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2249. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIX. Panégyriques ou éloges composés par l’empereur Julien. »

Il ne les laisse pas s’endormir dans un lâche repos ; alors, ceux qui sont chargés de défendre, auraient eux-mêmes besoin de défenseurs. Il ne les laisse pas non plus s’élever avec audace contre leurs chefs ; la discipline dans la guerre est pour lui le gage des succès.

2250. (1875) Revue des deux mondes : articles pp. 326-349

La connaissance de l’absolu est donc la connaissance qui ne laisserait rien en dehors d’elle. […] Le maître doit ensuite laisser l’élève libre de se mouvoir à sa manière, suivant sa nature, pour arriver au but qu’il lui a montré, sauf à venir à son secours, s’il voit qu’il s’égare. […] La cavité abdominale avait été ouverte par une énorme plaie contuse, et l’estomac, largement perforé, laissait échapper les aliments du dernier repas. […] Pendant la période digestive au contraire, ces mêmes glandes sont gorgées de sang, rutilantes, comme érectiles, et leurs conduits laissent écouler les liquides sécrétés en abondance. […] La divergence entre ces deux ordres de sciences doit les laisser étrangères les unes aux autres et les rendre incapables de se prêter aucun secours.

2251. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Introduction, où l’on traite principalement des sources de cette histoire. »

Strauss d’une manière qui laisse peu à désirer. […] Grâce aux beaux travaux dont cette question a été l’objet depuis trente ans, un problème qu’on eût jugé autrefois inabordable est arrivé à une solution qui assurément laisse place encore à bien des incertitudes, mais qui suffit pleinement aux besoins de l’histoire. […] Mais qu’en somme cet évangile soit sorti, vers la fin du premier siècle, de la grande école d’Asie-Mineure, qui se rattachait à Jean, qu’il nous représente une version de la vie du maître, digne d’être prise en haute considération et souvent d’être préférée, c’est ce qui est démontré, et par des témoignages extérieurs et par l’examen du document lui-même, d’une façon qui ne laisse rien à désirer. […] Cette commission choisirait le cadavre, s’assurerait que la mort est bien réelle, désignerait la salle où devrait se faire l’expérience, réglerait tout le système de précautions nécessaire pour ne laisser prise à aucun doute. […] Laisser tous les renseignements fournis par les évangiles dans le désordre où la tradition nous les donne, ce ne serait pas plus écrire l’histoire de Jésus qu’on n’écrirait l’histoire d’un homme célèbre en donnant pêle-mêle les lettres et les anecdotes de sa jeunesse, de sa vieillesse, de son âge mûr.

2252. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

D’après lui, l’énergie du sentiment, quelle qu’en soit la nature, se manifeste toujours par une énergie de mouvement : on danse de joie, dit Spencer, comme on piétine de colère ; on ne peut pas plus rester en place dans la détresse morale que dans l’exaltation délicieuse ; il y a des cris d’angoisse comme il y a des cris de volupté ; souvent les bruits que font les enfants au milieu de leurs jeux laissent les parents dans le doute si c’est le chagrin ou le plaisir qui en est la cause. — Soit, mais toutes ces manifestations d’activité ne se ressemblent que pour un spectateur lointain ou superficiel ; il est difficile d’admettre que le plaisir et la douleur, dès le début, se manifestent l’un comme l’autre par un même accroissement général d’activité. […] Les sens supérieurs sont trop raffinés pour laisser apercevoir, sous leurs arabesques infinies, la simplicité du dessin primitif, mais les sensations inférieures ne sont autre chose que plaisir ou peine, vie facile ou vie difficile, mouvement aisé ou effort, volonté libre ou volonté contrainte. […] Les mouvements expressifs, associés entre eux selon les lois que nous avons passées en revue, finissent par se fixer et par laisser des traces non seulement dans les attitudes passagères, mais dans cette sorte d’attitude permanente qui est la forme des traits. […] Les professions laissent aussi leur trace dans la forme des organes et dans les traits de la physionomie. […] Le marin, le cavalier, le danseur, se laissent facilement reconnaître ; les banquiers, les notaires, les avocats ont aussi des gestes qui leur sont propres ; mais ici le diagnostic devient incertain. » On sait que Lavater, quand on lui envoya le masque de Mirabeau, devina « un homme d’une énergie terrible, indomptable dans son audace, inépuisable en ressources, résolu, hautain. » On sait encore qu’un jour un inconnu se présenta à Lavater : « Regardez-moi bien et devinez qui je suis. » Lavater devina d’abord un homme de lettres, puis un homme habitué à saisir le côté ridicule des choses, ayant de l’originalité, de l’esprit.

2253. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1882 » pp. 174-231

* * * — Il y aurait vraiment à faire, dans un livre, un beau morceau sur la tristesse désolée, que laissent chez les délicats, les raouts et les fêtes de la misère bourgeoise. […] Vendredi 17 février Très souffrant, et d’une faiblesse à ne pas me tenir sur les jambes, et tout à fait incapable de travailler, je rouvre mon testament et m’amuse à laisser des bibelots de souvenir, aux gens que j’aime sur la terre. […] Et il laisse échapper, sur la note d’une profonde tristesse : « Au fond, je ne referai plus jamais un roman qui remuera comme L’Assommoir, un roman qui se vendra comme Nana !  […] Et là-dessus, Zola laisse percer son ennui de ne pouvoir se faire jouer, disant que le roman ne l’intéresse plus, que c’est toujours la même chose, à moins de découvrir une forme nouvelle. […] Samedi 30 décembre Au milieu de la gaieté et du tapage des conversations, Nittis adossé à son bureau du fond de l’atelier, me dit dans sa jolie langue enfantine, sur une note mélancolique : « Oh, quand on a passé la première jeunesse… quand il n’y a plus dans les veines, un certain bouillonnement du sang… la vie, ce n’est plus guère attachant… et moi encore tout enfant — j’avais dix ans — j’ai entendu : « Il y a un « monsieur qui s’est tué… » c’était de mon père qu’il s’agissait… vous concevez la vie fermée que ça m’a fait là-bas… deuil et solitude… et des notions tout élémentaires… lire et écrire : ç’a été tout… le reste c’est moi qui me le suis donné… je me suis entièrement formé par la réflexion solitaire… cela m’a laissé une naïveté… et vous concevez que dans la société actuelle cette naïveté… » Nittis ne finit pas sa phrase.

2254. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Mariéton, Paul (1862-1911) »

Il se laisse aller à un courant de vague et douce tristesse, il s’absorbe dans des pensers amers, parce qu’une image de femme revient se dresser devant lui… Nous retrouvons, chez M. 

2255. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Des Rieux, Lionel (1870-1915) »

Il s’y affirme poète délicat, et j’estime que les Amours de Lyristès brillent d’un éclat assez limpide pour laisser juger de la conscience et de la fantaisie de celui qui les enchâssa dans un écrin de rimes futiles.

2256. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 176-177

Quand on n'est pas animé de cette chaleur vive & continue qui est l'ame de la vraie éloquence, il vaut mieux ne pas écrire, que de prétendre y suppléer par des éclairs momentanés, qui ne font que mieux sentir les ténebres & la froideur où nous laisse leur apparition passagere.

2257. (1913) Le bovarysme « Avertissement »

Il résulte de cette croyance que toute constatation de fait tend, en langage humain, à se formuler en règle morale ; car l’illusion engendrée par le reflet de l’activité dans la conscience est si forte qu’elle domine les formes du langage et qu’elle a laissé dans les mots son empreinte.

2258. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Tour » p. 223

Il dit un jour à monseigneur le Dauphin qui lui paraissait mal instruit d’une affaire qu’il lui avait recommandée : Voilà comme vous vous laissez toujours tromper par des fripons, vous autres.

2259. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Belle » p. 127

Ceux qui ont été assez bêtes pour aller demander à Belle un morceau de cette importance seront vraisemblablement assez bêtes pour admirer sa besogne ; laissons-les s’extasier en paix, ils sont heureux, peut-être plus heureux devant le barbouillage de Belle, que vous et moi devant le chef-d’œuvre du Guide et du Titien. — C’est un mauvais rôle que celui d’ouvrir les yeux à un amant sur les défauts de sa maîtresse ; jouissons plutôt du ridicule de son ivresse.

2260. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome II

Le savant viennois n’en mérite pas moins notre reconnaissance pour avoir attiré l’attention des éducateurs sur un domaine qu’une fausse pudeur a trop longtemps laissé dans l’ombre. […] Mais cette mutilation — car c’en est une que de refuser tout sens humain à la vie humaine — le laissait désespéré. […] La chute de deux monarchies, celle de Charles X, puis de Louis-Philippe, a laissé leurs tenants à la fois fidèles et dénués d’espérance. […] Ainsi cet autre discours où il célèbre la légende de terreur laissée par les Huns. […] La véracité des mémorialistes qui laissent après eux simplement un journal intime n’est pas plus certaine.

2261. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXII » pp. 131-132

Allusion à un article de Revue, la Ruche populaire (octobre 1843), dans lequel il était raconté qu’un père de famille, ouvrier, après avoir entendu lire tout haut le soir, à la veillée, par un de ses fils, le chapitre du Lapidaire, dans les Mystères de Paris, s’était écrié, en déguisant mal son émotion (il ne voulait pas laisser voir qu’il pleurait) : « Eh bien !

