On y vendait des bêtes pour les sacrifices ; il s’y trouvait des tables pour l’échange de la monnaie ; par moments, on se serait cru dans un bazar. […] A partir de ce moment, ce n’est plus en réformateur juif, c’est en destructeur du judaïsme qu’il se pose.
Il y a presque toujours dans une période ce que j’appellerai un tempérament régnant, et ceux qui en sont doués sont par là même prédestinés à représenter la tendance maîtresse de leur temps, à devenir les grands hommes du moment. […] Michelet, à propos de Zaïre, écrit44 : « L’âme française un peu légère, mobile et refroidie par le convenu, l’artificiel, semble à ce moment gagner un degré de chaleur. » Ce qui était vrai dès 1732 l’est bien davantage dans les soixante années qui suivent.
Nous ne pouvons concevoir un moment du temps sans que cette idée éveille irrésistiblement en nous celle d’un moment qui suit, puis d’un autre.
La noble Chambre fut près d’oublier un moment sa gravité dans un enthousiasme jusqu’alors sans exemple ; toutes les arrière-pensées, d’ordinaire prudentes et voilées, reconnaissant tout d’un coup leur expression éclatante, se révélèrent. […] Le tout est enveloppé dans une sorte de circulation vive qui ne laisse apercevoir aucun intervalle, et qui fait que les jets du moment, les pensées méditées ou notées, les morceaux tout faits, se rejoignent, s’enchaînent avec souplesse, et se meuvent comme les membres d’un même corps.
Les bienfaits provisoires, mais immédiats, apportés à tout moment de l’évolution historique, et en toutes occasions, par l’industrie de l’intelligence, expliquent suffisamment que l’humanité ait considéré la connaissance comme un moyen d’améliorer la vie, et bien que la plus grande part des développements précédents aient eu pour objet de faire voir eu cette croyance une illusion, il n’y a pas lieu, du point de vue intellectuel, de penser que cette illusion puisse disparaître. […] *** On a dit que parmi le mouvement de dissociation universelle qui commence avec la division de l’Être en objet et en sujet et se propage en une suite indéfinie de subdivisions, l’esprit serait impuissant à saisir aucun objet si, par une décision arbitraire et qui ne se justifie que par un désir de connaissance, il n’usait à quelque moment de son pouvoir d’arrêt.
C’est le moment des prédications humanitaires. […] Mais il vint un moment où l’école socialiste et l’école démocratique se rencontrèrent, se reconnurent et s’embrassèrent.
Le fond même du débat retiendra seulement notre attention un moment. […] Nos prédécesseurs immédiats ont déclaré que leur doctrine répondait aux nécessités du moment.
A la vérité, il n’est pas de la dernière importance, puisqu’il se réduit à faire voir la dureté de l’empire que l’homme exerce sur les animaux et sur toute la nature ; mais c’est quelque chose de l’arrêter un moment sur cette idée ; et La Fontaine a d’ailleurs su répandre tant de beautés de détail sur le fond de cet Apologue, qu’il est presque au niveau des meilleurs et des plus célèbres. […] Ce second vers paraît froid après le premier ; mais La Fontaine l’ajoute à dessein, pour rentrer un peu dans son caractère de bonhommie, dont il vient de sortir un moment par un vers si satirique contre l’espèce humaine.
Eh bien, malgré tous ces défauts, quoiqu’assez chaud de mon naturel et peu disposé à pardonner le froid à une composition quelconque ; quoiqu’il me paraisse absurde d’avoir allongé les oreilles de Midas avant son impertinente sentence, et que cet effet soit d’un instant postérieur, du moment où Apollon ayant cessé de jouer, la main étendue, l’air indigné, il ordonne à ces oreilles de pousser ; quoique ce morceau soit proscrit sans restriction, j’avouerai qu’il y en a cent autres au sallon, qu’on regarde, qu’on loue, et que je mets au-dessous. Celui-ci a je ne sais quoi qui vous rappelle la manière simple, non recherchée, isolée et tranquille de composer des anciens, manière où les figures restent comme le moment les a placées, et ne sont vraiment liées que par la circonstance, le fait et la sensation commune.
Décentralisation et décentralisateurs Une grande activité se dépense, en ce moment, dans les journaux de province. […] C’est alors, c’est à partir de ce moment seulement que l’écrivain de génie peut demander et recevoir la gloire : Paris-centre a seul la voix assez puissante pour faire entendre au monde entier le nom qu’il lui crie.
Comptez combien il y a, en ce moment, de critiques en France qui n’aient déclaré sérieusement que Mme Sand est un génie ! […] En ce moment du siècle, il roule dans les esprits, qui en tressaillent, l’idée d’une égalité bien autrement profonde que cette égalité chétive ; et les femmes qui, en Gaule, passaient pour prophétesses, la pressentent et pour leur compte, la provoquent, en la demandant.
Admettez un moment que Laure eût aimé Pétrarque, — et qui sait si elle ne l’aima pas ? […] Je me disais que quand il s’agit de Byron et qu’on eut l’honneur d’en être aimée, il fallait quelque chose de plus… Je m’étais persuadé qu’une femme, au moins d’esprit, qui s’aviserait d’avoir du courage, après avoir si longtemps pensé au danger d’en avoir et qui prenait, au dernier moment de sa vie, le parti de dire le mot de la fin sur Byron, ne voudrait pas, uniquement, nous précipiter dans d’anciennes lectures déjà faites, et nous faire reprendre un bain déjà pris dans la même baignoire et dans la même eau.
Assurément, c’est là une opinion qu’on peut appuyer et défendre, mais un homme d’une certaine vigueur de jugement nous aurait donné la raison de la préférence de son esprit dans une question qui contient, en ce moment, l’avenir du monde. […] Bien avant ce moment, on y verra des académies, et même des gens de beaucoup de talent et à leur manière des écrivains, mais cela ne suffit pas pour une littérature.
Ce fut là certainement, du moins pour moi, l’époque qui plaît le plus de sa vie, le moment où il déploya le mieux les qualités (sans inconvénient encore !) […] Aujourd’hui, François Buloz n’est plus que le propriétaire de sa Revue, mais il sait la mettre au service des petites oppositions parlementaires et académiques du moment.
Mais il vient d’être réédité en 1878, à peu près au moment où le sculpteur Falguière finissait sa statue, et l’éditeur, qui fait son métier, envoie le livre à la Critique, pour qu’elle le mette en lumière au moment même où cette statue se dresse sur la place publique de Mâcon, et attire les regards de tous ceux qui lisent les journaux et ne voient, de près ou de loin, que par cette lorgnette. […] Les biographies du moment parleront quelques jours, comme hier, de cette vie privée de Lamartine qui amuse le loisir des hommes qui n’ont et n’auront jamais, eux, qu’une vie privée au service de la Curiosité.
Plus tard, l’auteur, sans doute, dégagera de ce qu’il appelle les Institutions de l’ancienne France, l’immense part de cette influence qui les a pénétrées comme l’eau pénètre l’éponge. « La collection de Justinien — dit-il en passant — a eu force de loi jusqu’au milieu du Moyen Âge… » Mais, en ce moment, ce qu’il veut, c’est de marquer notre lignage et de le purifier de cette tache originelle de la conquête, que l’Histoire lui a fait trop longtemps porter. […] Mais, disons-le pour l’en glorifier, en fondant son Empire, à lui, Napoléon, comme il l’avait conçu et comme il l’a un moment réalisé, ce despote, puisqu’il est reçu de déshonorer avec ce mot-là les champions du principe de l’autorité et de la nécessité du commandement parmi les hommes, essaya, du moins, de nous replacer dans notre vraie tradition politique, qui, comme la religieuse, est Romaine.
Chacun, en ce moment, pérore et professe. […] Le comte de Gasparin était, malheureusement, protestant, — mais nous arrivons à ce moment épouvantable dans les croyances et dans les mœurs, où ceux qui ont gardé, à travers toutes les méconnaissances, toutes les erreurs et toutes les révoltes, un pauvre atome de foi chrétienne dans leur esprit et dans leur cœur, ont, de cela seul, une supériorité relative qui les met bien au-dessus de la tourbe des écrivains de la libre incrédulité.
C’est ainsi qu’il a créé, au milieu de toutes les contradictions de l’être humain, la plus divine des harmonies, et qu’en nous donnant des saints comme François de Sales, Barthélemy des Martyrs, sainte Thérèse, sainte Brigitte, sainte Catherine de Sienne, François-Xavier, Louis de Gonzague, Stanislas Kotska, Philippe de Néri, Jean de Dieu, Angèle de Brescia et tant d’autres, il a réalisé, pendant un moment sur la terre, une vraie transposition du ciel ! […] S’il eut des lueurs, — comme dit Madame de Staël, — il eut plus de parfums encore, et c’est qu’il est des fleurs dont le calice, à certains moments, semble verser de la lumière.
Et comme, depuis 1830, le matérialisme du xviiie siècle, interrompu par le spiritualisme philosophique de la Restauration, trop vague pour lui résister, a repris la société moderne qu’il s’est définitivement asservie ; comme Sainte-Beuve, sceptique autant que Planche, lui a survécu et est devenu résolument matérialiste au déclin de sa vie, marquant en lui le progrès des esprits vers cette effroyable erreur absolue dans laquelle le monde presque tout entier verse en ce moment, le succès de Manon Lescaut devait grandir et a grandi. […] Un autre jour, quand il faut sortir de Saint-Lazare, Desgrieux, qui appelle rompre ses fers casser la tête d’un portier d’un coup de pistolet, trouve un supérieur d’une bénignité si charmante que ni dans le moment, ni plus tard dans le cours du roman, car Desgrieux continue de cultiver cet aimable supérieur, il ne lui parle de cette bagatelle d’une cervelle de portier brûlée sous ses yeux !
C’est un diplomate, et, si je ne me trompe, en fonctions dans ce moment même ; mais qui ne se soumet pas à la loi de ce beau silence conservateur qui régit la diplomatie comme la Trappe. […] plutôt quelque chose comme une chèvre capricieuse, fantasque, entêtée, enragée, endiablée, quoique du Nord, comme cinquante chèvres de Calabre, et qu’on aurait pu prendre, à certains moments, pour une tigresse, — une tigresse qui n’était pas marquée de la petite vérole comme Mirabeau, mais qui savait encore mieux que lui, ce grand comédien, jouer aux autres et se jouer à soi la comédie !
qui pouvait lui faire un crime de parler de ses grandes actions, dans ces moments où l’âme réclamant contre l’injustice des hommes, semble élevée au-dessus d’elle-même par le sentiment et le caractère auguste du malheur ? Il est vrai qu’il se loua lui-même dans des moments plus froids14.
Prince, continue l’orateur, ma voix, dans ce moment, représente la voix du monde entier. […] Dans ce moment, l’orateur se peint vieux, accablé d’infirmités et de faiblesse, courbé sous le poids des ans, mais ranimant ses forces languissantes, pour former ce prince destiné à commander un jour au monde : « Viens mon fils, dit-il, viens sur les genoux d’un faible vieillard, recevoir les leçons que la sagesse destine aux princes ; ce sont celles que reçut Antonin, Numa, Marc-Aurèle et Titus.
Les hommes commencèrent, dès ce moment, à exercer leur liberté en réprimant les impulsions passionnées du corps, de manière à les étouffer ou à les mieux diriger, effort qui caractérise les agents libres. […] Il ne peut pas dire le premier mot en fait de droit, sans prendre la Providence pour principe47. — Pour nous, persuadés que l’idée du droit et l’idée d’une Providence naquirent en même temps, nous commençons à parler du droit en parlant de ce moment où les premiers auteurs des nations conçurent l’idée de Jupiter.
Dans ce cas, on considère tous les accidents de l’éternelle fantasmagorie comme également caractéristiques ; on ne distingue plus les moments essentiels des moments secondaires. […] Il est là, au bon moment, prêt à dénouer les cordons de sa bourse, en échange d’une récompense déshonnête. […] En ce moment, j’ai preneur à cinq millions. […] À un moment, leurs pieds se touchèrent sous la table. […] pourquoi faut-il que l’infortuné Pierre ait, au dernier moment, une défaillance ?
Jupiter tonna au même moment, et lança sur le vaisseau la foudre. […] Il se demanda un moment s’il n’avait pas écrit cette lettre. […] Les plus solides édifices n’offrent en un moment que des décombres. […] C’est qu’on exprime par elle non pas le premier moment de la perception, mais le dernier. […] Qui de nous ne se mocque de veoir en considération d’heur ou de malheur ce moment de durée ?
En attendant, elles étouffent dans cette atmosphère d’incroyance, au moment même où leur scepticisme ricane avec le plus de gaieté nerveuse. […] Les maîtres du genre l’ont si bien compris qu’ils ont tous situé leurs personnages dans un moment très caractérisé. […] Nous attendons en ce moment en France la venue de l’écrivain qui soit à Balzac ce qu’un de ces grands peintres fut à Giotto. […] Au-dessus de lui était le chirurgien-major titulaire, et à son moment, celui-ci devenait le chirurgien-major sortant. […] On compose des épîtres comme je fais en ce moment.
L'antique modestie des matrones romaines admirablement peinte en vers simples, fidèles, une grande et vraie connaissance de l’Antiquité ; à tout moment d’heureuses réminiscences ou même des traductions, mais heureusement amenées à l’état de moyens dramatiques.
Au même moment, dans un Recueil intitulé : Revue du Midi, et qui se publie à Montpellier, un professeur de philosophie, l’abbé Flottes, plaide en faveur de Pascal contre Cousin ; il a déjà publié deux articles développés, et en promet un troisième.
Combien de moments différents, combien de ces petites crises intérieures au sein de ce monde et de cette école poétique !
M. du Clésieux, nous dit-on, après de bonnes études, et quelques années passées à Paris dans sa première jeunesse, s’est bientôt retiré, et comme enfui dans sa Bretagne ; les plaisirs l’avaient effleuré un moment, et il s’y dérobait avec une sorte d’effroi.
Un moment après, lorsqu’on annonça la même Piece pour le lendemain, quelqu’un cria du Parterre, avec le Compliment de l’Auteur.
Les anciens ont peu connu cette inquiétude secrète, cette aigreur des passions étouffées qui fermentent toutes ensemble : une grande existence politique, les jeux du Gymnase et du Champ-de-Mars, les affaires du Forum et de la place publique, remplissaient leurs moments, et ne laissaient aucune place aux ennuis du cœur.
A ce moment-là j’avais avec moi, comme caporal-laptot, un Timiné137, du nom d’Ali Bangoura, qui avait déjà fait avec moi le poste de Matakon.
Un marabout de Souyama-Toran, qui devait plus tard fonder le royaume du Boundou et qui, à ce moment, voyageait dans le Haut-Sénégal pour s’instruire, vint alors à Bambéro.
À l’âge de quinze à vingt ans, à cette époque de l’existence où l’horizon de la vie est tout voilé d’une brume chaude qui noie et qui colore les contours secs de toutes choses ; à ce moment où la vie, commencée sans qu’on en aperçoive le terme, paraît longue comme l’infini ; à cette heure où cette vie n’a pas dit encore son dernier mot à l’adolescent qu’elle caresse ; à cette minute où l’amour, qui n’est au fond que l’éternité de la vie, déborde du cœur dans les sens et des sens dans le cœur, comme un océan de cette vie qui baigne tous les objets et qui les transfigure ; à cette période de votre jeunesse, disons-nous, avez-vous jamais voyagé en Italie, en rêvant, éveillé, la félicité d’Éden sous le ciel d’été de la campagne de Naples ou de Rome ? […] Sa mère et elle ne voyaient que lui, dans les premiers moments, à Florence. […] Je connaissais particulièrement ce pauvre prince Napoléon ; sa femme et sa belle-mère, qui sont naturellement très affligées, m’engagent tant à y aller que chaque jour j’y vais un moment. […] Croyez cependant que ce n’est rien d’indigne d’un honnête homme qui me lie ici, et, sans vous donner pour le moment d’autres détails, conservez-moi toute votre estime ! […] Léopold Robert semble avoir pris soin lui-même, peu de moments avant sa fin, de prévenir toute interprétation offensante à l’honneur de la princesse.
Mais ce dédaigneux silence cessa de m’affliger lorsque, un moment après, je vis le roi répandre autour de lui cette monnaie de son regard sur des objets bien plus importants que je ne l’étais. […] Je bénirai toujours le moment où j’y arrivai, car je m’y composai un petit cercle de six ou sept hommes doués de sens, de jugement, de goût et d’instruction, ce qu’on aura peine à croire d’un pays aussi petit. […] Aussitôt qu’il aété descendu de carrosse pour entrer dans le cul-de-sac de l’Opéra, M. de Vaudreuil, major du régiment des gardes, lui a dit qu’il était chargé de l’ordre du roi pour l’arrêter, et, dans le moment même, six sergents aux gardes, qui étaient en habits bourgeois, l’ont saisi par les deux bras et par les deux jambes et l’ont enlevé de terre ; on lui a jeté et passé sur-le-champ un cordon de soie, qui lui a embrassé et serré les deux bras… Il s’est, dit-on, un peu trouvé mal ; on l’a passé ainsi par la porte du fond du cul-de-sac qui rend dans la cour des cuisines du Palais-Royal ; on l’a mis dans un carrosse de remise dans lequel M. de Vaudreuil l’a accompagné.” […] Rien ne peut être plus sage ni plus édifiant que la pétition que vous faites de venir à Rome dans un couvent, avec les circonstances que vous m’indiquez : aussi je n’ai pas perdu un moment de temps pour aller à Rome expressément pour vous servir et régler le tout avec notre très saint père, les bontés duquel envers vous et envers moi je ne saurais vous exprimer. […] Ce ne fut pas toutefois sans des appréhensions très vives : on savait la fureur du comte, on connaissait la violence de son caractère, et il fallait bien avouer qu’il ne manquait pas de bonnes raisons en ce moment pour se faire justice à lui-même.
Quant aux quelques livres de critique émanés de poètes du « Symbolisme » recueils sans liens de composition d’Articles parus à divers moments, ils n’ont vraiment une plus grande valeur, et l’étude sérieuse, l’impartialité et la vérité historique ne sont guère leur caractéristique. […] … » Littérature : c’est-à-dire, si l’on veut, le moment où la phrase seulement grandiloquente ou liquidement dénuée de nervosité, se croit le Verbe, où la cadence traditionnelle tient lieu de Rythme, et où l’on ne pense plus qu’à travers la pensée du passé. […] A toutes époques, depuis un siècle surtout, auprès des triomphateurs du moment, il s’est toujours trouvé un amoindri, un dédaigné, un moqué même, dont la génération suivante a procédé. […] Et tous deux, donc, exprimeront le moment palpitant où la cérébralité du poète s’unit tout à coup, en commotion de certitude, à l’essence même des choses qui sont sous sa méditation… Mais encore est-il prudent de préciser ce que nous avons entendu, poétiquement, par « Intuition », et dire que, nécessaire et motrice, elle ne nous peut cependant contenter en ses aperceptions soudaines et espacées, ou qu’il est possible de l’atteindre par successives approches. […] Mais veut-on aussi ne pas prendre pour la loi le résultat ainsi acquis momentanément, l’impossible moment d’arrêt et d’équilibre qu’est ce résultat, tandis que tout évolue autour de l’organisme que nous considérons, qui, immédiatement, devra, en nouvelle instabilité, évoluer lui aussi sous peine de diminution et de mort et retendre son effort, son plus-d’effort.
Les sensations m’accablent… Il est des moments où les traits de mes amis, de mes parents, un lieu consacré par un souvenir, un arbre, un rocher, un coin de rue sont là devant mes yeux, et les cris d’un porteur d’eau de Paris me réveillent. […] J’ai eu des moments horribles… Il est minuit et quelques minutes. […] Il n’en acheva pas moins son récit, où, par moment, l’ingéniosité de l’expression fait songer à Richepin, qui a fait des pastiches connus de ce genre de littérature. […] Les productions des fous et des criminels se perdent le plus souvent, dit Lombroso, dans les jeux de mots, les rimes, les homophonies, de même que dans les petits détails autobiographiques ; ce qui n’empêche pas par moments de rencontrer, surtout chez les fous, « une éloquence brûlante et passionnée qui ne se voit que dans les œuvres des hommes de génie ». […] Il y a même des moments où Shelley dépeindra une chose avec des images que nous sommes forcés d’imaginer ; c’est une sorte de double évocation : Une Dame, la merveille de son sexe, dont la beauté Etait rehaussée par un esprit charmant, Qui, en se développant, avait formé son maintien et ses mouvements Comme une fleur marine qui se déroule dans l’Océan, Une Dame soignait le jardin de l’aube jusqu’au soir325… » Nos symbolistes, outrant encore cette poésie de rêve, en sont arrivés à la poésie de l’impression pure et simple.
C’était le moment de cette chose petite qu’on a appelée la Coalition, — un grand nom qui la fait paraître plus petite encore. […] Et cette chaleur, de cœur ne se révèle pas seulement dans le Luther par l’unité de cette œuvre composite d’histoire et de biographie, elle s’atteste encore par cet esprit de polémique qui y circule d’un bout à l’autre avec une puissance de ressources et une longueur d’haleine qui n’y défaille pas un moment. […] Ainsi encore il nous conduit dans son Calvin jusqu’à la fin de son premier volume avant d’écrire cette phrase : « Il y a des moments où l’on dirait que l’épée de Charles-Quint est changée en quenouille. […] Audin nous aurait donné le chiffre exact de cette contestable valeur… Augmentée par les protestants, à qui les écrivains catholiques ont laissé tout dire, comme les rois (Louis XIV excepté) ont laissé tout faire, Elisabeth est la vivante preuve du peu qu’il faut, à certains moments, pour mener les peuples. […] Le moment, du reste, était favorable ; la République de 1848 s’épanouissait, cette république du Paupérisme qui n’a pas encore dégoûté les bourgeois de leur idéal économique : augmenter le nombre des consommateurs sur la terre, Pour qui sentait en soi saigner l’histoire, il était presque doux de se dérober aux atteintes des spectacles qu’offrait la France.
Les bouffées béates de vanité qui montent des Mémoires ne l’ont pas rendu injuste pour le sens politique que put déployer Chateaubriand à des moments de sa carrière. […] On appelle d’ailleurs point de maturité de la langue un moment d’équilibre entre la création spontanée et la règle commençante, qui dure juste le temps d’une génération. […] Mais c’était le moment de l’examen, et (5) les cultivateurs, les uns après les autres, entraient dans une manière d’hippodrome que formait une longue corde portée sur des bâtons. […] À certains moments l’intelligence critique, la conscience de notre temps, nous paraissent se confondre, comme un bobsleigh, avec un pur sentiment de la vitesse. […] Mais à ce moment l’auteur de Belphégor se détourna vers le roman.
Le poète marche rapidement et nous entraîne à sa suite vers un but qu’il ne perd pas de vue, et qu’il nous fait entrevoir de moment en moment. […] Dès ce moment l’inquiétude le rend fou. […] Le moment venu, il se glisse en bas, déterre la marmite et se sauve. […] Messieurs, le moment est venu de parler de Legrand et du Roi de Cocagne. […] L’ancienne poésie, au contraire, était de la poésie démocratique ; on s’y résignait à l’anarchie, plutôt que d’enchaîner l’imagination du poète, relativement aux desseins et à la conduite qu’il prête à ses personnages, comme à l’égard des pensées isolées, des allusions du moment et des saillies imprévues.
Il console une femme qui a perdu son fiancé en lui représentant les infortunes de tant d’autres personnes qui souffrent en ce moment de plus grands maux. […] Je suis content de me voir ainsi perpétué ; et comme il n’y a point de production comparable à celle d’une créature humaine, je suis plus fier d’avoir été l’occasion de dix productions aussi glorieuses, que si j’avais bâti à mes frais cent pyramides ou publié cent volumes du plus bel esprit et de la plus belle science918. » Si maintenant vous prenez l’homme hors de sa terre et de son ménage, seul à seul avec lui-même, dans les moments d’oisiveté ou de rêverie, vous le trouverez aussi positif. […] Ses orangers peuvent y croître sauvages ; il y aura des myrtes dans chaque haie ; s’il trouve bon d’avoir un bosquet d’aromates, il se procurera en un moment assez de soleil pour le voir lever. […] I discovered every moment something so charming in her figure that I could scarce take my eyes off it. — On its right hand there sat the figure of a woman so covered with ornaments, that her face, her body, and her hands were almost entirely hid under them. […] I wished for the wings of an eagle, that I might fly away to those happy seats ; but the genius told me there was no passage to them, except through the gates of death that I saw opening every moment upon the bridge.
Savoir s’étonner est le propre du penseur ; savoir étonner les autres et les déconcerter un moment, c’est un art de saltimbanque. […] Il aura beau dire, le propre du vrai génie est de déformer la vision des choses sans que l’on puisse dire le moment où cette déformation commence. […] Ses cris sincères, quoique trop oratoires par moments, ne pouvaient manquer d’aller au cœur des hommes. […] Et, si maintenant vous regardez l’humble canne de Provence de votre jardin, elle sera transfigurée à vos yeux par ce voyage dans l’espace ou dans le temps, qui a brisé, au moins pour un moment, les associations d’idées triviales. […] Là est la grande erreur des romantiques, et de Victor Hugo dans ses mauvais moments : ils ont cru que le mot qui frappe était tout, que le pittoresque était le fond même de l’art.
Le moment, c’est celui de la première représentation d’Andromaque, au mois de novembre 1667 ; et l’homme, c’est Racine. […] … Voilà l’homme et voici le moment. […] C’est à ce moment que paraît Tartufe, dont l’entrée, vous le savez, fait l’un des coups de théâtre les plus émouvants qu’il y ait. […] et du moment qu’une telle question se dressait devant la conscience d’un tel homme, comment voudriez-vous, Mesdames et Messieurs, qu’il y eût autrement répondu qu’en quittant le théâtre ? […] ou si seulement son Aricie, Mesdames, paraissait au moment opportun ?
Comme ces pièces premières de Lamartine n’ont aucun dessin, aucune composition dramatique, comme le style n’en est pas frappé et gravé selon le mode qu’on aime aujourd’hui, elles ont pu perdre de leur effet à une première vue ; mais il faut bien peu d’effort, surtout si l’on se reporte un moment aux poésies d’alentour, pour sentir ce que ces élégies et ces plaintes de l’âme avaient de puissance voilée sous leur harmonie éolienne et pour reconnaître qu’elles apportaient avec elles le souffle nouveau.
Les grands hommes qui, en ce moment, gouvernent les affaires des peuples (avec quel succès ?
Cet Auteur a conservé sa gaieté jusqu’au dernier moment de sa vie.
La méthode expérimentale, en s’avançant de proche en proche depuis le domaine des éléments inorganiques, jusqu’à l’être organisé, et dans celui-ci même, jusqu’aux fonctions nerveuses les plus proches des facultés intellectuelles et morales, cette méthode partout accompagnée de l’infaillible nécessité, ne viendra-t-elle pas un moment mettre en péril la liberté de l’être moral ?
Il y a pourtant un intervalle entre ces deux remarques, et dernièrement les procédés délicats des physiologistes l’ont mesuré36 ; c’est que l’opération par laquelle nous situons notre sensation à tel endroit dans tel ou tel membre est une addition ultérieure plus ou moins compliquée, dont les moments plus ou moins nombreux exigent pour se succéder un temps plus ou moins long37. — Par cette opération localisante, notre sensation reçoit une apparence fausse, et cette apparence en engendre d’autres qui, en soi, sont des illusions, mais qui, par leur correspondance avec les choses, constituent le perfectionnement ou l’éducation des sens. […] Expérience faite, je suis sûr de le retrouver quand il me plaira ; de sa présence constatée toutes les fois qu’à la lumière j’ai tourné les yeux vers lui, j’induis sa présence constante, toutes les circonstances demeurant les mêmes, en quelque moment du temps que j’aie tourné ou que je doive tourner les yeux sur lui, en un moment quelconque du passé et de l’avenir ; il les occupe donc tous. […] À ce moment encore, l’étalon et sa signification, c’est-à-dire l’écartement du compas et le souvenir de notre promenade, c’est-à-dire aussi la sensation musculaire de l’œil et l’image de la sensation musculaire du bras porté en avant à trente centimètres, sont ensemble dans notre esprit. […] Par conséquent, nous ne la trouverons pas en nous en ce moment, si nous la cherchons ; notre perception de l’étendue visible ne renfermera plus rien des sensations tactiles et musculaires des membres et de la main. […] Ce que je puis poser à bon droit et avec vérité, quand je touche cette bille d’ivoire, c’est un groupe de rapports entre telles conditions et telles sensations ; en vertu de ces rapports, tout être sentant qui, en un moment quelconque du temps, se mettra dans les conditions où je suis, aura la sensation que j’ai et les autres sensations que j’imagine.
En ce moment il courtise une charmante personne, mistress Rebecca Crawley, qu’il aime pour son hypocrisie, son sang-froid et son insensibilité sans égale. […] Au bout d’une scène violente, il s’arrête sur un moment vide, et la montre, paresseuse, étendue sur des divans, comme une chatte qui bâille et se détire au soleil. […] Pour mesurer sa fortune à son vice, il la conduit triomphante à travers la ruine, la mort ou le désespoir de vingt personnes, et la brise au moment suprême d’une chute aussi horrible que son succès. […] Et quelle richesse ou quel nom, quel contentement de vanité ou d’ambition eût pu se comparer au plaisir qu’éprouvait Esmond en ce moment, de pouvoir témoigner quelque affection à ses meilleurs et à ses plus chers amis ? […] Nous le pouvons en ce moment ; nous venons d’étudier un esprit, Thackeray lui-même ; nous avons considéré ses facultés, leurs liaisons, leurs suites, leur degré ; nous avons sous les yeux un exemplaire de la nature humaine.
Il possédait si bien la force et l’étendue de ce genre d’éloquence, qu’on eût dit un moment que lui seul était le cœur d’un peuple tout entier. […] « Pénètre en un moment les vastes champs de l’air. […] Réfléchit-on un moment sur les objets qui le composent, on est frappé de tout ce qu’il réunit de séduisant pour l’esprit, le cœur, et l’oreille. […] Il est faux que son succès ne tint qu’aux allusions du moment ; c’est se méprendre que de réduire à un effet passager l’ingénieux tableau des grandes choses qu’Aristophane travestit, ou ne montre que du côté vicieux et risible. […] Si quelques scènes égayées suspendent agréablement son action pathétique, l’intérêt pressant qui domine laisse à peine à l’esprit le loisir de sourire un moment.
Nous verrons, à un certain moment, sa poésie déposée par ce courant ; mais le courant n’existe pas expressément pour la poésie, et il ne s’arrête pas à elle. […] » Ce refus d’être quoi que ce soit, il ne signifie pas le néant, puisqu’on en trouve une approximation dans les mathématiques, et même, à certains moments de la vie intérieure, dans la musique. […] Valéry appelle ici moments suprêmes de la vie « ceux où la pensée se joue seulement à exister », et il dit en avoir connu en octobre 1893. […] A un certain moment il tint au Mercure une rubrique intitulée Méthodes, sous laquelle, je crois, il n’écrivit que deux fois, dont l’une au sujet d’un livre d’art militaire du général Dragomiroff. […] L’éternité qui fond dans le néant pour laisser sur son passage la trace aiguë d’un moment.
Ceux-là, le temps pourra venir pour eux, l’expérience : rien n’y fera : ils seront toujours à la merci de leurs impressions, prisonniers de l’heure et du moment, cédant au caprice et déplorant d’y céder au moment même qu’ils y cèdent. […] Ce Chérubin personnifie un moment, une date de la vie : c’est l’éveil d’une âme au désir. […] Car c’est une erreur de croire que tout le monde, à un certain moment de sa vie, ait été jeune. […] C’est à partir de ce moment que Victor Hugo a commencé à devenir pour les Français, non plus seulement un très grand poète, mais une sorte de personnage mystérieux, légendaire et qui, peu à peu, tournait en idole. […] Pour le moment, il fait des vers.
Jeune homme, qui vous destinez aux lettres et qui en attendez douceur et honneur, écoutez de la bouche de quelqu’un qui les connaît bien et qui les a pratiquées et aimées depuis près de cinquante ans, — écoutez et retenez en votre cœur ces conseils et cette moralité : Soyez appliqué dès votre tendre enfance aux livres et aux études ; passez votre tendre jeunesse dans l’etude encore et dans la mélancolie de rêves à demi-étouffés ; adonnez-vous dans la solitude à exprimer naïvement et hardiment ce que vous ressentez, et ambitionnez, au prix de votre douleur, de doter, s’il se peut, la poésie de votre pays de quelque veine intime, encore inexplorée ; — recherchez les plus nobles amitiés, et portez-y la bienveillance et la sincérité d’une âme ouverte et désireuse avant tout d’admirer ; versez dans la critique, émule et sœur de votre poésie, vos effusions, votre sympathie et le plus pur de votre substance ; louez, servez de votre parole, déjà écoutée, les talents nouveaux, d’abord si combattus, et ne commencez à vous retirer d’eux que du jour où eux-mêmes se retirent de la droite voie et manquent à leurs promesses ; restez alors modéré et réservé envers eux ; mettez une distance convenable, respectueuse, des années entières de réflexion et d’intervalle entre vos jeunes espérances et vos derniers regrets ; — variez sans cesse vos études, cultivez en tous sens votre intelligence, ne la cantonnez ni dans un parti, ni dans une école, ni dans une seule idée ; ouvrez-lui des jours sur tous les horizons ; portez-vous avec une sorte d’inquiétude amicale et généreuse vers tout ce qui est moins connu, vers tout ce qui mérite de l’être, et consacrez-y une curiosité exacte et en même temps émue ; — ayez de la conscience et du sérieux en tout ; évitez la vanterie et jusqu’à l’ombre du charlatanisme ; — devant les grands amours-propres tyranniques et dévorants qui croient que tout leur est dû, gardez constamment la seconde ligne : maintenez votre indépendance et votre humble dignité ; prêtez-vous pour un temps, s’il le faut, mais ne vous aliénez pas ; — n’approchez des personnages le plus en renom et le plus en crédit de votre temps, de ceux qui ont en main le pouvoir, qu’avec une modestie décente et digne ; acceptez peu, ne demandez rien ; tenez-vous à votre place, content d’observer ; mais payez quelquefois par les bonnes grâces de l’esprit ce que la fortune injuste vous a refusé de rendre sous une autre forme plus commode et moins délicate ; — voyez la société et ce qu’on appelle le monde pour en faire profiter les lettres ; cultivez les lettres en vue du monde, et en tâchant de leur donner le tour et l’agrément sans lequel elles ne vivent pas ; cédez parfois, si le cœur vous en dit, si une douce violence vous y oblige, à une complaisance aimable et de bon goût, jamais à l’intérêt ni au grossier trafic des amours-propres ; restez judicieux et clairvoyant jusque dans vos faiblesses, et si vous ne dites pas tout le vrai, n’écrivez jamais le faux ; — que la fatigue n’aille à aucun moment vous saisir ; ne vous croyez jamais arrivé ; à l’âge où d’autres se reposent, redoublez de courage et d’ardeur ; recommencez comme un débutant, courez une seconde et une troisième carrière, renouvelez-vous ; donnez au public, jour par jour, le résultat clair et manifeste de vos lectures, de vos comparaisons amassées, de vos jugements plus mûris et plus vrais ; faites que la vérité elle-même profite de la perte de vos illusions ; ne craignez pas de vous prodiguer ainsi et de livrer la mesure de votre force aux confrères du même métier qui savent le poids continu d’une œuvre fréquente, en apparence si légère… Et tout cela pour qu’approchant du terme, du but final où l’estime publique est la seule couronne, les jours où l’on parlera de vous avec le moins de passion et de haine, et où l’on se croira très clément et indulgent, dans une feuille tirée à des milliers d’exemplaires et qui s’adresse à tout un peuple de lecteurs qui ne vous ont pas lu, qui ne vous liront jamais, qui ne vous connaissent que de nom, vous serviez à défrayer les gaietés et, pour dire le mot, les gamineries d’un loustic libéral appelé Taxile Delord.
. — Les scènes que Mme de Staël n’épargnait pas vers ce temps à Benjamin Constant, la honte qu’elle lui faisait de ce mariage, l’idée qu’elle supposait à l’Europe et à l’univers lorsqu’on apprendrait cet éclatant divorce de leurs célèbres personnalités, tout cela était tel et agissait si fort sur la tête nerveuse de Benjamin Constant, qu’il y avait des moments où il s’estimait un monstre aux yeux de la terre : « Quand je rentre dans Paris, disait-il sérieusement, je lève les glaces de ma voiture, de peur d’être montré au doigt. » Mais le scepticisme reprenait vite le dessus. — Cependant Mme de Staël avait bien ses distractions aussi, son cercle d’adorateurs, M. de Schlegel, M. de Sabran, M. de Barante… ; elle aimait beaucoup ce dernier, dont elle avait mis quelques traits et quelques situations dans Oswald ; mais il dérivait un peu vers Mme Récamier… En mourant, elle ne témoigna aucun retour vif à Benjamin Constant qu’elle voyait pourtant tous les jours.
Il s’efforce de justifier les emportemens de son style par l’autorité de l’Ecriture & des Saints Peres : mais on peut dire avec justice que cette Dissertation ne prouve autre chose, sinon qu’il est des esprits, pour ainsi dire, ambidextres, prêts au pour & au contre, & qui ont le talent d’en imposer un moment, par cette métamorphose que Juvénal leur reproche, Qui nigra in candida vertunt.
C’est la phase précieuse, le point intermédiaire et culminant, l’heure chaude et rayonnante de midi, le moment où il y a le moins d’ombre et le plus de lumière possible.
Mais, en écartant un moment cet ouvrage, les causes de notre infériorité en histoire, si cette infériorité existe, méritent d’être recherchées.
« Nous n’avons pas cru devoir transcrire ici les indications données par Diderot sur les différents livres classiques et élémentaires à employer pour chaque partie d’enseignement, nos richesses en ce genre s’étant infiniment accrues depuis le moment où il écrivait.
Au moment du projet d’union douanière austro-allemande, nous avons été quelques-uns à nous trouver surpris de l’émotion patriotique qui a circulé dans les cadres radicaux. […] Herriot a écrit à ce moment ce mot émouvant et instructif, que le sentiment de la patrie était tout ce qui lui restait, à lui, de religion. […] Chef, enfin, le grand chef, au grand moment, dans la grande guerre. […] Cette laïcité eut même sa théologie : la sociologie à forme talmudique de Durkheim, fils de rabbin, laquelle parut prendre, un moment, la figure d’un thomisme pour séminaires rationalistes. […] En des moments et à des points de vue différents, après le déclassement et le reclassement qui suivirent le Panama, Méline, Waldeck-Rousseau, Poincaré, pratiquèrent cette dernière politique.
Ce ne fut que plus tard et trop tard pour le moment qu’il sut que la malle était recélée chez les Z d’affreux étrangers. […] C’est un homme à bons moments et à quarts d’heure moins bien. […] Un court moment de récréation suivit, puis les enfants retournèrent chez eux pour revenir dans l’après-midi, de deux à quatre heures. […] Ce, avec une verve véritablement endiablée, par moments injuste (mais dans un testament !), par moments aussi follement amusante (mais dans un testament français !)
Je le revois, en ce moment, entrant dans mon cabinet de travail, comme si souvent le matin, et commençant à causer, ou plutôt à penser tout haut. […] A un moment, une excroissance apparaît dans sa gorge, qui rappelle le cancer de son père. […] L’horizon politique s’était à ce moment révélé bien sombre. […] Je pensai : « Du moment que le chancelier de l’empire ; à l’Empereur lui-même. […] Beyens explique très intelligemment les causes : l’hostilité des grandes puissances entre elles est suspendue un moment.
Le moment était mal choisi ; toute manifestation dramatique se condamnait alors à rester « une exception ». […] Grâce à un vœu d’accord constant, chaque moment de l’action fait tableau et comble l’attente. […] A force de rejets, d’enjambements, il le disloque, et souvent le moment arrive où, bien que les syllabes y soient toutes, le vers n’est plus. […] A ces moments exceptionnels, notons-le bien, correspond un notable fléchissement dans leur pensée. […] Et les plus novateurs, à certains moments de leur œuvre, n’ont pas toujours assez choisi.
En outre, à certains moments, nous sentons qu’il y a fort peu de plaisir artistique à attendre de l’étude de l’école réaliste moderne. […] Wyke Bayliss, en ses bons moments, écrit fort bien l’anglais. […] C’est cette étrange mêlée d’hommes qu’a réunis un moment une passion commune. […] » Le monde entier est en ce moment même à genoux devant les classes pauvres. […] Sa magnifique rhétorique, nulle part plus magnifique que dans le volume que nous avons en ce moment sous les yeux, cache plutôt qu’elle ne révèle.
On parle beaucoup, en ce moment, de décor rationnel. […] Et toute chose peut ainsi espérer qu’elle aura son moment de beauté. C’est ce moment que l’artiste voudrait fixer sur la toile. […] C’est encore très beau, mais ce n’est plus cela : le moment esthétique est passé. […] Jamais l’artiste ne se sentira plus lucide, plus maître de ses procédés que dans ses moments de lyrisme.
Arrêtez-vous un moment à cette considération : ou les lois de la littérature, comme tant de gens le présument, sont arbitraires ; ou, comme j’achèverai de le prouver, elles sont positives : dans le premier cas, toute critique est conjecturale autant que l’est le goût lui-même, et par conséquent récusable ; dans le second cas, nulle critique n’est douteuse, car l’évidence de la moindre partialité la rend fausse, et la détruit. […] « En ce moment il part ; et, couvert d’une nue, « Du fameux fort de Skink prend la route connue. […] Sans doute un peu de prévention en faveur de son Homère national, qu’il voulait placer au-dessus de tous les anciens et de tous les modernes, l’a jeté un moment dans l’erreur. […] « Mon fils, me disait-il, si la faim indomptable « Un jour en aliment te fait changer ta table, « Dans ce même moment, et dans ces mêmes lieux, « De ton premier abri fais hommage à tes Dieux. […] « Mais du moment qu’elle repasse de cette lumière fi Céleste qui l’éclairait sur le sort du monde, à la clarté faible et commune qui conduit les simples mortels, elle se sent tout à coup enveloppée de ténèbres.
Ce qui est un moment dans le trajet du projectile est pour eux une longue suite de siècles. […] Puis, au moment ou l’on désespérait d’elle, elle se montre ingénieuse, libre et perspicace. […] Un moment les états-majors des alliés se crurent perdus. […] Ce chef de l’école naturaliste offense à tout moment la nature. […] Je ne puis que donner ce soir l’impression d’un moment.
Il en est ainsi de ce moment ; il a été déjà une fois, bien des fois, et de même il reviendra, toutes les forces étant réparties exactement comme aujourd’hui : et il en est de même du moment qui a engendré celui-ci et du moment auquel il a donné naissance. […] Je me trouve fort embarrassé pour décomposer les moments d’un pareil procédé, en soi indécomposable. […] Suivant les temps, le milieu, le moment, c’est-à-dire suivant la mentalité ambiante, la création poétique revêt telle ou telle forme plus déterminée. […] Tel est ce poème vécu, moment passionné d’une crise sainte. […] La seconde partie de cet admirable bréviaire d’art saisit le dernier moment dont est faite la beauté.
Le chef de troupe avait donc saisi le dernier moment qu’il pût mettre à profit. […] L’auteur n’avait par conséquent pas d’intérêt à hâter le moment de la publication. […] Mais Grimarest a prétendu à tort que depuis ce moment la maison du Roi n’entra plus à la comédie sans payer. […] Molière, sans songer qu’il était au lait, saisit avec fureur le moment de rétorquer les arguments de Chapelle. […] Saisissons le moment qui nous fasse le plus d’honneur, et qui réponde le mieux à notre conduite.
La quantité de tragédies grecques, romaines et bibliques, qui sortent en ce moment des portefeuilles ou qui sont sur le chantier, est innombrable.
— Je n’ai voulu traiter dans cet ouvrage que des passions ; les affections communes dont il ne peut naître aucun malheur profond, n’entraient point dans mon sujet, et l’amour, quand il est une passion, porte toujours à la mélancolie : il y a quelque chose de vague dans ses impressions, qui ne s’accorde point avec la gaîté ; il y a une conviction intime au-dedans de soi, que tout ce qui succède à l’amour est du néant, que rien ne peut remplacer ce qu’on éprouve, et cette conviction fait penser à la mort dans les plus heureux moments de l’amour.
On ne s’écoute pas réciproquement, chacun songe à ce qu’il va dire et épie le moment de saisir la parole.
Erreur charmante, qui ne nuisait en rien au mort — tant le Menuet est le pastiche de la pièce : Chanson d’automne dans les Poèmes saturniens — et qui devait être si bienfaisante pour le jeune écrivain un moment frustré.
Se croyant destiné à atteindre la vérité, l’homme à tout moment crée le réel.
Chacun des trois volumes des précédentes éditions représentait la manière de l’auteur à trois moments, et pour ainsi dire à trois âges différents ; car, sa méthode consistant à amender son esprit plutôt qu’à retravailler ses livres, et, comme il l’a dit ailleurs, à corriger un ouvrage dans un autre ouvrage, on conçoit que chacun des écrits qu’il publie peut, et c’est là sans doute leur seul mérite, offrir une physionomie particulière à ceux qui ont du goût pour certaines études de langue et de style, et qui aiment à relever, dans les œuvres d’un écrivain, les dates de sa pensée.
Quand Newton et Bossuet découvraient avec simplicité leurs têtes augustes, en prononçant le nom de Dieu, ils étaient peut-être plus admirables dans ce moment, que lorsque le premier pesait ces mondes, dont l’autre enseignait à mépriser la poussière.
Au moment du départ de la fiancée pour se rendre chez son mari, son père lui donna une griote comme compagne de voyage.
Elle n’avait pas lu la préface générale, placée à la tête du premier volume des Œuvres et des Hommes (le volume des Philosophes et des Écrivains religieux), ou si elle l’avait lue, elle ne s’en souvenait plus, car il est dit positivement dans cette préface, que pour être plus dans le mouvement de son temps, l’auteur laisserait là toute exposition artificielle ou chronologique, et ne partirait jamais, tout en embrassant le siècle tout entier, dans un nombre indéterminé de volumes, que des publications contemporaines ou des réimpressions par lesquelles on atteint à tous les moments du passé et à tous les hommes qui y ont laissé une place durable ou éphémère… Avec ce système, il y a des attentes, il n’y a pas d’oublis !
L’Aminta est à la Jérusalem délivrée ce que les Églogues de Virgile sont à l’Énéide : une diversion légère et gracieuse d’un poète souverain, qui change d’instrument sans changer de souffle, qui dépose un moment la trompette épique pour le chalumeau des bergers. […] « Hier », dit le Tasse, dans une lettre confidentielle à son ami Scalabrino, « Madame Léonore m’a dit dans la conversation, sans que rien eût amené un pareil sujet, que jusqu’alors ses revenus avaient été extrêmement bornés ; mais qu’à présent que sa fortune s’était améliorée par l’héritage de sa mère, elle serait heureuse d’ajouter à mon traitement, de son trésor, tout ce qui pourrait m’assister ; ceci, je ne l’ai pas recherché ni ne le rechercherai jamais, et je n’aurai jamais recours ni au duc ni à ses sœurs ; mais, s’ils m’accordent d’eux-mêmes une faveur, quelque petite soit-elle, bien loin de la refuser, je la recevrai avec reconnaissance. » Les biographes et les commentateurs les plus versés dans les mystères de la cour de Ferrare en ce moment, ont cru que la froideur avec laquelle le Tasse accueillit la gracieuse prévenance de son amie Léonora tenait à une passion passagère qu’il affichait pour une autre Léonora qui éclipsait toutes les beautés de son temps. […] Il passa quelques jours dans le couvent avec cette paix qui semble, au premier moment, tomber sur l’âme, des cloîtres. […] « Étant entré dans le village et dans la maison de sa sœur, il la trouva seule, dit-il, avec ses servantes, car elle était maintenant veuve, et ses deux fils en bas âge n’étaient pas en ce moment à la maison.
Après deux mois écoulés depuis que Natalie m’a fait part de votre départ pour Tréglamus, j’ai un petit moment à moi pour vous exprimer, ma chère et bien bonne amie, toute la part que je prends à votre triste position. […] On prétend qu’au premier moment, surpris de quelques hésitations de la part de celui qui allait le convertir, M. de Talleyrand aurait dit : « Voilà un jeune prêtre qui ne sait pas son état. » S’il dit cela, il se trompa tout à fait. […] À l’affût de tous les vents de la mode et de la publicité, il ne négligeait rien de ce qui avait la faveur du moment. […] La génération, qui avait de quinze à vingt ans au moment d’éclat que je raconte et qui fut court, a maintenant de cinquante-cinq à soixante ans.
Ce sont des combinaisons infinies, des impartialités sans limites, de vagues et inconstants assemblages, c’est-à-dire, sauf la dispute du moment, une indifférence radicale. […] Si M. de La Mennais explique et précise Fénelon, s’il est en ce moment l’aurore manifeste, bien que laborieuse, du jour dont Fénelon était comme l’aube blanchissante, Fénelon aussi, par ses signes précurseurs et la bienfaisance de son étoile catholique sous le despotisme de Louis XIV, garantit, absout, recommande à l’avance M. de La Mennais, et doit disposer les plus soupçonneux à le dignement comprendre. […] Nulle ressource, même pour le fort, n’est de trop en de tels moments ; ce qu’il y a de plus haut et ce qu’il y a de plus humble : composer la Théodicée et lire son bréviaire. — M. de La Mennais n’a rien écrit en fait de pure imagination ou de poésie que de petits fragments, des espèces d’Hymnes ou de Proses, qui sommeillent dans ses papiers.
. — À leurs yeux le moment décisif est arrivé. […] Cela posé, suivons les conséquences. — En premier lieu, je ne suis propriétaire de mon bien que par tolérance et de seconde main ; car, par le contrat social, je l’ai aliéné442, « il fait maintenant partie du bien public » ; si en ce moment j’en conserve l’usage, c’est par une concession de l’État qui m’en fait le « dépositaire ». — Et ne dites pas que cette grâce soit une restitution. « Loin qu’en acceptant les biens des particuliers, la société les en dépouille, elle ne fait que changer l’usurpation en véritable droit, la jouissance en propriété. » Avant le contrat social, j’étais possesseur, non de droit, mais de fait, et même injustement si ma part était large ; car « tout homme a naturellement droit à tout ce qui lui est nécessaire » ; et je volais les autres hommes de tout ce que je possédais au-delà de ma subsistance. […] Du moment où, entrant dans un corps, je ne réserve rien de moi-même, je renonce par cela seul à mes biens, à mes enfants, à mon Église, à mes opinions.
On pourra s’amuser un moment à voir le prince Alexandre étudier les sept arts et se faire adouber chevalier par sa mère, inaugurant la brillante carrière qui le mènera à figurer sur nos jeux de cartes entre Arthur et Charlemagne sous les traits d’un empereur à la barbe fleurie. […] C’est donc à la matière de Bretagne qu’il faut nous arrêter un moment. […] Il ne songe pas un moment que derrière l’extérieure bizarrerie des faits il y ait une pensée vraie, un sentiment sérieux : il serait bien étonné si on lui disait qu’il nous a parlé de l’empire des morts, et de héros qui, comme Hercule et comme Orphée, ont été Illuc unde negant redire quemquam, et forcé l’avare roi des morts à lâcher sa proie.
Nulle part il n’y a plus d’unité, une idée générale mieux suivie que dans les trois cents pages qui s’intitulent Apologie de Raimond Sebond : mais justement le sens de tous ces beaux discours est une absolue condamnation du dessein de ce théologien, et dans le détail le singulier défenseur donne à chaque moment des démentis à son client. […] Et voilà qu’en cherchant Montaigne, il a vagabondé de corps et d’esprit, surtout d’esprit, à travers tous les pays et tous les siècles : en cherchant les plus douces assiettes et les plus aisées postures, il a essayé toutes les assiettes et toutes les postures où la pauvre humanité s’est figurée à chaque moment trouver le repos pour l’éternité des siècles. […] C’est alors qu’il faut user d’industrie, ne lâcher à La douleur que les parties de notre être et de notre vie que la nature lui attribue, et faire étude de conserver leur place et leurs moments à tous les plaisirs.
Il est le misérable ; il est le formidable ; Il est l’auguste infâme ; il est le nain géant ; Il égorge, massacre, extermine en créant ; Un pauvre en deuil l’émeut, un roi saignant le charme ; Sa fureur aime ; il verse une effroyable larme Et après tout ceci, qui n1est qu’un jeu d’antithèses, éclate un vers qui est enfin autre chose qu’un cliquetis de mots, un vers ému et tragique — (comme si le poète, à force de remuer les vocables, d’épuiser toutes les façons de traduire une pensée, devait nécessairement trouver, à un moment, l’expression la plus forte et la plus émouvante, et comme si sa prodigieuse invention verbale devait fatalement rencontrer la profondeur) : Comme il pleure avec rage au secours des souffrants ! […] Ils sont notre trésor dans nos moments de honte, Dans nos abaissements et dans nos abandons : C’est vous qui les portez, c’est nous qui les gardons. […] Il eut la chance de survivre à l’Empire, de revenir de l’exil et, à partir de ce moment, d’être l’interprète des sentiments et des passions du Paris révolutionnaire.
Le plus sceptique a ses moments de croyance superstitieuse, et sous quelque forme qu’il se présente, le merveilleux trouve toujours une fibre qui tressaille dans le cœur humain. […] Byron, abandonnant pour un moment les passions violentes, a préludé à son Don Juan par le charmant poème de Beppo, si plein d’english humour, et en même temps si vrai dans la peinture des mœurs italiennes. […] L’imposteur se croit aimé, et dans un moment d’abandon il confie son secret à sa maîtresse.
» C’est qu’à ce moment la courtisane règne et les faux ménages. […] Et toujours, au dernier moment, ils reculent devant son contact glacé. […] Leur fantôme se pliera docile à ns caresses et s’il nous faut un semblant de vérité, prions la première venue de nos contemporaines d’aider à l’illusion, en remplissant pour un moment leur personnage.
Des chocs fulgurants allaient de l’un à l’autre ; par moments ces énormes astres se heurtaient avec des ruades d’éclairs. […] Sans doute, et l’on ne nous reprochera point de n’y pas insister, l’histoire réelle et véridique, en indiquant les sources de civilisation là où elles sont, ne méconnaîtra pas la quantité appréciable d’utilité des porte-sceptres et des porte-glaives à un moment donné et en présence d’un état spécial de l’humanité. […] L’écrivain chez lequel était en ce moment Jérôme Bonaparte, avait rapporté d’une promenade aux Alpes, faite quelques années auparavant en compagnie de Charles Nodier, un morceau de serpentine stéatiteuse sculpté et creusé en encrier, acheté aux chasseurs de chamois de la Mer de Glace.
Cependant, je vous montrerai que La Fontaine — je le crois — touche à la morale, à quelque chose, du moins, qui peut s’appeler une morale ; cela à certains moments ; mais je reconnaîtrai aussi que ces moments sont assez rares. […] La médiocrité leur revient, ils en sont heureux, et au départ du Follet, ayant encore un souhait à faire, ils demandent la sagesse. « C’est un trésor qui n’embarrasse point. » Ils demandaient ce qu’ils avaient, car, du moment qu’ils demandaient la médiocrité, ils avaient la sagesse.
On se demande à quel moment de ces heures dont voilà le compte, cette Marthe de l’Évangile était poëte, et l’on peut répondre qu’elle l’était toujours. […] De ce moment Maurice l’aima comme on aime les êtres déjà chers avec qui l’on a eu des torts involontaires, les têtes pour qui l’on a tremblé. […] Voilà ce qui, dès le premier moment, imposa au monde, qui s’étonna plus d’elle qu’elle ne fut étonnée de lui.
En quittant un moment l’examen de la vanité, j’ai jugé jusqu’à l’éclat d’une grande renommée ; mais que dirai-je de toutes ces prétentions à de misérables succès littéraires pour lesquels on voit tant de femmes négliger leurs sentiments et leurs devoirs. […] Le plaisir au nom duquel on se rassemble est nul pour elle ; elle ne peut en jouir dans aucun moment ; car il n’en est point qui ne soit absorbé et par sa pensée dominante, et par les efforts qu’elle fait pour la cacher.
. — Mais, par contre-coup, à ce moment même, la dissolution de l’État suscite une génération militaire. […] Des hommes dans les rangs pour combler les vides, des hommes dans les postes pour monter la garde, voilà le cri qui sort à ce moment de toutes les institutions, comme l’appel d’une voix d’airain.
Ainsi faisons-nous quand nous nous jugeons les uns les autres ; sur une rencontre d’un moment, on arrête que tel est avare, tel est fier, tel a de l’esprit, tel est sot. […] Tout tient à tout : il faut savoir couper le fil, plus ou moins long, selon la nécessité du moment.
II Je ne cacherai pas que je cherche en ce moment les côtés faibles de M. […] Car ce ne sont point ici amusettes d’un moment, comme on en peut trouver dans Émaux et Camées ou dans les Chansons des rues et des bois.
