se plier et s’attacher. […] Il ne comprend rien à cette espèce de dévouement, « à cette servitude, que les maris anglais, sous le nom de devoir, ont eu l’esprit d’imposer à leurs femmes. » Ce sont « des mœurs de sérail. » Voyez aussi Corinne. […] Swift aussi disait que « la mort et l’amour sont les deux choses où l’homme soit foncièrement déraisonnable. » En effet, c’est l’espèce et l’instinct qui s’y manifestent, non la volonté et l’individu.

1437. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Voilà la grande particularité, l’incommensurable, —  celle qui distingue à un degré effectivement infini le plus pauvre fait historique de toute espèce de fiction quelle qu’elle soit. […] Bien des gens trouveront Carlyle outrecuidant, grossier ; ils soupçonneront, d’après ses théories et aussi d’après sa façon de parler, qu’il se considère comme un grand homme méconnu, de l’espèce des héros ; qu’à son avis le genre humain devrait se remettre entre ses mains, lui confier ses affaires. […] La force qui lui était nécessaire n’était ni noble ni grande, mais petite et à quelques égards de basse espèce. […] Voici enfin que nous apprenons l’optique morale ; nous découvrons que la couleur n’est point dans les objets, mais en nous-mêmes ; nous pardonnons à nos voisins de voir autrement que nous ; nous reconnaissons qu’ils doivent voir rouge ce qui nous paraît bleu, vert ce qui nous paraît jaune ; nous pouvons même définir l’espèce de lunettes qui produit le jaune et l’espèce de lunettes qui produit le vert, deviner leurs effets d’après leur nature, prédire aux gens la teinte sous laquelle leur apparaîtra l’objet qu’on va leur présenter, construire d’avance le système de tout esprit, et peut-être un jour nous dégager de tout système. « Comme poëte, disait Gœthe, je suis polythéiste ; comme naturaliste, panthéiste ; comme être moral, déiste ; et j’ai besoin, pour exprimer mon sentiment, de toutes ces formes. » En effet, toutes ces lunettes sont bonnes, car elles nous montrent toutes quelque aspect nouveau des choses.

1438. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Pour être bref, je suis obligé d’omettre une foule de corollaires résultant de la forme principale, où est, pour ainsi dire, contenu tout le formulaire de la véritable esthétique, et qui peut être exprimée ainsi : Tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes auxquels l’imagination donnera une place et une valeur relative ; c’est une espèce de pâture que l’imagination doit digérer et transformer. […] Gérome essayera de surprendre notre curiosité en transportant ce jeu dans une espèce de pastorale antique. […] Mais la lumière et la chaleur, qui jettent dans quelques cerveaux une espèce de folie tropicale, les agitent d’une fureur inapaisable et les poussent à des danses inconnues, ne versent dans son âme qu’une contemplation douce et reposée. […] Le contour du visage, les ondulations de ce large front adolescent casqué de lourds cheveux, la richesse des lèvres, le grain de cette peau éclatante, tout y est soigneusement exprimé, et surtout ce qui est le plus charmant et le plus difficile à peindre, je ne sais quoi de malicieux qui est toujours mêlé à l’innocence, et cet air noblement extatique et curieux qui, dans l’espèce humaine comme chez les animaux, donne aux jeunes physionomies une si mystérieuse gentillesse. […] Quoi qu’il en soit, il a fait une charmante sculpture, sculpture de chambre, dira-t-on (quoiqu’il soit douteux que le bourgeois et la bourgeoise en veuillent décorer leur boudoir), espèce de vignette en sculpture, mais qui cependant pourrait peut-être, exécutée dans de plus grandes proportions faire une excellente décoration funèbre dans un cimetière ou dans une chapelle.

1439. (1911) L’attitude du lyrisme contemporain pp. 5-466

Ces formules enfantines aident la mémoire, mais ne correspondent, on s’en doute assez, à aucune espèce de réalité. […] L’analyse se refuse à violer avec son sécateur ce Paradou moral, et peut-être est-ce le moment de rappeler la parole de Bacon : « On ne fait rien de beau par les règles, mais par une espèce de bonheur. » Cette espèce de bonheur qui illumine la poésie de Fort nous la retrouvons dans la façon dont est conçue l’œuvre intitulée Coxcomb ou l’Homme tout nu tombé du Paradis. […] Ainsi qu’il arrive aux cerveaux longtemps comprimés, dont le mysticisme vivant ne cherche que l’occasion de s’essorer, je chéris moins ce livre à cause de ses qualités solides, que pour l’espèce de secousse nerveuse qu’il m’apportait. […] Il y a compénétration intime entre l’hymne immanent de la nature et cette espèce d’adoration qui agenouille le poète aux pieds de son amour. […] Alors que le mystique aspire à quelque chose de défini, qui, dans l’espèce, est de posséder Dieu, l’idéal du poète demeure non personnifié.