2262. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aurier, Georges-Albert (1865-1892) »

Il ne fut jamais un chercheur de pierres précieuses ; il sertissait celles qu’il avait sous la main, plus soucieux de leur mise en valeur que de leur rareté ; mais, pêcheur de perles, il le fut aussi trop peu, et, trop confiant en sa force improvisatrice, il laissa, même en des morceaux jugés par lui définitifs, échapper des à peu près et des erreurs.

2263. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Delarue-Mardrus, Lucie (1874-1945) »

Épictète, et elle ne s’est pas enfermée en une doctrine immuable, mais au cours des saisons et des heures — les saisons et les heures de toute une jeunesse — elle a chanté son émotion immédiate, tout en demeurant maîtresse absolue de sa volonté en présence du monde ; elle sait qu’une âme humaine, dans la fiction qu’elle se crée des êtres et des formes, est la principale collaboratrice, et que le véritable mystère est en elle, non dans les choses… Si elle se laisse attrister par les présages de mort épars dans les bois et dans le ciel d’automne, c’est qu’elle y aura consenti, et elle ne sera point l’esclave même du Beau, ayant écrit ce vers doré : Tâche d’aimer le Beau sans être son amant.

2264. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guimberteau, Léonce »

Il n’est pas un poète positiviste ; il appartient à une autre doctrine et avec une trop forte conviction pour se laisser accaparer.

2265. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nolhac, Pierre de (1859-1936) »

Gustave Larroumet Ce poète a regardé la nature française et italienne avec cette sorte de mélancolie que donne l’étude de l’histoire ; à vivre avec les morts, on aime d’autant plus les vivants, mais on contracte comme une tristesse reconnaissante qui, dans les choses du présent, fait toujours leur part à ceux qui y ont laissé-leur trace, en y imprimant une beauté matérielle ou morale dont ils ne jouissaient plus… Vous trouverez encore dans ces vers de lettré et d’artiste de curieux essais métriques.

2266. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Raymond, Louis (1869-1928) »

Et de l’emploi de ce moule sévère, indispensable au début, il a gardé l’habitude d’enserrer la pensée dans une forme étroite et exacte, de ne point se laisser aller, comme y invite le vers libre, à ajouter au thème principal des ornements inutiles.

2267. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — V — Valade, Léon (1841-1884) »

Il n’a jamais cherché la renommée ; on pourrait presque dire qu’il l’a fuie ; et peut-être, cependant, tel qui a fait tout d’abord un gros tapage autour de son nom laissera-t-il, après lui, beaucoup moins que ce poète.

2268. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 183-184

Plusieurs morceaux de ses Poésies font juger qu’il étoit né Poëte, & qu’il auroit pu laisser d’excellens Ouvrages, si, se livrant moins à sa facilité, il l’eût assujettie aux regles du goût.

2269. (1759) Salon de 1759 « Salon de 1759 — Carle Van Loo » pp. 92-93

L’imbécile tire son épée contre une magicienne qui s’envole dans les airs, qui est hors de sa portée et qui laisse à ses pieds ses enfants égorgés.

2270. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Amédée Vanloo » p. 218

On laisse là le prédicateur, le pape, le reste de l’auditoire, et on ne regarde que ce prélat.

2271. (1922) Le stupide XIXe siècle, exposé des insanités meurtrières qui se sont abattues sur la France depuis 130 ans, 1789-1919

Mais, pour le coup, laissez-nous les curés, à condition qu’ils soient démocrates  Et comment s’assurera-t-on qu’ils le sont ? […] Le peuple français s’est laissé imposer le parlementarisme par ignorance, et il continue à le subir par inertie. […] Je laisse de côté la question d’hygiène. […] Il institue ainsi un faux Sublime, auquel la foule se laisse prendre, et qui perturbe le goût public. […] Elle se donna libre carrière avec les laissés pour compte du transformisme.

2272. (1853) Portraits littéraires. Tome II (3e éd.) pp. 59-300

Lues à haute voix, elles emplissent les oreilles, mais laissent l’âme indifférente. […] Sue, Nazelles est donc un ressort utile ; mais l’action pouvait très bien se passer de ce ressort, et l’absence de Nazelles n’eût laissé aucune lacune. […] Nous laissons à M.  […] Ils l’ont laissé au milieu de ses marionnettes dorées, et n’ont pas essayé de troubler le triomphe passager que lui décernait la multitude ignorante. […] S’il a écrit des odes, il laisse bien loin derrière lui Pindare et David ; il concilie, par un privilège inattendu, la pureté grecque et la hardiesse hébraïque.

2273. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Girardin, Delphine de (1804-1855) »

ne semblait-il pas qu’elle l’avait inventé, qu’elle en était la souveraine maîtresse et que, par pure bonté d’âme, elle en dispensait à ses amis la part qu’elle voulait bien leur laisser, sans toutefois appauvrir son rare et fabuleux trésor ?

2274. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Tellier, Jules (1863-1889) »

Anatole France Il laisse des vers, dont quelques-uns seront placés dans les anthologies, à côté de ceux de Frédéric Plessis, qu’il admirait.

2275. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 175-177

Nous userons de la même liberté à son égard, & nous ne craindrons pas de dire qu’il auroit dû laisser aux autres Ecrivains le soin de parler de lui.

2276. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 63-64

Son Histoire de Louis XIV, toute médiocre qu'elle est, n'a pas laissé d'avoir beaucoup de cours, parce que nous n'en avons pas encore de meilleure.

2277. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — III. La tête de mort »

Les gens ont rapporté cette conversation au chef qui a dit : « Il faut laisser libre le nouveau venu ».

2278. (1929) La société des grands esprits

-C.), qui lui a laissé son nom. […] Laissons cette uchronie, comme disait Renouvier. […] N’éprouvait-il donc aucun plaisir à la laisser au moins transparaître, et souvent à la proclamer tout net ? […] L’ennui dont il se plaint, ou se vante, n’y a certes pas laissé son empreinte. […] À vrai dire, la perspective ne laisse pas d’inquiéter un peu.

2279. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre III. Ben Jonson. » pp. 98-162

C’est là tout son artifice : les laisser faire. […] Laissez-nous passer !  […] Ô fils du soleil, Plus brillant que ton père, laisse-moi te baiser Avec adoration, toi et tous ces trésors, Reliques sacrées de cette chambre bénite139. […] Mais ne vous laissez pas prévenir. […] Laissez-la se développer dans son entier comme elle y aspire173, et vous verrez qu’elle est par essence une image active et complète, une vision qui traîne avec soi tout un cortége de rêves et de sensations, qui grandit d’elle-même, tout d’un coup, par une sorte de végétation pullulante et absorbante, et qui finit par posséder, ébranler, épuiser l’homme tout entier.

2280. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 avril 1885. »

le peuple le bafoue, le chasse ; le peuple entend la voix du poète, et l’acclame, triomphalement… Beckmesser, pourtant, est satisfait ; dans un mémoire pour l’Institut, il a prouvé la folie de Walther ; et Pogner, par déférence, lui a laissé la dot d’Eva. […] Or, ces symboles recouvrent des vérités divines que la religion doit laisser cachées, mais qui doivent être interprétées à tous par le moyen de l’art. […] Weber, sérieux, juste et avisé critique, a-t-il traduit ces essais de plaisanteries, bons mots délaissés par le Tam-Tam ; pas une observation : louanges et blâmes de collégien ; nulle intelligence de l’œuvre, ni des sujets, ni de la musique, ni des vers, ni de la représentation… L’auteur est, surtout en les derniers chapitres, favorable à Richard Wagner ; les articles sur Parsifal et la mort de Wagner laissent voir une admiration que l’auteur tâche à dissimuler par un ton badin ; il faut donc mettre son livre au rang des ouvrages pour Richard Wagner : cela importe peu. […] L’imitation ne fait pas le wagnériste mais la compréhension… Cette définition laisse rêveur. […] On pourrait proposer une autre lecture mais Dujardin ne s’intéresse qu’aux éléments esthétiques et laisse de côté les écrits de critique et de circonstance.

2281. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

, pour plaire à leurs maîtres qui étaient des soldats, ont laissé la comédie, et la tragédie, et le carmen saltare, et même le carmen seculare, pour raconter uniquement les sièges, les batailles, les villes prises et renversées, les traités violés et rompus. […] Mais laissez venir les années et les chagrins ; que votre tête soit moins touffue et moins noire ou moins blonde, que votre regard soit moins limpide, votre cœur moins honnête et votre espérance moins vaste et plus lointaine, alors nous saurons si, en effet, c’est l’art qui vous pousse et vous guide au-delà de cet horizon que vous appelez l’infini ! […] À ces bruits avant-coureurs du bruit des couronnes brisées et des têtes qui tombent, les grands seigneurs et les belles dames s’imaginaient que c’était tout simplement un coup de tonnerre qui les venait surprendre : « Allons, disaient-ils en se séparant, allons voir aujourd’hui ce qui se passe à l’assemblée des notables, nous reprendrons demain la conversation où nous l’avons laissée. » Ah ! […] C’est l’histoire et c’est le conte des amoureux qui se séparent, l’homme et la femme bien décidés à ne pas se revoir, mais chacun d’eux voulant laisser à son complice, la meilleure idée de son esprit et de sa personne. […] Jamais son esprit n’avait été plus ingénieux, plus alerte ; jamais son regard n’avait pétillé de plus de vivacité et de malice. — Elle tenait à bien mourir, elle tenait à être pleurée, elle s’attachait, de toutes ses forces, à ce sillon lumineux que laissait après elle cette gloire élégante !