Une tragédie chrétienne dont l’action se passe à un moment quelconque des trois premiers siècles de l’Empire, de Néron à Dioclétien, cela comporte un certain nombre de personnages sans doute inévitables. […] … Songe que tout sera fini dans un moment.
On sait quelle était la situation de la France en ce moment-là, surtout dans le Midi où à peine un moment de trêve sépara la cinquième guerre civile de la sixième.
On voit poindre par moments la communauté des biens et cette pensée que le riche est obligé de partager ce qu’il a 310. […] À ce moment-là, elle était en la possession de Hâreth 329.
je vous le déclare, il n’en restera pas pierre sur pierre 948. » Il refusa de rien admirer, si ce n’est une pauvre veuve qui passait à ce moment-là, et jetait dans le tronc une petite obole : « Elle a donné plus que les autres, dit-il ; les autres ont donné de leur superflu ; elle, de son nécessaire 949. » Cette façon de regarder en critique tout ce qui se faisait à Jérusalem, de relever le pauvre qui donnait peu, de rabaisser le riche qui donnait beaucoup 950, de blâmer le clergé opulent qui ne faisait rien pour le bien du peuple, exaspéra naturellement la caste sacerdotale. […] Mais un profond sentiment de tristesse empoisonnait pour Jésus le spectacle qui remplissait tous les autres israélites de joie et de fierté. « Jérusalem, Jérusalem, qui tues les prophètes et lapides ceux qui te sont envoyés, s’écriait-il dans ces moments d’amertume, combien de fois j’ai essayé de rassembler tes enfants comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n’as pas voulu 964 !
Eh bien, tu coucheras encore avec lui, dans le même tombeau » — Un moment il hésite devant le sein que sa mère lui montre, ce sein qui l’a allaité, où il a dormi. […] Chacun souffre à son tour, l’un aujourd’hui, l’autre demain. » À ce moment, Oreste est pris d’un premier accès, et son âme entre en convulsions.
« Notre prose, dit Lemontey, s’arrêta au point où, n’étant ni hachée ni périodique, elle devint l’instrument de la pensée le plus souple et le plus élégant. » On peut assurément préférer, comme amateur, d’autres époques de prose à celle-là ; il ne serait pas difficile d’indiquer des moments où cette prose a paru revêtir plus de grandeur ou d’ampleur, et réfléchir plus d’éclat ; mais, pour l’usage habituel et général, je ne sais rien de plus parfait, rien de plus commode ni d’un meilleur commerce que la langue de cette date. […] Analyser ces Mémoires de Grammont serait une tâche ingrate et maussade, puisque c’est le tour qui en fait le prix, et que le récit, à partir d’un certain moment, va un peu comme il plaît à Dieu.
Cet écrivain, dont les ouvrages respirent la religion, qui n’a jamais presque chanté qu’elle & les dogmes de la grace, prétend que les fables ne sont qu’un abus de la poësie ; qu’elle a dégénéré du moment qu’elles ont commencé d’être de mode, en Egypte, dans la Grèce, en Italie, chez les Gaulois, & même chez les peuples de la Chine & de l’Amérique. […] La dévotion lui avoit déjà fait abandonner toutes ses idées de poëte, lorsqu’il entendit parler de la réforme projettée sur le Parnasse : mais dès ce moment il les reprit.
Pour arracher de l’homme la vérité, il faut à tout moment donner le change à la passion, en empruntant des termes généraux et abstraits. […] Ce serait ici le moment de traiter du choix de la belle nature.
Or, pour cela, il faut qu’il y ait entre elles la même suite qu’entre les moments divers d’une même évolution naturelle, et, en outre, que cette évolution qu’elles figurent soit assez prolongée pour que le sens n’en soit pas douteux. […] On aura ainsi une nouvelle série de variations qu’on rapprochera de celles que présente, au même moment et dans chacun de ces pays, la condition présumée.
Mais ni la fatuité nonchalante, ni la superficialité sans gêne d’une Critique qui n’aime que les livres bientôt lus ou aisés à pénétrer, ne suffisent aujourd’hui pour expliquer l’étrange silence, très injuste selon moi, qui, relativement à son importance, enveloppe, pour le moment, un livre fait, de sujet seul, pour retentir, et dont le titre pour les partis ressemble à une provocation d’amour ou de haine. […] Certes, il y a déchet ici dans la magnanimité de l’historien, mais quoique restreinte, telle qu’elle est cependant, cette magnanimité qui prend sa source dans le sentiment de la beauté morale humaine, où qu’elle soit, donne précisément à cette Histoire de la Liberté religieuse l’expression qui doit contrister le plus les hommes étroits du parti qui boude en ce moment M.
Insistez, vous, croyant et historien d’un pays moral, sur cet épicuréisme pratique d’ici qui n’a produit qu’un bon moment de jeunesse, mais passé lequel, tous plus ou moins, nous sommes sur les dents, sur le flanc : chacun a été bourreau de son esprit.
L’amitié de deux hommes, si profonde et si vraie qu’elle soit, n’exclut pas, dans un commerce habituel, des moments de froideur et de vide.
« Je veux faire, affirme Ed. de Goncourt, un roman bâti sur documents humains » ; et, en note, « cette expression, très blaguée dans le moment, j’en réclame la paternité, la regardant, cette expression, comme la formule définissant le mieux et le plus significativement le mode nouveau de travail de l’école qui a succédé au romantisme : l’école du document humain » 3.
En un moment, il a démasqué un traître, insulté un magistrat, flétri un délateur, calomnié un sage260.
Écoutez un moment cette conversation de tant d’éclat et de vivacité, abondant en traits et en aperçus, en images neuves et toujours merveilleusement appropriées ; où l’emphase et la familiarité, la subtilité et la violence se mêlent et s’entrelacent si originalement.
Au milieu de ce renversement général, que chaque moment peut rendre plus rapide & plus funeste, il existe cependant des Esprits sages, des Ames honnêtes, des Citoyens zélés pour le véritable honneur de leur patrie : mais à quoi peuvent se réduire les efforts de leur zele ?
Peindre ainsi la Renommée, Nymphe qui jamais ne sommeilles, Et dont les messagers divers En un moment sont aux oreilles Des peuples de tout l’Univers.
Peut-être en ce moment même est-il accablé par de puissants voisins, sans avoir auprès de lui personne pour le défendre.
À tout moment les plus fins y sont pris.
Tous ceux qui pourront oublier un moment l’effet que font ces vers lorsqu’ils sont chantez, préfereront, avec raison, Racine à Quinault.
Il se rendit chez celui-ci et entra dans la case au moment même où la femme demandait à son mari : « Maître, faut-il apporter le touho ?
A ce moment, mon lieutenant est venu me réveiller.
Elle demeura un moment stupéfaite. […] En un moment, les trois frères gisaient à terre, saignés comme des porcs. […] Elle sortit, et revint un moment après. […] Je reçois en ce moment même un savant et élégant travail de M. […] Mais ce n’était pas en vain que les hommes avaient un moment contemplé son visage.
Que ne réfléchissez-vous un moment pour convenir que vous n’êtes que très honoré d’un partage avec Monsieur de la Mousse-Verte ? […] Cathos et Magdelon sont les dernières précieuses et peut-être est-ce Molière qui les a tuées, mais il les a tuées certainement au moment qu’elles allaient mourir. […] Il dirait peut-être : « Comptez-vous pour rien le moment ? […] Mais pourquoi le prenez-vous juste à ce moment-là, qui est exceptionnel ? […] J’avais donc le droit de prendre dans la vie d’Harpagon un moment et un moment exceptionnel.
Comment ne pas supposer que c’est dans ces moments-là que l’homme voit le mieux ? […] Au même moment qu’il se repaissait des romanciers et des poètes, il subissait une forte discipline scientifique. […] Un même moment de l’esprit germanique a mis au jour Herder, Kant et Gœthe, comme un même moment du génie anglais a produit le théâtre brutal de Wycherley, les grossières satires de Rochester et le violent matérialisme de Hobbes. […] J’aperçois tout à « coup les Alpes : moment de bonheur. Les gens à calcul, comme Guillaume III, par exemple, n’ont jamais de ces moments-là.
Pareillement, dans ce théâtre en ce moment, les âmes sont neuves, prêtes à tout sentir comme le poëte à tout oser. […] Nul code de société ; sauf un jargon exagéré de courtoisie chevaleresque, ils restent maîtres de parler et d’agir selon l’impulsion du moment ; vous les trouverez affranchis des bienséances comme du reste. […] C’est pourquoi l’homme qui, depuis trois siècles, devient un animal domestique, est, à ce moment encore, un animal presque sauvage, et la force de ses muscles, comme la dureté de ses nerfs, augmente l’audace et l’énergie de ses passions. […] Nul respect humain ; l’empire des convenances et l’habitude du savoir-vivre ne commenceront que sous Louis XIV et par l’imitation de la France ; en ce moment, tous disent le mot propre, et c’est le plus souvent le gros mot. […] Point de ces plaidoyers solides, point de ces discussions probantes, qui, de moment en moment, ajoutent une raison aux raisons précédentes, une objection aux objections précédentes : on dirait qu’ils ne savent qu’injurier, se répéter et piétiner en place.
Je m’étonnais par moment que d’autres n’eussent pas déjà saisi à ma face la même altération que j’y croyais sentir. » La conséquence de cette découverte fut qu’Amaury résolut, avant d’être complètement défiguré, de cueillir en toute hâte la première fleur de la vie. […] Son regard parfaitement bleu, d’un bleu clair et dur, appelait à la fois mon regard et le déjouait ; fixe, immobile par moments, il n’avait jamais de calme ; tourné vers la beauté des campagnes, il ne la réfléchissait pas (cette idée est fort belle). […] Enfin, celui-ci croyant le moment favorable, et voulant faire la part du feu, offrit de donner une somme d’argent à titre de cadeau. […] Mourir si jeune, après tant de travaux accomplis, tant de dangers bravés pour la science, au moment d’atteindre le terme d’une si longue épreuve et de toucher au but de tant d’efforts courageux, mourir ! […] Nicol, négociant anglais, qui assista notre malheureux compatriote à ses derniers moments, et transmit à sa famille tous les détails de sa mort.
Du moment, raisonnent-ils, que nous gagnons de l’argent et que vous en gagnez avec nous, « de quoi vous plaignez-vous » ont-ils envie de dire, comme dans les vaudevilles ? […] On sait bien que si les hommes pouvaient à tout moment lire les pensées des autres hommes, la vie serait rendue impossible. […] Ceux-ci ne connaissent qu’un moyen d’« arriver » : dominer leurs concurrents en les considérant systématiquement comme des ennemis, les « avoir dans la main », disent-ils, par tous les procédés, de manière à pouvoir, au moment voulu, faire une heureuse pression sur eux, les garder à leur dévotion ou les perdre. […] Le ministre une fois arrêté, la police a ouvert ses coffres-forts, et a saisi des notes personnelles qu’il avait jetées librement sur le papier à des moments perdus. […] Ce texte paraissait au moment même où j’écrivais ce petit livre : je ne pus m’empêcher de me réjouir en trouvant enfin un grand critique qui s’attaquait — et avec quelle vigueur, et avec quelle justesse aux droits abusifs que détiennent marchands, collectionneurs et héritiers.
Une pièce nouvelle les met par hasard en scène dans un moment de jalousie. […] Zapata se mit à rêver quelques moments […] En ce moment (voilà le mystère !) […] En ce moment le bouffon disparaissait, et l’on ne voyait plus que le philosophe. […] Sa main est libre, et il n’arrache pas son bandeau dans un moment de transport !
Les vrais chefs savent au besoin varier, changer le front de bataille, accommoder les dispositions et l’assaut selon les difficultés du moment.
qu’une belle et bonne œuvre serait la bienvenue, et que c’est misère à ceux qui le pourraient de laisser passer de tels moments uniques de la faveur et de l’avidité publiques !
L'orgueil de la vie, l’enivrement de la jeunesse et des sens, c’est là trop souvent l’inspiration unique de la poésie moderne, et il vient un moment où, poussée trop loin, prolongée au delà des termes, cette inspiration sans partage devient imprudence fatale, tourbillon et ruine.
Je me disais comme Pline le Jeune, lorsqu’il décrit et développe les mérites de tant d’illustres amis : « At hoc pravum malignumque est non admirari hominem admiratione dignissimum, quia videre, alloqui, audire, complecti, nec laudare tantum, verum etiam amare contingit. » Je me disais cela en commençant, et les circonstances extérieures se prêtaient elles-mêmes à cette vue et y inclinaient en quelque sorte la critique, afin que celle-ci pût remplir tout son rôle à ce moment.
Ce sont là des moments de la nature faits pour le poète !
De rares couplets font exception et rappellent un moment que le romantisme a pourtant passé par là… pour le reste (je ne vous livre là qu’une impression), le style et la versification de M.
Sans doute, ils ont été amenés par leurs théories à dédaigner certaines beautés, à s’interdire certaines façons de séduire, mais est-ce vraiment un mal dans un moment de production si intense ?
Il offre une action que les personnages n’ont aucun dessein de traverser ; c’est le hasard seul qui fait arriver Sosie dans un moment où Mercure ne peut le laisser entrer chez Amphytrion.
Le chrétien se soumet aux conditions les plus dures de la vie : mais on sent qu’il ne cède que par un principe de vertu ; qu’il ne s’abaisse que sous la main de Dieu, et non sous celle des hommes ; il conserve sa dignité dans les fers : fidèle à son maître sans lâcheté, il méprise des chaînes qu’il ne doit porter qu’un moment, et dont la mort viendra bientôt le délivrer ; il n’estime les choses de la vie que comme des songes, et supporte sa condition sans se plaindre, parce que la liberté et la servitude, la prospérité et le malheur, le diadème et le bonnet de l’esclave, sont peu différents à ses yeux.
Mon ami, je suis trop heureuse, le bonheur m’ennuie… ……………………………………………………………………………………………… Ne trouvant donc rien ici-bas qui lui suffise, mon âme avide cherche ailleurs de quoi la remplir ; en s’élevant à la source du sentiment et de l’être, elle y perd sa sécheresse et sa langueur : elle y renaît, elle s’y ranime, elle y trouve un nouveau ressort, elle y puise une nouvelle vie ; elle y prend une autre existence, qui ne tient point aux passions du corps, ou plutôt elle n’est plus en moi-même, elle est toute dans l’être immense qu’elle contemple ; et, dégagée un moment de ses entraves, elle se console d’y rentrer, par cet essai d’un état plus sublime qu’elle espère être un jour le sien… ……………………………………………………………………………………………… En songeant à tous les bienfaits de la Providence, j’ai honte d’être sensible à de si faibles chagrins, et d’oublier de si grandes grâces… ……………………………………………………………………………………………… Quand la tristesse m’y suit malgré moi (dans son oratoire), quelques pleurs versés devant celui qui console, soulagent mon cœur à l’instant.
C’est particulièrement un descriptif que Dusolier, et je le crois même trop préoccupé (théoriquement) de description ; mais le sentiment le sauve des affreuses matérialités contemporaines… En ce moment encore, ce qui l’attendrit, il est vrai, c’est plus les choses que les personnes » Le salon de son père est plus tendrement traité que son père dans son livre, et pourtant c’est le charme du père qui fait le charme de ce salon.
Osons contempler un moment ces soleils lointains, ces zones lumineuses que la nuit nous découvre, et dont aucune intelligence humaine ne peut concevoir ni l’ensemble ni les limites. […] Martin connut là tous les hommes politiques du moment, mais il ne se lia d’une éternelle amitié qu’avec le grand orateur qui avait été son protecteur et son second maître. […] Heureux d’obtenir un moment de silence, il rappelle tout son courage, et dit: « Après avoir porté votre jugement sur les mémoires qui ont concouru pour le prix de morale, vous examinerez sans doute la fin de mon rapport, qui a excité de si étranges réclamations. […] Mais Virginie a été heureuse jusqu’au dernier moment. […] élève ton âme vers l’infini pour supporter les peines d’un moment. » Ma propre émotion mit fin à mon discours.
On avait peine dans le sérail à croire le rapport de ce conjuré ; toutefois, comme la chose était trop importante pour en négliger l’avis, et que la reine et les eunuques, que la conjuration regardait, croyaient à tout moment qu’on les venait mettre en pièces, le roi se laissa pousser à faire mourir le lendemain matin tout ce nombre d’assassins, sans autre forme de procès. […] » Les médecins allèrent donc rendre visite au premier ministre ; et, sous prétexte de lui donner avis de la mort du roi et de lui déclarer la qualité des deux derniers médicaments qu’ils lui avaient fait prendre, ils entrèrent dans des matières plus importantes: ils parlèrent de l’élection, et lui remontrèrent que lui et tous les grands du conseil avaient bien sujet de prendre garde à eux ; que le prince, quelques moments avant sa mort, s’était plaint à haute voix que ses ministres lui avaient fait donner du poison ; mais qu’il laissait un fils qui leur mangerait le cœur ; que ces paroles ni ces plaintes ne pouvaient demeurer cachées au successeur ; que si l’on donnait la couronne à l’aîné, qui était déjà dans un âge assez avancé pour se rendre indépendant, et qui d’ailleurs avait l’esprit fort fier, il ne manquerait jamais de se servir de ce prétexte pour se défaire de tous les grands et de tous les ministres, dans la pensée de se rendre absolu par ce moyen et se mettre en état de faire de nouvelles créatures, vu principalement qu’il devait se ressentir du mauvais traitement que son père lui avait fait depuis deux ans, qu’il attribuerait toujours au conseil de ses ministres. […] Il leur dit « qu’il ne doutait pas qu’ils ne l’eussent tous appris d’eux de la même sorte, et qu’ainsi ils auraient connu comment leur défunt monarque avait rendu l’esprit, sans avoir déclaré par écrit ni de vive voix auquel de ses deux fils il laissait le sceptre, et que, par cela, il était de leur devoir de procéder à cette élection au plus tôt, tant pour ne laisser davantage dans une condition privée celui des princes à qui la Providence avait destiné la couronne, que pour mettre l’État en sûreté, qui courait toujours fortune tandis qu’il n’aurait point de maître, vu qu’il en était des monarchies comme des corps animés, qu’un corps cesse de vivre au moment qu’il demeure sans tête, un royaume tombait dans le désordre au moment qu’il n’avait plus de roi ; que, pour éviter ce malheur, il fallait, avant de se séparer, élire de la sacrée race imamique un rejeton glorieux qui s’assît au trône qu’Abas II venait de quitter pour aller prendre place dans le ciel ; que ce monarque, de triomphante mémoire, avait laissé deux fils, comme il s’assurait que personne de ceux devant qui il parlait ne le révoquait en doute, l’un, Sefie-Mirza, qui était venu au monde il y avait environ vingt ans, et avait été laissé dans le palais de la Grandeur en la garde d’Aga-Nazir ; l’autre, Hamzeh-Mirza, âgé de quelque sept ans, qui se trouvait ici près d’eux à la cour, sous la garde d’Aga-Mubarik, présent en leur assemblée ; que, de ces deux, après avoir invoqué le nom très-haut, ils choisissent celui que le vrai roi avait préparé pour le lieutenant du successeur à attendre. » Par ce successeur à attendre, les Perses veulent dire le dernier des imaans (îmâm), qui est dans leur opinion comme leur Messie, dont ils attendent à tout moment le retour. […] La Providence nous a mis entre les mains Hamzeh-Mirza ; que nous reste-t-il plus, que suivre ses ordres, et d’aller dès ce moment élever ce favori du ciel au trône sacré du prince du monde. » Après que le premier ministre eut prononcé ces paroles, il ne laissa pas peu à penser aux autres seigneurs d’où lui pouvait être venu ce sentiment ; néanmoins, comme c’était une personne qui avait toujours vécu dans une haute estime de probité, et que son âge déjà avancé et sa longue expérience dans les affaires le rendaient très-considérable, on ne soupçonna point que l’avis qu’il donnait fût intéressé, ni qu’il y fût porté par d’autres motifs que ceux qui regardaient le bien de l’État, vu principalement qu’il n’avait rien avancé que toute la compagnie n’estimât très-véritable.
Voici que le moment est proche où ils devront cesser de produire, sous peine de mort intellectuelle. […] Enfin, au moment néfaste où les imaginations s’éteignent, où les suprêmes pressentiments du Beau se dissipent, où la fièvre de l’Utile, les convoitises d’argent, l’indifférence et le mépris de l’Idéal s’installent victorieusement dans les intelligences même lettrées, et, à plus forte raison, dans la masse inculte, il n’y a plus de poètes populaires, il est insensé de supposer qu’il puisse en exister. […] Ses premières paroles ont ému les âmes attentives et bienveillantes au moment propice, ni trop tôt ni trop tard, à l’heure précise où il leur a plu de s’attendrir sur elles-mêmes, où la phtisie intellectuelle, les vagues langueurs et le goût dépravé d’une sorte de mysticisme mondain attendaient leur poète. […] Il était, du reste, impossible que Victor Hugo cessât un moment d’être poète, l’eût-il voulu. […] La profonde et lugubre pensée d’Alfred de Vigny : « La vie est un accident sombre entre deux sommeils infinis », si vraie qu’elle puisse être, n’a point troublé ses derniers moments.
Les plus hautes têtes s’abaissèrent sous cette jeune main, dans laquelle un fouet de chasse fit un moment l’office du sceptre. […] Ceux même qui avaient trouvé un moment leur compte à l’effacement du roi, sous le règne d’un premier ministre, s’étaient enfin convaincus qu’il vaut mieux qu’un seul possède ce qui ne peut se partager sans dommage entre plusieurs. […] C’est, pour la comédie, qu’à ce moment unique la société française réunissait tous les grands traits de toute société civilisée, tous les rapports des caractères, toutes les diversités des esprits, toutes les physionomies : c’est, pour la tragédie, que le personnage héroïque qui lui servait d’idéal réunissait les principaux traits des hommes à qui Dieu a donné l’empire sur les autres. […] A quel moment peut-on être mécontent de soi, si l’on ne peut pas être seul avec soi ? […] Mais on ne nie pas qu’il se soit cru un moment suspect de jansénisme aux yeux du roi.
Nous accomplissons d’une manière machinale bien des mouvements (comme de tourner la page d’un livre) dont nous avons une conscience faible au moment même où nous les accomplissons, mais dont nous ne nous souvenons plus un instant après, parce que cette conscience n’a été en rien tirée à part du reste : nous n’avons pas pris conscience de notre conscience même. […] Tantôt il retombe dans l’état hypnotique au moment même d’accomplir la suggestion, qu’il exécute ainsi en une sorte de rêve. […] Il faut donc supposer que la persuasion profonde de l’impossibilité d’une vésication, en produisant une sorte de résistance tout le long du système nerveux et en haussant le ton des fonctions végétatives, a pu contre-balancer l’effet irritant des cantharides : c’est là un des exemples les plus frappants de la force que peut avoir une idée, par les sensations et impulsions affaiblies qu’elle renferme et qui se renforcent à un moment donné. […] Gurney et Myers, beaucoup de personnes ont éprouvé des impressions de diverses sortes représentant une personne éloignée qui, au même moment, était ou mourante ou en proie à quelque grande émotion. […] Au même moment, son mari, qui naviguait sur un lac, avait reçu sur la bouche un coup violent de la barre du gouvernail.
Du moment où il y a un gouvernement, l’art ne peut échapper à l’influence de ce gouvernement, quel qu’il soit ; car le gouvernement tient d’une main les faveurs qui poussent en avant, de l’autre les rigueurs qui rejettent en arrière. […] Mais, du moment où il n’y a ni sympathie ni curiosité, tout théâtre royal est perdu. […] Restons pour le moment dans la question. […] Vous me direz peut-être, mon ami, qu’un publiciste qui, depuis six mois, fait insulter tout ce qu’il y a d’hommes éminents dans la littérature, a mauvaise grâce à dire qu’il ne s’attendait pas à ce qui arrive en ce moment à M. […] Buloz en ce moment-ci surtout ; soit.
Brutus va jusqu’à se donner un tort ; dans la scène de la querelle avec Cassius, vaincu un moment par une effroyable et secrète douleur, il oublie la modération qui lui convient ; enfin Brutus a tort une fois, et c’est Cassius qui s’humilie, car en effet Brutus est demeuré plus grand que lui. […] Il y a dans le laconisme de la Juliette et du Roméo de Shakspeare, à ces derniers moments, bien plus de passion et de vérité. […] Kent, au contraire, vieillard sage et ferme, a, dès le premier moment, tout su, tout prévu ; dès qu’il entre en action, sa marche est arrêtée, son but fixé. […] Il est impossible de déterminer avec précision le moment où elle fut écrite ; mais il paraît probable que ce fut vers 1610 ou 1611. […] L’emprisonnement du roi Jean n’est pas non plus préparé avec le soin que met d’ordinaire Shakspeare à fonder et à justifier la moindre circonstance de son drame : rien n’indique ce qui a pu porter le moine à une action aussi désespérée, puisqu’en ce moment Jean était réconcilié avec Rome.
C’est à ce moment précis qu’il estime utile autant que juste de faire parler ex professo l’officier ministériel de rigueur. […] la divine innocence, l’enfantine sublimité, qu’on entrevoit parfois dans certaines jeunes créatures, mais pour un court moment, comme un éclair du ciel. » C’est un idéal qu’on ne peut espérer d’atteindre, mais qu’il serait bon d’avoir sous les yeux, quand on écrit pour la foule. […] C’est le meilleur moment de ma vie ou plutôt c’est le seul instant où je vive réellement, où je m’appartiens… Le concours ouvert par la Revue me suggère une idée que je prends la liberté de vous soumettre dans l’espoir qu’en la tournant et retournant, en la faisant vôtre, vous pourrez en tirer quelque utilité pour l’éducation populaire. […] Et c’est parce que sa pièce renferme des beautés de premier ordre, qui sont de simples beautés dramatiques, par exemple les fiançailles de l’ingénieur devant le puits de la catastrophe, que son éloquent plaidoyer, par moment beau comme du Bossuet, arrive au public. […] Dans l’impossibilité où nous nous trouvons de payer d’exemple en publiant un grand roman populaire, nous nous bornerons pour le moment à ouvrir deux concours pour une nouvelle et un conte à lire à haute voix.
. — L’Odyssée 2 I L’Iliade est le poème de la vie publique ; l’Odyssée, que j’ouvre en ce moment devant vous, est le poème de la vie domestique. […] Il l’honora dans sa maison à l’égal d’une chaste épouse et ne partagea jamais sa couche. — En ce moment elle porte les flambeaux éclatants devant Télémaque. […] Le seul motif pour se tenir à l’écart ou voilé quand on pleure, c’est de ne pas contrister les autres du chagrin dont Dieu nous afflige. » Mon père, mon oncle applaudirent à cette explication du passage d’Homère. « Et puis vous oubliez, dirent-ils, que Télémaque, à ce moment, voulait cacher sa naissance et son nom ; ses larmes l’auraient trahi. » XVIII « Hélène cependant le reconnaît, continue notre mère ; elle fait part de ses soupçons à Ménélas, son mari. » — « Chère épouse, reprend Ménélas, la même pensée m’occupait au même moment. […] En ce moment le berger était occupé à ajuster à ses pieds une semelle qu’il avait taillée lui-même dans le cuir rougeâtre d’un bœuf.
Non, l’œuvre de Pierre Loti, dans sa totalité, correspond à un moment précis de l’histoire littéraire de notre époque, à celui où le naturalisme a donné toute sa sève et se transforme en se combinant à d’autres éléments. […] Si donc la volonté morale est la volonté par excellence, la seule peut-être qui mérite ce nom, le moment de l’obéissance morale sera le moment suprême, le seul véritable de la vie de l’homme. […] De là vient sans doute la résignation et l’apaisement relatif de ses derniers moments. […] Ces deux tendances, qui se réunissent un moment et semblent aboutir à des résultats identiques, étaient au fond diamétralement opposées. […] C’est à ce moment que la responsabilité est engagée et que l’impératif obligatoire devait intervenir pour arrêter catégoriquement les convoitises de la pensée.
Mais Chénier sent qu’après cet immense détour le moment est venu pour la poésie de réviser ce procès, de prendre un baptême aux vers admirables et oubliés des Larmes. […] Victor Hugo, ne sachant où placer le Satyre dans la Légende des siècles, se décida au dernier moment à lui donner ce titre de hasard Seizième Siècle, Renaissance. […] Le romantisme a mis du mouvement dans le monde de l’esprit, au moment même où la découverte des nouveaux moyens de transport mettaient les signes du mouvement sur notre monde matériel. […] Au contraire, lorsqu’il s’agissait surtout pour un écrivain de se conformer à un modèle, de se soumettre aux lois d’un genre, le moment arrivait rapidement où l’on ne pouvait plus que répéter ce qu’avaient trouvé et fait les premiers arrivés. […] Sa poésie y retombera dans ses moments de facilité.
Or n’est-il pas plus raisonnable de s’efforcer à trouver comment, pourquoi, par quelles règles différentes des nôtres, dans quel moment, en faveur de quelles idées, ces comédies ont su plaire, puisqu’enfin on ne peut désavouer qu’elles ont plu ? […] C’est l’exposer avec confusion que de la prendre au dernier moment, parce que trop de détails antérieurs en gênent la conduite, et qu’on risque de n’avoir plus assez d’éléments dans le reste pour la soutenir jusqu’à la fin : que fera l’auteur ? […] Aussi l’action de la pièce ne paraît-elle se ralentir qu’en ce moment, parce que la scène, quoique vraisemblable, n’est pas absolument nécessaire. […] Le ridicule éphémère porte sur les extravagances du jour et du moment. […] Le Glorieux disparaît dès ce moment, et fait place au chevalier d’industrie : c’est une faute capitale en Destouches, à moins qu’on ne l’excuse d’avoir confondu les noms de grand seigneur et de fripon, comme synonymes.
Rigal s’attachât donc plutôt à étudier le moment que l’homme, et qu’il sacrifiât un peu de l’analyse de l’œuvre à l’histoire de l’époque. […] La question n’est pas là, pour le moment du moins ; et tout ce que nous disons, c’est qu’il n’y a pas de littérature étrangère dont la connaissance importe plus à l’histoire de la nôtre. […] et ne commet-on pas enfin une erreur assez grave sur la nature, sur le moment précis, et sur la portée de son action ? […] Mais je ne traite aujourd’hui que d’histoire ; et, quoi qu’on pense de leur influence, il ne m’importe pour le moment que d’en préciser la nature. […] Les jansénistes ont paru triompher un moment, et les cartésiens, un moment, ont paru s’unir aux jansénistes.
Quand ce moment sera venu, vous pourrez reprendre un peu place aux affaires publiques, veiller un peu plus à ce qui se passe dans l’État ; alors aussi vous me verrez quitter sur-le-champ ma métairie et accourir vers vous en vous disant : Me voilà ! […] Jusqu’à ce moment je me suis amusé à tendre de ma main des pièges aux grives ; je me levais pour cela avant le jour, je portais mes gluaux, et je cheminais en outre avec un paquet de cages sur le dos, semblable à Géta quand il revient du port tout courbé, chargé des livres d’Amphitryon. […] Les Florentins, menacés par l’armée de la confédération des ennemis du pape et des Médicis, se gouvernent un moment par les conseils de ce grand politique. […] À ce moment le carbonarisme s’emparait souterrainement de son armée ; le carbonarisme était une société secrète, une conspiration permanente dont il est difficile de définir les doctrines : c’était un jacobinisme modéré, mais ténébreux, qui couvait dans l’ombre et qui affiliait dans le vague ; son cri de guerre était la Constitution espagnole arrachée à Ferdinand VII par l’insurrection soldatesque de l’armée de Cadix.
Après nous être un moment rafraîchis dans cet humble asile d’une simple et cordiale hospitalité, si douce à rencontrer sous un ciel brûlant, à huit cents lieues de son pays, à la fin d’une journée de tempête, de soleil et de poussière, M. […] Nous sortîmes par des sentiers sans noms et sans traces, franchissant à tout moment des brèches de murs de jardins renversés, ou des maisons sans toits, ou des ruines amoncelées sur la poussière blanche de la terre d’Attique. […] Ce moment-ci y ressemble en Europe, et surtout en France, cette Athènes vulgaire des temps modernes. […] Je voulais emporter pour moi un souvenir vivant, un souvenir écrit de ce moment de ma vie !
Quand les sauvages pleurent un chef, les femmes chantent les louanges du mort, elles disent ses vertus et ses combats, et par moments, en présence du cadavre, elles rêvent le héros marchant encore dans sa force et dans sa beauté : ainsi font nos poètes avec leur fiction de Christianisme ; ils commencent par la plainte, la désolation, puis leur vient le regret de la dernière religion connue d’eux, et ils finissent quelquefois, en s’exaltant, par s’imaginer qu’elle vit encore. […] Ballanche, leur rêve de restauration du Christianisme ira s’affaiblissant ou se transfigurant : l’un laissera la religion pour la politique, et cherchera dans l’activité de chaque moment une continuelle distraction contre sa propre incrédulité ; l’autre conservera obstinément le nom de Christianisme à toute la série des initiations de l’Humanité. […] Laissez donc de côté, pour un moment, toute cette couleur de Christianisme qui est comme le fard dont une femme malade voilerait sa pâleur ; entrez dans le fond de leur pensée, et voyez ce qu’ils sont. […] La poésie que je sens encore dans sa réalité, c’est la poésie intime, la grande élégie de Joseph Delorme : un enfant de génie, qui a cru à cette égalité dont on a assourdi ses oreilles dès le berceau ; un homme qui se sent le cœur grand, les passions énergiques et la tête puissante ; qui rêve, dans une société équitable, la gloire et les plaisirs qui lui sont dus, et qui se trouve, lui poète, dans un hôpital, occupé à disséquer des cadavres ; qui se plonge dans l’athéisme obscur de Bichat et de Cabanis, se dessèche avec Locke et Condillac, jette un regard sur leurs successeurs parlant de liberté, de devoir et de vertu, et ne trouve en eux que des sophistes ; homme du peuple, plein de sympathie pour ce peuple qu’il voit traité comme un vil troupeau, plein de dégoût pour toutes ces distinctions de rangs fondées sur une absurdité et sur une iniquité ; cherchant avec enthousiasme la vertu pour l’honorer, et ne sachant à quel signe la découvrir ; à la fois emblème de la souffrance de l’artiste et de celle du peuple ; et qui finit par prendre en mépris le monde et l’Humanité, ne voit dans l’univers qu’un destin aveugle, et, relevant sa tête hors du tombeau où il est déjà couché, et où, brisé par la souffrance, il hésite devant le suicide, exhale ses derniers moments en sanglots étouffés, en plaintes arides, en ironie amère, entremêlés de chants sublimes et d’efforts qui touchent à la folie.
Nous sommes des bandits qui s’entendent pour mettre la main sur une proie, s’unissent, se concertent, sacrifient — pour un moment — à l’ordre général leurs convoitises personnelles. […] Et l’on n’entend point par là que, à un moment donné, dans des circonstances données, une manière d’agir correspond mieux que les autres à la situation, qu’un devoir unique et précis s’impose, résultante de la combinaison des devoirs, de leur accord et de leur opposition, qu’il faut calculer avec soin. […] Pour le moment, je tâche de le comprendre. […] En tout cas il y a des moments où nous sentons avec plus de précision ce qui, en nous, nous sépare de nous, ce qui, tout en restant nous, n’est plus nôtre, ce qui nous unit à nos coreligionnaires, à nos amis, à nos parents, à notre patrie, à l’humanité entière.
Kundry profite de ce moment, enlace doucement le cou de l’orphelin et lui promet la fin de ses peines par la révélation de l’amour qui donne le bonheur avec la connaissance. […] À partir de ce moment, les rôles changent. […] À ce moment, un chevalier vêtu d’une armure noire, entre à pas lents, visière abattue et lance baissée. […] De là cette passion instinctive du public pour la musique instrumentale, qui seule en ce moment, parmi tous les arts, répond à ce grand, à cet indestructible désir.
Oui, oui, soyons justes, il y a du mal, mais il y a du bien dans la vie, et l’on peut dire de l’existence ce que j’ai dit moi-même de notre patrie il y a peu d’années : La France a de beaux moments et de vilaines années. — Ni à sa patrie, ni à Dieu, ni aux hommes, il ne faut nier les beaux moments ! […] Un Caton libre encor déchirant ses entrailles Sur la foi de Platon ; Un Brutus qui, mourant pour la vertu qu’il aime, Doute, au dernier moment, de cette vertu même. […] « Dis à l’éternité d’apparaître au moment !
s’écria-t-il dans le premier moment qu’on le releva et ne sachant pas encore l’obstacle qui les avait retenus ; ô mes compagnons ! […] Au fond, il ne s’agit que d’un ou plusieurs moulins à prendre et à brûler, et Montluc, qui a bien de l’esprit, au moment d’entrer dans ce récit tout sérieux, comme s’il avait deviné que don Quichotte faisait quelque chose de pareil vers le même temps, se permet par précaution un petit sourire : « Or, pour déduire cette entreprise, dit-il, encore que ce ne soit pas la conquête de Milan, elle pourra servir à ceux qui en voudront faire leur profit. » Après cette légère précaution, il n’omet plus rien du détail et des circonstances du stratagème, et en fait un parfait modèle et un exemple à suivre.
Telle n’est pas la doctrine de Bossuet, qui remontre dès le premier jour à l’Assemblée qu’elle a tout pouvoir de s’occuper des questions de doctrine, et qu’il est séant qu’elle le fasse ; que c’est l’usage, la tradition constante, « et que jamais les évêques ne se sont trouvés réunis pour quelque sujet que ce fût, pour la conservation des églises, pour le sacre des évêques leurs confrères, ou dans tout autre cas, qu’ils n’en aient pris occasion de traiter des affaires spirituelles de leur ministère, suivant les occurrences et les besoins présents », L’Assemblée, dès ce moment où Bossuet a parlé, et sous l’impression de cette grave remontrance, se trouve conduite, bon gré mal gré, à faire acte de concile, et tous les évêques, même ceux qui diffèrent avec lui d’opinion, lui accordent la louange d’avoir parlé comme un apôtre et un Père de l’Église. […] Les travaux critiques de Richard Simon sur l’Ancien et le Nouveau Testament, ses interprétations tout historiques et hardies sous forme littérale, et les explications philosophiques qui y étaient en germe, lui firent surtout pousser le cri d’alarme et l’occupèrent durant toutes ses dernières années : il travailla jusqu’au dernier moment à le réfuter, à le faire condamner, à faire supprimer ses livres par l’autorité ecclésiastique et séculière.
Du moment, d’ailleurs, qu’il y a production d’une richesse dans la société, il y a un possesseur, et il est juste que la richesse produite ne se trompe point, qu’elle n’aille point presque entière à qui l’a moins méritée. […] Le poète, à un moment de la pièce, met en opposition les deux points de vue, les deux ordres de considérations morales et sociales.
Il a besoin de clarté, d’idées rassérénantes, et il faut pour cela qu’il se tourne vers ces époques artistiques et littéraires, pendant lesquelles les hommes supérieurs, étant arrivés à un développement parfait, se sentaient bien avec eux-mêmes et pouvaient verser dans les âmes la félicité que leur donnait leur science. » Il fallut Walter Scott, son Ivanhoë et tant de délicieux romans, pour le réconcilier, un moment du moins, avec ces temps anciens et durs : nos essais français en ce genre n’y auraient réussi qu’imparfaitement. […] L’entretien s’animant à ce sujet, et continuant de parler de cette sorte de chanson et de son influence électrique sur les nations à certaines heures, Gœthe disait qu’il fallait pour cela qu’une nation n’eût qu’une tête et qu’un cœur et, à un moment donné, qu’une seule voix : « Mais, ajoutait-il, une poésie politique n’est aussi que l’œuvre d’une certaine situation momentanée qui passe et qui ôte à la poésie la valeur même qu’elle lui a donnée. » Il reconnaissait qu’il y avait seize ans, même dans cette Allemagne si divisée, mais unie alors dans un sentiment commun contre l’étranger, un poëte politique aurait pu exercer aussi son influence sur le pays tout entier, et il ajoutait : « Mais ce poëte était inutile : le mal universel et le sentiment général de honte avaient, comme un démon, saisi la nation ; le feu de l’inspiration qui aurait pu enflammer le poëte brûlait déjà partout de lui-même.
Non pas qu’il ait rédigé ses Mémoires ou son Journal dans le moment même où il agissait et administrait : il paraît n’y avoir songé que tard et après sa retraite des intendances ; mais il a rédigé ses notes sur pièces, à mesure que, dans la révision qu’il faisait de ses papiers, chaque lettre, chaque copie ou minute lui tombait sous la main et fixait ses souvenirs. […] Voilà un homme qui juge à ce point de vue le résultat de la révocation de l’Édit de Nantes, qui ne l’appelle pas autrement que « la perte en France du commerce et des arts industriels », et qui, au même moment, dans l’incertitude d’être accueilli pour ce qu’il propose de plus indulgent, provoque des mesures de rigueur en demandant à Louvois des troupes.
Duveyrier n’ait pas eu présentes, à ce moment, d’admirables pages de Napoléon qui sont, à mes yeux, la définition la plus vivante et la plus imagée que j’aie vue nulle part de la civilisation à l’œuvre et en marche. […] Il en est ainsi de tous les points lumineux de la civilisation, du moment qu’on veut s’en rendre compte : il y a des fondations pénibles, des préparations sans nombre, des entretiens fatigants, périlleux même ; plus d’un soldat de l’industrie y périt, sacrifié comme dans une guerre.
« Je connais combien je suis loin de ce que l’homme peut atteindre, et de ce que moi-même j’eusse désiré dans ces moments d’énergie où l’on ne sent que l’élévation du beau sans songer aux entraves terrestres. […] On est effrayé de cette inutile consommation des jours, et on voit avec peine s’approcher le moment qui doit confirmer cette contradiction dans la vie, de devenir vieux sans avoir vu que l’on fût jeune.
Du moment qu’elle avait le choix entre plusieurs muses, Mlle Bertin devait, un jour ou l’autre, aborder celle-ci. […] Ces vers qui, en somme, rendent plusieurs des qualités éminentes de la poésie moderne et n’en ont que les défauts modérés ; ces vers qui, bien que venus tard, se rattachent au beau moment de l’école, à son berceau même, et nous reportent à bien des années en deçà, nous sont une occasion peut-être assez naturelle d’en repasser d’un coup d’œil toute la carrière.
Par cette analyse, on voit que la source de l’esprit de parti est tout à fait étrangère au sentiment du crime ; mais si cet examen philosophique inspire un moment d’indulgence, combien les effets affreux de cette passion ne ramènent-ils pas à l’effroi qu’elle doit inspirer ! […] Il y a un moment de jouissance dans toutes les passions tumultueuses, c’est le délire qui agite l’existence, et donne au moral l’espèce de plaisir que les enfants éprouvent dans les jeux qui les enivrent de mouvement et de fatigue : l’esprit de parti peut très bien suppléer à l’usage des liqueurs fortes ; et si le petit nombre se dérobe à la vie par l’élévation de la pensée, la foule lui échappe par tous les genres d’ivresse ; mais quand l’égarement a cessé, l’homme qui se réveille de l’esprit de parti, est le plus infortuné des êtres.
On pense bien, toutefois, qu’à ce moment où il entrait dans la carrière du théâtre, Molière avait prêté une vive attention aux Italiens, ses trop heureux concurrents. […] Pendant ces années qui précédèrent immédiatement le retour de Molière à Paris, les Italiens eurent une grande vogue ; ils étaient les héros comiques du moment ; on leur faisait jouer des scènes burlesques, même à la ville, et hors du théâtre.
Pantalon, suivi de toute sa famille, va, dans le moment, arriver pour lui demander sa soupe. […] À partir de ce moment, l’habit d’Arlequin ne varia plus guère ; on y ajouta seulement les paillettes qui en font comme un reptile ruisselant d’écailles et qui ajoutent à cet aspect scintillant, sémillant, à ce je ne sais quoi de mobile et de fugace, qu’on a de plus en plus accusé en lui.
Un philosophe explicateur dirait : un fait divers est un moment d’infini et d’éternité, fonction de toute réalité dans l’infini spatial et temporel, fonction de toute pensée dans l’échelle illimitée des compréhensions ; notre conception d’un fait divers est un échelon entre une infinité d’autres conceptions, symbolisations psychologiques (dont on peut imaginer la hiérarchie) supérieure ou inférieure d’un même concret ; le rêve est l’effort vers les traductions symboliques les plus hautes. […] Mais sa curiosité émue s’attachait des mois à pénétrer une époque, une civilisation, un monde, à voir les paysages, à lire les chroniques, avant que sa verve poétique se plût à formuler en quatorze vers un moment d’histoire enfin possédé.
Ce fut en général, à ce dernier moment, sa règle de conduite. […] Mais, dans la confusion de pouvoirs qui régnait alors en Judée, Jésus n’en était pas moins dès ce moment un condamné.
L’héroïque renonciation à la cour, attribuée par La Beaumelle à l’esprit de pénitence dont madame de Montespan se trouva si subitement et si complètement animée, les encouragements dont il prétend que madame de Maintenon fortifia son amie, sont des fables démenties par une lettre de madame de Maintenon à Gobelin, au moment que la résolution du roi éclata. […] Un moment après être arrivé, le roi alla faire ses visites.
Il proclame, avec une joie fière et un peu ricaneuse : « Mon présent réfute mon passé. » Le lion rugit : Vis dans la joie de ce moment ! […] À aucun moment il n’échappe à l’hégélianisme, qui lui paraît une inévitable nécessité de toute pensée allemande.
Les autres nations peuvent mettre en ligne à tel ou tel moment des prosateurs de premier ordre comme des tirailleurs isolés : chez nous seulement, depuis le narrateur de la conquête de Constantinople jusqu’au romancier de Mauprat, la Prose s’appelle légion et se présente comme une armée toujours accrue de renforts et continuellement en marche. […] Il n’est pas de moment plus captivant pour l’historien et le penseur que ces années d’étincelante polémique et de propagande au grand jour, où la reconnaissance du genre humain saluait avec une ferveur enthousiaste ceux qui faisaient ainsi resplendir la France sur l’univers, Montesquieu, cette clarté, Rousseau, cet orage, Diderot, cette flamme, Voltaire, cette lumière !
Il eut donc le charme des cracheurs de sang ; il eut le charme de la fragilité extérieure et menacée qui, d’un moment à l’autre, comme une porcelaine fêlée, peut tout à coup s’écrouler en morceaux ! […] Dans un de ces moments, sans doute, un prébendaire d’York put écrire d’une blanche main fatiguée, et qui se mourait de langueur, cette file de pâles chapitres qu’on nous donne pour du Sterne, mais Yorick, lui, n’y a point touché… On l’y cherche en vain.
Plus qu’au moment même où Pindare l’avait célébrée, Athènes était le temple de la Grèce. […] C’était, à part la pompe si réduite du chœur, l’emploi de certains monologues, ou passages d’un rhythme plus fort et plus varié, qui par moment dominaient la scène : on les nommait Cantiques 163.
Et cependant un merveilleux esprit d’imitation rendra parfois cet enthousiasme au poëte, mais à condition d’être un moment tout à fait Hellène et de traduire ces modèles dont il était ravi. […] De là le jugement du critique ancien qui nous dit : « Des a poëtes lyriques, Horace est presque le seul digne d’être lu ; car il s’élève par moment, il est plein d’enjouement et de grâce, et, dans la variété de ses images et de ses expressions, il déploie la plus heureuse audace.
Cet imaginatif avait, à certains moments, le goût de la réalité. […] Ce fut là que nous attendîmes un moment. […] René Boylesve un moment nouveau de grave, profonde et mystérieuse beauté. […] Au bout d’un moment, la causerie tomba sur un poème que Leconte de Lisle avait publié, quelques semaines auparavant, dans une revue. […] Ce fut à ce moment que se produisit le phénomène demeuré pour lui inexplicable et mystérieux.
Vanier ne domina pas la complexité du moment, évidemment. […] La Matière n’est donc pas à un moment : elle devient éternellement en étant autre, travaillée par son énergie qui la spiritualise progressivement. […] Mais dès lors il méditait quelque chose, et peut-être me parla-t-il à ce moment d’une reprise possible du titre si précieusement désuet du vieux « Mercure de France ». […] Absent de Paris en ce moment, c’est par la presse, des lettres ensuite, que m’arriva la nouvelle. […] Je ne refuse aucune responsabilité d’art, surtout en ces moments de schisme. » (Août 1889.
Le mouvement perpétuel des choses n’est ainsi, dans tous ses moments et à tous ses degrés, que l’enfantement des grands hommes. […] Le moment est-il venu où le point de vue théologique est le point de vue nécessaire de l’histoire ? […] Elle est aujourd’hui, en Allemagne et dans le monde entier, dans un moment de décomposition. Ce moment a sa nécessité dans l’économie du travail d’un siècle, et déjà son utilité incontestable se démontre par ses résultats. […] Il a paru un moment avec la convention ; il a disparu à jamais avec l’empire.
Vous dites quelque part, en marquant le réveil spirituel qui se fait le matin après les nuits mal passées, que, lorsque l’aube blanche et vermeille, se montrant tout à coup, apparaît en compagnie de l’Idéal rongeur, à ce moment, par une sorte d’expiation vengeresse, Dans la brute assoupie un ange se réveille !
La voix grave de l’orateur ajoutait, nous écrit-on, à la solennité du langage, et on pouvait croire par moments qu’on entendait moins le directeur de l’Académie française s’adressant à un spirituel confrère, que le président d’une loge de francs-maçons recevant un nouvel initié.
Cette ambition unique, qu’ils se sont proposée et inculquée dès la jeunesse, et qu’ils n’ont abdiquée à aucun moment, cette éducation qu’ils se sont donnée, si exclusive, si incomplète, mais si perpétuellement tendue vers un seul point, leur a réussi ; ils ont élevé leur esprit et leur pensée jusqu’à la hauteur du but, invraisemblable pour tous et certain pour eux seuls, qu’ils contemplaient toujours et auquel ils visaient sans trêve.
Quoique ma retraite du National date à peu près de ce moment, je me gardai bien de me rapprocher de la politique dominante ni d’y tremper en rien ; je me tenais en dehors : c’est à tel point que lorsque M. de Salvandy, à quelques années de là, jugea à propos, à l’époque du mariage du duc d’Orléans, de me faire nommer, sans me consulter, pour la Légion d’honneur et de mettre mon nom au Moniteur dans la même promotion qu’Ampère et Tocqueville, je lui écrivis, en le remerciant de sa bonne grâce, que j’avais le regret de ne pouvoir accepter.
Elle a pu se croire une puissance dans le siècle, du moment qu’elle s’en est venue accomplir, vers l’an de grâce 1800, je ne sais que le mission prédestinée, dogmatisant parmi les châteaux et les palais, à la plus grande gloire d’en haut ; et maintenant que la lumière est revenue, qu’on n’a plus que faire de précurseur, et que la vie militante a fait place à la vie privée, c’est peut-être un devoir à ses yeux d’enregistrer publiquement les mérites et indulgences qui lui reviennent de cette pieuse lutte, engagée sous son patronage.
Charles ne commence à se dessiner et à se faire homme que du moment qu’il aime ; encore la monotonie et la généralité de ses transports accusent toujours ce qui lui manque de qualités positives et d’habitude de la vie.
Son livre de poésie, qui le classe véritablement, La Comédie de la Mort, s’intitule ainsi, non-seulement à cause de la première pièce qui porte ce titre particulier, mais aussi, sans doute, à cause d’une impression générale de mort qui réside au fond de la pensée du poète, qui ne le quitte pas même aux plus gais moments, et qui ne fait alors que le convier à une jouissance plus vive de cette terre et de ses couleurs.
Ces sortes d’impressions, à un certain moment, sont communes à toutes les âmes : le poète les a rendues pour son compte avec simplicité et mélodie.
On n’en tirera une véritable utilité que si l’on se condamne au labeur pénible de convertir il chaque moment l’image en idée, le symbole en abstraction, de passer de la métaphore au mot propre, enfin si l’on refait en sens inverse le chemin déjà parcouru.
Je me résume… Mais, à ce moment, mon bouton céda sous les insistances de ce raseur ; et je m’esquivai prudemment.
Cet ouvrage s’adresse plus spécialement aux jeunes gens des écoles et leur sera d’une utile méditation au moment d’entrer dans la vie.
Ces Poëtes n’ont exprimé que ce qu’ils sentoient avec vivacité [au moins pour le moment] ; par-là, ils ont su captiver & intéresser.
On fait que, pendant qu’il étoit occupé à défendre son honneur & son état contre les principaux Membres du Corps des Avocats, dont l’amour-propre jaloux se croyoit intéressé à l’éloigner du Barreau, plusieurs Champions de la Secte Encyclopédique & Economique ont choisi ce moment pour se déchaîner contre lui d’une maniere aussi injuste que peu loyale.
Il apparaît suffisamment qu’il n’est pas de connaissance possible de l’indivisible et du continu que, d’autre part, une matière qui irait se divisant à l’infini, renient à tout moment ses états antérieurs, et répudiant toute détermination, serait de même insaisissable.
Elle s’imagine que tant de larmes, tant d’imprécations, tant de prières, sont des raisons auxquelles Énée ne pourra résister : dans ces moments de folie, les passions, incapables de plaider leur cause avec succès, croient faire usage de tous leurs moyens, lorsqu’elles ne font entendre que tous leurs accents.
Belle sainte, venez ; entrons dans cette grotte, et là nous nous rappellerons peut-être quelques moments de votre première vie.
Le moment qu’il a choisi, est celui où Ulysse marque de la main le haut de la tour, et où l’on arrache l’enfant à sa mère.
Comme le poëte est en droit d’exiger de nous que nous trouvions possible tout ce qui paroissoit possible dans les tems où il met sa scene, et où il transporte en quelque façon ses lecteurs : nous ne pouvons point, par exemple, l’accuser de manquer à la vrai-semblance, en supposant que Diane enleve Iphigenie au moment qu’on alloit la sacrifier, pour la transporter dans la Tauride.
… Comme cela, bêtement, d’un moment à l’autre.
… Mais que dirait-on si on montrait que dans ce livre, intitulé les Illuminés, il n’y a pas plus d’illuminés que d’illuminisme, et qu’excepté le récit d’une véritable parade chez Cagliostro et quelques mots sans aperçu et sans critique sur des hommes qu’il aurait fallu étudier il n’y a dans le titre du livre de Gérard de Nerval, rien de plus qu’une spéculation sur la curiosité publique, en ce moment fort excitée par tout ce qui pourrait amener un changement dans la philosophie d’un siècle dépassé en métaphysique par ceux même qui auraient dû le diriger ?
, les Études et Souvenirs de Saint-Marc Girardin ne sont qu’une réimpression de plus, assez insignifiante, parmi les mille réimpressions de toute espèce dont regorgent, pour le moment, les catalogues de librairie… D’un pareil homme on attendait davantage et mieux… Après cela, qu’on voie où nous en sommes et qu’on se donne la peine de conclure !
De ce que vous ne saisissez pas l’utilité immédiate d’un acte, il n’empêche que, du moment qu’il a nécessité pour sa production les qualités les plus viriles, par exemple le mépris de la mort, il est beau, utile.
Alors on célébrait l’homme juste ; à l’aspect de sa cendre, on rappelait les lieux, les moments et les jours oh il avait fait des actions vertueuses ; on le remerciait de ce qu’il avait servi la patrie et les hommes ; on proposait son exemple à ceux qui avaient encore à vivre et à mourir.
Dès ce moment, elle entend ceux qui sont à cent lieues et à mille ans d’elle s’écrier : « Oh ! […] Une littérature doit souhaiter d’avoir pour chacun de ces moments successifs un représentant éminent ; cela suffît, et il n’en faut pas davantage. […] Gazier, était venu au bon moment. […] Qu’il était nécessaire que la comédie atteignît à ce moment son apogée ? […] Tout cela, l’invention et l’exécution, se produit en moi comme un beau songe très distinct ; mais la répétition générale de cet ensemble, voilà le moment le plus délicieux.
Une seule œuvre universellement applaudie pèse d’un poids plus lourd sur les œuvres du même genre que toutes les influences de race, de moment et de milieu. […] C’est ce qui me ferait douter par moments qu’il fût un hôte régulier du salon de Mme de Lambert. […] Depuis deux heures que je l’ai reçu, je ne vis pas. — Mais, lui dis-je, vous ne l’avez point lu ; il n’est point ouvert. — Non, me répondit-elle ; à tout moment, j’ai envie de le déchirer, à tout moment, j’ai été tentée de l’ouvrir, et, à la fin, je l’ouvrirai, je ne résisterai pas. […] Ceci est caractéristique d’un moment important de notre histoire littéraire. […] Supposé que le moment ne soit pas venu de bâtir, avant de bâtir ne faudra-t-il pas toujours dessiner, et pourquoi ne commencerait-on pas ?
