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1451. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Mes conseils de s’arrêter à temps, de rester la femme d’un ou deux livres, et non pas de devenir le bas-bleu de toute une boutique, mes conseils furent emportés comme une digue démolie. Elle a débordé et maintenant elle fait eau partout il faut que ce soit une loi de la nature expansive de ces doux êtres : mais les femmes, même les plus contenues, deviennent incontinentes, dès qu’elles ont une plume à la main ! […] Voici que le droit des femmes devient, même pour les hommes d’État, une sérieuse opinion politique ; que le club jadis fondé par Mme Olympe Audouard, de rose mémoire, qui ne pensait peut-être pas en tête-à-tête avec un homme ce qu’elle disait devant des hommes réunis, voici que ce club haché si longtemps par la plaisanterie rejoint ses tronçons et ressuscite avec d’autres Olympe Audouard, aussi affreusement rouges qu’elle était, elle, délicieusement rose… Voici que les Tricoteuses de la Révolution, si elles revenaient dans notre monde, ne voudraient plus tricoter devant la tribune, mais entendraient bien y monter !

1452. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « La Chine »

Il est des sujets sur lesquels la valeur d’un homme, par cela seul qu’il les traite et à condition pourtant qu’il ne les gâtera pas, devient tout à coup vingt-cinq fois plus grande qu’elle n’est réellement, et la Chine est un de ces sujets sterling. […] Voltaire, ravi, devint presque Chinois par reconnaissance. […] ce que nous avons cherché, avant tout, dans ces deux volumes, aussi typographiquement qu’intellectuellement illisibles, c’est de nouvelles et meilleures raisons d’admirer la Chine, puisque Pauthier et Bazin l’admirent, que les vieilles raisons, devenues sournoises, du xviiie  siècle !

1453. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il reste dans les moindres toiles d’araignée, et se contente d’y bourdonner… Misérablement féru de ces sciences modernes, qui ne sont pas des sciences encore et qui s’agitent et se tracassent pour le devenir, il est, lui, déjà faible, énervé par elles, et son livre est littéralement empesté de leur odieuse terminologie. Il rêve, tout éveillé, au milieu de ces sciences… futures, si elles peuvent le devenir. […] Ils n’en ont pas moins fait des civilisations sur les ruines desquelles l’Histoire doit pleurer toutes ses larmes, comme si tout, pour l’Histoire, était dans ce mot de civilisation, devenu presque mystique tant il est sacré pour les imbécilles de ce temps.

1454. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Une fois plantée dans les mœurs d’une race militaire, de cette race mêlée de Gaulois et de Francs, guerrière des deux côtés, cette coutume du duel, chrétienne au début, ne s’affaiblit pas quand la France, l’ardente chrétienne du Moyen-Âge, peu à peu se déchristianisa… Devenu mondain, le duel s’exaspéra, au contraire. […] Le point d’honneur devint tout l’honneur ; — et, pour peu qu’un homme mit bravement sa vie au bout d’une épée, il avait assez d’honneur comme cela… Ce n’était pourtant pas assez, en réalité, pour qui pense ; mais c’était l’illusion d’une race si profondément militaire qu’à ses yeux la magie du combat et d’un duel brillant couvre tout encore, fait trembler le châtiment sur la tête du coupable et empêche le mépris, même mérité ! […] Or, ce n’est pas à présent, quand les pouvoirs publics perdent de leur autorité et en sacrifient chaque jour davantage, ce n’est pas quand le droit criminel, si sévère autrefois, est presque devenu, à force de s’adoucir, le droit au crime, quand des législateurs collectifs ont remplacé par l’irresponsabilité du nombre la responsabilité du législateur unitaire, qu’on peut espérer contre le duel la loi efficace qui, en France, a toujours manqué.

1455. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Les Césars »

C’était un livre sans parti pris, sans théorie à priori, sans système ; un livre sain, vigoureux, d’un grand sens pratique, allant droit à la difficulté et à la réalité avec une netteté de ton qui devenait fort piquante au milieu des solennités de la rhétorique ordinaire, une petite brusquerie à la Napoléon, rangeant, en maître, les choses de l’Histoire, et marchant lestement sur le gâchis qu’on en avait fait jusque-là. […] Lorsqu’on est un homme de réalité supérieure comme Franz de Champagny, c’est trop superficiel, en vérité, que d’expliquer l’avènement de l’Empire et sa durée par les seules questions morales, par la vertu oblitérée des républiques, par une terreur à la Robespierre et une idolâtrie épouvantée du nom de César, — de ce nom devenu, grâce à celui qui le porta le premier, une tête de Méduse d’adoration et de crainte ! […] La famille impériale, qui était réellement la famille romaine, n’était sans doute pas encore suffisamment préparée à sa fonction, c’est-à-dire assez élevée au-dessus des volontés accidentelles de ses chefs, pour être devenue, comme la famille l’est aujourd’hui, une base permanente et stable, une espèce de môle historique dans lequel peut s’enfoncer et tenir le premier anneau de la tradition.

1456. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « L’Angleterre depuis l’avènement de Jacques II »

Si, d’un côté, les opinions connues de Macaulay, devenu, grâce à sa plume, un homme politique important et un ministre d’État, disaient assez nettement d’après quelles tendances et dans quel système cette histoire d’Angleterre serait conçue et réalisée, d’un autre, les articles de la Revue d’Édimbourg, qui avaient commencé et fixé la réputation de l’auteur, et dont quelques-uns sont des chefs-d’œuvre, ne disaient pas avec moins d’autorité qu’à part ces opinions premières qui pèsent sur tout ce qu’on écrit et y impriment la marque de leur vérité ou de leur erreur relatives, qu’à part enfin le joug des partis si dur à secouer dans les pays fortement classés, il y aurait, du moins, dans l’histoire écrite par une telle main, le talent, mûri par les années et par l’étude, de l’homme qui avait tracé des pages si animées et si réfléchies en même temps sur Warren Hastings, lord Burghley et le comte de Chatham ! […] Nous avons rencontré et pleinement reconnu dans cette histoire le whig des premiers jours, devenu plus que jamais l’homme de la cause ; le whig avec ses préoccupations, ses passions, ses erreurs, et, pourquoi ne le dirions-nous pas ? […] Quoique, dans le premier volume de son ouvrage, Macaulay ébauche en traits rapides une histoire générale de l’Angleterre, depuis la Bretagne sous les Romains jusqu’à l’avènement de Jacques II, qui est pour lui le grand événement, l’événement décisif dans l’histoire d’Angleterre ; quoique sa préoccupation de whig soit telle qu’il ne veuille pas reconnaître comme monarchie anglaise la monarchie normande de Guillaume le Conquérant, et qu’il place l’origine de la vraie monarchie d’Angleterre à la fière extorsion de la Grande Charte, pour lui, cette histoire si confuse et si indistincte ne doit apparaître nettement, sans luttes, sans tiraillements, régulière et devenue enfin ce qu’elle doit être, qu’à la chute du dernier Stuart et à l’écroulement de cette monarchie de droit divin qui ne fut pas uniquement, comme il voudrait nous le faire croire, une chimère ou une réalité incessamment repoussée.

1457. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Montmorency » pp. 199-214

On n’est véritablement soulagé pour Renée que quand ce bel insignifiant de Montmorency se met enfin à vivre, et devient quelque chose à l’heure de mourir ! […] été une heureuse, cette sainte de l’amour, comme dit Renée, eut le courage de devenir une sainte tout à fait. […] Elle devint religieuse.

1458. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

devenu une injure, depuis qu’il a traîné si bas. […] La réalité cruelle, comme dit M. de Goncourt, est devenue, en un rien, la réalité dégoûtante, et un jour, un jour néfaste, La Fille Élisa ne l’a que trop prouvé… Puisque les œuvres de M.  […] Quand son infernale sœur eut pris sa place dans ce lit de roi qui allait devenir une place publique, madame de Mailly mourut, ce cilice ensanglanté de la pénitente pour toute peau de tigre, embaumant et purifiant sa mémoire souillée dans le mot sublime d’humilité qu’elle dit, un jour, sous l’atroce injure qui la nommait : « Si vous la connaissez, priez Dieu pour elle ! 

1459. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Crétineau-Joly » pp. 247-262

Et cette méticulosité inquiète le devient tellement, que ce n’est plus une biographie bien nette, réfléchissant l’homme comme une glace, avec ses angles et son relief, que nous avons là sous les yeux, mais tout un embrouillamini — comme dirait Μ.  […] On ne s’imaginait guères alors que ce petit tonsuré deviendrait un jour le mousquetaire de l’Église contre la Révolution, comme le petit tonsuré de Savoie était devenu le mousquetaire de l’Empereur contre Louis XIV.

1460. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Nicolas Gogol »

Douanier d’abord, il a fait la contrebande et il a été chassé de son poste ; et de douanier contrebandier, il est devenu acheteur d’âmes mortes. […] Au lieu de s’abattre de haut et de gauler fort et ferme sur tout ce qui fait que la Russie est la Russie, Gogol, dans la seconde partie des Âmes mortes, rabat sa manche, pédantise, devient utilitaire, et le satirique disparaît derrière l’utopiste. L’auteur devient effroyablement ennuyeux.

1461. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVIII. Lacordaire »

le journaliste de L’Ère nouvelle que l’on croyait enfin détourné du monde auquel, disait-on, il ne voulait plus même parler de cette voix dont le souvenir devenait plus grand dans le silence, est ressorti de son cloître, une fois de plus, pour devenir un candidat d’Académie, et vient de payer sa bienvenue dans la compagnie où il est entré entre deux philosophes, avec ce livre de Sainte Marie-Madeleine, sacrifice aux idées les plus malsaines d’une époque qui aime tant ses maladies ! […] Devenu le Richardson étrange de la Madeleine dans cet inconcevable petit roman d’amitié entre elle et Notre-Seigneur, donné comme le chevalier Grandisson de toutes les perfections humaines, le prêtre qui a consommé une telle chose l’a consommée dans un de ces styles qu’on ne pourra pas louer, même à l’Académie !

1462. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Raymond Brucker. Les Docteurs du jour devant la Famille » pp. 149-165

Mais il n’écrivait plus ; il avait donné sa démission de la littérature… L’ancien éventailliste du premier Figaro, dégoûté des Célimènes et des journaux pour lesquels il avait travaillé, dégoûté même des livres qu’il avait écrits, dégoûté des philosophies par lesquelles il avait passé, s’était fait chrétien pour en finir avec tous ces dégoûts, qui sont les égouts de nos cœurs… Il était devenu chrétien, — mais le christianisme de Brucker n’était pas ce haut balcon d’où l’on peut cracher sur le monde méprisé. […] C’est un chaos, mais qui, sur le papier devenu vivant, éclate du génie oratoire de Brucker ! […] La Paternité, qui crée la Famille, insultée maintenant et presque avilie dans une société où les mœurs et les comédies qui les réfléchissent montrent le père toujours inférieur aux enfants et éternellement bafoué par eux ; entamée, de plus, par une philosophie qui a créé l’individualisme moderne et par une révolution qui, du premier coup, enleva à la Famille le droit d’aînesse, cette Paternité a eu bientôt contre elle une effroyable et universelle conspiration, et on le conçoit, car plus une société devient irréligieuse, plus elle peut se passer de père et de Dieu !