2282. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Appendices » pp. 235-309

Pourvu qu’on affuble de noms historiques même les personnages les plus fantaisistes, le public peu cultivé croira à leur réalité, puisque souvent il croit même à celle de personnages totalement obscurs ; inversement le public cultivé sera toujours plus sensible à la vraisemblance psychologique qu’à l’authenticité bien établie d’un fait invraisemblable ; Corneille a beau déployer son érudition, Rodogune nous laisse froids. — Que signifie cette obligation que, de nos jours encore, on prétend imposer aux poètes, de respecter la vérité historique ? […] Voyez plutôt comme tout se tient : quand les actes sont séparés par un certain laps de temps, et que l’action se déroule, forcément, dans des milieux divers, on ne saurait passer d’un acte à l’autre comme on passe, dans un roman, d’un chapitre à l’autre, en tournant une page ; il faut laisser aux machinistes le temps de remplacer un intérieur parisien par une plage de la côte d’Azur ; il faut permettre à l’héroïne de changer de toilette et de coiffure, et au héros de se vieillir un peu. […] Je laisse de côté ses premières pièces, toutes pleines encore de lyrisme et d’épopée, pour examiner ses douze drames. […] Laissons ces gens-là, ils n’existent pas pour nous. […] Laissez cette force agir, créer, s’emballer mime, et votre œuvre d’art aura atteint le maximum d’effet.

2283. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Discours sur le système et la vie de Vico » pp. -

C’était, dit l’éditeur des opuscules de Vico, auquel un fils du grand homme a transmis ces détails, c’était un spectacle touchant de voir le philosophe jouer avec ses filles aux heures que lui laissaient d’ennuyeux devoirs. […] Le duc de Traetto, Adrien Caraffe, le pria de se charger d’écrire la vie du maréchal Antoine Caraffe, son oncle, d’après les Mémoires qu’il avait laissés. […] Dans une situation si pénible, il ne laissait échapper aucune plainte. […] Les deux partis s’obstinant, la congrégation se retira et laissa le cadavre. […] Vico n’a point laissé d’école ; aucun philosophe italien n’a saisi son esprit dans tout le siècle dernier ; mais un assez grand nombre d’écrivains ont développé quelques-unes de ses idées.

2284. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Les écrits de Lamennais nous renvoient éblouis et contristés ; Joseph de Maistre, après une première et vive résistance, nous laisse pour toujours avertis et fortifiés. […] Plus d’une pièce nous donne, au lieu du poète lui-même, l’image flatteuse qu’il veut nous laisser de lui. […] On ne connaîtrait ni toute la hauteur, ni certaines grâces exquises de l’art des vers au dix-neuvième siècle, si l’on n’avait pas lu Moïse, Éloa, et surtout la Colère de Samson, où, dans un cadre plus restreint, les beautés pressées laissent à peine voir quelques légères taches voulues ou non évitées. […] Ce que le poète, dans ces prouesses d’art pur, laisse échapper de sentiments délicats et d’aperçus fins sur la vie morale, fait regretter qu’il n’ait pas eu plus souvent besoin de tourner du dehors au dedans un œil qui voit si bien, et qu’il ait semblé parfois se servir de l’art, comme les Orientaux de l’opium, pour se dérober aux souffrances de la pensée.

2285. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Taine a laissé une méthode d’histoire scientifique qui est à retenir. […] En revanche, si on n’est jamais surpris chez lui par les nouveautés, ses paradoxes ne laissent pas souvent d’étonner. […] Il finissait par vous laisser entendre ceci : « Vous savez, c’est mon ami Hayashi qui m’a donné des notes sur l’art japonais. […] Flaubert est peut-être responsable de certains livres d’Huysmans qui, dans Les Sœurs Vatard, laissait voir des dispositions moins pessimistes ; et c’est de lui que Maupassant tient cette phrase carrée, sans pénombre, comme ce dégoût et ce mépris des êtres qui rendent si douloureuse son œuvre.

2286. (1902) La métaphysique positiviste. Revue des Deux Mondes

Non sibi res sed se rebus… ils ont laissé leurs principes produire d’eux-mêmes leurs conséquences. […] Imitons donc plutôt Auguste Comte, et puisque tout se passe, et se passera toujours comme si le monde extérieur était ce que nous croyons qu’il est, laissons la question de son objectivité, après nous en être assurés, aux méditations des dilettanti de la philosophie. […] V En attendant, ce que je voudrais que l’on eût vu dans la présente étude, c’est qu’il y a une « Métaphysique positiviste » ; que cette métaphysique n’est pas dans le positivisme une superfétation de la doctrine ; et que, si ces deux mots de « Métaphysique » et de « Positivisme » se contredisent, les idées qu’ils expriment ou les choses qu’ils représentent ne laissent pourtant pas de se concilier. […] Ne terminons donc pas avant d’avoir indiqué un autre et dernier avantage de la méthode positiviste, bien comprise, et suivie jusqu’au bout de sa course, lequel est de laisser, tout le long de sa route, des questions ouvertes, parce qu’en effet, elle contient en elle tout ce qu’il faut pour se corriger ou se redresser.

2287. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Bientôt j’ai prévu qu’envahis par une horde de barbares (passez-moi le mot) ils ne laisseraient plus approcher de leur théâtre le bon goût, l’esprit et la raison. […] Aussi ne craignent-elles pas de suivre certaines représentations d’où, après avoir été obligées de rougir du regard malin de certains hommes, elles remportent au moins dans leur intérieur des souvenirs qui ne laissent pas d’avoir quelques charmes. […] Je souhaite alors, Monsieur, qu’éclairé par mes bons avis, vous fournissiez une carrière théâtrale qui ne vous laisse, comme à moi, aucun reproche à vous faire. […] On fit d’abord quelques difficultés de le laisser jouer ; je triomphai de cet obstacle en en faisant une lecture chez le ministre en présence de M. 

2288. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXV » pp. 299-300

Mérimée l’a certainement été ; on n’a jamais mieux réussi à l’Académie, en étant moins académique ; il n’a fait aucune concession au genre et il en a triomphé ; il est resté dans sa propre manière, avec son genre d’esquisse précise, voisine du fait, son ironie contenue, sa fine raillerie qui ne sourit pas, mais dont le public n’a rien laissé échapper.

2289. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — III. Un dernier mot sur M. de Talleyrand »

Sainte-Beuve s’entretenait par lettres de tout sujet, mais surtout du cardinal de Retz, me laisse copier, dans une lettre de M. 

2290. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trimouillat, Pierre (1858-1929) »

Il se laisse rarement tenter par le fait divers de l’actualité, préférant employer son talent à la critique des choses moins éphémères.

2291. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Préface de la seconde édition »

Le désir du mieux, quand il ne mène pas tout simplement au bien, n’est que la tentation de se laisser aller à ce que les peintres appellent empâter les couleurs, ce qui est proprement charger de fard un visage où l’on n’a pas su mettre la vie.

2292. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 142-143

Toujours vertueux par systême, Coupable trop souvent, mais par fragilité, Du moins, lorsque d’Aaron j’entends la voix suprême, Fidele Israélite, & m’oubliant moi-même, De ma folle raison j’abaisse la fierté, Et laisse captiver devant un diadême Mon impuissante liberté.

2293. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire de la maison royale de Saint-Cyr, par M. Théophile Lavallée. » pp. 473-494

Son Histoire des Français depuis le temps des Gaulois jusqu’en 1830, arrivée à la neuvième édition, présente en quatre volumes l’abrégé le plus succinct et le plus substantiel de nos annales ; l’esprit exact de l’auteur a su réduire tous les faits dans ce court espace sans rien laisser échapper d’important ni de saillant, et, mérite rare ! […] Mme de Maintenon, toute gagnée qu’elle était par eux, reconnaissait avec son bon sens qu’il fallait y remédier et ne pas laisser abonder dans cette veine de jeunes et tendres esprits dont quelques-uns avaient commencé à s’éprendre. […] S’il est pénible, comme elle l’a dit, de durer trop longtemps, de vivre dans le monde avec des gens de qui l’on n’est pas connu, qui n’ont point été de la vie qu’on a menée autrefois, qui sont en un mot d’un autre siècle, il est très agréable dans la retraite, et sur le banc d’un jardin, de se retrouver devant des âmes toutes neuves et toutes fraîches, qui sont dociles à se laisser former et avides de tout ce que vous leur dites.