Par quelle chimie M. de Gobineau a-t-il analysé, à chaque moment de l’Histoire, le sang de chaque peuple ? […] Or Taine a noté trois influences principales : celles de la race, du milieu et du moment. […] En parlant du moment, il a expressément dit ce que M. […] Cependant, je vous montrerai que La Fontaine, je le crois, touche à la morale, à quelque chose, du moins, qui peut s’appeler une morale ; cela à certains moments ; mais je reconnaîtrai aussi que ces moments sont assez rares. […] je fus comme fou dans le premier moment… », etc.
Moment d’hésitation très naturelle, intervalle mis avec art entre l’appétit naissant qui triomphe et le courroux qui s’affaiblit dans le cœur du prélat. […] La scène, dans l’Iliade ; se passe sous la tente d’Achille et dans un moment de repos. […] Voyez comment chacun exprime le moment où la garde est relevée : « Deux guerriers à l’instant remplacent les héros. […] dès ce moment je l’adopte pour mère ; « Oui je deviens son fils et tu deviens mon frère : « Eh qui peut trop chérir la mère d’un tel fils ! […] qu’en ce moment il m’est aisé de vous en développer la grandeur !
Après être resté un moment avec ses collègues, il va à la recherche de son auberge. […] De plus, Raphaël vivait au plus beau moment de la Renaissance. […] Dans l’acte de la vision, l’attention supprime une partie des objets du champ visuel, pour percevoir avec netteté seulement la partie fixée à ce moment par l’œil. […] Ils abandonnèrent aussi l’ancien nom et furent connus un moment sous celui de « décadents ». […] A un certain moment, la science a été à la mode.
. — À ce moment celle de Rousseau est en vogue. — Concordance de cette philosophie et des besoins nouveaux […] Quoi de plus séduisant pour le Tiers Non seulement cette théorie a la vogue, et c’est elle qu’il rencontre au moment décisif où ses regards, pour la première fois, se lèvent vers les idées générales ; mais de plus, contre l’inégalité sociale et contre l’arbitraire politique, elle lui fournit des armes, et des armes plus tranchantes qu’il n’en a besoin. […] À quatorze ans, présentée à Mme de Boismorel, elle est blessée d’entendre appeler sa grand’maman « mademoiselle » « Un peu après, dit-elle, je ne pouvais me dissimuler que je valais mieux que Mlle d’Hannaches dont les soixante ans et la généalogie ne lui donnaient pas la faculté de faire une lettre qui eût le sens commun ou qui fût lisible. » — Vers la même époque, elle passe huit jours à Versailles chez une femme de la Dauphine, et dit à sa mère : « Encore quelques jours et je détesterai si fort ces gens-là, que je ne saurai plus que faire de ma haine Quel mal te font-ils donc Sentir l’injustice et contempler à tout moment l’absurdité. » — Au château de Fontenay, invitée à dîner, on la fait manger, elle et sa mère, à l’office, etc En 1818, dans une petite ville du nord, le comte de…, dînant chez un sous-préfet bourgeois et placé à table à côté de la maîtresse de la maison, lui dit en acceptant du potage « Merci, mon cœur ».
J’aime à me les rappeler et à revivre avec eux, comme si toutes les années qui se sont écoulées entre ces moments et ceux où j’écris ressuscitaient tout à coup pour eux et pour moi, et nous replaçaient dans les mêmes rapports. […] L’abbé de Lamennais, qui était encore dans son lit, fut tellement ravi de cet essai de mon talent, qu’il jeta à terre sa couverture et ses draps, et s’écria que ce jeune garde du corps était le barde sacré de ce temps-ci, et qu’il voulait que Genoude, sans perdre un moment, le conduisît immédiatement chez lui. […] Chaque article de cette Constitution serait, selon moi, un texte de division dans un moment où l’essentiel était d’agir d’accord.
Mais encore faut-il « inventer des ressorts qui puissent m’attacher », savoir combiner, développer et dénouer une intrigue, l’exposer clairement, et accroître l’intérêt de moment en moment. […] Nous admettrons que, certaines formes littéraires étant liées à certains états d’âme et à certains moments de la civilisation, il y ait des genres qui naissent, comme il y en a qui périssent ; par exemple, le drame bourgeois est légitimé par la même transformation sociale qui semble avoir mis la tragédie hors d’usage.
Combien j’aime, pour ma part, la fierté de ces vers, écrits sans doute dans un moment où Malherbe sentait qu’il n’était pas resté trop au-dessous de cet idéal, et où le réformateur ne désapprouvait pas le poëte ! […] Du reste, au témoignage de Racan, loin d’avoir aucun orgueil dans le privé, il faisait plutôt de fréquents retours de mépris philosophique pour les choses mêmes dont il avait le plus sujet d’être vain ; pour la noblesse, quoique la sienne fût antique ; pour la poésie même, dans les moments où il craignait d’y avoir perdu sa peine. […] Qu’à l’un de ces moments-là Malherbe nous tombe sous la main, d’où vient que nous sommes si surpris de cette vivacité, de cette verdeur d’un sexagénaire, de ce grand sens de ces vérités qui ont reçu leur forme dernière, de ce style si précis, si noble, si frappant ?
La Chine, l’Inde, l’Arabie, la Syrie, la Grèce, Rome, les nations modernes ont connu ce moment où le travail intellectuel de spontané devient savant et ne procède plus sans consulter ses archives déposées dans les musées et les bibliothèques. […] Proudhon, bien qu’ouvert à toute idée, grâce à l’extrême souplesse de son esprit, et capable de comprendre tour à tour les aspects les plus divers des choses, ne me semble pas non plus par moments avoir conçu la science d’une manière assez large. […] Supposez un moment M.
(Cette étude avait été entreprise en vue du drame parlé, un moment projeté, de Frédéric Barberousse)as. […] Bl., 1878, 100), et le sommeil de Kundry, d’où elle se réveille sans force, est analogue à celui de Brunnhilde ; Klingsor, qui se mutile pour s’approcher du Gral et qui devient ainsi la cause efficiente du drame, est évidemment conçu d’après le prototype Alberich, qui « maudit l’amour » pour se saisir de l’Or du Rhin … Connaissant cette intention, on pourrait poursuivre ces analogies sans crainte d’aller trop loin : la lance, par exemple, qui a donné tant de mal aux savants critiques, parce qu’ils ne la retrouvaient pas (sous cette forme) dans les poèmes qui racontent les légendes de Parsifal et du Gral, cette lance que Parsifal conquiert par la chasteté on l’aurait trouvée, si on avait songé à la « sainte lance » de Wotan, taillée dans le bois de « l’arbre du monde » … Nous expliquerons la raison de cette intention poétique ; pour le moment, il nous suffît d’avoir établi par quelques indications précises, l’existence dans Parsifal d’une parenté, ou antithèse, voulue avec le Ring39. […] Alors, ce drame : l’âme livrée primitivement à la mensongère tromperie de l’Apparence, et niant l’amour ; puis, cette heure (l’heure possible parmi les pâles existences banalement dévouées aux vies mauvaises, dans le croupissement des animalités, sous l’aveuglement de l’être faux), l’heure (suprême) où le rêve, vague emportement de la pensée, hors le monde habituel te prend, âme, et t’enveloppe de ténèbres majeures et te donne cette vision du Vrai, donc ce choix, — l’heure, extraordinaire, (l’heure du Breuvage) où l’âme songe tout à coup qu’il est une autre vie, qu’elle peut vivre, qu’elle vivra ; dès lors, la lutte ; et le bien heureux moment où, âme, libre tu t’en iras, âme libre, libre du monde faux, éclosant dans le plein ciel de ton monde authentique, ô joyeuse de ton libre amour !
Il importe de montrer cette sorte d’évolution, en ce moment de décadence poétique où l’on ne s’attache guère qu’aux jeux de la forme. […] Ils prirent à témoin de leur joie éphémère Un ciel toujours voilé qui change à tout moment, Et des astres sans nom, que leur propre lumière Dévore incessamment. […] Le seul moyen par lequel nous puissions nous arracher un moment à ce inonde, la seule attestation suprême de l’au-delà, c’est encore la douleur et les larmes ; pleurer, n’est-ce pas sentir sa misère et ainsi s’élever au-dessus d’elle ?
« Apprenez, dit La Fontaine (qui, en général, indique lui-même cette démarcation que je trace en ce moment-ci), Apprenez que tout flatteur Vit aux dépens de celui qui l’écoute. » C’est une façon de nous dire qu’il s’agit simplement d’un flatteur et d’un imbécile qui est flatté, et non pas du caractère des animaux. […] Or, à un moment donné, Ulysse ayant pris sur Circé l’ascendant que d’abord elle avait pris ou voulu prendre sur lui, obtient d’elle qu’il puisse retransformer ses compagnons en hommes, les rendre à leur nature première. […] C’est surtout à partir du moment où La Fontaine a connu les fables des Indiens que La Fontaine introduit la solidarité des animaux dans ses fables, et que la solidarité entre des animaux différents d’espèce est affirmée.
Selon moi, le petit livre de Joseph Delorme, malgré des parties qui, ici et là, ont vieilli et qui puent l’école du temps, — l’école, qui tacherait à mes yeux le plus pur chef-d’œuvre, — le petit livre de Joseph Delorme est peut-être ce qui sauvera Sainte-Beuve, quand on rangera la bibliothèque, éparse et pêle-mêle en ce moment, du xixe siècle ! […] Son amour-propre, qui a dégradé les derniers moments de sa vie, lui fit tendre la main aux gros sous de la popularité, ces gros sous qu’un mépris public immérité lui jeta un jour au visage ; mais j’abaisserai moi-même un voile sur ces abaissements. […] Sainte-Beuve, qui pour travailler, ne mettait pas de manchettes comme Buffon, n’en est pas moins de l’école de Buffon, de la patience, de la rature, de l’accouchement à l’aide des secrétaires ; Sainte-Beuve n’avait pas le génie facile de la lettre, cet abandon dans le sentiment qui insinue dans la lettre une langueur divine, ou cette impétuosité dans la sensation du moment qui la fait jaillir de la plume, comme un oiseau s’échappe de la main !
Renan, qui est un mandarin actuel, nous annonce un moment où la planète la Terre n’appartiendra plus qu’à un corps constitué de Mandarins ou à un Mandarin unique, qui pourra tout, parce qu’il saura tout, et qu’avec sa science il pourra faire sauter la mappemonde, si elle s’avise de lui résister. […] Ni les événements sur lesquels je comptais pour élever son talent à la même puissance qu’eux, ces événements d’un moment unique dans l’Histoire : l’incendie de Rome sous Néron, l’état du inonde d’alors, et ce siège de Jérusalem, aussi exceptionnel par l’énergie que la nation qui le soutint, n’ont exalté dans M. […] que ce n’est point dans un pareil moment que je voudrais me rembarquer dans l’examen de ce vieux principe de critique, déjà jugé, qui consistait hier, sous la plume de M.
Il n’a de commun, cependant, avec cette austère physionomie que les teintes de douceur et de pathétique gracieux qui, par moment, surprenaient en elle. […] Il crut un moment même à l’audace et à la fortune de Rienzi. […] La science partout éveillait l’émulation, et pouvait parfois tromperie talent sur le moment venu d’oser en poésie, et sur l’audace permise à notre langue.
À ce moment, l’urine ne contenait pas d’iodure de potassium. […] Dès, ce moment, des gorgées de fluide de même nature se sont succédé à des intervalles à peu près égaux ; chaque gorgée pesait environ 15 grammes. […] La salive qui a été bouillie perd cette propriété pour le moment ; mais elle la reprend au bout de quelques jours. […] La quantité du suc pancréatique qu’on peut recueillir à ce moment est excessivement faible et insuffisante pour les expérimentations. […] Au moment même de l’opération, l’animal ne parut pas souffrir de l’injection, et la plaie du ventre fut recousue comme à l’ordinaire.
Mais à partir d’un certain moment, qu’il resterait précisément à situer, et dans le temps, et dans le lieu, à ce certain moment commence une malheureuse ère seconde où nous pouvons gagner ou perdre. […] Jusqu’au dernier moment il était libre de ne point mourir pour le salut du monde. […] C’est un moment unique et comme un point de moment, un moment ponctuel. […] On considérait la vie au moment qu’elle serait devenue la mort. […] C’est même le moment d’en parler.
La pièce n’est et n’est vraiment, ne vit et ne vit vraiment, toutes nuances mises à part, que lorsqu’elle vit dans l’être du public comme elle vit sur le théâtre et dans l’être du dramaturge, et dans l’instant, au moment même du contact. […] Une pièce naît dans le temps, à un certain moment du temps, pour ce temps et non pour un autre. […] À aucun moment de sa carrière, « l’activité fabricatrice », comme disent les thomistes, ne gauchira. […] * * * Mais, un moment ! […] Capable de grandeur aux moments où le pathétique l’emporte, il submerge le drame sous un torrent étincelant de paradoxes, de jeux de mots, de jeux d’esprit.
Je n’ai voulu que fixer un moment de leur développement. […] Le moment peut donc être bien choisi pour esquisser la physionomie de l’écrivain. […] On est venu à un même moment du développement intellectuel, on habite la même ville, et on est si loin ! […] À peine est-elle tolérable à ceux qui, dépourvus de vie intérieure, se contentent du plaisir du moment. […] Au dernier moment il confesse sa supercherie.
Lebrun a appelé l’Ajax du parti libéral sous la Restauration ; on n’a pas même assez rappelé qu’à un certain moment, à l’époque de la dernière censure, M. de Salvandy avait été, à lui seul, toute la presse périodique opposante.
Du moment que vous touchez la veine, n’enfoncez pas trop, vous arriverez mieux.
Il y a eu tour à tour, dans le monde, des philosophies d’essai, de destruction, et des philosophies régulières et de fondation : il y a eu à un certain moment, comme philosophie régulière et régnante, le platonisme des Pères ; puis, au moyen âge, l’aristotélisme catholique des théologiens.
On se sent saisi par une seule idée, comme sous la griffe d’un monstre tout puissant, on contraint sa pensée, sans pouvoir la distraire ; il y a un travail dans l’action de vivre qui ne laisse pas un moment de repos ; le soir est la seule attente de tout le jour, le réveil est un coup douloureux qui vous représente chaque matin votre malheur avec l’effet de la surprise.
Si l’on veut en effet se faire une fois le spectateur de sa réflexion solitaire, on s’apercevra qu’on ne pense point avec le langage de tout le monde, et que la rapidité de la conception crée à chaque moment un langage nouveau, hiéroglyphique, symbolique, sténographique surtout, où les mots prennent des sens étranges, lointains, méconnaissables à tous, où ils s’associent selon des affinités créées par les caprices les plus imprévus de notre mémoire, où ils se groupent selon les lois d’une grammaire et d’une syntaxe qui sont un perpétuel défi à la grammaire et à la syntaxe établies.
Emmanuel Des Essarts Il faut avoir entendu parler de ce rôle que joua Victor de Laprade, par Théodore de Banville et par Leconte de Lisle lui-même, pour être persuadé que Laprade fut, à son moment, l’un des novateurs les plus actifs de notre siècle.
La messe, les prières, les sacrements, les cérémonies de l’Église, que l’auteur rappelle à tous moments, augmentent aussi les beautés religieuses de l’ouvrage.
Jusqu’à ce moment la solitude avait été regardée comme affreuse, mais les chrétiens lui trouvèrent mille charmes.
Non, mais soyez tranquille ; nous l’enfermerons dans la cave, le moment venu.
Mais ce dernier cliché s’est formé à un moment où le mot comble était très vivant et tout à fait concret ; c’est parce qu’il contient encore un résidu d’image sensible que son alliance avec vœux nous contrarie » Dans le précédent, le mot colorer est devenu abstrait, puisque le verbe concret de cette idée est colorier, et il s’allie très mal avec rougeur et avec joues.
Sur ces sujets il est bien plus rare que l’esprit, et même, à certains moments, rien n’est plus voisin du génie. […] On ajoute qu’au dernier moment il leva les yeux vers le ciel. […] Par moments, au contraire, il manifeste une tendance à la sévérité. […] À ce propos nous devons revenir, Messieurs, sur la contradiction que nous avons signalée, il y a un moment. […] Elle s’aperçoit à tous moments de la perte qu’elle a faite180.
Enfin il y a des faits nouveaux qui, quoique bien observés, n’apprennent rien à personne ; ils restent, pour le moment, isolés et stériles dans la science ; c’est ce qu’on pourrait appeler le fait brut ou le fait brutal. […] Chaque grand homme tient à son temps et ne peut venir qu’à son moment, en ce sens qu’il y a une succession nécessaire et subordonnée dans l’apparition des découvertes scientifiques. […] En effet, la sécrétion salivaire est éminemment intermittente et n’a lieu qu’au moment du repas ou d’une excitation ; pendant tout le reste du temps, la sécrétion est nulle ou insignifiante. […] C’est donc sur la détermination de ces conditions que le physiologiste et le médecin doivent concentrer pour le moment tous leurs efforts. […] De sorte qu’on peut avoir des quantités de sucre très variables, suivant le moment dans lequel on fait son examen.
Tout acte humain est par nature un fait individuel, passager, qui ne se produit qu’à un seul moment et en un seul endroit. […] Tout ce travail aboutit à dresser le tableau de la vie humaine à un moment donné ; il donne la connaissance d’un état de société (en allemand, Zustand). […] Elle étudie les états de société à des moments différents et constate entre eux des différences. […] Or l’évolution n’est pas un mouvement régulier ; il s’écoule une longue série d’années sans changement notable, puis viennent des moments de transformation rapide. […] 2° L’étendue de l’événement sera indiquée dans le lieu (la région où il s’est accompli et celle que ses effets directs ont atteinte), et dans le temps (le moment où il a commencé à se réaliser et le moment où le résultat a été acquis).
Nous découvrons beaucoup l’Amérique en ce moment. […] C’est à ce moment que la vocation littéraire apparut chez lui pour la première fois. […] Les romans de M. de Rouvre, venant au même moment que les drames de M. […] Mais ça m’est égal du moment qu’il existe. […] Elle fait beaucoup parler d’elle en ce moment.
Du fond de ce scepticisme, il s’élance par moments à une hauteur d’enthousiasme et de poésie qui n’a de rivale que dans la sublimité d’Homère lui-même. […] Tibère parut quelques moments tempérer la rigueur du pouvoir. […] Mais Tibère ne voulut pas quitter son asile, même pour assister aux derniers moments de sa mère. […] Couchez-vous sur ce lit, et reposez-vous un moment. […] La jeunesse et la beauté contemplent avec une insatiable curiosité ces images de destruction et ces détails minutieux de la mort ; puis les plaisanteries bizarres, qui se mêlent au jeu des personnages, semblent de moment en moment soulager les spectateurs du poids qui les oppresse : de longs rires éclatent dans tous les rangs.
Il n’apprit à quels ennemis il avoit affaire, qu’au moment qu’il embrassa l’opinion de Copernic touchant le systême du monde. […] Il crut voir le moment où l’on l’assassineroit. […] Dans ce moment, tout hors de lui-même, il s’écria : Je suis perdu, si les flammes n’ont point épargné mon Satyre & mon Cupidon. […] Il lui fit ombrage dès le moment qu’il fut érigé par François premier. […] Sous Henri II, l’université crut avoir trouvé le moment favorable de renverser l’ouvrage du roi, son prédécesseur.
Mais quand arrivera le moment si doux de la vengeance ? […] On a vu, chez nos voisins, les hommes du plus grand talent frapper de mort des ouvrages fort agréables, en y introduisant des allusions aux intérêts passagers et âpres de la politique du moment. […] À l’instar des choses qui nous semblent les plus odieuses maintenant : la féodalité, les moines, etc., le Classicisme a eu son moment où il était utile et naturel. […] Quel bonheur de vivre à Philadelphie, me dis-je au premier moment ! […] Quel est le confident qui, dans un moment de péril, s’aviserait de ne pas répondre nettement à son roi qui lui dit quelle heure est-il ?
Mais, sur le rapport de l’ombre et de la lumière, Hugo a une vue originale : c’est que, dans notre monde, ce qui l’emporte sur le reste, ce qui semble faire le fond, c’est l’ombre, la nuit, tandis que la lumière et le jour semblent des accidents passagers, bornés à un petit nombre de lieux et de moments. […] Sous les clartés du dehors, ce que le poète veut découvrir, ce sont les clartés de l’intelligence, les vérités, que le monde physique, au moment même où il semble les faire éclater aux yeux, enfouit et dérobe. […] Les admirateurs de Zola pourraient même, dans ces moments-là, comprendre Victor Hugo, si, à côté du il réaliste, n’y avait en lui un idéaliste aussi ailé que l’Ariel de Renan. […] Une fois monté par une illusion, il allait très longtemps, même quand l’illusion avait disparu. « Une horloge ne s’arrête pas court au moment précis où on en perd la clef. » Le peuple est tout à fait comparable à M. […] Schiller se plaint à Goethe que Mme de Staël, avec son esprit français, « éloigne de lui toute poésie », parce que « voulant tout expliquer, tout com prendre, elle n’admet rien d’obscur, rien sa raison ne d’impénétrable… Ce que le flambeau de peut éclairer n’existe pas pour elle. » Doudan se souvenait peut-être de Schiller quand il a dit : « Il y a des moments où j’aime autant un grand gâchis qu’une précision étroite.
Je prie le lecteur de bien vouloir suspendre son jugement, faire abstraction pour un moment du mode habituel de considérer le xviie siècle, et d’examiner sans parti pris les considérations que j’ai à lui soumettre. […] Corneille et Racine (et, par moments, Rotrou). […] Les « documents » sont indispensables, comme explication et contrôle ; mais leur nombre même déroute souvent, sans compter les lacunes et les falsifications ; c’est en outre une matière dont la signification réelle pour le moment où le fait se produisit est fort difficile à évaluer ; puisque même les statistiques exactes de nos jours sont trompeuses, que dire alors des « faits » du passé ? […] Nous-même, pour avoir restitué aux Italiens beaucoup de vers de du Bellay, de Desportes, de Régnier, de Ronsard, de Baïf, de Magny, nous avons failli un moment partager cet état d’esprit. […] En ce moment, je ne me rappelle aucun exemple antérieur à Sapho (drame), où ce « truc » du sommeil subit aurait servi à tirer l’auteur d’une situation embarrassante.
Entre Strasbourg et Besançon, pas une gazette ; « à Besançon, il n’y a que la Gazette de France, pour laquelle un homme qui a le sens commun ne donnerait pas un sou dans le moment actuel, et le Courrier militaire, vieux de quinze jours ; des gens bien mis parlent des choses qui sont arrivées il y a deux ou trois semaines, et leurs discours démontrent qu’ils ne savent rien de ce qui se passe aujourd’hui ». À Clermont, « je dînai ou soupai cinq fois à table d’hôte avec vingt ou trente négociants, marchands, officiers, etc. ; à peine un mot de politique dans un moment où tous les cœurs devraient battre de sensations politiques ; l’ignorance ou la stupidité de ces gens-là est incroyable. […] C’est le bon villageois, doux, humble, reconnaissant, simple de cœur et droit d’esprit, facile à conduire, conçu d’après Rousseau et les idylles qui se jouent en ce moment même sur tous les théâtres de société86. […] Bien mieux, on lui défend de faucher son pré ou sa luzerne avant la Saint-Jean, d’entrer dans son propre champ du 1er mai au 24 juin, d’aller dans les îles de la Seine, d’y couper de l’herbe ou de l’osier, même si l’herbe et l’osier sont à lui ; c’est qu’à ce moment les perdrix couvent, et que le législateur les protège ; il aurait moins d’égards pour une femme en couches ; les vieux chroniqueurs diraient de lui comme de Guillaume Rufus que ses entrailles sont paternelles seulement pour les bêtes.
Elle avait disparu un moment dans une grande tempête de l’esprit humain ; mais, la tempête passée, le besoin de croire revenu, elle s’était retrouvée au fond des âmes, comme la croyance naturelle et indispensable de la France et de l’Europe. […] On voit, dès ce moment, qu’il ne veut de paix que juste ce qu’il en faut pour préparer d’autres guerres, et que son véritable ministre des affaires étrangères sera le hasard des batailles. […] « Si donc, à notre avis du moins, l’institution du consulat à vie avait été un acte sage et politique, le complément indispensable d’une dictature devenue nécessaire, le rétablissement de la monarchie sur la tête de Napoléon Bonaparte, était non pas une usurpation (mot emprunté à la langue de l’émigration), mais un acte de vanité de la part de celui qui s’y prêtait avec trop d’ardeur, et d’imprudente avidité de la part des nouveaux convertis, pressés de dévorer ce règne d’un moment. […] Mais ils s’arrêtaient dans les fonds, où ils étaient cachés par la brume et retenus par les ordres de l’Empereur jusqu’au moment opportun pour l’attaque. » Le choc des quatre-vingt-deux escadrons russes et autrichiens et les manœuvres de notre propre cavalerie s’ouvrant devant cette masse et se refermant pour la charger en détail ; les combats corps à corps de chacun de nos bataillons contre les bataillons ennemis ; la détonation de notre artillerie entrouvrant de ses boulets la glace des étangs sur lesquels l’infanterie russe s’est accumulée pour mourir de deux morts ; les deux souverains de Russie et d’Autriche fuyant à la fin du jour du champ de bataille, aux cris de Vive l’Empereur !
Ce moment se rencontre précisément à la fin de César et au commencement du règne d’Auguste : plus tôt l’énergie de l’esprit romain était distraite par la lutte entre la république et l’usurpation ; plus tard il n’y avait plus d’énergie ; la servitude prolongée avait tout nivelé et tout énervé, dans les lettres comme dans la politique. […] XVII À partir de ce moment Horace n’écrivit plus ni satire personnelle, ni invectives, ni épigrammes ; il craignit sans doute de compromettre dans ses querelles personnelles ses illustres patrons. […] Notre ami Septimus pourra vous dire que je suis loin de vous oublier, et, si vous avez été assez fier pour négliger mon amitié, mon intention n’est pas de vous rendre la pareille et de faire le fier comme vous. » Cependant Horace publiait en ce moment le premier volume (rouleau) de ses œuvres. […] Au même moment Auguste perdait dans Mécène la sûreté des conseils et les délices d’une longue amitié.
Quand on ferme le livre, on croit fermer la porte sur le mystère un moment entrevu du ciel ; mais on se souvient de ce qu’on vient de voir, on emporte un rayon, un espoir, une joie, une paix. […] Si je vous envoie quelque peine ou quelque contradiction, n’en murmurez point, et que votre cœur n’en soit point abattu ; je peux en un moment vous soulager et changer votre chagrin en joie. […] Vous ne travaillerez pas longtemps ici-bas, et vous ne serez pas toujours dans les douleurs ; attendez un peu et vous verrez bientôt la fin de vos maux ; un moment viendra où toutes les peines et les agitations cesseront ; tout ce qui passe avec le temps est court et peu considérable. […] Nous pouvons perdre en un moment, par notre négligence, ce qu’à peine avons-nous acquis par la grâce, avec un long travail.
Pourquoi encore cette fable de son duel avec Alcippe, qu’il a percé, dit-il, de deux coups d’épée et jeté sur le carreau, et qui entre au moment même où le menteur le donnait pour mort46 ? […] C’est une surprise de l’âme enlevée à elle-même ; c’est comme une secousse involontaire qui fait tomber pour un moment de nos épaules le poids de la vie. […] Ni ceux qui se plaisent à la tendresse ne trouvent qu’il en a manqué où il en fallait ; ni ceux auxquels il faut beaucoup de matière pour contenter leur imagination ne le trouvent timide ou stérile dans ses conceptions ; ni ceux qui veulent de la raison partout, même en amour, ne le surprennent un moment hors du naturel et du vrai. […] C’est dans cette langue que s’exprime tout homme touché de quelque intérêt sérieux ; c’est ainsi que la parlent, an moment où ils ne sont que des hommes, les écrivains mêmes qui la violent dans leurs livres.
La vie est toujours un effort ; il est doux de sentir par moment cet effort se suspendre, de s’évanouir à soi-même, de se dissoudre comme un rêve. […] Les premiers serments d’amour furent échangés près d’un arbre effeuillé par les vents, sur un roc en poussière, devant un ciel toujours voilé qui change à tout moment, sous les yeux de l’Etre immobile qui regarde mourir245. […] Dans les bras l’un de l’autre enlacés un moment, Tous, avant de mêler à jamais leur poussière, Font le même serment « Toujours ! […] c’est un cri sacré que tout cri d’agonie, Il proteste, il accuse au moment d’expirer.
Philosophie et littérature de l’Inde primitive I Reprenons, après cette digression de cœur, l’entretien littéraire un moment suspendu. […] L’histoire, qui est le registre de naissance et de mort de ces civilisations, nous les montre partout naissant, croissant, dépérissant, mourant avec les dieux, les cultes, les lois, les mœurs, les langues, les empires qu’elles ont fondés pour un moment ici ou là dans leur passage sur ce globe. […] Telle me semble la vie des hommes sur cette terre, et sa durée d’un moment, comparée à la longueur du temps qui la précède et qui la suit : de l’hiver il repasse dans l’hiver. » L’air extérieur, la pluie, la neige, le vent, les frimas, c’est la condition de l’homme ; la salle chaude et abritée, c’est le progrès ; l’oiseau, c’est la civilisation qui traverse un moment cette douce température, mais qui, hélas !
Nous allons essayer de le dire en quelques lignes, et ici nous serons obligé d’entrer un moment dans la métaphysique. […] VII Nous convenons néanmoins, avec ceux qui signalent en ce moment une certaine stérilité momentanée dans le génie littéraire de l’Europe moderne, qu’en effet ce génie semble non pas décroître, mais se reposer comme d’une trop énergique production d’hommes et d’œuvres, depuis la mort de Goethe, de Schiller, de Klopstock en Allemagne, et depuis la mort de Byron, de Walter Scott, de Fox, de Pitt, de Canning, de Sheridan, de Peel en Angleterre. […] Il y eut un moment où l’on pouvait espérer une littérature française née d’elle-même. […] XXVIII Nous ne pouvons terminer cet aperçu rapide sur la langue du siècle de Louis XIV, sans nous arrêter un moment sur le principal caractère de la littérature de ce siècle.
Pendant deux ans, la négociation passa par toutes les phases qu’on peut imaginer, parfois semblant toucher au terme, le plus souvent pénible et laborieuse, et à certains moments désespérée. […] Au reste, pour apprécier l’ensemble de la conduite et du caractère du président Jeannin en ces années, on n’a rien de mieux à faire que de s’en rapporter au témoignage décisif du cardinal de Richelieu, un moment son adversaire, qui le vit de près à l’œuvre, qui lisait et relisait ses Négociations manuscrites durant son exil d’Avignon, et à qui il échappe à son sujet des paroles d’une admiration généreuse : On ne saurait assez dire de ses louanges, écrit-il à l’occasion de sa mort ; mais il faut faire comme les cosmographes qui dépeignent dans leurs cartes les régions tout entières par un seul trait de plume.
Saint-Simon, en ces moments, renchérit sur Dangeau même, et, à force de vouloir entrer dans des explications de préséance et d’étiquette, il l’embrouille au lieu de l’éclaircir. […] Mais cette continuité d’usage et de ton dans la société cesse vers le moment où Louis XIV finit : au xviie siècle, en remontant, c’est tout un ancien, tout un nouveau monde.
Marolles, à quelques moments, eut des velléités d’ambition plus haute, et il fut question pour lui de quitter son abbaye, peu de temps après l’avoir obtenue, et de « traiter » (c’est le terme qu’il emploie) soit pour l’archevêché d’Aix, soit pour l’évêché de Luçon. Tout en envisageant ces dignités ecclésiastiques d’une manière beaucoup trop mondaine, il eut pourtant le bon sens de reconnaître ses limites et de sentir qu’il n’avait rien de la capacité ni de la vocation épiscopale : « Car pour en dire la vérité, bien que je tinsse à honneur d’avoir été proposé pour un état si sublime, si est-ce que, ne m’en trouvant pas digne, je me contentais seulement d’avoir donné sujet d’en parler. » C’était déjà, en effet, beaucoup d’honneur pour lui qu’on eût songé, un moment, à en faire un évêque.
Halévy était bien digne d’être l’un des cinq, et je puis dire que ces cinq convives représentent très-bien le groupe des arts et de la poésie, comme il se plut toujours à le concevoir ; je les retrouve dans sa pensée sous d’autres noms et avec quelques variantes, à plus d’un moment. […] Vitet, qui est depuis plus de trente ans une sorte de secrétaire perpétuel extérieur, le plus brillant et le plus fin, mais à ses heures et à ses moments, se dit : « Pourquoi nous conduire toujours comme une Académie muette et dépendante, nous qui possédons par excellence toutes les autres formes sensibles de l’expression ?
Rien de plus simple donc que, dans son propre danger et à chaque moment de la maladie qui le mettait en face de la mort, lui, sa famille, ses entours, se soient abandonnés sans réserve, en toute confiance, aux mains de Celui qui peut tout et pour qui la nature n’a pas d’obstacles. […] Il est en effet bien à plaindre : il a de la candeur, et il viendra un bon moment où il s’en humiliera devant Dieu et réparera la mauvaise édification que son impatience peut donner.
je ne sais, que je le priais de m’attendre un moment, dans le passage des Panoramas, il m’a dit devant la grille du boulevard : c’est là n’est-ce pas ? […] 8 heures : Un cœur tumultueux soulevant comme les os et la peau de sa poitrine, et une respiration stridente qu’il semble tirer de son estomac… » Nuit de dimanche (19 juin) à lundi : « … Toute la nuit, ce bruit déchirant d’une respiration qui ressemble au bruit d’une scie dans du bois mouillé et que scandent à tout moment des plaintes douloureuses et des “han” plaintifs.
Les hommes, pour lesquels il n’existe que des unités, des moments, des occasions, doivent rarement se refuser aux biens partiels qu’ils peuvent répandre. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens.
Supposez la physiologie adulte et la théorie des mouvements cellulaires aussi avancée que la physique des ondulations éthérées ; supposez que l’on sache le mécanisme du mouvement qui, pendant une sensation, se produit dans la substance grise, son circuit de cellule à cellule, ses différences selon qu’il éveille une sensation de son ou une sensation d’odeur, le lien qui le joint aux mouvements calorifiques ou électriques, bien plus encore, la formule mécanique qui représente la masse, la vitesse, et la position de tous les éléments des fibres et des cellules à un moment quelconque de leur mouvement. […] Enfin elle montre non seulement que les deux événements peuvent être liés entre eux, mais encore que toujours et forcément ils doivent être liés entre eux ; car, du moment où ils se ramènent à un seul doué de deux aspects, il est clair qu’ils sont comme l’envers et l’endroit d’une surface, et que la présence ou l’absence de l’un entraîne infailliblement celle de l’autre. — Nous sommes donc autorisés à admettre que l’événement cérébral et l’événement mental ne sont au fond qu’un seul et même événement à deux faces, l’une mentale, l’autre physique, l’une accessible à la conscience, l’autre accessible aux sens.
Le moraliste ne regarde pas si elle est utile ou nuisible, bien ou mal conduite, liée à cet événement ou à cet autre, produite en ce lieu, à ce moment, à cette occasion, par cette personne, mais si elle est juste ou injuste ; il écarte ce cortège obscur de caractères accessoires et découvre dans la foule le droit, qui s’y cachait confondu. […] L’une fournit toujours des choses agréables, L’autre en moins d’un moment lasse les regardants.
Ainsi, suivant l’auteur, nous parcourons rapidement par la pensée la série des états de conscience, intermédiaires entre le moment du souvenir et le moment où l’événement s’est produit, et c’est par ce mouvement rapide qu’un fait nous apparaît comme passé, et par suite que la mémoire diffère de l’imagination.
*** Il importe toutefois de fixer ici les limites précises dans lesquelles s’exerce avec efficacité le pouvoir bovaryque, d’indiquer son rôle et sa place par rapport à un pouvoir plus vaste qui l’embrasse et dont il n’est le représentant qu’à un moment déterminé : le pouvoir d’évoluer. […] Au contraire, des organismes, dont les formes ancestrales n’ont jamais été fixées à aucun moment de la durée, se montrent toujours capables de métamorphoses malgré leur haut degré de perfection.
Il va sans doute venir un moment où nul ne pourra se distinguer entre tous : voyez déjà comme toutes les réputations qui croissent encore au milieu de nous ont peine à se traîner du jour au lendemain. […] Dans tous les cas, le moment n’est pas encore venu de prévoir ; il ne peut toutefois tarder d’arriver.
Car je n’accepte pas pour mon compte, et je ne crois pas que les gens de la Libre-Pensée qui ont toujours fait de Mme Sand une espèce d’héroïne intellectuelle, acceptent, pour le leur, ses déclarations du moment… très peu héroïques. […] Elle a cette chance, pour son bonheur littéraire du moment, de n’avoir pas d’originalité.
Tout est, en ce moment du xixe siècle, plongé dans un matérialisme qu’on ne sait plus, pour peu qu’on respecte sa langue, même comment nommer, mais les poètes modernes, de cela seul qu’ils sont des poètes, ont l’horreur instinctive de cette fange dont ils veulent dégager leurs pieds divins, et ils les en arrachent pour ne pas être étouffés par elle. […] La Critique de ce moment du siècle a procédé avec M.
Elle ne semble intelligible que si, par une inconsciente prestidigitation intellectuelle, on passe instantanément du réalisme à l’idéalisme et de l’idéalisme au réalisme, apparaissant dans l’un au moment précis où l’on va être pris en flagrant délit de contradiction dans l’autre. […] Plaçons-nous donc d’abord au point de vue idéaliste, et considérons par exemple la perception des objets qui occupent, à un moment donné, le champ visuel.
Il faut adapter une règle aux circonstances et au moment. […] c) Citons comme exemple du troisième type (3 + 6 + 3) les vers suivants : La saison | des renoncules d’or, | la saison Qui transfor | me en scintillant écrin | le gazon, Reparaît ; les yeux baignés d’amour, elle éveille La fourmi dans ses greniers blottie, et l’abeille Attendant, sous l’abri tiède et clos, le moment Où la fleur, dont le bouton hâtif pointe à peine, Va s’unir, alourdie et pâmée, à l’amant.
Ce gros mathématicien, mon voisin, qui, la craie en main, s’amuse à chiffrer en fumant, l’air gai et l’esprit tranquille, contemple en ce moment cette intelligence immense qu’on ne peut concevoir sans stupeur. […] J’aperçois par la même conscience un tout continu et persistant, dont ces sensations sont des moments isolés, et que j’appelle moi.
C’est sur ce fonds si riche d’études et de souvenirs que passa par moment le souffle de la fantaisie, pour agiter la feuille d’or : Sic leni crepitabat bractea vento. […] Écoutons un moment cette création de l’art, qui ressemble à l’action spontanée du génie : « Tombe sur toi la ruine, impitoyable roi !
C’était le moment de l’invoquer ; l’hymne de la prière sortait du cœur de l’homme. […] À partir de ce moment, l’enfant était admis dans cette sorte de société sainte et de petite église qu’on appelait la famille. […] Il sentait à tout moment sa faiblesse et l’incomparable force de ce qui l’entourait. […] Elle est en nous ; elle ne nous quitte pas ; elle nous parle à tout moment. […] L’homme se sentait à tout moment dépendre de ses dieux, et par conséquent de ce prêtre qui était placé entre eux et lui.
L'Athénée royal, l’ancien Lycée, fondé à la fin du xviiie siècle dans les années qui précédèrent la Révolution et où La Harpe avait commencé à professer son cours si célèbre ; cet Athénée qui revit le même La Harpe en bonnet rouge pendant la Terreur, puis repentant et faisant amende honorable de ses excès philosophiques ; cet Athénée pourtant qui était resté le centre de la philosophie du xviiie siècle, où les Garat, les Tracy, les Chénier, les Ginguené, les Daunou allaient causer du moins, quand ils n’y professaient pas ; qui eut la primeur des leçons de chimie des Lavoisier, des Fourcroy, et plus tard les cours de physiologie des Gall et des Magendie ; cet Athénée qui, sous la Restauration, était resté un foyer d’opposition libérale et l’antagoniste de la Société des Bonnes Lettres ; où Benjamin Constant jusqu’à la fin faisait des lectures ; où Mignet (il y a vingt ans) débutait par une leçon sur la Saint-Barthélemy qu’on lui redemandait d’entendre une seconde fois à huitaine (tant on la trouvait à la hauteur du moment)… eh bien !
C’est pour obtenir du crédit ou du pouvoir qu’on étudie la direction de l’opinion du moment ; mais qui veut penser, qui veut écrire, ne doit consulter que la conviction solitaire d’une raison méditative.
A-t-il un moment d’hésitation ?
Ou bien, quand l’œuvre est d’importance et qu’on veut « élever ses vues », on s’efforce de la situer historiquement dans une série de productions écrites ; ou bien, on recherche quel moment elle marque dans le développement, la dégénérescence ou la transformation d’un genre les genres littéraires étant considérés comme un je ne sais quoi de vivant et d’organique, qui existerait indépendamment des œuvres particulières et des cerveaux où elles ont été conçues… Cette critique-là, qui n’est qu’une idéologie, exclut presque entièrement la volupté qui naît du contact plein, naïf, et comme abandonné, avec l’œuvre d’art.
Sainte-Beuve Ces sortes de chants sont, à proprement parler, le pendant et l’accompagnement du genre d’épopée rustique et d’idylle que Mme Sand, au même moment, mettait à la mode par le Champi, la Mare au Diable et la Petite Fadette.
Cet homme c’est le « Héros », c’est celui qui entend chanter l’âme intérieure des choses, qui nous mène au bord de l’infini et nous y laisse, quelques moments, plonger le regard.
Dans sa retraite, Pilate ne songea probablement pas un moment à l’épisode oublié qui devait transmettre sa triste renommée à la postérité la plus lointaine.
Mais, selon nous, une troisième théorie des idées est possible : c’est celle qui, sous l’opposition du sujet pensant et du sujet pensé, chercherait une unité plus profonde, une action commune à l’esprit et aux choses, un processus universel dont la « représentation intellectuelle » est un moment et une manifestation incomplète.
Les mots primitifs d’origine germanique sont encore dans le vocabulaire au nombre de plus de quatre cents ; on compte dans la même couche ancienne, mais tout à fait à la surface, une vingtaine de mots grecs importés par les Croisés, au xiiie siècle ; la langue française ayant à ce moment un grand pouvoir d’assimilation, leur origine est méconnaissable ; radicalement francisés, ils sont devenus chaland, chicane, gouffre, accabler, avanie.
Sagon & la Huéterie avoient été les plus zélés partisans de Marot, dans le temps de sa gloire, lorsqu’il étoit en faveur à la cour de François premier, qu’il la divertissoit par l’enjouement & les saillies d’un esprit original : mais, du moment qu’ils virent ce poëte sorti de France pour des affaires de religion, ils le décrièrent.
Les transports qui suivent la reconnaissance des deux époux ; cette comparaison si touchante d’une veuve qui retrouve son époux, à un matelot qui découvre la terre au moment du naufrage ; le couple conduit au flambeau dans son appartement ; les plaisirs de l’amour, suivis des joies de la douleur ou de la confidence des peines passées ; la double volupté du bonheur présent, et du malheur en souvenir ; le sommeil qui vient par degrés fermer les yeux et la bouche d’Ulysse, tandis qu’il raconte ses aventures à Pénélope attentive, ce sont autant de traits du grand maître ; on ne les saurait trop admirer.
Quel Hector paraît au premier moment devant Énée, quel il se montre à la fin : mais la pompe, mais l’éclat emprunté de Jésabel, Pour réparer des ans l’irréparable outrage, suivi tout à coup, non d’une forme entière, mais ………………… De lambeaux affreux Que des chiens dévorants se disputoient entre eux, est une sorte de changement d’état, de péripétie, qui donne au songe de Racine une beauté qui manque à celui de Virgile.
Chapitre ix Une nuit déjà légendaire (noël 1914) Le plus haut moment de cette vie spirituelle de nos armées fut sans doute la Noël de 1914.
À Athènes, les chants de Callistrate célébraient tous les jours les deux héros qui avaient délivré la ville de la tyrannie des Pisistratides ; ces chants étaient dans la bouche de tous les citoyens, et à la fin des repas, dans ces moments où l’on couvrait la table de fleurs, où les jeunes esclaves distribuaient des couronnes sur toutes les têtes, et où les vins délicieux de l’Archipel animaient déjà les convives, chacun prenant dans sa main des branches de myrte, faisait une libation aux Muses, et chantait l’hymne d’Armodius et d’Aristogiton.
Un moment d’ivresse vient de lui faire un devoir d’offrir sa main à Pepita. […] Les voici enlacés, ils s’enivrent de ce mouvement rythmé qui les berce, l’étreinte se serre, c’est le moment du baiser ; Soledad fléchit sur la poitrine de son cavalier. […] Elle vivait encore, pour le moment, en traduisant du Darwin à l’usage des revues et des journaux, et répondait au nom enfantin de Lillette. […] … » Eline, à qui les couleurs revenaient dans les battements de sa respiration un moment interrompue, s’appuya au petit balcon, la main au-dessus des yeux, rougissante et nimbée de lumière. […] Un moment encore !
Elle est juste, aux moments où M. […] On a ses moments de relâche, si assidu que l’on veuille être à obscurcir les moindres choses. […] Giraudoux se moque, par moments, de la syntaxe. […] » il accepte et il glorifie les conditions que le monde impose à un moment nouveau de l’existence. […] Pareillement, concluait-il, un langage pendant longtemps cherche sa forme ; un moment vient qu’il l’a trouvée : laissez-le s’y tenir.
Le Danois Hamlet et le Maure Othello, l’Espagnol Rodrigue et la Crétoise Phèdre, Arnolphe et Alceste, ces Parisiens, sont tous, à un égal degré, des personnages de théâtre, parce qu’ils sont également conçus et posés dans un moment critique de leur vie et de leur caractère. […] Leconte de Lisle ce que cette idée devient pour un poète. — S’il n’y a vraiment qu’un animal au monde, et si toutes les formes de la vie, emboîtées les unes dans les autres, ne sont que les différents moments d’une même force, nous sommes autorisés à croire qu’il n’y a qu’une seule sorte d’âmes éparses à travers ces formes. […] En outre, comme les mœurs ne sont pas un cas d’exception, mais bien un moment dans une série, les Goncourt se sont ingéniés à commencer leurs romans presque sans exposition et à les finir presque sans dénouement, sur des scènes qui ont pu se produire hier, qui pourront se reproduire demain. […] Du moment que l’écrivain se propose de montrer clairement ce qui est, ne doit-il pas d’abord noter avec exactitude le milieu où se meuvent ses personnages ? […] A partir du moment où il aboutit à ce singulier renversement d’esprit, sa pensée commença de fonctionner à vide.
Or il n’y a pas en ce moment dans l’Europe de peuple qui, au même degré que la Belgique, travaille à la fois son âme et sa terre, qui vive davantage de l’école, du foyer et de la forge. […] Nous retrouverons, il est vrai, plusieurs d’entre eux au moment d’apprécier la Poésie, le Théâtre ou la Critique. […] Est-ce toujours en ces moments, est-ce même d’ordinaire ce que vous dites ou ce qu’on vous répond qui importe le plus ? […] Elle ne sort pas, à un moment donné, d’un abîme inexorable, inaccessible et insondable. […] Même dans les moments les plus étranges, dans les malheurs les plus mystérieux et les plus imprévus, nous n’avons presque jamais à lutter contre un ennemi invisible ou totalement inconnu.
C’est une vie d’un moment qu’ont de tels discours, même lorsqu’ils réussissent, une vie bien éphémère ; le lendemain, imprimés, on n’y retrouve plus, bien souvent, les grâces ou les malices de la veille. […] Pour nous, au contraire, quelle belle Ode, toute sincère et pleine de sens, de patriotisme, d’à-propos, — d’un à-propos qui se fait sentir encore aujourd’hui à ceux qui ont traversé des temps plus ou moins semblables, et qui comprennent qu’il est des moments où le salut de tous dépend d’un seul bras, d’une seule tête, — que cette Ode, Stances ou Prière pour le roi allant en Limousin (1605)127 : Ô Dieu, dont les bontés de nos larmes touchées Ont aux vaines fureurs les armes arrachées, Et rangé l’insolence aux pieds de la raison, Puisque à rien d’imparfait ta louange n’aspire, Achève ton ouvrage au bien de cet Empire, Et nous rends l’embonpoint comme la guérison. […] Pour le moment, on est dans la lutte. […] C’est à ces grands hommes en effet, et à ce qu’ils eurent de ferme, d’imposant et de suivi, que la littérature de cet heureux siècle dut (avec ce qui lui venait de l’inspiration originale et naturelle des talents ou des génies) d’acquérir et de combiner un élément tout nouveau de grandeur, de gravité, de dignité, de noblesse, d’autorité, tellement que cette littérature conservant les beautés propres à notre race, on aurait dit par moments que le vice national, la légèreté gauloise, avait disparu, ou n’y restait que pour la grâce. […] Saint-Marc s’en est tiré en homme très-habile : en lisant, J’ai cru un moment que le pauvre Campenon avait été quelque chose.
Après six minutes, à partir du moment de la piqûre, l’animal était mort, c’est-à-dire que la respiration avait cessé. […] « En un mot, dit Watterton, depuis le moment où l’action du poison commença à se montrer chez le paresseux, on aurait cru que le sommeil l’accablait. ». […] Dans les premiers moments, la grenouille allait et sautait comme avant avec la plus grande agilité, puis elle resta tranquille. […] Des mesures sages, et que tout le monde approuve, empêchent de faire chez l’homme les autopsies avant qu’il se soit écoulé vingt-quatre heures depuis le moment de la mort. […] Pendant les premiers moments, l’animal farouche, blotti dans son coin, faisait entendre des grondements mêlés d’aboiements toutes les fois qu’on se dirigeait vers lui.
C’est que c’est Boileau qui, par droit de succession légitime, entre, en ce moment même, dans le rôle que Molière, mourant en 1673, va laisser inoccupé. […] c’est dormir en temps de carême ou de vigile, de façon qu’il s’écoule un moindre intervalle entre l’heure du réveil et le moment du repas. […] C’est une première division : les souvenirs de la vie passée ; les souffrances du moment présent ; les terreurs de la vie à venir. […] Ce fut le moment, au contraire, que Diderot choisit pour attirer l’attention sur lui par la publication de son Père de famille. […] Songez au temps, au lieu, à la situation, au moment, et jugez.
Ce sont des espèces de chansons épiques, d’une forme accomplie et sévère, consacrées à fixer certains moments de cette grande destinée de Napoléon dont il s’est montré préoccupé jusqu’à la fin, jaloux comme poète de confondre de plus en plus sa popularité dans cette gloire.
Il en est résulté à de certains moments, sous sa plume, des pages pleines de pathétique et d’effusion.
La dernière lettre de Camille Desmoulins écrite à sa femme, avant de marcher à la mort, est un mémorable et touchant exemple de cette exaltation qui ne devait s’éteindre qu’avec la vie : mais ici il n’y a rien qui doive étonner ; pour une telle affection, dans un tel moment, nulle expression ne suffit ; l’énergie de l’amour est incalculable, et, comme dit Bacon, c’est la seule passion qui ne fasse pas mentir l’hyperbole.
Ce n’est pas le moment de changer ; restez ce que vous êtes.
Il suffit pour cela de franchir les frontières, de chercher dans les pays voisins jusqu’où s’est propagée une œuvre originale, comment elle y a été suivant les moments appréciée, traduite, adaptée, transformée.
Certes c’est beaucoup ; je vous l’accorde, mais point assez vraiment, pour bondieuser, comme vous bondieusez, en ce moment, sur notre planète, — et je crois que l’avenir le signifiera durement à votre mémoire.
Mais, du moment qu’il vit son élève en état de lui disputer la primauté dans le genre tragique, il maudit son propre ouvrage.
La distribution des figures, la couleur, les caractères des têtes, en un mot toute la composition me ferait le plus grand plaisir, si le St Benoit était comme je le souhaite, et ce me semble comme le moment l’exige.
Je crois qu’il seroit inutile d’exposer dequel poids est ici l’autorité de Tite-Live, et de faire voir que tous les raisonnemens possibles ne doivent pas balancer un moment sa déposition, il n’y aura personne qui ne sente bien cette verité.
L’Auteur de ceci n’accepte pas l’immense platitude, devenue lieu commun, qui fait encore législation à cette heure, à savoir « qu’on doit aux vivants des égards et qu’on ne doit qu’aux morts la vérité. » Il pense, lui, qu’on doit la vérité — à tous, — surtout, — en tout lieu, et à tout moment, et qu’on doit couper la main à ceux qui, l’ayant dans cette main, la ferment.
Cet ouvrage en est un : il est intéressant, passionné, palpitant, comme la question qui nous prend tous, en ce moment, par le cœur ou par la pensée, par le sang ou par la fierté.
A part les grands moments où l’on peut s’oublier totalement, on est si souvent en présence de soi-même dans cette guerre !
Si, dans le même moment, elle eût voulu sauver sa vertu, elle échouait dans sa tâche.
Il s’essaya d’abord, non sans succès, dans les concours académiques : il eut un accessit à l’Académie française en 1815 pour une pièce de vers sur les Derniers Moments de Bayard, une mention en 1820 pour un Entretien sur l’Éloquence. […] Magnin, son domaine fort honnête à ce moment, était le latin qu’il tenait bien, le portugais aussi et le castillan qu’il avait fort méritoirement conquis par son application soutenue ; du grec, il en savait assez pour entendre des passages, vérifier des citations et s’y comporter pertinemment, avec prudence. […] Chaque fois, vers neuf heures du soir, il me laissait un moment pour aller assister au coucher de sa grand-mère, à laquelle il consacra jusqu’à la fin les soins les plus respectueux et les plus tendres.
Ses années de collège, attristées un moment par la maladie (il subit à quatorze ans l’opération de la taille), n’ont presque pas laissé de traces dans son œuvre. […] Jamais ils ne manquent de s’appeler « monsieur » ; et « mon cher monsieur » dénote les moments de plus grand abandon et de moindre tenue. […] Et voyant entrer un de ses amis, un moment avant d’expirer : « Bonjour et adieu, lui dit-il ; l’adieu sera bien long. » Il léguait diverses sommes à ses domestiques, et une bonne partie de son bien, 50 000 livres, « aux pauvres honteux des six petites paroisses de la cité ».
Un drame musical, donc une œuvre de musique dont la musique est motivée par les péripéties d’une aventure ; or, un scénario enseigne l’aventure aux auditeurs, les paroles que les interprètes chantent en français notent les moments de l’aventure ; comment alors ne pas suivre et saisir parfaitement le sens littéraire de la musique, la signification du développement émotionnel qu’est le drame musical ? […] Aujourd’hui, après vingt-cinq années, le miracle s’est accompli, — l’apparition du printemps après l’hiver ; le moment est arrivé pour l’esprit artistique français, où nécessairement le printemps doit venir. […] Mais cet appui de la religion la plus pure, la plus divine, ce pouvait être seulement la plus noble des races humaines ; ainsi le pur Christianisme affranchi devint nécessairement la propriété des Aryens, qui en ces temps dominaient l’Europe : dès ce moment il y avait une ère chrétienne, bien qu’il n’y eût pas encore des peuples vraiment chrétiens.
Le nouveau Patronat de Bayreuth Un nouveau Patronat est en ce moment établi à Bayreuth. […] Dans l’Andante intitulé Gretchen, il n’a pas ramené moins de quatre thèmes du premier mouvement (Faust) caractéristiques du héros ; le motif de l’Amour, du Désir, celui de l’Impulsion passionnée et celui de la Fierté, mais tous quatre remarquablement métamorphosés ; car, pour le moment, Faust lui-même, prosterné aux pieds de son amante, est devenu un tout autre homme. […] Par moment ils ne sont qu’à peine reconnaissables ; l’un d’eux se présente même sous les traits d’un Fugato bouffonnement et pédantesquement sérieux.
La situation est poignante ; elle est de celles qui étreignent l’intérêt jusqu’à la terreur : il y a eu là un moment où l’on entendait battre distinctement le cœur de la foule, M. de Nanjac dévore d’un trait, comme du poison, cette lettre maudite et il éclate en sanglots de rage. […] L’homme qui a été aimé, si peu que ce soit, d’une femme, du moment que cet amour n’avait ni le calcul ni l’intérêt pour bases, est éternellement l’obligé de cette femme, et, quoi qu’il fasse pour elle, il ne fera jamais autant qu’elle a fait pour lui. » C’est irréfutable, et rien ne peut entamer la solidité de ce raisonnement. […] Pour le seul plaisir de faire pièce à M. de Jalin, en prouvant, devant lui, et malgré son dire, à M. de Nanjac, qu’une femme honnête peut venir la voir, elle s’expose à un éclat scandaleux, elle jette de l’huile sur le feu d’irritation secrète qui couve déjà entre ces deux hommes, elle les met aux prises, dans le moment extrême ou son mariage est en jeu, et où son intérêt le plus vif serait de les éloigner l’un de l’autre !
Notre pensée, au contraire, est un point qui se meut sur la ligne du temps et n’y occupe jamais qu’un moment à la fois. […] Un coup de cloche retentit, le son éclate, puis diminue, puis s’éteint, et un moment vient où je ne distingue plus si l’écho affaibli est extérieur ou intérieur, s’il est un dernier ébranlement de l’air ou un dernier ébranlement de mon cerveau, s’il est une image ou une perception. […] Il faudrait un terme de comparaison où l’on vît non seulement un objet recevoir et regarder une empreinte, mais cette empreinte même revivre à un moment donné et reproduire dans l’objet une vibration nouvelle.
