Si belle que soit par ses proportions la colonnade du Louvre, il est impossible de ne pas sentir qu’elle répond pourtant à des besoins nés sous un autre ciel et qu’elle n’aura pas ici mission de satisfaire. Ainsi, en tous les ordres de l’activité mentale, l’influence de la culture antique a. contraint l’esprit français, au xvie siècle, à se concevoir quelque peu différent de lui-même, et on ne saurait nier que cette fascination ne se soit fait sentir parfois avec trop de force et au détriment de la civilisation déjà formée qui la subissait.
Quoique ces diverses formules, au dire du discret conseiller, ne fussent pas sans quelque vertu tentatrice, l’auteur de ce livre ne se sentit pas assez d’humilité et d’indifférence paternelle pour exposer son ouvrage au désenchantement et à l’exigence du lecteur qui aurait vu ces magnifiques apologies, ni assez d’effronterie pour imiter ces baladins des foires, qui montrent, comme appât à la curiosité du public, un crocodile peint sur une toile, derrière laquelle, après avoir payé, il ne trouve qu’un lézard. […] quiconque a fait imprimer douze lignes dans sa vie, ne fût-ce qu’une lettre de mariage ou d’enterrement, sentira l’amertume profonde d’une pareille douleur !
Quand on sent la poésie d’une certaine façon, on l’aime mieux habitant la montagne et la ruine, planant sur l’avalanche, bâtissant son aire dans la tempête, qu’en fuite vers un perpétuel printemps. […] Il en sent l’insuffisance et l’indigence tout le premier.
Il faudrait insister sur chaque mot, pour en faire sentir les beautés. […] Chaque mot que dit le chêne fait sentir au roseau sa faiblesse.
Quoique le geste ne soit pas réduit en art parmi nous, quoique nous n’aïons pas approfondi cette matiere, et par consequent divisé les objets autant que les anciens l’avoient fait, nous ne laissons pas de sentir que la tragédie et la comédie ont des gestes qui leur sont propres spécialement. […] Nos acteurs guidez par l’instinct, nous font sentir les principes sur lesquels les anciens avoient fondé la division de l’art du geste théatral, et l’avoient partagé en trois méthodes.
Il en avait toujours senti les beautés, les poésies, les langages, mais en artiste, en poète, en raffiné, en âme qui s’était parfumée, comme celle de Rousseau, dans des rêveries de promeneur solitaire, et trempée, trempée dans la rosée où Jean Lapin s’en va faire sa cour à l’Aurore. […] Jules Levallois le sent bien, du reste, et serait effroyablement embarrassé si on lui demandait, à lui, cet observateur, ce solitaire et cet ermite, l’analyse de l’éducation morale donnée à l’homme par la Nature, et les moyens dont elle se sert pour doubler ou tripler cette liberté qui vient en pleine terre, comme une plante, et qui n’a autour de soi que des êtres muets, indifférents à ses efforts, à son développement et à ses mérites.
Eh bien, c’est ce rotin que nous n’aimons pas ; c’est cette virtualité du fantastique que, malgré son succès et peut-être à cause de son succès, nous n’avions pas sentie en Erckmann-Chatrian ! […] En d’autres termes, sans être dans son genre un lord Byron, Erckmann-Chatrian a-t-il senti la vocation — cette tigresse qui dort parfois comme une marmotte — s’éveiller en lui sous le rude toucher de la Critique, et nous forcera-t-il à reconnaître qu’il a le génie fantastique, qui doit être le plus étonnant et le plus rare de tous les génies, puisque, ainsi que je l’ai avancé, il se permet tout, et que l’imagination, cette Rêveuse difficile, a toujours le droit de lui dire : Je m’y attendais ?
Les poètes théologiens ont senti, par une sorte d’instinct, cette dernière vérité ; et dans les poèmes d’Homère ils ont appelé l’âme (animus), une force sacrée, une puissance mystérieuse, un dieu inconnu. […] Toutes les pensées (sentenze) devaient en conséquence être particularisées par celui qui les pensait, ou plutôt qui les sentait.
Un autre écrivain, un critique dont le silence s’est fait également sentir, M. […] En même temps qu’il sent le prix de tous ces trésors, résultats accumulés d’un commerce épistolaire qui a duré un demi-siècle, M. […] Nous trouvons Benjamin Constant à Lausanne, en juin 93 ; il y revint avec une véritable joie ; il s’étonnait de se sentir attiré vers ce beau lac et vers ces montagnes. […] Que je pusse : on sent que Benjamin Constant n’est pas encore tout à fait naturalisé Français. […] On sent qu’à cette période de sa vie il est entre trois langues, et comme entre trois patries ; il n’a pas encore fait son choix.
Les Marseillaises et les Te Deum sont les deux plus éclatants symptômes de cet instinct lyrique de l’âme humaine, qui la porte à chanter quand elle déborde de sensations et quand la parole devient impuissante à évaporer ce qu’elle sent en elle d’enthousiasme, d’énergie ou de félicité. […] Il n’osa ni l’embrasser ni la regarder ; il sentait qu’il l’emportait dans sa poitrine. […] mon pauvre Didier, rentre dans ton bon sens et ravale ta joie et ta chanson ; tu ne seras jamais que le jouet de tout le monde et de la Jumelle. » À ces mots, qui jetèrent tout à coup le froid de la moquerie sur le feu de l’enthousiasme, le petit Didier, concevant un humble doute, sentit son cœur lui manquer dans la poitrine. […] La prostration de l’âme m’empêchait de sentir la fatigue et le froid d’un âpre hiver pendant ce lugubre convoi. […] Je ne sentais pas que je chantais ainsi au branle de la cloche, et, quand elle se tut, je me relevai de terre indigné contre moi-même d’avoir chanté.
Cette chevelure n’avait jamais senti, non plus que cette âme, la froide lame des ciseaux ou le froid tranchant des déceptions ; deux larges yeux bleus, comme la mer de la Bretagne, sa patrie, rêvaient dans la sérénité sous l’ombre de ces cheveux. […] Le chiffre n’a pas d’âme : l’âme a une force à millions de chevaux, comme on dit, qui soulèverait plus de poids que la vapeur ; ils se défient de cette force, ils dévirilisent l’humanité pour la dompter ; l’homme spécial ne leur refuse rien, l’homme universel leur fait peur ; il sent et il pense ; la conscience et la pensée sont les deux ennemies divines de la servitude, Némésis de la tyrannie ; l’antiquité n’en avait qu’une, nous en avons deux. […] Je ne me sentais pas la puissante organisation créatrice qui fait les grands poètes : tout mon talent n’était que du cœur. Mais je me sentais une justesse de bon sens, une éloquence de raison, une énergie d’honnêteté, qui font les hommes d’État ; j’avais du Mirabeau dans l’arrière-pensée de ma vie. […] Quel sujet pour qui sait voir, sentir et aimer : « Ah !
Mais le charme de la prière, le charme de l’entretien avec Dieu, ils ne le goûtent pas, il faut avoir une âme pour le sentir. […] tant de choses qu’on voit, qu’on touche, qu’on sent, feraient écrire des volumes. […] Pour bien se conduire avec les enfants, il faut prendre leurs yeux et leur cœur, voir et sentir à leur portée et les juger là-dessus. […] (Lamartine) « Il n’est pas de danseuse qui ne quittât sa robe de bal et sa guirlande de fleurs, pas de jeune fille qui n’oubliât sa beauté, personne qui ne revînt meilleur de cette terre des morts. » XIX Ainsi cela se poursuit parmi tous les événements de la vie, petits ou grands, tristes ou gais ; c’est la vicissitude éternelle, mais la vicissitude interprétée, sentie, comprise par une âme intelligente de ce qu’elle souffre et joyeuse de ce qu’elle cueille en passant sur le bord du chemin. […] Lisez les lignes suivantes, et jugez combien la piété bien entendue et bien sentie s’étend à tout, depuis l’étoile incommensurable jusqu’au pauvre petit chien qui n’a que ses deux pattes à laisser à sa maîtresse.
Avant la dernière campagne de Napoléon en France, il sentit la nécessité de se réconcilier avec Pie VII, captif à Fontainebleau. […] Personne ne sent plus que moi, je l’atteste à Votre Éminence, et ne partage davantage tous les sentiments dont son cœur doit être déchiré. […] Ils ne sentent le feu sacré des religions qu’à la chaleur des bûchers qu’elles allument. […] Consalvi se sentit pris pour jamais de la plus tendre affection pour Cimarosa ; il parvint à le connaître ; ils contractèrent ensemble la plus impérissable affection. […] Quand les infirmités de Pie VII, aggravées accidentellement par un accident dans sa chambre qui lui rompit la clavicule, eurent précipité sa mort sainte comme sa vie, il sentit le flot des ambitions ajournées monter rapidement autour de lui dans le sacré collège pour le submerger ; il se retira, pour ne pas le voir, dans une petite et pauvre maison de campagne aux bords de la mer, non loin d’Anzio et de Rome.