1440. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

. — Un peu plus loin, M. le duc de Saint-Simon, complétant le dénombrement des hommes considérables du siècle de Louis XIV, ajoute que rien ne manquait à ce beau siècle : « Pas même cette espèce d’hommes qui ne sont bons que pour le plaisir. » Il voulait parler des poètes et des artistes en tout genre ; il aurait eu honte de les confondre avec les hommes de robe, avec les hommes d’épée, avec les hommes d’État, et surtout avec les grands seigneurs, qu’il considérait comme l’ornement le plus précieux de la cour de Versailles ! […] Mais voici que cette Préface et la comédie de Molière, ont été en effet réfutées par le seul homme qui fût de force à jouter avec Molière, par un homme auquel on pense toujours, lorsque l’on se trouve en présence de l’une des grandes difficultés de cette histoire du xviie  siècle, par Bossuet, cet exilé de la politique, espèce de Richelieu condamné à n’être qu’un éloquent apôtre et à parler comme parlait saint Jean-Chrysostome, quand il n’eût pas mieux demandé que d’agir comme saint Paul. […] » Plus loin, l’évêque de Meaux prend la peine d’expliquer à ce malheureux théatin, qui n’y a jamais mis les pieds, l’espèce de plaisir que l’on trouve au théâtre, et jamais commentaire n’a été mieux fait à l’éloge de ce grand plaisir, le premier de tous, peut-être, quand il est complet. […] Quand Molière la fit représenter, sur une espèce de tréteau que son esprit changeait en théâtre, était-il assez jeune, assez beau, assez enivré des plus violentes espérances de renommée et de fortune ! […] Et de quel droit cet Alceste a-t-il pris l’espèce humaine en horreur ?

1441. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre II. Le Roman (suite). Thackeray. »

Il en possède les motifs, l’espèce, les suites, comme un naturaliste ses classifications. […] Pour talent il a la sympathie, car elle est la seule faculté qui copie exactement la nature ; occupé à ressentir les émotions de ses personnages, il ne songe qu’à en marquer la vigueur, l’espèce et les contre-coups. […] Thackeray a dû remonter au sens primitif des mots, retrouver des tours oubliés, recomposer un état d’intelligence effacé et une espèce d’idées perdue, pour rapprocher si fort la copie de l’original. […] Notre véritable essence consiste dans les causes de nos qualités bonnes ou mauvaises, et ces causes se trouvent dans le tempérament, dans l’espèce et le degré d’imagination, dans la quantité et la vélocité de l’attention, dans la grandeur et la direction des passions primitives.

1442. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

On se rappelle ces espèces d’oracles philosophiques que contiennent les Contemplations, et tout ce que révèle la voix de l’ombre infinie, c’est-à-dire de l’univers, symboliquement appelée la « bouche d’ombre ». […] Chacun des individus de l’espèce humaine correspond, selon Hugo, à quelqu’une des espèces de la création animale : « tous les animaux sont dans l’homme et chacun d’eux est dans un homme. […] En présence de nos deux grandes cécités, la destinée et la nature, c’est dans son impuissance que l’homme a trouvé le point d’appui, la prière… La prière, énorme force propre à l’âme, est de même espèce que le mystère185. » Dans une de ses visions, Hugo personnifie l’ange de la prière : C’était un front de vierge avec des mains d’enfant ; Il ressemblait au lis que la blancheur défend ; Ses mains en se joignant faisaient de la lumière.

1443. (1920) Action, n° 2, mars 1920

La Tempête pourrait être un second Roi Lear, à l’échelle de l’espèce plutôt que de la famille ; Cymbeline, on ne sait quoi plus noir qu’Iphigénie et Thyeste ensemble, le père tuant ses fils, la calomnie immolant dans Imogène sa plus pure victime, la plus douce innocence. […] Dans une telle comédie, les fatalités de la méchanceté humaine sont aux prises sous les espèces les plus générales, sous la forme des races. […] Ainsi, cette œuvre, ingénue et impétueuse, tourne, gire, vire, comme une espèce de nébuleuse sur laquelle quantité d’aspects de l’art et de la vie se mirent, se reflètent et se décalquent en même temps. […] Une littérature purement intellectuelle et cérébrale, qui fuit avec horreur toute espèce d’émotion.

1444. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — [Introduction] » pp. 132-142

Rigault a tiré bon parti de ces exactes ressemblances et de cette espèce de miroir où son sujet se dessine à l’avance et se réfléchit.

1445. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

J’ai voulu surtout, dans le sonnet dit d’Hazlitt, rendre l’espèce d’entrain que accompagne et suit ces fréquents articles improvisés de verve et lancés à toute vapeur.

1446. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

Je n’ignore pas l’espèce de monarchie qu’on accorde en France à Bossuet, mais c’est une raison de l’attaquer plus fortement.

1447. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre II. Des tragédies grecques » pp. 95-112

Les grandes infortunes étonnaient encore l’espèce humaine ; on leur supposait une cause miraculeuse ; on les entourait de rêves mythologiques.

1448. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre II. — De la poésie comique. Pensées d’un humoriste ou Mosaïque extraite de la Poétique de Jean-Paul » pp. 97-110

Le comique taille sa plume et raconte : Micromégas tira une paire de ciseaux dont il se coupa les ongles, et d’une rognure de l’ongle de son pouce, il fit sur-le-champ une espèce de grande trompette parlante, comme un vaste entonnoir, dont il mit le tuyau dans son oreille.

1449. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre VII. Narrations. — Dialogues. — Dissertations. »

Taine pour guide7 : vous n’en sauriez choisir de meilleur, ni qui vous fasse mieux saisir comment La Fontaine a composé ses Fables, comment on doit composer toute espèce de récit.

1450. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

Et, enfin, il a été un très subtil psychologue et un romancier à peu près unique dans son espèce.

1451. (1883) Souvenirs d’enfance et de jeunesse « Préface »

Puis, j’ai trouvé qu’il y aurait en cela une espèce de profanation.

1452. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 45, de la musique proprement dite » pp. 444-463

On dit donc des symphonies de cette espece, ainsi que de celles qui peuvent imiter des bruits véritables, qu’elles expriment bien ou qu’elles n’expriment pas.