Je dis dans le désordre d’un premier mouvement, parce que ce qu’ils racontent venant de se passer dans le moment même, il serait absurde de supposer qu’ils eussent eu le temps de la réflexion, et que le comble du ridicule serait de les faire parler comme s’ils avaient pu méditer à loisir l’ordre et l’art qu’il leur faudrait employer pour arriver plus sûrement à leurs fins. […] Cependant tous nos héros de théâtre sont atteints de cette espèce d’égarement ; ils raisonnent, ils racontent même, ils arrangent des projets, s’objectent des difficultés qu’ils lèvent dans le moment, balancent différents partis et des raisons contraires, et se déterminent enfin au gré de leurs passions et de leurs intérêts ; tout cela comme s’ils ne pouvaient se sentir et se conseiller eux-mêmes, sans articuler tout ce qu’ils pensent. […] Un moment.
Mais il y a des moments où je ne peux pas voir une femme bien mise sans avoir envie de mettre le feu partout. […] Et voici que tout à coup j’éclate de rire en m’avisant du ridicule personnage que je joue en ce moment même pour vouloir être juste. […] Montaigne confesse qu’il ne songea point à tourner la tête au bon moment et il en témoigne un peu de regret. […] Ces exemples suffisent pour indiquer la transformation par laquelle passe en ce moment la peinture religieuse. […] Les œuvres d’art les plus parfaites, c’est-à-dire les mieux adaptées à mon goût du moment, sortent de terre au premier signal de ma fantaisie.
Maeterlinck, si délicieusement irréels, sont profondément vivants et vrais ; ses personnages, qui ont l’air de fantômes, sont gonflés de vie, comme ces boules qui semblent inertes et qui, chargées d’électricité, vont fulgurer au contact d’une pointe ; ils ne sont pas des abstractions, mais des synthèses ; ils sont des états d’âme ou, plus encore, des états d’humanité, des moments, des minutes qui seraient éternelles : en somme ils sont réels, à force d’irréalité. […] Comme Châteaubriand, son frère de race et de gloire, Villiers fut l’homme du moment, d’un moment solennel ; tous deux, avec des vues et sous des apparences diverses, recréèrent pour un temps l’âme de l’élite : de l’un naquit le catholicisme romantique et ce respect des traditionnelles vieilles pierres ; et de l’autre, le rêve idéaliste et ce culte de l’antique beauté intérieure ; mais l’un fut encore l’orgueilleux aïeul de notre farouche individualisme ; et l’autre encore nous enseigna que la vie d’autour de nous est la seule glaise à manier. […] Aimer, c’est se charger d’un impérieux fardeau au moment même où, cessant d’être libre, on cesse d’être fort. […] La Nébuleuse, que l’on vient de jouer, est un poème d’une belle et profonde perspective, où se voient symbolisées, par des êtres ingénus, les générations successives des hommes qui se suivent sans se comprendre, presque sans se voir, tant leurs âmes sont différentes, et toutes toujours résumées, vers le moment de leur déclin, par l’enfant, par l’avenir, par la « nébuleuse » dont la naissance enfin avérée va faire mourir, sous sa clarté matinale, les sourires fanés des vieilles étoiles. […] Eekhoud est donc un écrivain représentatif d’une race, ou d’un moment de cette race : cela est important pour assurer à une œuvre la durée et une place dans les histoires littéraires.
. — Chaque moment, sous la secousse légère, s’écoula en sables d’or… Bien des matins, sur la bruyère, nous avons entendu les taillis frémir ; — et son souffle faisait affluer dans mes veines toute la plénitude du printemps. […] À ce moment un grand tumulte s’élève, et l’on aperçoit dans la cour un spectacle étrange. « De la salle illuminée partaient de longs ruissellements de splendeur oblique — qui tombaient sur une presse — d’épaules de neige serrées comme des brebis en troupeau, — sur un arc-en-ciel de robes, sur des diamants, sur des yeux de diamant, — sur l’or des habits, sur des cheveux d’or. […] La machine domestique fonctionne sans une interruption, sans un accroc, sans un heurt, chaque rouage à son moment et à sa place, et le bien-être qu’elle distille vient en rosée de miel tomber dans la bouche, aussi vérifié et aussi exquis que le sucre d’une raffinerie modèle lorsqu’il arrive dans son goulot. […] Love took up the glass of Time, and turn’d it in his glowing hands ; Every moment, lightly shaken, ran itself in golden sands.
C’est le moment de répondre aux bruits plus ou moins sincères, plus ou moins malveillants, qu’on a fait courir sur la cessation probable de cette publication. […] « Les parents, les amis et les disciples de Koung-tsée ne furent pas seuls à donner des marques publiques de consternation et de deuil ; tout ce qu’il y avait de personnes instruites se fit un devoir de témoigner sa douleur, et le roi Ngai-Koung lui-même, qui l’avait négligé lorsqu’il vivait, sentit, au moment qu’on lui annonça sa mort, tout le prix de la perte qu’il avait faite. […] Mon cœur flétri se glace et saigne de douleur à chaque fin d’automne, lorsque vient le moment de décider du sort des criminels. […] Je puis assurer qu’il n’est aucun moment où il me soit permis de jouir d’un tranquille repos.
XVIII Quelques jours après ce jour, le soir, à l’heure où quelques rares amis, que la mort décime d’année en année, viennent causer un moment de la journée, et savoir si la sentinelle oubliée n’a pas été relevée de son poste, on annonça Adolphe Dumas et son frère. […] Nous fîmes silence un moment : il reprit, en s’adressant à ma femme : « — Et moi aussi, Madame, et moi aussi ; après ma mère, mes frères, ma sœur, mes amis, ce que j’ai le plus aimé, le plus regretté, le plus pleuré sur la terre, c’est un pauvre oiseau, c’est ma tourterelle ; c’est l’amie, c’est la compagne du solitaire. […] XXIV C’est ainsi qu’il arriva à ses derniers moments, résigné, pieux, plein de cette joie intérieure que l’homme étendu sur le fumier de Job trouve dans l’entretien perpétuel et solitaire avec son invisible ami. […] « Ce qui nous revient de ses derniers moments, dans une cabane de pêcheur, sur un lit d’emprunt, sous la misère de l’abandon, serait chose lamentable.
La première race est pour Mézeray comme une lande aride à traverser ; il est à tout moment en disette et le fait sentir : « La fin de cette première race étant si vaste et si déserte comme elle est, dit-il, par la nonchalance des historiens qui l’ont possible (peut-être) fait à dessein pour éteindre la honteuse mémoire de nos princes fainéants, vous ne devez pas m’accuser de stérilité, etc. » Il trace des cadres plutôt qu’il ne les remplit. […] Cependant le mérite sérieux de son histoire ne commence en effet à se faire sentir qu’à dater du moment où il s’appuie sur des chroniqueurs ou historiens de langue nationale : jusque-là il ne faut lui demander que des aperçus et des pages heureuses.
Il est à remarquer que Gabrielle quitta Paris une heure avant lui en litière, ne s’y sentant pas assurée du moment que le roi était dehors. […] Ce roi, en effet, malgré son coin connu de fragilité, avait toujours en définitive, quand il l’avait fallu, sacrifié les plaisirs aux affaires, et il y avait en lui un ressort d’honneur qui pouvait, au dernier moment, triompher de son amour.
Le mardi 20 mars, à Versailles, ou lit dans le même journal : « Mme la Dauphine fit dire dans son cabinet à Racine la harangue qu’il fit à la réception de Corneille et de Bergeret. » Ce moment est celui de Racine et de Despréaux tout à fait établis en Cour et sur le pied d’historiographes : Le 31 décembre, veille du jour de l’an 1685, Mme de Montespan fit présent au roi, le soir après souper, d’un livre relié d’or et plein de tableaux de miniature, qui sont toutes les villes de Hollande que le roi prit en 1672. […] Ce mélange de sacrifice à la Cour et de faste encore persistant, de chasses, de jeux de toutes sortes, dont on sait le nom et chaque partie soir et matin, tout ce train habituel et détaillé de Versailles, dont le côté frivole disparaît dans la haute tranquillité du monarque, compose une lecture qui n’est pas du tout désagréable, du moment qu’on y entre, et je me suis surpris à en désirer la suite. — C’est en avoir assez dit, je crois, et c’est rendre assez de justice à l’homme qui ressemble le moins à Tacite, mais qui cependant a son prix.
Je n’irai pas pourtant jusqu’à en conclure qu’il n’y avait point une part de christianisme sincère en lui, même depuis qu’il eut connu Montaigne, et une part de christianisme plus grande et plus profonde qu’il ne le soupçonnait lui-même en certains moments où il s’entêtait en artiste de son idée de sagesse. […] Nous aurons à voir en quoi Charron, à son moment, a été un des précepteurs de la raison publique.
Les sens trompent la raison, et en échange ils sont souvent trompés par elle : « Voyez quelle belle science et certitude, dit-il, l’homme peut avoir, quand le dedans et le dehors sont pleins de fausseté et de faiblesse, et que ces parties principales, outils essentiels de la science, se trompent l’une l’autre. » Il en résulte à ses yeux que les animaux, qui semblent aller plus à coup sûr, ont bien des avantages sur l’homme ; peu s’en faut par moments qu’il ne leur accorde une entière préférence. […] C’est un reste d’école chez lui : il ne devine pas assez qu’un moment approche où il y aura accession ouverte et libre de tous les esprits sur quantité de questions, et que le philosophe et le vrai sage sera tenu, dans ses solutions, de compter de plus en plus avec le sentiment de ce grand nombre dont on fait partie soi-même, et avec cette philosophie irréfléchie, mais nécessaire, qui résulte de l’humaine et commune nature.
Térence peintre de l’homme, ce n’est rien d’absolu dans la morale ni dans la vie : c’est croire qu’on a toujours quelque chose à apprendre, toujours à modifier et à corriger selon l’âge, le moment, la pratique et l’expérience. […] » demande le fier Pollux au moment d’engager la lutte avec le géant.
Il paraît bien que Louvois pensa un moment à se retourner en faveur de la Hollande, qu’il avait tant combattue et qui avait fini par forcer son estime. […] Son affaire principale, dans le moment présent, était de tirer parti des traités précédemment conclus, en les interprétant dans le sens le plus subtil comme le procureur le plus madré l’aurait pu faire, et en leur donnant toutes les petites entorses possibles, le tout à bonne et excellente fin sans doute, pour arrondir le royaume et pour absorber, pour niveler les restes de souverainetés étrangères qui s’y trouvaient enclavées.
Guizot se prononce décisivement en faveur de celles-ci : « Pour moi, dit-il, arrivé au terme d’une longue vie pleine de travail, de réflexions et d’épreuves, d’épreuves dans la pensée comme dans l’action, je demeure convaincu que les dogmes chrétiens sont les légitimes et efficaces solutions des problèmes religieux naturels que l’homme porte en lui-même, et auxquels il ne saurait échapper. » L’auteur, ou plutôt le penseur chrétien, ne s’arrête point, dans les Méditations qu’il nous offre aujourd’hui, à ce qui divise entre eux les chrétiens des diverses communions ; il ne s’attache en ce moment qu’aux dogmes fondamentaux dont la suite exacte et l’enchaînement satisfait aux doutes qui agitent l’âme humaine, dès qu’elle se recueille et s’interroge à la manière de Pascal. […] À part un très petit nombre, la presque totalité des noms, un moment célèbres, est vouée vite à un véritable oubli.
» Un tonnerre d’applaudissements éclata à ce beau moment, à ce magnifique mouvement du discours : nous sommes encore nous-mêmes sous le coup de ces applaudissements. […] L’intolérance, en effet, selon sa remarque, est un défaut français par excellence ; nous sommes prompts, nous sommes vifs et exclusifs ; nous portons notre prévention du moment dans toutes nos idées ; nous passons vite de la parole à l’acte35.
Mais si chacun de ces symptômes existe isolément, jamais ils ne coexistent et personne n’a été admis à observer au même moment, pour un même malade, les symptômes réunis de la lypémanie partielle, de la démence et de la paralysie générale. […] Chose bien remarquable et qui à elle seule ferait reconnaître la fiction, le romancier est venu échouer sur le même écueil que les simulateurs ; eux aussi, afin de faire mieux croire qu’ils sont fous, multiplient les extravagances de toutes sortes dans leurs propos et dans leurs actes, sans se douter qu’ils se rendent coupables de dissonnances révélatrices et qu’il leur suffit d’afficher, au même moment, des formes de folie qui, chez les vrais malades, s’excluent mutuellement, pour montrer que chez eux la folie n’existe pas.
. — En géologie, les suites et la vérification de la théorie de Newton, la figure exacte de la terre, l’aplatissement des pôles, le renflement de l’équateur328, la cause et la loi des marées, la fluidité primitive de la planète, la persistance de la chaleur centrale ; puis, avec Buffon, Desmarets, Hutton, Werner, l’origine aqueuse ou ignée des roches, la stratification des terrains, la structure fossile des couches, le séjour prolongé et répété de la mer sur les continents, le lent dépôt des débris animaux et végétaux, la prodigieuse antiquité de la vie, les dénudations, les cassures, les transformations graduelles du relief terrestre329, et à la fin le tableau grandiose où Buffon trace en traits approximatifs l’histoire entière de notre globe, depuis le moment où il n’était qu’une masse de lave ardente jusqu’à l’époque où notre espèce, après tant d’autres espèces détruites ou survivantes, a pu l’habiter Sur cette science de la matière brute, on voit en même temps s’élever la science de la matière organisée. […] Et ce fait élémentaire n’est pas seulement primitif ; il est encore incessant et universel, puisqu’on le rencontre à chaque moment de chaque vie, dans la plus compliquée comme dans la plus simple.
On ne saurait trop dire que les cinq livres de Rabelais forment non pas un, mais cinq ouvrages, qui s’échelonnent pendant trente ans à des moments très divers de notre Renaissance, et qu’à vouloir les juger tous en bloc comme formant une seule œuvre, on risquerait de n’en pas apprécier exactement la valeur… et de s’égarer sur le caractère de l’auteur. […] Ou plutôt écartons les mots qui immobilisent l’être, fût-ce pour un moment : d’un bout à l’autre de ses quatre livres, grouillent des formes vivantes, agissantes, gesticulantes, parlantes, chacune selon l’impulsion de son appétit intérieur : les unes fugitives, à peine entrevues dans la cohue qui les presse, d’autres dominantes et débordantes à qui ni la durée ni l’espace ne sont mesurés : toutes aussi sérieusement, profondément, objectivement vivantes et individuelles et qui ne sauraient s’effacer ni se confondre, Janotus de Bragmardo, Bridoye, Dindenaut, ou bien Pantagruel, Frère Jean des Entommeures, Panurge.
Grand poète, en somme ; dans ses meilleurs moments, un Villon de moins d’entrailles et de plus de puissance, qui aurait passé par le romantisme ; ailleurs, un superbe insurgé en vers latins. […] Richepin n’est pas un bateleur qui se hausse par moment jusqu’à être poète ; c’est un poète qui fait trop volontiers les gestes d’un bateleur.
Quand elle avait des petits à nourrir, elle venait encore avec moi, mais à un moment donné, elle m’abandonnait, s’enfuyait en courant, la tête basse, en évitant autant que possible mon regard et ma voix. […] Mais supposons un moment que les règles de la morale individuelle ne se rapportent qu’au bien de l’individu.
Or il est clair qu’une pareille description ne saurait se trouver dans l’énoncé de la loi ; si on la faisait d’ailleurs, la loi deviendrait inapplicable ; si on exigeait à la fois tant de conditions, il y aurait bien peu de chance pour qu’à aucun moment elles fussent jamais toutes réalisées. […] Et cependant — étrange contradiction pour ceux qui croient au temps — l’histoire géologique nous montre que la vie n’est qu’un court épisode entre deux éternités de mort, et que, dans cet épisode même, la pensée consciente n’a duré et ne durera qu’un moment.
Le premier sentiment de celui qui passe de la croyance naïve à l’examen critique, c’est le regret et presque la malédiction contre cette inflexible puis-sance, qui, du moment où elle l’a saisi, le force de parcourir avec elle toutes les étapes de sa marche inéluctable, jusqu’au terme final où l’on s’arrête pour pleurer 54. […] Mais, du moment où des esprits moins sérieux y prennent le dessus, les scories de la superstition apparaissent, l’école tourne à la religion, n’excite plus que le rire et va mourir à Ménilmontant, au milieu des extravagances qui ferment l’histoire de toutes les sectes.
Le sentiment de notre propre pouvoir se déploie en ce moment par sympathie avec le pouvoir qui se déploie à nos yeux. » L’Océan, un volcan en éruption, les cimes alpestres, un ouragan, nous causent l’émotion idéale d’un pouvoir transcendant. […] Par suite, il n’a pas étudié le rire isolément, en lui-même ; il l’a rattaché à ses causes, à ses conditions ; il l’a considéré comme le moment d’un tout, dont on ne peut le séparer.
Une sourde menace gronde, par moments, à travers tant de douces paroles ; un éclair luit sous ses yeux humides, où brillent les belles larmes des réconciliations amoureuses : mais il passe et s’éteint, bientôt, dans une effusion de tendresse. […] À ce moment, un frémissement parcourait la salle.
Nous y voyons pourtant le style de la maison dans les moments assez rares où on n’y rit pas. […] Le point décisif de la destinée de Beaumarchais est à ce moment (juin 1773).
C’est là qu’un jour il vit arriver un jeune élève de l’École normale, Jouffroy, de deux ans plus âgé que lui, et qui, en revenant passer les vacances au hameau des Pontets, s’arrêta un moment au passage. […] L’auteur commence par rechercher historiquement les idées générales, universellement répandues dans l’Antiquité, de sacrifice, d’offrande, de désir et de besoin de communication avec un Dieu toujours présent, qui ont servi de préparation et d’acheminement au mystère ; mais, au milieu des digressions historiques et des distinctions dogmatiques fines ou profondes, il mêle à tout moment de belles et douces paroles qui sortent de l’âme et qui sont l’effusion d’une foi aimante.
Je regrette que cela n’ait pas eu lieu pour moi à ce moment, mais depuis je les ai pour la plupart rencontrés. […] Nos jeunes confrères indiquent dans leur désir d’un instrument rythmique plus libre qu’il est inutile d’attribuer un sexe aux rimes, ils expliquent comment on peut dissoner sur les vieilles habitudes en prolongeant les masculines sur les féminines pour résoudre au gré de l’alternance classique, mais au moment choisi par le poète, ce qui donne un effet agréable de surprise euphonique ; ils citent les allitérations et les arabesques de voyelles, et signalent l’existence d’équilibres phonétiques, plus curieux parfois que l’allitération et l’assonance pure (l’allitération qui n’a pas l’air d’allitérer)… bref tous moyens employés pour remplacer une symétrie au métronome, dure et pesante, par une symétrie très complexe, consistant non point dans la répétition régulière en coups de marteau de forge des mêmes sonorités, mais dans des effleurements ingénieusement variés des sonorités semblables à des intervalles dictés non plus par l’arithmétique, ou plutôt la numération, mais par un instinct de musicien qui manierait tantôt des leitmotiv, tantôt des rappels de timbre.
Évidemment par le même milieu social, qu’ils photographient encore plus qu’ils ne peignent en ce moment, mais qu’ils peindront un jour. […] Mais la femme — la mère des enfants — n’a de destinée et de dignité que dans le mariage, du moins jusqu’à ce moment ; car l’effroyable mouvement qui emporte la société et l’arrache à toutes les lois chrétiennes, un de ces jours emportera aussi le mariage, et tous les bâtards y comptent bien !
Telle est l’origine du « Vœu » ; il émane de consciences sombrées dans le péril atroce du moment, épouvantées de l’avenir gros de nuages et de sang, n’osant se faire une idée du futur, se demandant même parfois si les races n’allaient pas être englouties dans quelque universelle conflagration. […] Si l’on y songe un seul moment, il est impossible de ne pas rayer spontanément ce qui « nous a été imposé, en de mauvais jours de réaction, par une coterie toute puissante65 » Déjà, en 1880, le conseil municipal adressa une pétition à la Chambre, en vue de faire disparaître le vote du vingt-quatre juillet 1873.
Les drames et les romans devinrent des manuels de science ; on représenta, par des personnages, des moments de l’humanité, des époques de l’histoire, des réformes de politique, des thèses de législation pénale, « des questions d’organisation politique et sociale. » Nul poète ne daigna être simplement poète. […] C’est à ceux de vous dont l’âge se rapproche du mien que j’ose m’adresser en ce moment ; à vous qui formerez la génération qui s’avance ; à vous l’unique soutien, la dernière espérance de notre cher et malheureux pays.
Bernardin de Saint-Pierre passa là quelques-uns des pires moments de son existence tourmentée. […] L’ouvrage le classa parmi les gens de lettres, lui ouvrit le salon de mademoiselle de Lespinasse, et l’enrôla pour un moment dans la troupe des philosophes. […] Mais on put croire un moment qu’il l’avait oublié. […] La race étant en voie de formation, quels accidents, de quelle nature, l’ont peut-être un moment détournée de son but ? […] Gumplowicz à une influence de Moment ; et serait-il difficile de montrer les conséquences qui en résultent ?
Il défendit Delacroix, au moment même où M. […] Sandeau et sa femme, à ma grande joie, sont arrivés peu de moments après moi et m’ont tiré de mon isolement. […] Mais il est arrivé à ce moment de la vie où les jours tombent lentement et silencieusement comme les pétales des roses d’automne. […] Aussi bien, est-ce le moment d’adopter cette doctrine qui deviendrait si facilement une arme de guerre civile ? […] C’est à ce moment que Loti vint.
Il marquait une ardeur guerrière, il poussait, au moment opportun, des hennissements, il trépignait avec un tel naturel, que le public ne se lassait point d’admirer sa haute intelligence. […] Bientôt les voilà, l’un et l’autre, collant de leur mieux chacune des pages du manuscrit sacrifié dans un moment d’humeur. […] Ce moyen parut si ingénieux et si équitable, qu’à partir de ce moment, il devint une règle toujours suivie. […] A partir de ce moment, le duc, satisfait des talents et du caractère du jeune poëte, le nomma secrétaire de ses commandements, puis secrétaire-général des galères. […] Que de Péchantré en ce moment à Paris !
C’est le moment d’où il date sa grande réforme personnelle. […] L’époque aimait ces francs larcins, ces « heureux moments », sujet favori de ses gravures. […] Chaque membre de la communauté se donne à elle au moment qu’elle se forme tel qu’il se trouve actuellement, lui et toutes ses forces dont les biens qu’il possède font partie41. […] Offerte à mes regards dans un moment où mon cœur avait besoin d’amour, ma vanité de succès, Elléonore me parut une conquête digne de moi. […] Les discours et gestes à la René, du moment qu’ils ne sont que superfétation et placage, n’offrent plus aucun intérêt.
Dans un siècle où tout marche si vite, où tous sont appelés indistinctement et souvent à l’improviste, où l’on a à peine le temps de la réflexion à travers l’action, où il nous faut faire après coup ce par où il eût été plus simple de commencer, on ne saurait trop introduire dans l’esprit de notions exactes, n’importe comment, ni par quel bout, à bâtons rompus, aux moments perdus, par les moindres interstices d’une journée occupée ou distraite : en fin de compte tout se retrouve.
Il y a même dans ce volume quelques cris trop déchirants pour être confiés à l’art et qui font mal à entendre ; mais l’auteur qui, tout en les laissant échapper par moments, sait qu’il ne faut pas tout dire, et qu’il y a la pudeur de la muse et celle de la femme, a d’ordinaire exhalé ses émotions et ses larmes par un détour et à travers un léger voile qui les laisse arriver sincères encore, mais non pas trop amères ni dévorantes.
Amédée Renée, publie en ce moment un volume, non plus de récit épisodique, mais de véritable histoire politique sur un sujet bien connu, tant de fois étudié, mais qui n’est jamais épuisé : Louis XVI et sa Cour 62.
Sûr de sa présence d’esprit, fort de sa merveilleuse sagacité, il s’abandonnait volontiers au cours des choses, et comptait, ainsi qu’à la guerre, sur les saillies du moment.
On a certes bien fait de ne pas perdre un moment, et d’expédier un postillon à franc étrier ; la nouvelle est importante : le testament a été ouvert, et le comte Léopold de Vurzbourg est complètement déshérité.
Il faut donc s’être habitué de bonne heure à faire d’un coup d’œil le tour d’un sujet, à le pénétrer d’une brève réflexion, à ramasser d’un seul effort toutes ses idées et à les disposer en un moment.
Je vous assure que leur moralité est fort supérieure à celle des chrétiens. » Il n’en est pas moins fâcheux que ces honnêtes gens, mus par le plus respectable des sentiments religieux, deviennent, à certains moments, de si surprenants massacreurs.
Reinhard Dozy, dont l’Europe savante déplore en ce moment la perte, appliquait avec une rare sagacité.
Dans le grand monde, tant de gens ont le désir de parler, tant de paroles attendent avec impatience le moment et l’occasion de se placer entre tant de paroles, qu’on fait taire ceux qui parlent longuement ou obscurément, en ne les écoutant pas.
Smart, qui veut dire en anglais, selon les cas, alerte, souple, habile, fin, actif, intrigant, roué, élégant, etc. a perdu en français, du moment qu’on a voulu l’y introduire, toutes ces valeurs, pour en gagner une seule, vague et très certainement passagère.
La proximité ou rencontre d’un ancien monument est aussi ridicule que le passage d’un empereur dans le moment de l’action.
Mais ce qu’il ne faut point perdre de vue, c’est que les parties d’éducation publique qui paraîtront superflues dans ce moment pourront devenir nécessaires avec le temps ; à mesure que le grand ouvrage de la civilisation s’avancera, les intérêts divers, les relations entre les sujets se multiplieront, et c’est cet avenir que Sa Majesté Impériale doit prévénir par sa sagesse, si elle redoute d’abandonner la suite de ses projets à l’ignorance ou aux caprices de la folie.
C’est que le talent de discerner le temperament du malade, la nature de l’air, sa temperature présente, les symptomes du mal, ainsi que l’instinct qui fait choisir le remede convenable et le moment de l’appliquer, dépendent du génie.
Et il en était ainsi chaque fois qu’elle s’absentait un moment.
A ce moment le kélé veut saisir la femme dans la même intention.
Mais ici nous ne pouvons pas sortir du monde positif, de la sphère de la réalité ; l’imagination doit rester attachée à ce qui est dans le moment actuel.
… Il faut que nous soyons bien indignes de nos spirituels aïeux pour que le public du théâtre de Corneille, de Racine, de Molière, de Regnard et de Beaumarchais, ait, pu prendre un moment Émile Augier pour le successeur naturel de ces auteurs charmants et superbes !
Et il me semble intéressant de mettre, dans ce moment, sous les yeux du public, une page puissante et inédite, où le grand écrivain examine quelle est, en France, la condition des sociétés autres que l’État et marque la qualité morbide d’un tel régime.
Mais ce n’est là qu’un moment de la dialectique égalitaire.
Une humanité devenue Dieu par la totale infinité de sa connaissance, par l’amplitude infinie de sa mémoire totale, cette idée est partout dans Renan ; elle fut vraiment le viatique, la consolation, l’espérance, la secrète ardeur, le feu intérieur, l’eucharistie laïque de toute une génération, de toute une levée d’historiens, de la génération qui dans le domaine de l’histoire inaugurait justement le monde moderne ; hoc nunc os ex ossibus meis et caro de carne mea ; elle est partout dans l’Avenir de la science, — pensées de 1848 ; — et quel arrêt imaginé pour l’humanité enfin renseignée, savante, saturée de sa mémoire totale ; quel arrêt de béatitude ; quel arrêt de béatitude et vraiment de divinité ; quel paragraphe singulier d’assurance et de limitation je trouve dans la préface même, écrite au dernier moment pour présenter au public, dans l’âge de la vieillesse, une œuvre de jeunesse : « Les sciences historiques et leurs auxiliaires, les sciences philologiques, ont fait d’immenses conquêtes depuis que je les embrassai avec tant d’amour, il y a quarante ans. […] J’ai donc bien le droit, j’ai le devoir de chercher dans Renan et dans Taine la première pensée du monde moderne, la pensée de derrière la tête, comme on dit, qui est toujours la pensée profonde, la pensée intéressante, la pensée intérieure et mouvante, la pensée agissante, la pensée cause, la source et la ressource de la pensée, la pensée vraie ; et pour trouver l’arrière-pensée de Renan, passant à l’autre bout de sa pleine carrière, on sait que c’est dans les dialogues et les fragments philosophiques, dans les drames qu’il faut la chercher ; je me reporte aux Dialogues et fragments philosophiques, par Ernest Renan, de l’Académie française, quatrième édition ; je sais bien que la citation que je vais faire est empruntée à la troisième partie, qui est celle des rêves ; certitudes, probabilités, rêves ; je sais que mon personnage est celui de Théoctiste, celui qui fonde Dieu, si j’ai bonne mémoire ; je sais que les objections lui sont présentées par Eudoxe, qui doit avoir bonne opinion ; je n’oublie point toutes les précautions que Renan prend dans sa préface ; mais enfin mon personnage dit, et je copie tout au long ; je passe les passages où ce Théocrite rêve de la Terreur intellectuelle ; nous y reviendrons quelque jour ; car ils sont extrêmement importants, et graves ; et je m’en tiens à ceux où il rêve de la Déification intellectuelle : « Je vous ai dit que l’ordre d’idées où je me tiens en ce moment ne se rapporte qu’imparfaitement à la planète Terre, et qu’il faut entendre de pareilles spéculations comme visant au-delà de l’humanité. […] En fait de vertu, chacun trouve la certitude en consultant son propre cœur. » On ne me pardonnera pas une aussi longue citation ; mais on m’en louera ; et on la portera sans doute à mon actif ; car c’est un plaisir toujours nouveau que de retrouver ces vieux textes pleins, et perpétuellement inquiétants de nouveauté ; et quand dans un cahier on met d’aussi importantes citations de Renan, on est toujours sûr au moins qu’il y aura des bons morceaux dans le cahier ; — je ne dis point cela pour Zangwill, qui supporte toute comparaison ; — je sais tous les reproches que l’on peut faire au texte que je viens de citer ; il est perpétuellement nouveau ; et il est vieux déjà ; il est dépassé ; phénomène particulièrement intéressant, il est surtout dépassé justement par les sciences sur lesquelles Renan croyait trouver son plus solide appui, par les sciences physiques, chimiques, particulièrement par les sciences naturelles ; — mais ici que dirions-nous de Taine qui faisait aux sciences mathématiques, physiques, chimiques, naturelles, une incessante référence ; — c’est justement par le progrès des sciences naturelles que nous sommes aujourd’hui reconduits à des conceptions plus humaines, et, le mot le dit, plus naturelles ; je n’ignore pas toutes les précautions qu’il y aurait à prendre si l’on voulait saisir, commenter et critiquer tout ce texte ; mais telle n’est pas aujourd’hui la tâche que nous nous sommes assignée ; je n’ignore pas qu’il y a dans cet énorme texte religieux des morceaux entiers qui aujourd’hui nous soulèvent d’indignation ; et des morceaux entiers qui aujourd’hui nous paraissent extraordinairement faibles ; je n’ignore pas qu’il y a dans ce monument énorme des corps de bâtiments entiers qu’un mot, un seul mot de Pascal, par la simple confrontation, anéantirait ; je connais les proportions à garder ; je sais mesurer un Pascal et un Renan ; et je n’offenserai personne en disant que je ne confonds point avec un grand historien celui qui est le penseur même ; si j’avais à saisir et à commenter et à critiquer le texte que nous avons reproduit, je sais qu’il faudrait commencer par distinguer dans le texte premièrement la pensée de Renan ; deuxièmement l’arrière-pensée de Renan ; troisièmement, et ceci est particulièrement regrettable à trouver, à constater, des fausses fenêtres, des fragments, à peine habillés, d’un cours de philosophie de l’enseignement secondaire, comme était l’enseignement secondaire de la philosophie au temps où Renan le recevait, des morceaux de cours, digérés à peine, sur Kant et les antinomies, sur le moi et le non-moi, tant d’autres morceaux qui surviennent inattendus pour faire l’appoint, pour jointurer, pour boucher un trou ; combien ces plates reproductions de vieux enseignements universitaires, ces morceaux de concours, de l’ancien concours, du concours de ce temps-là, combien ces réminiscences pédagogiques, survenant tout à coup, et au moment même que l’on s’y attendait le moins, au point culminant du dialogue, détonnent auprès du véritable Renan, auprès de sa pensée propre, et surtout de son arrière-pensée ; comme elles sont inférieures au véritable texte ; et dans le véritable texte comme la pensée même est inférieure à l’arrière-pensée, ou, si l’on veut, comme l’arrière-pensée est supérieure à la pensée, à la pensée de premier abord ; quel travail que de commencer par discerner ces trois plans ; mais comme on en serait récompensé ; comme la partie qui reste est pleine et lourde ; comme la domination de l’arrière-pensée est impérieuse. […] Il est probable que les moments les plus dangereux dans la vie d’une planète sont ceux où la science arrive à démasquer ses espérances. […] De la réalité nous avons reçu trop de rudes avertissements ; au moment même où j’écris, l’humanité, qui se croyait civilisée, au moins quelque peu, est jetée en proie à l’une des guerres les plus énormes, et les plus écrasantes, qu’elle ait jamais peut-être soutenues ; deux peuples se sont affrontés, avec un fanatisme de rage dont il ne faut pas dire seulement qu’il est barbare, qu’il fait un retour à la barbarie, mais dont il faut avouer ceci, qu’il paraît prouver que l’humanité n’a rien gagné peut-être, depuis le commencement des cultures, si vraiment la même ancienne barbarie peut reparaître au moment qu’on s’y attend le moins, toute pareille, toute ancienne, toute la même, admirablement conservée, seule sincère peut-être, seule naturelle et spontanée sous les perfectionnements superficiels de ces cultures ; les arrachements que l’homme a laissés dans le règne animal, poussant d’étranges pousses, nous réservent peut-être d’incalculables surprises ; et sans courir au bout du monde, parmi nos Français mêmes, quels rudes avertissements n’avons-nous pas reçus, et en quelques années ; qui prévoyait qu’en pleine France toute la haine et toute la barbarie des anciennes guerres civiles religieuses en pleine période moderne serait sur le point d’exercer les mêmes anciens ravages ; derechef qui prévoyait, qui pouvait prévoir inversement que les mêmes hommes, qui alors combattaient l’injustice d’État, seraient exactement les mêmes qui, à peine victorieux, exerceraient pour leur compte cette même injustice ; qui pouvait prévoir, et cette irruption de barbarie, et ce retournement de servitude ; qui pouvait prévoir qu’un grand tribun, en moins de quatre ans, deviendrait un épais affabulateur, et que des plus hautes revendications de la justice il tomberait aux plus basses pratiques de la démagogie ; qui pouvait prévoir que de tant de mal il sortirait tant de bien, et de tant de bien, tant de mal ; de tant d’indifférence tant de crise, et de tant de crise tant d’indifférence ; qui aujourd’hui répondrait de l’humanité, qui répondrait d’un peuple, qui répondrait d’un homme.
Rien ne saurait être plus erroné ni d’une philosophie plus superficielle, que de se représenter la Réforme comme analogue en son principe à la Renaissance ; elle en est précisément le contraire ; et le seul point qu’elles aient eu de commun c’est d’avoir, un court moment, travaillé l’une et l’autre à l’émancipation de l’individu. Elles ont donc, un moment, rencontré les mêmes ennemis en face d’elles, scolastiques et théologiens, et, un moment, elles ont combattu le même combat. […] Il put sembler un moment que les auteurs de la Satire Ménippée fussent plus heureux, mais n’a-t-on pas un peu exagéré l’importance politique de ce pamphlet célèbre ? […] Hippolyte, vers 545-690 ; vers 1360 et suiv. ; vers 1963-2150]. — La première tragi-comédie : Bradamante. — Que la Bradamante de Garnier marque un moment décisif dans l’histoire du théâtre : la tragédie « recule » et cède la place à la tragi-comédie. — Coup d’œil sur l’état du théâtre en Europe à la même époque. — Si cette éclipse de la tragédie est ou non un symptôme d’émancipation à l’égard des anciens ? […] Peu de livres ont été plus souvent réédités que l’Introduction à la vie dévote. — Quant aux Œuvres complètes, il y en a deux bonnes éditions, mais que remplace dès à présent celle qui se publie en ce moment même « par les soins des religieuses de la Visitation du premier monastère d’Annecy », et dont il a déjà paru huit volumes ; Annecy, imprimerie Niérat.
Mais, pour le moment, en vrais fils qu’ils sont de la génération précédente, ils ne se soucient que du libre exercice de leur « faculté pensante », et le Dieu « rémunérateur et vengeur » de Voltaire n’est lui-même à leurs yeux qu’une hypothèse dont se passent très bien la mécanique céleste ou la fabrication du sucre de betteraves. […] Mais, du moment qu’on rendait chacun de nous à lui-même, ces distinctions s’évanouissaient avec la doctrine dont elles étaient l’expression ; tous les mots devenaient bons qui nous servaient à manifester notre personnalité ; et en littérature comme en politique l’individualisme aboutissait à l’égalité. […] Vigny, retiré dans sa « tour d’ivoire », publiait La Mort du loup, La Maison du berger, La Bouteille à la mer, autant de pièces dont on peut dire, — en attendant le moment de les mieux caractériser, — qu’il ne saurait rien y avoir de moins romantique. […] — Qu’en tout cas, c’est à partir de ce moment qu’il devient irréconciliable ; — et qu’il publie ses pamphlets les plus vifs ; — ce qui ne l’empêche pas, dans sa vie privée, d’être le plus exigeant des propriétaires ; — le plus impitoyable des maîtres ; — le plus dur des créanciers ; — et qu’il faut le savoir pour ne pas imputer son assassinat aux « cagots » ; — comme on le fait encore dans de certaines histoires [Cf. […] Il se publie d’ailleurs, en ce moment même, sous la direction de Mme Michelet, une édition des Œuvres complètes de J.
Du moment qu’elle sait tout ou veut tout savoir, pourquoi se tiendrait-elle sur la réserve ? […] Bocage a eu de très beaux moments, mais il détaille trop son jeu. […] Dès ce moment, Alfred a pris son parti ; il épousera madame de Gaston. […] Le moment où don José provoque don Juan est le seul moment dramatique de la pièce, mais ce moment même est un plagiat. […] Il emmène Chatterton, et dès ce moment on prévoit, sans trop de sagacité, que l’action ne s’engagera pas.
A peine versé, le sang maternel dégrise un moment Néron. […] Il y a un moment dans leur vie où ils s’arrêtent et où ils regardent en arrière d’un œil effrayé. […] Mais la force des choses lui arrache, par moments, des traits, des ironies, des sarcasmes, qu’on dirait de Tacite. […] A partir de ce moment, la reine lui appartenait corps et âme. […] Le parallélisme géométrique de leurs existences décrit à ce moment un léger écart.
Tout être vient de parents, et à un certain moment il est capable d’être parent à son tour, c’est-à-dire de donner origine à d’autres êtres. […] Pour le moment il suffira de rappeler les grands traits de la question. […] Prat étudie en ce moment, serait due à un produit de la putréfaction mal connu. […] Pour le moment, nous mentionnerons seulement l’observation principale due à Strassburger. […] Depuis le moment où il s’exprimait si nettement, la chimie synthétique a accompli, en effet, des progrès considérables.
Cependant un moment vint où l’on commença à observer en lui des traces de fatigue. […] J’avoue que les premiers moments de cette première visite ne furent pas sans quelque embarras. […] Cela je ne le sus jamais, car, à ce moment, je m’éveillais de mon rêve, à la fois ravi et désespéré… Hélas ! […] La reine Balkis m’en parlait justement tout à l’heure, car je la revois beaucoup en ce moment. […] Où l’a-t-elle mené en ce moment ?
Dans un moment d’émotion, il n’y a plus de jugement, il n’y a que de l’espérance et de la crainte ; on éprouve quelque chose du plaisir des rêves, les limites s’effacent, l’extraordinaire paraît possible, et les bornes ou les chaînes de ce qui est, et de ce qui sera, s’éloignent ou se soulèvent à vos yeux.
C’est dans les moments où l’on sentie plus, qu’on a souvent le moins d’envie de parler.
Or, du moment que c’est à nous de les inventer, nous sommes tentés de les restreindre, cela est triste à dire.
Et plus tard, dans le célèbre médaillon de David, vue de profil, — avec les mêmes traits, mais devenus si sérieux et si calmes, avec la grande paupière baissée, avec cette chevelure toujours courte qui s’arrange en masses, dignes de la statuaire, — comme à ce moment-là elle est épique et vraiment imposante !
Leur avantage était d’être enracinés de fortes lectures, au moment même où l’on proclamait que le génie supplée à tout, et qu’à voyager dans les livres, l’écrivain risque de perdre son originalité.
Or, à ce moment, le français paraissait aussi pauvre en termes abstraits que le latin classique, tandis que le latin du moyen âge, enrichi de toute la terminologie scolastique6, était devenu apte à exprimer, avec la dernière subtilité, toutes les idées ; ce latin médiéval a versé dans le français toutes ses abstractions ; la philosophie et toutes les sciences adjacentes s’écrivent toujours dans la langue de Raymond Lulle.
Comparez un moment au jardin royal de Versailles, bien nivelé, bien taillé, bien nettoyé, bien ratissé, bien sablé, tout plein de petites cascades, de petits bassins, de petits bosquets, de tritons de bronze folâtrant en cérémonie sur des océans pompés à grands frais dans la Seine, de faunes de marbre courtisant les dryades allégoriquement renfermées dans une multitude d’ifs coniques, de lauriers cylindriques, d’orangers sphériques, de myrtes elliptiques, et d’autres arbres dont la forme naturelle, trop triviale sans doute, a été gracieusement corrigée par la serpette du jardinier ; comparez ce jardin si vanté à une forêt primitive du Nouveau-Monde, avec ses arbres géants, ses hautes herbes, sa végétation profonde, ses mille oiseaux de mille couleurs, ses larges avenues où l’ombre et la lumière ne se jouent que sur de la verdure, ses sauvages harmonies, ses grands fleuves qui charrient des îles de fleurs, ses immenses cataractes qui balancent des arcs-en-ciel !
Énée et Turnus ne sont beaux que dans deux ou trois moments ; Mézence seul est fièrement dessiné.
Théodoric, dans les derniers moments de sa vie, croyait voir, dit-on, la tête sanglante de Symmaque qui le poursuivait.
J’ai sous les yeux, en ce moment même, les Discours et Plaidoyers de M. […] Pour le moment, la question est plus facile à poser qu’à résoudre ; on l’agitera plus tard, dans cent cinquante ou deux cents ans d’ici. […] Puisque d’ailleurs l’amant de Ninette ou d’Elvire osait se plaindre d’elles, elles aussi, les femmes, n’avaient-elles pas à dire les trahisons des hommes Et du moment qu’un pair de France, du moment qu’un député, du moment que les ministres eux-mêmes et les conseillers d’État avaient célébré publiquement leurs amours, pourquoi pas moi, pourquoi pas vous, pourquoi pas tout Français, majeur comme nous, et capable d’aligner deux rimes ? […] Mais ce n’est ici, pour le moment, que le plus petit côté d’une grande question. […] Ils l’ont mal lu ; — voilà ce qu’ils devront se dire, et surtout, ils lui ont rendu le mauvais service, en le copiant maladroitement, d’abuser un moment l’opinion sur son compte.
Du moment que l’écrivain ou le poète, au lieu de s’isoler en eux-mêmes, se mêlaient au monde, et, pour lui plaire, commençaient par accepter la discipline que le monde leur imposait, Richelieu conçut la pensée de faire servir cette docilité nouvelle aux desseins de sa politique. […] Mais c’est trop tôt s’il s’agit de fixer le moment où cette influence a vraiment menacé, comme autrefois l’italienne, le développement de la littérature nationale. […] Si ce vers de Scudéri n’était quelque peu ridicule, ce serait le moment et le lieu d’en faire une juste application. […] En premier lieu parce que les protestants, qu’encourageaient à ce moment même les succès de la grande guerre de la Ligue d’Augsbourg, ont cru qu’ils profiteraient de tout ce que perdrait le catholicisme, ce qui s’est trouvé politiquement vrai, mais moralement faux. […] Le moment est venu de nous émanciper de cette servitude.
Depuis Baudelaire surtout, nous demandons à la poésie de ne fixer que de fugitives minutes, les moments où par l’intuition nous communions avec la vie, où nous participons au divin. […] Aux yeux de Rousseau, c’est à ce moment-là que Wolmar devient sublime. […] Saluons en Maurice de Guérin un moment de la tradition éternelle. […] Au moment qu’il allait reconstruire sur sa base tout l’édifice philosophique, Descartes se fit une loi de tenir pour assurés et profitables les principes qui gouvernaient la société de son temps. […] Elle se donne avec une ardeur désespérée ; mais l’auteur ne nous cache point qu’à ce moment elle participe aux joies qu’elle dispense.
Par moments toutefois je l’inquiète pour de bon. […] il est temps de passer au funeste moment… notez-le bien : ce que nous reprochons à ce vers, ce n’est pas, à proprement parler, sa laideur. […] Mais quand donc mes critiques comprendront-ils que dans le moment de la transmission poétique et artistique, quelle que soit la rapidité avec laquelle une nature cultivée et entraînée peut enregistrer tous les composés du phénomène, presque rien ne compte des minutieuses ou des belles raisons des choses déduites après coup ? […] Or il est vrai sans doute qu’un grand poète, autrement dit qu’un grand mystique, est un magnifique créateur d’images, « mais non pas à ses plus hauts moments d’inspiration. » ce n’est pas parce que le poète excelle à créer des similitudes qu’il est grand mystique, " c’est parce qu’il a une pleine vision du mystère des réalités. […] Un moment il est dans la lumière et la chaleur, mais avant d’entrer, où était-il ?
On peut bien « s’ennuyer », puisque Jupiter s’ennuie, partant se désennuyer, admettre chez soi des bouffons, des plats-pieds, s’en distraire un moment, en rire, se laisser aduler, et même parfois consentir à les gratifier de quelque auguste sourire. […] Il s’arrête à ce moment, change de ton, regarde autour de lui, pour qu’on le comprenne : Je pense Qu’il est bon que chacun s’accuse ainsi que moi Car on doit souhaiter, selon toute justice, Que le plus coupable périsse. […] Quand le rat sort de terre entre ses pattes, il n’attend pas comme dans Esope que la pauvre bête lui demande grâce ; « il montre ce qu’il est », il la fait d’abord et noblement. — Au dernier moment, le poëte se prend de compassion pour lui. […] La cigogne au long bec n’en put attraper miette, Et le drôle eut lappé le tout en un moment. […] En ce moment il excuse la satire chez La Fontaine.
Sigurd a enfoncé son épée dans le cœur du dragon Fafnir, et « à ce moment tous deux se regardent. » Alors Fafnir chante en mourant : « Jeune homme, jeune homme ! […] — Car tu as trempé et rougi dans Fafnir — ton épée, cette épée étincelante. — Ton fer s’est arrêté dans mon cœur. » « C’est mon cœur qui m’a poussé. — Ce sont mes mains qui ont accompli l’œuvre, — mes mains et mon fer aigu. — Rarement il devient brave — et aguerri aux blessures, — celui qui tremble — au moment du danger ! […] Vient alors un passereau qui traverse la salle à tire-d’aile ; il est entré par une porte, il sort par une autre ; ce petit moment, pendant lequel il est dedans, lui est doux ; il ne sent point la pluie ni le mauvais temps de l’hiver ; mais cet instant est court, l’oiseau s’enfuit en un clin d’œil, et de l’hiver il repasse dans l’hiver. […] Le moment était venu pour « la fille du Créateur, pour la sainte femme. » « Elle saisit le païen — fortement par la chevelure, — elle le tira par les membres — vers elle ignominieusement. — Et l’homme malfaisant, — odieux, — fut livré à sa volonté. — La femme aux cheveux tressés — frappa le détestable ennemi — avec l’épée rouge — jusqu’à ce qu’elle eût tranché à demi son cou. — De sorte qu’il était gisant, — évanoui et blessé à mort. — Il n’était pas encore mort, ni tout à fait sans vie. — Elle frappa alors violemment, — la femme glorieuse en force ! […] Mais les Saxons, selon l’usage des races germaines, races vigoureuses et fécondes, ont multiplié énormément depuis six siècles ; il y en a peut-être deux millions en ce moment, et l’armée normande est de soixante mille hommes75.
Les seigneurs à table ont achevé leur dîner, les ménestrels viennent chanter, la clarté des torches tombe sur le velours et l’hermine, sur les figures fantastiques, les bigarrures, les broderies ouvragées des longues robes ; à ce moment le poëte arrive, offre son manuscrit « richement enluminé, relié en violet cramoisi, embelli de fermoirs, de bossettes d’argent, de roses d’or » ; on lui demande de quoi il traite, et il répond « d’amour. » III. […] — Où sont ses bras et ses yeux brillants qui hier, à ce moment, étaient avec moi192 ? […] Au moment délicat, avec une hypocrisie transparente, il se couvre du nom de son auteur. […] laissez couler les grands mots, vous serez édifié tout à l’heure. » En effet, nous sommes édifiés, lui aussi ; c’est pourquoi, au moment scabreux, il s’en va, emportant la lumière, et disant « qu’elle ne sert à rien, ni lui non plus. » « Troïlus, dit l’oncle Pandarus, si vous êtes sage, ne vous évanouissez plus, car cela ferait du bruit, et l’on viendrait. » Troïlus a soin de ne pas s’évanouir, et enfin, seule avec lui, Cressida parle ; avec quel esprit, et quelle finesse discrète ! […] S’il y a quelque part un accent un peu original, c’est dans ce Vaisseau des fous que traduit Barcklay, dans la Danse de la mort que traduit Lydgate, bouffonneries amères, gaietés tristes qui, par les mains des artistes et des poëtes, courent en ce moment par toute l’Europe.
Ces pages nous font l’effet de ces couronnes de roses, de ces boucles de cheveux blonds noués de faveurs déteintes que l’on trouve quelquefois au fond d’une cassette, dans l’inventaire après décès d’un vieillard, souvenirs des joies de la vie qui jurent avec la gravité du moment. […] « On m’aborda de tous côtés dans les rues pour me demander compte de ce qu’ils appelaient mon revirement et mon imprudence. — N’était-ce pas le moment, me disaient-ils, d’abolir la royauté, qui s’était abolie elle-même ? […] « Rappeler Charles X, vous ne le pouviez pas : c’était vous déclarer vaincus ; relever une dynastie napoléonienne, vous ne le pouviez pas : vous n’aviez pas sous la main le rejeton, et l’Europe à ce moment aurait vu dans le rétablissement d’un Napoléon une déclaration de guerre au genre humain à peine pacifié. […] » me disait-il quelquefois… Mais ces courts moments de doute ne prévalaient pas sur sa charité active pour le genre humain. […] Et Solon, donc, qui avait rétabli un moment la liberté d’Athènes, sa patrie, n’avait-il pas fait des chansons pendant toute sa jeunesse ?
Il n’en est rien cependant ; car jamais, à aucun moment de notre histoire, les questions d’ordre le plus élevé n’ont été étudiées, discutées et près de se résoudre dans un sens favorable comme aujourd’hui. […] Et ce qui se passe en ce moment, où j’écris, confirme l’exactitude de ce jugement. […] Nota. ― Au dernier moment, j’apprends que M. […] A ce moment, le peuple était donc ce qu’il avait été auparavant, actif, travailleur, à l’occasion aimant à fêter plus que de raison la dive bouteille, mais, au demeurant, ordonné et aimant l’épargne. […] Et au moment même où nous nous écrions, découragés, que tout se corrompt et tout se pourrit, elle continue son œuvre patiente et obscure.
Toutefois l’idée de bienséance varie avec les âges et selon les moments. […] Il assista celui-ci à ses derniers moments, et l’exhorta à la mort, de même qu’il l’avait consolé et soutenu de ses entretiens affectueux, il y avait dix-huit ans, dans la première solitude de son veuvage : c’était dans les deux cas la même religieuse amitié, mais empreinte à la fin d’un caractère de plus et de l’imposante gravité du ministère. […] Notre vie s’écoule insensiblement, et il ne nous reste, de ce temps qui passe, que les moments qui nous seront comptés pour l’éternité.
Une hirondelle domestique, accablée de fatigue, se posa sur une voile, assez près pour être prise à la main ; c’était un dernier, un tardif message de la patrie, inattendu dans un pareil moment, et qui, comme eux, avait été porté sur les mers par un penchant invincible. […] Il n’en soignait pas moins attentivement les hommes, dont il voulait accaparer le suffrage pour le moment de sa publication, la science et l’habile artifice marchant en lui du même pas. […] « Mon cher Varnhagen, « Vous qui ne craignez pas la douleur et la cherchez mentalement dans la profondeur des sentiments, recevez, dans ces moments pleins de tristesse, quelques mots de la part de cette affection que les deux frères vous ont vouée.
La bourgeoisie, à travers les malheurs et les désordres du xive siècle, ne cessera de croître : et même déchue des espérances qu’elle aura pu concevoir un moment de dominer la royauté ou de s’en passer, elle restera puissante et considérée dans sa docilité soumise. […] Charles VI aussi les lisait dans ses moments de calme raison. […] Que du reste Deschamps, avec son rude langage, dans ses vers martelés et pénibles, ait souvent de la force, de l’éclat, de l’originalité, une sorte de mâle et brusque fierté qui rappelle, par moments, l’accent de Malherbe, il n’y a pas à le contester.
Qui n’a éprouvé de ces moments de solitude intérieure, où l’âme descendant de couche en couche et cherchant à se joindre elle-même, perce les unes après les autres toutes les surfaces superposées, jusqu’à ce qu’elle arrive au fond vrai, où toute convention expire, où l’on est en face de soi-même sans fiction ni artifice ? Ces moments sont rares et fugitifs ; habituellement nous vivons en face d’une tierce personne, qui empêche l’effrayant contact du moi contre lui-même. […] Il me semble bien en ce moment que je mourrais content dans la communion de l’humanité et dans la religion de l’avenir.
Confiance ébranlée par le doute, rayonnements d’orgueil éclipsés par les ombres des calamités pressenties, questions encore sans réponse jetées au Destin qui galope, peut-être en ce moment, vers la ville, sous la chlamyde volante d’un courrier. […] A ce moment, par une substitution invisible, mais qu’un changement d’acteur n’aurait pas rendue plus frappante, le Perse disparaît, ou, pour mieux dire, une transformation intérieure s’accomplit en lui. […] À ce moment, par un changement de ton que je n’ai vu remarqué nulle part, la tragédie tourne subitement à la comédie ou tout au moins au drame satirique.
Il y a là un moment d’éclat et de fracas qui déchaîne un orage d’émotions dans la salle. […] On y lisait en toutes lettres : « Aime-moi, et ne t’afflige pas si quelque autre me possède. » Ce qui choquerait plus encore si l’émotion, à ce moment palpitant du drame, vous permettait de juger, c’est le moyen qu’emploie Marguerite pour tenir la promesse qu’elle a faite à M. […] Si la morale de la pièce est quelque part, elle est, à coup sur, dans le spectacle de cet amour haletant, fou, forcené, qui fait curée d’un moment de bonheur, dans une chambre d’auberge ouverte à tous ceux qui passent, et qui se jette aux bras de l’amant, à deux pas du mari soupçonneux et courroucé.
La volition n’avait point disparu, mais elle était sans efficacité… L’eau de rose dont ta tendresse avait humecté mes lèvres, au moment suprême, me donnait de douces idées de fleurs, — fleurs fantastiques infiniment plus belles qu’aucune de celles de la vieille terre…. […] Une vision en plein Océan polaire après d’étranges aventures dans une île inconnue, une maison qui s’abîme singulièrement par une tempête, la résurrection d’un cataleptique, des ressemblances bizarres, une ombre sur une porte, un corbeau qui répond merveilleusement juste ; en ces faibles atteintes au vraisemblable, consiste tout le fantastique mesuré de Poe, qu’atténue encore une science exacte des transitions, du milieu et du moment propices. […] Comme le brick continuait à tourner, comme pour nous voir de plus près, l’oiseau retira péniblement du trou sa tète sanglante, et, après nous avoir considérés un moment stupéfié, se détacha paresseusement du corps sur lequel il se régalait, puis il prit droit son vol au-dessus de notre pont et plana quelque temps dans l’air avec un morceau de la substance coagulée et quasi-vivante dans son bec.
Eschyle voit par moments la nature avec des simplifications empreintes d’un dédain mystérieux. […] Ce poëte en effet, par moments, comme Job, officie. […] Par moments, il a Bacchus aux lèvres en écume.