En effet, une chose qui, par sa nature, n’offense ni un individu ni une nation, n’est point une injure ; jamais une vague déclamation contre les vices d’un siècle ou d’un peuple n’a offensé réellement une nation ou une époque ; et jamais ces déclamations, quelque violentes, quelque injustes qu’on les suppose, n’ont été sérieusement reprochées à leurs auteurs ; l’opinion, juste en ce point, a senti que ce qui frappait dans le vague était innocent, par là même que cela ne nuisait à personne. […] Qui ne sent l’absurdité d’une pareille supposition, et quel homme de bonne foi, en comparant les paroles du poète et ses actions, en opposant tous les vers où il exprime sous son propre nom ses propres impressions à ceux où il exprime les sentiments présumés de son personnage, quel homme de bonne foi, disons-nous, pourra suspendre son jugement ? […] Je n’en sais rien ; j’imagine que ce fut précisément le contraste, l’étreinte de la volupté sur le cœur qui le presse trop fort, et qui en exprime trop complètement la puissance de jouir et d’aimer, et qui lui fait sentir que tout va finir promptement, et que la dernière goutte de cette éponge du cœur qui boit et qui rend la vie, est une larme. […] On voit bien, du reste, que rien ici ne sent l’effet ou la prétention de l’invention, et que cela est vrai comme la nature. […] non, dit le père ; mais parlons chacun à notre tour, et disons chacun ce dont nous nous souvenons ; ainsi le voyageur saura tout par la bouche même de celui qui aura vu, connu et senti la chose.
Profondément irréligieux, Obermann sent, avec une extrême acuité, l’angoisse des problèmes métaphysiques. […] Cette singulière peinture d’une volonté impuissante pour des raisons métaphysiques n’eut aucun succès en 1804 : le roman de Senancour dut attendre 1830 pour être en vogue, je ne dis pas pour être compris, car les romantiques y virent surtout l’inertie désespérée qu’ils sentaient en eux, sans regarder aux doctrines et au tempérament qui faisaient Obermann tout à fait distinct de René ou de Lélia. […] Elle voit le détail et l’ensemble du paysage ; elle en sent l’âme comme la forme. […] On sent que Stendhal a été idolâtre de son modèle : il donne l’impression d’être entré dans l’âme italienne plus avant qu’aucun Français. […] Il n’y a guère dans la littérature de personnages plus complets et plus vivants que Colomba, que Carmen : nous les voyons pleinement, dans toutes leurs particularités morales et physiques ; et leur individualité singulière n’en fait pas des êtres d’exception : nous en sentons la solide humanité, revêtue d’une forme unique.
Ce péril se fait déjà sentir dans les ouvrages essentiellement scientifiques ; mais il est plus sensible et plus grave encore dans les genres d’écrits qui sont mitoyens entre la littérature et la science, tels que l’histoire et la philosophie. […] Il ne lui a plus suffi d’interroger la conscience ; elle a senti la nécessité de connaître les résultats où chaque science particulière aboutit, de relier les phénomènes physiques aux phénomènes moraux, de rattacher par exemple la psychologie à la physiologie. […] Et bientôt c’est, dans la philologie, l’érudition lourde d’ennui qui sait à merveille corriger un texte, mais non plus en sentir la grandeur ou la grâce ; dans l’histoire, la monographie substantielle et indigeste qu’on estime et ne lit pas ; dans la philosophie, la peur des vastes synthèses et la mise sous scellés de la métaphysique et de ses éternels problèmes ; dans le roman, au théâtre, la décroissance de la verve inventive, la froideur, la sécheresse, la vulgarité du terre à terre, l’impuissance à créer un type supérieur ; en toute matière, le style pesant, épais, scolastique, engrisaillé de termes abstraits ou hérissé de vocables rébarbatifs ; bref, tout ce que comprend d’étroit, de rogue, de fastidieux, de glacé, de mort le mot de pédantisme. […] La fleur même, pour nous, depuis qu’il en recueille L’âme sous l’alambic, ne sent plus aussi bon. […] Les enfants prêtent la vie à tout ce qui les entoure ; ils se figurent comme des êtres bienfaisants ou malfaisants ces forces invisibles dont ils sentent les effets ; ils injurient le feu qui ne veut pas brûler ; ils se mettent en colère contre la porte qui s’obstine à ne pas s’ouvrir.
Voilà la première règle prescrite par Longin ; et sa nécessité se fait si bien sentir qu’il est inutile de la détailler plus au long. […] Cependant tous nos héros de théâtre sont atteints de cette espèce d’égarement ; ils raisonnent, ils racontent même, ils arrangent des projets, s’objectent des difficultés qu’ils lèvent dans le moment, balancent différents partis et des raisons contraires, et se déterminent enfin au gré de leurs passions et de leurs intérêts ; tout cela comme s’ils ne pouvaient se sentir et se conseiller eux-mêmes, sans articuler tout ce qu’ils pensent. […] L’effet en est admirable à la lecture ; mais au théâtre, les scènes en deviennent moins vives, et si l’on y prend garde, moins naturelles, parce qu’en voyant les autres acteurs présents, on les sent souvent embarrassés de leur silence. […] Tout cela répond à des mouvements aperçus qui, quelquefois plus expressifs que la parole, font sentir du moins le dialogue de la passion, dans les endroits même où l’on n’entend qu’un personnage. […] La lune tout entière de Jodelet est encore plus comique ; c’est une naïveté excellente, et l’on sent bien que ce n’est pas là un de ces jeux de mots que l’on condamne avec raison dans le dialogue.
À la Grèce entière assemblée, Muette, et ravie et troublée, De sa foudre il faisoit sentir les traits vainqueurs ; Et de l’art agrandi redoublant les miracles, Tonnoit, renversoit les obstacles, Et triomphoit de tous les cœurs. Tel, et plus éloquent encore, Bossuet parut parmi nous, Quand, s’annonçant au nom du grand Dieu qu’il adore, De sa parole aux rois il fit sentir les coups. […] Le lieu même d’où il parle, celui où on l’écoute, confond et fait disparaître toutes les grandeurs pour ne laisser sentir que la sienne. […] S’il atteste Dieu, Dieu est pré sent sur les autels ; s’il annonce le néant de la vie, la mort est auprès de lui pour lui rendre témoignage, et montre à ceux qui l’écoutent qu’ils sont assis sur des tombeaux. […] Ils diront, par exemple, que telles lois sont sagement établies en raison inverse du carré des distances ; que telle puissance, prête à former une alliance avec une autre, se sent attirer à elle par l’effet de l’attraction, et que bientôt les deux nations seront assimilées.
C’est qu’il n’a pas de conclusion, non-seulement exprimée, mais sentie, et qu’il ne s’adresse qu’aux honteux souvenirs, que nous avons tous, quand il devrait s’adresser, ce livre, encore plus à l’avilissement de nos idées qu’à l’avilissement de nos mœurs. […] Elle a travaillé ici, c’est bien évident ; on sent sa présence et on entend sa plainte, mais hors cette plainte, qu’y a-t-il qui nous éclaire le cœur après nous l’avoir touché et, si vous y tenez, déchiré ? […] Au point de vue de la vérité, cette femme de trente-cinq ans, qui n’a pas le droit de mener la vie de garçon, et qui la mène, n’a pas dû attendre la première jalousie de son amant en voyant son mari, pour savoir que le bonheur qu’elle s’était fait dans le désordre avait ses ombres, et pour n’avoir pas senti le regret de l’honneur trahi lui passer quelquefois sur le front. […] Si Fanny et son amant sont ce qu’ils paraissent, s’ils n’ont encore senti, avant l’arrivée du mari, aucun remords, aucune tristesse, aucun trouble, leurs douleurs et leurs jalousies, après l’arrivée du mari dans le drame, ne sont plus que vanité ou jalousies grossières, et le livre perd le caractère que l’auteur a voulu lui donner. […] Il a le choix de beaucoup de manières, parce qu’il n’en subit aucune, parce qu’il ne sent en lui jamais cette irrésistible inspiration qui fait des hommes de vrai génie des esclaves de Dieu comme le soleil.
Mais il dure des heures, ce bavardage enfantin auquel, d’abord, on sourit ; et on se sent noyé sous un flux lent d’ennui et d’ensommeillement. […] La femme ne sent pas ce qu’il a de terrible pour l’esprit qui, bientôt peut-être, en sera élargi, mais qui d’abord en est comme annihilé. […] Réfugiée dans le rêve, elle sent tout ce que son bonheur a d’inquiet et de flottant. […] Du livre du bas-bleu s’élèvent des « relents de charnalité » que La Fontaine a négligé de nous faire sentir. […] Parfois elle s’élance à de gros lyrismes lourds : on sent qu’elle vient de s’entraîner en lisant quelques pages de Zola.
Avec un instinct parfaitement juste, nous sentîmes que ce qui se passa ce jour-là était un grand malheur. […] L’opinion publique de l’Angleterre, telle qu’elle se produit depuis trente ans n’est nullement germanique ; on y sent l’esprit celtique, plus doux, plus sympathique, plus humain. […] Lentement, savamment, elle préparait la vengeance d’injures qui pour nous étaient des faits d’un autre âge, avec lequel nous ne nous sentions aucun lien et dont nous ne croyions nullement porter la responsabilité. […] Un peuple, comme un homme, préfère toujours s’appliquer à ce en quoi il excelle ; or la race germanique sent sa supériorité militaire. Tant quelle sentira cela, elle ne fera ni révolution, ni socialisme.
Ô sainte poésie des choses, avec quoi se consoler de ne pas te sentir ? […] Je sentis cela un jour divinement en entrant dans un petit bois. […] Renan a senti cela. […] Nous avons trop senti et trop jugé, trop espéré et trop détruit. […] Quelle douceur de poser mes lèvres ardentes sur sa bouche qui sentait bon comme une fleur !