2294. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — I. » pp. 413-433

Ainsi, dans les manuscrits considérables qu’il a laissés, et qui se rapportent à ces premières années, je trouve un Essai sur le théâtre espagnol, dans lequel il discute posément et en connaissance de cause les prétentions du théâtre espagnol comparé au nôtre. […] Nous le laisserons marcher d’un pied sûr dans cette haute carrière administrative, pour le considérer dans ses dernières productions littéraires avant l’Empire et sous le Consulat. […] De même dans cette épître (« Hoc erat in votis… ») qu’il rend d’ailleurs avec sentiment, dans le morceau célèbre sur le bonheur des champs, il ose bien nommer la fève que le poète devenu campagnard sert sur sa table, mais il recule devant ces petits légumes assaisonnés de fin lard, et dont Horace nous laisse arriver le fumet : Uncta satis pingui ponentur oluscula lardo ; et il dit en échange : Quand verrai-je ma table offrir du lait, des fleurs !

2295. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Madame Dacier. — I. » pp. 473-493

Mais laissons de côté ces droits qui sont une expression fâcheuse et qui rappellent trop qu’au nom des Droits de la femme il s’est fait des insurrections aussi, des manifestations comme au nom des Droits de l’homme. […] Et, en effet, ces faux romans de Cyrus, de Clélie, depuis longtemps tombés et surannés, avaient laissé pourtant dans le goût public je ne sais quelle fadeur galante qui se portait partout autre part que vers les poèmes sévères. […] Elle entrait dans toutes mes occupations ; elle me déterminait souvent dans mes doutes ; souvent même elle m’éclairait par des traits qu’un sentiment vif et délicat laissait échapper.

2296. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Vie de Maupertuis, par La Beaumelle. Ouvrage posthume » pp. 86-106

Toutefois il y a aussi, par endroits, bien de l’esprit dans l’altération, et les plus avisés, s’ils n’étaient prévenus, pourraient s’y laisser prendre, et dire à quelques passages : « Voyez comme ce Frédéric pense noblement, royalement !  […] C’est une raison pour pleurer, mais rien ne vous justifierait si vous vous laissiez abattre. […]  » Ce retour, à peine indiqué, de Frédéric sur son père si cruel pour lui, cette allusion, s’il l’avait faite réellement, serait touchante ; mais, dans le vrai, Frédéric était trop roi pour laisser voir à personne qu’il se plaignait de son père, et surtout pour l’écrire.

2297. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Madame Swetchine. Sa vie et ses œuvres, publiées par M. de Falloux. »

Ces lettres de la jeunesse de Mme Swetchine nous révèlent une âme ardente, impétueuse, que la difficulté, l’âpreté même de l’effort moral tente et convie, et qui ne s’est jetée vers Dieu avec tant de passion que de peur de se laisser prendre trop vivement aux choses de la terre. […] Une parfaite latitude nous est laissée à cet égard par la Religion ; et l’assentiment, ou plutôt le pressentiment universel (de toutes les preuves de sentiment la plus forte) semble le garantir comme fondé. […] Elle partit seule, alla plaider auprès du czar la cause deson vieux mari, traversa le Nord par la saison la plusrigoureuse, et dans un état de santé déplorable, sans un murmure, sans une plainte : une lettre d’elle, admirable de sentiment (tome I, page 377), témoigne de ses dispositions morales, de sa résignation au devoir, de sa soumission prête à se laisser conduire jusqu’aux dernières conséquences : elle eût tout quitté, Paris et son monde, s’il l’avait fallu et si le czar avait maintenu son arrêt, pour aller habiter dans quelque ville obscure de la Russie, à côté du triste et taciturne exilé.

2298. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Merlin de Thionville et la Chartreuse du Val-Saint-Pierre. »

La plaidoirie donnerait lieu à bien des remarques ; elle est animée, chaleureuse, mais trop mêlée de digressions, de théories et d’hypothèses historiques des plus hasardées ; le portrait nous laisse, au contraire, une impression fidèle et assez favorable malgré ses taches. […] Ennemi déclaré des formes religieuses et de tout emblème, il aurait même voulu anéantir jusqu’aux traces d’un passé odieux, faire table rase sur le sol de la France et ne rien laisser debout de tous les monuments que l'art et la science historique, au défaut de la foi, conservent et vénèrent ; il était de la bande noire en cela. […] Je ne saurais dire quel effet cette idée lugubre produisit sur mon cœur : une sueur froide me couvrit le front ; je me hâtai de rentrer dans mon appartement et me jetai tout habillé sur mon lit : loin d’être disposé au sommeil, les réflexions les plus accablantes se succédaient en moi jusqu’à m’effrayer, et je ne fus délivré de mon angoisse que lorsque mon domestique entra dans ma chambre. » Et désormais, chaque fois que, lui montrant sa charge commode en perspective, dom Effinger essayait de le ramener à l’idée de vie claustrale et de vœux, « l’image de ces moines, qui avaient consumé leur inutile existence à user avec leurs sandales et les manches de leurs robes les pierres de ce cloître, se dressait devant son imagination effrayée. » Sa passion pour la jeune personne qu’il espérait toujours revoir ne laissait pas d’être aussi un préservatif.

2299. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Œuvres inédites de F. de La Mennais »

Et en effet, toute sa vie devait être une longue escrime… » Pendant un séjour à la campagne, dans un château près de Sézanne, en 1837, La Mennais, causant en toute liberté, se plaisait à revenir sur ses commencements, sur les souvenirs contrastés de sa jeunesse, et voici en quels termes le jeune précepteur des enfants de la maison a résumé l’impression vivante que lui avaient laissée ces entretiens : « C’est le matin qu’il était le plus communicatif. […] C’est pourtant par l’attachement qu’il m’inspire que je me suis laissé entraîner à le morigéner. » Rapprocher ainsi ces témoignages à la fois distants et convergents, c’est faire toucher du doigt les points et les nœuds essentiels. […] Son étude elle-même, dans sa direction habituelle, est presque toute tournée à la théologie, aux citations des Pères : à peine Virgile et Horace se laissent-ils quelquefois deviner à travers cette sombre culture ; M. de La Mennais lisait le latin, mais il était peu capable de l’écrire ; il l’avait appris solitairement et ne s’était formé à aucun des exercices qui, ne fussent-ils bons à autre chose, disposent du moins à apprécier, à goûter avec justesse la belle fleur de l’antiquité109.

2300. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

Ses lumières qui étaient grandes le laissaient froid. […] Je laisserai sir Henry Bulwer aux prises avec M.  […] Sans prévoir rien de ce que l’on fera, je crains que, malgré notre apathie, on ne nous lance dans les grandes aventures de révolution, si l’on se laisse aller à la tentation de la censure.

2301. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — M. de Sénancour, en 1832 »

On peut trouver à redire au pêle-mêle, désirer plus de discernement dans cette pêche miraculeuse de chaque matin, demander trêve pour les plus jeunes, qui ont besoin d’attendre et de grandir, pour les plus mûrs, dont cette impatience puérile interrompt souvent la lenteur fécondante ; mais enfin il semble qu’au prix de quelques inconvénients on obtient au moins cet avantage de ne rien laisser échapper qui mérite le regard. […] Il ne faudrait pas se laisser plus loin guider par Oberman pour les faits matériels qui suivent dans la vie de notre philosophe ; mais les faits matériels connus peuvent au contraire diriger le lecteur dans l’intelligence d’Oberman. […] Austère, scrupuleux en morale, dépourvu d’une jeunesse entraînante, dévoré d’une sensibilité vague qu’il désespérait de fixer sur un choix enchanté, désireux avant tout de s’asseoir dans une existence indépendante et rurale, M. de Sénancour se laissa dire, et se crut délicatement engagé : on peut saisir quelques traits de ces circonstances personnelles sous l’histoire de Fonsalbe, au tome second d’Oberman.

2302. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. (Les Pleurs, poésies nouvelles. — Une Raillerie de l’Amour, roman.) » pp. 91-114

Mais comme élégies passionnées, comme éclats de cœur et élancements d’amante, les premiers volumes de Mme Valmore ne nous laissent que l’embarras de choisir et de citer. […] « Ma mère, imprudente et courageuse, se laissa envahir par l’espérance de rétablir sa maison en allant en Amérique trouver une parente qui était devenue riche. […] Telle est parmi nous la situation des femmes, et, malgré l’exception qu’a formée le nouveau récipiendaire de l’Académie, je crois que, généralement parlant, il est vrai de dire que, pour atteindre maintenant au degré d’intérêt dont elle est susceptible, l’Élégie doit parler par la bouche des femmes, ou du moins en leur nom ; elles seules, dit-on, savent donner de la grâce aux passions malheureuses : en vérité, on peut leur laisser cet avantage-là. » Nulle femme ne se trouva plus que Mme Valmore dans la situation supposée par Mme Guizot, et aucun poëte élégiaque n’a tiré en effet de son cœur des accents plus plaintifs et plus déchirants.

2303. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

malheur à celui qui laisse la débauche Planter le premier clou sous sa mamelle gauche. […] Il est fâcheux toutefois que la conception morale ne soit pas embrassée en entier ni poussée à bout ; que le chœur qui débute si magnifiquement se taise bientôt, et nous laisse retomber dans l’incertitude inex tricable des apparences. […] Éclectiques, romantiques, doctrinaires, républicains ou monarchistes ; systématiques de tout bord et de toute conviction, il les a laissés dire ; il n’en a repoussé ni épousé aucun, se taisant, n’écoutant pas toujours, s’abstenant d’avoir là-dessus le moindre avis ; mais il relisait de temps à autre le Prince de Machiavel, qui lui semblait une œuvre solide à méditer ; il relisait l’Art poétique d’Horace, pour y rctiouver quelques détails sur les procédés scéniques des anciens, ou les Confessions de saint Augustin, pour y voir comment un jour le saint prit goût, malgré lui, aux jeux du cirque.