Elle a dû arrêter un moment l’auteur de Clément XIV quand, riche des renseignements inconnus déposés par masses dans ses mains, il s’est dit qu’il allait peut-être retourner contre le Saint-Siège, dans l’opinion du monde, les jugements qu’il avait à rendre contre un pontificat isolé. […] Et puis, dans ces choses de la politique, embrasées des passions des hommes, il y a des moments où tout se précipite de soi-même ; c’est dans la logique et c’est dans l’heure ; et cela fait un entraînement tel que les hommes qui ne croient pas à la Providence appellent ce précipitamment la fatalité. […] Mais chacun en connaît-il bien le moment, la manière, la cause ?
C’est une rude gageure que de se dire : « Je passerai une grande partie de ma vie dans une époque sans en être, sans la servir comme elle veut être servie, et j’attendrai que l’heure propice et plus d’accord avec mon humeur soit revenue. » La Fare fît peut-être à certain moment cette gageure, mais il la perdit. […] [NdA] Il s’agit d’Hermias, un moment roi d’Atarnée en Mysie, disciple et ami d’Aristote, et qui, venu tard et resserré dans un cadre étroit, paraît avoir eu des vertus héroïques.
Il était fâcheux, il le devenait de plus en plus, que, sans déroger, sans déchoir, on ne pût à un certain moment, et tout en participant dans une juste mesure à la culture réputée la plus noble et la plus délicate, se diriger vers les connaissances précises dont on devait faire le principal de son fonds social et son instrument de travail et de vie. […] Eu ces sortes de moments on tient peu de compte des nuances, et on est plus tenté de supprimer que de concilier.
Vauvenargues, qui a vu un moment à Paris M. de Saint-Georges, et qui en fait cas, récuse toutefois l’exemple et l’application que Mirabeau en voudrait faire à eux deux. […] Il me semble qu’en rapprochant tout ce qu’on trouve de passages religieux dans ses écrits, de pour et de contre, on n’arrivera qu’à composer une velléité, une inquiétude chrétienne (elle a dû exister à certains moments), non une crise proprement dite, « Ce ne sont que des accidents de foi, m’écrit M.
Qu’on me laisse un moment parler de ce roman ancien, le seul ou presque le seul que nous ait légué la littérature latine (car le livre de Pétrone n’est pas un roman proprement dit), qu’on m’en laisse parler comme je le ferais de tel ou tel de nos romans modernes. : il les vaut bien. […] Psyché a désobéi à l’Amour, elle a cédé aux conseils perfides de ses deux méchantes sœurs jalouses ; elle a voulu voir de ses yeux le monstre qui était son époux ; elle l’a vu, elle l’aime de ce moment plus que jamais, mais au même instant elle l’éveille par la goutte d’huile brûlante qui tombe de sa lampe, et elle le perd.
C’est un bon moment dont vous profiterez, et je crois vous faire plaisir en vous le disant. » M. […] Il est passé, le temps des amours légères et des espérances, et aussi des crayons légers ; parmi ceux qui me reviennent à l’esprit en ce moment, il en est un plus agréable encore et plus riant que tous les autres : c’est, dans un album des Mélodies de Mme Gavarni, l’un des dessins intitulé Chanson et le jeune adolescent qui la personnifie ; grâce, gaieté, fraîcheur, lumière, tout ce qui rit à la vie est dans ce dessin-là.
Il est vrai qu’il s’en ressentait, car le rabat lui tombait de côté à tout moment, et il se donnait beaucoup de mal à le rajuster. […] Jugeant en parfaite connaissance de cause les écrivains espagnols, Saint-Évremond disait : « Il y a peut-être autant d’esprit dans les autres ouvrages des auteurs de cette nation que dans les nôtres ; mais c’est un esprit qui ne me satisfait pas, à la réserve de celui de Cervantes en Don Quichotte, que je puis lire toute ma vie sans en être dégoûté un seul moment.
Vous, vous le faites embrasser ; par ma foi, vous êtes un drôle de corps. » Dans tous ces endroits, elle est naturelle, pleine de verve et d’abondance ; elle n’est plus tout à fait cette dame parfaite que Lemonteya vue à Lyon ; elle se livre, elle a du jet ; elle est ce qu’il faut, selon les lieux et les moments ; elle est ce qu’elle veut être, familière et vive quand le cœur lui en dit ; la plume alors prend le galop et court à bride abattue : nous avons une Sévigné de la bourgeoisie, et mieux que cela, une Sévigné George Sand. […] Dis-moi, connais-tu des moments plus doux que ceux passés dans l’innocence et le charme d’une affection que la nature avoue et que règle la délicatesse, qui fait hommage au devoir des privations qu’il lui impose, et se nourrit de la force même de les supporter ?
Au moment d’y entrer, le cheik Othman, son protecteur et son grand ami, qui s’était chargé de le conduire chez les Touareg, lui fit quatre recommandations : « 1° S’armer de beaucoup de patience et de résignation ; — 2° Ne pas intervenir dans les discussions des guides ou khebir, relativement à la marche de la route ; — 3° Faire provision de beaucoup d’eau ; — 4° Être libéral envers les guides, envers ses serviteurs et ses compagnons de voyage. » Ces guides du Sahara sont des personnages respectés. […] Son ambition, avant de mourir, après avoir accompli le pèlerinage de la Mecque, est de consacrer sa fortune à poursuivre l’œuvre commencée par son père : doter les routes de son pays de puits utiles aux voyageurs. » Si l’on peut se figurer un moment qu’on soit Touâreg, on ambitionnerait d’être le cheik Othman, c’est-à-dire celui qui désire que les hommes, si séparés qu’ils soient, s’entendent pour le bien et se donnent la main.
On a pu dans ces derniers temps, par analogie avec d’autres époques légendaires mieux connues, distinguer divers moments durant cette période ; il y eut probablement d’abord l’âge des chants narratifs de peu d’étendue, de ce qu’on appelait épos : l’âge de l’épopée a suivi, dans lequel ces chants plus simples étaient repris, remaniés, et transportés avec souffle dans des compositions plus larges et déjà savantes. Le génie d’Homère n’est donc pas si morcelé et si épars qu’on l’a dit : c’est un esprit poétique, vaste et exubérant sans doute, mais propre aussi à organiser, et conservant encore, à ce second moment, cette fraîcheur d’observation et cette vivacité de détail qui constitue le charme de la ballade, de la saga, de l’épos primitif.
Aussi avons-nous dû renvoyer jusqu’à ce moment l’étude des origines et des premières œuvres, débris de la production des xiie et XIIIc siècles. […] Enfin la langue vulgaire fait son apparition : et dès ce moment nous n’avons plus à nous occuper des drames latins liturgiques, qui subsisteront à travers le moyen âge, et dont les traces seront signalées jusqu’à nos jours.
Hugo est maintenant complet : c’est le moment d’essayer, à l’aide surtout de ces trois grandes œuvres, de caractériser l’homme et d’en définir le génie. […] Leconte de Lisle (1820-1894), né à la Réunion, s’arrêta un moment dans le Fouriérisme.
On le voit même, un moment, se conduire comme un galant homme. […] On peut lui renvoyer cette exclamation ; Giboyer fils, à ce moment-là, ne se distingue pas bien nettement de Giboyer père.
Saint-Simon était doué d’un double génie qu’on unit rarement à ce degré : il avait reçu de la nature ce don de pénétration et presque d’intuition, ce don de lire dans les esprits et dans les cœurs à travers les physionomies et les visages, et d’y saisir le jeu caché des motifs et des intentions ; il portait, dans cette observation perçante des masques et des acteurs sans nombre qui se pressaient autour de lui, une verve, une ardeur de curiosité qui semble par moments insatiable et presque cruelle : l’anatomiste avide n’est pas plus prompt à ouvrir la poitrine encore palpitante, et à y fouiller en tous sens pour y étaler la plaie cachée. […] Il se dérobe des moments pour lire ; il aime le mérite, il s’accommode à toutes les nations ; il inspire la confiance : voilà l’homme que vous allez voir.
Sa fortune, un moment détruite sous le ministère d’Aiguillon, s’était réparée depuis avec toutes sortes d’avantages par la protection de M. de Breteuil. […] On ne sait, par moments, si c’est l’histoire de Russie ou celle de Pologne que retrace l’historien, tant il nous transporte d’abord alternativement de l’un à l’autre pays.
Il nous arrive à nous-même presque comme à Louis XIV ; Mme des Ursins regagne dans notre esprit, du moment qu’elle parvient à être écoutée. […] On choisit exprès le moment où le roi d’Espagne était à l’armée et séparé de la reine, craignant que celle-ci par son désespoir ne fît obstacle à l’exécution.
Disons vite que l’intention du gouvernement d’alors ne paraît jamais avoir été que l’arrêt de mort fût exécuté : le baron de Damas, devenu à ce moment ministre de la Guerre, croyait pouvoir répondre de la grâce et de la clémence du roi ; mais c’était une grâce, et Carrel, fort de la capitulation et des paroles données, croyait pouvoir réclamer pour lui et pour ses compagnons de fortune un droit. […] Cette physionomie gracieuse et pure, cette jeune tête riante et chauve de Sautelet se dessine avec beaucoup de finesse, et même par moments avec un éclair de gaieté ; puis l’analyse reprend, exacte, sévère, presque impitoyable.
Comme la plupart des ouvrages vrais et qui saisissent le plus la société à leur moment, il ne fut point écrit de propos délibéré : il sortit d’une inspiration naturelle et toute particulière. […] les conceptions descendraient et pleuvraient dru et menu ainsi que les neiges y tombent en hiver. » En ce moment saint François de Sales concevait l’idéal de la vie contemplative comme saint Anselme, et il l’exprimait naïvement comme Homère.
Quoiqu’il aille expirer, on voit qu’il ne veut pas s’abandonner à sa douleur ni à sa défaillance, et qu’il a encore l’attention à sa contenance, que les gladiateurs se piquoient de conserver dans ce funeste moment. […] On sent donc que malgré la force qui lui reste, il n’a plus qu’un moment à respirer, et l’on regarde long-temps dans l’attente de le voir tomber en expirant.
On en avait assez, pour le moment, des flamboyants panoramas de l’Orient par M. […] IX Idyllique, — il l’est, en effet, et parfois avec un charme à lui ; — mais sauvage, il ne le fut jamais, même quand il voulut le plus l’être, car il a voulu l’être à un certain moment de sa vie dont nous parlerons tout à l’heure, quand il fit son poëme : Les Bretons.
Au moment des attaques des 16 et 17 juin 1915 est monté sur le parapet pour exciter la troupe au combat, puis son chef de corps ayant été privé de toute communication téléphonique a assuré lui-même le service des liaisons sous un feu très violent. […] Je ne redoute pas la mort ; je l’ai vue et je la vois encore de trop près en ce moment.
Le défaut d’unité, tel est bien en effet, le caractère principal de la société pendant cette période confuse qui sépare les deux moments du développement de l’égalitarisme, le crépuscule du monde antique et l’aurore des temps modernes. […] L’unification des sociétés hâte le moment ou les individus sont tenus pour les vrais titulaires du droit et où l’opinion publique déclare qu’il faut les juger, non en vertu de lois spéciales, d’après leur rang, mais en vertu de lois uniformes, d’après leur mérite personnel.
Pons, comme d’un temps qui marquait dans sa critique, et dans lequel il avait mis aussi tout son aiguillon, ainsi qu’il l’a dit ailleurs de ses Poésies. « En France, ajoutait-il, on n’a que ma critique écrite de ce temps-là, c’est-à-dire celle dans laquelle je ne pouvais dire tout ce que je pensais sur les productions littéraires du moment.
Puis un moment après il sortit en disant adieu, et aussitôt se ravisant il remit la tête dans la loge, et frappant sur l’épaule de son homonyme : Adieu, Thomas !
Nous attendrons, pour nous prononcer sur ce point et sur plusieurs autres, que l’auteur ait donné une histoire du Comité de salut public, qu’il prépare en ce moment, et dans laquelle sera résumée toute la Révolution, comme dans la Révolution est résumée toute l’histoire de l’humanité.
En ce moment surtout, il semble que pour l’Europe entière les anciennes générations expirent dans la personne de leurs plus augustes représentants ; il se fait un renouvellement solennel ; les têtes sacrées des maîtres de l’intelligence et de l’art tombent de toutes parts moissonnées.
Décidément, ce genre de Portraits que l’occasion m’a suggéré, et dont je n’aurais pas eu l’idée probablement sans le voisinage des Revues, m’est devenu une forme commode, suffisamment consistante et qui prête à une infinité d’aperçus de littérature et de morale : celle-ci empiète naturellement avec les années, et la littérature, par moments, n’est plus qu’un prétexte.
Walewski est dans le cas de nous tous, journalistes et littérateurs par goût, par convenances (qu’il le sache bien, car en bonne compagnie les nécessités mêmes s’appellent des convenances), littérateurs à nos moments perdus (et nous en perdons beaucoup) ; il ne faut pas qu’il s’imagine que nous soyons plus contraints au métier que lui ; nous sommes tous des amateurs, et il est étrangement venu à nous dire : « La presse qui semblait devoir, au moins par générosité, accueillir avec indulgence un homme du monde et lui faire les honneurs de la république des lettres, la presse, c’est-à-dire une partie de la presse, s’est montrée peu courtoise. » La presse ne devait et ne doit rien à M.
Nous avons fixé les moments et les œuvres où il faut appeler l’intelligence ; le reste du temps, dans nos autres occupations, nous n’en usons point ; il nous semble naturel de ne rien lui demander : c’est comme un outil que l’on serre après le travail pour lequel il a été fait.
Rêveries sur un empereur Il est en ce moment, selon toute apparence, le plus puissant souverain de l’Europe.
Tout critique affecte de voir à certains moments et finit par voir dans un ouvrage ce que les autres n’y voient pas, et pourrait dire comme Philaminte : Je ne sais pas, pour moi, si chacun me ressemble, Mais j’entends là-dessous un million de mots.
La rapide prépondérance que prit l’empire franc refait un moment l’unité de l’Occident ; mais cet empire se brise irrémédiablement vers le milieu du IXe siècle ; le traité de Verdun trace des divisions immuables en principe, et dès lors la France, l’Allemagne, l’Angleterre, l’Italie, l’Espagne s’acheminent, par des voies souvent détournées et à travers mille aventures, à leur pleine existence nationale, telle que nous la voyons s’épanouir aujourd’hui.
Je consume les plus beaux jours de ma vie au service d’autrui… Je vis dans une action continuelle ; pas un moment à donner à mes amis ; les bontés du roi ne sauraient me dédommager de toutes ces pertes. » On pourrait trouver une nuance d’ingratitude dans ces paroles, si l’on n’y voyait la sage précaution d’une femme intacte contre des soupçons offensants.
D’ailleurs il avait toujours eu une vive sympathie de poète, qu’on lui pardonne d’usurper un moment ce titre, pour le monde oriental.
Les vers que fit Auguste sur les dernières volontés de Virgile, caractérisent bien le génie de ce prince* : Une voix inhumaine, en un fatal moment, A donc pu commander l’attentat le plus grand !
Les sciences sont un labyrinthe où l’on s’enfonce plus avant au moment même où l’on croyait en sortir. » Ces objections sont spécieuses, mais elles ne regardent pas plus la chimie que les autres sciences.
On dirait que celui-ci a été presque entièrement écrit sous l’inspiration du moment actuel, parce que la discussion, par un inconcevable malentendu, vient d’être ramenée sur le terrain de la restauration.
Il passe pour expérimenté, connu déjà par des ouvrages dont la publicité n’a pas été, jusqu’à ce moment, très sonore, ce qui est presque une distinction dans un temps où les réputations les moins méritées font le bruit de ces innocents coups de pistolet de papier que les enfants s’amusent à tirer et qui ne cassent la tête ni les doigts de personne.
Comme tout le monde, à un certain moment, voulut imiter Ronsard et Desportes, et plus tard Corneille et Racine, tout le monde veut maintenant imiter Balzac.
La patrie, cette patrie qui n’a que quelques pieds d’horizon et qui a porté notre berceau, qui nous entre par les yeux dans le cœur aux premiers moments de la vie, et qui est comme le cœur concentré de l’autre et grande patrie, est entrée trop avant en lui pour que son talent puisse exister sans elle.
∾ Ce qui me préoccupe dans cet article, — je le souligne avec insistance, — c’est de montrer comment, dans un même moment, tous les esprits placés dans des conditions analogues passent par des conceptions analogues.
« Je puis, leur dit-il, en un moment, faire vingt hommes plus grands que vous ; Dieu seul peut faire un homme tel que le Titien. » Voilà ce que Perrault avait répondu d’avance à ses censeurs.
C’est le pouvoir royal disant à un moment donné : « Il n’en est pas moins que je suis le seul maître. » — Les lettres de cachet étaient des façons de petits coups d’Etat contre les personnes. […] Du moment qu’elle était le seul corps du royaume qui fût indépendant, tout ce qui dans le royaume était indépendance ou se réclamait de la liberté, ressortissait à ce corps-là. […] Mais les régences étaient ses moments favorables, et en 1715, il reparut avec toute sa puissance législative, et plus que législative, de 1610. […] Faut-il, à ce moment, la persécuter, sous prétexte de ne pas la recevoir, ou la tolérer, sur cette raison qu’elle est établie ? […] Laissons de côté, pour un moment, le projet prêté par Rousseau aux chrétiens, même dans leur faiblesse, de devenir un jour les maîtres.
C’est un fleuve qui se déborde en un instant, et qui, le moment d’après, est embrasé de maniere que les poissons mêmes y grillent. […] Supposons un moment que l’Iphigénie de M. […] L’unité consiste à ne choisir que des circonstances qui concourent au même effet, à ne pas sortir un seul moment du genre de l’image, à n’y rien mêler que de gracieux, de grand ou de terrible, selon que le fonds le demande. […] Il n’y a point d’ennemi qui puisse me précipiter dans le tombeau, avant le jour fatal marqué par la destinée, et point d’homme vaillant ou lâche qui puisse éviter son sort : tout est reglé dès le prémier moment que nous venons à la lumiere. […] Il y a là un air trop sententieux, et de plus, une petite énumeration qui ne convient point du tout dans un moment si pathétique.
Nous vivons au milieu d’hommes qu’on appelle nos semblables, qui ont mêmes facultés que nous, qui sont nés à un même moment de l’humanité. […] Il y a des influences de moment, il y en a d’autres plus lointaines, auxquelles on n’échappe pas. […] Venus à un même moment de l’humanité, nous ne sommes complètement des étrangers pour aucun de nos compagnons d’âge. […] Ici intervient l’influence du « moment » à laquelle M. […] et le moment est bien choisi pour être timide !
La nouvelle est certainement en ce moment le genre de production littéraire le plus médiocre. […] Il y eut un moment où la Critique catholique parut combattre le Réalisme comme un scandale religieux. […] Ce genre de charge avait même un moment gagné le théâtre. […] L’intérêt cesse avec l’intérêt du moment. […] Elles font illusion sur le moment ; en réalité, elles ne supportent pas la lecture.
Balzac, comme nous l’avons dit, vivait ses personnages, et en ce moment il était Facino Cane lui-même, moins la cécité toutefois, car jamais yeux plus étincelants ne scintillèrent dans une face humaine. […] Mais, dans le moment, nous prenions la chose au sérieux, nous nous imaginions être les Treize eux-mêmes, en personne, et nous étions surpris de ne point passer à travers les murs ; mais le monde est si mal machiné ! […] Comme ce temps est loin déjà Ces éblouissants feux d’artifice que Méry tirait en plein jour, à tout moment, sont éteints à jamais ; car personne n’eut plus d’esprit que ce Marseillais si Parisien, et n’en fut plus prodigue. […] Napoléon en Égypte marque un moment de répit sous le ministère pacificateur de Marlignac ; mais bientôt les satires reprennent de plus belle, et cela dure jusqu’à la révolution de Juillet, à laquelle Méry prit une part active. […] Ce moment d’anxiété est terrible.
Ce n’est pas seulement qu’il relit mal ses épreuves… Dans Le Rouge et le Noir : « Du moment que Julien se fut aperçu… » puis trois lignes plus loin : « Du moment que Julien fut détrompé… » Répétition, maladresse, insouciance. […] … À ce moment, il restait encore de grands romantiques. […] Le véritable inconvénient, au point de vue littéraire, de cette frénésie, est un excès de lyrisme à des moments qui, aux yeux du sexe fort, ne paraissent pas toujours en valoir la peine. […] Mais il explique, il cherche à creuser au lieu de récriminer ; il aide à comprendre ce qui se passe en ce moment. […] Chez lui, l’intelligence tout court a pris le pas sur l’intellectualisme, aux dépens de la création romanesque — pour le moment.
Ils ne perdoient pas Quesnel un moment de vue. […] L’autre, étant évêque de Fréjus, s’écrioit, dans un mandement : « Quel soulèvement n’avons-nous pas vu du moment qu’a paru la Constitution ? […] Son ami, le père Croquer, dominicain, étant accouru dans le moment, un bachelier le prend à la barbe. […] Du moment qu’il le projetta, il eût voulu s’isoler du monde entier. […] Il n’hésite pas un moment, & livre un certificat pour un dictionnaire des arts & des sciences seulement.
Mais, depuis le moment où le roi de Bavière lui a accordé cet appui qu’il attendait, Wagner, pouvant enfin s’occuper pratiquement au théâtre rêvé, voit, de plus en plus, un autre aspect de la question artistique : la destination morale de l’art. […] Cependant, pour indispensable que soit aujourd’hui cette intervention de la machinerie dans l’art, nous ne pouvons nous empêcher, wagnéristes, de l’être complètement ; nous rêvons un moment où le triple objet de l’œuvre wagnérienne sera réalisé : l’œuvre idéale, qu’il a prodigieusement ébauchée et qui sera pure de toute machinerie décorative, une psychologie et un roman complets ; le théâtre idéal, non celui de Bayreuth (seul possible, aujourd’hui), mais le théâtre adorablement réaliste de notre imagination ; enfin, le public idéal, capable de recréer cette œuvre, sans nul besoin de trucs électriques ou musicaux, par seule lecture, par seule volonté. […] Aussi, faut-il conseiller à tous les écrivains qui méditent des drames lyriques, aussi bien qu’à tous les musiciens, de ne pas hésiter à venir en ce moment à Bruxelles, Les Maîtres Chanteurs sont, assurément, une œuvre éblouissante et, par-dessus tout, de puissante suggestion. […] Verdhurdt, le nouveau directeur de la Monnaie, se persuadera-t-il que le moment est venu où les opéras de Wagner s’imposent de force au public de Bruxelles et qu’il n’est plus guère de succès durable en dehors d’eux ?
Mais, à Paris même, le moment est proche, affirme-t-on, de la réalisation des grands et sérieux desseins dont se préoccupent les admirateurs de Wagner. […] Mais il est clair que les relations réciproques entre paroles et musiques sont infiniment variables ; on n’a qu’à étudier les drames du Maître, on verra qu’elles changent à chaque instant ; souvent l’orchestre — pour un moment — se tait presque complètement, il s’éteindrait tout à fait si une rupture d’unité dans l’impression n’était à craindre ; d’autrefois — et ceci est fréquent — la musique seule subsiste. […] Dans cette multiplicité d’aveux échappés aux plus cruels tournions, le chant, le récitatif, la parole, l’interjection, le cri, le rire sardonique se succèdent et s’entremêlent avec une telle vérité pathologique, une telle science toxicologique, une telle variété de mouvements passionnés, désolés et révoltés, selon que les espérances accordées et frustrées, la pitié due à un cuisant remords obstinément déniée, le pardon d’une faute amèrement déplorée à jamais rendu impossible, les instantes supplications repoussées, les repentirs ardents dédaignés, enfin le terrifiement dernier du désastre irrémédiable viennent se retracer dans une énumération haletante, que es moment forme à lui seul un drame dans le grand drame, et par ses sombres couleurs et son épouvantable angoisse, se détache de ce qui l’a précédé ainsi que de ce qui va suivre, comme une évocation qui aurait brisé les scellés de l’abîme des maux, pour surgir devant nos regards pétrifiés, pour leur dévoiler subitement tout l’infini de la douleur, et chacun de ses râles impuissants. […] Hermione — et maintes autres — est la restitution parfaite d’une âme spéciale, associant des motifs spéciaux, en un moment précis.
Mais si par hasard vous le reconnaissiez, et que, selon sa cordiale et gracieuse habitude, il vous mît sa grosse main sur l’épaule, et qu’il vous retînt par le collet de votre habit, à la manière de Socrate, pour vous sourire ou pour causer un moment avec vous, alors ce geste, ce sourire, ce regard, cette physionomie, ce son de voix, vous révélaient un tout autre homme, et, si vous étiez le moins du monde physionomiste, c’est-à-dire sachant lire les caractères de Dieu sur le livre du visage humain, vous ne pouviez vous empêcher de regarder et de regarder encore cette délicieuse laideur transfigurée par l’intelligence, qui, de traits vulgaires et presque informes, faisait tout à coup, à force de cœur et d’âme, un visage qu’on aurait voulu embrasser ! […] C’est ici le moment d’examiner le talent de cet homme de guerre. […] Ces vérités conventionnelles, ces sophismes, ces mensonges du moment, périssent avec les passions qui les fomentent. […] C’est elle qui a pourvu cent fois à toutes mes nécessités dans les moments pénibles de ma vie.
Les hommes qui attaquent journellement la famille, qui prétendent qu’il arrivera un moment dans les civilisations de l’avenir où elle sera définitivement supprimée, savent-ils bien qu’ils suppriment du coup, dans l’ordre seul de la pensée, toute une masse de choses sublimes, depuis Priam pleurant aux pieds d’Achille jusqu’au Roi Lear, et depuis le Roi Lear jusqu’au Père Goriot, qui n’est qu’un Roi Lear plus étonnant que l’autre, et qui fait (je le montrerai tout à l’heure) de notre Balzac l’égal de Shakespeare ! […] Ainsi, je parlais de paternité il n’y a qu’un moment, — mais, dans cette pièce, où tous les sentiments qui ont pour souche la paternité sont aux prises, il y a bien plus que la tragédie du sentiment paternel qu’on frappe et qui saigne ! […] Il est vrai que, presque au même instant, il a refait son nœud avec une merveilleuse adresse et rafistolé les chausses échappées et pendantes, un moment, de son admiration, en soutenant que puisque cette pièce de Henri VI était indigne du génie de Shakespeare évidemment elle n’en était pas ! […] à ce moment, la Raison apparut comme un ange et chassa de lui le coupable Adam, faisant de sa personne un paradis destiné à contenir et à envelopper des esprits célestes.
Les nombreuses anecdotes que chacun sait par cœur sur Malherbe, et dont plus d’une fait sourire, ne doivent point détourner un moment la critique du trait original et significatif qui est à respecter en lui : il eut le caractère et l’autorité, ce qui fait le chef de secte et le chef d’école. […] En tout, Malherbe, même dans sa maigreur et son peu d’étoffe, est toujours digne et a des moments d’une élégance parfaite et ravissante.
Il paye tribut au goût du moment, à la mode des Almanachs des Muses et des Athénées ; il fait de petits vers, mais il ne s’y tient pas, et il sort bientôt du frivole. […] En composant cette Épître, Daru avait voulu faire quelque chose dans le goût de celles d’Horace qu’il était en ce moment occupé à traduire.
Cependant, sincèrement amoureux des lettres, dilettante à sa manière, il employait la fleur de ses matinées dans son joli et commode appartement, et en vue des jardins de l’évêché, à lire ou plutôt à se faire lire (goutteux et myope qu’il était) les modernes et même les anciens, à les parcourir en tous sens, à en tirer, non pas une science solide et continue, mais de jolies pensées, des anecdotes curieuses, des raretés galantes et graveleuses même dès qu’il s’en offrait, le tout pour en enrichir ses cahiers de lieux communs et ses tiroirs : il songeait qu’un moment pouvait venir où tous ces magasins d’esprit lui seraient utiles et lui feraient honneur à débiter. […] Il fit semblant de reculer devant la tâche qu’on lui proposait, il parut résister pendant plus d’un an et se laissa presser, assiéger par Balzac (ou du moins il affecta de le dire), ne cédant au dernier moment que comme s’il eût été contraint.
La correspondance est des plus actives et des plus engagées à ce moment ; Vauvenargues ne reste pas court, comme bien l’on pense. […] Nous qui savons, à ce moment, ses gênes, ses misères, tout ce qu’il réserve d’aveux pour son cher Saint-Vincens, nous achevons sa pensée.
Mais par cela même que Chapelain vécut et se survécut, il vint un moment sous Louis XIV, et à la plus belle heure, où l’on aurait pu noter au sein de l’Académie un esprit légèrement arriéré. […] On a noté, d’après les Mémoires de Perrault, le moment où les séances de l’Académie devinrent publiques pour le beau monde, pour la fleur des courtisans, dans la salle du Louvre ; ce fut Fléchier qui inaugura le compliment ou discours de réception débité solennellement devant un cercle choisi (1673).
Né dans cette cité dont le nom ne se sépare plus du sien, en septembre 1762, fils d’un procureur au bailliage, destiné d’abord à l’état ecclésiastique (comme on le verra), puis changeant de robe, avocat plaidant et bientôt estimé des anciens, il avait vingt-cinq ans à l’époque où s’ouvrait l’Assemblée des Notables : il reçut vivement, lui et ses frères, le souffle embrasé qui traversait l’air à ce moment. […] Et c’est ce même homme qui, envoyé par l’Assemblée aux Tuileries, le 20 juin, après avoir fait passer le roi et la reine dans un cabinet pour les soustraire aux outrages, ne peut retenir ses larmes, et, au même moment, cherche à s’excuser d’en verser.
… » Il n’y a pas d’exagération possible dans un tel moment : c’est plein de grandeur. […] Le Cid du drame espagnol n’est pas seulement le plus brave des chevaliers, il est aussi le plus religieux et le plus dévot ; c’est, à un moment, le plus fervent des pèlerins.
La littérature des pays libres a été, comme je l’ai dit, rarement célèbre en bonnes comédies, la facilité de réussir par des allusions aux circonstances du moment, et le sérieux des grands intérêts politiques, ont également nui tour à tour, chez divers peuples, à l’art de la comédie. […] En effet, l’homme supérieur ou l’homme sensible se soumet avec effort aux lois de la vie, et l’imagination mélancolique rend heureux un moment, en faisant rêver l’infini.
On les connaîtra plus tard et par leurs actions elles-mêmes, quand, en Touraine, ils assommeront à coup de sabots le maire et l’adjoint de leur choix, parce que, pour obéir à l’Assemblée nationale, ces deux pauvres gens ont dressé le tableau des impositions, ou quand, à Troyes, ils traîneront et déchireront dans les rues le magistrat vénérable qui les nourrit en ce moment même et qui vient de dresser son testament en leur faveur Prenez le cerveau encore si brut d’un de nos paysans contemporains, et retranchez-en toutes les idées qui, depuis quatre-vingts ans, y entrent par tant de voies, par l’école primaire instituée dans chaque village, par le retour des conscrits après sept ans de service, par la multiplication prodigieuse des livres, des journaux, des routes, des chemins de fer, des voyages et des communications de toute espèce730. […] Le commandant Fischer, qui attaque et disperse la bande, écrit que la chose était urgente ; car sinon, « en remontant du côté du Forez, ils auraient trouvé deux ou trois cents vauriens n’attendant que le moment de se joindre à eux » (47).
IX Mais vous approchez des Alpes, les neiges violettes de leurs cimes dentelées se découpent le soir sur le firmament profond comme une mer, l’étoile s’y laisse entrevoir au crépuscule comme une voile émergeant sur l’Océan de l’espace infini ; les ombres glissent de pente en pente sur les flancs des rochers noircis de sapins, des chaumières isolées et suspendues à des promontoires, comme des nids d’aigles, fument du feu du soir, et leur fumée bleue se fond en spirales légères dans l’éther ; le lac limpide, dont l’ombre ternit déjà la moitié, réfléchit dans l’autre moitié les neiges renversées et le soleil couchant dans son miroir ; quelques voiles glissent sur sa surface, chargées de branchages coupés de châtaigniers, dont les feuilles trempent pour la dernière fois dans l’onde ; on n’entend que les coups cadencés des rames qui rapprochent le batelier du petit cap où sa femme et ses enfants l’attendent au seuil de sa maison, ses filets y sèchent sur la grève, un air de flûte, un mugissement de génisse dans les prés interrompent par moment le silence de la vallée ; le crépuscule s’éteint, la barque touche au rivage, les foyers brûlent çà et là à travers les vitraux des chaumières, on n’entend plus que le clapotement alternatif des flots endormis du lac, et de temps en temps le retentissement sourd d’une avalanche de neige dont la fumée blanche rejaillit au-dessus des sapins ; des milliers d’étoiles, maintenant visibles, flottent comme des fleurs aquatiques de nénuphars bleus sur les lames, le firmament semble ouvrir tous ses yeux pour admirer ce coin de terre, l’âme la quitte, elle se sent à la hauteur et à la proportion de s’approcher de son Créateur presque visible dans cette transparence du firmament nocturne, elle pense à ceux qu’elle a connus, aimés, perdus ici-bas et qu’elle espère, avec la certitude de l’amour, rejoindre bientôt dans la vallée éternelle, elle s’émeut, elle s’attriste, elle se console, elle se réjouit, elle croit parce qu’elle voit, elle prie, elle adore, elle se fond comme la fumée bleue des chalets, comme la poussière de la cascade, comme le bruissement du sable sous le flot, comme la lueur de ces étoiles dans l’éther, avec la divinité du spectacle. […] Toutes ces émotions éparses ou réunies forment pour l’homme la poésie de la mer, elles finissent par donner au contemplateur le vertige de tant d’impressions, qu’il s’assoit sur le rivage élevé des mers, comme dit Homère, et qu’il demeure immobile et muet à regarder et à écouter les flots ; et s’il essaye, en présence d’un tel spectacle, de se parler à lui-même, il cherche involontairement une langue qui lui rappelle la grandeur, la profondeur, la mobilité, le sommeil, le réveil, la colère, le mugissement, la cadence de l’élément dont son âme, à force d’émotions montées de l’abîme à ses sens, contracte un moment l’infini.
La prose de François de Sales, et celle encore du romancier d’Urfé, dont je définirai bientôt l’œuvre et l’influence, marquent à peu près le même moment que les vers de Montchrétien et de Bertaut. […] Si l’on excepte quelques pièces de commande, il ne sut qu’écrire à sa fantaisie, selon l’impérieuse impression du moment.
Il ne se doute même pas des conjectures de Saint-Evremond ; il ne soupçonne pas la possibilité de la tâche que s’est donnée en ce moment même un érudit de Hollande : quatre ans après les Considérations, paraîtra la Dissertation de Beaufort sur l’incertitude des cinq premiers siècles de l’histoire romaine. […] Au même moment appartient un intéressant Essai sur les causes qui peuvent affecter les esprits et les caractères.
Prévoir qu’un morceau de plomb pèsera plus qu’un morceau de bois de même grandeur ; et prévoir qu’à un moment déterminé deux planètes déterminées seront en conjonction, voilà la différence de la prévision qualitative et de la prévision quantative. […] S’il regarde intérieurement, il voit que les deux extrémités de cette chaîne qui forme la conscience sont hors de sa portée ; il ne peut se rappeler quand ou comment la conscience a commencé, et l’état de conscience qui existe à chaque moment, il ne peut l’examiner, car, ce n’est que quand un état de conscience est déjà passé qu’il peut devenir l’objet de la pensée, et jamais pendant qu’il passe.
On se croirait, par moments, dans le laboratoire d’un anatomiste. […] Les femmes à ce moment pleuraient avec elle et tous les cœurs étaient pris.
Il sortit de là pour être mousquetaire, assista aux derniers moments de Louis XV, reçut un jour, au passage, un regard charmant de la jeune et nouvelle reine Marie-Antoinette : il paraît que ce furent là les plus vifs souvenirs de ce jeune mousquetaire au cœur simple, à la figure noble et pleine de candeur. […] On dirait par moments qu’il obscurcit ses propres clartés à plaisir.
Parlant de l’Histoire philosophique de l’abbé Raynal, il en relève, dans ses Annales (15 juin 1781), toutes les déclamations ridicules ou dangereuses : Quelles que soient leurs opinions, demandait-il, que les philosophes regardent les mœurs de notre siècle, et qu’ils nous disent si le moment est arrivé de diminuer les motifs d’être vertueux… Quels remords n’aurait pas M. […] J’étais persuadé que tout était perdu, et notre liberté, et les plus belles espérances du genre humain, si l’Assemblée nationale cessait d’être un moment, devant la nation, l’objet le plus digne de son respect, de son amour et de toutes ses attentes.
(Il s’agit des découvertes de physique, qui, après s’être fait attendre durant des siècles, ont éclaté coup sur coup depuis Galilée jusqu’à Newton) : « On dirait que la nature a fait comme ces vierges qui conservent longtemps ce qu’elles ont de plus précieux, et se laissent ravir en un moment ce même trésor qu’elles ont conservé avec tant de soin et défendu avec tant de constance. » Et cette autre pensée encore, qui vient singulièrement dans un rapport de Montesquieu Sur l’usage des glandes rénales : « La vérité semble quelquefois courir au-devant de celui qui la cherche ; souvent il n’y a point d’intervalle entre le désir, l’espoir et la jouissance. » Montesquieu, comme académicien des sciences de Bordeaux, paya donc un léger tribut à la mode et à son admiration pour Fontenelle. […] Ainsi un mauvais principe de philosophie, l’ignorance d’une cause physique, engourdit dans un moment toutes les forces de deux grands empires ».
Il y atteint dans tout ce volume, et, en restant dans son ordre de considérations, il a, à tout moment, de ces expressions à la Bossuet et à la Corneille. […] On sent à tout moment en Montesquieu un de ces esprits rapides et perçants qui remuent les premiers toute une masse et qui l’éclairent.
En ce moment, nous n’étudions qu’au point de vue psychologique la notion de l’absolu, ses caractères et son origine. […] — Mais le psychologue empiriste, continue-t-on, parle lui-même de ce qui se passe dans sa propre conscience « comme de quelque chose de vrai en soi, et qu’il désire voir admis comme tel par tout le monde, y compris moi-même » ; il se place donc et me place avec lui au point de vue de l’absolu, au moment même où il prétend m’en exclure. — Non pas ; il se place au point de vue d’une relation possible et conditionnelle : s’il était à ma place, il sentirait ce que j’ai senti, et, si j’étais à sa place, si je faisais les observations et raisonnements qu’il fait, je penserais comme lui.
Le plus vieux était un de ces hommes qui, à un moment donné, sont de trop dans leur pays. […] De temps en temps, par rentre-bâillement de la tapisserie, on voyait passer une face grimée en morisque, épiant si le moment d’entrer en scène était venu, ou le menton glabre d’un comédien jouant les rôles de femme.
Il y a toujours, quand il est bien lui, — car, il ne faut pas l’oublier, il est inégal ; il y a des moments où il s’interrompt d’être lui, et où, comme le disait si drôlement Walter Scott, avec sa charmante bonhomie : « le gentilhomme reste sous son nuage », — il y a toujours autour de sa phrase inspirée la petite flamme bleue que Virgile a fait frissonner autour des tempes du jeune Iule. […] Il s’est rappelé ces mots qu’il a écrits : « La moquerie domine en ce moment la littérature moderne, qui ne s’en doute pas.
Genoude a le privilége de mettre les Débats en gaieté, de leur rendre la verve aux moments de lassitude et de disette.
Au moment d’agir, Cinq-Mars fut arrêté ; une copie du traité, livrée au cardinal et montrée par celui-ci au roi, avait arraché l’ordre : convaincu d’avoir conspiré contre son premier ministre, Louis XIII n’avait pu mieux témoigner sa repentance qu’en livrant ses complices.
Sans se croire tout à fait au temps où le savant Philelphe épousait une femme grecque pour mettre la dernière main à son érudition et se polir à la langue jusque dans son ménage, on peut se dire que, du moment que la Grèce renaît aux doctes et sérieuses études de son passé, elle est plus voisine que nous du but et infiniment plus près de redevenir vivante.
L’homme, en effet, par les déterminations soudaines dont il est susceptible, peut à tout moment faire intervenir dans les événements auxquels il prend part une force nouvelle, imprévue, variable, qui dans beaucoup de cas en modifie puissamment le cours, et dont en même temps l’ordinaire mobilité ne permet pas l’exacte mesure.
Joseph la méprisa et par moments s’irrita contre elle ; par malheur, l’association romantique, formulée par la Restauration, était trop restreinte elle-même, trop artificielle et trop peu mêlée au mouvement profond de la société ; le Cénacle n’était après tout qu’un salon ; il s’est dissous après une certaine durée, pour se refondre, nous l’espérons, en quelque chose de plus social et de plus grand.
Lerminier recueille en ce moment n’ont rien à faire avec l’orateur ; ce n’est pas un livre qui succède à des improvisations sur le même sujet, et l’on y rencontre tout directement l’écrivain.
Brieux, d’indiquer moi-même, à mon acteur, le geste caractéristique des “angoreux” et lui recommandai de porter la main à la poitrine au moment des crises. » C’était son droit.
Cela n’a point d’inconvénient toutes les fois que la fin dernière du discours est la représentation d’un état de l’imagination ou de l’âme : toutes les métaphores alors, toutes les hyperboles, toutes les figures naturelles sont bonnes, du moment qu’elles font connaître cet état d’âme ou d’imagination au lecteur ou le suscitent en lui.
Nous n’avons ici qu’à nous représenter les principaux moments d’une évolution qui dura neuf siècles.
Il lui suffit qu’il y ait eu à un moment donné de la matière : quels changements relient à l’état actuel le plus ancien état où puissent remonter l’observation et l’hypothèse, voilà l’objet des recherches de Buffon.
À ce moment, l’élite des êtres intelligents, maîtresse des plus importants secrets de la réalité commencera de gouverner le monde par les puissants moyens d’action dont elle disposera, et d’y faire régner, par la terreur, le plus de raison et de bonheur possible.
Je n’en éprouve pas moins une sorte de stupeur à feuilleter les journaux du temps, pleins de futiles commérages, de faux scandales, de potins d’alcôves et de coulisses comme je le fais en ce moment, dans l’angoisse de l’invasion, tandis que le monde s’écroule, que la grosse Bertha fait rage et que de quart d’heure en quart d’heure, toutes mes vitres tremblent au bruit des détonations.
Mais du moment où la religiosité de l’homme en sera venue à s’exercer sous la forme purement scientifique et rationnelle, tout ce que l’État accordait autrefois à l’exercice religieux reviendra de droit à la science, seule religion définitive.
Ce n’est pas le moment de changer.
À partir de ce moment, Jésus ne parla plus de Jean qu’avec un redoublement d’admiration.
Puissent-ils vous frapper assez, pour vous éclairer dans quelque moment dangereux !
L’action a des moments de rêverie.
C’était de la chair vive avec du granit brut, Une immobilité faite d’inquiétude, Un édifice ayant un bruit de multitude, Des trous noirs étoilés par de farouches yeux, Des évolutions de groupes monstrueux, De vastes bas-reliefs, des fresques colossales ; Parfois le mur s’ouvrait et laissait voir des salles, Des antres où siégeaient des heureux, des puissants, Des vainqueurs abrutis de crime, ivres d’encens, Des intérieurs d’or, de jaspe et de porphyre ; Et ce mur frissonnait comme un arbre au zéphire ; Tous les siècles, le front ceint de tours ou d’épis, Étaient là, mornes sphinx sur l’énigme accroupis ; Chaque assise avait l’air vaguement animée ; Cela montait dans l’ombre ; on eût dit une armée Pétrifiée avec le chef qui la conduit Au moment qu’elle osait escalader la Nuit ; Ce bloc flottait ainsi qu’un nuage qui roule ; C’était une muraille et c’était une foule ; Le marbre avait le sceptre et le glaive au poignet, La poussière pleurait et l’argile saignait, Les pierres qui tombaient avaient la forme humaine.
Charpentier vit le moment où tous ses projets alloient être inutiles.
Il y avait un homme qui, à douze ans, avec des barres et des ronds, avait créé les mathématiques ; qui, à seize, avait fait le plus savant traité des coniques qu’on eût vu depuis l’antiquité ; qui, à dix-neuf, réduisit en machine une science qui existe tout entière dans l’entendement ; qui, à vingt-trois, démontra les phénomènes de la pesanteur de l’air, et détruisit une des grandes erreurs de l’ancienne physique ; qui, à cet âge où les autres hommes commencent à peine de naître, ayant achevé de parcourir le cercle des sciences humaines, s’aperçut de leur néant, et tourna ses pensées vers la religion ; qui, depuis ce moment jusqu’à sa mort, arrivée dans sa trente-neuvième année, toujours infirme et souffrant, fixa la langue que parlèrent Bossuet et Racine, donna le modèle de la plus parfaite plaisanterie, comme du raisonnement le plus fort ; enfin qui, dans les courts intervalles de ses maux, résolut, par abstraction, un des plus hauts problèmes de géométrie, et jeta sur le papier des pensées qui tiennent autant du Dieu que de l’homme : cet effrayant génie se nommait Blaise Pascal.
Remarque étrange, que nous avons lieu de faire à tous moments, que nous répétons jusqu’à satiété, et dont nous ne saurions trop convaincre le siècle : sans religion, point de sensibilité.
Je ne vous décris pas ce tableau, je n’en ai pas le courage ; j’aime mieux causer un moment avec vous des préjugés populaires dans les beaux-arts.
Grimm, dispensez-moi d’écrire, ou du moins laissez-moi pleurer un moment.
Toujours serviable, du moment qu’il ne s’agit pas de fournir un travail qui le fatiguerait, mais simplement de donner un malin conseil ou de suggérer une heureuse idée, absolument désintéressé, et ne réclamant pas de récompense pour ses bons offices, comment ne lui souhaiterait-on pas réussir dans ce qu’il entreprend ?
En attendant les miracles de son tombeau, nécessaires à la canonisation dont Rome, dit-on, s’occupe en ce moment, Wallon a posé le miracle, visible et tangible, des apparitions de l’héroïque Mystique qui a sauvé la France, et c’est ainsi qu’il aidera pour sa part à cette canonisation désirée… C’est, je crois, la première fois qu’un membre de l’Académie des Inscriptions ose, sur le sujet le plus contesté et le plus en proie aux fascinantes explications des imaginations hostiles, confirmer nettement la réalité du surnaturalisme dans l’Histoire, quand la tendance générale et presque universelle est de l’en chasser.
De ce que vous ne saisissez pas l’utilité immédiate d’un acte, il n’empêche que, du moment qu’il a nécessité pour sa production les qualités les plus viriles, par exemple le mépris de la mort, il a de grandes chances d’être heureusement fécond.
Elle attaquait tout le monde, et si elle ne s’emportait pas jusqu’à l’injure, elle sortait par moments de la civilité. […] Je vois bien par moment passer le bout des manchettes de Cydias 8. […] Jeune, il se moquait de l’admiration ; vieux, il n’empêche pas qu’on admire, et par moment, il nous y aide.
Mais, en ce moment, il oublie tout, l’heure de son duel qui avance, l’heure de son rendez-vous avec madame de Montgey qui retarde ; il aime sa femme, il n’aimera plus qu’elle ; il lui pose sur le front, avec un baiser, ce nom et cette couronne de marquise dont elle a si noblement gagné les trèfles de perles, et il ne pense plus qu’à aller de ce pas la promener en triomphe au bois de Boulogne pour montrer son bonheur à tout Paris. […] A partir de ce moment, il devient sauvage, ce vieux Poirier, et je sais gré à la comédie de l’énergie avec laquelle il nous montre ce que peuvent contenir de fiel et de haine les âmes basses et les cœurs étroits. […] — Pas pour elle, en ce moment ; elle a repris le ton, les manières de sa vie passée.
Je n’ai parlé non plus ni de la philosophie sociale, ni de la philosophie religieuse, ni de l’éloquence politique, ni de l’éloquence de la chaire, qui pourtant, à un certain moment, ont brillé d’un vif éclat. […] Jamais peut-être les lettres n’avaient disposé de plus de puissance sur la société qu’à ce moment. […] Dénuée de principes et de règles, livrée à tous les caprices de la fantaisie, la littérature ne demanda plus ses inspirations qu’aux passions et aux idées du moment. […] Du moment qu’on ne voit plus dans l’homme qu’un être physique, toute la destinée de cet être se renferme évidemment dans la satisfaction aussi complète que possible de ses besoins, de ses instincts, de ses passions physiques. […] Je vois en ce moment dans le mariage deux forces opposées que le législateur aurait dû réunir.
Puisque chacun de ces hommes illustres représente une face, un moment de l’art italien, et que chacun de ces moments appartient tantôt à une ville, tantôt à une autre, n’eût-il pas été simple et naturel de rattacher Raphaël et Michel-Ange à Rome, Titien et le Véronèse à Venise ? […] En possession d’une richesse dont personne ne connaît aussi bien la valeur que les hommes de science et d’imagination, maître du temps, libre de produire à son heure, il a laissé passer le moment fatal où il devait se décider à vouloir, et, ce moment une fois emporté dans l’abîme du passé, il n’a plus retrouvé que les pierres dispersées et rebelles du monument qu’il avait rêvé ; c’est à ces pierres qu’il a donné le nom de Lazare. […] Sans doute les derniers moments de Latréaumont méritaient d’être racontés, mais il fallait mettre dans ce récit plus de mesure et de choix. […] Mais, à nos yeux, la création vraie, la création durable, celle qui marque un moment déterminé dans l’histoire de l’intelligence, est séparée de l’imitation par un intervalle immense. […] Aussi, dès ce moment, le poète devient de plus en plus grave, de plus en plus réfléchi.
Je ne puis m’attarder en ce moment à la revue des chaussettes-roses. […] C’est par leur beau moment qu’il faut juger êtres et choses. […] Et Constance s’écrie, heureuse : « C’est à dater de ce moment que je crois, que je sais que tu m’aimes. […] Les Enfants qu’elles ont marquent le moment exquis de ce talent. […] Il faut l’excuser, à ces moments-là, avec une de ses belles phrases, et répéter : « Un vertige lui était venu des lointains inconsciemment en fermentation de son âme d’intellectuelle ».
Il va eu aussi en Europe des moments, et même des siècles, d’équilibre pacifique et non violent. […] Parti, au premier moment, pour Paris, il rebroussa. […] Il aurait un principe mauvais, ou moins bon, dont triompherait à un moment donné un principe supérieur. […] Il y est de toute éternité contre ceux que de toute éternité il réprouve ; seulement sa colère éclate a ix yeux des hommes à tel moment. […] Mais ce ne sont là que les moments de repos d’un homme qui ne se reposait guère.
Combien d’esprit, de bonté de cœur, d’attachement, de services et de complaisance dans les amis, pour faire en plusieurs années bien moins que ne fait quelquefois en un moment un beau visage ou une belle main ! […] L’habitude des soins, des égards, des ménagements réciproques est plus facile, plus naturelle : on croirait se manquer à soi-même si l’on était capable de s’en dispenser dans les moments même d’abandon, d’humeur, de refroidissement.
Malgré ces heureux ravitaillements, il est bien clair qu’auprès de la plupart, en cette société moderne, l’école du style, soit académique, soit non académique, perd en crédit, en importance, qu’on l’apprécie moins et qu’on s’en passe ; qu’à voir tant de gens se jeter à l’eau d’abord et apprendre ensuite d’eux-mêmes à nager, on en estime moins les préceptes de la natation, et qu’un moment viendra où (je le répète), sans être pourtant insensible à un certain tour et à un certain éclat d’expression, on ira surtout aux faits, aux idées, aux notions que portera le bien dire ou le style. […] L’ancien professeur de littérature grecque a trouvé, à tout moment, l’occasion d’utiliser et de monnayer la connaissance exacte qu’il a de l’Antiquité.
Boileau ne conçut pas un moment la possibilité de se passer d’idées et de sujets. […] C’est qu’il s’agit de Chapelain : en un moment, le bonhomme se dressera devant nous, dans sa fatuité sereine d’auteur sifflé et content, et deux vives images nous donneront la sensation immédiate de ses vers Montés sur deux grands mots comme sur deux échasses, et de son épopée symétriquement dessinée comme le plus ennuyeux des jardins français.
La femme n’a pas de place en son histoire : les pâles figures d’impératrices ou de princesses, qu’il nous fait entrevoir un moment, ne viennent que pour servir aux trafics de la politique ; leurs personnes sont des moyens qui procurent des alliances ou des fiefs. […] Point de sentimentalité du reste, ni de mélancolie : la joie domine et dans l’âme et dans la parole de Joinville ; mais il a dans l’occasion, sur les misères de ses amis ou de ses compagnons, des expressions de tendresse et de piété, fines comme le sentiment qui un moment attrista sa belle humeur.
Il fallait bien y arriver, du moment qu’on la prenait pour élément essentiel de la psychologie dramatique. […] Il fut un moment un des cinq auteurs qui écrivaient des pièces sous la direction de Richelieu ; il collabora aussi à la Guirlande de Julie.
Au moment unique où le romantisme devient naturalisme, Flaubert écrit deux ou trois romans qui sont les plus solides qu’on ait faits en ce siècle905. […] Détaché de toute croyance religieuse, il n’essaie pas de colorer en sentiment chrétien son incurable pessimisme de sensuel mélancolique : il sent l’être, en lui, hors de lui, s’écouler incessamment dans les phénomènes, et il poursuit la jouissance passagère de la sensation attachée aux apparences ; mais il savoure, dans le moment même où il jouit, l’amertume de l’inévitable anéantissement de l’apparence hors de lui, de la sensation en lui.
Madame Gros profite de ce moment pour faire pénétrer dans cette âme inculte un germe d’amour-propre et un peu de honte sur sa tenue plus que négligée. […] Vertu laïque, vertu congréganiste, vertu philosophique, vertu chrétienne ; vertu d’ancien régime, vertu de régime nouveau ; vertu civique, vertu cléricale ; prenons tout, croyez-moi ; il y en aura assez, il n’y en aura pas trop pour les rudes moments que la conscience humaine peut avoir à traverser.
Or, c’est à ce moment — est-ce donc par ma faute ? […] Mais à ce moment, malgré tous les bruits qu’on a fait courir, la location de la salle était très mauvaise (vu, sans doute, le prix ridiculement élevé des places), un insuccès financier était probable, les dernières représentations devant des salles vides et par conséquent une chute artistique ; qu’en outre il y ait eu des menaces contre la personne du chef d’orchestre, cela est possible ; mais la vérité, la vérité sans conteste, absolue, évidente, c’est que M.
Huet, dans les jolis Mémoires trop peu connus qu’il a écrits en latin sur sa vie, confesse qu’à ce moment de sa jeunesse il donna dans les dissipations et les élégances, qu’il recherchait les cercles des gens du monde et surtout des femmes, et que, pour leur plaire, il ne négligeait ni la mise, ni les petits soins, ni les petits vers. […] Huet, héritier et continuateur du xvie siècle et de la Renaissance, se contentant d’y joindre la politesse du grand règne, ne participe d’ailleurs que le moins possible à ces impulsions propres à son moment ; il n’a pas du tout l’air, en vérité, de se ressentir de ces avènements signalés.
L’Académie française n’eut pas, en effet, une importance égale dans tous les moments de son existence. […] Les idées qu’elle a exprimées sur le rôle et la condition des femmes sont faites par moments pour surprendre, tout en inspirant une grande estime pour l’auteur.
On était au plus beau moment du règne de Louis XIV. […] À tout moment, dans ses Histoires anciennes, Rollin a de ces retours naïfs et à courte vue sur le présent.
Du moment où Voltaire bafoue Shakespeare, les anglais d’esprit, tels que mylord Maréchal, raillent à la suite. […] On dirait par moments que Shakespeare fait peur à Shakespeare.
Mais Cromwell est taché de cruauté et Bacon de bassesse ; quant à Newton, son édifice s’ébranle en ce moment. […] Allons plus loin, et puisque cette pensée s’est présentée à nous, généralisons-la utilement, dussions-nous sortir un moment de notre sujet.
Cependant il ne faut pas asservir les hommes éternellement aux mêmes préjugés, et quand le moment est venu de séparer la vérité de l’erreur, il faut bien en prendre son parti. […] Le moment n’est pas loin où elle sera leur dernière défense.
C’est que la Révolution n’est pas, comme on l’a cru un moment, une chose finie, épuisée, qui a fait son temps et dont on puisse dire, comme Henri III du duc de Guise renversé et mort à ses pieds : « Mon Dieu ! […] Cassagnac a regardé en face le fabuleux basilic, et il a eu l’honneur, je ne dis pas de rétablir, mais d’établir la vérité sur un homme à qui on avait fait une gloire dépravante : car, il ne faut pas s’y méprendre, dans un moment donné ceux qui l’admirent s’efforceraient de l’imiter.
Hommes, choses et ruines, s’y marquent de caractères qu’on n’a vus qu’à certains moments de la Bible, et, pour les faire flamboyer dans une pensée et dans un style harmoniques au sujet, il faudrait une puissance de prophète. […] Ferrari, passent pour le moment sur le ventre aux idées de l’abbé du Bos et de Montesquieu, qui se relèveront et le rendront à qui les foule ; seulement, ses idées une fois jetées parterre, qu’on me fasse le plaisir de me dire ce que deviendra le très honorable M.