1453. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 10, continuation des preuves qui montrent que les anciens écrivoient en notes la déclamation » pp. 154-173

Quoique nous n’aïons jamais entendu la musique de Pluton, nous ne laissons pas de trouver une espece de vraisemblance dans les airs de violon, sur lesquels Lulli fait danser la suite du dieu des enfers dans le quatriéme acte de l’opera d’Alceste, parce que ces airs respirent un contentement tranquille et sérieux, et comme Lulli le disoit lui-même, une joïe voilée.

1454. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « VIII »

L’auteur des Etudes et des Harmonies a peut-être dit beaucoup de sottises, et nous ne les défendrons pas ; mais on avouera qu’il faut être un sot d’une rare espèce pour écrire Paul et Virginie que Flaubert avouait ne pouvoir lire sans fondre en larmes et que Maupassant déclarait un chef-d’œuvre, invincible témoignage de deux auteurs peu suspects qui tranche décidément la question.

1455. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Louis XVI et sa cour »

Et après la reine il y a Monsieur, le comte d’Artois, le duc d’Orléans, les dames de Polignac, et puis Maurepas, Turgot, Necker, Saint-Germain, Vergennes, Galonné, Malesherbes, Franklin, Mirabeau, désanimalisé pour cette fois, qui c’est plus le lion et le tigre poncifs qu’on a faits de lui, depuis Victor Hugo, mais un grand esprit sain et corrompu tout à la fois, espèce de demi-dieu par la tête et par la poitrine, mais gangrené jusqu’à la ceinture.

1456. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Mathilde de Toscane »

Renée aurait pu ajouter encore à tous ces docteurs et dictateurs de l’histoire : Thierry, qui fait de Grégoire VII un ambitieux à la manière humaine, voulant tout simplement, au prix de flots de sang, la suzeraineté de l’Angleterre ; Michelet, qui en fait un sceptique ; et Quinet, qui déshonore de son respect le saint pontife, après l’avoir transformé en révolutionnaire religieux, en une espèce de Robespierre !

1457. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Chamfort »

L’avortement, l’infanticide et l’abandon ont cent fois levé le poignard sur sa tête, cherché des oubliettes mystérieuses, consulté des scélérats et rêvé bien des espèces de crimes avant de le déposer dans son berceau et de l’y laisser, — pour la religion peut-être, qui l’y a trouvé et qui l’y a pris !

1458. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Ch.-L. Livet »

le La Grange qui a fait le Mât de cocagne, et qui n’est pas du tout ce marquis de la Grange chez lequel servait Mascarille, D’un autre côté, Cousin, en voulant nous faire admirer les Cathos princesses, nous a autorisés, nous autres démocrates, à admirer toutes les espèces de Cathos.

1459. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édouard Fournier »

C’est, comme vous le voyez, un vrai regrattage, — insignifiant quand il n’est pas maladroit, — une espèce de travail semblable à celui que l’on fait parfois (et je n’ai jamais su pourquoi) sur les édifices que le temps a austèrement bistrés et qui portent, au rebord de leurs angles et sur le cordon de leurs nervures, la poussière chassée par les siècles ou la graine éclose qu’en passant l’oiseau du ciel y fit tomber.

1460. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Louis XIV. Quinze ans de règne »

Quoique ressemblants, ils nous paraissent changés, maigris, éteints, presque dédoublés, — des espèces de fantômes d’eux-mêmes.

1461. (1880) Goethe et Diderot « Introduction »

Rien n’y suffirait, ni la décadence littéraire de la France, qui n’avait, au commencement du siècle, de l’ancien esprit français (madame de Staël et Chateaubriand exceptés), que les dernières gouttes qui tombent du toit après la pluie, ni le besoin de nouveauté enfantine qui nous emporte vers toute chose nouvelle avec notre délicieuse frivolité séculaire, ni cette espèce de catinisme intellectuel toujours prêt à se donner au premier venu, — qui nous fit Anglais à la fin du xviiie  siècle, comme il nous avait faits Latins Grecs, Italiens et Espagnols, dans les siècles précédents, et qui, pour l’heure, nous faisait Allemands, en attendant que quelque autre littérature nous fît autre chose.

1462. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVII. Mémoires du duc de Luynes, publiés par MM. Dussieux et Soulier » pp. 355-368

Les Mémoires du duc de Luynes, qui n’a jamais su observer et qui n’est qu’une espèce de perroquet héraldique, ne sont guère bons qu’à mettre au cabinet du Misanthrope ; stériles paperasses !

1463. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Charles d’Héricault » pp. 291-304

Voici un historien froid comme un officier d’artillerie faisant des études sur le salpêtre qui a failli faire sauter la France, et qui nous apprend de quels abominables éléments ce salpêtre de nouvelle espèce était composé.

1464. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Madame de Créqui »

Les préoccupations modernes et ce que j’ose appeler la fausse indulgence de ce temps, cette espèce d’étendue qui peut voir tout, mais qui ne doit pas accepter tout, ont, sinon fêlé, au moins rayé cette glace de Venise dans laquelle devrait nous apparaître Madame de Créqui, cette femme qui avait mis à tremper un esprit à la La Rochefoucauld dans les eaux attendrissantes et vivifiantes des pensées chrétiennes, probablement pour qu’il ne se pétrifiât pas de douleur, de misanthropie et de mépris !

1465. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Hoffmann »

Hoffmann, le caricaturiste en littérature, espèce de Hogarth incertain dont la main tremblait tout en appuyant sur le trait, a surchargé ses personnages de détails mesquins, inutiles ou vulgaires, et cette manie de sa pensée ne nous a jamais plus frappé que dans quelques-uns des Contes posthumes.

1466. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « VII. Vera »

Certes, nous pourrions continuer longtemps des citations de cette espèce : mais quel lecteur français continuerait de lire un chapitre de cet allemand-là ?