Il sent, il pense, il agit avec ses deux natures. La logique ordinaire est ici outrageusement violée, mais l’homme sent, pense et agit contradictoirement, en conformité avec sa nature contradictoire, pour parer à des conditions de vie contradictoires aussi, et, de ce point de vue, il est très logique. […] Mais s’il comprend ainsi les choses du point de vue social, il les sentira autrement s’il les regarde avec ses yeux d’individu sacrifié. […] En tout cas il y a des moments où nous sentons avec plus de précision ce qui, en nous, nous sépare de nous, ce qui, tout en restant nous, n’est plus nôtre, ce qui nous unit à nos coreligionnaires, à nos amis, à nos parents, à notre patrie, à l’humanité entière. Nous avons alors l’impression que nous appartenons à un ensemble et que cet ensemble nous dépasse ; nous savons qu’il veut telle ou telle chose de nous, et nous nous sentons attirés sur la route où il nous appelle.
Jamais de sublime hors d’œuvre ; jamais de ces tirades qui sentent le déclamateur ; jamais des dissertations étrangeres au sujet. […] Dans ses Comédies de caractère, il ne le céde à aucun des comiques anciens & modernes, & dans les petites piéces d’intrigue, la gaieté, qui étoit la partie dominante de son génie, se fait sentir avec tous ses charmes. […] Indépendamment de la morale que ses fables renferment, il enchante par les graces piquantes de son style ; on y sent à chaque ligne ce que la gaieté a de plus riant, & ce que le gracieux a de plus attirant. […] Des phrases plus courtes, des périodes mieux coupées feroient mieux sentir l’air de facilité qu’ont presque toutes ses poésies. […] Les talens d’Ovide & peut-être ses défauts se font sentir dans tout ce qui est sorti de la plume féconde de M.
À la comédie, nous sentons qu’on eût aussi bien pu choisir toute autre situation pour nous présenter le personnage : c’eût été encore le même homme, dans une situation différente. […] Sous la vie tranquille, bourgeoise, que la société et la raison nous ont composée, il va remuer en nous quelque chose qui heureusement n’éclate pas, mais dont il nous fait sentir la tension intérieure. […] C’est, je pense, celle que le buveur éprouve quand il se sent glisser agréablement vers un état où rien ne comptera plus pour lui, ni logique ni convenances. […] Il sent qu’il n’a pas cessé d’être ce qu’il est ; il n’en est pas moins devenu un autre. […] Il s’entend parler, il se voit agir, mais il sent qu’un autre lui a emprunté son corps et lui a pris sa voix.
À Bordeaux, le départ d’Ysabeau fut triomphal ; le parti modéré sentait la nécessité de se montrer fort et de contenir ainsi Jullien. […] Contre les vitres, là-haut, la brise hurle, et dans les mugissements du vent, parfois, on sent passer, avec de longs cris aigus, la plainte des trépassés. […] Il y en a fort peu, et celles-là même seulement dans quelques parties — qui nous fassent connaître ce qu’était, ce que pensait ou sentait le poète. […] C’est purement et simplement une façon de voir et de sentir autre que la façon de voir et de sentir des idéalistes. […] Pedro se sentait ridicule, n’osant aborder nettement la cause de sa visite, quand on annonça que la voiture était avancée.
Une lettre de Mme de Maintenon à Mme de Fontaines, maîtresse générale des classes, du 20 septembre 1691, expose cet état périlleux et cette crise ; elle sent d’ailleurs et convient avec sincérité que c’est elle-même qui a introduit le mal, et elle prend tout sur son compte : La peine que j’ai sur les filles de Saint-Cyr ne se peut réparer que par le temps et par un changement entier de l’éducation que, nous leur avons donnée jusqu’à celle heure ; il est bien juste que j’en souffre, puisque j’y ai contribué plus que personne, et je serai bien heureuse si Dieu ne m’en punit pas plus sévèrement. […] Je rame, en vérité, pour amuser Mme la duchesse de Bourgogne… Comme on sent partout dans Mme de Maintenon à Saint-Cyr une âme qui en a assez du monde, qui dit aux jeunes âmes riantes : « Si vous connaissiez le monde, vous le haïriez » ; qui a connu la pauvreté et le manquement de tout, qui a été obligée de faire bonne mine et de sourire contre son cœur, d’amuser les autres, puissants et grands, et qui, sensée, délicate, raisonnable, est à bout de toute cette longue et amère comédie, — ne désirant plus, le masque tombé, que le repos, la réalité, la vérité, et une tranquilité égale et fructueuse dans l’ordre de Dieu ! […] c’est précisément ce don des larmes que, même toute part faite au grave caractère d’institutrice, on regrette de ne jamais sentir, de près ni de loin, dans le cœur ni sous la raison de Mme de Maintenon ; et au milieu de tous les éloges et de tous les respects que mérite son noble, son juste, délicat et courageux bon sens, c’est aussi la seule réserve et la seule restriction que j’aie voulu faire.
Mais au milieu des qualités honnêtes et régulières du Dauphin, on regrette de ne sentir aucune étincelle ; il n’a pas le démon en lui. […] Louis XIV sentit à la fois qu’il faisait une perte et qu’il était délivré d’une gêne. […] Des désertions, des révoltes dans les troupes se font sentir.
On y sentait non seulement l’observateur déjà éprouvé et mûr, mais une nature passionnée, avide d’action, par moments une manière d’ambitieux pour qui l’histoire s’offrait comme une suite de rôles qu’il eût aimé à transporter et à réaliser dans le présent. […] On sent dans cette lettre qu’il aurait pu, ce jour-là même, tracer le caractère de Sénèque ou l’orateur chagrin, l’orateur de la vertu, qui commence en ces termes : Celui qui n’est connu que par les lettres, n’est pas infatué de sa réputation, s’il est vraiment ambitieux ; bien loin de vouloir faire entrer les jeunes gens dans sa propre carrière, il leur montre lui-même une route plus noble, s’ils osent la suivre : Ô mes amis, leur dit-il, pendant que des hommes médiocres exécutent de grandes choses, ou par un instinct particulier, ou par la faveur des occasions, voulez-vous vous réduire à les écrire ? […] Vauvenargues le sentait et dut passer outre.
que ne dira-t-il pas, que ne sentira-t-il pas du poids accablant dont il voudrait bien se démettre, dont il se démit même une première fois ! […] Décidément Joubert aime les postes en second et s’y sent plus à l’aise que dans les premiers. […] Je me risquerai donc, à propos de cette singulière modestie de Joubert, à rappeler la pensée d’un moraliste de l’école de La Rochefoucauld : Une modestie obstinée et permanente est un signe d’incapacité pour les premiers rôles, car c’est déjà une partie bien essentielle de la capacité que de porter hardiment et tête haute le poids de la responsabilité ; mais de plus cette modestie est d’ordinaire l’indice naturel et le symptôme de quelque défaut, de quelque manque secret ; non pas que l’homme modeste ne puisse faire de grandes choses à un moment donné, mais les faire constamment, mais recommencer toujours, mais être dans cet état supérieur et permanent, il ne le peut, il le sent, et de là sa modestie qui est une précaution à l’avance et une sorte de prenez-y-garde.
Je définis le groupe, non pas l’assemblage fortuit et artificiel de gens d’esprit qui se concertent dans un but, mais l’association naturelle et comme spontanée de jeunes esprits et de jeunes talents, non pas précisément semblables et de la même famille, mais de la même volée et du même printemps, éclos sous le même astre, et qui se sentent nés, avec des variétés de goût et de vocation, pour une œuvre commune. […] À propos d’une de ces associations dont faisait partie Thomas Moore dans sa jeunesse, à l’université de Dublin, un critique judicieux a dit : « Toutes les fois qu’une association de jeunes gens est animée d’un généreux souffle et se sent appelée aux grandes vocations, c’est par des associations particulières qu’elle s’excite et se féconde. […] Je ne sais qui faste ou quelle froideur m’avertit ; la sincérité ne se fait pas sentir.
C’est assez pour la première fois ; il sent qu’il ne faut jamais ennuyer les dames. […] Les spectateurs d’alors se contentaient à moins. » Quand des érudits des plus compétents parlent avec cette modestie et cette bonne foi de l’objet de leurs études, on se sent d’autant plus porté à leur accorder ce qui est juste, et on est tout prêt à placer avec eux leur vieux Mystère à son rang dans la série des anneaux intermédiaires qui permettent de mesurer les lents efforts, en tout genre, de l’esprit humain. […] Quicherat, le collecteur définitif de tout le dossier restant, et le greffier le plus fidèle de tous les actes et témoignages. — Et quant au vieux Mystère, qui n’est guère qu’une chronique, il est bien prolixe ; mais il a du naturel, et, en plus d’un endroit, il a sa couleur vraie et qu’on sent voisine du temps.
On sent donc là, comme dans d’autres proverbes du même auteur, une première observation vraie, beaucoup de finesse et de délié dans l’exécution et aussi un coin de faux par parti pris. […] Feuillet ne se fait pas faute de nous offrir de ces intérieurs de vieillards, comme dans le Village ; il triomphe de la difficulté, et il ne craint pas, tant il y met de soin et de coquetterie, que ces vieilles amours nous paraissent sentir le rance), deux vieilles gens donc, Mme d’Ermel, femme de soixante-deux ans, et le docteur Jacobus, Hollandais, qui en a soixante-dix, jouent tous les soirs une partie de dames que le vieux médecin vient faire chez sa voisine à la campagne. […] Ses premiers essais si fins, et d’un arrangement si ingénieux, si industrieux, n’étaient qu’un prélude, une entrée de jeu pour un talent qui se sentait en fonds.