S’il s’efforce par hasard de suivre un moment l’exemple du vulgaire, pour une action usuelle dont il reconnaît temporairement la nécessité, c’est au prix d’efforts inouïs qu’il pourra dompter son habitude de s’approcher des choses de la vie par la route la plus longue, la plus ténébreuse et la plus compliquée ; et même sil y parvient, sa jouissance sera médiocre. […] Mais l’excitation, ayant pour but l’union sexuelle, si ce but n’est pas atteint à un moment plus ou moins proche, non seulement l’action nerveuse de cette excitation sur le cerveau ne sera plus féconde, mais elle sera forcément déprimante.
Ainsi nous entassâmes d’abord dans la nôtre, sans règle et sans choix, toutes les richesses qui s’offrirent à nous ; à peu près comme l’indigence avide se précipite sur des trésors qu’elle rencontre, et dans le premier moment ne peut distinguer ce qui convient à son caractère ou à ses besoins. […] C’est alors que l’assemblée s’émut, comme si, dans ce moment, elle avait vu le fantôme percer la terre, et s’élever.
M. de Lamartine, dans de fort belles méditations et dans sou dernier chant de Childe-Harold, avait point à merveille les grands traits des horizons et des paysages, l’idéal en quelque sorte élyséen de ce ciel, de cette mer de Naples, de cette éternelle enchanteresse au sein de laquelle l’auteur des Martyrs nous avait déjà introduits un moment avec saint Augustin, Jérôme et Eudore ; mais dans ces harmonieux tableaux de M. de Lamartine, les hommes avec leurs variétés et leurs contrastes, les monuments avec leurs caractères, n’étaient pas touchés : la nature envahissait tout, et encore la nature dans sa plus vague plénitude, sans contours arrêtés, sans détails curieux et distincts, telle en un mot qu’elle se réfléchit dans un cœur que remplit l’amour ; ce n’étaient que chauds soleils, aubes blanchissantes, comme dans Claude Lorrain, firmaments étoilés, murmures, vapeurs et ombrages.
Mais vous m’avez trop généreusement donné de votre temps pour que je veuille vous en dérober ; et j’aime mieux, monsieur, employer le reste de cette lettre à vous dire combien, sous d’autres rapports que ceux qui frapperont tout le monde, il m’est précieux d’avoir un moment arrêté votre attention.
Dans l’une les faits se rangent à l’appui d’une loi énoncée par avance, dans l’autre les lois découlent du simple récit des faits ; d’un côté l’intention logique est partout empreinte et s’est tout subordonné, de l’autre on aperçoit encore le laisser-aller du narrateur qui volontiers se livre aux descriptions et impressions du moment.
Il ne fallait pas moins que cette naïveté sublime de ses premières Méditations pour faire pardonner à l’auteur la teinte mystique de ses croyances, et, encore, le moment de la surprise passé, s’est-on bien tenu en garde contre un second accès de ravissement.
Et le poète se rappelle toutes les pertes qu’on ait à chaque pas dans la vie : une mère, une fiancée, un ami d’enfance, qui nous sont enlevés C’est l’ombre pâle d’un père Qui mourut en nous nommant, C’est une sœur, c’est un frère Qui nous devance un moment.
Nous n’avons rien ici à objecter à ces doctrines inégalement évidentes pour nous, sinon cette inégalité même et les rapports peu nécessaires, à ce qu’il semble, qu’elles ont réciproquement entre elles : on s’en aperçoit à l’espèce de fatigue qu’éprouvent par moments les écrivains à les préciser et à les lier.
Je n’oserais affirmer le contraire, et pourtant, du moment qu’on en veut juger en toute connaissance de cause, comme c’est la prétention de la critique, voilà l’interminable voyage qui recommence.
Les écrits polémiques, ceux qui doivent agir sur l’opinion du moment et sur l’événement du jour, n’auraient jamais pu être d’aucune utilité, d’aucune influence avant l’usage de la presse ; ils n’auraient jamais été assez répandus pour produire un effet populaire : la tribune seule pouvait atteindre à ce but ; mais on ne composait jamais un ouvrage que sur des idées générales ou des faits antérieurs propres à l’enseignement des générations.
Depuis que ces circonstances et ces institutions sont changées, et même dans les moments les plus calmes de la révolution, les contrastes les plus piquants n’ont pas été l’objet d’une épigramme ou d’une plaisanterie spirituelle.
Sans certains modes particuliers de l’étendue — le cerveau et le système nerveux — nous ne pourrions avoir ces moments d’extase, — nos plaisirs, nos souffrances, nos idées, — qui dans cette vie alternent par accès avec notre conscience étendue. » II Allant encore plus loin, M.
On ne saurait douter pourtant que notre langue n’eût été plus homogène et plus pure, si cette alluvion ne l’avait un moment recouverte.
Ce n’est pas au moment même où le cerveau est encore ébranlé par une impression vive, que les souvenirs se déroulent avec précision.
Son plan nous fait comprendre en un moment la distribution des appartemens.
vous hésitez, et c’est le destin de vos notes qui s’agite en ce moment !
Nous, en ce moment, nous pouvons dire que la terre tout entière est… la bête qu’on voudra !
Il n’y a pas d’écrivain qu’on puisse opposer mieux à Proudhon que Louis Couture, l’auteur d’un livre qui s’achève en ce moment, et dont la première partie est publiée : Du Bonapartisme dans l’histoire de France 3.
Il est trop facile d’avoir des succès d’un moment, pour chercher à obtenir des succès plus pénibles.
À partir de ce moment-là, il fut l’apôtre de la science comme il avait été l’apôtre de la religion. […] Même, il avait, en ces moments-là, volontiers une sorte de gaminerie, justement celle des consciences irréprochables et qui ont du loisir. […] Les personnes, un peu futiles ou maladroites, qui n’y parviendraient pas, auraient, au moins, passé de bons moments à un jeu distingué. […] À ce moment-là, il habitait Caen. […] Il y avait là du mysticisme, auquel se plurent, un moment, des âmes délicates et religieuses.
dont l’aspect étrange étonne et déconcerte un moment, mais qui, finalement, ne laissent dans l’esprit que le souvenir de beaucoup de talent inutilement employé ? […] Ce n’en était vraiment pas le moment ! […] Et pour parler le langage qui lui plaît, il croit, ou il parle comme s’il croyait être le terme d’une évolution dont il n’est avec toute son école que ce qu’on appelle un moment ; — et peut-être un moment insignifiant. […] Nous savons comment et pourquoi le roman proprement dit s’achève au moment même qu’on s’attendait à le voir commencer. […] Mais, du moment qu’il fût devenu pathologique, à quoi bon cette lente et minutieuse étude des conditions et du milieu ?
Il prétend que ces remords doivent se faire sentir au moment même où les bontés d’Auguste se font connaître, qu’il est absurde que Cinna n’en paraisse touché que dans l’acte suivant. […] L’approche du coup, le moment de l’exécution : la passion du conjuré s’exalte et s’échauffe lorsqu’il médite et lorsqu’il résout ; elle s’épouvante et se glace lorsqu’il est sur le point d’agir. […] Ce raisonnement ne prouve point du tout qu’un fanatique doit éprouver des remords au moment même où il reçoit un bienfait, que la passion peut alors regarder comme insulte ; qu’il a tort de les ressentir deux heures après, quand la réflexion a calmé la passion. […] Du moment que la religion passe pour une invention humaine, elle est nulle ; la religion qu’on croit divine et révélée est la seule qui puisse avoir de l’influence sur les mœurs et contribuer au bonheur de la société. […] C’étaient les tragédies du moment où elles sont nées ; elles flattaient alors l’effervescence d’une nation égarée ; elles enflammaient tous les esprits faux.
Le moment vient même où l’entassement des images peut être appelé beauté. […] On dirait que le poète essaye de consoler, d’embellir ses derniers moments par la mélodie de ses plaintes ; il retrouve pour ce chant funèbre une grâce athénienne. […] Depuis que la lutte a cessé, l’attention languit, et le moment n’est pas éloigné peut-être où elle s’endormira sans retour. […] Pour le moment, je dois me borner à signaler toute l’indigence de la fable tragique inventée par le poète. […] Ponsard s’est fait un style qui n’a certainement pas une véritable originalité, mais qui, par moments, charme l’oreille et peut faire illusion aux esprits inexpérimentés.
Zola donne, avec une netteté parfaite, les raisons pourquoi tout individu épris de vie normale rejette cet avorton conçu par l’espèce dans un moment de maladie. […] Elle se tient hermétique et rigide ; nul souffle ne la caresse : la solitude en fit un hymne dont je ne puis, en ce moment, pénétrer le sens. […] Accablé, un moment, de douleurs morales et physiques, il ne fléchit pas. […] Il en est ainsi du moment où nous vivons : il fut déjà une fois, beaucoup de fois, et de même, il reviendra, toutes les forces étant réparties exactement comme aujourd’hui. Et il en est de même du moment qui a engendré celui-ci et du moment auquel celui-ci donne naissance. — Homme, toute ta vie, comme un sablier, sera toujours à nouveau retournée et s’écoulera toujours à nouveau — chacune de ces existences n’étant séparée de l’autre que par la grande minute de temps nécessaire pour que toutes les conditions qui t’ont fait naître se reproduisent dans le cycle universel.
Il écrivait à ce moment un dangereux petit traité sur l’Idéalisme et forgeait de malignes rêveries sur la liberté dans l’art. […] Je crois que oui, mais cela m’est égal en ce moment. […] On le voit, à de certains moments, qui brûle d’en avoir fini avec son premier office. […] Rien n’enlève le prix d’un bon moment : voilà la notion positive qui doit à la fin consoler le héros de M. […] Et c’est justement le moment de cette crise mystique que choisit la famille Maugien pour la marier à un brutal pourvu de rentes, un viveur très vulgaire.
La modernité, c’est encore ce qui, dans les cervelles, a l’empreinte du moment où nous sommes ; c’est une certaine fleur de culture extrême ou de perversion intellectuelle ; un tour d’esprit et de langage fait surtout d’outrance, de recherche et d’irrévérence, où dominent le paradoxe, l’ironie et « la blague », où se trahit le fiévreux de l’existence, une expérience amère, une prétention à être revenu de tout, en même temps qu’une sensibilité excessive ; et c’est aussi, chez quelques personnes privilégiées, une bonté, une tendresse de cœur que les désillusions du blasé font plus désintéressée, et que l’intelligence du critique et de l’artiste fait plus indulgente et plus délicate… La modernité, c’est une chose à la fois très vague et très simple ; et l’on dira peut-être que la découverte de MM. de Goncourt n’est point si extraordinaire, qu’on avait inventé « le moderne » bien avant eux, qu’il n’y faut que des yeux. […] En un mot, leurs descriptions, comme celles de tous les grands peintres, rendent en même temps la figure exacte et l’âme des choses à un moment donné. […] Et ayant ainsi traduit l’impression générale, qui correspond au premier moment de la vision, ils la précisent par les mots qui viennent ensuite et qui marquent ce qu’on distingue au second coup d’oeil Si donc Mme Gervaisais entre dans une église de Rome, MM. de Goncourt ne diront pas : « Elle se mit à regarder… des femmes agenouillées…, des paysans vautrés… » Non, car ce qu’elle a vu d’abord, ce sont des lignes et des mouvements, c’est quelque chose d’agenouillé et de vautré ; après quoi, elle a remarqué que c’étaient des femmes et des paysans.
On connaît les principaux événements de cette épopée, le rétablissement d’Isaac l’Ange, les démêlés des croisés avec le jeune Alexis, l’usurpation et le détrônement de Murtzuphle, l’occupation et le pillage de Constantinople en 1201, l’installation de Baudouin en qualité d’empereur, les combats qu’il eut à soutenir contre les Grecs et les Bulgares, jusqu’à la journée d’Andrinople où il fut fait prisonnier ; la régence et les deux premières années du règne de Henri, frère de Baudouin, la mort ; du marquis de Montferrat en 1207, Villehardouin est peut-être le héros le plus solide de cette épopée, œuvre de sa fermeté persévérante, où il remplit tour à tour, aux moments décisifs, avec un succès dont il se vante moins que les héros d’Homère, le rôle de négociateur et celui de capitaine. […] Il mêle quelques jugements à ses récits. la différence du maréchal de Champagne, qui va toujours en avant, où les événements le mènent ne se recueillant pas un moment pour les prévoir ou pour les juger, Joinville s’est quelquefois interrogé sur les hommes et sur les choses. […] Il assista à la bataille de Nancy, et il vit la fin de cette puissante maison de Bourgogne, dont la fortune, un moment éblouissante, ressemble si fort à la renommée de ses historiens et de ses poëtes, de leur vivant portés si haut et si enviés, aujourd’hui relégués, par lambeaux, dans des recueils où l’on compte mais où l’on ne pèse pas les noms.
A un moment donné, la quantité de force nerveuse qui correspond à l’état de conscience appelé sensation doit nécessairement se dépenser de quelque manière et engendrer quelque part une manifestation équivalente de force. […] Telles sont les émotions primitives, avec le mouvement général du corps qui les exprime au premier moment. […] Au premier moment, l’affaissement d’activité s’exprime par un affaissement général de force motrice.
que siffle-t-on en ce moment ? […] Il défend jusqu’au dernier moment la félicité sereine qu’il s’était promise ; mais il ne peut résister à la prière suprême du vieillard qui va partir. […] N’y a-t-il pas dans les derniers feuillets de ce récit trois moments principaux, à savoir : l’ordination, le séjour de Jocelyn à Paris, et la confession de Laurence ? […] Dans la poésie lyrique, Sainte-Beuve a eu pareillement deux moments bien distincts, mais non pas contradictoires. […] Dès ce moment, la tragédie n’attend plus.
Cinquante jours après le solstice, le moment est favorable, à moins que le ciel et la mer n’aient conjuré notre perte. […] Lorsque le colimaçon grimpe le long des plantes, c’est le moment de sarcler la vigne. […] Et tous les moments solennels ou dramatiques de sa vie se placeront en automne. […] Il fait le compte exact de ses moments de plénitude et d’exaltation. […] Le moment venu de lui rappeler sa promesse, Estaunié alla le trouver. « Que voulez-vous que je traite ?
Bientôt s’épandent les nuances, les émotions deviennent plus subtiles, à chaque moment correspondent des joies, des douleurs spéciales. […] Et il a dédié, dès ce moment, toute sa vie à l’œuvre de l’art. […] Paul fait, au même moment, tout le contraire de ce qu’il fait ? […] Elle apparut après un moment. […] Il a été remplacé un moment par la recherche à tout prix de l’originalité.
Il essaie de le consoler et de lui rendre courage ; mais Castruccio ne veut rien entendre, et dès ce moment il devient l’ennemi d’Ernest. […] Dès ce moment, Beauséant et Glavis forment le projet de se venger. […] Brave et habile, Claude Melnotte désarme son adversaire, et dès ce moment ils deviennent les meilleurs amis du monde. […] Satisfait de sa pensée à tous les moments de sa vie, il reproduit avec bonheur ce qu’il a dit dans sa jeunesse, et ne paraît pas se défier de l’opinion publique. […] Aussi ne faut-il pas s’étonner que les derniers moments de Charles Ier, tels que nous les trouvons dans le récit de M.
… Le moment, faut-il expliquer que c’est l’heure de la production artistique ? […] C’est le moment de goûter les hauts tons de ses images et son pétillement, son étincelle continue. […] Rien ne rompit la fascination de ce premier colloque, de « ce moment l’un devant l’autre ». […] Qu’y a-t-il dans la vie, que des « moments » ? […] Ajoutons que la trilogie de la race, du milieu et du moment ferait ici merveille.
Or, du moment que la métaphysique s’est réintégrée dans la conception des choses, la notion de la poésie se transforme radicalement. […] Kahn affirme d’abord la loi de l’universelle évolution, et il prétend s’en autoriser pour combattre les conservateurs renforcés qui voudraient immobiliser l’art dans sa forme actuelle : ceux-ci n’ont-ils pas le tort de choisir, entre autres, un moment de cet incessant devenir auquel l’Art ne saurait échapper, — un moment quelconque et le leur, de préférence, pour le consacrer définitivement. […] Pauvre moment Que celui où nous savons l’heure. […] Cela est si vrai qu’à certains moments de l’histoire littéraire, après des époques d’excessif « lyrisme », on voit se produire une indispensable réaction et la littérature devenir nettement impersonnelle. […] Les historiens positifs font un effort scientifique pour caractériser chaque époque, pour séparer les uns des autres les moments divers de l’évolution humaine.
C’est dans ces termes évidemment, en substituant le mot « jeunes élèves » au mot « monsieur », que Thomas Gradgrind présentait en ce moment Thomas Gradgrind aux petits vases rangés devant lui, lesquels devaient être si fort remplis de faits1344. […] Le pauvre petit David est à chaque moment blessé par des paroles dures. […] III Nous ne pensons pas que ce contraste entre les faibles et les forts, ni que cette réclamation contre la société en faveur de la nature soient le caprice d’un artiste ou le hasard d’un moment. […] Yoho, behind there, stop that bugle for a moment !
Qu’on me pardonne de parler un moment en philosophe plutôt qu’en poète, et de démonter les rouages de l’âme au lieu de les regarder tourner. […] La suggestion mentale prendra une telle intensité, qu’il nous sera impossible à un certain moment de savoir si c’est notre être qui retentit au dehors, ou si ce sont les choses qui arpègent nos états d’âme. […] À quel moment précis le soleil apparaît au ras de l’horizon ne se peut dire, ni quand le jour commence ; pourtant voici le ciel inondé de lumière. […] L’un n’affronte la torture, l’autre le combat, qu’au moment précis où Dieu et la Patrie descendent sensibles dans leur cœur, qu’après que l’idée les a pénétrés par une manière d’intus-susception, dirait Maine de Biran, et que, nouvelle tunique de Nessus collée à leur peau, elle les brûle d’un feu quasi-charnel.
Toute sensation, croyons-nous, passe ou peut passer par trois moments : dans le premier, l’être sentant constate en lui-même ce que nous appellerons avec M. […] Dans le second moment la sensation se précise et prend, s’il y a lieu, un caractère clairement douloureux ou agréable, résultant de ce qu’elle est nuisible ou utile. […] Autant le rythme est l’expression naturelle de l’émotion, autant il semble étrange au premier moment de rimer sa joie ou ses douleurs. […] Ceux mêmes qui ont eu le plus de recherches à l’endroit de la rime font preuve soudain, par moments, d’une négligence extrême. […] Ajoutons qu’il est assez logique de tenir compte dans la rime des différences qui peuvent reparaître à un moment donné dans la prononciation, par la liaison des mots.
Ce sont des effusions éloquentes et passagères de colère et de haine ; ce sont des chants du moment. […] Il faut revenir sur nos pas, ou du moins nous détourner un moment par une digression difficile pour moi, mais que je ne puis éviter. […] quel magnifique lieu commun je-pourrais faire en ce moment sur la littérature orientale ! […] En ce moment, deux choses nous frappent : le caractère historique et la forme littéraire de cette poésie. […] Cet ouvrage, nous le séparons en ce moment du Dante ; et nous le consultons comme une œuvre grammaticale et littéraire du temps.
Je laisse à des grammairiens plus délicats que lui à juger si quittions n’est pas ici très-légitime, puisque le désir auquel on répond n’est pas seulement au passé, mais qu’il dure et persiste jusqu’au dernier moment.
Cela, je le sais, ne rentre pas, pour le moment, dans nos données et nos visées politiques ou sociales.
Celui qui consacre sa vie au bonheur de ses amis et de sa famille ; celui qui prévenant tous les sacrifices, ignore à jamais où se serait arrêté l’amitié qu’il inspire ; celui qui n’existant que dans les autres, ne peut plus mesurer ce qu’ils feraient pour lui ; celui qui trouve, dans les jouissances qu’il donne, le prix des sentiments qu’il éprouve ; celui dont l’âme est si agissante pour la félicité des objets de sa tendresse, qu’il ne lui reste aucun de ces moments de vague, où la rêverie enfante l’inquiétude et le reproche, celui-là peut, sans crainte, s’exposer à l’amitié.
Il accomplit les actions ordinaires de la vie comme dans un état de somnambulisme ; tout ce qui pense, tout ce qui souffre en lui, appartient à un sentiment intérieur, dont la peine n’est pas un moment suspendue.
Cependant le moment de la grande bataille n’était pas venu.
Avec une philosophie moins niaise, il représenterait moins bien un moment décisif de l’évolution du goût en France.
Un moment elle est obligée de se passer de bonne et de faire le ménage ; son humeur s’aigrit.
Dès ce moment, il offrit à Racine ses conseils, ses services, & parla si avantageusement de son Ode à M.
Le révérend Georges Henslaw, doué d’une faculté qu’avait déjà Gœthe, voit, quand il ferme les yeux et qu’il attend un moment, l’image claire de quelque objet : cet objet change de formes pendant aussi longtemps qu’il le regarde avec attention ; mais, en étudiant la série de formes qui se succèdent, on reconnaît que le passage de l’une à l’autre est fourni tantôt par des relations de contiguïté, tantôt par des relations de ressemblance réductibles elles-mêmes à la contiguïté.
Cette mère qui, seule de toutes les Troyennes, a voulu suivre les destinées d’un fils ; ces habits devenus inutiles, dont elle occupait son amour maternel, son exil, sa vieillesse et sa solitude, au moment même où l’on promenait la tête du jeune homme sous les remparts du camp, ce femineo ululatu , sont des choses qui n’appartiennent qu’à l’âme de Virgile.
Quiconque lira l’Évangile avec un peu d’attention y découvrira à tous moments des choses admirables, et qui échappent d’abord à cause de leur extrême simplicité.
La fausseté du premier moment a influé sur tout le reste.
Notre experience sçait dissiper en un moment bien des ombres de difficultez que le raisonnement seul ne viendroit peut-être point à bout d’éclaircir.
Il y a un passage dans son livre où l’auteur des Français de la décadence se moque, comme il sait se moquer (à tort ou à raison, ce n’est pas la question), des percements de rue qui ont lieu à Paris en ce moment ; et, pour exprimer les ironiques inquiétudes que lui causent tous ces percements de rues nouvelles (pages 290 et suivantes), non seulement il parle avec effroi d’une rue qui traverserait les tableaux du Titien et de Raphaël : Les Noces de Cana et La Belle Jardinière, lesquels sont actuellement au Louvre, mais encore d’une « autre rue, qui traverserait à son tour, d’outre en outre, les deux pots de réséda posés sur sa fenêtre, et qui continuerait jusqu’à son lit de plumes, en passant sur sa table de nuit ».
à ce moment, on concevrait qu’on passât une tunique de soie au cadavre qui n’eût pas froidi et qu’on piquât des roses sur le drap funèbre d’un cercueil.
Mais comme Taine, ce jeune fils, a soif de paternité, lui, créé à ce qu’il paraît pour n’être jamais qu’un fils en philosophie, il s’est trouvé que le remplaçant du père Hegel a été le père Mill, qui, en ce moment, fait son petit susurrement de philosophe parmi les amateurs, et qui lui-même est apparenté avec Condillac.
Eh bien, si nous l’avons cru un moment, l’illusion n’a pas été longue !
L’auteur, Paul Meurice, n’avait jamais montré de prétentions si hautes ; mais tout finit par pousser dans la vanité des hommes, et il arrive toujours un moment où le melon est mûr… Quoiqu’il eût romancé déjà, Paul Meurice n’est guères connu comme romancier.
une fête établie pour la révolution des siècles, l’idée de la divinité pour qui tous les siècles ensemble ne sont qu’un moment, la faiblesse de l’homme que le temps entraîne, ses travaux qui lui survivent un instant pour tomber ensuite, les générations qui se succèdent et qui se perdent, les malheurs et les crimes qui avaient marqué dans Rome le siècle qui venait de s’écouler, les vœux pour le bonheur du siècle qui allait naître ; il semble que toutes ces idées auraient dû fournir à un poète tel qu’Horace, une hymne pleine de chaleur et d’éloquence ; mais plus un peuple est civilisé, moins ses hymnes doivent avoir et ont en effet d’enthousiasme.
À ce mot de la sagesse de Claude, tous les Romains se mirent à rire, et l’on oublia pour un moment que l’orateur était le maître du monde.
C’est dans ces moments-là que les grêles ravagent les moissons, que la terre s’entrouvre, que les villes sont englouties ; fléaux qui désolent le monde, non par la volonté des dieux, mais parce qu’alors leurs regards ne tombent point sur la terre : voilà, grand empereur, ce qui nous est arrivé, lorsque vous avez cessé de veiller sur le monde et sur nous. » Ensuite on prouve à Maximien que, malgré son grand âge, il ne pouvait sans injustice quitter le fardeau de l’empire ; « mais les dieux l’ont permis, lui dit l’orateur, parce que la fortune, qui n’osait rien changer tant que vous étiez sur le trône, désirait pourtant mettre un peu de variété dans le cours de l’univers ».
C’était peut-être sous le règne si court de Titus, dans cette trêve d’un moment accordée par l’empire.
J’ai admiré l’heureuse liberté avec laquelle tous les acteurs passent en un moment, d’un vaisseau en pleine mer à cinq cent mille sur le continent. […] Ce spectacle plaît aux Espagnols, ou leur a plu à un certain moment de leur histoire. Esprit général de la critique littéraire Ainsi, une littérature, un poème, quelquefois même un morceau faisant tache, comme ce passage d’une comédie de Plaute où Sosie embouche la trompette héroïque, sont l’expression vive et fidèle d’une société ; une œuvre d’art plaît à un peuple, comme l’Iphigénie de Racine, lorsqu’elle exprime des sentiments nationaux, quelle que soit l’antiquité du vêtement dont elle s’affuble ; une œuvre d’art plaît à un peuple, comme Le Médecin de son honneur de Caldéron, lorsqu’elle exprime des passions nationales, quelque absurdes que ces passions puissent paraître au jugement faible des étrangers ; mais une œuvre d’art qui n’exprime pas un état social actuel et présent, ne plaît qu’à une élite de lettrés, comme l’Iphigénie de Goethe, ou ne plaît qu’à l’auteur et à sa famille, comme l’Alarcos de Frédéric Schlegel ; et il n’est point certain que l’Iphigénie allemande eût fait plaisir aux Grecs, ni l’Alarcos aux Espagnols, parce que l’artiste ne peut pas s’isoler, s’abstraire de la race d’où il sort, du milieu où il vit, du moment où il fait son poème, au point de devenir vraiment grec ou vraiment espagnol, quand il est moderne et allemand. […] De même encore que dans un opéra bien fait tout semble l’épanouissement naturel et nécessaire d’un petit nombre de données fondamentales indiquées dans l’ouverture, si bien que par moments l’auditeur pourrait être tenté de croire qu’une pure déduction mathématique a trouvé ce qui ravit ses sens et son âme, telle est aussi l’harmonie d’une pièce telle que Le Misanthrope ou Les Femmes savantes, qu’aucune scène n’y saurait être ajoutée, retranchée, changée, et que l’esprit se refuse absolument à concevoir que les choses eussent pu être autrement qu’elles ne sont. […] Louis XIV faisait perdre l’équilibre à son poète au moment même où il le faisait perdre à l’Europe : Les Femmes savantes paraissent avec la guerre de Hollande453.
D’ailleurs, au moment même où elle s’abandonne, cet amour auquel elle sacrifie son honneur lui échappe. […] C’est que le moment où M. […] … À ce moment, un commissaire de police frappe à la porte. […] ce n’est pas contre les idées romanesques qu’il faut mettre en garde la génération présente… le danger n’est pas là pour le moment. […] C’est à partir de ce moment qu’il met un soin jaloux à noter tout ce qui, dans la nouvelle école, pourrait bien être un emprunt fait à leurs livres.
Il a, je le reconnais, des manies odieuses ; dans ses mauvais moments, il grimace comme un vieux macaque. […] Dans ses heureux moments, il a le style le plus magnifique et le plus charmant. […] Il m’était donné de voir M. d’Aurévilly un moment à toutes les époques de ma vie. […] Je sais bien que c’est le fanatisme scientifique, le déterminisme darwinien qui est seul en cause pour le moment. […] Est-ce qu’il n’arrive pas pour chacun de nous un moment où nous avons besoin de mourir ?
Kant raisonne un peu à la manière de Condillac, qui introduisait tout d’un coup dans sa statue une odeur de rose, de sorte que la conscience de cette statue eût été, à ce premier moment, tout entière odeur de rose, puis, si on veut, à un second moment, odeur de lis ou d’œillet, puis son de cloche, puis vision d’éclair, etc. […] Il se répand d’abord par diffusion, et c’est, nous le verrons plus loin, le moment qui correspond à l’émotion.
Le passé n’existe que par eux ; leur silence replonge l’univers dans le néant ; la mémoire des aïeux n’est pas ; leurs vertus restent sans honneur et sans fruit pour les neveux, le moment où ces cygnes paraissent est comme l’époque de la création. […] Mais ce que je dis du moment où la connaissance du grec et du latin est utile au médecin, et de l’âge où il convient de se livrer à cette étude, je puis le dire du littérateur même, avec cette différence que sans grec, et, à plus forte raison, sans latin, on n’est point un homme de lettres : il faut absolument à celui-ci une liaison intime avec Homère et Virgile, Démosthène et Cicéron, s’il veut exceller ; encore suis-je bien sûr que Voltaire, qui n’est pas un littérateur médiocre, sait bien peu de grec, et qu’il n’est pas le vingtième, le centième de nos latinistes. […] Presque tous ces écrivains sont peut-être sans conséquence entre les mains d’un homme fait ; mais je demande si l’on parle de bonne foi lorsqu’on assure que la langue de ces auteurs, difficiles pour le style, profonds pour les choses et souvent dangereux pour les mœurs, peut être la première étude de la jeunesse ; si l’on souffrira sous des yeux innocents et purs les leçons de Plaute, dont je n’ai point parlé ; celles de Térence que je me rappelle en ce moment, Térence, dont l’élégance et la vérité sont au-dessus de tout éloge, mais dont les peintures n’en sont que plus séduisantes ; les leçons d’athéisme de Lucrèce : j’aimerais encore mieux qu’on exposât les élèves à se corrompre le goût dans le dur, sec et boursouflé Sénèque le tragique, à qui je devais cette petite égratignure pour l’ennui qu’il m’a causé, et à qui j’en demande pardon pour quelques belles scènes qu’il a inspirées à notre Racine.
Selon Suard, M. de Lassay n’a dit ce mot énergique qu’à l’époque du ministère du duc de Bourbon et des trafics publics de Mme de Prie, et c’est à ce moment de la société seulement qu’il entendait l’appliquer. […] La supériorité blesse trop pour aimer à passer sa vie avec des gens qui en ont beaucoup sur vous ; les vues d’intérêt et d’ambition cessent, et ce sont les seules raisons qui peuvent engager à vivre avec des personnes à la mauvaise humeur et aux fantaisies desquelles on est exposé à tous les moments, qui ont toujours raison quelque tort qu’ils aient, dont la haine est dangereuse, qui ne se soucient de vous qu’autant que vous pouvez contribuer à leur amusement, et qui croient que tout leur est dû et qu’ils ne doivent rien à personne.
On s’est aperçu, à un certain moment, que l’édition de Heyne ne répondait plus à tout, que sur bien des points il y avait à dire, soit pour la constitution du texte, soit pour l’orthographe ancienne à rendre plus conforme aux meilleurs manuscrits, soit pour la part d’autorité à attribuer aux premiers commentateurs. […] Après un Conseil où la question avait été une dernière fois agitée, où toutes les raisons s’étaient produites, toutes les considérations pour et contre, et où, chaque chose bien pesée, le Cabinet se décidait pour l’action avec toutes ses chances, on allait se séparer : la discussion s’était prolongée jusque bien avant dans la nuit ; M. de Rémusat, ministre patriote et lettre, s’écria en se levant et en concluant le débat : « Fata viam invenient… » Par malheur, la décision resta sans effet ; le roi ayant reculé au dernier moment, le Cabinet donna sa démission, et le ministre en fut pour sa belle allusion virgilienne.
Jusque-là, Racine n’avait trouvé sur sa route que des protecteurs et des amis ; son premier succès dramatique éveilla l’envie, et, dès ce moment, sa carrière fut semée d’embarras et de dégoûts, dont sa sensibilité irritable faillit plus d’une fois s’aigrir ou se décourager. […] C’était donc moins que jamais pour Racine le moment de quitter la scène où retentissait son nom ; il y avait lieu pour lui à l’enivrement, bien plus qu’au désappointement littéraire : aussi sa résolution fut-elle tout-à-fait pure de ces bouderies mesquines auxquelles on a essayé de la rapporter.
Les bizarreries, inventées ou naturelles, étonnent un moment l’imagination ; mais la pensée ne se repose que dans l’ordre. […] L’espoir d’atteindre à des idées utiles, l’amour de la morale, l’ambition de la gloire, inspirent une force nouvelle ; des impressions vagues, des sentiments qu’on ne peut entièrement se définir, charment un moment la vie, et tout notre être moral s’enivre du bonheur et de l’orgueil de la vertu.
. — Comme ils sont l’auditoire, ils sont les juges. « C’est le goût de la cour qu’il faut étudier, dit Molière350, il n’y a point de lieu où les décisions soient si justes… Du simple bon sens naturel et du commerce de tout le beau monde, on s’y fait une manière d’esprit qui, sans comparaison, juge plus finement les choses que tout le savoir enrouillé des pédants. » — À partir de ce moment, on peut dire que l’arbitre de la vérité et du goût n’est plus, comme auparavant, l’érudit, Scaliger par exemple, mais l’homme du monde, un La Rochefoucauld, un Tréville351. […] Le penchant est si grand de ce côté, qu’au moment suprême et dans le plus fort de la dernière angoisse, le personnage, seul et sans témoins, trouve moyen de plaider son délire et de mourir éloquemment.
Les collecteurs, avec les huissiers, suivis de serruriers, ouvrent les portes, enlèvent les meubles et vendent tout pour le quart de ce qu’il vaut, et les frais surpassent la taille… » — « Je me trouve en ce moment en Touraine, dans mes terres. […] Jusque-là le malheureux ne pourra respirer que par intervalles, et à chaque moment il courra risque de se noyer.
Ces accès assombrissent et enveniment par moments son caractère. […] Mais ces grandes images, ces fortes pensées, ces sages maximes, cette philosophie pratique ne sont que des excursions rapides qui interrompent par moment son enthousiasme de commande pour les villes, les îles, les rois, les citoyens qui payent ses chants.
Aussi bien n’importe-t-il guère, et l’auteur à chaque moment oublie, suspend et nous fait perdre de vue sa fiction. […] Et à d’autres moments, par le regret ému de sa belle jeunesse, dépassant la belle heaumière de Villon, la vieille du Roman de la Rose atteint presque à la mélancolie de certains vers de Ronsard.
Il faut lire avec quelle sûreté il joue de Gaston d’Orléans ; il en connaît le ressort, la peur ; mais il sait exactement les degrés et les moments, quelle pression, en quelles circonstances, produira la passivité, l’activité ou sentimentale ou oratoire ou physique, enfin le courage même. […] Mais il marque un renversement d’influences, et le moment où la tragédie qui, jusque vers le milieu du siècle, fut sous l’action du roman, la repousse définitivement et lui renvoie au contraire la sienne.
Veut-il nous faire connaître une vieille coquette, qui se méconnaît, il la fait médire des vieilles femmes qui se parent ; mais à quel moment ? […] Je ne saurais guère rien dire qui ne me paraisse faux un moment après.
Un moment Voltaire sent la piqûre d’un mot du roi, qui dans une ode l’a traité de soleil couchant : et le petit Baculard d’Arnaud était le soleil levant ! […] Du moment qu’il entamait une Histoire universelle, Voltaire rencontrait devant lui le fameux discours de Bossuet.
A chaque moment, il intervient pour la soutenir et la faire durer. […] Fortunio, Valentin, Perdican, Fantasio, Lorenzaccio, autant d’épreuves du même portrait ; c’est Musset vu par lui-même, à des moments divers, en des états passagers d’exaltation, de renouvellement, de confiance, de lassitude ou de dégoût : parfois il se dédouble, et, dans Octave et Célio, pose face à face les deux âmes qu’il sent en lui, l’âme légère du libertin, l’âme grave de l’amant idéaliste.
Là-dessus, louez une salle, invitez-y quelques centaines de snobs, de décadents et d’ennuyés, payez trois ou quatre camelots pour remplir le rôle de la claque en vous jetant au moment convenu une douzaine d’œufs pourris par la tête, et venez singer sur un tréteau les vagissements du nouveau-né ou la musique du pétomane ! […] En tant que travail au jour le jour, ou, si l’on veut, au mois le mois, destiné à guider et à renseigner le lecteur, c’est celle de Fernand Vandérem que je préfère, car elle fait tableau et traite dans leur ensemble les questions littéraires qui se débattent à un certain moment.
Et pourtant, dans la passion de l’incrédule, l’impartialité du génie se fait jour par moments, et de la même plume qui rapetissait les choses il a tracé des personnes des portraits qui les grandissent. […] Le nom même d’amitié ne convient guère à cette espèce de coquetterie d’esprit, par moments caressante, plus souvent inquiète et ombrageuse, qui rapprocha et éloigna tour à tour l’un de l’autre ces deux esprits et ces deux hommes.
Cet espace tactile que nous analyserons dans le paragraphe suivant et sur lequel je demanderai en conséquence la permission de ne pas m’expliquer davantage pour le moment, cet espace tactile, dis-je, a trois dimensions. […] Et alors évidemment oui cela est possible ; du moment qu’on imagine une expérience, on imagine par cela même les deux résultats contraires qu’elle peut donner.
Tout bon Citoyen doit être jaloux de voir sa Patrie l’emporter sur les autres Peuples par la prééminence des lumieres & des talens : mais, je vous le demande, Lecteur impartial, un zele sage, un zele éclairé peut-il adopter ces célébrités* capricieuses qu’un moment fait naître, & qu’un autre moment voit s’anéantir ?
Le moment est venu pour M. […] Cette scène est le seul moment où le drame éclate, l’unique éclair qu’il dégage.
Ce que l’on a nommé l’inspiration, c’est ce moment où l’âme, ravie au-dessus d’elle-même, épuise le dernier degré de douleur, de joie, d’amour, qu’il lui soit possible d’atteindre sans briser sa faible enveloppe et s’échapper d’ici-bas. […] L’âme humaine, par son origine et sa destinée, est capable d’extase, mais pour un moment : elle y atteint, elle n’y reste pas.
Heureusement, vers la même époque, la poésie moderne, un moment si égarée par le dédain ou par la contrefaçon bizarre de l’antique, allait rentrer dans des voies plus hautes. […] Je ne chercherai pas, en ce moment, quel âge avait Sophocle, quand il fit cette pièce, et, qu’accusé de folie par ses fils, il récita, pour toute réponse, le commencement du Chœur des vieillards de Colone127 : « Ô étranger !
Mais il a été remarqué d’autre part que cette sorte d’exagération avait toujours été concédée aux moralistes, aux satiriques, aux auteurs de comédies ; que c’est un peu la condition de la scène ; que si la vérité peut manquer sur quelques points du tableau, cette vérité se fait sentir en d’autres endroits d’une manière vive, énergique et neuve : par exemple, lorsque le personnage principal au quatrième acte se voit presque amené, à force d’humiliations d’avanies et d’outrages, à se repentir de ce qu’il a fait de bien, et à apostropher le monde entier dans une sorte de délire : moment dramatique et lyrique tout ensemble, d’une vigueur poignante.
Et prenez garde que ce n’est plus l’abbé Prévost, un peu suspect de laisser-aller et de facilité sur le chapitre des mœurs et manières, qui parle en ce moment ; il ne fait qu’emprunter les raisons du sage et poli Addison.
Port-Royal, un moment ralenti ou distrait par les jongleurs et les trouvères, reprendra ensuite pour moi cette démarche lente qu’il ne faut pas trop hâter. — J’ai fait assez de vers durant cette saison, de manière à m’assurer que mes doigts ne sont pas encore trop rouillés.
Lerminier, c’est que ce livre nous ayant paru le meilleur, le plus ferme et le mieux exprimé de ceux qu’il a produits jusqu’ici, nous avons cru le moment propice à quelques conseils que notre admiration pour la rare faculté de l’auteur et notre confiance en son avenir feront peut-être agréer de lui, mais que du moins il nous pardonnera.
L’homme n’a pu s’y tenir ; car on n’atteint l’idéal qu’un moment.
En effet, on ne peut méconnaître la convenance de l’unité de ton dans une crise d’un moment, entre les mêmes personnes, dans un même lieu.
Du moment où Dieu lui avait révélé divinement la parole et l’intelligence de la parole, il lui avait donné par là l’instrument nécessaire et facile de toute convention et de tout progrès.
Madame la duchesse du Maine, occupée d’idées plus ambitieuses, lui disait : Vous apprendrez au premier moment que M. le duc d’Orléans est le maître du royaume, et vous de l’académie française.
Mais écoutez une singulière rencontre de circonstances, c’est qu’au moment même où le pauvre Milot venait d’être dépouillé par l’académie, Falconnet m’écrivait : " j’ai vu chez Le Moine un élève appellé Milot, qui m’a paru avoir du talent et de l’honnêteté.
… La Grange-Chancel fut le génie d’une heure et le Juvénal d’un moment.
Ce livre est, selon moi, le livre supérieur de l’ouvrage, et comme j’en suis pour le moment à faire des découvertes dans les facultés de Masson, j’ai été particulièrement frappé par la puissance avec laquelle il a analysé ce fait, cruel et mortel aux races, de la mésalliance, — de ce sac à hontes et à douleurs de la mésalliance qu’il nous pointille toutes et nous trie sous les yeux, sans nous faire grâce d’une seule de ces hontes et de ces douleurs !
Enhardie par le succès de sa tentative, elle nous promet, en ce moment, toute une bibliothèque elzévirienne.
. ; tous ces traits chauffés au feu du moment, aiguisés sur la circonstance, firent de lui le grand sagittaire de l’époque, l’outlaw de ce régime bâtard du juste milieu qu’il méprisait.
Il fut un moment, en effet, dans l’histoire de Madame Sand, où, par suite d’affaires, elle ne se trouva plus assez riche.
il ne s’agit que de vérité littéraire… Or, très certainement, on n’avait pas besoin de s’adresser au sentiment public, blessé en ce moment par la Russie, pour provoquer un succès qui se serait naturellement fait tout seul.
De Diderot ou de Lessing, c’est certainement le champenois Diderot qui est, d’esprit, le plus allemand… Laissons, pour le moment, les deux créateurs de théâtre ; car Lessing et Diderot ont voulu créer un théâtre.
En mesure avec le temps et avec lui-même, il avait, calme comme un homme qui a la sécurité d’avoir été, ses facultés données, tout ce qu’il peut être dans son art, attendu le moment favorable où il devait le mieux se produire.
Nous avons, pour le moment, des historiens druides, comme nous avons des poètes païens ou indiens qui chantent Bhagavat ou Zeus en français du xixe siècle, et c’est la même loi qui donne ces messieurs.
Par l’aube éternelle guidée, Entrevoyant d’autres beautés, L’âme, au sort commun décidée, S’acclimate aux vives clartés Et se fait à la grande idée, Voit la terre avec d’autres yeux, Se prépare au voyage étrange, Laisse à tout d’intimes adieux, S’observe, s’écoute, se range, Se tourne souvent vers les cieux ; Se concentre dans elle-même Laissant déborder par moments Dans l’amitié de ceux qu’elle aime Les précurseurs épanchements De la fin prochaine et suprême !
Même l’égoïsme de son parti, qui sentait bien de quelle ressource un tel homme pouvait être dans un moment donné, lui épargna l’angoisse des commencements qui durent… Ce qu’on reconnaît le plus facilement, d’ailleurs, ce sont les facultés qui sont des armes ou qui peuvent le devenir.
Deltuf, qui a l’œil aux nuances et qui, quoique fin, a parfois le naturel de la force, était digne, ce me semble, d’entr’ouvrir ce sujet superbe et de nous donner une confession qui aurait été la confession de toute une vie, et non plus celle d’un moment dans la vie, comme La Confession d’Antoinette.
Nous devons commencer à les observer dès le moment où ils ont commencé à penser en hommes ; et nous trouvons d’abord que, dans cette barbarie profonde, leur liberté bestiale ne pouvait être domptée et enchaînée que par l’idée d’une divinité quelconque qui leur inspirât de la terreur.
Mais comme la société humaine ne peut subsister un moment sans ordre, c’est-à-dire sans dieu, la Providence fit naître l’ordre civil avec la formation des cités.
Ainsi tout porte en nous la marque d’une raison subalterne, bornée, participée, empruntée, et qui a besoin qu’une autre la redresse à chaque moment. […] … La substance de l’œil de l’homme n’est point la lumière : au contraire, l’œil emprunte à chaque moment la lumière des rayons du soleil. […] La France à ce moment semble passer de la jeunesse à la virilité. […] En ce moment la couleur et la forme sont à l’ordre du jour, en poésie, en peinture, en toute chose. […] Le redoutable ministre y est représenté à ses derniers moments, soutenu par la Religion et pleuré par la Patrie.
Moi-même, en ce moment même, je sens bien que je suis de ce monde : par exemple, je m’ennuie de marcher dans la rue. […] Elle fait effort en ce moment pour que ce quelqu’un puisse surgir, et à cet effet, de son propre mouvement, elle insiste pour une trêve. […] Or dans les moments de folie, les idées violentes et désordonnées prennent l’empire. […] C’est le moment critique : on est tenu de choisir une voie et pour toute la vie ; mais comment choisir entre tant de voies, quand on n’en a essayé aucune ? […] A partir de 1789, des centaines de lettres, écrites au moment et sur place, signées, datées, vérifiées, le renseignent incessamment sur les troublés de la province.
Et puisque l’homme n’a pas de moyens pour être heureux, puisque peut-être en ce moment, sur toute la terre, il n’y a pas un seul homme heureux, ayant les moyens de rester toujours heureux, cela prouve que Dieu ne le veut pas. […] En ce moment le père Christel arrivait déjà quelquefois de la côte, la blouse chargée de rosée et les souliers chargés de glèbe jaune. […] Vois-tu, Kobus, quand une femme a de l’esprit, qu’elle n’est point glorieuse, qu’elle ne cherche pas à rabaisser son mari pour s’élever elle-même, tout de suite elle se rend maîtresse ; on est heureux, en quelque sorte, de lui obéir. » En ce moment, je ne sais quelle idée passa par la tête de Fritz, il observa le vieux rebbe du coin de l’œil et dit : « Elle fait très-bien les beignets, mais quant au reste… — Et moi, s’écria David, je dis qu’elle fera le bonheur du brave fermier qui l’épousera, et que ce fermier-là deviendra riche et sera très-heureux ! […] » ce n’est qu’à ce moment que l’admiration éclata par des trépignements et des cris qui firent trembler la baraque.
Car ils ont la secrète intuition que l’on n’est jamais maître de l’idée, que nous sommes guidés et portés par elle, qu’elle possède une puissance intrinsèque, qu’elle suit un itinéraire tracé dans le monde, qu’elle subira des transformations et des métamorphoses imprévues impossibles à présager pour le moment, que nous devons la suivre docilement, en ignorant le pays où elle nous mène, vers quelle cité céleste, quelle terre nouvelle ou quelle contrée d’enfer elle pourra nous conduire dans l’avenir. […] En un moment où le mépris des masses se trouve être, chez les intellectuels, un sentiment fort en faveur, peut-être paraîtra-t-il téméraire de faire, dans ces critiques, un cas quelconque de la popularité. […] Vous tous dont les clameurs essaient maintenant de soulever un peuple en faveur d’un homme, avez-vous seulement à ce moment-là tenté d’émouvoir un seul homme en faveur de tout un peuple ! […] À quel moment avez-vous protesté contre l’abominable instruction secrète, contre les huis-clos en matière de délits d’opinion, contre l’existence illogique et scandaleuse des conseils de guerre en temps de paix dans un pays où chaque citoyen est soldat, contre l’immonde police des mœurs, contre la distribution automatique des mois de prison qui a lieu tous les jours à la Correctionnelle !
Les langues elles-mêmes, du moment qu’on ne les écrit plus, s’évanouissent avec une promptitude qui tient du prodige. […] Ce fut le moment où se forma entre ces écrivains antirévolutionnaires de l’Europe cette littérature de réaction contre la philosophie française qui entraîna l’esprit humain tout entier dans son contrecourant d’idées et de principes, et qui dure malheureusement encore (autre service funeste de la Convention, qui, comme Carthage, avait rallié des ennemis à la littérature française dans tout l’univers). […] Un moment après, l’habit noir reparut sur le seuil de la maison, et referma la porte. […] Le même silence doit nous envelopper un moment.
Telle était son exaltation religieuse, qu’il est permis de croire que ce dernier moment même n’appartint point dans son âme à l’épouvante de la mort.
Après les jeux de la passion que devenait cette enfance, elle-même pourtant, elle vint, la passion en personne : nous le savons ; elle éclaira un moment ce génie si bien fait pour elle, elle le ravagea… Il a dû à ces heures d’orage et de douloureuse agonie de laisser échapper en quelques nuits immortelles des accents qui ont fait vibrer les cœurs, et que rien n’abolira.
Dans maints poèmes, assez obscurs il est vrai, l’Idée paraît seule participer de l’Etre et le moi ne serait donc qu’un moment de l’Idée, vivante émanation du Soi universel.
Parfois aussi, lorsque les pièces devinrent très compliquées, très chargées de personnages et d’incidents, les canevas entraient dans tous les détails de l’action ; la trame était tissue avec soin ; à l’acteur d’y broder les arabesques d’une libre fantaisie, suivant la disposition du moment et celle que montrait le public.
Enfin, dans un moment où, moins exagéré, Jésus ne présente l’obligation de vendre ses biens et de les donner aux pauvres que comme un conseil de perfection, il fait encore cette déclaration terrible : « Il est plus facile à un chameau de passer par le trou d’une aiguille qu’à un riche d’entrer dans le royaume de Dieu 502. » Un sentiment d’une admirable profondeur domina en tout ceci Jésus, ainsi que la bande de joyeux enfants qui l’accompagnaient, et fit de lui pour l’éternité le vrai créateur de la paix de l’âme, le grand consolateur de la vie.
Après l’époque, le moment représentés, il est bon de constater quel est le pays, le milieu physique où l’écrivain s’est cantonné.
On y voit, presque à chaque moment, des Productions bizarres, des succès monstrueux, des réputations usurpées, &, sans quelques Ecrivains incapables de céder au torrent, le bon sens & la raison y seroient sans disciples, comme sans appui.
Aussitôt qu’il se sentit en cet état, il tourna toutes ses pensées du côté du Ciel ; un moment après il perdit la parole, et fut suffoqué en demie heure par l’abondance du sang qu’il perdit par la bouche.
Si dans ce moment on s’était pressé de le juger, on se trouverait aujourd’hui bien ridicule ; et il est un exemple qu’il ne faut pas se hâter de prononcer sur les hommes avant d’être bien sûr qu’ils sont à leur place.
Il est impossible en effet de ne pas s’apercevoir des efforts qui se font, en ce moment, pour asseoir toutes nos connaissances primitives et acquises sur une base solide et inattaquable, celle de l’expérience.
Mais quant aux autres, à ceux-là qu’on répudie aujourd’hui, je ne pense pas que l’avenir s’en soucie beaucoup, et l’avenir, en ce moment, commence, car, excepté moi, parmi les critiques contemporains, qui a songé à signaler cette réimpression des œuvres complètes de Gay, et à dire sur elle ce mot suprême après lequel on ne dit plus rien, et qui est à une renommée ce que le dernier clou, qu’on y plante, est à un cercueil ?
III Qui, jusqu’à ce moment, connaissait, en effet, le comte Raczynski, à part la haute société de l’Europe à laquelle il appartenait ?
Mais Monselet, qui n’a aucune raison pour partager le mépris insolent de qui n’a rien pour qui a tout, n’est pas plus de ce moment du xixe siècle qu’il n’est du xviiie quand il s’agit de Chateaubriand ; et c’est là, je l’ai dit, mais il faut insister, ce qui lui fait une originalité inconnue.
À dater de ce moment, Ximénès monta dans cette haute et constante fortune dont aucun échelon ne se brisa sous son pied.
L’Alceste est, par moments, dans Wey, mais j’y voudrais les autres, qui n’y sont pas plus que l’Anglais, — l’Anglais sterling sur qui, d’après le titre, j’ai eu la précipitation de compter !
III Car c’est à dater du Régent que le mal fait par les d’Orléans s’élargit et grandit comme un gouffre… Malgré son impuissance politique et ses vices, le Régent, à qui Crétineau-Joly, que j’appelais une coquette de vérité il n’y a qu’un moment, accorde trop généreusement « des éclairs de génie et des conceptions diplomatiques d’une haute portée », le Régent est encore, si on y regarde de près, le meilleur de ces trois hommes que j’ai nommés plus haut et dont le pire est encore le second, mais dont le troisième acheva à son profit le mal commis par les deux autres.
Mauvais moment — je le dis avec tristesse — pour un livre qui, malgré la force de ses démonstrations, ne peut plus être un enseignement pour personne !
La presse est « aujourd’hui dans un de ces moments de torpeur qui, par une loi que l’on retrouve partout dans la nature, succède toujours aux grandes agitations ». — voilà les idées dont se paie le penseur historique qui vient se colleter avec cette terrible histoire du journalisme, et qui croit en légitimer les ambitions dévorantes !
le ton qu’on avait, en ce moment-là, à Paris, et qu’il prit bientôt, comme Alcibiade — cet autre Arlequin de l’Antiquité — prit le ton persan chez les Persans, déplut tout d’abord à cet homme que dix ans de travaux scientifiques avaient passé à leur empois… mais qui, en deux temps, fut désenglutiné et devint Français et Parisien, et tellement Parisien que quand il fut obligé de quitter Paris il eut le mal du pays d’un pays qui n’était pas le sien et qu’il emporta dans le sien pour lui gâter éternellement sa patrie !
Sa religion de l’avenir lui paraît en ce moment fort menacée, et le livre qu’il publie est un cri d’alarme, mais un cri d’alarme discrètement poussé, car tout est discret dans M.
Car il y a en ce moment, l’école des humbles en philosophie, et ce sont ceux-là qui, comme M.
M. de Beauverger nous fait l’effet d’un esprit ouvert, — trop ouvert pour le moment, — mais sensé et qui se refermera naturellement à bien des idées qu’il accepte.
Secouée un moment de sa torpeur héréditaire par les événements de 1848 et 1849, cette vieille éclectique, qui avait compris qu’avec de l’éclectisme, aux jours de péril, on ne défendait pas grand-chose, a senti son éclectisme lui revenir à l’esprit et lui énerver le cœur dès que le péril a cessé.
Nonobstant la note très modeste que Barthélemy Saint-Hilaire a placée en tête de son ouvrage, pour nous apprendre que son livre avait paru par articles dans le Journal des Savants, au fur et à mesure que William Muir, Sprenger et Caussin de Perceval publiaient les leurs, je suis sûr qu’avec les habitudes de sa pensée, avec sa préoccupation si singulièrement philosophique et religieuse prouvée par la dissertation que je trouve, dans ce volume sur Mahomet, concernant les devoirs mutuels de la religion et de la philosophie, Barthélemy Saint-Hilaire, l’auteur déjà d’un livre sur Bouddha et sa religion, devait aller — de son chef — à cette grande figure de Mahomet, qui nous apparaît, en ce moment, comme une figure neuve en histoire, tant jusqu’ici elle avait été offusquée et enténébrée par l’ignorance, le parti pris et toutes les sottises, volontaires ou involontaires, des passions et du préjugé !
Plus grand qu’eux tous enfin, l’empereur Napoléon, qui un moment put se croire Charlemagne, — et qui, plus catholique, peut-être l’aurait été, et a trop fait voir qu’il ne l’était pas, — Napoléon, ce Napoléon qui, par parenthèse, avait pensé à donner à son fils pour précepteur le catholique Bonald, si son fils n’avait pas été le roi de Rome, Napoléon lui-même, malgré tout son génie, avait partagé l’erreur commune — cette erreur qu’on pourrait appeler la grande erreur du xixe siècle !
En ce moment, ne passe-t-il pas pour le premier poète comique de ce temps, — peu comique d’ailleurs ?
Que Gérard de Nerval ait été un aimable garçon ; qu’il ait offert à ses contemporains le phénomène que nous offre Monselet en ce moment de n’avoir pas eu un ennemi, — ce qui put lui être agréable pendant sa vie, et ce qui lui est, comme vous le voyez, utile encore après sa mort ; qu’il ait été bambin avec des célèbres et qu’il ait joué aux petits jeux de l’amour et de la poésie avec des gens qui ont fait là-dessus leurs Poésies de jeunesse et qui vont faire maintenant là-dessus leurs Poésies de vieillesse, — car les choses sont plus belles quand on se retourne, et les lointains, à mesure qu’ils s’éloignent, se veloutent d’un si joli bleu !