1463. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Quand on veut ressusciter le passé, le secret du miracle est dans les couleurs qu’on emploie, et quand on peint les premières impressions de la vie, a-t-on sur sa palette des teintes d’un trop tendre éclat pour cette blanche aube qui doit rougir et va devenir une aurore ? […] Or, supposez pour un moment qu’à ces facultés et ces qualités de talent qui tiennent à une âme où le sentiment surabonde et pourrait devenir si aisément de la foi, l’auteur de la Famille eût réuni le catholicisme d’idées, de préoccupation, d’admiration, le catholicisme doctrinal qui maîtrise si bien la vie et l’esprit de ceux qui y croient et qui l’aiment, ce livre éloquent serait devenu un chef-d’œuvre.

1464. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Hector de Saint-Maur »

… Corrégien de coloris, sanguin blond, qui peint rose plutôt qu’écarlate, il se tient dans un milieu d’art réfléchi, mais qui quelquefois pousse en haut et devient superbe, comme un jet d’eau ensoleillé jaillissant tout à coup d’une mer calme. […] lisez tout Le Dernier Chant, si vous êtes digne de boire à cette coupe d’Hercule de poésie, de cette poésie filtrée, épurée, gardée tant d’années en bouteille parle poète, et devenue ainsi plus savoureuse, comme le vin, ce fils du soleil et du temps ! […] Mais je crois bien que s’il est un poète qui puisse devenir populaire, c’est Saint-Maur, malgré la hauteur de la sienne, et par la raison que sa poésie, avec son accent profondément humain et sensible, est au niveau de tous les cœurs.

1465. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Xavier Aubryet et Albéric Second » pp. 255-270

Vous le voyez, c’est un moraliste d’instinct et de réflexion qu’Aubryet ; mais plus encore de rétorsion… Jusqu’ici, il avait, comme la famille d’esprits dont il descend : les Chamfort et les La Bruyère, procédé surtout par des jugements, des portraits et des caractères ; mais l’invention l’a tenté, et, de moraliste devenu romancier, il nous donne cette Vengeance de Madame Maubrel, qui est un livre de détails parisiens si connus qu’il fallait sa plume pour les renouveler en les décrivant, mais qui n’est pas le cas nouveau d’âme humaine que j’attendais, et que tout romancier psychologique est tenu de mettre dans son livre, s’il se risque à faire un roman. […] Il est vrai qu’un nom devient quelquefois une grande chose sous des mains créatrices. […] en Angleterre, où il y a aussi des littératures restreintes à côté de la grande littérature, vous avez vu ce qu’est devenu le roman de high life qui eut, au commencement du siècle, un tel succès, que Pelham commença la fortune politique de Bulwer… Rien n’est resté de ce genre de roman.

1466. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Plus celui-ci est fier de soi, plus il peut devenir humble. […] Tout à l’amour ou tout à la lutte, ils deviennent des sectaires. […] Et tout devient sombre. […] Que deviendrions-nous, que deviendraient les classes supérieures si tout le monde avait part à la fortune publique ? […] Et les yeux du sphynx deviennent phosphorescents.

1467. (1905) Propos de théâtre. Deuxième série

Le monde devient ainsi très intelligible. […] La comédienne devenue veuve ne montera plus sur les planches. […] cela devient grave ! […] La littérature devient intime, cela veut dire qu’elle devient débraillée, se déboutonne. […] Il devenait voleur.

1468. (1896) La vie et les livres. Troisième série pp. 1-336

Je devins, à cause de lui, un lecteur fidèle du journal la Justice. […] Nous devenons. […] Son sourire devient sombre, et ses « instantanés » les plus récents sont noirs. […] Il devient, comme disait spirituellement M.  […] Et puis, on devient défiant.

1469. (1892) Portraits d’écrivains. Première série pp. -328

Que s’ils ne veulent pas se laisser instruire, et s’ils s’obstinent dans leur erreur, ils deviennent risibles. […] Dumas avait-il chance de devenir l’un des maîtres du roman ? […] C’est pourquoi ce héros aristocratique est devenu en quelque façon populaire. […] L’exceptionnel et le rare deviennent l’invraisemblable et même le faux. […] Ce volume, dont la Bibliothèque nationale ne possède pas d’exemplaire, est devenu très rare.

1470. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre VI. La poésie. Tennyson. »

Tu vas t’abaisser jusqu’à son niveau jour par jour. —  Ce qu’il y a de délicat en toi deviendra grossier pour s’assimiler à son limon. […] Le désespoir croît, et à la fin la rêverie devient vision : « Mort, mort, mort depuis longtemps ! […] Il est marié, il a des fermiers, il est magistrat municipal, il devient homme politique. […] Mais ce n’est point parmi eux que nous trouverons, comme en Angleterre, le monde pensant, élégant, qui par la finesse de son goût et la supériorité de son esprit devient le guide de la nation et l’arbitre du beau. […] Il est devenu vieillard, et il est demeuré jeune homme ; il est poëte, et il est sceptique.

1471. (1864) Cours familier de littérature. XVII « XCVIIe entretien. Alfieri. Sa vie et ses œuvres (2e partie) » pp. 1-80

Le soulèvement de l’opinion devint si vif, les hostilités du cardinal furent si menaçantes, que l’amant de la comtesse d’Albany fut obligé de quitter Rome. […] Cette possibilité devint si vraisemblable, qu’un beau jour, ne pouvant plus y tenir, je ne confiai qu’à mon ami où je voulais me rendre, et, feignant une excursion à Venise, je me dirigeai du côté de l’Allemagne. […] « Cependant, sans Gori, le séjour de Sienne me devint tout d’abord insupportable ; j’espérai qu’en changeant de lieux et d’objet j’allais affaiblir ma douleur sans rien perdre de sa mémoire. […] Je crus que j’en deviendrais fou par contrecoup. […] « Cependant s’était allumée entre la France et l’empereur cette guerre funeste, qui finit par devenir générale.

1472. (1867) Cours familier de littérature. XXIII « cxxxve entretien. Histoire d’un conscrit de 1813. Par Erckmann Chatrian »

À présent que l’époque semi-fabuleuse de l’épopée est passée pour les nations, le roman est devenu presque la seule littérature. […] Alors il devenait attentif, et de temps en temps je l’entendais s’écrier : « Tiens ! […] Alors je fus effrayé, mais au lieu de pâlir je devins encore plus rouge, et je m’écriai dans la désolation : « Maintenant je suis perdu ! […] Tout devient héroïque et sanglant. […] La seconde bataille entraîne toute l’armée française, les alliés deviennent ennemis, il revient se traînant à la suite du bataillon.

1473. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1864 » pp. 173-235

Cela tenait à des maux d’estomac, et ceux-ci venaient du nombre de choses diverses que je faisais, des travaux et des études multiples du professorat… Edwards, qui me soignait, disait à ma première femme : « Il se pourrait qu’il devînt fou ou qu’il mourût. » Un séjour de six semaines en Italie n’amenait aucun mieux. […] La pension, vendue à une ancienne religieuse et devenue un pensionnat de demoiselles, il était placé avec son jeune frère, rue Popincourt, chez Planche. […] Si on me donnait à choisir entre devenir dresseur de chiens savants, mari d’une danseuse ou père d’enfants pianistes, je demanderais à réfléchir. […] * * * — Un livre n’est jamais un chef-d’œuvre, il le devient. […] Il a donné un second coup qui a coupé les chairs… le ventre est devenu tout rouge… un troisième… À ce moment, ma chère, ont disparu les mains à M. 

1474. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1874 » pp. 106-168

Et le maître de l’établissement disait à Tardieu, que les cheveux de tout son monde devenaient comme cela, au bout de dix-huit mois. […] Pendant que l’exécration de notre pays devient un culte, qu’elle se glisse dans la prière de l’enfant d’outre-Rhin, en France qui se souvient ? […] Il est arrivé ici un ingénieur, travailleur, grand liseur, qui fût devenu quelqu’un, s’il était resté à Paris. Dans deux ans, il ne fera plus que sa besogne, ne lira plus un livre, perdra la curiosité des choses de l’esprit, deviendra un estomac. […] Eh bien, en vivant tous les jours avec ces gens, il est devenu démocrate.

1475. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Conclusions »

Dickens est l’homme de ses livres, Tolstoï l’est devenu peu à peu. […] Il dépasse de loin la sensibilité physiologique, représentée par les incomplètes perceptions des autres hommes ; à la suite d’un exercice constant et volontaire, les nerfs de ses sens, l’appareil cérébral correspondant sont devenus excitables à un degré pathologique. […] Il se soumet, mais il devient misanthrope. […] Ces romans de Dickens sont devenus des livres de famille. […] On commence à le comprendre ; la répartition des charges de l’état est inégale et tend à le devenir de plus en plus, tandis que les bienfaits publics sont pour tous les mêmes.

1476. (1884) Articles. Revue des deux mondes

Les utopies passent, le mouvement qu’elles impriment à l’esprit d’un siècle persister se modère lui-même en se composant d’impulsions et de tendances divergentes, et reste ainsi salutaire, parce qu’il devient plus régulier. […] Il est possible que certaines dispositions intellectuelles et morales se transmettent par hérédité ; mais ces dispositions, très vagues à l’origine, peuvent, selon la direction que leur imprimeront plus tard l’éducation, l’habitude, la volonté, devenir avantageuses ou funestes, cause de décadence ou de progrès. […] — Les classes dirigeantes deviennent ainsi presque fatalement les classes rétrogrades, et l’hérédité, qui semblerait devoir constamment accumuler chez les descendans les qualités qui ont valu l’empire aux ancêtres, a pour principal effet de hâter leur irrémédiable déchéance. […] Les prêtresses de Carie ont du poil au menton, et quand il devient plus long, c’est un fâcheux présage. […] Mais cette conception si nette devient souvent obscure et flottante.

1477. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre III. Le roman » pp. 135-201

Devenu comme les langues d’Ésope, ce qu’il y a de meilleur ou de pire, il a eu toutes les audaces, toutes les prétentions ; il a véhiculé jusqu’au grand public les hypothèses de la science et les lieux-communs de l’histoire. […] L’œuvre colonisatrice ne devient-elle pas admirable lorsqu’elle s’efforce à faire pénétrer le génie français dans les pays indigènes ? […] Comment cette influence ne s’étendrait-elle pas aux races coloniales qui sont, les unes, très profondément françaises, les autres prêtes à le devenir ? […] Le bateau devient une île où se meut un monde primitif. […] Par la séduction fatale de la Sirène, dans l’illusion qui emplit ses yeux, le possédé voit d’illusoires paysages et les carènes des vaisseaux et la princesse d’Orient devenue humble gardienne de chèvres.