2304. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « QUELQUES VÉRITÉS SUR LA SITUATION EN LITTÉRATURE. » pp. 415-441

Leur absence dans la critique littéraire n’a pas peu contribué à rompre toute tradition, à laisser le champ libre à l’industrialisme et à tous les genres de cupidités et de prétentions. […] Une plaie moins matérielle, et en même temps plus saisissable, plus ostensible, qui tient de près à l’ambition personnelle des hommes de talent et à leur prétention d’être chacun un roi absolu, c’est la façon dont ils s’entourent, dont ils se laissent entourer. […] Et pourtant cela ne laisse pas d’être agréable ; car, en ces choses d’amoureux désir, l’espérance a plus de douceur encore que la réalité. » Mais comme ces Grecs, dans leur malice même, s’arrêtent naturellement à la grâce !

2305. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Boileau »

On le mit bientôt au collège, où il achevait sa quatrième, lorsqu’il fut attaqué de la pierre ; il fallut le tailler, et l’opération faite en apparence avec succès lui laissa cependant pour le reste de sa vie une très-grande incommodité. […] Mais ces accidents champêtres, et toujours et avant tout ingénieux, sont rares chez Boileau, et ils le devinrent de plus en plus avec l’Age. — Puisque nous en sommes à ce détail, ne laissons pas de remarquer encore que la fontaine Polycrècne, dont il est question dans la même épître et qui arrose la vallée de Saint-Chéron, près de Bàville, fontaine chantée en latin par tous les doctes et les beaux-esprits du temps, Rapin, Huet, etc., est restée connue dans le pays sous le nom de fontaine de Boileau. […] S’adressant à l’esprit et faite avant tout pour lui figurer l’idée, elle peut sur quelques points laisser l’idée elle-même apparaître dans les intervalles de l’image.

2306. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Si vous n’avez pas acquis une idée de plus par la cause même de votre impression, si la tragédie qui vous a fait pleurer ne laisse après elle ni le souvenir d’une observation morale, ni celui d’une situation nouvelle tirée du mouvement même des passions, l’émotion qu’elle excite en vous est un plaisir plus innocent que le combat des gladiateurs ; mais cette émotion n’agrandit pas davantage la pensée et le sentiment. […] Le déchaînement des passions qu’amènent les troubles civils, ne laisse subsister qu’une seule curiosité, celle que font éprouver les écrits qui pénètrent dans les pensées et dans les sentiments de l’homme, ou servent à vous faire connaître la force et la direction de la multitude. […] Le dégoût de l’existence, quand il ne porte pas au découragement, quand il laisse subsister une belle inconséquence, l’amour de la gloire, le dégoût de l’existence peut inspirer de grandes beautés de sentiment ; c’est d’une certaine hauteur que tout se contemple ; c’est avec une teinte forte que tout se peint.

2307. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

Il est symboliste dans la réalisation de son œuvre lorsque, sous des aspects variés d’opposition et d’analogie, il exprime la signification des formes par ces formes elles-mêmes en présentant celles-ci sous une certaine clarté qui en laisse deviner le sens caché. […] Je disais que l’œuvre symbolique exprime la signification des formes par ces formes elles-mêmes, en les présentant sous une certaine clarté qui en laisse deviner le sens caché. […] Au contraire, le livre une fois lu, le tableau dûment examiné, le bas-relief compris, ne contiennent plus d’énigme ; ils ne nous laissent plus songer et sont désormais pour nous l’image connue d’une idée connue.

2308. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame de La Tour-Franqueville et Jean-Jacques Rousseau. » pp. 63-84

Tout grand poète, tout grand romancier a son cortège d’admirateurs, et surtout de femmes, qui l’exaltent, qui l’entourent, qui le chérissent, qui se sacrifieraient de grand cœur à lui, et (je leur en demande bien pardon) qui, si on les laissait faire, l’auraient, sans le vouloir, bientôt mis en pièces comme Orphée. […] Je ne sais si les personnes du xviie  siècle avaient, plus ou moins de toutes ces choses ; mais en général elles n’en disaient rien elles-mêmes, et cela est plus agréable, plus convenable en effet, soit qu’il vaille mieux ne pas afficher ce qui manque, soit qu’il y ait bon goût en ceci et bonne grâce à laisser découvrir aux autres ce qu’on a. […] Elle aspira à se faire une place et à laisser une empreinte dans son cœur, sans y parvenir ; mais que du moins son nom reste attaché à la renommée de celui qui si souvent la repoussa, et à qui elle se dévoua sans murmure ; qu’il lui soit donné (seule consolation qu’elle eût choisie) de vivre à jamais, comme une suivante, dans sa gloire !

2309. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

Mme de Tencin remuait ciel et terre pour faire de son frère un Premier ministre : Mme Geoffrin laissa de côté la politique, ne s’immisça jamais dans les choses de religion, et, par son art infini, par son esprit de suite et de conduite, elle devint elle-même une sorte d’habile administrateur et presque un grand ministre de la société, un de ces ministres d’autant plus influents qu’ils sont moins en titre et plus permanents. […] On en riait, on en plaisantait avec elle-même, et l’on se soumettait à ce régime qui ne laissait pas d’être assez étroit et exigeant, mais qui était tempéré de tant de bonté et de bienfaisance. […] Elle avait fait graver sur ses jetons cette maxime : « L’économie est la source de l’indépendance et de la liberté. » Et cette autre : « Il ne faut pas laisser croître l’herbe sur le chemin de l’amitié. » Son esprit était de ces esprits fins dont Pascal a parlé, qui sont accoutumés à juger au premier abord et tout d’une vue, et qui ne reviennent guère à ce qu’ils ont une fois manqué.

2310. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Diderot. (Étude sur Diderot, par M. Bersot, 1851. — Œuvres choisies de Diderot, avec Notice, par M. Génin, 1847.) » pp. 293-313

J’ai été forcé toute ma vie de suivre des occupations auxquelles je n’étais pas propre, et de laisser de côté celles où j’étais appelé par mon goût… Je ne sais s’il ne s’abusait point en parlant ainsi, et si cette diversité d’objets sans cesse renaissants n’était point selon ses goûts mêmes. […] Pourtant de tels discoureurs, quand ils sont comme lui imbus de leur sujet, pénétrés d’un vif sentiment de l’art et des choses dont ils parlent, sont utiles en même temps qu’intéressants : ils vous conduisent, ils vous font faire attention, et tandis qu’on les suit, qu’on les écoute, qu’on en prend avec eux et qu’on en laisse, le sens de la forme et de la couleur, si l’on en est doué, s’éveille en nous, se fait et s’aiguise : on devient insensiblement bon juge à son tour et connaisseur, par des raisons secrètes qu’on ne saurait dire et que la parole n’atteint pas. […] Dis-nous combien de ce temps as-tu laissé ravir par un créancier, par une maîtresse, par un patron, par un client… Combien de gens n’ont-ils pas mis ta vie au pillage, quand, toi, tu ne sentais même pas ce que tu perdais !

2311. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Jasmin. (Troisième volume de ses Poésies.) (1851.) » pp. 309-329

Jasmin y laisse voir un des principaux traits de son talent : il a la gaieté sensible, et, même quand il pleure, on voit rire toujours dans ses larmes un rayon de soleil. […] Je livre aux hommes compétents la définition pour ce qu’elle vaut, et je leur laisse le soin de la dégager ou de la modifier. […] Laissons de côté les improvisations obligées et les compliments en madrigaux qu’il est obligé de répandre sur son chemin, en retour de chaque hommage et de chaque hospitalité triomphale qu’il reçoit : lui-même il se juge sur ce point aussi sévèrement qu’on pourrait le faire, et quand la reconnaissance chez lui est sérieuse, il demande du temps et du recueillement pour l’exprimer : « On n’acquitte pas, dit-il, une dette poétique avec des impromptus ; les impromptus peuvent être la bonne monnaie du cœur, mais ils sont presque toujours la mauvaise monnaie de la poésie. » Prenons donc Jasmin par ses côtés charmants et sérieux, tout à fait durables.

2312. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

La justice est un combat. » Mais souvent, tout en contraignant les hommes, il est bon de leur laisser croire qu’on les a persuadés. […] Mais, à côté de ces travers tout à fait désagréables du dialecticien, on aime à dégager de belles et justes pensées comme celle-ci, qu’il ne faut pas que la loi conspire avec les passions de l’homme contre sa raison  : « Ainsi, du côté que l’homme penche, la loi le redresse, et elle doit interdire aujourd’hui la dissolution à des hommes dissolus, comme elle interdit, il y a quelques siècles, la vengeance privée à des hommes féroces et vindicatifs. » La conclusion de ce traité Du divorce, adressée sous forme d’allocution aux législateurs du Code civil, est d’une grave et réelle éloquence ; l’âme de l’homme de bien et du bon citoyen s’y fait jour par des accents qui ne se laissent pas méconnaître ; on y entend ce cri vertueux et ce vœu de réparation qui s’élève de la société après chaque grand désordre, et qui ne demande qu’à être régulièrement dirigé : Commandez-nous d’être bons, et nous le serons. […] Car il lui paraîtrait absurde et sacrilège de penser que Dieu a laissé un seul moyen de connaissance et de vérité aux hommes, et que ce moyen est à jamais détourné ou intercepté.