1467. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Matter. Swedenborg » pp. 265-280

Swedenborg nous dit qu’il a connu la femme et que dans sa jeunesse il avait eu une maîtresse… Philosophe et naturaliste avant tout, n’admettant, comme les plus religieux de son temps, qu’une espèce de morale évangélique, Swedenborg (voici où commence l’extraordinaire et l’inconséquent) n’en avait pas moins l’habitude de méditer sur les choses spirituelles.

1468. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « MM. Delondre et Caro. Feuchtersleben et ses critiques. — L’Hygiène de l’âme » pp. 329-343

Par une espèce de trahison à sa nationalité, il a voulu être pratique.

1469. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « L’abbé Monnin. Le Curé d’Ars » pp. 345-359

En effet, il n’y a que cela qui explique sa vie ; il n’y a que la notion de Notre Seigneur Jésus-Christ telle que nous la portons dans nos âmes, qui puisse expliquer cette espèce de règne (car c’en fut un) d’un prêtre caché au bout du monde, dans sa pauvre petite Bethléem de quelques feux et de quelques âmes, et que les foules, à défaut de mages, sont de partout venues visiter !

1470. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « A. P. Floquet »

Cependant, la Vie de l’Aigle de Meaux, tout oppressive qu’elle fût pour le faible talent de Bausset, eut un succès réel quand elle parut, et ce succès s’immobilisa dans l’espèce de considération qu’elle a gardée, mais dont les causes ne sauraient échapper qu’à une critique sans pénétration et sans regard.

1471. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Maynard »

L’historien fait tourner tout le siècle dans cette lumière sacrée, — espèce de jour nouveau qui ne l’avait jamais pénétré.

1472. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Gustave Rousselot  »

— le sol crevassé de ce temps ; enivré par les sciences modernes qui l’ont frappé de leurs vertiges ; optimiste furieux qui mord l’histoire du passé comme un tigre, — du passé dont, malgré la noblesse de son espèce, il s’abaisse à être le chacal, — orgueilleux comme Nabuchodonosor lui-même, ce petit !

1473. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Musset »

dans un temps comme le nôtre, si fièrement hostile à toute espèce de dynasties, que la vie à écrire d’un homme de génie ou de talent appartienne spécialement à ses hoirs mâles ou femelles et soit un droit de succession !!

1474. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « Mme Desbordes-Valmore. Poésies inédites. »

Quel que soit, en effet, son talent, que nous mesurerons tout à l’heure, on est fondé à établir la supériorité absolue sur toutes les espèces de poésies, de celle-là dans laquelle l’âme tient tant de place qu’elle semble déborder les mots !

1475. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Auguste Barbier »

Cette espèce de phénomène très rare, j’ai tardé, pour ma part, à le signaler, tant je le croyais impossible, tant je croyais à un engourdissement momentané de facultés en cette puissante nature qui m’avait donné de si mâles plaisirs, et tant je répugnais à montrer, dans ce Samson tondu par je ne sais quelle main invisible, non pas une faiblesse relative après une force absolue, mais une faiblesse absolue arrivant à l’anéantissement de toute faculté.

1476. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Laurent Pichat »

Talent spontané, trop vrai et trop fort pour ne pas échapper à l’espèce d’endiguement où il ne peut pas tenir et où il étouffe, de temps en temps il passe sublimement par-dessus.

1477. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Amédée Pommier »

Mais ce qui rend cette impression encore plus profonde, c’est qu’immédiatement après avoir tracé cet écrit qu’on ne sait trop comment nommer, cette espèce de révélation testamentaire de sa vie, Amédée Pommier soit mort, après l’avoir signée· Cette mort presque subite donne, je trouve, à sa vie, la grandeur d’une destinée.

1478. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Alfred de Vigny »

Fénelon, cet homme de foi et d’amour au xviie  siècle, s’il avait senti passer sur lui les mauvais courants du xixe n’aurait peut-être été non plus qu’un sceptique, versant, de désespoir de n’être pas davantage, dans une espèce de fatalisme chrétien, comme Alfred de Vigny — il faut bien le dire, car le livre l’atteste, — y avait versé.

1479. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Introduction »

Les conditions matérielles ou morales de toutes sortes, la configuration du sol qui porte les hommes, la nature des instruments qui sont à leur disposition, les caractères anatomiques de leur race, leurs besoins, leurs croyances, leurs sentiments, les qualités différentes des choses ou des personnes peuvent exercer une influence, directe ou indirecte, médiate ou immédiate, sur le succès social de l’idée de l’égalité : pour être sûr de n’oublier aucun de ses antécédents, il faudrait passer en revue toutes ces espèces de phénomènes, et peser l’efficacité propre à chacune d’elles.

1480. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

tant qu’un prince est vivant, tous les regards sont fixés sur lui ; son rang, les hommages qu’il reçoit, les espérances et les craintes d’un peuple, la pompe et l’appareil qui l’entourent, en font une espèce de colosse qui remplit tout : mais à sa mort, il reprend sa grandeur naturelle ; ensuite il disparaît à mesure qu’il se recule et qu’il s’enfonce dans les siècles.

1481. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXX. De Fléchier. »

L’oraison funèbre de Turenne n’en est pas moins un des monuments de l’éloquence française ; l’exorde sera éternellement cité pour son harmonie, pour son caractère majestueux et sombre, et pour l’espèce de douleur auguste qui y règne.

1482. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Deuxième partie. — Chapitre XXV. Avenir de la poésie lyrique. »

Cet heureux matérialisme, où se serait complu l’espèce humaine sous le joug égal de Rome, ce sommeil des âmes dans une servitude affermie, n’exista jamais.