1478. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — II. (Fin.) » pp. 495-513

Elle se moque d’une de ces critiques qui porte à la fois sur la conduite d’Hélénus, d’Hector et de Diomède, qu’Homère donne pour sages et qui, au moment même, se seraient emportés comme des imprudents : « Voilà un beau coup de filet pour M. de La Motte, dit-elle assez gaiement, d’avoir pris en faute trois héros d’Homère tout à la fois. » Quand elle en vient au travestissement en vers qu’il a donné de l’Iliade, elle en fait ressortir tout le chétif et l’indignité ; elle montre très bien, par exemple, que les obsèques d’Hector, exposé sur un lit dans la cour du palais, avec l’entourage lugubre des chanteurs et les gémissements de tout un peuple de femmes qui y répondent, sont devenues chez M. de La Motte quelque chose de sec et de convenu : « On croit voir, dit-elle, un enterrement à sa paroisse. » Mais ces traits d’esprit, que Mme Dacier oppose à ceux de l’adversaire, se mêlent trop d’images, de comparaisons et de citations qui juraient avec le goût moderne. […] Au même moment, d’autres champions de tout caractère et de taille diverse entraient en scène, et la mêlée devint générale : il y avait la vraie jeunesse du temps, les malins et les espiègles armés à la légère, comme l’abbé de Pons, comme Marivaux ; il y avait ceux qui ne riaient pas et les esprits rectilignes comme l’abbé Terrasson, membre de l’Académie des sciences. […] Il accordait à l’Académie française la gloire un peu exagérée d’avoir la première institué la discussion littéraire dans ces termes philosophiques, et d’avoir conclu de l’admiration mal fondée que l’on avait eue pour les vieux philosophes, qu’il fallait examiner de plus près celle que l’on avait encore pour les anciens poètes : « L’ouverture de cette dispute, disait-il un peu magnifiquement, a achevé de rendre à l’esprit humain toute sa dignité, en l’affranchissant aussi sur les belles-lettres du joug ridicule de la prévention. » C’était par là que Terrasson croyait qu’il nous appartenait de devenir littérairement supérieurs aux Latins, lesquels, supérieurs de fait aux Grecs, n’avaient jamais osé en secouer le joug. […] Quant à ce qui est de sa personne et de son caractère dans la société, un certain abbé Cartaud de La Vilate nous la représente sous une forme grotesque et ridicule qui ne fut jamais la sienne : « J’ai ouï dire, prétend-il facétieusement, à une personne qui a longtemps vécu avec elle, que cette savante, une quenouille à son côté, lui récita l’adieu tendre d’Andromaque à Hector avec tant de passion qu’elle en perdit l’usage des sens. » Ce sont là des exagérations et des caricatures sans vérité ; il ne faudrait pas croire que Mme Dacier fût devenue en vieillissant une demoiselle de Gournay, une sorte de sibylle qui représentait avec emphase et solennité le bon vieux temps.

1479. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Fénelon. Sa correspondance spirituelle et politique. — II. (Fin.) » pp. 36-54

Les conseils de Fénelon sont donnés en des termes appropriés et vifs, qui deviennent autant de traits à recueillir pour un portrait fidèle de ce bon duc : J’ai souvent remarqué que vous êtes toujours pressé de passer d’une occupation à une autre, et que cependant chacune en particulier vous mène trop loin. […] Ce que Fénelon écrit en cette année 1708 au duc de Bourgogne, il ne cessera de le répéter et de le lui faire arriver par le canal du duc de Chevreuse durant les années suivantes ; il est affecté dans sa religion de chrétien éclairé, dans sa tendresse de père nourricier et de maître, dans son patriotisme de citoyen, de voir un prince qui devrait être si cher à tous les bons Français, et dont il sait les vertus essentielles, devenu l’objet d’un dénigrement et d’un déchaînement si général. […] Pourtant, comme il se mêle à tout cela bien de l’irréflexion et de la mode, selon notre usage français de tous les temps, il arrivera que pendant la très courte année où le duc de Bourgogne, devenu Dauphin après la mort de son père, se mettra un peu en frais de bonne grâce et en attitude de plaire, l’opinion se retournera subitement en son honneur, célébrera en lui une transformation soudaine, et, quand on le perdra quelques mois après, il sera pleuré comme un prince irréparable, les délices trop tôt ravies du genre humain. […] On a beau lui en dire du bien, il ne sera content que « lorsqu’il le saura libre, ferme et en possession de parler (même au roi) avec une force douce et respectueuse… S’il ne sent pas le besoin de devenir ferme et nerveux, il ne fera aucun véritable progrès ; il est temps d’être homme ».

1480. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — II » pp. 414-431

Déjà mortellement atteinte du mal qui doit l’enlever, elle multiplie les démarches, les correspondances, tente plusieurs ouvertures, frappe à plus d’une porte et devient sa secrète et active négociatrice pendant qu’il guerroie. […] Je crois que votre émissaire pourrait s’adresser de même à son parent qui est devenu ministre (Bernis), et dont le crédit augmente de jour en jour. […] César fut esclave des pirates, et devint le maître de la terre. […] Au moins ne pourra-t-on pas dire que j’aie survécu à la liberté de ma patrie et à la grandeur de ma maison, et l’époque de ma mort deviendra celle de la tyrannie de la maison d’Autriche.

1481. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres publiées par M. de Falloux. »

Tantôt enfin (et c’est ici le cas qui n’est pas le moins original en son genre), nous avons vu la Théologie elle-même tout armée, la dialectique serrée et savante, sachant les points, les textes décisifs, les comment et les pourquoi de l’orthodoxie, sachant aussi les raisons du cœur et les plus fins arguments de la spiritualité ; nous l’avons vue venir du Nord sous la figure de Mme Swetchine, s’installer, prendre pied chez nous et y devenir conquérante à sa manière. […] Comme Tarquin, je sais abattre d’une main courageuse ces fleurs de la vie qui s’élèvent au-dessus des autres, et ce triste nivellement m’est devenu si familier, que je remplis ma tâche sans murmure et sans plainte. » Il faut partir de là avec elle, sans quoi on est arrêté à tout instant et on ne la suit pas. […] La raison providentielle de la surdité, c’est qu’étant fermé aux bruits du dehors, on devienne plus attentif à la voix du dedans. […] Arrêté sur la hauteur d’où le pays se montre plus étendu et plus riche, il suit le cours des eaux qu’il a su maîtriser, il reconnaît ses ombrages, ses abris de prédilection, les champs fécondés par ses sueurs, des glands semés par lui devenus chênes ; le même soleil éclaire encore de ses rayons obliques et toujours amis la longue route qu’il a suivie, et les sentiers mystérieux par lesquels la bonne Providence l’a doucement conduit à elle… » Ce qui suit, et qu’il faut lire, sur les infirmités et l’usage moral qu’on en peut faire est fort beau, Dans ces termes adoucis, je cesse de contredire, et je m’efforcerais plutôt de m’associer aux affectueuses espérances de l’auteur.

1482. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Une monarchie en décadence, déboires de la cour d’Espagne sous le règne de Charles II, Par le marquis de Villars »

Il était parvenu à triompher d’eux tous au moment de la majorité du jeune roi qui se déclara pour lui : devenu à son tour premier ministre (1677), maître de la personne du roi et du gouvernement de l’État, il ne sut pas justifier les espérances qu’avait fait concevoir son élévation. […] » don Juan sentant que la partie était perdue et que tout lui échappait, fut pris de désespoir et d’une mélancolie profonde, qui devint une maladie pleine d’incidents inconnus : « Les médecins, qui traitaient son corps d’un mal qui était dans son esprit, lui firent souffrir durant trois semaines assez de tourments pour achever sa vie ; il mourut le 17 septembre 1679, âgé de cinquante ans. Son corps fut porté à l’Escurial, dans la sépulture des Princes à côté du Panthéon. » On le traitait jusqu’au bout en fils de roi, bien qu’il y eût fort à dire sur l’authenticité et la légitimité de cette bâtardise ; mais Philippe IV l’avait reconnu — Le marquis de Villars a tracé de lui le portrait suivant, qui, dans un ton simple, est d’une belle langue : « Sa naissance lui avait donné un grand rang et de grands emplois, mais on ne vit point la suite de sa vie répondre à cette éducation : on le vit malheureux dans la plupart de ses entreprises, souvent battu à la guerre, toujours éloigné de la Cour ; son dernier malheur fut d’être devenu enfin la première personne de l’État. […] Les Espagnols, devenus les maîtres de sa personne, voulurent, dès les premiers jours, l’assujettir aux moindres formalités dont se composait alors en Espagne l’esclavage des femmes et des reines.

1483. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poëme des champs par M. Calemard de Lafayette. »

Il est vrai que celle-ci n’y est qu’à peine touchée ; et c’est sans doute la raison pour laquelle le poëte a cru pouvoir ainsi clouer en tête de son recueil ce titre voyant de Poésies Barbares, qui devient un attrait. […] On sent que ce poëte, qui veut devenir, lui aussi, un interprète et comme un nouveau prêtre de la nature, a beaucoup passé par le Louvre, et s’y est un peu trop arrêté. […] Son œil fauve et puissant devient aussi paisible Qu’aux jours où sur son dos Europe osa s’asseoir ; Il admire, et Léda subit sans le savoir La fascination du regard invisible. […] Grâce à lui pourtant, la fable lascive et faite pour les caresses de la muse d’Ovide devient presque auguste et majestueuse : Symbole fabuleux vêtu de volupté : Le Cygne est l’univers, Léda l’humanité.

1484. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. Ernest Renan »

De tout temps le génie français a penché vers la gaieté, la légèreté, le bon sens prompt, mais pétulant, imprudent, frondeur et railleur, la satire, la malice et, j’ajouterai, la gaudriole ; si cet élément unique dominait et l’emportait, que deviendrait le caractère de notre langue, de notre littérature ? […] Renan que des précautions de politesse et de prudence, des formes de circonspection respectueuse, je ne m’en inquiéterais pas autrement ; mais c’est un procédé devenu chez lui habituel et constant, qui tient d’une part à l’élévation, à l’étendue, à l’impartialité du critique, aux yeux duquel « la vérité est toute dans les nuances » ; et aussi le dilettante et l’artiste y ont leur action et leur jeu. […] L’éloge de Channing se compose d’une quantité de : Il n’avait pas… Il ne comprenait pas… S’il n’était pas ceci, il n’était pas non plus cela… Ce qui ne laisse pas de devenir fort piquant à la longue. […] Livet, il cherche et trouve des raisons subtiles et profondes à une institution et à une durée mémorable dont il ne me convient pas assurément de vouloir amoindrir le prestige ; mais il semble croire qu’il en est de l’Académie comme de Rome, qu’elle est vouée à l’éternité ; « Qu’on essaye, dit-il, de se figurer un pouvoir, quelque autorisé à tout faire qu’on le suppose, qui ose porter atteinte à ce chiffre de quarante, devenu sacramentel en littérature ; on n’y réussira pas. » Grâce à Dieu, l’Académie n’est pas et n’a jamais été bien menacée de nos jours ; mais pour cela je ne crois pas que ce chiffre de quarante ait une telle vertu historique.

1485. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

il vous faut à toute force le devenir. […] De même, la première leçon qu’un père prévoyant devrait donner à son fils, si ce fils se destinait à devenir un critique journaliste, ce serait, selon moi : « Mon fils, n’ayez pas le goût trop dégoûté ; apprenez à manger de tout. » Or, imaginez un poète, c’est-à-dire un être accoutumé à cultiver et à chérir un idéal, à le caresser dès l’enfance sur l’aile de la fantaisie, imaginez ce poète subitement mis à pied par la fortune et obligé par métier d’essayer de toutes les combinaisons, de déguster tous les breuvages et toutes les boissons à leur entrée, ou, si vous aimez mieux, de tremper le doigt dans toutes les sauces. […] Il y devint dès le premier jour le peintre accompli que nous savons. […] Ce premier Théophile Gautier, antérieur aux voyages et avant qu’il fut devenu l’homme des feuilletons, se trouve très-bien esquissé en quatre pages du Recueil intitulé Galerie de la presse, de la littérature et des beaux-arts (première série, 1838).