Je choisis presque au hasard chez elle un premier exemple, un paysage d’hiver, une vue de commencement de janvier dans cette Suisse austère, en face des montagnes : « Ce matin-là rien ne sentait le printemps, rien n’affaiblissait l’âme. […] Le paysagiste sent bien qu’il l’est, et il ne craint pas de se trahir et de s’accuser par des mots qui sont purement du métier : « Le ciel prend toute sa valeur » ; — sa valeur au sens pittoresque et technique. — Mlle de Guérin, tout au contraire, n’a que des tons doux, suaves encore jusque dans leur vivacité. […] Elle écrit comme on a écrit jusqu’à elle dans les bons livres ; elle y ajoute selon ce qu’elle sent, mais sans jamais détonner.
Volney, dans le programme de ses leçons d’histoire aux Écoles normales (an iii, 1795), se propose d’examiner quel caractère présente l’histoire chez les différents peuples, quel caractère surtout elle a pris en Europe depuis environ un siècle : « L’on fera sentir, disait-il, la différence notable qui se trouve dans le génie historique d’une même nation selon les progrès de sa civilisation, selon la gradation de ses connaissances exactes. » Notez bien cette sorte de traduction qui définit le sens. […] Que les heureux et les favorisés le sentent, afin d’en savoir gré du moins à la partie laborieuse et qui peine ! […] Duveyrier l’a senti : « Le nouvel Institut devrait attirer, dit-il, les natures ardentes, communicatives, les talents de parole et de plume, et les employer à rehausser le moral des populations et à créer un courant de libéralités publiques en faveur du progrès social. » En deux mots, M.
Il y a, on le sent, un abîme entre de tels noms de femmes qui font honneur à qui les aime, et Mlle Leduc que le comte de Clermont, même livré à elle et soumis, n’estimait pas. […] et je me serais senti délivré ; mais, somme toute, ma huitaine n’eût pas été mal employée. […] Son Altesse Sérénissime répondit tout en piss… : « Mortaigne, prenez garde de prendre votre c… pour vos chausses. » Sans doute, ajoute M. de Voyer, que ce prince sentit l’absurdité de tirer d’un point aussi éloigné que la droite le secours nécessaire à la gauche ; mais il eut la faiblesse de ne pas s’opposer à ce ridicule arrangement. » Supposez un moment en imagination que le prince de Condé, dans la gloire des journées de Rocroy et de Lens, et à la faveur d’un songe comme le figurent les poëtes épiques, aperçoive tout à coup, dans l’avenir, un de ses descendants perdant une bataille dans une telle posture et sur un tel mot, et demandez-vous ce qu’il en dira !
La jeune fille mourut de douleur, non sans avoir senti fuir auparavant sa raison égarée ; et lui, il passa de longues années à gémir amèrement en lui-même, à moduler avec douceur ses regrets. […] On dirait qu’un grain de gaieté flamande s’y fait sentir. […] le temps qui m’entraîne Va tout changer autour de moi : Déjà mon cœur que rien n’enchaîne Ne sent que tristesse et qu’effroi… Ce bois même avec tous ses charmes, Je dois peut-être l’oublier ; Et le temps que j’ai beau prier Me ravira jusqu’à mes larmes.
Et l’on sent très clairement que l’âme secrète de cette raillerie n’est point, comme celle d’autres grands railleurs, l’amour du vrai, du juste ou du bien. […] Qui n’a senti cela ? […] Il a la joie de sentir qu’il domine, qu’il dirige, qu’il a dans sa main des milliers de misérables qui croient en lui et qui pourtant lui sont aussi étrangers que possible et qu’il n’aime pas.
Cependant, peut-être parce qu’il est pessimiste et par une réaction inconsciente de ce qu’il sent vivre en lui, M. de Régnier prête parfois à ses poèmes l’héroïque splendeur qui faisait défaut aux choses aperçues. […] L’immobilité de l’attitude, en niant toute idée de temps, garde à l’œuvre une grandeur qu’on peut alors sentir pérennelle et que certifie l’équation parfaite de la chose à exprimer avec le mode qui l’exprime. […] Le geste se multiplie à l’aise dans la plaine ensoleillée : son accent mâle s’y révèle avec maitrise tandis qu’est plus difficilement perçue son instabilité ; on y sent moins impérieusement le désir du définitif repos qui manque à M.
Je crois que nous sommes beaucoup à avoir senti un petit frisson triste quand un bref et indifférent écho nous annonça la mort du poète. […] Il ne faut pas plus être embarrassé du vers, quand on se sent poète, que du clavier, si l’on est virtuose. […] Un des livres du siècle est éclos, ce m’est l’escompte d’une joie historique de m’en sentir contemporain.
L’homme unique est celui qui sent toujours avec une acuité plus grande et sait se traduire par des moyens appropriés. […] J’ai pris la peine d’y revenir et j’ai senti leur charme riche, dense et rare. […] Sentez comme Arthur Rimbaud, parfait !
Il sentait sa parenté artistique avec l’orfèvre et le ciseleur. […] D’autres, comme Gustave Droz, sentent la poudre de riz, le musc, le lubin, les parfums des boudoirs. […] Que de lacunes révélatrices et faciles à constater, depuis ceux qui n’ont pas senti la nature extérieure, comme Boileau, jusqu’à ceux auxquels manque le souci de l’au-delà, comme Stendhal ; depuis ceux qui n’ont jamais eu le moindre battement de cœur pour une cause politique et sociale jusqu’à ceux auxquels l’amour de la famille paraît être resté presque tout à fait étranger, témoin l’étrange époux et père que fut notre La Fontaine !
Voilà qui me paraît étrange ; mais à toute force peut-être les chiens anglais sentent-ils mieux le renard que les nôtres. […] C’est-là un des meilleurs conseils que le sage pût donner ; et je voudrais que La Fontaine eût composé un ou deux Apologues pour en faire sentir l’importance. […] La Fontaine a senti l’objection prise du tort que l’on ferait à la société, si le goût de la retraite devenait trop général.
Il se sentait chez lui. […] L’escrime des Controverses sent son gentilhomme. […] La vertueuse veuve, dès son premier entretien avec le respectable évêque, sentit en elle une disposition de paix et de joie. […] Il a de la répugnance pour la gendelettrerie, pour tout ce qui sent le métier. […] Ce livre, que vous aimerez dès que vous l’aurez ouvert, est plein de cette pensée : on la sent, bien que l’auteur se défende de toute prédication, on la sent qui circule sous le tissu du style coloré, alerte et pimpant.
On sent partout l’effort et la tension ; il manque enfin à M. […] Ces deux-là, particulièrement, il ne peut les sentir. […] Brizeux sent la nature, mais il ne la rend qu’à demi : sa plume est indécise, sa couleur terne, son dessin flottant M. Barbey d’Aurevilly sent, éclaire et fixe. […] Racine sentait bien cette impossibilité.
D’ailleurs, on sent si bien que le but qu’il poursuit l’autorise à négliger les détails de la perfection technique ! […] Nous n’avons plus cette liberté de sentir et de goûter ceci ou cela dans un morceau de musique, d’être ému de telle ou telle manière, selon nos dispositions personnelles. […] Il y condamna la société et sentit qu’il devenait méchant ; il y condamna la providence et sentit qu’il devenait impie. » Ruy-Blas n’éprouve aucune difficulté à devenir grand ministre. […] Je sentis son pouls… il ne battait plus ! […] Il sentait que sa destinée était inséparable de celle de sa patrie, et que, dans un pays étranger, son action serait limitée et inféconde.
Ayant compris, ou senti le premier que le drame était action, il a senti ou compris que la première obligation de l’auteur dramatique était de s’aliéner de son œuvre. […] Il a bien senti que, pour caractériser le rôle de Hardy, il lui fallait remonter jusqu’à Garnier, jusqu’à Jodelle, jusqu’aux derniers Mystères. […] Ils sentent que ni l’épopée, ni la tragédie, ni la comédie, ni la satire n’épuisent, pour ainsi parler, ce que la vie humaine a de littérairement imitable. […] Mathématicien distingué, sinon de premier ordre, il est impossible qu’il ne sentît pas que, dans la mesure où la physique nouvelle est fille du calcul, c’est au cartésianisme qu’elle doit ses découvertes et ses progrès. […] C’est eux qui ont eu tort de se sentir atteints et blessés par Tartufe.
Quand j’y aurais songé, y a-t-il un livre capable de soulever une nation de quarante millions d’hommes et de les faire courir aux armes quand ils se sentent légalement et bien gouvernés ? […] En éloquence politique, je suis arrivé trop tard aux tribunes dites parlementaires, pour développer les forces réelles de l’éloquence raisonnée et passionnée que je sentais véritablement rugir en moi comme des lions muselés entre les barreaux d’une ménagerie. […] Je sentais trop qu’à ce jeu de théâtre, sans autre but que des applaudissements de parterre, les légitimistes perdaient l’honneur et ne gagnaient aucune popularité sérieuse dans le fond du pays. […] D’ailleurs je voulais m’exercer à l’éloquence parlée, à laquelle je me sentais appelé par l’abondance et la force des pensées qui fermentaient en moi, à chaque discussion que j’entendais d’en haut s’agiter en bas dans la chambre. […] « Je n’ai pas le droit d’être susceptible ; je ne me suis pas senti insulté cette fois, ni dans le mot, ni dans l’intention de l’auteur.