2313. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Mémoires du cardinal de Retz. (Collection Michaud et Poujoulat, édition Champollion.) 1837 » pp. 40-61

On ne conçoit pas pourquoi cet homme a laissé sa confession générale par écrit… L’effet fut pourtant tout différent de celui que présageait d’Argenson. […] Ce qui peut faire augurer que Retz, en effet, n’était guère propre à devenir autre chose que ce qu’il a été, c’est l’enthousiasme avec lequel il se laisse emporter, dès les premiers jours des troubles, à son rôle de meneur populaire. […] Ce titre de chef de parti était ce qu’il avait toujours honoré le plus dans les Vies de Plutarque, et quand il vit que les affaires s’embrouillaient, au point de lui en laisser venir naturellement le rôle, il en ressentit un chatouillement de sens et un mouvement de gloire qui semble indiquer qu’il ne concevait rien de plus beau ni de plus délicieux au-delà.

2314. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Madame de Motteville. » pp. 168-188

Tous les anciens amis de la reine sont revenus après une disgrâce plus ou moins longue : chacun d’eux compte sur la même faveur qu’autrefois, et ils ne s’aperçoivent pas d’abord que cette reine, qu’ils avaient laissée opprimée par Richelieu, sans enfants et encore Espagnole de cœur, est devenue mère, toute aux intérêts du jeune roi, et une reine toute française. […] À l’occasion de l’arrivée d’un ambassadeur de Suède (septembre 1646), Mme de Motteville nous rend la première idée qu’on avait en France de la reine Christine, et, en se faisant l’écho de ces louanges extraordinaires, elle y mêle une légère et douce ironie comme cela lui arrive quelquefois : La Renommée, ajoute-t-elle, est une grande causeuse : elle aime souvent à passer les limites de la vérité ; mais cette vérité a bien de la force : elle ne laisse pas longtemps le monde crédule abandonné à la tromperie. […] C’était précisément ce qui déplaisait à Mazarin et ce qui le faisait se plaindre : « Ce reproche, ajoute-t-elle, marquait assez de défiance naturelle, et combien nous étions malheureux de vivre sous la puissance d’un homme qui aimait la friponnerie, et avec qui la probité avait si peu de valeur qu’il en faisait un crime. » À ces reproches du cardinal, qui ne laissaient pas de transpirer, elle tâchait de remédier par quelque bonne parole de la reine, qui en réparât les impressions devant tous ; « car à la Cour, remarque-t-elle, il est aisé d’éblouir les spectateurs, et il ne leur faut jamais donner le plaisir de savoir que nous ne sommes pas si heureux qu’ils se l’imaginent, ou que nous sommes si malheureux qu’ils le souhaitent ».

2315. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Grimm. — II. (Fin.) » pp. 308-328

Tout en s’étonnant de cette confiance qu’ont en leurs systèmes ces talents vigoureux, « qui n’abondent pas en idées », Grimm ne laisse pas de penser quelquefois que cette prévention leur est peut-être nécessaire pour donner à leurs écrits cette chaleur et cette force qu’on y remarque, tandis que « le modeste et humble sceptique est presque toujours en silence ». […] Sa Constitution, à lui, était toute dans les vers de Pope : « Laissez les fous combattre pour les formes de gouvernement ; celui, quel qu’il soit, qui est le mieux administré, est le meilleur. » Les événements qui suivirent ne furent que trop propres à le confirmer, sans doute dans cette pensée favorite, que« la cause du genre humain était désespérée », et que la seule ressource était tout au plus, çà et là, dans quelque grand et bon prince que le sort accorde à la terre, dans « une de ces âmes privilégiées » qui réparent pour un temps les maux du monde. […] Il avait manqué, comme il le disait quelquefois, « le moment de se faire enterrer ». — Je n’ai pas craint de laisser voir, sans pourtant y trop appuyer, la doctrine morale de Grimm dans toute sa tristesse et son aridité, sans un désir et sans un rayon ; elle n’a rien qui puisse séduire.

2316. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse esthétique »

De même les livres les plus joyeux, les plus comiques laissent plus d’excitation que de joie ; et à l’intensité près qui est plus forte pour les émotions esthétiques d’ordre pénible, celles-ci et les plus agréables se ressemblent extrêmement. […] — en ce que la première de ces émotions, tout en conservant intact l’élément excitation, laisse à son minimum d’intensité l’élément, éveil des images de douleur ou de plaisir qui s’associent ordinairement à cette excitation, mais qui demeurent inertes parce qu’elles sont fictives, mensongères, innocentes. […] Les moyens contraires sont le style expressif, la peinture poussée, la mélodie à contours précis ; dans ceux-ci l’artiste accomplit lui-même le travail que le suggestif laisse à ses admirateurs.

2317. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre I. Shakespeare — Sa vie »

L’arrivée y fut lugubre ; mais, après tout, déclarons-le, le séjour y fut bon, et Marine-Terrace n’a laissé à ceux qui l’habitèrent alors que d’affectueux et chers souvenirs. […] Il y voyait et traitait familièrement deux assidus de son théâtre, Decker, auteur du Guis Hornbook, où un chapitre spécial est consacré à « la façon dont un homme du bel air doit se comporter au spectacle », et le docteur Symon Forman qui a laissé un journal manuscrit contenant des comptes rendus des premières représentations du Marchand de Venise et du Conte d’hiver. […] § IX En 1597, Shakespeare avait perdu son fils qui a laissé pour trace unique sur la terre une ligne du registre mortuaire de la paroisse de Stratford-sur-Avon : 1597.

2318. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre III : Concurrence vitale »

— Je dois avertir ici que j’emploie le terme de concurrence vitale dans un sens large et analogique, comprenant les relations de mutuelle dépendance des êtres organisés, et, ce qui est plus important, non pas seulement la vie de l’individu, mais les probabilités qu’il peut avoir de laisser une postérité. […] Si on laisse croître un gazon qui pendant longtemps a été périodiquement fauché ou brouté de près par des quadrupèdes, les plantes les plus vigoureuses tuent peu à peu celles qui le sont moins, toutes parvenues qu’elles soient à la force de l’âge adulte. Sur vingt espèces croissant sur une petite place gazonnée de trois pieds sur quatre, neuf périssent ainsi par cela seul qu’on a laissé croître librement les autres.

2319. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Saint-Simon »

Il fallait, de plus, apprendre à toute la terre ce que les savants et les historiens savaient seuls, c’est que, depuis plus de cent ans, d’énormes manuscrits, laissés par un homme de génie et dont la gloire a ce côté grandiose et pur d’avoir été posthume, confisqués par l’État et traités comme de vieilles momies égyptiennes, dormaient d’un sommeil qu’on pouvait croire éternel, sous leurs tristes pyramides de cartons incommunicables, au ministère des affaires étrangères, qu’on avait bien le droit d’appeler, à ce propos, des affaires étranges ! […] Le stock immense, dont Edouard Drumont a compulsé les pièces, resta en dehors des Mémoires, sous la garde jalouse des eunuques sans sultan qui les détenaient, par le fait d’un pouvoir, routinier et indifférent, qui les laissait faire, et non par une volonté de maître qui veut ce qu’il veut, et qui ordonne… Ces muets ineptes, qui ne gardaient leur trésor pour personne, pas même pour eux, n’avaient pas même l’égoïsme de leur ineptie. […] ce sont ces coutumes qui ont fait, en notre pays, de la monarchie un bronze qui ne s’est laissé entamer qu’après dix-sept siècles !

2320. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Toujours est-il qu’aucun des échassiers connus en fait de style, ni Dubartas, ni Gongora, ni Cyrano de Bergerac, ni aucun des exagérateurs qui ont laissé derrière eux le souvenir de vessies enflées et crevées à force d’être enflées, n’ont empilé à la gloire de personne autant de grands mots vides que M.  […] Mais s’il avait eu la crainte, il aurait eu la joie. » Écoutez-le enfin et surtout parler de l’honneur, qu’il définit : « Promettre et ne pas tenir », et laissez-le creuser dans sa définition pour en tirer le plus magnifique fragment de ce livre, qui en a plusieurs de superbes et beaucoup aussi de charmants ! […] Elle aime les hommes, mais elle ne se laisse pas séduire par leurs faiblesses.

2321. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre I. La demi-relativité »

Ce qui revient à dire que, pour l’observateur immobile, le point M où l’on a marqué le zéro définitif est de équation trop près du zéro provisoire, et que, si l’on veut le laisser où il est, on devrait, pour avoir une simultanéité réelle entre les zéros définitifs des deux horloges, reculer de équation le zéro définitif de l’horloge en A. […] Maintenant que S′ s’est détaché de S par l’effet du dédoublement, le personnage intérieur à S′, qui ne se sait pas en mouvement, laisse ses horloges Hₒ′, H₁′, H₂′…, etc., comme elles étaient ; il croit à des simultanéités réelles quand les aiguilles indiquent le même chiffre du cadran. […] Sur ce point, comme sur beaucoup d’autres, nous sommes obligé de laisser de côté les explications données par la théorie de la Relativité.