1486. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Jean-Bon Saint-André, sa vie et ses écrits. par M. Michel Nicolas. »

Nul exemple ne me paraît plus propre à montrer à quel point des hommes, même énergiques de trempe et de volonté, sont assujettis et soumis au milieu où ils vivent, dépendant des circonstances, changeant de face sans changer de caractère ; combien il est juste, même après des excès et des torts, de ne pas désespérer de ceux qui ont une valeur réelle et un vertueux principe d’énergie ; comment le malheur éprouve et épure, même à leur insu, certaines natures restées saines au fond ; et ce que peuvent devenir d’honorable et d’utile pour la société et pour la patrie ceux qui, hors des cadres réguliers et durant l’orage des interrègnes, dans la convulsion des mouvements révolutionnaires, cherchaient vainement leur niveau et leur emploi. Insuffisants et impuissants aux premiers rôles où le hasard des événements les avait portés, on les retrouve, à peu d’années d’intervalle, aux seconds rangs, devenus de bons, de fermes, d’intègres et infatigables serviteurs du pays. […] Cette figure sévère et probe m’a paru à moi-même pouvoir offrir, dans son entière précision, le type de cette race d’hommes violents, emportés, chimériques, incomplets du moins, foncièrement honnêtes toutefois à l’état révolutionnaire, et devenus à la fin des instruments exacts, sûrs et pratiques sous une main habile, dans un Empire organisé. […] Nommé du Comité de Salut public lors du renouvellement en juillet 1793, il en devint aussitôt un des membres les plus actifs et les plus employés.

1487. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Il nous le montre, vers la fin, devenu si défiant qu’on pouvait fort douter s’il croyait encore à la probité : ce qu’il y a de sûr, c’est qu’il regardait les personnes vertueuses comme peu capables, et s’il fallait s’en remettre à quelqu’un, c’étaient les plus malhonnêtes sans hésitation, et les plus signalés au mépris, qu’il employait de préférence et sans réserve : l’excès de défiance l’avait mené ainsi, de degrés en degrés, à son contraire : « Cette défiance, ajoute Le Roy en terminant, justifiée malheureusement par un grand nombre de faits, avait donné dans les derniers temps de l’immoralité à son caractère et mis le comble à son apathie ; elle avait surtout fait des progrès rapides, depuis qu’on avait attenté à sa vie. […] Le lendemain matin, M. de Fréjus, devenu tout à fait ambitieux et voulant essayer d’un grand moyen, écrivit une lettre au roi bien humble, bien affligée et mortifiée, bien tendre, et le rusé mentor joua sa comédie de se retirer de la Cour pour finir ses jours dans la retraite à Issy. […] On était sûr d’ailleurs du désintéressement de celle qu’on destinait à devenir favorite, et de son éloignement pour tout projet sérieux d’ambition. Ce ne fut pas sans peine qu’on parvint à établir une familiarité complète entre un prince excessivement timide et une femme à laquelle sa naissance du moins imposait quelques bienséances… Tout le monde sait quelles suites elle eut, quel empire le goût pour les femmes exerça sur Louis XV ; combien la variété lui devint nécessaire, et combien peu la délicatesse et toutes les jouissances des âmes sensibles entrèrent dans ses amusements multipliés. » Ce qu’on vient de lire est exact, presque à la lettre ; cette reine, dont la destinée de loin paraît celle d’une femme délaissée, donna en effet au roi, avant l’éclat des désordres, jusqu’à dix enfants : deux garçons seulement, dont un seul vécut ; tout le reste n’était que des filles, et Louis XV avait fini par ne plus compter sur autre chose avec la reine : il semblait voir dans cette monotonie l’image de leurs froides amours.

1488. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Histoire des cabinets de l’Europe pendant le Consulat et l’Empire, par M. Armand Lefebvre (suite et fin.) »

Les événements avaient marché plus vite que sa pensée, et son ambition ne faisait, pour ainsi dire, qu’exécuter les arrêts de sa fortune. »  Et dans le récit où il a résumé les préliminaires et les causes de la guerre de Russie en 1812, il ne voit dans cette entreprise, de la part de la France, que « le dernier terme de ce vaste système de conquête et de prééminence qui a son point de départ dans le traité de Campo-Formio et qui fut reproduit plus tard dans celui de Lunéville. » Napoléon n’avait point fondé ce système, il l’avait pris à son compte et avait mis son génie et sa gloire à le faire triompher ; la Révolution, devenue toute guerrière, voulait sa revanche sur l’Europe : la partie une fois engagée sur ce pied, de revanche en revanche l’enjeu avait grossi toujours : « Il y a un fait capital, répétait M.  […] C’est alors qu’ils deviennent, à proprement parler, des puissances aveugles et comme des instruments de destin. […] Ce duché, grossi en 1809 par la paix de Vienne, devint en effet comme un corps étranger, remuant, qui ne demandait qu’à s’étendre encore et qui, interposé entre les liens des deux empires, finit par les distendre jusqu’à les briser. […] Il reste à l’historien futur à décrire ce vaste mouvement par lequel nous fûmes cernés, à le peindre en toute connaissance de cause, avec un sentiment élevé d’impartialité envers des adversaires dont quelques-uns furent héroïques et dont les autres ne furent qu’acharnés, à faire bien comprendre surtout comment le libéralisme, le patriotisme ulcéré devint un instrument aux mains d’un état-major d’oligarques, qui, après l’avoir caressé et déchaîné pour le grand combat, ne pensèrent ensuite qu’à le réfréner sans pudeur et à le museler.

1489. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Cet accord s’essaye et subsiste plus ou moins déjà ; c’est la pensée et le vœu de cette Revue même, et c’est parce que la chose est en train de se faire qu’elle devient possible, et qu’il y a lieu d’insister, d’achever et de s’exhorter. — Un coup d’œil sur l’ensemble de la littérature et sur les phases de ses principaux personnages depuis dix ans éclairera encore mieux notre idée et la modération de notre désir. […] Fontenelle nous est un grand exemple : il n’avait été qu’un bel esprit contestable en poésie, un fade novateur évincé ; il devint, sous sa seconde forme, le plus consommé des critiques et un patriarche de son siècle. […] On est plus qu’un groupe, on est près de devenir une cité par le fait même de ces débordements et brigandages qui ont rendu le reste du pays littéraire inhabitable, qui ont refoulé et rapproché les honnêtes esprits. […] Et certes, un sentiment moral et patriotique, ami des lettres, ami du pays qui a été si offensé dans cette chère portion de lui-même, est bien fait aussi pour devenir une inspiration à l’égal de quelque conviction plus jeune et plus absolue.

1490. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine »

Sa vie, ainsi ordonnée dans son désordre, devint double, et il en fit deux parts : l’une, élégante, animée, spirituelle, au grand jour, bercée entre les jeux de la poésie, et les illusions du cœur ; l’autre, obscure et honteuse, il faut le dire, et livrée à ces égarements prolongés des sens que la jeunesse embellit du nom de volupté, mais qui sont comme un vice au front du vieillard. […] La Fontaine manque un peu de souffle et de suite dans ses compositions ; il a, chemin faisant, des distractions fréquentes qui font fuir son style et dévier sa pensée ; ses vers délicieux, en découlant comme un ruisseau, sommeillent parfois, ou s’égarent et ne se tiennent plus ; mais cela même constitue une manière, et il en est de cette manière comme de toutes celles des hommes de génie : ce qui autre part serait indifférent ou mauvais, y devient un trait de caractère ou une grâce piquante. […] Par bonheur, une jeune femme riche et belle, madame d’Hervart, s’attacha au poëte, lui offrit l’attrait de sa maison, et devint pour lui, à force de soins et de prévenances, une autre La Sablière. […] Puis, quand on avait épuisé les désordres, les erreurs, et qu’on revenait à la vérité suprême, on trouvait un asile tout préparé, un confessionnal, un oratoire, un cilice qui matait la chair ; et l’on n’était pas, comme de nos jours, poursuivi encore, jusqu’au sein d’une foi vaguement renaissante, par des doutes effrayants, d’éternelles obscurités et un abîme sans cesse ouvert : — je me trompe ; il y eut un homme alors qui éprouva tout cela, et il manqua en devenir fou : cet homme, c’était Pascal.

1491. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Lorsqu’en s’accoutumant à voir souffrir les animaux, on parvient à vaincre la répugnance des sens pour le spectacle de la douleur, l’on devient beaucoup moins accessible à la pitié, même pour les hommes ; du moins l’on n’en éprouve plus involontairement les impressions. Les paroles tout à la fois vulgaires et féroces produisent, à quelques égards, le même effet que la vue du sang : lorsqu’on s’habitue à les prononcer, les idées qu’elles retracent deviennent plus familières. […] Or, que deviendraient les écrits qui prennent nécessairement l’empreinte des mœurs, si les manières vulgaires, ces manières qui font ressortir les défauts et les désavantages de tous les caractères, continuaient à dominer ? […] Si les formes grossières de celui qui commande aigrissent cette prévention, elle devient une véritable haine.

1492. (1911) La valeur de la science « Troisième partie : La valeur objective de la science — Chapitre XI. La Science et la Réalité. »

Or il est clair qu’une pareille description ne saurait se trouver dans l’énoncé de la loi ; si on la faisait d’ailleurs, la loi deviendrait inapplicable ; si on exigeait à la fois tant de conditions, il y aurait bien peu de chance pour qu’à aucun moment elles fussent jamais toutes réalisées. […] Cela veut dire évidemment que les antécédents sont à peu près pareils ; si toutes les circonstances étaient identiques, l’époque carbonifère deviendrait indiscernable de l’époque quaternaire. […] C’est en ce sens que nous avons le droit de dire que le déterminisme suppose la liberté, puisque c’est librement que nous devenons déterministes. […] Mais ils sont néanmoins objectifs parce qu’ils sont, deviendront, ou resteront communs à tous les êtres pensants.

1493. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Patru est un nom plus qu’un auteur ; on ne le lit plus, et je ne viens pas ici conseiller de le lire ; mais de loin, et par tradition, on l’estime ; on se rappelle qu’au barreau et à l’Académie, en son temps, il a été une autorité, un oracle ; que Boileau, qui voyait si peu de maîtres en matière de langue et de goût, s’inclinait tout d’abord devant lui, qu’il a placé son nom en plus d’un vers devenu proverbe, et que, par un acte noble et délicat de reconnaissance, il l’a secouru pauvre dans sa vieillesse. […] Sa mère qui, veuve d’un riche procureur au Parlement, voulait qu’il devînt un avocat célèbre, lui voyant de l’aversion pour ses cahiers, les jetait elle-même au feu, et lui donnait des romans à lire. […] Cet ensemble d’anecdotes sur la jeunesse de Patru nous le montre bien, dans la vérité primitive de son caractère, aimable, je le répète, liant et séduisant, un garçon d’esprit et de plaisir, honnête homme au milieu de ses distractions gauloises, désintéressé, déjà mal à l’aise et se méfiant de la fortune, ne se sentant pas assez de force pour la maîtriser et pour épouser courageusement la femme qu’il aime, du moment qu’elle devient veuve et qu’elle est libre. […] Infirme, retiré dans une petite maison du faubourg Saint-Marceau, il allait voir ses livres devenir la proie d’un dur créancier, quand Boileau, généreux comme un souverain, et devançant Colbert, les lui acheta en exigeant qu’il en gardât la jouissance.