1483. (1913) Les livres du Temps. Première série pp. -406

Henry est installé, à dix-huit ans, par les soins de ses parents, dans une espèce de pension tenue par un certain Renaud. […] Frédéric Masson provienne de son culte pour l’empereur, peut-être cette misanthropie paraîtra-t-elle un peu rude et moins « napoléonienne », en l’espèce, qu’un excès d’indulgence. […] Romain Rolland a composé une espèce de Somme esthétique, philosophique, politique et sociale. […] La vie à l’état pur, pour l’espèce humaine, c’est l’état sauvage, l’animalité primitive. […] Dans l’espèce de mysticisme qui détermine le système de M. 

1484. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre I. La Renaissance païenne. » pp. 239-403

C’est ici qu’éclate dans toute sa folie l’espèce d’exaltation nerveuse qui est propre à l’esprit du temps ; l’amour monte au trente-sixième ciel ; Musidorus est frère de notre Céladon ; Paméla est proche parente des plus sévères héroïnes de notre Astrée ; toutes les exagérations espagnoles foisonnent, et aussi toutes les faussetés espagnoles. […] Il n’est point encore assis et enfermé dans cette espèce de bon sens exact qui va fonder et rétrécir toute la civilisation moderne. […] On ne connaît pas encore l’espèce de prison étroite où le cant officiel et les croyances bienséantes enfermeront plus tard l’action et l’intelligence. […] Et pour que la ressemblance soit complète, c’est par des figures poétiques, par des abréviations énigmatiques, presque par des vers sibyllins, qu’il les exprime : Idola specûs, Idola tribûs, Idola fori, Idola theatri, chacun se rappelle ces noms étranges qui désignent les quatre espèces d’illusions auxquelles l’homme est soumis356. […] Ce bon sens, cette espèce de divination naturelle, cet équilibre stable d’un esprit qui gravite incessamment vers le vrai, comme l’aiguille vers le nord, Bacon le possède au plus haut degré.

1485. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

En outre, il n’a point accompli tout son devoir d’écrivain, qui est de réaliser sous les espèces de la beauté intelligible le mystère de la pensée. […] Je n’ai connu, de cette espèce, que Tolstoï : je l’admirais ; et il me déroutait. […] Chercheur de tares qu’animait le désir de la parfaite pureté, il n’avait nul repos ; il endura une espèce de martyre étrange. […] Généralement, on note que, l’auteur étant le maître de la fable qu’il présente, la conclusion dépend de sa fantaisie ; et l’on borne les ambitions de cette espèce au roman dit « à idées ». […] Avec plus de sérieux que personne et préparé (il le raconte) par une espèce « de protestantisme ou de jansénisme natif » aux rigueurs de la croyance, M. 

1486. (1914) Note conjointe sur M. Descartes et la philosophie cartésienne pp. 59-331

Et pour le chrétien de l’espèce la plus ordinaire Jésus est mort. […] Un citoyen de l’espèce commune, un chrétien de la commune espèce. […] Et un pécheur de la plus commune espèce. […] Une espèce de bonhomie, familière. […] Je me représentais les vertus comme trois belles enfants de Marie et les sept péchés capitaux comme des vieux espèces d’affreux bonhommes qui faisaient la lippe, des espèces de notaires.

1487. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

Il n’y a point en réalité d’autres hommes : je suis l’Espèce, ne connaissant l’Espèce que par moi-même. […] L’Espèce survit à l’individu que nous croyons être, et que seul atteint la mort… L’Esprit est le fond de l’Univers. […] Mille espèces ont existé, ou tendu à exister, qui n’existent plus. […] Le Papou n’est point de la même espèce que l’Européen, ni notre frère que nous. […] Toutes les espèces du médecin d’aujourd’hui, vous les rencontrerez dans son livre, depuis le héros jusqu’au simple brigand.

1488. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome III pp. -

Nous mettrons, dans l’une, les combats de la première espèce, & dans l’autre, ceux de la seconde. […] On lui dessina une espèce de froc, joint à un long capuce en pointe. […] « Je crois que c’est une espèce de vengeance licite devant Dieu, de mépriser son ennemi, quand il nous attaque d’injures, en ne lui répondant pas ». […] Ils se proposoient d’établir un ordre d’une espèce toute nouvelle, & figuré dans l’ancien testament. […] Port-royal des Champs fut la retraite qu’ils jugèrent la plus sure : ils la regardèrent comme une espèce de place d’armes.

1489. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE STAEL » pp. 81-164

Je n’y ai trouvé à remarquer, comme ton de l’époque, comme couleur du paysage familier aux héroïnes de quatorze ans, que ces paroles de Nanine : « Je parvins hier matin à aller au tombeau ; j’y versai un torrent de ces larmes précieuses que le sentiment et la douleur fournissent aux malheureux de mon espèce. […] … N’êtes-vous pas heureux qu’une nation tout entière se soit placée à l’avant-garde de l’espèce humaine pour affronter tous les préjugés, pour essayer tous les principes ?  […] L’idée que Mme de Staël ne perd jamais de vue dans cet écrit, c’est celle du génie moderne lui-même, toutes les fois qu’il marche, qu’il réussit, qu’il espère ; c’est la perfectibilité indéfinie de l’espèce humaine. […] On en fera connaître quelques fragments, où l’auteur a traité d’une manière neuve les mêmes questions que Mme de Staël. » Ainsi se posait du premier coup l’espèce de rivalité de Mme de Staël et de M. de Chateaubriand, qui furent, à l’origine, divisés surtout par leurs amis. […] » Quant à la douleur rêveuse dans les impressions solitaires, espèce d’inspiration que Mme de Staël refuse aux Grecs, il demande où on la peignit jamais mieux que dans le sujet de Philoctète : avait-il donc oublié déjà la lecture confidentielle, qui venait de lui être faite, de René 47 ?