Et, tandis que le plus souvent les héros de théâtre sont éloignés de nous de toute la longueur de la rampe, nous nous sentons bien près, parfois, d’un personnage de roman qui se meut comme nous dans la simple clarté du jour. […] Dans la réalité, l’action des événements sur le caractère produit des effets accumulés : la vie et les expériences le façonnent et le développent ; une tendance première, une manière de sentir ou d’agir vont s’exagérant avec le temps. […] Stendhal est semblable a l’anatomiste qui met à nu toutes les fibres nerveuses, si imperceptibles qu’elles soient, mais qui en somme travaille sur des cadavres ; la vie lui échappe avec ses phénomènes multiples, sa chimie complexe, son fonds impersonnel ; on ne sent pas en ses personnages ce qu’il y a en tout être de fuyant, d’infini, d’indéterminé, de synthétique. […] En floréal, cet énorme buisson, libre derrière sa grille et ses quatre murs, dans le sourd travail de la germination universelle, tressaillait au soleil levant presque comme une bête qui sent la sève d’avril monter et bouillonner dans ses veines, et, secouant au vent sa prodigieuse chevelure verte, semait sur la terre humide, sur les statues frustes, sur le perron croulant du pavillon et jusque sur le pavé de la rue déserte, les fleurs en étoiles, la rosée eu perles, la fécondité, la beauté, la vie, la joie, les parfums. […] La Tentation de saint Antoine aboutit au désir de ne plus penser, de ne plus vouloir, de ne plus sentir, de redescendre degré à degré l’échelle de la vie, de s’abîmer dans la matière, d’être la matière. « J’ai envie de voler, de nager, de beugler, d’aboyer, de hurler.
Au fond de nous-mêmes ne le sentons-nous pas, que notre mort est faite d’une succession de terminaisons ? […] Il ne sait pas se taire et se recueillir, se tenir immobile pour mieux penser : il ne pense pas, il sent et parle, même il crie. […] Mais il sent qu’un vent hostile souffle, que quelque chose de nouveau est naissant, et il se met en garde. […] Son œuvre sent plus qu’une autre le passé précisément par sa relative perfection. […] Il n’explique ni ne décrit et sait faire voir et sentir. — Plus spécialement encore y parvient-il par ses vers que par sa prose.
Après s’être occupé quelque temps, et non sans trouver à y louer de deux pièces, l’une80 d’une exécution assez vigoureuse, atteignant à des effets dramatiques assez émouvants, mais trop pénible de combinaison et d’une moralité un peu forcée ; l’autre81 délicate et gracieuse, toute morale d’intention sans doute, mais bien légère de tissu et d’un dessin trop arrangé, la commission s’est sentie particulièrement attirée vers un ouvrage qui lui était signalé par un succès vif, dû à un agréable entrain, à une facilité de bonne veine, à beaucoup de gaieté et de naturel, qualités excellentes et qui deviennent rares. […] La commission, en terminant un travail qui, cette année comme la précédente, est resté sans fruit, ne se hasarderait pas toutefois à exprimer ce vœu, monsieur le ministre, si elle ne sentait qu’elle va en cela au-devant de vos désirs, et si elle ne confiait l’idée à votre goût.
A quoi bon vous constituer ainsi en une admiration permanente, qui vous fatigue et le lecteur aussi, et qui ne lui permet de voir et de sentir qu’après vous et par vous ? […] Denis ne s’aperçoit pas que c’est lui qui parle bien souvent par leur bouche, que leurs idées si malheureusement ingénieuses, leurs phrases à contre-temps élégantes, sont les siennes, et qu’il leur suppose trop aisément sa manière délicate d’observer et de sentir.
En avançant dans cette intéressante lecture, nous trouvons Diderot qui prend de l’âge ; et, il faut l’avouer, l’influence de l’âge se fait sentir plus d’une fois dans toute la portion amoureuse et galante du second volume ; Diderot, vers la fin, a déjà cinquante-cinq ans, et mademoiselle Voland en a un peu plus de quarante-cinq. […] Nous trouvons cette sorte d’amour énergiquement exprimée dans une pièce de vers inédits adressée à un jeune homme qui se plaignait d’avoir passé l’âge d’aimer : Va, si tu veux aimer, tu n’as point passé l’âge ; Si le calme te pèse, espère encore l’orage ; Ton printemps fut trop doux, attends les mois d’été ; Vienne, vienne l’ardeur de la virilité, Et, sans plus t’exhaler en pleurs imaginaires, Sous des torrents de feu, au milieu des tonnerres, Le cœur par tous les points saignant, tu sentiras, Au seuil de la beauté, sous ses pieds, dans ses bras, Tout ce qu’avait d’heureux ton indolente peine Au prix de cet excès de la souffrance humaine ; Car l’amour vrai, tardif, qui mûrit en son temps, Vois-tu, n’est pas semblable à celui de vingt ans, Que jette la jeunesse en sa première sève, Au blondi duvet, vermeil et doré comme un rêve ; C’est un amour profond, amer, désespéré, C’est le dernier, l’unique ; on dit moins, j’en mourrai ; On en meurt ; — un amour armé de jalousie, Consumant tout, honneur et gloire et poésie ; Sans douceurs et sans miel, capable de poison, Et pour toute la vie égarant la raison.
Mais peut-être apporte-t-il à ce genre de déduction une logique plus roide, plus imperturbable, qui sent mieux son mathématicien, et un délire plus direct et plus glacial… Il est difficile de citer, car ces folies n’ont toute leur action sur le cerveau que si on leur laisse tout leur développement. […] Peut-être éprouvé-je un plaisir malsain à me sentir violemment introduit dans une conception du monde analogue à celles que doivent édifier les cerveaux des fous, en restant à peu près sûr de me ressaisir.
En d’autres termes, un peuple n’adopte des façons de sentir et de penser étrangères que si elles répondent à des aspirations qui existent déjà chez lui. […] Les querelles de religion ont pu renforcer le pouvoir de l’Église, le désir d’unité religieuse. « La folle du logis » s’est si bien donné carrière dans les œuvres de Scarron, de Bergerac, de Saint-Amand que le besoin d’une discipline pour la langue et d’un code pour la littérature a pu se faire sentir impérieusement.
Pour faire sentir la propriété de ses expressions, on se hérissa d’un purisme intraitable. […] Les jeunes gens s’y formaient à ces manières aimables qui, sans rien sentir de la contrainte, ne sortent jamais des bornés de la plus exacte pudeur.
Ils ont senti que l’instant était grave, que leur génie était quelque chose de sérieux, qu’ils possédaient une importance, qu’ils n’étaient point là pour sourire, et qu’ils ne devaient point le faire comme beaucoup d’autres. […] Il n’est pas un seul d’entre nous qui se sente incapable des vertus que j’indique.
Princesse, dites-moi, ne sentez-vous pas combien ce rideau que vous tirez est lourd. […] Est-ce un bonheur, est-ce un malheur que de sentir vivement ?
Au reste, voulez-vous bien sentir la différence de l’opaque, du compact, du monotone, du manque de tons, de passages et de nuances, avec l’effet des qualités contraires à ces défauts ? […] Je le laissai dire, mais tout bas je lui répondais, au dedans de moi-même : oui, quand on est un pauvre diable comme toi, quand on ne se peint que des images triviales ; mais quand on a de la verve, des concepts rares, une manière d’appercevoir et de sentir originale et forte, le grand tourment est de trouver l’expression singulière, individuelle, unique, qui caractérise, qui distingue, qui attache et qui frappe.
On dirait que son émotion est de la même taille que sa sagacité, sa faculté de sentir tristement adéquate à sa faculté de comprendre. […] C’est que, pour peindre ou seulement sentir, dans une œuvre dont le caractère est plus pittoresque que réfléchi, la première nécessité est de voir juste, comme la seconde est d’idéaliser en restant vrai.
La question de la bâtardise, la possession d’état de l’enfant naturel, la position que doit faire la législation à la fille-mère, toutes ces questions sont touchées dans L’Affaire Clémenceau avec une curiosité enfantino-frémissante ; et, quoiqu’elles n’y soient pas résolues, quoiqu’elles n’y soient agitées que comme l’enfant agite la boîte où il a mis des scarabées et qu’il colle contre son oreille pour les entendre qui remuent, on sent que la partie de son livre que Dumas fils estime davantage, c’est le remuement de ces questions… Du reste, ce côté inattendu et révélé dans le nouveau roman d’Alexandre Dumas fils ne l’a pas empêché cependant de rester parfaitement le fils de son père, même à propos de cette question du bâtard qui s’étend sous les pieds de tout dans son livre, et qui en est comme le sous-sol. […] pour donner au roman de Dumas fils quelque chose de vieux, d’arriéré, de déclamatoire et de faux ; mais si vous ajoutez à la fausseté de l’impression de l’artiste qui ne sent pas juste, vous arrivez à des résultats plus que superbes de fausseté et de déclamation.
Si vous dictez un vers qui ne sente l’effort, Et qu’avant d’applaudir, on comprenne d’abord, Je le mets au rebut comme un vieil invalide. […] Ne m’inspire donc rien qui sente l’Énéïde, L’Homère, l’Arioste, ou le chantre d’Armide.