1494. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — II. » pp. 460-478

Deux navires danois, c’est-à-dire neutres, qui transportaient des troupes à la solde de l’Angleterre, échouent sur les côtes de Calais ; sur neuf cents hommes d’équipage, les deux tiers périssent à la vue de la population accourue et sans qu’on puisse leur porter secours ; parmi ceux qui se sauvent à la nage et qu’on recueille, on reconnaît des Français émigrés, le duc de Choiseul était du nombre : on les traduit devant une commission militaire ; les naufragés deviennent à l’instant des ennemis. […] Deux mois après, Portalis eut la permission de rentrer dans sa patrie, et il devint presque aussitôt l’un des conseillers de l’homme qui, à cette première heure, prenait à tâche de s’entourer de tous les talents éprouvés et de toutes les lumières70. […] Il nie qu’on puisse, dans une civilisation avancée, tout en jouissant des biens qu’elle procure et oubliant trop à quel prix on les acquiert, venir renoncer brusquement à ce qu’on appelle préjugés antiques, et se séparer avec ingratitude de tout ce qui a civilisé : « Les hommes, en s’éclairant, deviennent-ils des anges ?  […] [NdA] Dans ce même discours, Portalis, tout religieux qu’il est, explique en partie par l’amour-propre le triomphe du christianisme dès son origine : « Les préceptes de l’Évangile, dit-il, notifièrent la vraie morale à l’univers ; ses dogmes firent éprouver aux peuples devenus chrétiens la satisfaction d’avoir été assez éclairés pour adopter une religion qui vengeait en quelque sorte la divinité et l’esprit humain de l’espèce d’humiliation attachée aux superstitions grossières des peuples idolâtres » — Rapprocher cette explication de celle que donne Volney dans son Voyage en Égypte et en Syrie à propos des religieux du mont Sinaï et du discours que lui tient l’un d’eux sur les mobiles de leur vocation. — Ici Portalis et Volney, en les serrant de très près, se touchent.

1495. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Armand Carrel. — III. (Suite et fin.) » pp. 128-145

Voilà donc Carrel qui, en reprenant la plume après la révolution de 1830, s’est dit qu’il ne voulait pas faire d’opposition systématique ; qu’il ne voulait que conseiller, appuyer de ses idées un pouvoir ami ; qu’il n’y avait plus, en quelque sorte, que des questions d’intérieur et de ménage à éclaircir entre la royauté consentie et ceux qui en avaient procuré l’avènement ; et, malgré tout, il est bientôt amené par le cours même des choses, par le train du jeu, par l’action et la passion qu’il y met, à devenir hostile, amer, et en peu de temps irréconciliable. […] Si j’osais traduire cette impression dans une langue toute littéraire et pour des littérateurs, je dirais : Zumalacárregui, c’est son André Chénier : Il est des temps, disait-il (28 juin 1835), où avec de médiocres facultés on peut devenir rapidement fameux ; nous sommes, au contraire, une de ces époques où tout conspire contre le développement des grands caractères, et où le travail des sociétés n’amène à la surface que des natures dégradées. […] Laissons donc le détail d’une polémique dans laquelle il devient de plus en plus difficile de distinguer ce qui n’est que machine de guerre d’avec ce qui est pensée ultérieure et but véritable ; et tenons-nous à constater quelques faits qui achèveront de nous donner idée de l’homme. […] Fiévée, ce vieux royaliste et clichien, devenu son collaborateur républicain, et un collaborateur des plus actifs et des plus fervents : « Il a un avantage sur nous, il n’a jamais peur d’être plat. » Lui, Carrel, il péchait par l’excès contraire, il avait toujours peur de ne pas être assez brave, assez valeureux, assez fidèle à des engagements même qu’il n’avait pas pris.

1496. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

en religion alors, en théologie, ce fut un peu de même ; il y eut une génération animée de zèle, qui essaya, non pas de renouveler ce qui, de soi, doit être immuable, mais de rajeunir les formes de l’enseignement et de la démonstration, de les approprier à l’état présent des esprits, de combattre certaines routines, certaines habitudes devenues rigides ou étroites, et de rendre le principe catholique respectable à ceux même qui le combattaient : « Pour agir sur le siècle, se dirent de bonne heure ces jeunes lévites, il faut l’avoir compris. » Des noms, j’en pourrais citer quelques-uns qui, avec des nuances et des différences que l’on sait dans le monde ecclésiastique, avaient alors cela de commun, de représenter la tête du jeune clergé intelligent et studieux : M.  […] À vingt-quatre ans, l’abbé Gerbet annonçait un talent philosophique et littéraire des plus distingués ; en Sorbonne, il avait soutenu une thèse latine avec une rare élégance ; il avait naturellement les fleurs du discours, le mouvement et le rythme de la phrase, la mesure et le choix de l’expression, même l’image, ce qui, en un mot, deviendra le talent d’écrire. […] On sait le mot de Bossuet, d’après Tertullien, lorsque parlant du cadavre de l’homme : « Il devient un je ne sais quoi, s’écrie-t-il qui n’a plus de nom dans aucune langue. » L’admirable page qu’on va lire de l’abbé Gerbet est comme le développement et le commentaire du mot de Bossuet dans cette première station aux Catacombes, il s’attache d’abord à étudier le néant de la vie, « le travail, je ne dis pas de la mort, mais de ce qui est au-delà de la mort » ; l’idée de réveil et de vie future viendra après. […] Cette forme est plus frêle que l’aile d’un papillon, plus prompte à s’évanouir que la goutte de rosée suspendue à un brin d’herbe au soleil ; un peu d’air agité par votre main, un souffle, un son deviennent ici des agents puissants qui peuvent anéantir en une seconde ce que dix-sept siècles, peut-être, de destruction ont épargné.

1497. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre V. Le génie et la folie »

Telle est la théorie romantique du génie : théorie, qui, depuis longtemps abandonnée dans la littérature et dans la critique, est allée se réfugier en province, et qui, je ne sais comment, s’égarant jusque dans la médecine, est devenue le fondement de la savante théorie que nous discutons. […] 2° On nous cite bien un certain nombre de cas où la maladie aurait amené un développement extraordinaire d’intelligence, et où l’imagination serait devenue créatrice. […] Beaucoup sont devenus fous. […] En effet, le génie peut certainement placer l’homme dans des conditions sociales très douloureuses : la supériorité d’un homme sur son temps peut lui rendre l’existence très difficile, et ainsi devenir pour lui cause occasionnelle de certaines douleurs, qui amèneraient la folie tout aussi bien chez un autre que chez lui, si elles s’y produisaient.

1498. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre II : Variations des espèces à l’état de nature »

Mais il se présente des cas que je ne veux pas énumérer ici, où il devient extrêmement difficile de décider si une forme doit être ou n’être pas rangée comme variété d’une autre, même lorsqu’elles sont étroitement reliées par des formes intermédiaires ; d’autant que les formes intermédiaires sont communément regardées comme étant d’une nature hybride, ce qui ne tranche pas toujours la difficulté. […] S’il multiplie beaucoup ses observations, il deviendra capable à la fin de déterminer à peu près ce qu’il doit appeler variété ou espèce ; mais il n’y parviendra qu’à la condition d’admettre dans les formes spécifiques une grande variabilité qui sera souvent contestée par d’autres naturalistes. […] Les plus grands genres ont ainsi une tendance à devenir plus grands encore. Et dans toute la nature les formes vivantes, maintenant dominantes, manifestent une tendance à le devenir de plus en plus, en laissant beaucoup de descendants dominateurs modifiés.

1499. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il fût devenu certainement, s’il avait eu tout ce que le Christianisme peut donner, le premier critique d’un temps qui n’a pas de premier, et personne, incontestablement, dans ce siècle, ni Sainte-Beuve, ni Gustave Planche, ni les autres qui font de la critique, n’aurait pu lui être comparé. […] Sainte-Beuve, avec la demi-lune rousse de sa tête, pelée comme le derrière d’un renard attaqué d’alopécie, son teint hortensia, son oreille rouge comme celle de Tartuffe et prête à chaque instant à monter au violet de la colère, le tout recouvert du vieux foulard qu’il étendait là-dessus quand il rentrait, échauffé, de l’Académie, et le beau Scaramouche de Chasles, à la face pâle, aux yeux italiens, aux moustaches callotiques, longues, peintes, relevées, qui ne devinrent que le plus tard possible la barbe blanche sans transition de gris qui apparut soudainement, comme celle d’un alchimiste, un jour, à son cours, et fut pour les femmes qui y venaient le coup de pistolet de la surprise. […] Mais ayant vécu dès son extrême jeunesse en Angleterre, il s’y impreignit de ce pays et il y devint protestant, — non de culte (il s’en souciait bien !) […] Besogne d’après coup, trop facile et devenue vulgaire, et dont les résultats sont mesquins.

1500. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Michelet »

Lui, le grand adversaire de la confession dans le Prêtre et la Femme, devint un confesseur de femmes, et trouva que c’était là une chose bien agréable et bien utile, pourvu que Dieu fût chassé du confessionnal ! […] Et il ne la résout pas plus dans son livre : la Mer, que dans ses écrits précédents où, d’historien de la monarchie, il est devenu tout à coup cette fleur vespérale et tardive de naturaliste frais éclos. […] En histoire naturelle, Michelet est un savant de jeune fille, et il devient tellement sentimental, même dans son livre de la Mer, qu’il ne sera peut-être pas fâché de l’expression. […] je ne pense pas qu’on puisse être plus maladroit dans l’impiété, et qu’on se trahisse soi-même et sa perverse intention par plus de pitoyable bouffonnerie que ne l’a fait Michelet dans cette exhérédation de Dieu en faveur des bêtes, devenues elles-mêmes leurs créateurs !

1501. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre XIII : De la méthode »

La présence de l’air et l’élévation du mercure ; la présence de la chaleur et la dilatation de la barre ; la présence du fer entouré d’air humide et la naissance de la rouille : dans tous ces cas, le premier fait étant donné, le second devient nécessaire, ce qu’on exprime en disant que le premier a la force de produire le second. […] « Le ciel de l’Italie inspire et produit les artistes. » Cela est douteux ; il n’est pas sûr qu’un Groënlandais transporté à Rome à l’âge de six mois, et occupé douze heures par jour à regarder le ciel, devînt un grand peintre. […] On verse ce suc sur des aliments, à une température convenable, et l’on voit l’aliment se désagréger peu à peu et devenir liquide. […] En vain vous auriez les meilleurs yeux et la plus grande science du monde, vous n’apercevriez dans un tableau que des lignes et dans une charte qu’une écriture, si votre imagination n’est pas devenue sensible et si vous n’avez pas au dedans de vous un réactif indicateur.

1502. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

Nous venons de trouver que la substance sur laquelle la rosée se dépose doit, par ses seules propriétés, devenir plus froide que l’air. […] On sait par l’expérience directe que la quantité d’eau qui peut rester suspendue dans l’air à l’état de vapeur est limitée pour chaque degré de température, et que ce maximum devient moindre à mesure que la température diminue. […] Car, si parfois, comme dans l’expérience pratiquée sur les vases d’eau, les sommes ou les restes ne sont pas rigoureusement égaux, nous pouvons à bon droit attribuer cette inégalité à l’inexactitude de nos mesures préalables ou à la maladresse de notre manipulation ultérieure, puisque, plus nos mesures deviennent exactes et notre manipulation adroite, plus l’inégalité devient petite. — En outre, pour fortifier notre conclusion, nous avons en main une autre méthode inductive, celle des différences. […] Soit une droite inflexible AB ; supposons qu’elle remonte tout entière et de façon à rester toujours parallèle à sa première position ; au bout d’un certain temps elle devient A′B′ parallèle à AB, et nous convenons que ce laps de temps est une seconde. […] Par la première, il est admis que la ligne AB, remontant en A′B′, devient A′B′ au bout d’une seconde, et qu’ainsi au bout d’une seconde B se trouve en B′.