Il rit, il plaisante, il interrompt ses récits, aux moments les plus pathétiques, par de la causerie, par un dialogue qui veut étinceler, qui veut retentir, qui veut couper.
Un portrait photographié (couleur moderne), et qu’on ne peut se pendre au cou comme les médaillons d’autrefois, beaucoup plus commodes, mais qui n’étaient pas à si bon marché, est remis à la mère de Mlle Henriette par un polisson de frère, envieux et sot, mais qui pour le moment fait ce qu’il doit faire : de là l’intrigue découverte et le malheur de Mlle Gérard !
Pour le moment, c’est sa fantaisie littéraire d’être un vieux grand-père et un vieux conteur.
Les Spartiates n’avaient, comme Léonidas aux Thermopyles, qu’un moment pour sacrifier aux Muses, en se couronnant de fleurs, avant de mourir.
Léopold Robert (1re partie) I Vous vous étonnerez peut-être de voir comprendre la peinture dans la littérature, comme vous vous êtes étonnés au premier moment d’y voir comprendre la musique, Mozart et son chef-d’œuvre, l’opéra de Don Juan. […] Cet amour voilé, superbe, tragique dès le premier moment, le fît rougir de ce premier trouble léger, accidentel, de sa jeunesse pour la jeune fille de Sonnino ; Thérésina fut négligée, oubliée, dédaignée peut-être, et disparut de sa vie : c’est une ingratitude. […] Ces trois tableaux sous les yeux ou dans la mémoire, suivez un moment son pinceau ; ce pinceau, c’est la vie.
Philosophe dans la région de la pensée, homme de bien dans la région des réalités, il consacra son amour au moment peut-être où il ne l’éprouvait plus. […] XV Goethe, ferme comme un bloc de marbre jusqu’à ses derniers moments, jouait encore comme un jeune homme avec les illusions et avec l’amour. […] Impassible jusqu’au dernier moment comme un dieu de marbre, il expira en contemplant avec ravissement le soleil, et en demandant de la lumière, plus de lumière encore !
Je ne dis pas certainement que Descartes ou Newton y eussent rien appris ; mais, en écoutant un moment ces leçons de l’antique sagesse, ils se seraient aperçus combien de choses ils avaient eux-mêmes omises, les supposant probablement assez connues, ou trop claires pour qu’il fût nécessaire de les rappeler. […] « Pour une âme éclairée et suffisamment énergique, tous les biens se subordonnent dans cette proportion et ce rapport ; et, quand le moment de la décision arrive, elle est déjà toute prise, parce qu’elle est indubitable. […] Il serait déraisonnable de dédaigner les biens extérieurs, en tant que biens ; ils ont leur utilité ; mais ce ne sont que des instruments pour un but plus haut ; et quelque valeur qu’ils aient en eux-mêmes, ils la perdent du moment qu’on les met en balance avec ce qui pèse davantage.
Moi j’étais derrière, et mon cœur sautait, sautait : j’avais peur en ce moment que la montre ne fût pas assez belle. […] » Mais je n’avais plus la force de répondre, et seulement à la fin, nous étant assis l’un à côté de l’autre, je pris la montre et je dis : « Cette peinture, tante Grédel, représente deux amoureux qui s’aiment plus qu’on ne peut dire : Joseph Bertha et Catherine Bauer ; Joseph offre un bouquet de roses à son amoureuse, qui étend la main pour le prendre. » Quand la tante Grédel eut bien vu la montre, elle dit : « Viens que je t’embrasse aussi, Joseph ; je vois bien qu’il t’a fallu beaucoup économiser et travailler pour cette montre-là et je pense que c’est très-beau… que tu es un bon ouvrier et que tu nous fais honneur. » Je l’embrassai dans la joie de mon âme, et depuis ce moment jusqu’à midi, je ne lâchai plus la main de Catherine ; nous étions heureux en nous regardant. […] Goulden, qui n’était pas trop content de voir revenir les anciens rois et les anciens nobles, pensait pourtant que ces gens avaient assez souffert dans les pays étrangers, pour comprendre qu’ils n’étaient pas seuls au monde et respecter nos droits ; il pensait aussi que l’empereur Napoléon aurait le bon sens de se tenir tranquille… mais il se trompait : — les Bourbons étaient revenus avec leurs vieilles idées, et l’empereur n’attendait que le moment de prendre sa revanche.
Il n’importe qu’il se soit fait catholique, qu’il ait été dévot à un moment, qu’il ait cru aux miracles : tout cela est superficiel. […] Faguet, qu’à de certains moments, dans les civilisations avancées, riches de chefs-d’œuvre littéraires, la meilleure maxime de pédagogie qu’on puisse donner, c’est d’écarter les livres. […] Rousseau s’assimile tout le monde extérieur, il voit tout selon son humeur du moment, et il ne cherche pas à saisir l’objet à travers sa sensation : il ne peut présenter que cette sensation même.
La poésie provençale, un moment si florissante, touche à sa fin ; aux troubadours vont succéder les trouvères. […] au riche usurier. — Et si on lui en demande la raison : « C’est, répondit-il que le riche qui pèche plus que le pauvre, a bien plus besoin de mon assistance au dernier moment. » Ici Jean de Meung, dans une digression dont il ne songe pas à s’excuser, se sert de Faux-Semblant lui-même, qui n’est que le type de l’ordre fameux des moines mendiants, pour attaquer cet ordre, dont la querelle avec l’Université est un des plus curieux épisodes du règne de saint Louis. […] On vient de voir Gerson le calquant pour l’attaquer, et subissant son influence littéraire au moment même où il veut détruire son influence morale.
., — est sans doute, sur le moment même, une perte de force motrice ; mais d’abord, nous venons de voir que, dans l’organisme suffisamment nourri, il y a réparation du nerf par la nourriture à mesure qu’il s’use par l’exercice ; le simple repos suffît aussi à le réparer : il n’y a donc point ici perte sèche et définitive. […] Au moment précis et dans la mesure où nous jouissons de notre action, — par exemple, dans la contemplation d’une scène de la nature, — nous cessons de désirer le changement, comme le soutiennent Rolph et Leslie ; mais aucune jouissance et aucune action ne peut demeurer longtemps au même niveau d’intensité. […] C’est pourquoi nous avons vu les sens supérieurs, principalement la vue et l’ouïe, condenser en un moment rapide une infinité de plaisirs délicats et subtils, plutôt objets de luxe que de nécessité pour la vie matérielle.
Que l’on considère qu’en l’un de ces livres, vingt ans de l’histoire de l’Europe figurent, vingt années qui sont tout le sanglant accouchement du monde moderne, que pour ce temps rendu par ses événements et ses personnages marquants, l’auteur entreprend de décrire toute l’existence sociale de sa nation, des paysans au czar, des enfants aux vieilles femmes, des jeunes filles aux soldats, qu’on y trouve le bivouac, le champ de bataille, la cour, le club, la famille, la hutte, le palais, les masses, les armées, les conseils, les sommités pensantes et isolées, les mariages, les adultères, les naissances, la vie surtout, la lente évolution de tous ces corps mous de jeunesse, s’endurcissant en l’âge mur, faiblissant de décrépitude, de toutes ces âmes légères, puis sérieuses, puis ternies et vacillantes, jusqu’à ce que vienne, tôt ou à son heure, sur la terre nue ou sur la douceur d’une couche, le terme suprême, la mort, ce mystérieux moment où, en dépit de l’horreur distraite des vivants, certains êtres existants comme ceux qui les contemplent, cessent étrangement d’être, problème et spectacle sur lequel aucun romancier n’a fixé un plus ferme et pénétrant regard que le comte Tolstoï. […] Mais pour des esprits comme celui de Tolstoï, que cette vie scandalise et qui tout à coup en viennent à songer que, mauvaise et absurde, elle est courte, sans espoir de rachat, sans le temps de changer ; la pensée qu’après une soixantaine d’années de péchés et de souffrances, il viendra inévitablement pour tout homme un mystérieux moment où, misérablement, il cessera d’être sans que ce globe s’arrête de fuir dans l’espace et les jours de se suivre, est intolérablement amère. […] Il fallait qu’en cette vie, dès ce moment, les hommes devinssent meilleurs et plus heureux, que cela fût facile, simple, instantané ; et le psychologue le plus génial de ce temps, celui dont la large âme a pénétré et recréé toute la multitude des types divers, qui a compris et fixé le plus véridiquement le plus large fragment du spectacle du monde, en est venu ces dernières années à élaborer un pauvre manuel de morale pratique ne contenant que quelques règles, mais telles que le plus religieux des hommes passerait pour fou à tenter de les accomplir, prônées cependant comme tout aisées, praticables sur l’heure, de nature à donner immédiatement le plein bonheur, et se résumant en ce précepte, de ne faire en aucune occasion de mal à qui que ce soit, même pour se défendre des méchants.
Boileau I Revenons pour un moment au siècle littéraire de Louis XIV. […] ……………………………………………………… ……………………………………………………… Et moi je fais trembler dans mes derniers moments Et les pédants jaloux, et les petits tyrans. […] — Un moment !
La partie de la muraille qu’occupait cet ouvrage de son ami, le célèbre Mignard, est cachée pour le moment derrière des étagères en sapin chargées de boîtes et de chapeaux. […] Mais, dès ce moment, le bruit se répand que Molière, cet audacieux et misérable Molière, ne se propose rien moins dans son nouvel ouvrage que d’attaquer la religion et de s’en prendre à Dieu lui-même. […] » Quand on rencontre un trait pareil dans une œuvre passée, on s’arrête un moment, comme on ferait halte sur une route, devant quelque poteau indiquant une étape nouvelle. […] À de certains moments, Molière sent passer à côté de lui, — comme ces parfums de soufre qui disent l’orage, — des odeurs de révolution, et cela particulièrement dans Dom Juan. […] Devant un rideau nouveau, représentant le Parnasse de Raphaël, on vit défiler, ce soir-là, toutes les célébrités du moment, précédées de la grande Rachel elle-même, vêtue de draperies blanches, une branche d’olivier à la main, pour représenter la muse antique de l’histoire.
Une bourgeoise coquette se déroba au dernier moment : la soubrette paya pour la dame. […] En ce moment même, on me dit qu’au programme des cinémas s’inscrit une Hélène de Troie. […] Il y a néanmoins de beaux moments dans ses poèmes, ses comédies sont charmantes, c’est entendu. […] Que de colères contre sa théorie de la race, du milieu et du moment ! […] Mais par ce procédé de conservatisme égoïste et timoré, que Taine approuve, à quel moment n’eût-on pas pu s’arrêter ?
179» Triste métier, rabaissé en tout temps par les contrastes et les mensonges qu’il comporte, encore plus rabaissé à ce moment par les brutalités de la foule qui souvent lançait des pierres aux acteurs, et par les duretés des magistrats qui parfois leur faisaient couper les oreilles. […] Elle ne veut plus sortir, elle ne sourit plus, elle souffre à peine qu’on vienne la voir ; elle se reprocherait comme un manque de tendresse un moment d’oubli ou de gaieté. […] Quand le repos a rendu quelque force à la machine humaine, l’idée fixe le secoue de nouveau et le pousse en avant, comme un cavalier impitoyable qui quitte un moment son cheval râlant pour sauter une seconde fois sur sa croupe et l’éperonner à travers les précipices. […] On lui annonce la mort de sa femme : Elle aurait dû mourir plus tard ; — on aurait eu alors un moment pour cette nouvelle. — Demain, puis demain, et puis demain ; — chacun des jours se glisse ainsi à petits pas, — jusqu’à la dernière syllabe que le temps écrit dans son livre. — Et tous nos hiers ont éclairé pour quelques fous — la route poudreuse de la mort. […] Il ne peut faire la chose que sur une suggestion subite ; il a besoin d’un moment d’exaltation ; il faut qu’il croie le roi derrière une tapisserie, ou que, se voyant empoisonné, il le trouve sous la pointe de son poignard.
Il refait pour lui le dénouement de son Hamlet et le refera bien des fois : « Mon cher Talma, j’ai revu la dernière scène de mon cinquième acte d'Hamlet, et surtout le moment de terreur qui la termine. […] cela occuperait bien agréablement les moments que je suis forcé de rester au coin de mon feu.
Du moment qu’il y paraît, il est le maître, il supplante peu loyalement M. de Montmorency, il entraîne M. de Villèle, il dompte M. […] Un moment relégué à Rome par le ministère de conciliation qui suivit la disgrâce de ce ministre, M. de Chateaubriand espérait le remplacer.
Elle trouve son mage fidèle, à ce moment précis, dans les tragédies de Quinault. […] A travers un rapide récit, où Xipharès expose toutes les circonstances par lesquelles son rôle est déterminé, soudain il s’arrête un moment sur les victoires de son père : Et des rives du Pont aux rives du Bosphore, Tout reconnut mon père… De ce triomphe l’orgueil filial de Xipharès est enivré, et le sentiment suscite un réveil de sensations, la vision d’une mer sans ennemis, où les flottes du roi déploient joyeusement leurs voiles : ….Et ses heureux vaisseaux N’eurent plus d’ennemis que les vents et les eaux.
Autre temps, autres chansons, dit Henri Heine ; et nous ne manquons pas de chansons en ce moment-ci, sans oublier les chansons de Mlle Theresa, célèbres au même titre que J’ai un pied qui r’mue, et que Ah ! […] Le groupe auquel on a donné un moment le nom de « parnassien » représentait, en somme, toute la poésie jeune sous le second Empire.
Obligé de m’avouer que je me trouvais dans une situation pareille, force a été pour moi, à une certaine époque de ma vie (1849-1850), de faire une halte dans une carrière de production plus ou moins spontanée, il m’a fallu de longues réflexions pour sonder les motifs de cette situation énigmatique et m’en rendre compte… » C’est seulement à partir de ce moment que Wagner voulut créer un art, et ce n’est qu’en 1876, quand il l’eut réalisé, qu’il put dire : « Maintenant, nous avons un art ! […] Ce sont là ces œuvres profondément différentes, venues chacune à leur moment, et réalisant, chacune, un genre spécial de perfection.
Helvétius, il a attendu le moment de sa mort, pour le mépriser & le rendre ridicule. […] Tantôt sensible, tantôt délicat, tantôt caustique, selon les différentes dispositions de son ame ; tantôt sincere & tantôt artificieux ; tantôt amateur du vrai, & tantôt opposé à la vérité ; tantôt modéré & tantôt excessif, il a toujours été, comme nous l'avons déjà remarqué, l'Homme du temps, de la circonstance, du moment.
» Dans une publication d’alors, à laquelle il prit part (les Tableaux historiques de la Révolution), remarquant que peu d’hommes, parmi ceux qui avaient commencé, avaient été en état de suivre jusqu’au bout le mouvement, il ajoute : « C’est un plaisir qui n’est pas indigne d’un philosophe, d’observer à quelle période de la Révolution chacun d’eux l’a délaissée ou a pris parti contre elle. » Et il note le moment où s’arrêta La Fayette, celui où s’arrêta Barnave : « Que dire, s’écrie-t-il, en voyant La Fayette, après la nuit du 6 octobre, se vouer à Marie-Antoinette, et cette même Marie-Antoinette, arrêtée à Varennes avec son époux, ramenée dans la capitale, et faisant aux Tuileries la partie de whist du jeune Barnave ? » Quant à lui, le ci-devant jeune poète favorisé de la reine, le récent secrétaire de Madame Élisabeth, il ne s’arrêta qu’à la dernière extrémité, et l’on a peine à saisir le moment précis où il s’écria enfin : C’est assez !
Si d’autre part on observe, qu’à quelque moment de l’histoire et par une suite de lentes transformations, il arrive toujours que la croyance ancienne s’efface et disparaisse, on constate que la collectivité nouvelle, qui a dépouillé cette croyance, continue pourtant à être régie par elle, parce que cette croyance s’est survécu à elle-même dans la coutume et dans la loi où elle s’est durcie. […] Elle conserve longtemps l’avantage, et, c’est seulement peu à peu, par de lentes et sournoises modifications, qu’une croyance nouvelle parvient à s’exprimer et à organiser à son profit la vie sociale : et de celle-ci, le triomphe est si tardif qu’il marque peut-être le moment où elle entre déjà en contradiction avec la croyance du lendemain.
Lui-même, il l’avoue, et il raconte qu’au sortir de ces fêtes de dommage, il rentrait dans sa maison, plus disposé à aimer l’argent, l’ambition, la luxure, qu’il ne l’était au moment d’en sortir, — « Eh ! […] Vous étudiez avec anxiété son geste, son sourire, l’inflexion de sa voix ; puis, à certains moments inespérés, vous vous retournez avec un murmure approbateur, et vous dites à votre ami : — Comme elle ressemble à son maître, mademoiselle Mars !
Si ces expressions peuvent convenir dans un grand nombre de cas à la forme vive, elles ne sauraient, la plupart du temps, s’appliquer à la parole intérieure calme : celle-ci a dans la vie humaine sa raison d’être, son rôle propre, sa fonction ; sans doute elle n’est pas sans rapports de dépendance à l’égard de la parole extérieure, mais elle en dépend de si loin que ces rapports ne paraissent pas ; si l’on s’abstient de rechercher ses origines et si on la considère au moment même où elle se produit, la parole intérieure calme est bien réellement indépendante de la parole, car, dans notre intention, elle ne la prépare pas, elle ne la remplace pas, elle existe seulement pour la pensée. […] En effet, si nous considérons d’abord les habitudes élémentaires qui la composent, nous trouvons chacune d’elles parfaite en soi ; car elle passe à l’acte par intervalles, au moment même où sa réalisation est devenue un besoin de l’esprit ; son acte est toujours complet, sans lacune : un mot commencé n’est jamais interrompu avant la fin, ni simplifié par l’omission d’une syllabe médiane ; enfin cet acte est doué d’une intensité de conscience et d’une durée à peu près inaltérables ; — si maintenant nous envisageons ces différents actes dans leur succession, c’est-à-dire l’habitude totale, nous voyons qu’elle possède, avec toutes les qualités de ses composants, devenues siennes puisqu’ils la composent, une qualité que ceux-ci ne sauraient avoir : elle est souple, elle se plie de mille manières aux besoins incessamment variés de la pensée ; tandis que chaque mot est un tout indissoluble, les syllabes étant rivées les unes aux autres par ce lien de fer que Stuart Mill a appelé l’association inséparable, l’ordre des mots, au contraire, n’a rien de fixe ; sans doute ils s’appellent les uns les autres, mais non d’une manière inéluctable ; bien loin d’être réduite, comme une mendiante en haillons, à chanter toujours le même air, l’âme est un improvisateur infatigable ; avec des matériaux toujours les mêmes, elle construit incessamment des composés nouveaux.
Il est, et surtout il veut être aussi un philosophe, et les derniers moments de sa carrière littéraire l’ont constaté. […] … Et, cependant, Michelet était relativement pur en ce moment, et nous l’avons vu cesser de l’être !
Il n’y a plus de rire, si le désavantage de l’homme aux dépens duquel on prétendait nous égayer, nous fait songer, dès le premier moment, que nous aussi nous pouvons rencontrer le malheur.
Non seulement ils s’adorent, mais ils se comprennent, ils ne s’ennuient pas un moment ensemble.
Et, dans la mesure où il est libre, il ne peut élire que des idées qui arrivent à lui un temps nécessairement longs après leurs conceptions, soit après que la nature des choses les avait suggérées à des penseurs, par conséquent au moment même où les choses qui n’ont garde de stagner imposent à des synthétistes plus récents des philosophies plus adéquates.
“L’opinion du public est faite par des hommes à peu près à sa hauteur qui, au moyen des journaux, s’adressent à elle en ton nom sur la question du moment.”
Et bien, ces lettres judicieuses et spirituelles ont sauvé un mot nécessaire ; nécessaire, dis-je, car on l’emploie à tout moment.
Louis Racine nous apprend que ce même Despréaux fut sa satire sur Le Festin, publiée en 1665, chez le comte de Brancas en présence de madame Scarron et de madame de La Sablière, dont nous parlerons dans un moment.
Une autre fois il fit enterrer vifs douze jeunes nobles, la tête en dehors du sol, sans prétexte aucun, sans colère, parce que telle était sa fantaisie du moment. — Un jour, il ordonne de faire mourir Crésus qui, depuis la conquête de son royaume par Cyrus, vieillissait honorablement à la cour de Perse.
Et qu’importe, disoit-on, aux ennemis des vers, qu’ils soient une beauté réelle ou de convention, un plaisir né de la chose même ou de l’effet du méchanisme, du moment qu’ils sont tant que de charmer ?
Du moment qu’on récuse les traductions, est-il besoin d’ajouter que l’on condamne toute imitation homérique ?
Eh bien, c’est à ce moment singulier de l’histoire du xviie siècle que s’accomplit dans une des cours de cette Allemagne, jalouse de la corruption de la France, un crime effroyable, fruit d’une de ces passions terribles qui n’étaient pas — il faut bien le reconnaître !
Je n’y crois à aucune époque de l’histoire, mais je n’y crois pas surtout à l’origine des sociétés, au premier moment perceptiblement historique.
Mais Prévost-Paradol, ce professeur trop parfumé des souvenirs de l’Antiquité (comme ils disent entre eux) pour n’en pas exhaler à chaque instant de rudes bouffées, Prévost-Paradol, qui, dans un autre endroit de ces Essais de littérature et de politique, compare Lamennais, le vieux Lamennais que nous avons tous connu, à Psyché, fait donner à certains moments à la rhétorique tout ce que la malheureuse peut donner.
Il ne nous fait grâce ni d’un paravent ni d’une lampe ; et, dans ces moments suprêmes, ces détails peuvent avoir leur grandeur et faire la vérité plus vraie : — il s’agit de savoir les placer et les remuer d’une main puissante.
Ce livre, qui attendait et qui pouvait attendre, parce qu’il avait la vie dure de la vérité, trouva ce jour-là son moment, qu’il ne cherchait pas.
La marquise Du Deffand a beau être du monde, elle se donne à lui, mais par moments elle s’en sépare et se reprend.
Quant aux littéraires… ils avalent tout, ils trouvent tout bon dans l’homme qu’ils éditent, et quand ils ont lappé leurs assiettes, comme le renard, amphitryon de la cigogne : Et le drôle eut lappé le tout dans un moment, ils disent : « Y en a-t-il encore ?
Et c’est le moment et le cas de dire que, dans ses lettres, il n’y a que lui, et que c’est bien plus intéressant que s’il y avait tout le monde !
Indes que les préoccupations du moment acceptaient, la bouche ouverte.
Si nous pouvions, par le peu que nous en dirons aujourd’hui, avancer le moment où ce système, parachevé et complet, sortira de l’esprit auquel il a donné tant de résistance et de vigueur contre les tendances d’un enseignement vicieux et funeste, nous croirions avoir fait assez.
Et l’autre, celui de Hartmann, — moins intelligible, qu’il appelle l’inanition, qui n’est pas, comme on pourrait le croire, l’action vulgaire de mourir de faim, — et qui, bien plus expéditif que celui de Schopenhauer, finirait le monde à un moment donné et à la même minute.
Mais nous disons qu’il faut chanter la vie agricole et la guerre, parce que ces choses sont grandes, magnifiques, éternelles, et qu’en multipliant les formes sous lesquelles elles se traduisent aux yeux des hommes, elles n’ont pris ni un jour, ni une heure, aussi belles et plus belles peut-être qu’aux premiers moments de la création.
Il ne fut jamais le lancier d’Hugo, Il resta loin de la mêlée, indifférent à la mêlée et à la guerre qu’on faisait dans ce temps pour le compte de la littérature, pleurant, à ce moment, Elvire, comme Achille pleurait Briséis.
Le roman de Ferdinand Fabre est l’histoire haletante et furieuse de cette lutte, qui dure jusqu’après la mort de l’évêque de Roquebrun ; car Tigrane-Capdepont, devenu vicaire capitulaire à la mort de l’évêque, a l’insolente et terrifiante audace de refuser la sépulture épiscopale à l’évêque de Roquebrun, mort à Paris au moment même où il était allé désigner un successeur qui l’évinçât, lui, l’abbé Capdepont.
Tout cela, — des contes d’ogre pour des enfants qui se croient des hommes, — n’a qu’une prise d’un moment sur l’imagination du lecteur, et manque, comme impression d’art, de profondeur et de vraie beauté.
Il nous a fallu alors nous replier sur nous-mêmes avec la vision d’une guerre certainement encore longue, plus pénible que nous ne l’aurions crue, et où nous aurions à souffrir plus que jamais ; et, à ce moment, la nécessité de nous faire « une âme de guerre » s’est imposée à nous ; nous nous y sommes pliés, sans nous en rendre compte du reste, pour la plupart d’entre nous.
Tous deux essuyèrent des disgrâces, et tous deux vécurent exilés et tranquilles, cultivant jusqu’au dernier moment les trois choses les plus douces de la vie, la vertu, l’amitié et les lettres.
Presque toutes ses opérations de finance se réduisirent à des emprunts et à une multitude prodigieuse de créations d’offices, espèce d’opération détestable qui attaque les mœurs, l’agriculture, l’industrie d’une nation, et qui d’une richesse d’un moment fait sortir une éternelle pauvreté.
Je le revois encore assis sur ce même divan auprès d’Edmond de Goncourt, avec entre ses jambes à demi paralysées la canne à bout de caoutchouc sur laquelle il appuyait sa marche incertaine et douloureuse, qui l’aidait à se lever quand, au bras de Goncourt, il se retirait un instant à l’écart pour demander à la piqûre bienfaisante un moment d’apaisement soulagé. […] Après un long moment, Mendès vient ouvrir : « Comment, c’est toi ! […] Il excelle à en rendre les moindres variations et les moindres nuances, selon le moment, l’heure ou la saison. […] On cause un moment. […] Chez Goncourt Ce n’est pas dans les salles où sont exposées en ce moment les principales pièces de la collection de dessins du dix-huitième siècle, d’estampes japonaises et d’objets d’Extrême-Orient qu’avaient réunie les Goncourt, que je veux aujourd’hui aller rendre visite au souvenir de celui des deux frères qu’il m’a été donné de connaître et qui fut l’une des plus vives admirations de ma jeunesse.
Ce que Platon entend dire par cette définition, c’est que la pensée lui paraît analogue à la parole, non seulement parce qu’elle est une succession, — vue juste, mais superficielle, et même légèrement inexacte, du moment que la pensée est comparée à la seule parole extérieure, qui est toujours localisée5, — mais aussi en vertu de certains rapports intrinsèques qui expliquent à ses yeux l’association des mots et des idées ; cette dernière théorie, qui est exposée dans le Cratyle 6 ne saurait être acceptée aujourd’hui que dans une mesure très restreinte [ch. […] Notons la restriction : ou presque jamais ; elle va être expliquée par la suite du passage : « On met en question s’il peut y avoir, en cette vie, un pur acte d’intelligence dégagé de toute image sensible ; et il n’est pas incroyable que cela puisse être durant de certains moments, dans les esprits élevés à une haute contemplation, et exercés par un long temps à tenir leurs sens dans la règle ; mais cet état est fort rare. » L’allusion à certaines prétentions du mysticisme religieux est évidente, et il paraît certain que l’attention de Bossuet avait été attirée sur la parole intérieure et sur sa nécessité dans l’état normal de l’âme par l’étude des écrivains mystiques et non par la lecture des philosophes. […] 40 Ce n’est pas tout : en affirmant que la parole intérieure est nécessaire pour penser, Bonald commet une nouvelle erreur d’observation ; comme il n’a pas vu que la parole intérieure est constante en fait, de même il ne voit pas qu’elle est toujours moins riche que la pensée ; en réalité, la pensée déborde toujours la parole, jamais elle ne peut s’exprimer tout entière ; pendant que nous nommons une de nos pensées, d’autres naissent à la conscience qui attendent leur tour de parole, et, le moment venu, toutes ne seront pas nommées. […] Voici la suite des idées : la meilleure manière de conserver le talent d’improviser est de l’exercer tous les jours devant plusieurs auditeurs ; mais il vaut mieux parler sans témoin que ne pas parler du tout ; « on peut aussi s’exercer à traiter des sujets dans toute leur étendue, même en silence, pourvu que l’on prononce intérieurement une sorte de discours » (silentio, dum tamen quasi dicat intra seipsum) ; ce genre d’exercice a l’avantage de pouvoir se faire en tout lieu et à tout moment quand nous n’avons pas d’autre occupation, et il est plus favorable que les deux autres à une composition soignée ; mais ceux-ci excitent davantage la verve oratoire. — Dans le livre XI, chapitre 2, autre allusion, plus timide encore : il vaut mieux apprendre par cœur en lisant ou en se répétant à voix basse (vox modica, et magis murmur) que silencieusement (tacite).
Au dernier moment, le contour des objets est définitivement cerné par de l’encre. […] Chenavard a bien choisi son moment pour exhiber son système de philosophie historique, exprimé par le crayon). […] Nous avons dit qu’il avait bien choisi son moment, c’est-à-dire le lendemain d’une révolution. […] À partir de ce moment, c’est-à-dire du premier concert, je fus possédé du désir d’entrer plus avant dans l’intelligence de ces œuvres singulières. […] En effet, au moment suprême et comme chacun la juge coupable, une nacelle approche du rivage, tirée par un cygne attelé d’une chaîne d’or.
Et en général je dirai que des poètes véritables, et du moment qu’ils ont disparu, il n’y a plus que les qualités qui doivent compter.
… » — « Je ne suis consolée en ce moment par le bonheur de personne, disait-elle encore ; le bonheur d’autrui serait ma force. » — Un proverbe valaque l’avait frappée : Donne jusqu’à la mort.
Or, au temps même où il travaillait ses strophes éloquentes, un des plus négligents faiseurs de vers qu’il y ait eu, un des plus grossiers adeptes de la théorie du naturel facile, un barbouilleur qu’on ose à peine nommer un écrivain, et qui, dans les rares moments où les doctrines littéraires le préoccupaient, ne jurait que par Ronsard ; Alexandre Hardy, fournissait à l’esprit classique cette forme nécessaire que Malherbe ne savait pas découvrir, et fondait la tragédie.
Dans l’applaudissement chaleureux dont il a été salué, il faut voir le goût passionné de la poésie et de l’éloquence, et une sorte de reconnaissance exprimée par des lettres à un homme qui peut se tromper sur l’agencement d’un drame, mais qui a le feu sacré, l’enthousiasme entêté pour les belles sonorités et les beaux rythmes, et qui manie la langue poétique comme personne, à ma connaissance, ne sait faire en ce moment.
Cette rude école de dispute, où l’esprit européen s’est engagé depuis Abélard, produit des moments de sécheresse, des heures d’aridité.
Du moment qu’elle fut établie, elle se plut à rassembler chez elle des hommes distingués dans les lettres, du nombre desquels était La Fontaine, que son goût portait vers toutes les femmes agréables, et qui leur savait plaire.
Barrès aime l’action, ou plutôt le rêve de l’action, parce qu’au moment du geste — il en est trop sûr — la peur le serrera comme une paralysie.
Quiconque les lira avec attention [& tout le monde devroit s’empresser de les lire], y apprendra à éviter les écueils, à respecter les regles, à préférer le naturel au bel-esprit, les beautés réelles & solides au feu brillant & aux pensées recherchées, l’éloquence de tous les temps à celle du moment.
Il vit le moment où ses vœux alloient être remplis.
Il veut à présent non plus d’égalité entre la femme et l’homme, mais la supériorité de la femme sur l’homme ; et c’est en Amérique, le pays du bas-bleuisme à outrance, que nous sommes en train d’imiter avec cette moutonnerie simiesque qui nous distingue, que se dresse, en ce moment, ce fier système, étayé sur cette mâle interprétation de la Bible, que, pour séduire le premier couple, le Serpent s’était adressé de préférence à la femme, comme à la plus intelligente des deux, et qu’il avait pris avec elle la peine de faire des raisonnements qui décidèrent la chute et que l’homme n’aurait pas compris !
Eh bien, nous avons voulu avoir le cœur net de cette inquiétude, et nous avons ouvert ces petits livres (voyez-les, s’il vous plaît), qui font encore si joliment, en ce moment, leurs petites affaires !
Ni Augustin Thierry ni Guizot eux-mêmes, les œdipes officiels de ce temps qu’ils n’ont pas deviné toujours et qu’ils ont calomnié quelquefois ; ni Augustin Thierry ni Guizot n’ont été assez forts pour se soustraire à ces préjugés du siècle dernier qui offusquent tout, quand il s’agit du Moyen Âge, Il est vrai que, pour Guizot, le moment n’est peut-être pas fort éloigné où l’Histoire de la Civilisation rencontrera quelque contradicteur terrible ; quant à Augustin Thierry et à ses travaux, il s’est lui-même, avant de mourir, passé par les armes.
Voilà pourquoi toute critique qui va plus loin que l’œuvre d’art et l’édifice de la composition, ne doit pas laisser circuler, sans avertir et sans y attacher une étiquette, ce sachet de graines vénéneuses, ce haschich préparé pour les têtes ardentes, ce petit poison de Java dans lequel les Tricoteuses des temps futurs peuvent tremper la pointe de leurs aiguilles, et qu’on nous débite, en ce moment, avec des airs vertueux et sensibles dignes de la femme de l’apothicaire de Roméo !
Et d’ailleurs, sentimental, attendri, cordial, aimant la famille, un naïf au fond, une bonne pâte d’homme, que la Fantaisie, cette boulangère ravissante, qui a des écus intellectuels et des trésors de sensation, roulera jusqu’au dernier moment dans sa fleur de farine, sous ses roses mains potelées, l’auteur de Si j’avais une fille à marier !
Tout devient vert dès qu’il s’agit de Robespierre, qui, de vert de mer, passe à certains moments au vert de suif.
Une étude sévère, approfondie, non des progrès d’une démocratie qui ne progresse point en Amérique, mais d’une aristocratie qui, à chaque moment, y fait éruption par un homme, comme Jackson, par exemple, ou tout autre énergique vaurien, et qui, un jour, — un jour plus prochain qu’on ne croit, — bouleversera la société qu’elle trouble déjà et finira par la tuer.
On empile pesamment les unes sur les autres ces feuilles éphémères privées maintenant de l’électricité du moment qui les produisit, mais à quoi bon ?
C’est le fruit d’une civilisation qui, passé un certain moment, un certain coup de soleil, ne mûrit plus.
Mais, s’il n’y a pas de supériorité réelle et de tous les moments à montrer, sur place, dans la correspondance d’un auteur qui, comme auteur, a eu sa fortune, il ne faut pas exposer cette fortune à ce qu’on revienne de l’homme à l’auteur et de la correspondance aux livres, pour commencer une réaction à laquelle personne ne pensait !
Peut-être, dans ce moment-là, les yeux de Benjamin Constant étaient-ils trop attirés et trop dévorés par les deux yeux de soleil de Madame de Staël pour voir bien la suave Apparition blanche qui, sept ans plus tard, jour pour jour et heure pour heure, devait le torturer innocemment de la plus cruelle indifférence.
S’il n’est pas poète, comme Lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.
Depuis ce moment, il ne cessa jamais de l’être.
Laissons pour le moment la composition même du livre, qui ne sait pas faire profondément et magistralement l’histoire d’une influence, sans se perdre dans les feux de file des faits, ou qui, faisant l’histoire des faits, s’y perd encore, car il ne peut les donner tous, et il n’y a pas de raisons pour qu’il choisisse plus les uns que les autres ; laissons cette maladroite succession de légendes qui ne fait pas l’unité d’un livre, car se suivre n’est pas s’enchaîner, et dans l’exécution de l’histoire de M. de Montalembert, demandons-nous ce qu’il y a de plus que des traductions assez fidèles et des transcriptions très honnêtes, car les notes du bas des pages, malgré leur place, sont supérieures à l’en-haut, et l’auteur n’a pas craint la comparaison !
Soury, qui sait se retourner et se mouvoir souplement dans l’inconséquence, évoque une autre théorie, fameuse jusqu’à ce qu’elle ne le soit plus, qui fait et, pour le moment, du génie, une folie relative, superbe à contempler dans Mahomet, Jeanne d’Arc, Socrate, Pascal, Newton, Spinosa, et, le croira-t-on après tout ce qu’il en a dit ?
Dieu, qui est un très grand peintre en arabesques et en toutes autres peintures, l’a composé d’entrelacements très contrastants et très singuliers… La force, en lui, — une force intellectuelle par moments immense, — tout à coup se fond en faiblesse.
Il l’embrassait étroitement, L’étreignant de tiges sans nombre, Mais, illusion d’un moment !
Paul de Musset sent peut-être autant que moi en ce moment l’insuffisance de son volume et le néant d’une entreprise faite à l’instigation des trois éditeurs de son frère, — de ces trois Rois Mages d’éditeurs qui ont suivi la même étoile, et qui ont voulu la faire luire également sur leurs trois éditions !
, poétiquement un gautiériste… C’est là le mal commun de la poésie de ce moment du siècle… Or Gautier, c’est le symbole de Pygmalion renversé.
… Dans un des plus longs poèmes du recueil de Laurent Pichat, intitulé : Saint-Marc (le Saint-Marc de Venise), où se trouve, plus que partout ailleurs, cette idée qui, au fond, est la seule du livre : c’est que le monde entier, l’Antiquité, le Christianisme, le Moyen Age, toutes les religions, toute l’Histoire enfin, jusqu’à ce moment, ne sont plus qu’une pincée de poussière, un songe évanoui, évaporé, perdu, et qu’il n’en subsiste ni un sentiment, ni une croyance, ni une vérité, tandis que le xixe siècle seul est la vie !
C’est, sauf erreur, par de la satire qu’il débuta, dans un moment où, excepté Barthélemy et Barbier, tous les poètes étaient emportés par le lyrisme contemporain.
C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !
Il ne les bouleverse point, il ne les secoue pas, il n’a pas l’intérêt haletant et le pathétique, mais il attendrit dans ses bons moments.
C’est ainsi que l’enfant vrai peut arracher du cœur de Thérèse, de ce cœur enragé ou plutôt dépravé par des besoins de maternité insatiables, l’amour faux de ce faux enfant d’amant, qu’elle s’obstine, jusqu’au dernier moment du livre, à traiter avec la lâcheté sublime que les mères ont parfois pour leurs fils !
Mais, oublié un moment, son tempérament se retrouve.
S’il n’est pas poëte, comme lord Byron, par l’instrument, le rhythme, la langue ailée, le charme inouï et mystérieux des mots cadencés qui rendent fous de sensations vives les esprits vraiment organisés pour les vers, il l’est par l’image, le sentiment, le frémissement intérieur qu’il éprouve et qu’il cause, et ces dons immenses doivent un jour en lui s’approfondir et se modifier ; mais pour le moment ils n’y sont point purs et sans écume.
Cet art peut être employé quelquefois, mais c’est dans les moments où l’âme est tranquille.
Mais, dans le génie comme dans la foi, il y a toujours des élus de Dieu : et tant que l’enthousiasme du beau moral ne sera pas banni de tous les cœurs, tant qu’il aura pour soutiens toutes les passions honnêtes de l’âme, il suscitera par moments l’éclair de la pensée poétique ; il éveillera ce qu’avaient senti les prophètes hébreux aux jours de l’oppression ou de la délivrance, ce que sentait ce roi de Sparte, lorsqu’à la veille d’une mort cherchée pour la patrie, il offrait, la tête couronnée de fleurs, un sacrifice aux Muses.
Cet étonnant amas de lectures et d’observations s’ébranle en un moment tout entier et tombe comme une montagne sur le lecteur accablé. […] « Si vous voulez hériter, le moment est bon. […] V Il n’a pas été au-delà ; il n’était pas philosophe comme Molière, capable de saisir et de mettre en scène les principaux moments de la vie humaine, l’éducation, le mariage, la maladie, les principaux caractères de son pays et de son siècle, le courtisan, le bourgeois, l’hypocrite, l’homme du monde158.
Il y a des moments où le rossignol contient toutes les gaietés de sons inspirés par le printemps de l’amour dans une roulade ; souvent il chancelle et tombe de la branche, l’oreille éblouie de sa propre mélodie, ivre-mort de l’ivresse musicale. […] Mais à la fin de ces lettres, datées des différentes villes d’Italie qu’il parcourt, il y a toujours la note tendre : c’est le moment où il pense à sa mère absente et au foyer attristé de Salzbourg. […] “Très volontiers”, lui répondis-je ; “mais en ce moment cela m’est impossible, car j’ai les doigts tellement gelés que je ne les sens plus.”
Le moment était critique, car si l’infanterie russe n’était pas arrêtée, elle allait aborder le cimetière, centre de la position, et Napoléon n’avait pour le défendre que les six bataillons à pied de la garde impériale. […] À l’exception de la guerre d’Espagne, lèpre systématique qui rongeait la force militaire de la France, le moment était assez bien choisi par Napoléon pour accomplir ce rêve. […] Et en ce moment il s’avançait au Nord, laissant derrière lui la France épuisée et dégoûtée d’une gloire sanglante, les âmes pieuses blessées de sa tyrannie religieuse, les âmes indépendantes, de sa tyrannie politique ; l’Europe enfin, révoltée du joug étranger qu’il faisait peser sur elle, et menait avec lui une armée où fermentait sourdement la plupart de ces sentiments, où s’entendaient toutes les langues, et qui n’avait pour lien que son génie et sa prospérité jusque-là invariable !
Pourtant, chez Belli déjà, il y a des réserves à faire sur l’œuvre considérée dans son ensemble… Cesare Pascarella, ce très grand poète si peu connu hors d’Italie, a raconté en cinquante sonnets la découverte de l’Amérique, et achève en ce moment une autre épopée, beaucoup plus considérable, également en sonnets ; je connais de ce poème des fragments admirables ; je crains pourtant qu’en faisant ainsi du sonnet une strophe, ou une laisse, Pascarella n’ait dépassé certaines limites qu’il est impossible de déterminer théoriquement mais qu’on sent bien dans la pratique. […] IV. — De la durée des ères et des époques J’ai fait remarquer (ci-dessus, p. 114) que la durée des ères et des époques diminue à mesure qu’on se rapproche du moment actuel. […] Je réserve naturellement la possibilité des contrastes, des moments de détente, qui ne peuvent être toutefois que des épisodes, sans vie propre, au service de l’essentiel.
Au moment même où il achevait La Science nouvelle, il concourut pour une chaire de droit, et il échoua. […] C’est ainsi qu’il en vint à trouver la Science nouvelle… Depuis ce moment il crut n’avoir rien à envier à ce Socrate, dont Phèdre disait : « L’envie le condamna vivant, mais sa cendre est absoute. […] Un jour qu’il était entré par hasard dans une école de droit, le professeur louait un célèbre jurisconsulte ; ce moment décida de sa vie…… « Dès ces premières études, Vico était charmé en lisant les maximes dans lesquelles les interprètes anciens ont résumé et généralisé les motifs particuliers du législateur.
L’érudition de Maurice Sève et de Pontus de Thiard, leur quintessence platonique et scientifique, ne laisse rien à désirer aux obscurités premières de Ronsard et de ses amis, et ils n’ont pas l’avantage de se dégager par moments, comme ceux-ci, avec netteté, avec un jet de talent proportionné à l’effort ; ils ne se débrouillent jamais. […] Le silence que Louise a gardé dans les dix dernières années de sa vie et le soin qu’elle prit, dans sa publication de 1555, de marquer à plusieurs reprises que ces petits écrits ont été composés depuis longtemps et que ce sont œuvres de jeunesse, pourrait faire conjecturer qu’elle entra à un certain moment dans un genre de vie un peu moins ouvert à la publicité.
Nul ne le sait que nous ; et ce que le monde admire ensuite de nos œuvres, n’est guère que le reflet affaibli et l’ombre d’un sublime moment envolé. […] Dubois, à une controverse, excentrique si l’on veut, et par trop chevaleresque pour le moment, mais du moins aussi peu doctrinaire que possible.
… pour ung moment… ah ! […] plustost que nouz en attrister, Que n’uzons mieulx du moment qui s’escoule !
Il faut, au moment même où son regard rencontre un mot, qu’il en pénètre le sens et l’intention ; il faut que sa voix obéissante trouve spontanément l’inflexion et le mouvement qui correspondent à la pensée de l’écrivain ; il faut que son geste et sa physionomie se prêtent à toutes les exigences de sa lecture ; il faut enfin qu’il se transforme dans un autre, et que le lecteur et l’auteur ne paraissent plus qu’une seule et même personne. […] « Je le crois dans sa chaire un rhéteur excellent ; « Mais, pour lui, la science est toujours assez belle ; « Il pense que le fard est un affront pour elle, « Et que l’art de bien lire est un amusement « Qui ne doit pas au grec dérober un moment.
Et comme ce sont moins les vérités générales qui, de leur vivant, font la fortune, même des meilleurs, que le tour d’esprit du moment, qu’une disposition de leur époque qu’ils ont flattée ou subie à leur insu, le moindre risque que nous courions en les imitant, c’est de nous donner des défauts exotiques. […] Aussi est-il du devoir de la critique de rappeler à quelles conditions on obtient les succès durables, à quels risques on recherche les succès d’un moment.
Tristan arrivait en ce moment : Iseult se leva et le salua de la main. […] Virtuose, compositrice, wagnérienne convaincue, filleule d’Alfred de Vigny, on lui a prêté un moment un projet de mariage avec Wagner.
Odin « Tu n’es pas Wola, tu n’es pas la savante femme, mais trois fois la mère des Thursars. » Le chant se termine par ces mots de Wola : « Les hommes ne viendront plus me trouver avant le jour où Loke (Loge) brisera ses liens, avant le moment de la fin ces dieux. » Il est probable que Wagner a connu ce texte par l’imitation en vers allemands qu’en fit Fr. […] A partir de ce moment, l’ouverture et la marche du Tannhaeuser font partie du répertoire de nos concerts symphoniques.
Si l’on combine cette conception avec la loi de Fechner sur le rapport proportionnel de la sensation à l’excitation, le lecteur comprendra peut-être que le calcul puisse être un jour appliqué à la psychologie ; quoique pour le moment, ajoute M. […] Lewes, frit remarquer qu’il semble paradoxal de dire que la conscience sort d’une intégration d’états inconscients ; mais que ce qui embarrasse le métaphysicien est tout naturel pour un mathématicien Supposons que y soit une fonction de x ; (y représentant la sensation et x l’excitation) : la valeur de y diminuera comme celle de x ; à un certain moment on peut avoir y = o, ou même y peut devenir une quantité négative, x restant une quantité positive : c’est-à-dire que la sensation peut s’évanouir, l’excitation continuant encore à agir.
Il s’appellera Les Verdâtres et s’ornera d’une épigraphe ou d’une épitaphe de Henri Heine dont je ne retrouve pas le texte en ce moment mais qui signifie, à peu près : « Je suis allé aujourd’hui la Morgue et à l’Académie française voir des cadavres verts. » Je vais donc relire un seul livre de Faguet, mandarin des lettres et de la politique. […] Cette dernière méditation, conduite avec art, m’apporterait d’agréables émotions intellectuelles si Mauclair ne m’informait qu’à ce moment le dictateur est rejeté dans la démence « par l’ironie des lois invisibles ».
L’auteur n’y sort pas un moment de sa matiére, et il n’a pas jugé à propos d’imiter Pindare jusques dans ces digressions, où il étoit forcé par la sécheresse de ses sujets. […] Monsieur Despréaux condamne aussi ce commencement de l’Alaric : je chante le vainqueur des vainqueurs de la terre. et ces deux grands critiques après avoir donné un exemple du ridicule, proposent pour modéle de la perfection, l’un, le début de l’odissée : muse, raconte-moi les avantures de cet homme, qui après la prise de Troye, vit tant de pays et tant de moeurs différentes ; l’autre, ce commencement de l’Enéïde : je chante cet homme qui contraint de fuir les rivages de Troye, aborda enfin en Italie . mais supposons un moment que ces quatre propositions soient des commencemens d’ode.
Ce qui prouve, du reste, la triple absence de l’aperçu, de la sensibilité et de la science réelle en Villemain, c’est qu’au meilleur moment de sa jeunesse et de sa force il n’ait cherché dans les Pères et dans l’étude de leurs écrits qu’une raison et qu’un moyen d’enseigner l’éloquence, comme si l’éloquence s’enseignait ! […] Assurément, dans tout état de cause et dans tout autre moment nous n’aurions pas demandé à Villemain de la critique.
C’est un archéologue qui se permet d’avoir du style, ce qui est assez audacieux pour un archéologue, et qui publie encore en ce moment un livre très-savant et très-intéressant sur les sépultures de l’ancienne Égypte. […] Il n’était nullement difficile d’en prendre la mesure avec sang-froid, et pour notre part nous la prîmes un des premiers… Ce n’était pas, en effet, un de ces talents qui semblent tomber du ciel, tant ils sont inattendus : nous en connaissions la famille… L’idée du livre, qui valait mieux que le livre, était heureuse, et pour le moment très-nouvelle.
— Conçoit-on que ce passage ait donné prétexte à un rédacteur des Débats, dans un article du 1er avril 1860, de dire que j’ai invoqué ici, pour me protéger, en cet article aventureux, « mon titre de professeur dans une école supérieure et l’amitié d’un ministre de l’empereur », tandis qu’au contraire je n’alléguais en ce moment ces titres et ces circonstances particulières au professeur que pour me dédoubler et faire acte de séparation et d’indépendance en tant que critique ?
Quant au dieu de Béranger, c’est un dieu indulgent, facile, laissant beaucoup dire, souriant aux treilles de l’abbaye de Thélème , n’excommuniant pas l’abbé Mathurin Regnier, pardonnant à l’auteur de Joconde, même avant son cilice ; c’est un dieu comme Franklin est venu s’en faire un en France, comme Voltaire le rêvait en ses meilleurs moments, lorsque, d’une âme émue, il écrivait : Si vous voulez que j’aime encore… Théologie, sensibilité, peinture extérieure, on voit donc que chez Béranger tout est vraiment marqué au coin gaulois : qu’on ajoute à cela un bon sens aussi net, aussi sûr, mais plus délié que dans Boileau, et l’on sentira quel poëte de pure race nous possédons, dans un temps où nos plus beaux génies ont inévitablement, ce semble, quelque teinte germanique ou espagnole, quelque réminiscence byronienne ou dantesque.
De là, dans les moments résignés et pour toute maxime de sagesse, ces fatales paroles : Oublions, oublions !
Si ce volume, qui ne doit pas contenir moins de six mille vers, tombait aux mains de lecteurs qui aiment peu les vers, et ceux d’amour en particulier ; si, d’après la façon austère et assez farouche qui essaye de s’introduire, on se mettait aussitôt à morigéner l’auteur sur cet emploi de sa vie et de ses heures, à lui demander compte, au nom de l’humanité entière, des huit ou dix ans de passion et de souffrance personnelle que résument ces poëmes, et à lui reprocher tout ce qu’il n’a pas fait, durant ce temps, en philosophie sociale, en polémique quotidienne, en projets de révolution ou de révélation future, l’auteur aurait à répondre d’un mot : qu’attaché sincèrement à la cause nationale, à celle des peuples immolés, il l’a servie sans doute bien moins qu’il ne l’aurait voulu ; que des études diverses, des passions impérieuses, l’ont jeté et tenu en dehors de ce grand travail où la majorité des esprits actifs se pousse aujourd’hui ; qu’il s’est borné d’abord à des chants pour l’Italie, pour la Grèce ; mais qu’enfin, grâce à ces passions mêmes qu’on accuse d’égoïsme, et puisant de la force dans ses douleurs, en un moment où tant de voix parlaient et pleuraient pour la Pologne, lui, il y est allé ; qu’il s’y est battu et fait distinguer par son courage ; que, s’il n’y a pas trouvé la mort, la faute n’en est pas à lui ; qu’ainsi donc il a payé une portion de sa dette à la cause de tous, assez du moins pour ne pas être chicané sur l’utilité ou l’inutilité sociale de ses vers.
Toutes celles qu’il a recueillies dans son commerce avec les classiques grecs et latins, avec les voyageurs et les poëtes du jour, avec les oiseleurs, les chasseurs au renard, les pâtres et les braconniers de ses romans, il les entasse pêle-mêle dans cette production de détresse, à peu près comme au moment du naufrage on jette à l’eau bagages et trésors : Médée, Minerve, Prospero, Robin-Hood, des magiciens, des meutes, des lévriers, des corbeaux, des tigres, l’énorme serpent Anaconda, l'Oύτις 9 d’Homère, le Lope d’Aguirre, le Thalaba de Southey, et cela en présence de pareils événements et de pareils hommes !
L’homme ainsi défini et restreint, la destinée de l’homme n’est plus que celle du moi et de l’esprit ; celle du corps, qui est distincte, ne saurait être comptée que comme embarras et obstacle ; du moment qu’il y a en nous quelque chose qui n’est pas nous, selon l’expression de M.
Laissons un moment le nom de César : que n’a-t-on pas dit en France contre la partie véritablement nationale de l’administration du cardinal de Richelieu ou de son successeur et continuateur Mazarin ?
Entendons-nous : il faut l’avoir vue, mais il n’est pas toujours bon de l’avoir sous les yeux, au moment d’écrire : la volonté de la peindre vous gênerait, vous verriez tout, rien ne se détacherait.
Je ne veux point dire par là, comme quelques lecteurs l’ont cru, qu’il faut revenir à la méthode de Sainte-Beuve et constituer une galerie de portraits ; mais que, tous les moyens de déterminer l’œuvre étant épuisés, une fois qu’on a rendu à la race, au milieu, au moment, ce qui leur appartient, une fois qu’on a considéré la continuité de l’évolution du genre, il reste souvent quelque chose que nulle de ces explications n’atteint, que nulle de ces causes ne détermine : et c’est précisément dans ce résidu indéterminé, inexpliqué, qu’est l’originalité supérieure de l’œuvre ; c’est ce résidu qui est l’apport personnel de Corneille et de Hugo, et qui constitue leur individualité littéraire.
Les divers moments du xvie siècle : confusion, puis séparation et organisation.
C’est la description outrée et complaisante des plus désolants détails de la réalité physique, et c’est, dans le même moment, la traduction épurée des idées et des croyances qui dépassent le plus l’impression immédiate que font sur nous les corps C’est l’union de la sensualité la plus profonde et de l’ascétisme chrétien. « Dégoût de la vie, extase de la vie », écrit quelque part Baudelaire.
Puis elle prophétise vaguement et magnifiquement la religion future et le triomphe du juste et du vrai… A ce moment on apprend que Romulus a tué son frère. « Mauvaise nouvelle !
Il est évident qu’Arlequin n’exécutait pas tous ces lazzi à chaque représentation ; il choisissait entre eux, il les variait, il en imaginait d’autres, suivant l’inspiration du moment ; le canevas offre comme un recueil de ceux qui lui étaient les plus habituels.
. — Une fois ce principe admis, la vie intérieure elle-même, en tant qu’elle a des conséquences pour la vie sociale, risque fort de tomber tout entière sous les prises de la réglementation sociale ; et d’ailleurs, du moment que toute la conduite extérieure de l’individu est sujette à cette réglementation, n’est-ce pas une concession toute platonique, que celle qui consiste à lui laisser la liberté du for intérieur.
À ce moment, parut la Plume.
Un moment, dans cet effort, le plus vigoureux qu’elle ait fait pour s’élever au-dessus de sa planète, l’humanité oublia le poids de plomb qui l’attache à la terre, et les tristesses de la vie d’ici-bas.
Aucun travail de réflexion ne réussit à produire ensuite les chefs-d’œuvre que la nature crée à ces moments-là par des génies inspirés.
… À ce moment, le pauvre être qui avait péché, sans y prendre garde, par « fureur d’aimer », eut la volupté du remords chrétien.
Elle n’est pas de force en ce moment à sentir le mensonge des conventions sociales et des affirmations officielles.
Accomplissons notre tâche sur la terre, qui est d’inscrire en des paroles belles le rêve que fait l’homme à ce moment du temps infini, pour le transmettre à ceux qui nous succéderont.
Le grand traducteur de Procope Faillit à tomber en syncope Au moment qu’il fut ajourné Pour consommer son mariage.
Le poëte lui-même fut si touché dans ce moment qu’il écrivit à Paris, qu’en revoyant le roi de Prusse, il avoit retrouvé ce roi enchanteur.
. — Pour le moment, Joseph est fort occupé à tresser une couronne de fleurs sauvages pour amuser le petit Jésus : ce détail familier, avec de tels personnages, n’est-ce pas là une idée touchante et hardie ?
Dès longtemps l’horizon était obscurci ; c’en est fait, le siècle finit au milieu des orages, et une nuit épaisse en couvre les derniers moments.
Oui, c’est la faible qu’il faudrait montrer, la faible qui, par ses prières, sauva Norvins de l’échafaud ; la faible qui, ne croyant plus à l’amour, épousa Rocca par pitié ; la faible qui, dans un temps de luttes mortelles et de partis acharnés, resta les bras étendus entre les partis, comme la Sabine du tableau de David, entre les Romains et les Sabins, et qui les a toujours gardés étendus, dans cette intervention sublime, sans qu’elle ait senti fléchir jamais, un seul moment, ses bras lassés !