Le plus patient des mortels se sent écœuré quand il a, pendant trois mille pages, avalé ces fadeurs sentimentales et tout ce lait sucré de l’amour. […] Il allait de l’avant sans trop sentir les meurtrissures, en homme confiant qui a le cœur épanoui et la peau dure. […] Vous êtes si rude que vous ne sentez pas l’atroce. […] Et que sentirons-nous, bon Dieu ! […] I’ll sooner gee my estate to the zinking fund, that it may be sent to Hanover, to corrupt our nation with.
comme alors il sentait son cœur douloureusement oppressé ! […] Cependant, madame de la Tour, voyant sa fille se développer avec tant de charmes, sentait augmenter son inquiétude avec sa tendresse. […] Cependant, Paul, qui sentait ses forces rétablies, l’assura qu’ils ne tarderaient pas à tranquilliser leurs parents. […] Il sentit alors, par son expérience, toute la faiblesse de ses ressources, et il se mit à pleurer. […] Dès que Paul sentit ses forces un peu rétablies, le premier usage qu’il en fit fut de s’éloigner de l’habitation.
Nous le savons ; nous le sentons ; et que c’est là même une partie de la grandeur du spectacle ! […] Nous sentons que nous entrons en aveugles dans le royaume de la fatalité passionnelle. […] Il y a un comte aussi, que l’on appelle Dorante, et qui sent d’une lieue son chevalier d’industrie. […] C’est qu’en même temps qu’elle était une façon de parler, la préciosité était aussi, était surtout une façon de sentir. […] Quel penchant, quel plaisir je sentais à les croire !
… que disait-il, le petit être, pour qu’elle sentit battre son cœur sous le sein qu’il épuisait ? […] Tous deux s’aiment et pour la vie, la chose éclate, on la sent, on la voit. […] cette couronne d’épines dont elle n’a pas plus senti le poids que celui de l’autre couronne. […] A présent, depuis une heure, elle se sentait envahie par un trouble nouveau. […] Elle s’enfonça dans le fauteuil, tournant le dos à la fenêtre, et elle se sentit misérable.
Ceux-ci, par défiance, par rigidité, avec un instinct de combattants et un prompt regard jeté sur la règle, se replient naturellement sur eux-mêmes, et dans l’enceinte close où ils s’enferment, ils ne sentent plus les sollicitations ni les contradictions de leurs alentours. […] Je n’ai point senti ces fautes. […] N’écoutant plus des odes, nous voulons voir des objets et des âmes : nous demandons qu’Ève et Adam agissent et sentent conformément à leur nature primitive, que Dieu, Satan et le Messie agissent et sentent conformément à leur nature surhumaine. […] Le commandement efficace et serein du Messie laisse sa trace dans le cœur qui l’écoute, et l’on se sent plus de vigueur et plus de santé morale à l’aspect de cette grande œuvre de la sagesse et de la volonté. […] Par sa force d’intelligence, il est plus capable que personne d’entasser la science ; par sa force d’enthousiasme, il est capable plus que personne de sentir la haine.
Il ne suffit pas de voir ; il faut sentir ; il faudrait aussi penser ! […] Daudet n’a-t-il pas senti que, de la brutalité de ces expressions, il rejaillissait quelque chose sur la reine ? […] Daudet le sait et le sent comme nous. […] comme au plus léger contact de la plus légère impression, vous la sentez qui vibre tout entière ! […] Mais sentez-vous tout ce qu’il y a d’indulgence dans cet admirable portrait d’une famille et d’une race ?
On sent que M. […] On sent au fond de cette législation un matérialisme désolant qui offense tous les meilleurs sentiments de l’âme humaine. […] Tous sentaient que leur profession était honorée par le talent et le caractère de celui qu’ils fêtaient. […] l’on sent parfois en lui, ce qu’il a si bien nommé, « un poète mort jeune à qui l’homme survit ». […] qui ne l’a senti, subtil et pénétrant, se répandre, un jour ou l’autre, dans le ciel bleu de ses rêves ?
Si le charme de style en est délicatement senti dans le dernier de ces deux passages, l’idée maîtresse n’en est pas moins heureusement saisie dans le premier. […] C’est là, dans cette complaisance même, bien plus que dans ses jugements, que l’on sent percer l’esprit de parti. […] Malheur à lui s’il voulait penser ou sentir seul ! […] Mais aussi bien ou mieux que personne, il savait ou il sentait ce qui lui manquait encore. […] Essayons de le préciser et d’en faire sentir la différence avec l’idéal romantique.
Vous sentez le chagrin, vous devinez la moue du commentateur anonyme (qu’il le reste !) […] Gautier ne sentit pas la leçon ou, si vous aimez mieux, la critique indirecte. […] Le terrible homme ne se fût pas senti d’humeur à épargner Madeleine. […] Qu’importe que le spectacle change, si la manière de voir et de sentir reste toujours la même ? […] C’est souvent dans le pays où l’on naquit qu’aux heures de lassitude on se sent renaître.
L’on se sent pénétré de la rosée froide, qui mouille les feuilles des arbres. […] Sa grande personnalité ne se fait sentir que dans de délicats sous-entendus, comme lorsqu’il parle des embellissements de Paris, et qu’il cite Notre-Dame. […] Je regardais tous ces travaux qui ne devaient pas protester contre la victoire allemande, je sentais à l’attitude des ouvriers, des gardes nationaux, des soldats, à ce que l’âme des gens confesse d’eux, autour d’eux, je sentais que la paix était signée d’avance, et telle que l’exigerait M. de Bismarck, et je souffrais bêtement comme d’une déception, d’une désillusion sur le compte d’un être aimé ! […] Puis on se sent perdu ! […] Elle était bien, cette marche, toujours un peu hâtive, mais on la sentait badaudante, musarde, et ne menant nulle part.
On sentait bien qu’il méritait la confiance, mais c’est par raison qu’on la lui accordait et non par sympathie. […] Il en détaillait chaque mot et faisait toujours sentir les syllabes muettes. […] Enfin on ne sent nulle part dans ses ouvrages une âme troublée par les angoisses et les problèmes qu’il a cependant si profondément sentis à travers Pascal. […] Faguet, Brunetière et les autres disent ce qu’ils pensent ; Jules Lemaître dit ce qu’il sent. […] Depuis ce moment, j’ai senti que ma vie était finie.
L’amant de Laure se sentait engagé dans une voie sans issue. […] Seulement je me sentais prise de pitié pour toi. […] Ni amertume, ni exagération, rien qui sente la colère. […] Elle se sent digne d’amour et s’affirme qu’elle est aimée. […] Il sait et ne sent pas.
Il faut être un ange en fait de goût pour sentir le mérite de cette simplicité-là. […] C’est alors que les passions se développent, et qu’on sent le besoin d’une compagne. […] Convenez qu’à ma place vous sentiriez comme moi. […] Relisez, et vous sentirez combien il y a peu de ressort au fond de cette âme. […] Pour ma part, je puis sentir tout ce mérite, mais je ne le possède pas.
Et le poète, qui se sent infaillible, nous l’impose comme l’expression de la vérité. […] Il ne se sentait du reste pas en sympathie avec les enfants de son âge. […] Elle se sent dépaysée dans une époque d’où la civilisation a banni le hasard et l’imprévu. […] Des yeux sont sur nous dont nous sentons le regard malicieux et hostile. […] Avoir conquis les femmes par sa grâce, ébloui les hommes par son esprit, et se sentir terrassé par la folie !
Mais à vingt ans un homme qui aime, qui se sent aimé, accepte son bonheur sans le discuter, et ne perd pas son temps à prévoir ce que l’avenir lui réserve de douleur ou de joie. […] Loin de trouver dans la franchise de cet aveu le courage de la repousser, il sent doubler son amour pour elle. […] On sent à chaque page que des Grieux, en défendant Manon, défend sa propre vie. […] À l’heure où nous parlons, il doit sentir mieux que nous combien il lui importe de se renouveler. […] On ne sent nulle part l’effort ou l’inquiétude.
Ainsi, en réfutant la lettre, j’aurai réfuté le manifeste ; et c’est ce que je me réserve de faire sentir aux moins attentifs, en citant à mesure de la discussion plusieurs phrases de M. […] Cette répugnance est absurde, mais ils n’en sont pas les maîtres ; mais ils la sentent, mais elle est évidente pour eux, aussi évidente que les larmes que nous font verser Roméo et Juliette le sont pour nous. […] Un jour enfin le hasard le présente à une femme simple, naturelle, honnête, digne d’être aimée, et il sent qu’il a un cœur. […] Je dirai donc aux poètes comiques, s’il en est qui aient un vrai talent et qui se sentent le pouvoir de nous faire rire : Attaquez les ridicules des classes ordinaires de la société ; n’y a-t-il donc que les sous-ministres de ridicules ? […] Loin de là, les acteurs et directeurs sentent qu’un jour (mais peut-être dans douze ou quinze ans ; pour eux voilà où est toute la question), le Romantisme fera gagner un million à quelque heureux théâtre de Paris.
Pour lui, il le juge assez au vrai, surtout son style, dont il marque ainsi la physionomie : « On sent son mérite et sa grandeur aux plus petites choses qu’il dit, non pas à parler pompeusement, au contraire sa manière est simple et sans parure, mais à je ne sais quoi de pur et de noble qui vient, de la bonne nourriture41 et de la hauteur du génie. […] Le meilleur moyen qui s’en présente dépend de bien lire ; il faut donc que je tâche de lui plaire en tirant la quintessence de tous les agréments qui la peuvent toucher par la meilleure manière de lire ; elle consiste à bien prononcer les mots, et d’un ton conforme au sujet du discours, que ma parole la flatte sans l’endormir, qu’elle l’éveille sans la choquer, que j’use d’inflexions pour ne la pas lasser, que je prononce tendrement et d’une voix mourante les choses tendres, mais d’une façon si tempérée, qu’elle n’y sente rien d’affecté46. […] Si vous me voulez croire, madame, vous goûterez les raisons d’un si parfaitement honnête homme, et vous ne serez pas la dupe de la fausse honnêteté. » Dans ce curieux discours, qui semble renouvelé d’Aristippe ou d’Horace, on a pu relever au passage bon nombre de pensées toutes faites pour courir en maximes ; on a dû sentir aussi par instants quelques-unes des idées familières au chevalier, qui se sont glissées comme par mégarde dans sa rédaction, mais tout aussitôt le pur et vrai La Rochefoucauld recommence. […] Madame de Sablé usait volontiers de la première de ces expressions, dire des choses, donnant à entendre que la manière relève tout et fait tout passer ; c’était sentir d’avance comme Voltaire : La grâce, en s’exprimant, vaut mieux que ce qu’on dit. […] Que les plus honnêtes gens ont donc de peine à ne pas être de leur temps et à ne pas se sentir de la coutume !