1503. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXXIIe entretien. Littérature russe. Ivan Tourgueneff (suite) » pp. 317-378

Plus nous avancions, plus autour de nous tout devenait sourd et silencieux. […] Mon sentier est devenu un grand chemin. […] Par endroits, elle devenait tout à coup noire, et s’élançait en longues gerbes. Plus nous avancions, plus les contours de la fumée devenaient indistincts. […] Depuis ce jour, elles étaient devenues inséparables.

1504. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Lamartine »

Cet art suprême devenu invisible s’est cherché fort longtemps. […] Le besoin d’accomplir un premier sacrifice induit Jocelyn à devenir, professionnellement, « l’homme de sacrifice ». […] Il faut donc que Jocelyn devienne prêtre. […] Le poète nous annonce qu’il la recommencera neuf fois, avant que son âme devienne l’âme parfaite et sublime de Jocelyn. […] Jette-leur ton enfant, ou deviens toi-même leur pâture.

1505. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

Mais la sympathie devint vite de l’enthousiasme. […] Melchior de Voguë était devenu triste, comme devant une antique sépulture royale. […] bien ; quand je suis devenu riche, j’ai changé d’avis tout d’un coup. […] Qu’est-ce que tu deviens, espèce de sauvage ? […] … À rien… Voyez donc ce que deviennent les luttes des individus contre les Académies !

1506. (1891) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Quatrième série

La peinture ou l’imitation d’une réalité toute prochaine encore devenait l’une des conditions du genre. […] Et la vie même se perfectionnant avec la science, le progrès de l’espèce imitant ou suivant celui de la connaissance, nous deviendrons « comme des dieux », à moins que, soustraits aux conditions de la mortalité, nous ne devenions Dieu lui-même. […] D’époux indulgent d’une jeune femme, le voilà devenu mari indifférent et quinteux ; le père fendre s’est changé en un tyran domestique ; l’homme d’honneur est devenu un dépositaire infidèle. […] Autrefois le bien des particuliers faisait le trésor public, mais pour lors le trésor public devient le patrimoine des particuliers. […] L’étonnement devint de l’admiration en devenant du plaisir.

1507. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LVIII » pp. 220-226

Le respect est devenu chose si rare qu’il ne faut pas le blâmer quand par hasard il se rencontre. Pour nous qui y sommes moins obligés, grâce à notre éloignement, nous disons franchement que ce livre, que l’on concevait si simple et si austère, est devenu, par manque de sérieux et par négligence, un véritable bric-à-brac ; l’auteur jette tout, brouille tout, et vide toutes ses armoires.

1508. (1874) Premiers lundis. Tome I « Anacréon : Odes, traduites en vers française avec le texte en regard, par H. Veisser-Descombres »

Déjà, sur le fumier de Villon, au milieu des obscénités de taverne, on aperçoit quelques-unes de ces fleurs qu’on croirait tombées d’une couronne antique Mais dans Clément Marot, dont la muse s’était épurée à la cour de François Ier et de Marguerite de Navarre, la ressemblance devient frappante. […] La ressource même de la paraphrase et de l’imitation libre devient un écueil.

1509. (1875) Premiers lundis. Tome III « Eugène-Scribe. La Tutrice »

Le cas était embarrassant pourtant, et la situation devenait orageuse ; une lettre de la célèbre danseuse Fridoline arrive à temps, Léopold retrouve son audace, et, par bravade, prend la résolution la plus extravagante, celle d’épouser la danseuse, qui, étant très-riche, vient de lui offrir sa main, pour devenir comtesse, et pouvoir faire graver une couronne sur le panneau de ses voitures.

1510. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la distribution des prix du lycée d’orléans. » pp. 223-229

Cette modération-là est en train de devenir, par ce temps de modes outrancières, de cabotinage et de snobisme — en littérature, en art et, dit-on, en politique — quelque chose de rare et d’original ; j’ajoute de méritoire : car les idées extrêmes, plus frappantes, plus faciles à développer, ont bien meilleur air aux yeux des ignorants et sont généralement d’un profit plus immédiat pour ceux qui les professent. […] Et, par conséquent, il dépend de vous de devenir, aux yeux de Dieu et même des hommes, des créatures d’une qualité pour le moins égale à celle d’un grand savant, d’un grand capitaine ou d’un grand artiste.

1511. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre septième. Les sentiments attachés aux idées. Leurs rapports avec l’appétition et la motion »

A mesure qu’on s’élève dans l’échelle des opérations mentales, les sentiments attachés aux idées deviennent de plus en plus complexes ; aussi, pour expliquer les sentiments supérieurs, par exemple les émotions esthétiques, morales, sociales, ce n’est plus au mouvement d’un seul nerf, c’est à tout un ensemble d’excitations et de motions qu’il faut avoir recours. […] La substitution du toi au moi devient alors possible, puisque toute idée, comme telle, est, déjà une forme d’activité et de volonté en même temps que d’intelligence.

1512. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, c’est que les parties d’éducation publique qui paraîtront superflues dans ce moment pourront devenir nécessaires avec le temps ; à mesure que le grand ouvrage de la civilisation s’avancera, les intérêts divers, les relations entre les sujets se multiplieront, et c’est cet avenir que Sa Majesté Impériale doit prévénir par sa sagesse, si elle redoute d’abandonner la suite de ses projets à l’ignorance ou aux caprices de la folie. […] Que sont devenues ces notes remises à l’impératrice ?

1513. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

Un historien met ses talens en évidence, il peut même faire parade de sa probité en racontant les actions d’un grand scelerat ; mais il se dégrade lui-même, et il devient un écrivain insipide, s’il fait de ses acteurs des hommes trop ordinaires. […] On ne trouve personne qui ait vêcu mille ans avant lui, mais on rencontre tous les jours des gens qui ont vêcu dans ce païs éloigné de mille lieuës, et leurs recits nuisent à la veneration qu’on prétend nous donner pour ces hommes devenus des heros en passant la mer.

1514. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Nouvelle correspondance inédite de M. de Tocqueville »

Il apprend, pendant ce voyage d’Amérique, la mort de son ancien précepteur, âgé de quatre-vingts ans, l’abbé Lesueur, l’un de ces abbés d’autrefois, attachés pour toute la vie à la maison qu’ils avaient d’abord adoptée, devenus membres de la famille et considérant les fils comme les leurs : « un être dont toutes les pensées, toutes les affections se rapportaient à nous seuls et qui ne semblait vivre que pour nous. » C’est à son frère, également élève de l’abbé Lesueur, que Tocqueville adresse cette lettre, où il s’épanche en pleurs amers et en regrets pénétrants : « Oh ! […] Lorsqu’on entre dans la première période de la jeunesse, on aperçoit devant soi la vie entière, comme un ensemble complet de malheurs ou d’infortunes, qui peut devenir votre partage. […] A cette lutte, vous deviendrez athlète et vous vaincrez dans les Jeux olympiques. […] Cette fois, c’est le tour de Tocqueville de le féliciter, et, en motivant ses raisons, il trace du même coup un portrait vivant, et déjà historique, du personnage : « (Octobre 1842.)… Nous sommes malheureusement et nous devenons tous les jours si différents de vous, que votre place, au milieu de cette Assemblée, était de plus en plus difficile à remplir. […] On conçoit de grands aristocrates passant à la démocratie et devenus populaires, puis, à un certain moment, se retournant vers le peuple pour essayer de le modérer : c’est le cas des Mirabeau et des La Fayette ; il y eut deux temps dans leur carrière.

1515. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamennais — L'abbé de Lamennais en 1832 »

Qu’ils sont rares ceux qui, dans l’ordre de la pensée, se fixent à temps et adhèrent sans réserve à la vérité reconnue par eux perpétuelle, universelle et sainte ; qui, non contents de la reconnaître, s’y emploient tout entiers, y versent leurs facultés, leurs dons naturels : riches leur or, pauvres leur denier, passionnés leurs passions ; orgueilleux s’y prosternent, voluptueux s’y sèvrent, nonchalants s’y aiguillonnent, artistes s’y disciplinent et s’y oublient ; qui deviennent ici-bas une volonté humble et forte, croyante et active, aussi libre qu’il est possible dans nos entraves, une volonté animant de son unité souveraine la doctrine, les affections et les mœurs ; véritables hommes selon l’esprit ; sublimes et encourageants modèles ! […] jusqu’à sembler suranné avec charme, progressif jusqu’à devenir alors téméraire, si l’humilité ne le rappelait. […] Ceci devint plus sérieux alors ; sa première communion en fut retardée, et il ne la fit qu’après son entier retour à la foi, c’est-à-dire à vingt-deux ans environ. […] Le christianisme était devenu pour le bouillant jeune homme une opinion très-probable qu’il défendait dans le monde, qu’il produisait en conversation, mais qui ne gouvernait plus son cœur ni sa vie. […] Mais au moment où commença de se prononcer l’émancipation des peuples, le Saint-Siège devint inhabile, les princes et les sujets se montrèrent récalcitrants ; ces derniers s’entendirent pour ne plus recourir à l’autre, sauf à vider bientôt leurs différends réciproques sans arbitre et dans un duel irréconciliable.

1516. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet, simple étudiant encore, ne fut pas sans quelque influence ; et cette poésie légère d’université, il l’employa à quelques chansons, devenues aussitôt populaires, contre les Bernois, contre l’ours de Berne. — L’homme que nous verrons si modéré, si tolérant, si timide même, ne manque pas d’une certaine énergie ardente que ses autres qualités recouvrent. […] Sa prudence consciencieuse, sa doctrine, toujours éclairée de charité, lui attirèrent, jeune, la considération qui, avec les années, est devenue autour de lui une révérence universelle. […] Dans cette patrie de Viret, l’un des plus onctueux et des plus charitables d’entre les réformateurs, il convenait que le réveil de l’esprit religieux, qui poussait peut-être quelques croyants ardents à la secte et au puritanisme, ne devînt pas une occasion, un éveil aussi de persécution, de la part de l’Église établie, menacée dans sa tiédeur. […] Vinet quand il devient du meilleur aloi : car c’est alors un écrivain plutôt encore graveur que peintre. […] Vinet en apprécie l’inspiration et l’influence, lorsque, pour le réprouver plus à coup sûr, il s’arme d’une citation empruntée à Voltaire lui-même, il devient éloquent de toute l’éloquence dont la critique est capable, et cela par le choix que lui seul a su faire d’une citation telle.

1517. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

1840 On commence à répéter souvent, parce qu’en effet cela devient chaque jour plus sensible, que la littérature de ces dix dernières années se sépare de celle de la Restauration par des traits fort tranchés et par une physionomie qui marque véritablement une nouvelle époque. […] Ainsi, bien vite chez lui, et dès la Salamandre, le vaisseau ne devint autre chose qu’une diversion et un cadre au spleen, un yacht de misanthropie ou de plaisance, une manière de vis-à-vis du Bois ou du Jockey-Club. […] S’il devient banal de redire que la littérature est l’expression de la société, il n’est pas moins vrai d’ajouter que la société aussi se fait l’expression volontiers et la traduction de la littérature. […] comme Vaudrey dans la Vigie, comme les moins bons des héros de l’auteur, il a de l’odieux : on ne peut le suivre jusqu’au bout sans une impression écrasante ; après la récidive, et dès qu’on le voit incorrigible, il devient intolérable53. […] Ici les reproches de l’auteur contre Louis XIV deviennent fondés ou du moins plausibles ; il est piquant et il n’est peut-être pas faux de soutenir que les rigueurs contre les protestants augmentent graduellement en raison directe des scrupules et des remords du grand roi, et qu’il croit, à la lettre, faire pénitence à leurs dépens.