2322. (1919) L’énergie spirituelle. Essais et conférences « Chapitre III. “ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” »

“ Fantômes de vivants ” et “ recherche psychique ” Conférence faite à la Society for psychical Rescarch de Londres,le 28 mai 1913 Laissez-moi d’abord vous dire combien je vous suis reconnaissant de l’honneur que vous m’avez fait en m’appelant à la présidence de votre Société. […] Examinez de près les faits qu’on déclare témoigner d’une exacte correspondance et comme d’une adhérence de la vie mentale à la vie cérébrale (je laisse de côté, cela va sans dire, les sensations et les mouvements, car le cerveau est certainement un organe sensori-moteur) : vous verrez qu’ils se réduisent aux phénomènes de mémoire, et que c’est la localisation des aphasies, et cette localisation seule, qui semble apporter à la doctrine paralléliste un commencement de preuve expérimentale. […] Nous ne le pouvons pas, parce que le mécanisme cérébral a précisément pour fonction ici de nous masquer le passé, de n’en laisser transparaître, à chaque instant, que ce qui peut éclairer la situation présente et favoriser notre action : c’est même en obscurcissant tous nos souvenirs sauf un — sauf celui qui nous intéresse et que notre corps esquisse déjà par sa mimique — qu’il rappelle ce souvenir utile.

2323. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre X. »

Mais plus le théâtre d’Athènes, bâti non loin de sa tribune, était naturellement inspiré, moins il laissait place à l’émulation des autres cités de la Grèce. […] L’effroi qu’avaient laissé aux vainqueurs par le nombre l’audace et la mort de Léonidas, s’accrut encore de cette magnanime attente du reste des Hellènes. […] Et nous, quoique affligés dans a l’âme, ô Muse aux paroles d’or, délivrés de grandes douleurs, ne restons pas comme abattus et sans couronne ; ne cultive pas en nous la tristesse : cessons des tourments inutiles ; laissons-nous vaincre à quelque plaisir.

2324. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — II. Sur la traduction de Lucrèce, par M. de Pongerville »

Que son trait, par un autre à l’instant remplacé, Ne laisse aucune empreinte au cœur qu’il a blessé ! […] Mais du moment que les amis maladroits de M. de Pongerville l’ont ridiculement élevé pour l’opposer à des hommes d’originalité et d’invention, du moment qu’il s’est laissé mettre comme obstacle dans le chemin des autres, sa position a changé.

2325. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, romans (1832) »

Hugo laissent entre eux, pour le talent et la manière, de grandes inégalités, des lacunes que l’examen de ses autres ouvrages peut seul aider à combler ; ils n’offrent pas en eux-mêmes une continuité bien distincte, une loi de croissance aussi évidente, par exemple, que celle qui se manifeste dans la série de ses productions lyriques. […] Or, le monde qu’on n’entrevoit à cet âge que dans une confusion éblouissante, la vie qui ne s’offre aux yeux encore que comme une tour magique dont les vives arêtes étincellent, les hommes qu’on se figure alors tout bons ou tout méchants, détestables ou sublimes, comment rentrer chez soi pour les peindre, comment cheminer au dehors pour les connaître, et s’en laisser coudoyer sans les heurter ?

2326. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres publiées par M. J. Sabbatier. Tome Ier, 1845. » pp. 154-168

Lycée, Jeux Floraux, Académie, il brillait partout ; il cumulait, comme cet héroïque lutteur, le laurier de Delphes, le chêne de Pergame et le pin de Corinthe ; il aurait volontiers laissé écrire au-dessous de sa statue : « Ceci est la belle image du beau Milon, qui sept fois vainquit à Pise, sans avoir, une seule fois, touché la terre du genou. » Or, le jour où son genou fléchit en effet, le jour où la palme (style du genre) lui échappa et où il fut évincé par un plus heureux, il ne sut plus se consoler, il resta dépaysé longtemps, l’esprit tendu, avec tout un attirail oratoire qui ne sert que dans ces sortes de joûtes, et qui, en se prolongeant, doit nuire au libre développement des forces naturelles. […] Victorin Fabre a laissé un ouvrage inachevé sur les Principes de la société civile ; il en lut à l’Athénée, en 1822, des fragments qui (j’en fus témoin) ne réussirent que très-médiocrement : « Cet ouvrage, s’écrie l’éditeur, est peut-être le plus vaste, le plus gigantesque qui ait jamais été entrepris… Tel qu’il est, il me paraît encore le plus grand monument élevé à la science politique. » Ce sont de telles exagérations enthousiastes qui, jointes aux violences dénigrantes, nous ont donné le courage de dire hautement toute notre pensée sur Victorin Fabre, et d’insister sur le phénomène singulier de son avortement laborieux.

2327. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Des soirées littéraires ou les poètes entre eux »

Le bon sens qui succéda, et qui, grâce aux poëtes de génie du xviie  siècle, devint un des traits marquants et populaires de notre littérature, fit justice d’une mode si fatale au goût, ou du moins ne la laissa subsister que dans les rangs subalternes des rimeurs inconnus. […] En général, moins les rencontres entre poètes qui s’aiment ont de but littéraire, plus elles donnent de vrai bonheur et laissent d’agréables pensées.

2328. (1874) Premiers lundis. Tome I « Alexandre Duval de l’Académie Française : Charles II, ou le Labyrinthe de Woodstock »

Le public en marchant a laissé derrière lui ce qu’il avait soutenu d’abord. […] Il s’est surpassé à notre égard, et nous lui savons gré de la distinction, « Il ne faut pas, dit-il, se laisser imposer par le ton rogue et quelquefois brutal de certains critiques.

2329. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil. — I »

Employé ensuite à la réforme des statuts anglais et à la confection d’un code unique, puis gouverneur de la Virginie, député de nouveau au Congrès, de là, ministre plénipotentiaire en France à l’origine de notre Révolution, rappelé et nommé par le président Washington secrétaire d’État du nouveau Cabinet, vice-président et ferme à son poste d’opposition à la tête du sénat sous la présidence de John Adams, président enfin lui-même de 1800 à 1808, il remit alors par un bienfait signalé le gouvernement de son pays dans les voies sincèrement démocratiques d’où Washington, vers les derniers temps, l’avait laissé dévier, et d’où John Adams, si respectable d’ailleurs, l’avait de plus en plus éloigné à dessein. […] Je vous donnerais la fièvre, si je vous nommais les apostats qui sont devenus les fauteurs de ces hérésies ; des hommes qui étaient des Salomons dans le Conseil et des Samsons sur le champ de bataille, et qui se sont laissé couper les cheveux par la prostituée d’Angleterre.

2330. (1874) Premiers lundis. Tome II « Chronique littéraire »

La révolution de juillet, en détachant du National les deux rédacteurs jusqu’alors le plus en vue, laissa seul au premier rang, et démasqua, en quelque sorte, M.  […] Des scènes vraies, habiles, du comique de situation, des détails fins et de jolis mots en abondance, des endroits mêmes d’un pathétique assez naturel, tout cela monté à merveille et joué avec ensemble, remplit délicieusement deux heures de soirée, et ne laisse pas jour à la critique qui s’endort sur une agréable impression.

2331. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre II. Le lyrisme bourgeois »

» Le roi aussi a tort de laisser au pape trop de pouvoir en France. […] Ce mécontent du règne de saint Louis, ce « mangeur » de moines, qui n’a laissé à inventer aux pamphlétaires de l’avenir ni une supposition outrageante ni une plaisanterie grivoise, était un homme dévot, craignant Dieu, qui humblement s’accuse, en sa vie pécheresse, d’avoir « fait au corps sa volonté », qui, tout contrit, recommande à Notre-Dame « sa lasse d’âme chrétienne », qui trouvé d’étrangement tendres, ardentes, pénétrantes paroles pour dire les louanges de la mère de Dieu : Tu hais orgueil et félonie Sur toute chose.

2332. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre I. Renaissance et Réforme avant 1535 — Chapitre I. Vue générale du seizième siècle »

Les studieux jeunes gens nés dans les dernières années de Louis XI, que l’éducation scolastique avait laissés inquiets et affamés, lisent avidement, avec un esprit nouveau, avec l’esprit des Pogge, des Valla, des Guarino, les grandes œuvres latines dont le moyen âge n’avait ni pénétré le sens profond ni senti l’admirable forme : ils reçoivent la révélation de ce qu’avaient caché trop longtemps les bibliothèques des couvents. […] Impuissants à l’imiter, ou effrayés de son demi-échec, ses disciples et ses serviteurs laissent le grand art antique, se réduisent à l’alexandrin, au gréco-romain, enfin, avec Desportes, à l’art italien, retour qui met en lumière la vraie origine et l’agent efficace de notre Renaissance.

2333. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « (Chroniqueurs parisiens I) MM. Albert Wolff et Émile Blavet »

Et, plus souvent qu’on ne croirait, une fois mis en train, il leur arrive de se laisser prendre à ce travail forcé, de penser ce qu’ils écrivent et d’achever avec intérêt ce qu’ils avaient commencé avec ennui. […] Si le choix m’en avait été laissé, j’aurais choisi d’abord d’être un grand saint, puis une femme très belle, puis un grand conquérant ou un grand politique, enfin un écrivain ou un artiste de génie.