Il sent si bien son talent qu’il en abuse ; il se plaît aux tours de force. […] Ses mœurs se sentent bien fort de celles de Rochester et de toute cette canaille bien vêtue que la Restauration légua à la Révolution. […] D’ailleurs, sous la rhétorique et la facture uniforme des vers, on sent de la chaleur et de la passion, on aperçoit de riches peintures, une sorte de magnificence et l’épanchement d’une imagination trop pleine. […] On sentait que la galanterie n’est point l’amour, ni les madrigaux la poésie, ni l’amusement le bonheur. […] Sans doute ce personnage se sent des lieux qu’il a fréquentés.
On sent que le poète retouchait sans cesse son ouvrage, pour y ajouter de nouvelles descriptions ou de nouveaux détails. […] Tels les deux guerriers, quoique épuisés et sans vigueur, sentent encore l’impulsion de leur fureur première. […] Le fer s’y enfonce et s’abreuve de son sang, l’habit qui couvre sa gorge délicate en est inondé : elle sent qu’elle va mourir ; ses genoux fléchissent et se dérobent sous elle. […] Il sent trembler sa main, tandis qu’il détache le casque et qu’il découvre le visage du guerrier inconnu : il la voit, il la reconnaît ; il reste sans voix et sans mouvement : ô fatale vue ! […] Le Tasse se trompait ; on ne sent dans la Jérusalem conquise ni moins de force ni moins de style que dans la Jérusalem délivrée, mais on y sent moins de charme ; la fleur du génie est flétrie, le parfum s’est envolé avec elle ; c’est le parfum qui avait enivré le siècle, c’est encore le parfum que la postérité a voulu respirer.
Ribot quand il oppose l’expérience affective directement sentie à la connaissance abstraite et conceptuelle. Ici l’intuition n’est rien autre chose que l’expérience personnelle, immédiatement sentie, en tant qu’elle s’oppose à la notion inculquée. Cette intuition empirique n’exclut pas, comme l’autre, le principe d’individuation, mais le suppose au contraire ; car elle est la vision concrète, sentie et vécue, du monde social empiriquement donné, avec ses conflits de toute espèce entre des êtres animés d’intérêts opposés et de passions hostiles. […] L’intuition n’a de sens pour nous qu’à la condition de s’alimenter à la source de la vie, dans notre sensibilité personnelle, dans notre personnelle manière de sentir et de réagir, dans nos passions, nos joies et nos douleurs, dans toute notre nature sensible, spontanée et primesautière. […] Celles-ci vont se consolidant en nous, à mesure que le besoin de sentir et de penser par soi-même s’affaiblit, faute de s’exercer.
Aussi ce qu’on sent dans ces premières Histoires, c’est encore plus l’effort que la force, l’acharnement de la volonté que le souffle facile de l’inspiration. […] Sous toutes les formes que l’art — cette comédie qu’on se joue à soi-même — cherche à varier, mais qu’en définitive il ne varie point, Edgar Poe, l’auteur des Histoires extraordinaires, ne fut jamais, en tous ses ouvrages, que le paraboliste acharné de l’enfer qu’il avait dans le cœur ; car l’Amérique n’était pour lui qu’un effroyable cauchemar spirituel, dont il sentait le vide et qui le tuait. […] Elle vient d’une grande chose : de la foi qui lui montre l’enfer à l’œil nud et de l’indignité sentie, qui lui dit qu’il y peut tomber, tandis que la peur d’Edgar Poe est la peur de l’enfant ou du lâche d’esprit, fasciné par ce que la mort, qui garde le secret de l’autre monde, quand la religion ne nous le dit pas, a d’inconnu, de ténébreux, de froid. […] Positivement, le lecteur assiste à l’opération du chirurgien ; positivement, il entend crier l’acier de l’instrument et sent les douleurs. […] Les douze verres d’eau-de-vie, bus d’enfilée et coup sur coup, pour relever un génie qui se sentait mourir, ne sont donc pas un conte.
Au reste, s’il lisait déjà beaucoup et toutes sortes de livres, il ne se croyait pas encore voué à un rôle de critique ; il eut là de premiers printemps qui sentaient plutôt la poésie, et j’ai sous les yeux une suite de lettres écrites par lui dans l’intimité durant les années 1832-1836, c’est-à-dire depuis l’âge de seize ans jusqu’à celui de vingt, dans lesquelles les rêveries aimables et les vers tiennent la plus grande place. […] C’est un point lumineux dans ce demi-jour des premières années où tout est confondu, plaisirs, espérances, regrets, et où les souvenirs sont brouillés et incertains, parce qu’aucune pensée ne les a gravés dans la mémoire ; amour charmant qui ne sait pas ce qu’il veut, qui se prend aux yeux bleus d’une fille comme le papillon aux roses du jardin par un instinct de nature, par une attraction dont il ne sait point les causes et dont il n’entrevoit pas la portée ; innocent besoin d’aimer, qui plus tard se changera en un désir intéressé de plaire et de se voir aimé ; passion douce et sans violence, rêve en l’air ; première épreuve d’une sensibilité qui se développera plus tard ou qui plutôt s’éteindra dans des passions plus sérieuses ; petite inquiétude de cœur qui tourmente souvent un jeune écolier, un de ces enfants aux joues roses que vous croyez si insouciant, mais qui déjà éprouve des agitations inconnues, qui étouffe, qui languit, qui se sent monter au front des rougeurs auxquelles la conscience n’a point part. » — La grâce facile où se jouera si souvent la plume de Charles Labitte se dessine déjà dans cette page délicate où je n’ai pas changé un mot. […] On sentait que ce débutant d’hier s’était abouché de longue main avec ces hommes d’autrefois dont il parlait : il avait reçu d’eux le souffle, il avait la tradition. […] Le critique supérieur se fait sentir dans ce simple tracé où les détails ne masquent rien. […] Il faut voir la même idée rendue comme les anciens savaient faire, c’est-à-dire en des termes magnifiques, au xiie chapitre du Traité du Sublime qui a pour titre : « Suppose-toi en présence des plus éminents écrivains. » Longin (ou l’auteur, quel qu’il soit) y fait admirablement sentir, et par une gradation majestueuse, le rapport qui unit le tribunal de la postérité à celui des grands prédécesseurs. — Ne pas s’en tenir à la traduction de Boileau. — Racine, dans sa préface de Britannicus, a usé aussi, en se l’appliquant, de la pensée de Longin : « Que diraient Homère et Virgile s’ils lisaient ces vers ?
Il n’y a pas là d’exclusion, la chaîne n’est pas sentie ; car, bien que la limite soit étroite, le besoin ne s’élance point au-delà. […] Une proposition ne vaut qu’en tant qu’elle est comprise et sentie. […] Étrange non-sens, car, les formules n’ayant de valeur que par le sens qu’elles renferment, il n’avance à rien de dire : « Je me repose sur le pape ; il sait, lui, ce qu’il faut croire, et je crois comme lui. » On s’imagine que la foi est comme un talisman qui sauve par sa vertu propre ; qu’on sera sauvé si l’on croit telle proposition inintelligible, sans s’embarrasser de la comprendre ; on ne sent pas que ces choses ne valent que par le bien qu’elles font à l’âme, par leur application personnelle au croyant. S’il s’est opéré un retour vers le catholicisme, ce n’est donc nullement parce qu’un progrès de la critique y a ramené, c’est parce que le besoin d’une religion s’est plus vivement fait sentir, et que le catholicisme seul s’est trouvé sous la main. […] Je ne me tiendrai pour apostat que le jour où des intérêts usurperaient dans mon âme la place des choses saintes, le jour où, en pensant au Christ de l’Évangile, je ne me sentirais plus son ami, le jour où je prostituerais ma vie à des choses inférieures et où je deviendrais le compagnon des joyeux de la terre, Funes ceciderunt mihi in praeclaris !
On y sent l’aristocratie d’un dieu de haute race aux prises avec les démons d’une mythologie inférieure. — « Hors d’ici ! […] Elles se sentent atteintes dans le vif de leurs privilèges ; une cour d’appel terrestre se forme contre leurs assises infernales, leur infaillibilité est mise en question. […] Ces Maudites se sentent nécessaires, elles ont conscience du sacerdoce social qu’elles exercent. […] Après le discours de l’accusateur, s’il se sentait condamné d’avance, il pouvait prévenir le supplice par un bannissement volontaire. […] » — Sans s’irriter, Pallas leur laisse entendre pourtant qu’elle est la plus forte : on sent qu’elle aurait envie, à ce moment-là, de leur rendre la raison, comme elle fit pour Hercule, furieux, en leur jetant une pierre à la tête.