1490. (1910) Muses d’aujourd’hui. Essai de physiologie poétique

Mais, pour ceux qui cherchent cette plénitude de vie, la poésie est une des manifestations les plus nécessaires au maintien et à l’évolution de l’espèce. […] C’est physiologique ; il s’agit de retrouver l’état physiologique normal, de recréer, en soi et autour de soi, l’atmosphère et comme la température nécessaire à la vie, le milieu vital propre à son espèce et à sa race. […] En cultivant nos sensations odorales, nous percevrions un peu plus parfaitement encore le monde extérieur ; ce sera un art nouveau, nécessaire à l’évolution, c’est-à-dire au maintien de l’espèce. […] Elles entrelacent leurs bras et leurs rires, elles mêlent leurs lèvres et leurs aveux, et font la nique au génie de l’espèce. […] L’esprit français, quoi qu’on en ait dit, est imperméable à certaines idées allemandes ; c’est une question de race, d’espèce : et ce que nous aimons dans les littératures du Nord, c’est toujours notre propre littérature.

1491. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE CHARRIÈRE » pp. 411-457

Ce qui me surprend, c’est l’espèce de confiance et même de gaieté qu’elle m’inspire. […] » Le petit Lord a un parent, une espèce de gouverneur, bien différent de lui, et qu’un sérieux prématuré, une tristesse mystérieuse environne. […] En ces moments de dissolution de doctrines et de cohue universelle, à tout prix il importe d’avoir au dedans de soi, dans son caractère, dans sa conduite, des points invincibles et inexpugnables, fussent-ils isolés et sans rapport avec le reste de nous-même, — oui, des espèces de rochers de Malte ou de Gibraltar où l’on se rabatte en désespoir de cause et où l’on maintienne le drapeau.

1492. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre I. Principe des mœurs sous l’Ancien Régime. »

Au premier coup d’œil, on se sent dans une ville d’espèce unique, bâtie subitement et tout d’une pièce, comme une médaille d’apparat frappée à un seul exemplaire et tout exprès : sa forme est une chose à part, comme aussi son origine et son usage. […] Sa mémoire est étonnante pour les parentés et les généalogies ; il possède à fond la science précieuse de l’étiquette ; à ces deux titres, il est un oracle et très consulté. « Il a beaucoup augmenté la beauté de sa maison et de ses jardins à Saint-Ouen. » — « Au moment de mourir, dit M. de Luynes, il venait d’y ajouter vingt-cinq arpents qu’il avait commencé à faire enfermer dans une terrasse revêtue… Il avait une maison considérable en gentilshommes, pages, domestiques de toute espèce, et faisait une dépense prodigieuse… Il avait tous les jours un grand dîner… Il donnait presque tous les jours des audiences particulières. […] Le premier secrétaire vient avec l’intention de rendre compte des lettres qu’il a reçues et qu’il est chargé d’ouvrir ; mais il est interrompu deux cents fois dans cette opération par toutes sortes d’espèces imaginables.

1493. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VII. Les poëtes. » pp. 172-231

Ils ne comprennent qu’une seule espèce de beauté ; ils n’établissent de préceptes que ceux qui peuvent la produire ; ils récrivent, traduisent et défigurent sur son patron les grandes œuvres des autres siècles ; ils l’importent dans tous les genres littéraires, et y réussissent ou y échouent selon qu’elle s’y adapte ou qu’elle ne peut s’y accommoder. […] Vous reconnaissez là une espèce de déisme et d’optimisme, comme il y en avait beaucoup alors, empruntés, comme ceux de Rousseau, à la théodicée de Leibnitz, mais tempérés, effacés et arrangés à l’usage des honnêtes gens. […] Ce désaccord va croître, et des yeux attentifs découvrent vite sous l’enveloppe régulière une espèce d’imagination énergique et précise qui la rompra.

1494. (1858) Cours familier de littérature. V « XXIXe entretien. La musique de Mozart » pp. 281-360

Nous nous sommes aperçus un peu tard qu’il avait une espèce de scarlatine. […] Voilà ce que je dois à Dieu, sous peine d’être la plus ingrate des créatures ; et si jamais ce m’a été un devoir de convaincre le monde de ce miracle, c’est précisément en un temps où l’on se moque de tout ce qui s’appelle miracle, où l’on nie toute espèce de miracle. […] J’évitai toute connaissance, et surtout toute espèce de familiarité avec les gens de notre profession.

1495. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCIXe entretien. Benvenuto Cellini (1re partie) » pp. 153-232

« J’entrai chez Monseigneur, suivi du jeune Paulin qui portait le vase : il avait fait mettre tous ses gens en haie sur notre passage, et il nous fallut traverser cette espèce de zodiaque, où l’un représentait le Lion, l’autre le Scorpion, l’autre le Cancer, pour arriver jusqu’à lui. […] Les bravi, espèce de héros volontaires, faisaient alors le nerf des guerres italiennes. […] Je vis alors que cet ange m’avait dit la vérité ; et ayant jeté les yeux sur des morceaux de brique que j’aiguisai en les frottant l’un contre l’autre, et avec un peu de rouille que je tirai des ferrures de ma porte avec les dents, et dont je fis une espèce d’encre, j’écrivis sur le bord d’une des pages de ma Bible, au moment où la lumière m’apparut, le dialogue suivant entre mon corps et mon âme : Le Corps.