1518. (1868) Cours familier de littérature. XXV « CXLIXe entretien. De la monarchie littéraire & artistique ou les Médicis (suite) »

Le sculpteur devint ainsi peintre, poëte, architecte. […] La plaisanterie devint bientôt tragique. […] C’était une illusion, si vous voulez, mais de temps en temps l’humanité est saisie d’une de ces manies générales qui deviennent la passion du moment ; la plus populaire est celle qui la sert le mieux. Les Médicis, bourgeois de Toscane, ayant acquis de grandes richesses, les consacrèrent à seconder et à semer cette passion à Florence, à Naples, à Venise ; ils devinrent ainsi les apôtres de la renaissance, Évangile nouveau qui s’associait bien avec l’Évangile romain. […] Le gouvernement doux et fraternel de cette maison déclina, comme toutes les choses humaines, et finit par devenir un fief impérial de la maison d’Autriche, une espèce de noviciat du trône impérial, où les héritiers présomptifs de l’empire s’exerçaient à régner.

1519. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre I. Les mondains : La Rochefoucauld, Retz, Madame de Sévigné »

Le recueil parut en 1665 : peu après, l’amitié de Mme de la Fayette devint prépondérante et ce fut sous cette influence nouvelle que se fit la révision des Maximes d’une édition à l’autre jusqu’à la cinquième (1678). […] Dans sa ruine, la mort de son oncle lui donne une force avec qui la royauté devra compter : de coadjuteur il devient archevêque de Paris. […] En deux mots, il définit un homme, par sa propriété essentielle ; ou bien il développe tous les replis, fait valoir toutes les nuances, explique tous les rouages avec une clairvoyance qui devient à l’égard de ses ennemis la plus exquise perfidie. […] Mme de Maintenon360 a l’air d’être la raison même : elle l’est devenue en effet ; mais il y avait en elle une imagination hardie, une ardente sensibilité, qu’elle a lentement, douloureusement domptées. […] Pendant sa prison, il devient archevêque de Paris (1653).

1520. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre II. La jeunesse de Voltaire, (1694-1755) »

Il a eu soin au collège de faire d’utiles amitiés ; il s’est lié avec des camarades de condition supérieure à la sienne, fils de magistrats, de courtisans, La Marche, Maisons, d’Argental et son frère, les deux d’Argenson, Richelieu ; si quelques-uns, comme d’Argental, deviennent absolument dévoués à sa fortune, il retiendra les autres comme protecteurs à force de souplesse et de flatterie ; aucun dégoût, aucune trahison de cet ignoble duc de Richelieu ne le rebutera. […] Par lui, plus tard, le fils de Me Arouet devint page d’un ambassadeur : c’était le marquis de Chàteauneuf, frère du parrain, qui représentait la France à la Haye. […] Voltaire se laissait aller à croire qu’il était à sa place naturelle dans le monde aristocratique où l’on accueillait son esprit : il devenait familier, impertinent. […] Mais il ne devint pas, il n’a jamais été véritablement homme de science, en dépit de ses essais et de ses travaux. […] C’est le point de départ de l’ouvrage qui devint l’Essai sur les mœurs : plusieurs des parties rédigées pour Mme du Châtelet parurent dans le Mercure en 1745 et 1744.

1521. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Déplacement avantageux Comme ce devient difficile au Français, perplexe en son cas, de juger les choses à l’étranger ! […] Il faut cette fuite — en soi ; on put encore : mais, soi, déjà ne devient-il pas loin, pour se retirer ? […]     Alors, on possède, avec justesse, les moyens réciproques du Mystère — oublions la vieille distinction, entre la Musique et les Lettres, n’étant que le partage, voulu, pour sa rencontre ultérieure, du cas premier : l’une évocatoire de prestiges situés à ce point de l’ouïe et presque de la vision abstrait, devenu l’entendement ; qui, spacieux, accorde au feuillet d’imprimerie une portée égale. […] Vous en êtes les auteurs privilégiés ; et je me disais que, pour devenir songeuses, éloquentes ou bonnes aussi selon la plume et y susciter avec tous ses feux une beauté tournée au-dedans, ce vous est superflu de recourir à des considérations abstruses : vous détachez une blancheur de papier, comme luit votre sourire, écrivez, voilà. […] Sans feinte, il me devient loisible de terminer, avec impénitence ; gardant un étonnement que leur cas, à tels poëtes, ait été considéré, seulement, sous une équivoque pour y opposer inintelligence double.

1522. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Aujourd’hui ce sont les principes qui sont en question, et la critique est sans cesse obligée de se poser des problèmes de vérité, de bienfaisance, d’opportunité : elle doit devenir, bon gré mal gré, morale et politique. […] Car la plupart des auteurs sont devenus des commerçants, et ils se ligueront demain avec les fabricants de pièces de théâtre pour écarter ce préjudice matériel que peut leur causer la fantaisie de ces juges sans mandat que sont les critiques littéraires. […] s’il pouvait tout réduire en cubes, comme font les peintres, l’univers ne serait plus qu’un jeu d’enfant et la pensée nous deviendrait légère comme la plume au vent ! […] Mais quand elle devient pénétrante, imagée, vivante, elle a plus de chances d’être longtemps goûtée que le roman, car les sentiments et les idées nous touchent davantage exprimés directement que transposés dans la fiction. […] Mais quand ce philosophe ajoute : « Aujourd’hui ce sont les principes qui sont en question, et la critique est sans cesse obligée de se poser des problèmes de vérité, de bienfaisance, d’opportunité : elle doit devenir, bon gré mal gré, morale et politique », plus d’un, sans doute, fronce les sourcils ou lève les bras au ciel.

1523. (1868) Alexandre Pouchkine pp. 1-34

Pouchkine eut à lutter contre une difficulté qui devint pour lui une ressource féconde. […] Plus d’un poète prend pour des idées des images confuses, et à force de raffiner devient inintelligible. […] À la vérité, l’obscurité même qui entoure ces conceptions monstrueuses pourrait devenir un élément poétique si elles se produisaient avec l’art dont Hoffmann et Gogol ont fait preuve dans leurs contes fantastiques. […] À leur exemple, il devient crédule, il se fait enfant ; mais il oblige son lecteur à se transformer avec lui. […] Il devient le poète du grand et du beau, dès qu’il l’a découvert.

1524. (1894) Propos de littérature « Chapitre V » pp. 111-140

En soi, peut-être ce dernier trait ne serait-il pas un très grand mal ; ce qui nous intéresse c’est l’homme en dehors de l’époque et du pays où vécut tel personnage ; que ce personnage fût italien, allemand, lapon, nègre ou malais, cela importerait peu si le Poète devenait à son gré lapon, malais ou italien, et s’il n’était tenté aussi de sacrifier l’esprit de son œuvre aux puérilités de la « couleur locale ». […] Pour elle il eût donné d’imaginaires et magiques tournois ; chaque trouée du taillis aurait connu l’or des armures et dans les fabuleux territoires du Songe des villes eussent été conquises, des peuples de géants domptés ; maintes merveilles somptueuses, maintes prouesses d’héroïsme comme en une haute-lisse assemblées en leurs images, seraient devenues un tapis idéal pour les pieds de la Fiancée et cela, combats, trésors, gloires et joies, eût formé le poème de son âme tout entière, — pur, vaste et noble drame, mélancolique comme l’attente, mystérieux comme la forêt, riche autant que les splendeurs songées, mais triste surtout et résigné, parce qu’Elle n’était point là et ne devait jamais venir. […] Du sentiment surtout, car M. de Régnier communie avec les choses plus qu’il ne théorise ; et cette communion fait naître une mélodie pénétrante et persuasive qui, sur un mode égal et lent de tristesse sans révolte, s’enlace invinciblement à l’esprit qu’elle atteint ; elle fait songer à ces dards fleuris des féeries qui percent comme en une caresse et déjà sont devenus un captivant réseau. […] Et elles se déploient doucement, vêtues de gaze comme d’ailes nacrées, en de vagues paysages aux grandes lignes qui sont de courbes et pensives. » Mais, sinon quant à la parure d’images devenue plus distante, M. de Régnier ne s’est pas assez renouvelé jusqu’ici : ce motif de mélancolie n’a guère changé depuis les poèmes qu’il désigne, sans doute parce qu’il apparut au tournant de la route où le voyageur pressentit enfin son but après des chevauchées trop vainement glorieuses ; au moins s’est-il dégagé avec plus d’évidente force en quelques pièces récentes où le songeur a mis le plus de lui-même et qui s’illuminent telles qu’un miroir propre à refléter peut-être un plus lointain essor. […] Selon le précepte de Flaubert celle-ci se dérobe pour devenir cette « impersonnalité » haute et pure, où le poète laisse parler son œuvre plutôt qu’il ne parle lui-même. — Tandis que M. 

1525. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre huitième »

Par exemple, est-ce assez de dire des lois de Rome que, bonnes pour faire un grand peuple, elles deviennent impuissantes pour le gouverner ? […] Les Lettres persanes, et plus tard les Considérations avaient persuadé aux lecteurs qu’on peut sans travail s’instruire des choses les plus délicates de la politique et de l’histoire, et devenir profond en s’amusant. […] Montesquieu est du petit nombre des hommes qui sont devenus illustres sans faire de bruit. […] C’est au milieu de ses intérêts et de leurs propres combats contre ses séductions, que, soldats, gens de loi, professeurs, les uns se font chrétiens, les autres deviennent par l’élection les chefs religieux des peuples. […] Devenu le guide spirituel du peuple de Milan, il resta son guide temporel, et, comme il l’a dit avec raison, l’Italie du nord put se passer d’un empereur : elle avait un chef.

1526. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

Si, par exemple, devenu tout-à-coup Philosophe, je m’avisois de dire : La liberté est un présent du Ciel, & chaque individu de la même espece a le droit d’en jouir aussi-tôt qu’il jouit de sa raison Encyclopédie, article Autorité. […] Si, continuant le rôle de Législateur, je faisois afficher au coin des rues cette maxime : Un Monarque qui cesse d’être le Berger de son Peuple, en devient l’ennemi ; l’obéissance à un tel Prince est un crime de haute trahison au premier chef contre l’humanité L’Astique tolérat Pag. 105. […] Qu’on ne lui fasse aucun mal, parce que l’ineptie n’est point un crime ; mais qu’on l’enferme, parce que sa folie peut devenir contagieuse. […] Il devient cruel, inhumain, sans pitie ; il commet le crime sans remords, quand ses Chefs lui disent qu’il faut commettre le crime Syst-social, part.  […] Qu’auront-ils donc à craindre, quand ils auront tout perdu, excepté une existence qui leur deviendra à charge à chaque pas ?