En ce temps-ci, les ministères me semblent avoir quelque chose des grands appartements d’hôtel garni, où l’on sent que les gens passent et ne demeurent pas. […] Jeudi 18 juillet En réfléchissant combien mon frère et moi, nous sommes nés différents des autres, combien notre manière de voir, de sentir, de juger était particulière, — et cela tout naturellement et sans affectation et sans pose — combien en un mot notre nous n’était pas une originalité acquise à la force du poignet, je ne puis m’empêcher de croire que l’œuvre que nous avons produit, ne soit pas un œuvre très différent de celui des autres. […] * * * — Littré disait à un de mes amis : « La terre est une planète inférieure, et l’homme un composé mal assemblé. » Jeudi 19 septembre Dans les petits objets manuels, fabriqués anciennement par les Japonais, on sent qu’ils travaillaient pour des touchers délicats, pour des tacts d’artistes. […] Ce n’est guère bon pour nos palais européens, mais l’on sent dans ces comestibles une cuisine très civilisée, très travailleuse du suc et de l’essence des aliments, et dont les produits donnent aux papilles un tas de petites sensations, délicates, complexes et fugitives. […] Et encore des lavages, des séchages, des reprises, des relavages, au bout desquels le lumineux et moelleux dessin était parachevé, tirant de tout ce travail dans l’humide, quelque chose du joli flottement des contours d’une aquarelle qui baigne dans l’eau de la cuvette d’un graveur, — et sans que, selon l’expression d’un peintre, dans cette chose soufflée, se sentît la moindre fatigue.
Il sent maintenant sa propre vie par une infinité de plaisirs imparfaits, — les plaisirs partiels et entremêlés de peine de ces êtres prodigieusement nombreux que tu nommes ses créatures, mais qui ne sont réellement que d’innombrables individualisations de lui-même… La somme générale de leurs sensations est juste le total du bonheur qui appartient de droit à l’Être divin quand il est concentré en lui-même. […] Partout, du plus au moins, le calcul, l’analyse, l’artifice, en appellent au raisonnement, aux facultés réfléchies, à la curiosité détachée et froide, recommandent le calme, invitent à penser au lieu de sentir, enveloppent les œuvres de Poe d’un clair rayonnement d’intellectualité. […] De même que la faim est l’indice cérébral de la capacité de digérer, que l’amour d’une carrière marque la faculté d’y exceller, de même Poe s’est appliqué à faire naître les deux émotions spéciales à son œuvre, parce qu’il sentait pouvoir terrifier et étonner. […] Cette aptitude à connaître clairement et à observer habituellement certains rapports que les artistes ordinaires, se bornent à sentir d’instinct, se résume en une particularité de constitution cérébrale que l’on peut exprimer comme suit : chez Poe les émotions se transforment constamment en pensées. […] « C’est la malédiction de certains esprits », dit Poe dans ses Marginalia, « de ne pouvoir être satisfaits, quand ils se sentent capables d’accomplir une œuvre.
Après cela, à lire la suite de ses lettres au roi et à Chamillart, il est clair que Villars n’a cessé de se proposer lui-même : il sentait sa valeur et aspirait à son emploi. […] La pensée politique dominait ce monarque ; il sentait l’importance de garder l’électeur de Bavière pour allié au centre de l’empire, et il voulait à tout prix lui prouver qu’il ne négligeait rien pour occuper les forces du prince Louis de Bade, et pour faire pénétrer un corps d’armée jusqu’à lui. […] Il sentait à son tour le poids de la responsabilité : « Ce que je crains le moins, ce sont les ennemis, écrivait-il ; et dès que j’aurai passé le Rhin, mon salut consiste à les chercher partout, et je désire seulement qu’ils ne prennent pas le parti d’éviter le combat. » Louis XIV fut mécontent de ce raisonnement prolongé et de cette persistance de Villars dans son propre sens : Vous m’aviez bien mandé, lui écrivit-il (19 mars 1703), le besoin que vos troupes avaient de repos, et la nécessité de leur donner un mois ou cinq semaines pour se rétablir, faire joindre leurs recrues, et les réparations dont elles avaient besoin pour être en état d’agir plus utilement ; mais vous ne m’aviez pas donné lieu de croire que vous les feriez repasser dans l’Alsace ; je devais même être persuadé que vous les feriez cantonner de l’autre côté du Rhin. […] Car nul cœur n’a senti plus au vif que Villars l’aiguillon de la louange, et nul aussi n’est plus affecté d’un reproche : Vous eûtes la bonté, écrit-il, de me mander que je m’étais fait maréchal de France la campagne précédente par de très grands services et de belles actions ; qu’il fallait songer à me faire connétable.
Mais Saint-Évremond eut le bon esprit de sentir qu’un homme de sa réputation ne pouvait reparaître avec avantage, après plus de trente ans, sur une scène aussi changeante que la cour ou que la société parisienne. […] Il n’a jamais senti en lui le combat. N’en prenez sujet ni de louange ni de reproche : son humeur est ainsi ; il a reçu en naissant ce qu’on appelle un naturel philosophe : « Je puis dire de moi une chose assez extraordinaire et assez vraie, c’est que je n’ai presque jamais senti en moi-même ce combat inférieur de la passion et de la raison : la passion ne s’opposait point à ce que j’avais résolu de faire par devoir ; et la raison consentait volontiers à ce que j’avais envie de faire par un sentiment de plaisir… » Ses passions, — c’est trop dire, — mais ses goûts et sa raison ont, de tout temps, fait bon ménage en lui. […] Malgré cette vilaine pensée sur l’amitié-trafic, dont il ne s’est pas reconnu le père, je ne sais personne qui ait mieux senti que Saint-Évremond les douceurs de l’amitié, qui ait eu plus de goût et d’ouverture que lui pour les douceurs d’un commerce aimable.
Mais ce qu’il y a d’incomplet dans l’exposition de l’auteur, ce qu’il y aura toujours d’inconnu dans la science historique future, n’est pas un motif, on le sent, pour que l’adhésion individuelle demeure indéfiniment suspendue. […] Dans le moyen âge, il n’en allait pas ainsi : la puissance spirituelle régnait ; les princes, fils de l’Église, tuteurs au temporel, administraient les peuples robustes, encore en enfance ; s’ils faisaient sentir trop pesamment le sceptre, au cri que poussaient les peuples le Saint-Siège s’émouvait et portait sentence. […] Il sentit que, dans l’âge futur régénéré, l’union de l’ordre de justice et de vérité avec l’ordre matériel n’aurait plus lieu que par un mode libre et nouveau, convenable à la virilité des peuples ; il avait hâte d’ailleurs de voir tomber ces liens adultères qui, enchaînant un timide ou cupide clergé à un pouvoir enivré de lui-même, retardaient l’éducation spirituelle si arriérée et le ravivement du christianisme. […] Mais, on le sent, la position restait toujours un peu fausse : s’il était victorieux séparément contre les légitimistes purs et les purs disciples du Contrat social, on avait droit de lui demander, à lui, où il plaçait le siège de cette loi suprême, et comme c’était à Rome, on pouvait lui demander encore par quel mode efficace il la faisait intervenir dans le temporel ; car alors elle intervenait nécessairement, le roi de France étant le fils aîné de l’Église et la confusion des deux ordres s’accroissant de jour en jour par les efforts de sa piété égarée.
C’est bien en le lisant qu’on peut sentir ce que dit quelque part Pline le Jeune dans une belle parole : « Quanta potestas, quanta dignitas, quanta majestas, quantum denique numen sit historiæ74… » Le caractère élevé, auguste et, pour ainsi dire, sacré de l’histoire est gravé dans tout ce qu’il écrit. Malgré les difficultés, que nous connaissons trop bien, de juger du fond en des matières si complexes et d’oser apprécier la forme en des hommes si honorés de nous, cette fois nous nous sentons presque à l’aise vraiment ; nous avons affaire à une destinée droite et simple qui, en se développant de plus en plus et en élargissant ses voies, n’a cessé d’offrir la fidélité et la constance dans la vocation, la fixité dans le but ; il est peu d’exemples d’une pareille unité en notre temps et d’une rectitude si féconde. […] Dès les premiers mots de la lecture, l’auditoire tout entier était conquis ; chacun se sentait saisi d’un intérêt sérieux et sous l’impression de cette parole qui grave, de cet accent qui creuse. […] On ne peut se dissimuler que, malgré tous les soins et l’art ingénieux de l’historien-rédacteur, elle ne soit souvent pénible et lente à cause de la nature des pièces et instruments qu’elle porte avec elle et qu’elle charrie ; et pourtant, quand on en sort, non pas après l’avoir parcourue (je récuse ces gens qui parcourent), mais après l’avoir lue dans son entier, on se sent dégoûté des autres histoires comme étant superficielles, et il semble qu’on ne saurait dorénavant s’en contenter.
Elle fit une ode chrétienne en 1686, au milieu des souffrances physiques qui, dès lors, l’éprouvaient ; le ton en est élevé, senti ; j’y remarque ce vers : Ote-moi cet esprit dont ma foi se défie ! […] Elle l’a senti depuis : dans les réimpressions, l’air vaurien d’Elmandre s’est corrigé en air lutin ; elle a supprimé ce vers incroyable : Son infidélité devient une faveur ! […] Toutes les deux paraissent avoir senti l’infidélité avec une douleur qui n’éteignit pas l’amour : Amour, redonnez-lui le dessein de me plaire ; Mais, quoi que l’ingrat puisse faire, Ne sortez jamais de mon cœur. […] Ma mère sentit l’affectation de ce refus et en fut piquée.