1496. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

N’était-ce pas folie que de déclarer la guerre aux dieux pour l’espèce humaine ? […] Il se prit à haïr l’espèce humaine et il voulut la détruire. […] Jamais leur volonté ne prévaudra contre l’ordre établi par Zeus. » — Les Muses de l’Hymne Homérique ne regardent pas notre espèce, du haut de l’Olympe, avec un mépris plus superbe, lorsque « se répondant avec leurs belles voix elles chantent le bonheur éternel des Dieux et les misères infinies des hommes, lesquels, ainsi qu’il plaît aux Immortels, vivent insensés et impuissants, et ne peuvent trouver un remède à la mort, ni une défense contre la vieillesse. » — Mais aux reproches des Océanides, Prométhée répond par un mot qui le met au-dessus des dieux : — « J’ai eu pitié des hommes ; c’est pourquoi on n’a pas eu pitié de moi. » — Mot sublime qui rattache son cœur d’Immortel aux entrailles humaines, qui rassemble en lui pathétiquement deux natures, et qui fait du Titan souffrant l’image prophétique du Rédempteur à venir.

1497. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 13, qu’il est probable que les causes physiques ont aussi leur part aux progrès surprenans des arts et des lettres » pp. 145-236

Les peuples d’une patience et d’une subtilité de main inconcevable, avoient même créé l’art de faire une espece de mosaïque avec les plumes des oiseaux. […] Dans les temps dont je parle, les poëtes et les sçavans étoient admis par nos rois à une espece de familiarité. […] Depuis le renouvellement des arts, on n’a jamais vû en quelque lieu que ce soit, le grand nombre de sculpteurs excellens, et de bons graveurs en tout genre et en toute espece, qu’on a vû en France sous le regne du feu roi.

1498. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Granier de Cassagnac » pp. 277-345

V C’est donc le royaliste de toute la vie, l’esprit monarchique qui ne s’est jamais démenti, l’ennemi mortel des révolutionnaires de toute espèce et des mitigés, qui sont des badauds ou des hypocrites, et des exagérés, qui sont des insensés ou des scélérats, qui a écrit la triple histoire que Cassagnac a publiée. […] Ainsi, il l’est quand il nous raconte, avec un renseignement si précis et une phrase si nette, les irruptions diverses de cette glorieuse race gauloise, qui semble glorieuse de toute éternité, car on ne sait pas où elle a commencé dans les annales humaines, et qui, par l’étendue et la rapidité de ses invasions, a une espèce d’ubiquité dans l’histoire. […] Sa force, qui n’était pas brutale comme celle de Crétineau, avait des manières de procéder d’une certitude majestueuse, et dans les acharnements de la petite guerre de tous les jours il semblait encore faire la grande… Il était de cette espèce d’hommes dont Napoléon disait « qu’ils sont carrés de sommet comme de base », et dont le poids seul, dans la lutte, doit tout emporter !

1499. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Bossuet et la France moderne »

Bien plus, les rois sont eux-mêmes des espèces de dieux sur la terre. Écoutez plutôt : « L’autorité royale est absolue… Les princes sont des espèces de dieux, suivant le langage de l’Écriture, et participent eu quelque façon à l’indépendance divine… Au caractère royal est inhérente une sainteté qui ne peut être effacée par aucun crime, même chez les princes infidèles… » Bossuet en déifiant le prince, quelqu’il soit et de quelque manière qu’il ait été établi, en le marquant d’un caractère de sainteté qu’aucun forfait ne peut effacer, n’est plus qu’un adorateur du fait brutal, de la force pure, et il rétrograde ainsi par-delà le moyen âge et jusqu’aux Césars byzantins… »‌ Je ferai la même observation que pour l’alinéa précédent. […] La conception moderne de l’histoire et de la science sociale, ne permet plus d’ajouter ici aux ingénieuses théories de cette espèce.

1500. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Il affirme de même, et toujours d’une façon péremptoire, que l’artiste n’a pas à se préoccuper de la technique, qu’il n’a pas à apprendre patiemment son métier ; l’artiste crée, par une espèce de divination : « Nel processo della produzione artistica non entra mai nessun elemento pratico, o tecnico che si voglia dire : la spontaneità fantastica regna, senza rivali, dall’inizio alla fine di quel processo ; il concetto di tecnica è affatto estraneo cosi all’ Estetica pura come alla vera e propria critica d’arte43. […] Remarquez que même ici, dans cette espèce de corollaire ajouté à la réfutation des genres « vie domestique, chevalerie, idylle », etc., les termes essentiels (lyrisme, épopée) sont précédés et suivis d’autres catégories en vérité assez problématiques. […] Chaque être étant unique de son espèce, son expression adéquate devrait être unique aussi ; elle l’est jusqu’à un certain point et le serait bien davantage, si la tradition (troisième facteur important) n’imposait pas certaines idées et certaines formes à la majorité des esprits. — Malgré cette tradition, des formes nouvelles naissent sans cesse ; c’est vouloir remplir le tonneau des Danaïdes que d’enfermer les formes dans le cadre d’une rhétorique.

1501. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. VILLEMAIN. » pp. 358-396

Et si, à un horizon beaucoup plus rapproché, et dans des limites moindres, nous regardons derrière nous, a-t-il donc nui aux hommes qui président à cette ouverture de l’époque de la Restauration, à cette espèce de petite Renaissance, et qui composent le groupe de l’histoire, de la philosophie, de la critique et de l’éloquence littéraire, à cette génération qui nous précède immédiatement et dans laquelle nous saluons nos maîtres, leur a-t-il nui d’être plusieurs, d’être au nombre de trois, rivaux et divers dans ces chaires retentissantes, dont le souvenir forme encore la meilleure partie de leur gloire ? […] L’enthousiasme littéraire, le seul que nous remarquons d’abord en lui, cette espèce de religion du beau, qui de plus en plus, en avançant, se fondera sur l’histoire, sur la comparaison des littératures, sur l’expérience des hommes et de la politique, ce premier enthousiasme eut quelques inconvénients, quelques superstitions, comme tous les cultes.