1527. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Alexandre Dumas fils — Chapitre XV »

Il est devenu, depuis, un ingénieur distingué ; sa réputation est lancée et sa fortune est à moitié faite. […] Cette femme est vaincue par Dieu parce qu’elle n’a pu devenir la maîtresse d’un ingénieur de son goût ! […] Le prince, devenu roi, adorait sa fille, mais il mourut subitement, sans avoir eu le temps de lui assurer une fortune. […] Voilà Lionnette qui devient lionne, pour défendre et pour venger son petit. — « Misérable !  […] Cette femme s’est laissée follement prendre dans une lugubre aventure, elle est entraînée vers le mal par un homme qu’elle déteste et méprise au fond, et elle suit, avec un sombre égarement, ce morne esclave qui va bientôt devenir son maître.

1528. (1864) William Shakespeare « Conclusion — Livre III. L’histoire réelle — Chacun remis à sa place »

Qu’un homme ait « taillé en pièces » les hommes, qu’il les ait « passés au fil de l’épée », qu’il leur ait « fait mordre la poussière », horribles locutions devenues hideusement banales, cherchez dans l’histoire le nom de cette homme, quel qu’il soit, vous l’y trouverez. […] Ce qui était le revers deviendra la médaille, et ce qui était la médaille deviendra le revers. […] L’histoire n’était qu’un tableau, elle va devenir un miroir. […] Ce n’est pas sans une sorte de terreur religieuse qu’on voit des astres devenir spectres.

1529. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VI. De la politique poétique » pp. 186-220

Ainsi les serviteurs devinrent les premiers plébéiens (plebs) des cités héroïques, où ils n’avaient aucun privilège de citoyen. […] Les nobles, par leur propre avarice, avaient déterminé l’institution du nouveau cens, qui devint, avec le temps, le principe de la démocratie. […] Plus tard, par successions, par déshérences ou par confiscation pour rébellion, ils furent incorporés au royaume, et cessant d’être ex jure optimo, devinrent sujets aux charges publiques. […] L’action d’Horace qui tue sa sœur pour avoir pleuré Curiace, devient plus vraisemblable si l’on suppose qu’il était non son fiancé, mais son ravisseur76. […] Aristote définit les fils, des instrumens animés de leurs pères  ; et jusqu’au temps où la constitution de Rome devint entièrement démocratique, les pères de famille conservèrent dans son intégrité cette monarchie domestique.

1530. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre III. »

Bien avant que cette transmission devînt une arme dogmatique pour le Christianisme, elle avait été la prétention des Juifs visités par la conquête et les arts de la Grèce. […] Un savant ouvrage du dix-septième siècle, tout chargé de grec et d’hébreu, sous ce titre : Delphes devenue Phénicienne 35, retrouve dans Apollon une copie de Josué, dans le serpent Python un souvenir du roi Og, et dans les jeux pythiques, dans les chants qui les célèbrent, une tradition de la Judée. […] Dans cette Athènes, cependant, la poésie lyrique devait aussi bientôt jeter sa flamme, quand l’invasion et la défaite des Perses auraient animé l’ardeur des matelots du Pirée et de Salamine, et quand le théâtre, nouvellement créé, serait devenu avec Eschyle la représentation et comme la musique militaire des triomphes de la patrie. […] Et plus tard, et toujours, quand la Bible devient la principale nourriture des âmes, combien ce langage, approprié sans cesse par la passion aux hommes qui s’en servaient, n’eut-il pas de pouvoir sur l’esprit et la volonté ! […] « Tous répondent, et ils te disent : Toi aussi, tu es blessé comme nous ; tu es devenu semblable à nous.

1531. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Alors que peut-on devenir ? […] Qu’en va-t-il devenir ? […] combien de Césars deviendront Laridons ! […] Il fût peut-être devenu le Roi. […] Que cela t’a mal réussi de vouloir devenir un homme d’Occident !

1532. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Ils ont aussi aidé le romantisme à s’émanciper d’une tutelle politique qui commençait à lui devenir pesante. […] Je joindrais a ces noms ceux de Lacordaire et de Berryer, si depuis trente ou quarante ans à peine qu’ils sont morts, le virtuose de la tribune et celui de la chaire n’étaient devenus l’un et l’autre à peu près illisibles. […] Ils nous demandent alors pour les maladies qu’ils se sont données l’indulgence et l’attention qu’ils désespéraient autrement d’obtenir, et, par une conséquence de l’étalage de soi-même, la littérature devient pathologique. […] Musset achevait d’user dans la débauche une vie dont l’erreur avait été de vouloir se conformer au caractère de sa poésie : l’enfant terrible du parti en était devenu la plus lamentable victime ! […] Mais il n’en a pas moins fait tout ce que lui permettait son génie essentiellement lyrique pour devenir épique, impersonnel et objectif ; et il y a quelquefois réussi.

1533. (1899) Arabesques pp. 1-223

Le nombre de ces… indisciplinés commence à devenir formidable. […] Lorsque vous m’êtes devenus inutiles, je vous ai mis de côté. […] Ce grand poète, ce monstre superbe est devenu fou — fou incurable. […] Hugo devient fou !  […] Pourtant que deviendraient-ils si le boulanger ne pétrissait pas leur pain et si le cordonnier leur refusait des chaussures ?

1534. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

La foule devient sérieuse, se recueille dans sa tristesse. […] Cela deviendra peut-être le premier chapitre. […] Mon jardin devient toute l’occupation, toute l’ambition de ma pensée. […] Le sous-sol devient une ambulance, dans laquelle meurt la vieille mère. […] On ne sait ce qu’il est devenu.

1535. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

La nature se peint par-tout dans ces images fortes devenues ordinaires. […] De pareils chefs-d’oeuvres sont très-rares, tout est d’ailleurs devenu lieu commun. […] La faction de César devint bientôt un parti dominant qui engloutit la république. […] Au démembrement de l’empire romain en Occident, commence un nouvel ordre de choses, & c’est ce qu’on appelle l’histoire du moyen âge ; histoire barbare de peuples barbares, qui devenus chrétiens, n’en deviennent pas meilleurs. […] Mais ce qui est fiction dans un poëme, devient à la rigueur mensonge dans un historien.

1536. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Le primitif roman d’aventures est devenu roman de sentiment, puis roman de caractères, enfin roman de mœurs et de milieux. […] En voulant empêcher ce mariage, elle devient la cause involontaire de la mort de Henri et, brisée par de si fortes émotions, meurt lentement d’une maladie de cœur. […] Ï1 y a du hasard dans ce que font et dans ce que deviennent les personnages que j’ai cités. […] Son gris devenait de la sobriété. […] Rousseau, avec Chateaubriand, on voit les images devenir plus nombreuses, plus nuancées et plus poussées dans le détail.

1537. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Une histoire des « Origines du Christianisme » devrait embrasser toute la période obscure, et, si j’ose le dire, souterraine, qui s’étend depuis les premiers commencements de cette religion jusqu’au moment où son existence devient un fait public, notoire, évident aux yeux de tous. […] C’est alors que les idées religieuses des races groupées autour de la Méditerranée se modifient profondément ; que les cultes orientaux prennent partout le dessus ; que le christianisme, devenu une église très nombreuse, oublie totalement ses rêves millénaires, brise ses dernières attaches avec le judaïsme et passe tout entier dans le monde grec et latin. […] Des faits merveilleux attestés par des petites villes tout entières sont devenus, grâce à une enquête plus sévère, des faits condamnables 80. […] C’est ainsi que Napoléon devint un libéral dans les souvenirs de ses compagnons d’exil, quand ceux-ci, après leur retour, se trouvèrent jetés au milieu de la société politique du temps. […] Par exemple, Marie de Béthanie devient pour lui une pécheresse qui se convertit.

1538. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre X : De la succession géologique des êtres organisés »

Ainsi, les coquillages terrestres et les insectes Coléoptères de Madère sont devenus très différents de ceux d’entre leurs plus proches alliés qui vivent sur le continent européen, tandis que les oiseaux et les coquillages marins sont demeurés les mêmes. […] Ces mêmes circonstances seraient lentement devenues de moins en moins favorables, que nous ne nous en fussions certainement pas aperçus ; et cependant, ce Cheval aujourd’hui fossile, se serait montré de plus en plus rare et finalement se serait éteint, cédant sa place dans la nature à quelque compétiteur plus heureux. […] Il ne faudrait cependant pas considérer le principe général de la divergence des caractères comme une loi nécessaire ; il n’a de valeur qu’autant que les descendants modifiés d’une espèce deviennent ainsi plus capables de s’emparer de stations plus différentes et plus nombreuses dans l’économie de la nature. […] Au seul examen de la figure, on peut voir que si un certain nombre de formes éteintes, qu’on suppose enfouies dans les formations successives, étaient découvertes à divers étages inférieurs de la série, les trois familles vivantes, représentées sur la ligne supérieure, deviendraient moins distinctes l’une de l’autre. […] Il nous devient facile de comprendre, à son aide, comment les nouvelles espèces apparaissent lentement et successivement, comment les espèces de différentes classes ne changent pas nécessairement ensemble, ni avec la même vitesse de transformation, ni en égal degré, bien que, dans le cours prolongé du temps, toutes subissent des modifications plus ou moins profondes.

1539. (1837) Lettres sur les écrivains français pp. -167

Émile de Girardin, devenu célèbre par les ennemis que ses publications diverses lui ont suscités. […] La conversation devint plus sérieuse quand M.  […] Dumas emmena souper l’actrice et devint son ami ; il y a quatre ou cinq ans de cela. […] Aussi les appartements de ces artistes voyageurs deviennent-ils de véritables musées. […] Alors la plume devient un véritable capital qui peut fixer, jour par jour, le revenu qu’il lui convient d’obtenir.

1540. (1924) Critiques et romanciers

Brunetière fût devenu réellement incapable de lire pour son plaisir. […] Mais la critique lui devenait une esthétique et une éthique ? […] Paul Bourget, la critique devient psychologie. […] Léonard Clan, formé par d’autres pédagogues, savez-vous ce qu’il devenait ? […] Elle devient, dans le troisième volume, « un être exceptionnel ».

1541. (1891) Enquête sur l’évolution littéraire

C’est entre eux une émulation touchante qui devient même communicative. […] » il devient inutile de rien ajouter. […] Avait été auparavant romantique convaincu, et, depuis, est devenu quasi-symboliste. […] Je sais bien que le mot est devenu assommant, mais, enfin, il y en a de toutes les sortes. […] Que deviennent les autres ?

1542. (1825) Racine et Shaskpeare, n° II pp. -103

Si l’on joue Macbeth en prose, que devient la gloire de Sylla ? […] Que deviendraient alors, je vous le demande, vos froides pièces si bien écrites ? […] Que deviendront vos tragédies le jour que l’on jouera Macbeth et Othello, traduits par madame Belloc ? […] « En 1787 personne ne songeait à applaudir la liberté ; aujourd’hui il serait à craindre que ce mot ne devînt un drapeau. […] Les jeunes gens ne sont admis à celles de ces places qui deviennent vacantes que sur la présentation des gens âgés qui travaillent dans la même partie.

1543. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « [Note de l’auteur] » pp. 422-425

Ceci devient piquant, et j’oserai tout révéler. […] Et d’autre part, M. de La Rochefoucauld, qui craint sur toutes choses de faire l’auteur, qui laisse dire de lui dans le discours en tête de son livre, « qu’il n’aurait pas moins de chagrin de savoir que ses Maximes sont devenues publiques, qu’il en eut lorsque les Mémoires qu’on lui attribue furent imprimés » ; M. de La Rochefoucauld, qui a tant médit de l’homme, va revoir lui-même son éloge pour un journal ; il va ôter juste ce qui lui en déplaît.

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