Après les grands travaux du Père Du Halde, du Père Grosier, du Père Amyot, du Père Gaubil, et de tant d’autres Pères jésuites, qui firent, pendant un moment, de la Chine une province de leur ordre ; après les livres des voyageurs anglais sur cette Chine logogriphique, aussi difficile à déchiffrer que son écriture ; en présence surtout de ces Pères de la foi, notre Compagnie des Indes de la rue du Bac (comme les appelait un grand écrivain), et dont les observations sont le meilleur de l’érudition contemporaine sur les institutions et les mœurs de la Chine, si deux sinologues, ayant passé toute leur vie dans une Chine intellectuelle qu’ils ont redoublée autour d’eux comme les feuilles d’un paravent, se mettaient à écrire de leur côté une histoire du pays qu’ils n’ont pas cessé d’habiter par l’étude et par la pensée, il y avait lieu de croire, n’est-il pas vrai ?
Il y a bien un chapitre spécial, mais vague comme l’est d’ordinaire la pensée de l’auteur, sur la séparation des classes, « qui a causé toutes les maladies dont l’ancien Régime est mort » ; un autre sur l’irréligion, « la passion dominante du xviiie siècle » ; un autre, enfin, sur les hommes de lettres devenant de fait les hommes politiques du moment.
Seulement, est-ce à nous à la vouloir et à la provoquer avec cette furie imprudente, nous qui n’ignorons pas l’histoire et qui avons appris, en la lisant, que l’histrionolâtrie a souillé de ses farces grotesques les derniers moments des plus grands peuples et déshonoré leur agonie ?
De son côté, Champagny nous montre à son tour dans ses Césars, réédités avec beaucoup d’intelligence, Rome à ce moment formidable où, ayant conquis l’univers, il s’agissait pour elle de le gouverner.
Ce siècle, en effet, fut horrible, et, pendant un moment du moins, le plus horrible que la monarchie française eût peut-être vu se lever sur elle.
Le mouvement d’intérêt curieux qui nous emporte, en ce moment, vers les Mémoires… de tout le monde, est le même qui nous pousse à écrire l’histoire… de tout le monde aussi, en fait de peuples.
La gloire et la force du peuple américain, c’est la bâtardise : « La transplantation des races européennes — dit-il, l’anti-Européen, — a eu pour premier effet sinon de dissoudre entièrement, au moins d’affaiblir le principe de la famille. » Et plus bas, devenant plus explicite, il ajoute : « Le passage de l’Européen outre-mer a toujours eu pour cause une protestation contre l’autorité paternelle, une déclaration d’indépendance individuelle, une sorte d’assimilation à l’état de bâtardise. » Et le singulier penseur, qui lit l’histoire les yeux retournés, non seulement ne voit pas les conséquences éloignées du vice originel de l’Amérique, mais, lui qui parle tant de réalité, il ne voit pas même les réalités présentes ; car, à l’heure qu’il est, tout le monde sait, sans avoir eu besoin d’aller en Amérique, que le peuple américain est un peu gêné en ce moment par son heureuse bâtardise ; que la question de l’indigénat est une des plus grosses questions qui aient jamais été agitées dans les États de l’Union, et que cette question n’est pas autre chose que la nécessité — sous peine de dissolution complète — de se faire une espèce de légitimité contre l’envahissement croissant de toutes les bâtardises de l’Europe, contre le flot montant des immondices qu’elle rejette !
… Madame de Sévigné et ses amoureux, ces patiti qu’elle régalait de petites faveurs innocemment perverses, n’a donc rien à faire avec les femmes vertueuses pour de bon du xviie siècle, avec ces saintes dont l’abbé Maynard, l’éminent auteur du Saint Vincent de Paul, nous écrit en ce moment la vie ; et si Hippolyte Babou, de cette main légère qui est la sienne, nous les môle à madame de Sévigné et à ses amoureux, dans son volume, comme des cartes à jouer qu’on fait se retrouver dans le même paquet, c’est que Babou, qui sait bien ce qu’il fait et qui ne fait que ce qu’il veut, ne veut être aujourd’hui qu’un faiseur de tours de cartes avec l’Histoire.
Nicolardot qui n’a pas, lui, au cœur, l’indignation sainte de M. de Maistre, et dans sa main le pinceau de feu de ce coloriste inspiré, ce livre froid, méthodique, dur comme le fait qui s’y entasse en grêle coupante, réconciliera certainement les admirateurs de Voltaire avec le foudroyant portrait des Soirées de Saint-Pétersbourg, car il y a pis pour l’honneur de Voltaire que ce supplice en effigie auquel de Maistre l’a cloué, et ce sont les pages bien autrement impitoyables, où on le retrouve descendu, culbuté de son piédestal dans la vie, dans cette vie d’un moment qui passe et qu’on croit oubliée, cette vie qui tombe comme une escarre de notre immortalité historique, quand nous sommes immortels, et que voici ressuscitée et ramenée tout à coup sous le regard, dans ce qu’elle eut de plus chétif, de plus obscur et de plus honteux !
… La haine de Michelet contre l’Église est un sentiment couleur de rose, en comparaison de la haine atrocement noire des libres-penseurs de ce délicieux moment.
Un moment, la vie les avait séparés, mais ils s’étaient rapprochés par la force des premières années, qui décident toujours des dernières dans nos pauvres cœurs, si craie soient-ils !
Je le connais, cet abominable spectacle donné par l’Histoire et qui me fait, en ce moment, trembler pour le destin de mon pays !
Jean Reynaud passe en ce moment pour une œuvre très forte.
À dater de ce moment sa gloire commença, sa vraie gloire.
Saint-Bonnet au commencement de son livre, dans des lignes qui, pour être un tocsin, n’en sonnent pas moins aussi tristement qu’une agonie ; — c’est croire éteinte l’antique Envie que la Foi comprimait autrefois dans les âmes… envie amoncelée, en ce moment, comme la Mer, par un vent qui, depuis un siècle, souffle sur elle. » Laissons les Pangloss du progrès se vautrer dans la niaiserie de leur optimisme.
Alors que l’homme est si avant dans la préoccupation universelle, ce n’est pas en effet le moment de lui montrer ce qu’il voit tant et de lui cacher le Dieu qu’il ne voit plus et ne veut plus voir.
Pelletan est moins pour lui, en ce moment, que sa philosophie, et pour nous, au contraire, le style dans son ouvrage est tout.
Grâce à cette théocratie, que M. de Rémusat condamne dans son livre par la raison très philosophique que l’opinion de l’Europe moderne, qui a la tête déformée par les philosophes, lui est, en ce moment, hostile, l’influence du monde chrétien avait pris le monde musulman et pénétré l’Asie et l’Afrique.
Seulement, comme ces Conférences de Frayssinous, qui eurent leur quart d’heure de conquête au commencement du siècle, grâce à cette magie de diction qui paraît incroyable du moment qu’on ne l’entend plus, elles auront une meilleure et plus féconde destinée.
Or, supposez pour un moment qu’à ces facultés et ces qualités de talent qui tiennent à une âme où le sentiment surabonde et pourrait devenir si aisément de la foi, l’auteur de la Famille eût réuni le catholicisme d’idées, de préoccupation, d’admiration, le catholicisme doctrinal qui maîtrise si bien la vie et l’esprit de ceux qui y croient et qui l’aiment, ce livre éloquent serait devenu un chef-d’œuvre.
» Or, comme dans toute théodicée il n’y a jamais qu’une démonstration, la démonstration de l’existence de Dieu, faite par autant de voies que l’esprit peut en inventer, et impliquant, quand elle est bien faite, non seulement la science de Dieu, mais la science de l’homme s’élevant à Dieu et le rencontrant à l’extrémité de tous les rayons de sa vie, il est évident que le moyen d’appréhender cette vérité première, de s’élever à Dieu, de l’approcher de nous, de nous le démontrer enfin, est toute l’originalité ou toute la vulgarité, toute la force ou toute la faiblesse du traité qui, en ce moment, nous occupe.
Je suis des yeux cette immortelle vie qui s’enferme un moment, des siècles, des myriades de siècles, dans une forme, pour briser cette forme.
Alors même qu’il disparaîtrait un moment dans les flots d’une époque que nous n’avons pas choisie pour y vivre, dans le gouffre de cette publicité, affairée et positive, dont nous parlions plus haut et où tout s’engloutit, ce serait l’histoire des pièces d’or que le Singe de La Fontaine lançait dans la mer, par la fenêtre.
Excepté des curieux de bibliothèque, cherchant partout des détails de mœurs et d’Histoire, on ne lisait plus guères le Baron de Fœneste et la Conversion de Sancy, ni non plus les Tragiques, le principal ouvrage de d’Aubigné pourtant, le seul qui puisse justifier la gloire posthume qu’en ce moment on cherche à lui faire.
Les paysans dont le beau roman de M. de La Madelène fait l’histoire sont, nous l’avons dit déjà, ces robustes et lestes paysans du Midi, bruyants, extérieurs, ivres de leur force, têtes de poudre et de foudre, capables de tout dans un moment donné, et dont la gaieté est une turbulence encore.
Et pourtant il y en a une autre qui sera tout à l’heure la vraie voix d’Arthur de Gravillon, et dont ici il n’a donné qu’une note, quand, esprit poétique qui a tout vu de la poésie que ce type de dévotes cachait, il a fait sa spirituelle réserve : « On dit les dévotes comme on dit les champignons, et l’on ne songe souvent point que, parmi tous ces poisons, il y a d’excellents champignons et de vénérables dévotes », et qu’alors il nous a écrit cette délicieuse page attendrie sur la piété des femmes vraiment pieuses, pour nous prouver qu’il pourrait faire des portraits exquis et reposés de dévotes adorables, et que c’est là sa vocation En effet, la colère n’a duré qu’un moment, elle est évaporée maintenant dans cet Hogarth de colère !
Il se moquait hautement de tous ces panégyriques de princes ; et pendant treize ans qu’il régna, il ne voulut jamais souffrir qu’on lui rendît un honneur qui lui paraissait plus ridicule encore que dangereux : mais dans ses moments de loisir, il célébrait lui-même les princes les plus vertueux qui avaient régné à Rome.
Laveaux nomma Toussaint lieutenant-général, et partagea dès ce moment avec lui le gouvernement du pays. […] À quel moment faut-il prendre Toussaint pour le mettre sur le théâtre ? […] Je crois donc qu’il faut choisir dans la vie de Toussaint Louverture le moment de sa suprême puissance, c’est-à-dire l’époque du consulat. […] C’est à ce moment-là seulement, à ce moment suprême, que le poète a placé l’entrevue du père et de ses enfants, et la lecture de la lettre du premier consul. […] Les enfants du poète ont, en jouant, jeté au feu les feuillets où il avait écrit ses vers ébauchés, et dans un moment de colère il les a chassés.
Cette philosophie put se développer déductivement, comme la mathématique elle-même, dont elle était le prolongement ; mais vint un moment où on la confronta avec les faits, et alors on la trouva insuffisante. […] En effet, nous n’observons que des moments séparés les uns des autres, c’est-à-dire la discontinuité, et cependant nos lois nous donnent la continuité. […] Qui les maintient et les accroît entre le moment où ils apparaissent pour la première fois et le moment où ils deviennent capables d’assurer la survivance des êtres qui les possèdent ? […] Beaunis, toutefois, estime qu’il faut, pour le moment du moins, laisser de côté les phénomènes moraux et tout ce qui paraît le propre de l’homme, pour s’en tenir à considérer les phénomènes psychiques communs à l’homme et à l’animal. […] Quels sont les principaux moments de son développement historique ?
Diderot Chapitre I Les frères Garnier ont-ils flairé le vent de matérialisme qui court et frissonne, en ce moment, sur la France, pour avoir pensé à publier les Œuvres complètes de Diderot ? […] Les écrits sortaient de ses mains comme les feuilles dispersées sortaient de l’antre de la Sibylle, et il pouvait dire, en pirouettant sur son trépied : Le moment où je parle est déjà loin de moi. […] Chapitre IV : le théâtre Parmi les œuvres de Diderot, dont les volumes, en ce moment, se succèdent et tombent sur nous comme les lourds blocs d’une avalanche, le viie et le viiie volumes sont consacrés à sa critique dramatique. […] L’abaissement continu et les vices du théâtre, en ce moment du xixe siècle où il n’y a plus d’esprit assez résolu et assez mâle pour aborder franchement la grande comédie et où tout tourne au drame romanesque et bourgeois, sont en partie dus à Diderot.
Au besoin, elle lui chantait pouille. « Le roi a déclaré qu’il n’était pas le père de l’enfant dont elle est grosse en ce moment ; mais elle lui a dit : « Le diable m’emporte ! […] Il a pratiqué d’avance la méthode de Condillac, remontant dès l’abord au fait primordial, tout palpable et sensible, pour suivre de degré en degré la filiation et le parentage des idées dont il est la souche, en sorte que le lecteur, conduit de chiffre en chiffre, peut à chaque moment justifier l’exactitude de son opération et vérifier la valeur de ses produits. […] Il a quitté les affaires au moment des violents débats, sans vouloir s’engager pour le roi, ni contre le roi, décidé, comme il le dit lui-même, à ne « point se mettre en travers du courant », quand le courant est irrésistible. […] Quand il pense, il ne veut pas en avoir l’air : il reste aux plus violents moments maître de maison, hôte aimable ; il vous fait les honneurs de sa réflexion ou de sa souffrance. […] Les deux moments, les deux théâtres, les deux caractères se correspondent.
malgré les dates qui par moment refusent d’être concordantes, malgré mille objections, pourquoi l’homme aimé de Louise ne serait-il pas simplement le jeune et brillant poète Olivier de Magny, comme les anciens biographes l’avaient supposé ? […] Dès ce moment, ce fut à qui célébrerait la puce de Mlle des Roches. […] Pensant secouer le joug de l’antiquité, ils traînent les entraves du moment comme choses émerveillables. […] L’auteur de Venceslas avait été nourri dans la langue corrompue de cette génération poétique qui réagit un moment, par paresse et ignorance, je crois, contre la rigueur de Malherbe. […] Je me vois exposée à ces vastes misères, J’y vois mes sœurs, la reine, et les princes mes frères ; Je sais qu’en ce moment je puis les perdre tous, Et mon cœur toutefois ne tremble que pour vous !
Plus que jamais en ce moment même je serais un grand sot. […] Les comptes obscurs que nous établissons inconsciemment en venant au monde pour savoir où nous en sommes, pour voir en nous-mêmes à quel moment du monde nous venons au monde, à quel moment, à quelle date nous apparaissons, nous autres à notre tour, les calculs globaux, sommaires que nous faisons sans même nous en apercevoir quand nous arrivons à l’âge de raison pour savoir où nous en sommes, comment placés nous sommes, (c’est-à-dire en somme un peu qui nous sommes), sont invincibles. […] — Ce que nous nous demandons seulement ici, ce que nous constatons précisément en ce moment, ce n’est point ce que vaut la tragédie racinienne, ce que nous étudions, ce que nous voulons un peu considérer, c’est la relation que soutiennent entre elles les successives tragédies de Racine. […] Ce bienheureux moment n’est pas encor venu ; Il viendra, mais le temps ne m’en est pas connu. […] Et moi permettez-moi de vous le dire, moi aussi j’en ai eu plus que pour mon grade, j’en ai, au moment même où ce débat imprévu éclatait, j’en ai dont vous n’avez même, dont vous ne pouvez avoir aucune idée, aucune image, aucune représentation.
. — Quand le talent de la farce s’ajoute ainsi au besoin de la vérité, la plaisanterie devient toute-puissante ; car elle donne satisfaction à des instincts universels et profonds de la nature humaine, à la curiosité maligne, à l’esprit de dénigrement, à l’aversion pour la gêne, à ce fonds de mauvaise humeur que laissent en nous la convention, l’étiquette et l’obligation sociale de porter le lourd manteau de la décence et du respect ; il y a des moments dans la vie où le plus sage n’est pas fâché de le rejeter à demi et même tout à fait […] Voilà l’avantage de ces génies qui n’ont pas l’empire d’eux-mêmes : le discernement leur manque, mais ils ont l’inspiration ; parmi vingt œuvres fangeuses, informes ou malsaines, ils en font une qui est une création, bien mieux une créature, un être animé, viable par lui-même, auprès duquel les autres, fabriqués par les simples gens d’esprit, ne sont que des mannequins bien habillés C’est pour cela que Diderot est un si grand conteur, un maître du dialogue, en ceci l’égal de Voltaire, et, par un talent tout opposé, croyant tout ce qu’il dit au moment où il le dit, s’oubliant lui-même, emporté par son propre récit, écoutant des voix intérieures, surpris par des répliques qui lui viennent à l’improviste, conduit comme sur un fleuve inconnu par le cours de l’action, par les sinuosités de l’entretien qui se développe en lui à son insu, soulevé par l’afflux des idées et par le sursaut du moment jusqu’aux images les plus inattendues, les plus burlesques ou les plus magnifiques, tantôt lyrique jusqu’à fournir une strophe presque entière à Musset480, tantôt bouffon et saugrenu avec des éclats qu’on n’avait point vus depuis Rabelais, toujours de bonne foi, toujours à la merci de son sujet, de son invention et de son émotion, le plus naturel des écrivains dans cet âge de littérature artificielle, pareil à un arbre étranger qui, transplanté dans un parterre de l’époque, se boursoufle et pourrit par une moitié de sa tige, mais dont cinq ou six branches, élancées en pleine lumière, surpassent tous les taillis du voisinage par la fraîcheur de leur sève et par la vigueur de leur jet.
D’elle-même et sans nous, ou plutôt malgré nous, elle a étendu le sens de ce mot ; en ce moment, elle l’applique à toutes les friandises ; elle dit cola quand on lui donne du sucre, de la tarte, du raisin, une pêche, une figue178. […] De plus, comme dans le cas précédent, le développement de l’articulation a manifesté la délicatesse innée de l’organisation mentale et morale. — Pendant les six premières semaines, les sons qu’il a proférés n’étaient que des cris, et très simples, cris de douleur, de malaise, de besoin, analogues à ceux qu’il jetait au moment même de sa naissance.
Je m’assis un moment sur le banc de pierre à son ombre. […] La couleur de ses cheveux et de sa barbe tenait le milieu entre le noir et le blond, dans une telle proportion cependant, que le sombre l’emportait sur le clair, mais que ce mélange indécis des deux teintes donnait à sa chevelure quelque chose de doux, de chatoyant et de fin ; son front était élevé et proéminent, si ce n’est vers les tempes, où il paraissait déprimé par la réflexion ; la ligne de ce front, d’abord perpendiculaire au-dessus des yeux, déclinait ensuite vers la naissance de ses cheveux qui ne tardèrent pas à se reculer eux-mêmes vers le haut de la tête, et à le laisser de bonne heure presque chauve ; les orbites de l’œil étaient bien arqués, ombreux, profonds et séparés par un long intervalle l’un de l’autre ; ses yeux eux-mêmes étaient grands, bien ouverts, mais allongés et rétrécis dans les coins ; leur couleur était de ce bleu limpide qu’Homère attribue aux yeux de la déesse de la sagesse et des combats, Pallas ; leur regard était en général grave et fier, mais ils semblaient par moments retournés en dedans, comme pour y suivre les contemplations intérieures de son esprit souvent attaché aux choses célestes ; ses oreilles, bien articulées, étaient petites ; ses joues plus ovales qu’arrondies, maigres par nature et décolorées alors par la souffrance ; son nez était large et un peu incliné sur la bouche ; sa bouche large aussi et léonine ; ses lèvres étaient minces et pâles ; ses dents grandes, régulièrement enchâssées et éclatantes de blancheur ; sa voix claire et sonore tombait à la fin des phrases avec un accent plus grave encore et plus pénétrant ; bien que sa langue fût légère et souple, sa parole était plutôt lente que précipitée, et il avait l’habitude de répéter souvent les derniers mots ; il souriait rarement, et, quand il souriait par hasard, c’était d’un sourire gracieux, aimable, sans aucune malice et quelquefois avec une triste langueur ; sa barbe était clairsemée et, comme je l’ai déjà dépeinte, d’une couleur de châtaigne ; il portait noblement sa tête sur un cou flexible, élevé et bien conformé ; sa poitrine et ses épaules étaient larges, ses bras longs, libres dans leurs mouvements ; ses mains très allongées mais délicates et blanches, ses doigts souples, ses jambes et ses pieds allongés aussi, mais bien sculptés, avec plus de muscles toutefois que de chair ; en résumé, tout son corps admirablement adapté à sa figure ; tous ses membres étaient si adroits et si lestes que, dans les exercices de chevalerie, tels que la lance, l’épée, la joute, le maniement du cheval, personne ne le surpassait.
Michel-Ange, déjà las d’un art muet et qui commençait à cultiver l’art qui parle, consterné en ce moment des guerres civiles et des tyrannies qui désolaient sa patrie, répondit, au nom de la statue de la Nuit, à son interlocuteur anonyme, par ces vers qui valent un coup de ciseau ou un coup de poignard : Il m’est doux de dormir, et plus doux d’être de pierre Pendant que le malheur et la honte de l’Italie durent ! […] C’est le moment de sa vie où le dégoût de l’esprit de parti et l’horreur des compétitions de pouvoir entre les Médicis et leurs rivaux le rejetèrent de plus en plus dans la pure passion de la liberté républicaine.
Voyez ses campagnes de l’Empire : il a et il nous donne l’illusion de lire à tout moment toute la pensée de l’Empereur, et de conduire le monde avec elle ; son récit est ordonné comme un budget où tout est prévu. […] 1848 vint, et ce fut un moment unique, que celui où Lamartine, pendant des semaines, fut à lui seul tout le gouvernement, et gouverna par son éloquence de poète, calmant, maniant, purifiant les passions populaires, contenant la révolution qu’il avait faite, faisant acclamer le drapeau tricolore par l’émeute qui apportait le drapeau rouge.
Au dernier moment nous sommes obligés à remettre au numéro prochain le mois Wagnérien d’Octobre, qui sera publié avec celui de Novembre. […] Le terme ne vient pas de Wagner lui-même qui parlait de motif fondamental ou de thème fondamental, de motif principal ou de motif thématique, de moment mélodique ou de motif de pressentiment.
Et ils l’ont introduite dans l’esprit des lecteurs aussi, qui ne sauront plus où ils en seront quand ils voudront apprendre comment s’est développé cet esprit, prodigieux de toutes manières, autant par sa nature que par ses développements, d’abord difficiles, mais qui, tout à coup, à un certain moment, partit en ligne droite, et foudroyant, comme le plus plein des boulets, après avoir fait, comme un boulet creux, tant de paraboles ! […] Certainement, il y aura un moment où la lumière, entassée, deviendra fixe et complète.
Il y rend justice aux qualités réelles et apparentes de ce monarque, mais il indique avec raison un trait de caractère en lui, essentiel, invétéré et bien nuisible, contraire à la dignité des hommes comme au sérieux des choses, le besoin d’un favori, c’est-à-dire ce qui devait compromettre, même aux meilleurs moments, la politique de ce roi.
Je plains d’avance les moments qu’il m’en coûtera.
Lorsque, dans les moments de péril, les magistrats n’adressaient aux François que les phrases banales, l’éloquence usitée par les partis entre eux, ils n’agissaient en rien sur l’opinion.
Et ce vieux capitaine a tant de finesse native, tant d’expérience accumulée, il a tant fait pendant soixante ans pour faire jouer les ressorts des âmes de ses soudards, pour saisir ses supérieurs aussi par les propriétés de leur humeur, qu’en racontant sa vie, il dépasse sans y songer la couche superficielle des faits historiques ; il plonge à chaque moment dans les consciences, les découvre dans les actes, les gestes, les paroles ; il se découvre lui-même à nous jusqu’au fond de son être intime.
On peut reconnaître à chaque moment dans son style, dans le choix d’une épithète, dans certaines métaphores et figures, un emploi systématique des procédés d’élocution qui sont familiers aux poètes grecs et latins.
Biographie : Veuillot (1813-1883), fils d’un ouvrier tonnelier, travailla d’abord dans les journaux de province, et fut un moment secrétaire du maréchal Bugeaud (1842).
Il en a par moments l’audace, l’hallucination sombre, les beautés formidables et toujours la tristesse.
Leconte de Lisle, avec un sens très sûr des nécessités du moment, opposa la forme châtiée, austèrement belle, et l’impassibilité morale.
Quand un astronome me dit que tel phénomène stellaire, que son télescope lui révèle en ce moment, s’est cependant passé il y a cinquante ans, je cherche ce qu’il veut dire et pour cela, je lui demanderai d’abord comment il le sait, c’est-à-dire comment il a mesuré la vitesse de la lumière.
. — On inaugure en ce moment en France un troisième procédé d’étude qui consiste à déterminer directement les facultés, les habitudes, les particularités d’un individu.
Comte qu’il est possible d’étudier un fait par l’intermédiaire de la mémoire, non pas à l’instant où nous le percevons, mais dans le moment d’après : et c’est là, en réalité, le mode suivant lequel nous acquérons le meilleur de notre science sur les actes intellectuels.
Il les considère objectivement, sans en saisir la raison d’art cachée ; la forme à ce moment quitte l’esprit, s’isole, et désormais le poète déchu se borne à la remplir ainsi qu’une forme étrangère.
Taine résider dans l’ensemble des circonstances physiques et sociales dont l’écrivain est entouré, et qu’il groupe sous ces trois chefs : la race, le milieu physique et social, le moment.
Sans doute l’âme n’est pas détruite par là même, et elle conserve encore virtuellement la puissance de penser ; mais la pensée actuelle, mais la pensée individuelle, la pensée enfin accompagnée de conscience et de souvenir, cette pensée qui dit moi, celle-là seule qui constitue la personne humaine et à laquelle notre égoïsme s’attache, comme étant le seul être dont l’immortalité nous intéresse, que devient-elle à ce moment terrible et mystérieux où l’âme, en rompant les liens qui l’unissent à ses organes, semble en même temps rompre avec la vie d’ici-bas, en dépouiller à la fois les joies et les misères, les amours et les haines, les erreurs et les souvenirs, en un mot perdre toute individualité ?
On aime cette main cachée dans la nue, qui travaille incessamment les hommes ; on aime à se croire quelque chose dans les projets de la Sagesse, et à sentir que le moment de notre vie est un dessein de l’éternité.
Il lui est permis, sur tout lorsqu’il peut alléguer quelque expérience favorable à son sentiment, de combattre ces principes avec aussi peu de pudeur que s’il attaquoit un systême de quatre jours, un de ces systêmes qui n’est encore cru que par son auteur et par les amis de l’auteur, qui même cessent de le croire dès le moment qu’ils sont brouillez avec lui.
II Vers la fin de 1854, au milieu des préoccupations inquiètes de l’Europe, à peine rassise des coups terribles que lui avaient portés les révolutions, on apprit qu’un Français venait d’être fusillé, comme un pirate, par le gouvernement mexicain, et que ce Français, ce jeune homme, qu’on appelait au Mexique le vainqueur d’Hermosillo, du nom de sa première bataille, gagnée avec deux cent cinquante hommes contre une armée et contre une ville, avait été jusqu’au dernier moment l’honneur de la France et avait donné d’elle la grande idée qu’elle n’a pas cessé de donner au monde quand, se détournant de ses misères intérieures, elle s’est retournée vers les autres nations et leur a montré un bout d’épée.
Pour Louis Teste comme pour nous, Léon XIIl est le pape, sous un nom qui n’est, en ce moment, qu’un nom, — le nom d’un pontife de plus, qui n’a pas encore d’exergue autour de sa médaille, et dont le visage, inconnu hier à la chrétienté, ne laisse passer — ferme et discret — que ce qu’il veut de ses projets et de sa pensée.
Soury, l’orthopédiste, tord le texte du duc de Luynes pour faire de Madame Louise une rachitique, une misérable larve à l’esprit borné et baroque, moqueuse, orgueilleuse, volontaire et gourmande ; mais la goutte de lumière, la petite lampe sur le tombeau de la Carmélite, suffit pour nous montrer ce qu’elle était à tous les moments de sa vie.
Charles Monselet9 I Il y a en ce moment, dans un coin encore obscur de la littérature contemporaine, un groupe d’esprits d’une haute suffisance, qui se croient, avant tout, des inventeurs, et qui s’inscrivent en faux contre la Critique au nom de leurs œuvres présentes ou futures.
… À part le talent de ses œuvres, pour lequel on n’a trouvé que le mot de distingué, — ce qui n’est pas assez, — on n’a trouvé aussi pour caractériser l’esprit sur place de Gozlan que le mot banal de charmant causeur, et ç’a été à peu près tout, sauf les arabesques et les chatoiements de la phrase sur ces deux pauvres idées, l’aumône de la Superficialité émue un moment par la mort !
La nouvelle Maison du Peuple de Bruxelles, qu’achève en ce moment Horta, sera de nature à montrer ce que l’art moderne peut attendre de lui ; car si son œuvre n’est pas encore considérable par le nombre, combien grande est sa signification pour ceux qui savent voir !
Ce n’était pas le moment d’imiter ni d’interpréter, à Rome, la poésie généreuse et virile de l’ancien Stésichore.
Racine s’est bien gardé d’occuper par des paroles le premier moment de cette situation. […] L’action de l’églogue, pour être vive, ne doit avoir qu’un moment. […] Le poëte saisit ce moment pour reprocher à ceux de César leur coupable obéissance : Lâches, pourquoi gémir ? […] Enfin la rime, qui peut causer un moment le plaisir de la surprise, ennuie & fatigue à la longue. […] un tableau n’a qu’un moment, une action en a quelquefois cent où l’on verroit l’intérêt croître par gradation sur la toile.
C’est à ce moment que Malherbe paraît. […] Je ne l’ai pas dit plus haut, en parlant des raisons de l’insuccès de la Pléiade, mais c’est le moment maintenant de le dire. […] Dès ce moment, Fontenelle n’a plus à triompher des sens, il s’en aide. […] Si j’en ai fait pressentir quelque chose, en parlant plus haut de Bayle12, c’est le moment de compléter ce que l’indication avait d’un peu sommaire. […] La question est assez délicate ; et, pour le moment, je ne sais pas encore si la cause du progrès était juste, était bonne, était sainte.
Il arrive un moment où le langage s’est épanoui, un moment où la littérature d’un pays s’est constituée. […] … » Il ajouta : — « Attendez un moment, il faut que je m’en aille. — Mais tu reviendras ? […] À tout moment, l’on sait où l’on est, l’on sait où l’on va. […] Le soir est un moment où la nature songe à son déclin. […] Le plus dur moment est celui où vous quittez le château de vos certitudes irréfléchies, les plus spontanées, les plus chères.
Nous dirons tout à l’heure l’avantage qu’il y a trouvé… Pour le moment, c’est assez si l’on voit la conséquence toute morale qui découle de cette conception de la mort. […] Et c’est à ce moment aussi que les « voix de la Terre » commencent enfin d’arriver jusqu’à lui. […] Et de là cette conséquence : que, fût-elle un « produit » de la race, du moment ou du milieu, l’individualité, rien qu’en s’y mêlant, modifie l’action des grandes causes. […] Spronck est un jeune auteur, du moment qu’il écrit ou qu’il imprime pour la première fois, — de Baudelaire et de Flaubert, de Théophile Gautier et de M. […] Le spectacle d’une volonté qui se déploie, voilà l’objet du drame ; et voilà d’ailleurs, si l’on y veut bien songer un moment, ce que nous allons chercher au théâtre.
Et fondé sur cet équilibre — peut-être boiteux et hors nature, et qui ne pouvait durer, — ce fut pourtant un grandiose moment, celui où elle régna. […] Le xviiie siècle a été un long moment de mort. […] Zola de son éducation romantique le préparaient donc tout spécialement à être le plus merveilleux peintre des foules. — Mais il y a autre chose, sous la sensation sociale, que le grand cri et le grand geste momentanés de la multitude ; ce moment n’est que le dernier période et l’éclat d’une crise. […] Leconte de Lisle, avec un sens très sûr des nécessités du moment, opposa la forme châtiée, austèrement belle, et l’impassibilité morale. […] Antokolsky, ce portraitiste d’humanité prise en de synthétiques moments psychologiques. — ramènent cet art vers la musique et vers la poésie, tandis que d’ingénieux essayistes voudraient lui ajouter les bénéfices de la polychromie — Ni l’Architecture même, cette immémoriale mère de tous les Arts, cet art du commencement, n’oublie de se préparer à dresser le Temple digne d’abriter la fête de la totale réunion. — Ici, le premier, parlerai-je d’un inconnu.
En ce moment même, il n’y a pas moins de trois grandes éditions de ses œuvres en cours de publication. […] C’est comme un premier moment de surprise, d’éblouissement, d’illusion. […] Il put croire un moment qu’il allait toucher le but et qu’une grande fortune commençait pour lui. […] Aussi, quand il fallut partir, ce ne fut pas sans un déchirement de cœur qu’il dut renoncer à faire sa partie dans le concert de louanges qui s’élevait encore, à ce moment du siècle, sur les pas du Bien-Aimé. […] Mais c’était alors, vers 1750, le moment de la crise, l’heure prochaine de la rupture entre l’ancienne et la nouvelle France.
Les Andes équatoriales peuvent avoir été un moment plus élevées qu’aujourd’hui à la fin de leur dernier soulèvement général durant l’époque tertiaire, et s’être un peu affaissées depuis la, période glaciaire par suite de la consolidation de leur équilibre après une longue période d’oscillations. […] D’après l’hypothèse de la périodicité des phénomènes glaciaires se renouvelant circulairement autour des deux pôles d’un axe idéal fixe, ce serait, au contraire, une chose assez naturelle que tous les pays antipodes l’un de l’autre eussent plus de ressemblance entre eux que tous les autres points des mêmes parallèles, puisque dans un même moment donné ils ont toujours dû avoir à peu près le même climat et présenter des conditions de vie analogues. […] L’hypothèse du déplacement périodique et circulaire des pôles rendrait compte de cet accroissement de chaleur sur les points opposés des deux parallèles où se manifesteraient dans le même moment les phénomènes glaciaires.
L’homme a été créé par Dieu un être essentiellement sociable, tellement sociable que, s’il cesse un moment d’être sociable, il cesse d’exister ; l’état de société lui est aussi nécessaire pour exister que l’air qu’il respire ou que la nourriture qui soutient sa vie. […] Vérité ou sophisme, il n’y avait rien à répondre au premier aperçu à cet axiome, du moment qu’on admettait pour convenu cet autre axiome très contestable : L’homme est égal à l’homme devant le champ ; l’enfant plus avancé en âge et en force est égal à l’enfant nouveau venu, dénué d’années, de force, d’éducation, d’expérience de la vie ; l’enfant du sexe faible et subordonné par son sexe même est égal à l’enfant du sexe fort, viril et capable de défendre l’héritage de tous dans le sien ; l’enfant inintelligent est égal à l’enfant doué des facultés de l’esprit et du cœur, privilégié par ces dons de la nature ; l’enfant vicieux, ingrat, rebelle, oisif, déréglé, est égal au fils tendre, respectueux, obéissant, actif, premier sujet du père, premier serviteur de la maison, etc., etc.
Un homme seul peut rêver éveillé tout ce qui lui plaît ; il soulève le monde, mais le monde ne se sent point soulevé ; et, s’il se sentait soulevé un moment par le rêve de l’utopiste, il écraserait, en retombant de tout son poids de monde réel, le monde chimérique du nouveau Platon. […] « — Le voilà qui me suit ; attendez-le un moment.
Il ne retourna un moment à Cirey que pour en déménager ses livres, ses manuscrits, ses habitudes, ses souvenirs. […] Un poëte impie, médiocre et trivial, nommé Piron, qui avait fait par hasard une comédie de premier ordre, la Métromanie, et qui ne faisait plus que des épigrammes, ces chefs-d’œuvre des esprits courts et des mauvais cœurs, harcela Voltaire depuis ce moment jusqu’au tombeau.
Il faut beaucoup d’illusion pour assimiler les coupes de D’Aubigné à celles de Victor Hugo : ce qui est science chez celui-ci, n’est chez l’autre qu’insouciance ; dans les Tragiques, les enjambements, les vers disloqués produisent des effets puissants, quand la pensée y donne lieu, mais ils sont aussi bien employés à ne rien produire du tout ; et du moment qu’ils ne sont pas expressifs, ils sont forcément prosaïques En revanche, que de morceaux sont d’un rare, d’un grand poète, et n’auraient eu besoin presque de rien, ici d’une relouche, là surtout d’un retranchement, pour atteindre à la perfection de leur caractère ! […] Le xviie siècle, qu’on a tort souvent de prendre « en bloc » et de croire tout d’une pièce, nous offre plusieurs courants, plusieurs directions, et comme plusieurs étages de goût et d’idées : il y a communication, juxtaposition, entre-croisement ; à de rares moments et jamais pour longtemps fusion ou confusion.
Ensuite, malgré les charmants essais des Robbia, et cette Renaissance où furent, un moment, restaurées les dispositions intellectuelles des anciens, ce fut la fin de la sculpture. […] C’est ce moment de rêverie du jeune homme dans la forêt avant qu’il ne tue le dragon Fafner.
Je suis affecté par le contraste des objets, au moment même où il se produit, d’une autre manière que par la continuation d’un même sentiment. […] Même la différence agréable est un état nouveau qui s’oppose à l’ancien et auquel l’ancien résiste en une certaine mesure ; seulement, comme il y a alors surcroît, aide, concours, le moment de l’opposition s’évanouit immédiatement en harmonie.
Jean Nesmy, les Égarés, qui a conquis le public en traçant une analyse impitoyable du mal dont souffre, au moment présent, toute une partie des éducateurs français : l’internationalisme. […] Au même moment, l’engouement inattendu pour les mémoires, pour les souvenirs, pour les memoranda qui ont envahi les marges de l’histoire, a paru leur indiquer la voie.
Tout le monde est d’accord sur ce point, que l’exemple de Lucrèce ne résout rien ; à ce degré de la science naissante qui n’était encore qu’un amas d’hypothèses et où la formule exacte des lois n’était ni trouvée ni pressentie, le mélange, l’union était possible : la science n’était à ce moment qu’une sorte de poésie abstraite. […] C’est là un moment psychologique de l’humanité, particulièrement propice à la grande inspiration, tout ce qui est humain appartenant aux poètes, tout ce qui touche à la vie de l’âme, à ses idées, à ses tourments, à ses espérances ou à ses désespoirs.
Voilà le moment périlleux, voilà l’épreuve solennelle pour le juge des œuvres littéraires. […] Quant à la laideur, il l’admet dans une sage mesure, comme moment (élément) de la beauté complexe.
Proudhon, qui a l’orgueil gai, dit joyeusement : « Ma mort serait, en ce moment, une absurdité de la Providence ! […] Et nous sommes à ce moment suprême de renversement dans les idées, qui précède de bien peu la fin des civilisations.
Nous l’arracherons donc pour un moment au siècle qui l’a gâté et auquel il rend sa corruption. […] lui dis-je, et, quand au prêtre… En ce moment le ciel blanchit.
Et n’est-ce pas là que nous en sommes, dans ce moment ? […] — qui fait son train ridicule dans ce ridicule moment littéraire, et voilà pourquoi j’ai pesé sur ce que je n’aurais fait qu’effleurer dans un autre temps.
Ce ne fut pas, en un certain sens, une lutte, un violent orage, un déchirement : il n’y eut point un jour, une heure, un moment solennel pour lui, où le voile du temple se déchira de devant ses yeux : ce ne fut pas la contrepartie de Saint Paul qui se vit abattu, renversé sur le chemin de Damas, et du même coup converti.
On vit dans un temps où les journaux sont tout et où seuls, presque seuls, ils rétribuent convenablement leur homme : on est journaliste ; on l’est, fut-on romancier, car c’est en feuilletons que paraissent vos livres même, et l’on s’en aperçoit ; ils se ressentent à tout moment des coupures, des attentes et des suspensions d’intérêt du feuilleton ; ils en portent la marque et le pli.
Jeune, dans un moment de frénésie, il avait coiffé sa muse du bonnet rouge ; il avait donné des gages éclatants à un parti : quoi de plus simple et de plus inévitable que ce parti, se voyant quitté, le calomniât, méconnût ses intentions intimes les plus pures, travestît grossièrement les ressorts délicats et secrets de sa conduite ?
Enfin, peu à peu, les organes se restaurent ; « aidées par les pepsines, les véritables viandes furent digérées ; les forces se rétablirent »… « le moment échut où il put demeurer levé pendant des après-midi entières ».
Enfin, quand on persisterait à croire l’éloquence dangereuse, que l’on réfléchisse un moment sur tout ce qu’il faut faire pour l’étouffer, et l’on verra qu’il en est d’elle comme des lumières, comme de la liberté, comme de tous les grands développements de l’esprit humain.
En ce moment, on n’aperçoit plus sa basse condition, ses moeurs irrégulières ; bien des gens ne changeraient pas son coeur ni sa vie contre le coeur ou la vie du grand roi.
Les lectures ainsi faites ont cet avantage, de nous fournir en quelque sorte des idées centrales autour desquelles se grouperont et se conserveront nos impressions fugitives, nos émotions d’un moment.
Dès le premier moment donc, quelque chose d’artificiel s’insinue dans l’excellente entreprise des novateurs : un vice primordial, tout au fond de leur esprit, menace la vitalité et, si je puis dire, la santé de leur œuvre.
Un esprit gagné à la fine psychologie de Marcel Proust, et à la métaphysique qui s’y implique, soutiendrait sans doute que le moi et le non-moi sont inséparablement mêlés dans nos perceptions et notre connaissance, que s’il y a une réalité extérieure, elle ne se révèle à nous que par des réactions qui ne sont jamais les mêmes au même instant chez deux hommes, ni chez le même homme à deux moments différents, que nous sommes dans l’impossibilité de choisir entre les vingt images d’une personne que la vie a mises en nous, qu’il n’y en a pas une qui soit la seule vraie ni la plus vraie, ou que toutes sont vraies également, sans que nous puissions y distinguer ce qui est de l’objet perçu et ce qui est du sujet sentant.
A ce moment Mme de Rémusat nous accueille, si fine, si intelligente, égale pour le moins à Mme de Caylus et à Mme de Staal-Delaunay, et dont les mémoires ont le mérite incomparable de nous dérouler, avec le portrait du premier consul et de l’empereur, les transformations successives des sentiments de l’écrivain à l’égard de cet homme et comme la lente découverte du modèle par le peintre Et voulez-vous quelque chose d’extraordinaire ?
Comprenez-vous qu’au moment même où je cherche à mettre mes impressions en ordre, il m’en reste encore quelque ahurissement ?
Michelet fait remarquer, que, dans ces moments où « l’amour et la pitié coulent en douces larmes », les sens se renouvellent et, « souvent plus vif qu’au jeune âge, revient l’aiguillon du désir. » Ainsi la nature récompense les vieux époux d’être bons, et la sensibilité et la bienfaisance engendrent la volupté.
Auguste Vacquerie Toi qu’on disait l’artiste ardent mais l’homme tiède, Le rimeur égoïste et sourd à tous nos cris, Le jour où l’Allemagne assiégea ce Paris Haï des nations parce qu’il les précède, Quand sachant que Paris difficilement cède Et que, criblé, haché, broyé sous les débris, Les obus n’obtiendraient de lui que son mépris, L’Allemagne appela la famine à son aide, Quand plusieurs étaient pris du goût de voyager, Toi qui dans ce moment étais à l’étranger, Chez des amis, avec une fille chérie, Dans un libre pays, au bord d’un lac divin, Pouvant vivre tranquille et manger à ta faim, Tu choisis de venir mourir pour la patrie.
Pas complètement, sans doute : le moment arrive toujours, même pour les poètes les plus admirés, où la réflexion reprend ses droits.
Mais si l’attrait de la beauté subjugue l’homme de Lettres, il ne sera pas du moins avili, il brisera ses fers s’ils sont honteux, il sera semblable au lion enchaîné, qui ne paroît pas esclave au moment même où il se trouve captif.
Le Ciel & l’Enfer se choquent ; l’Enfer a soulevé ses feux, le Ciel a fait pleuvoir ses foudres, la victoire est suspendue dans ce combat terrible ; mais quel moment formidable ; le char du fils de l’Eternel franchit les plaines de l’immensité ; les carreaux vengeurs qui partent de ses mains, précipitent, écrasent & poursuivent ces innombrables légions de rébelles ; ô Milton !
Toute œuvre d’art est intéressante et peut être belle, du moment qu’elle est le commentaire sincère, ému, vivant, d’une individualité qui ose être elle-même. — Les questions d’écoles sont ici secondaires.
. — Il nous paraît difficile d’admettre à aucun moment une socialisation aussi complète de l’individu.
La famille de David était, a ce qu’il semble, éteinte depuis longtemps 677 ; les Asmonéens, d’origine sacerdotale, ne pouvaient chercher à s’attribuer une telle descendance ; ni Hérode, ni les Romains ne songent un moment qu’il existe autour d’eux un représentant quelconque des droits de l’antique dynastie.
Et maintenant si l’on remarque que les images peintes sur la rétine sont les matériaux de la vision, qu’ils servent à nous suggérer une construction mentale qui seule constitue la vision proprement dite, « qu’il se produit dans l’esprit, à la vue d’un objet extérieur, un agrégat d’impressions passées que l’impression du moment suggère et ne constitue pas » ; on comprend qu’il importe peu que ces matériaux qui servent au travail ultérieur de l’esprit soient fournis par deux images, comme dans l’homme, ou par des milliers comme dans l’insecte.
Le drame de Shakespeare exprime l’homme à un moment donné.
Cette méthode, employée je crois, pour la première fois par Haller, a été un moment très à la mode : Andrieux y fait allusion dans un de ses jolis contes.
Le moment n’est pas venu où il doit imposer, à la société dont il sera le maître, le ton de convenance superbe et de décence majestueuse qui nous fait d’ici baisser les yeux.
Un exemple récent tendrait à prouver cependant que des lueurs de conscience peuvent à certains moments jaillir de cervelles bien françaises.
Lachelier réveilla la philosophie universitaire à un moment où elle s’endormait dans la doctrine, facile et aimable, de Victor Cousin 28.
On sait qu’à l’humanité de détail qui soulage dans le moment le malheureux qui souffre, il joignit cette humanité plus étendue qui prévoit les maux, rétablit l’ordre, substitue les grandes vues à la pitié, et sans le secours de cette sensibilité d’organes qui est aussi souvent une faiblesse qu’une vertu, sait faire un bien même éloigné, et s’attendrir sur des malheurs qu’elle ne voit pas.
À un certain moment de sa vie, il fait le commerce dans les quatre parties du monde. […] Leur front a moins d’éclat, et leur lèvre est moins rose : On dirait par moments qu’ils cherchent quelque chose Ou quelqu’un, dont ils ont un vague souvenir ! […] Des esprits très sérieux, graves historiens, prédicateurs ou moralistes, ont sévèrement reproché à Victor Hugo l’idée exagérée que son livre exprime de Paris, de ses lumières, de ses vertus : est-ce bien le moment ? […] Ce juste hommage rendu et le premier moment d’éblouissement passé, n’oseront-ils pas s’approcher des rayons, creuser un peu et pénétrer sous cette brillante surface ? […] Tout entier à l’impression et à l’inspiration du moment, il n’a aucune suite dans ce qu’il fait, aucune fermeté dans ce qu’il veut.
Elle arriva juste au moment qu’il fallait pour relier et fondre ensemble les deux rhétoriques : la rhétorique du trumeau et la rhétorique du couperet ; et, de ces deux rhétoriques, celle qui lui trancha la tête fut assurément la plus miséricordieuse. […] La marée littéraire n’est pas trop fraîche en ce moment et nous aurions furieusement appétit d’un livre éloquent et fier qui réconfortât quelque peu nos délabrés estomacs intellectuels. […] C’est dans ces moments-là qu’apparaît vraiment en lui le reître épique sous la défroque duquel il s’est fait peindre et dont l’image saute aux yeux des visiteurs de son cabaret. […] Alexandre Dumas père arrive de Nigritie au moment précis où la société française, ayant fait peau neuve, renouvelle sa littérature. […] En entendant cela, le compagnon d’Ulysse transformé, que tout Parisien porte en soi, reprend un moment forme humaine, et c’est Circé, l’abominable faiseuse de pourceaux, qui devient elle-même une truie immonde.
Obtenir grace, c’est l’effet d’un moment ; obtenir la faveur est l’effet du tems. […] Ce qu’on appelle bonheur, est une idée abstraite, composée de quelques idées de plaisir ; car qui n’a qu’un moment de plaisir n’est point un homme heureux ; de même qu’un moment de douleur ne fait point un homme malheureux. […] Quand on dit je suis heureux dans ce moment, on abuse du mot, & cela ne veut dire que j’ai du plaisir : quand on a des plaisirs un peu répétés, on peut dans cette espace de tems se dire heureux ; quand ce bonheur dure un peu plus, c’est un état de félicité ; on est quelquefois bien loin d’être heureux dans la prospérité, comme un malade dégoûté ne mange rien d’un grand festin préparé pour lui. […] Faites-y un moment d’attention, & alors vous appercevrez ces caracteres sur lesquels glissoit votre vûe ; ainsi tous vos raisonnemens, toutes vos connoissances, sont fondées sur des images tracées dans votre cerveau : vous ne vous en appercevez pas ; mais arrêtez-vous un moment pour y songer, & alors vous voyez que ces images sont la base de toutes vos notions ; c’est au lecteur à peser cette idée, à l’étendre, à la rectifier.
L’usage changeait, disait-il, dans le moment même que Vaugelas cherchait à le constater. […] Vaugelas s’était qualifié de « témoin de la censure générale » ; il ne sortit pas un moment de l’impartialité du témoignage.
En général, il est plus pathétique ; il a mis plus d’action sur le théâtre ; le sujet de ses tragédies est d’un intérêt plus général ; le moment de la catastrophe a quelque chose de plus imposant ; il peint avec un coloris plus brillant ; il est plus sententieux & chacune de ces maximes exprime une grande vérité. […] NOs faiseurs d’Odes datent presque du moment que nous avons eu une Poésie.
Ce ne fut qu’un moment. […] Fatalité des passions ou fatalité des idées, l’histoire perd son véritable caractère du moment que la liberté en a disparu ; elle devient une sorte de physique sociale.
Dans la correspondance qu’il entretient avec lui, Voltaire le tâte souvent, et essaye de l’engager ; en 1760, après la comédie des Philosophes de Palissot, après le discours de réception de Lefranc de Pompignan, et dans ce moment le plus vif de la mêlée philosophique, Voltaire voudrait que Duclos s’entendît avec les amis et surtout qu’il agît en cour pour faire arriver Diderot à l’Académie ; c’eût été un coup de parti en effet, et une éclatante revanche : « Vous êtes à portée, je crois, d’en parler à Mme de Pompadour ; et, quand une fois elle aura fait agréer au roi l’admission de M.
En ce moment, et pour motiver ma remarque, j’ai surtout en idée, comme contraste, un dîner et un souper.
Dans ses idées littéraires un peu naïves et qui se sentaient encore un peu de la province, il aurait désiré que Mme Récamier écrivît, qu’elle prît rang à son tour parmi les femmes qui aspirent à la double couronne ; il essaya, à un moment, de l’enhardir à faire preuve de talent, à devenir poète, c’est-à-dire à traduire et à interpréter un poète, comme si ce n’est pas la même chose que de devenir auteur.
C’est toute une croisade : on se demande à quel propos, et contre qui elle est dirigée : car l’industrie moderne, tout occupée à se développer, à conquérir le monde et à régner sur notre planète, ne pense guère pour le moment à se traduire en poésie.
Comme, par moments, je suis tenté d’y céder moi-même, et de m’impatienter aussi, j’ai voulu tirer la question au clair pour Mme de Sévigné ; j’ai examiné, j’ai comparé ; j’ai de plus interrogé M.
Biot, dans son impartialité froide et calculée, affecte trop de plaider les circonstances atténuantes, de la persécution : il n’a pas un moment d’indignation pour tant de bêtise, sinon de cruauté ; il n’a pas un mouvement à la Pascal !
Si l’on ne voit pas, dit-il, « que tous les temps sont unis ensemble, que la tradition du peuple juif et celle du peuple chrétien ne font qu’une seule et même suite, que les Écritures des deux Testaments ne font qu’un même corps et un même livre » ; si on n’y découvre pas « un dessein éternel toujours soutenu et toujours suivi » ; si on n’y voit pas « un même ordre des conseils de Dieu qui prépare dès l’origine du monde ce qu’il achève à la fin des temps, et qui, sous divers états, mais avec une succession toujours constante, perpétue aux yeux de tout l’univers la sainte Société où il veut être servi, on mérite de ne rien voir et d’être livré à son propre endurcissement comme au plus juste et au plus rigoureux de tous les supplices. » A un moment l’orateur impatient, le prédicateur se lève : « Qu’attendons-nous donc à nous soumettre ?
On a un fragment de lettre de l’abbé de Vaubrun, sans date, mais qui paraît bien se rapporter à ce moment : « Je suis persuadé que vous serez tout à fait fâché d’apprendre l’extrémité de la maladie du pauvre Racine : il a une grande fièvre continue avec des redoublements, causée vraisemblablement par un abcès dans le foie ; il est sans espérance et quasi sans connaissance.
Ces expressions vous raniment, vous transportent, vous persuadent un moment que vous allez vous élever au-dessus de tous les égards factices, de toutes les formes commandées, et qu’après une longue contrainte, le premier ami que vous retrouverez, c’est votre propre caractère, c’est vous-même.
Ce fut nous du moins pendant des siècles ; nous avions arrangé nos affaires pour ne regarder que la terre et l’existence présente, et pour être débarrassés de tout ce qui gênerait l’action : nous avions donné procuration à l’Église de régler pour nous la question de la destinée, de la mort et de l’éternité, de façon à n’y plus penser que dans les courts moments où elle nous établit notre compte.
Entre les deux groupes se placent onze livres de Fables, où l’individualité absorbe et domine toutes les influences du milieu et du moment.
Musset et Gautier717, d’une autre génération de collégiens, furent, selon la diversité de leurs natures, plus imprégnés, l’un de classicisme et l’autre d’antiquité ; et si le moment vint, après le débordement des fantaisies moyen âge, où l’on se reprit à traiter des sujets grecs ou romains selon l’art romantique, la restauration des études universitaires y fut pour quelque chose.
Pour comprendre et pour aimer certains sentiments, il faut du moins en porter les germes en soi, il faut être capable de les ressusciter, fût-ce par jeu, de les éprouver, fût-ce un moment et en sachant bien que c’est une comédie intérieure qu’on se donne et dont on reste détaché.
Il importe, d’ailleurs, de considérer que les résultats qui paraissent à tel moment les plus insignifiants peuvent devenir les plus importants, par suite de découvertes nouvelles et de rapprochements nouveaux.
Nullement ; et, du reste, l’auteur sait varier ses formes, choisira chaque moment celle qui convient le mieux.
S’il y a deux sensations successives et entre elles une différence de nature, moins encore, un simple hiatus entre deux moments d’une même sensation, moins encore, une différence d’intensité, alors il se produit une conscience plus ou moins claire : la vie psychologique est née.
Laissant de côté ses mémoires sur l’ancienne Gaule, qui le firent nommer dès 1813 à l’Académie des inscriptions, et les nombreux travaux de géographie qui ne cessèrent de l’occuper depuis lors, « d’usurper, comme il le dit, le plus grand nombre de ses moments de loisir », je ne voudrais insister ici que sur les services agréables que M.
I L’idée du moi On éprouve la même difficulté à construire la conscience continue avec des sensations qui, pour l’analyse abstraite, semblent détachées, qu’à construire une ligne avec des points, un mouvement continu avec des moments successifs.
On ne seroit point en danger de compromettre sa réputation devant la multitude qui fait circuler, dans la société, comme un très-grand ridicule, un moment d’absence de mémoire.
Il s’agit de fixer le moment où le cerveau atteint son poids maximum.
C’est là, nous le reconnaissons, le travail de toute une vie ; mais maintenant que les sources sont connues, que les grandes écoles ont été approfondies, une multitude de points particuliers éclaircis, le moment serait venu peut-être d’entreprendre une vaste synthèse qui embrasserait l’histoire générale des systèmes non-seulement en eux-mêmes, mais dans leurs rapports avec l’histoire religieuse, politique et scientifique en général.
Un autre philosophe qu’on juge à son air de tête un homme ferme et même obstiné, a le menton sur la poitrine : il est absorbé dans des reflexions sur les merveilles qu’il entend, et l’on croit s’appercevoir qu’il passe dans ce moment-là de l’ébranlement à la persuasion.
Les principes de l’art de traduire, exposés dans ce discours, sont ceux que j’ai cru devoir suivre dans la traduction que je donne de différents morceaux de Tacite : quelques-uns de ces morceaux avaient déjà vu le jour ; le public m’a paru les avoir goûtés et en désirer davantage ; c’est pour le satisfaire que j’en ajoute ici un beaucoup plus grand nombre ; c’est le fruit de quelques moments de loisir que m’ont laissé des travaux très pénibles et d’un genre tout différent.
Les significations occultes, pas plus que les symboles chrétiens, ne l’ont un seul moment troublé.