1502. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIIe entretien. Considérations sur un chef-d’œuvre, ou Le danger du génie. Les Misérables, par Victor Hugo (1re partie) » pp. 305-364

Relisons-le pour y sympathiser avec une sensibilité pathétique qui n’existait pas au même degré dans les années tendres de l’écrivain, et qui semble en vieillissant participer davantage à cette mélancolie de l’espèce humaine, à cette tristesse des choses mortelles, à ce mentem mortalia tangunt , à ce sublime lacrimæ rerum de Virgile, qui, lui aussi, avait vu des révolutions, des proscriptions, des déceptions humaines. […] « — Écoutez-moi bien », leur dis-je alors en prenant résolument la parole ; et bien m’en prit d’avoir profondément étudié trente ans l’économie politique pour leur classifier à eux-mêmes leurs tendances, et leur démontrer, dans une longue et cordiale improvisation, que ce qu’ils demandaient, c’était tout simplement la tyrannie la plus meurtrière des classes laborieuses, le monopole le plus insolent qui ait jamais abâtardi l’espèce humaine en masse, pour créer, par ce monopole, le privilège des classes renversées, de l’aristocratie de la main-d’œuvre contre la démocratie des producteurs et des consommateurs ; « — Écoutez-moi bien, leur dis-je, je vais vous faire ma profession de foi d’ignorance.

1503. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXVIIe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 5-64

De temps en temps je m’arrêtais, l’espace d’un soupir seulement, pour écouter si l’air roulait bien entre les hautes murailles qui faisaient de la cour comme un abîme de rochers, et pour entendre si aucun autre bruit que celui de l’écho des notes ne trahissait une respiration d’homme au fond du silence ; puis, n’entendant rien que le vent de la nuit sifflant dans le gouffre, je menais l’air, de reprise en reprise, jusqu’au bout ; quand j’en fus arrivée à cette espèce de refrain en soupirs entrecoupés, gais et tristes, par quoi l’air finissait en laissant l’âme indécise entre la vie et la mort du cœur, je ralentis encore le mouvement de l’air et je jetai ces trois ou quatre soupirs de la zampogne, bien séparés par un long intervalle sous mes doigts, comme une fille à son balcon jette, une à une, tantôt une fleur blanche détachée de son bouquet, tantôt une fleur sombre, et qui se penche pour les voir descendre dans la rue et pour voir laquelle tombera la première sur la tête de son amoureux. […] C’était une espèce de cloître entouré d’arcades basses tout autour d’une cour pavée, où il n’y avait qu’un puits et un gros if, taillé en croix, à côté du puits.

1504. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxive Entretien. Réminiscence littéraire. Œuvres de Clotilde de Surville »

Je vois des braves gens émerveillés, pleurer d’enthousiasme, sur ce qu’ils appellent à bonne foi le progrès indéfini de l’espèce humaine. […] C’était en effet surtout un parfum, une espèce d’essence d’opium oriental dont on ne pouvait pas se nourrir, tant il était contenu dans un petit vase, mais dont on pouvait s’enivrer.

1505. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXIVe entretien. Chateaubriand, (suite.) »

Il avait préparé depuis longtemps un sépulcre à part pour sa dépouille mortelle dans un rocher, espèce d’écueil à l’extrémité d’une presqu’île, à Saint-Malo. […] Ce n’est pas un livre d’incrédulité, c’est un livre de recherches, une espèce de Montaigne moderne appliqué à de plus graves sujets.

1506. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série «  Leconte de Lisle  »

On dit que la vie est mauvaise, on le croit et on réprouve ; on sait la vanité de tout espoir et de toute révolte, sauf de la révolte radicale qui secoue le fardeau de la vie ; et pourtant on vit, justement parce qu’on sait tout cela, parce que c’est une espèce de volupté pour le roseau pensant de se savoir écrasé par l’univers fatal et que cette connaissance est encore une insurrection et, par suite, une raison de vivre. […] Mais leur foi les rend impitoyables, et leur charité est d’une espèce étrange et s’exerce surtout en vue de l’autre monde.

1507. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série «  M. Taine.  »

Son ambition est sans limite et, par suite, son despotisme est sans détente : « Je suis à part de tout le monde, je n’accepte les conditions de personne », ni les obligations d’aucune espèce. […] Taine, l’ensemble des textes et documents de toute espèce ne s’oppose point à ce que l’on conçoive Napoléon précisément comme il l’a fait.

1508. (1839) Considérations sur Werther et en général sur la poésie de notre époque pp. 430-451

par l’amour individuel ou par cette espèce d’égoïsme qu’on appelle l’art pour l’art. […] Au surplus, Goethe s’est peint lui-même, sous le rapport de ses croyances, dans un passage de ses Mémoires : « Lavater, dit-il, m’ayant à la fin pressé par ce rude dilemme : Il faut être chrétien ou athée, je lui déclarai que s’il ne voulait pas me laisser en paix dans ma croyance chrétienne telle que je me l’étais formée, je ne verrais pas beaucoup de difficulté à me décider pour ce qu’il appelait l’athéisme ; convaincu, d’ailleurs, comme je l’étais, que personne ne savait précisément quelle croyance méritait l’une ou l’autre qualification. » Malheureusement on ne sait trop non plus ce que c’est que la croyance chrétienne que Goethe s’était formée : c’était une espèce d’oreiller comme celui de Montaigne.

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