2334. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « Anatole France, le Lys rouge »

Il ajoute : « Si vous ne pouvez pas m’aimer, laissez-moi partir ; j’irai je ne sais où, vous oublier, vous haïr. […] Et alors, je me pose une question : — Est-il possible ou est-il vraisemblable qu’un homme qui a cette puissance et cette lucidité d’esprit se laisse à la fois emporter à l’excès de démence et de cruauté dont ce statuaire méditatif nous donne le spectacle détestable (voir surtout le dernier chapitre) ?

2335. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Mais Voltaire ne se laisse pas plus prendre que Boileau au piège de ses louanges, et les vers que chacun sait punissent Trublet d’avoir aimé d’inclination Fontenelle, et Voltaire par ambition14. […] Mais ce qui étonne peu d’un bel esprit, attriste dans un prédicateur ; et je ne fais peut-être pas si mal de m’émouvoir d’un travers d’esprit qui s’était glissé jusque dans la chaire, et qui en faisait descendre, par moments, au lieu de ce grand langage qui élève l’âme en perfectionnant le goût, d’ingénieuses obscurités qui gâtaient le goût et laissaient l’âme froide.

2336. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre VII. Développement des idées de Jésus sur le Royaume de Dieu. »

Le maître les laisse croître ensemble ; mais l’heure de la séparation violente arrivera 346. […] Il prédit à ses disciples des persécutions et des supplices 361 ; mais pas une seule fois la pensée d’une résistance armée ne se laisse entrevoir.

2337. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre VIII. Quelques étrangères »

En peu de temps, les deux personnages intéressés aux gestes de Suzanne se laissent convaincre par elle. […] Enfin il subordonna la vérité libératrice à une théorie psychologique : « Le temps et les circonstances, qui élargissent les vues de la plupart des hommes, rétrécissent les vues des femmes presque invariablement. » Malheureusement, si l’auteur illustre cette hypothèse par la victoire chaque jour plus complète de Jude sur les préjugés et par la défaite finale de Suzanne, il la contredit par le changement, trop féminin alors, de Phillotson, d’abord intelligent et généreux, qui ensuite obéit aux plus ridicules convenances et se laisse persuader aux chuchotements des plus sordides calculs, Thomas Hardy, intelligence anglaise, riche et complexe, mais perdue et tâtonnante au labyrinthe du détail, ne sait même pas pourquoi « l’expérience » de Suzanne et de Jude a échoué.

2338. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Œuvres littéraires de M. Villemain (« Collection Didier », 10 vol.), Œuvres littéraires de M. Cousin (3 vol.) » pp. 108-120

Villemain, dans cette étude des pères et dans ce tableau de leur éloquence, les loue beaucoup ; et ce qui est le comble de l’art, il sait, au moyen de cette louange répandue sur tous, les rendre pourtant distincts les uns des autres et les laisser pour nous reconnaissables. […] Villemain, large et fin, avance comme un flot ; il ne laisse aucun point de la pensée sans l’embrasser et la revêtir.

2339. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre troisième. De la sympathie et de la sociabilité dans la critique. »

Elle se laisse prendre naïvement, soit ; mais c’est le sentiment même de son irresponsabilité, de son impersonnalité, qui donne une certaine valeur à ses enthousiasmes : elle ignore les arrière-pensées, les arrière-fonds de mauvaise humeur et d’égoïsme intellectuel, les préjugés raisonnes, plus dangereux encore que les autres. […] Après tout, si la charité est un devoir à l’égard de l’homme, pourquoi ne le serait-elle pas à l’égard de ses œuvres, où il a laissé ce qu’il a cru sentir en lui de meilleur ?

2340. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface des « Burgraves » (1843) »

Là, seul comme le matin, plus seul encore, car aucun chevrier n’oserait se hasarder dans des lieux pareils à ces heures que toutes les superstitions font redoutables, perdu dans l’obscurité, il se laissait aller à cette tristesse profonde qui vient au cœur quand on se trouve, à la tombée du soir, placé sur quelque sommet désert, entre les étoiles de Dieu qui s’allument splendidement au-dessus de notre tête et les pauvres étoiles de l’homme qui s’allument aussi, elles, derrière la vitre misérable des cabanes, dans l’ombre, sous nos pieds. […] Montrer dans le burg les trois choses qu’il contenait : une forteresse, un palais, une caverne ; dans ce burg, ainsi ouvert dans toute sa réalité à l’œil étonné du spectateur, installer et faire vivre ensemble et de front quatre générations, l’aïeul, le père, le fils, le petit-fils ; faire de toute cette famille comme le symbole palpitant et complet de l’expiation ; mettre sur la tête de l’aïeul le crime de Caïn, dans le cœur du père les instincts de Nemrod, dans l’âme du fils les vices de Sardanapale ; et laisser entrevoir que le petit-fils pourra bien un jour commettre le crime tout à la fois par passion comme son bisaïeul, par férocité comme son aïeul, et par corruption comme son père ; montrer l’aïeul soumis à Dieu, et le père soumis à l’aïeul ; relever le premier par le repentir et le second par la piété filiale, de sorte que l’aïeul puisse être auguste et que le père puisse être grand, tandis que les deux générations qui les suivent, amoindries par leurs vices croissants, vont s’enfonçant de plus en plus dans les ténèbres.

2341. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — La déclamation. » pp. 421-441

Laissons la Chammelai & la Duclos, pour parler de la Le Couvreur, à laquelle le théâtre est si redevable. […] « Il semble le voir, disent ses admirateurs, dans nos chaires avec cet air simple, ce maintien modeste, ces yeux humblement baissés, ce geste négligé, ce ton affectueux, cette contenance d’un homme pénétré, portant dans les esprits les plus brillantes lumières, & dans les cœurs les mouvemens les plus tendres. » Baron l’ayant rencontré dans une maison ouverte aux gens de lettres, le lendemain d’un jour qu’il avoit été l’entendre, lui fit ce compliment : « Continuez, mon pere, à débiter comme vous faites : vous avez une manière qui vous est propre, & laissez aux autres les règles. » Cet avis se ressent du caractère de Baron, le plus fier des hommes.

2342. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Deshays » pp. 208-217

Il y a sans doute de la sublimité dans une tête de Jupiter ; il a fallu du génie pour trouver le caractère d’une Euménide, telle que les Anciens nous l’ont laissée ; mais qu’est-ce que ces figures isolées en comparaison de ces scènes où il s’agit de montrer l’aliénation d’esprit ou la fermeté religieuse, l’atrocité de l’intolérance, un autel fumant d’encens devant une idole ; un prêtre aiguisant froidement ses couteaux, un préteur faisant déchirer de sang-froid son semblable à coups de fouet, un fou s’offrant avec joie à tous les tourments qu’on lui montre et défiant ses bourreaux ; un peuple effrayé, des enfants qui détournent la vue et se renversent sur le sein de leurs mères, des licteurs écartant la foule, en un mot, tous les accidents de ces sortes de spectacles ? […] Je jette des germes que je laisse à la fécondité de votre tête à développer.

2343. (1860) Ceci n’est pas un livre « Le maître au lapin » pp. 5-30

Mais, d’une fierté, d’une honnêteté niaise et sublime, Rodolphe avait la bonhomie de penser qu’il est indigne d’un artiste d’ameuter le public au bruit de la grosse caisse, et qu’il est bien de laisser cela aux marchands de crayons. — Rien qu’une démarche, une simple démarche prenait à ses yeux des proportions monstrueuses. […] Mais la villa ne laissait pas que d’être humide ; son parquet de terre glaise se détrempait horriblement pendant l’hiver.

2344. (1811) Discours de réception à l’Académie française (7 novembre 1811)

Ceux que laisse M.  […] Quelle époque de corruption que celle où un homme d’honneur se croit perdu s’il laisse éclater son amour pour l’épouse qu’il a promis d’aimer !

2345. (1818) Essai sur les institutions sociales « Addition au chapitre X de l’Essai sur les Institutions sociales » pp. 364-381

Je pourrais, sans doute, aujourd’hui reproduire ces objections, afin de les discuter : ce serait une occasion que j’aimerais à saisir de rendre hommage à la mémoire d’un homme qui eût pu laisser un nom s’il eût voulu se mettre en rapport avec le public, et dont d’inexprimables chagrins ont causé la mort prématurée ; mais il faudrait discuter de nouveau les grandes et immenses questions relatives à l’institution du langage, à la formation des sociétés, aux traditions, aux castes : au point où j’en suis, je dois abandonner à ma pensée le soin de se compléter elle-même, et ensuite de se défendre. […] De Brosses, Court de Gébelin, les étymologistes, s’en sont quelquefois occupés ; mais nous ne possédons rien de complet ni de systématique sur cette partie de la métaphysique du langage : on éclaircirait, par un pareil tableau, d’une manière lumineuse, les recherches psychologiques. » Ce tableau, à mon avis, remplirait la lacune qui existe entre le président de Brosses et Court de Gébelin, mais laisserait subsister la lacune bien autrement importante qui resterait toujours entre ces deux grands grammairiens et Aristote, Kant et Ancillon.

2346. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XXIV. Mme Claire de Chandeneux »

Lui qui pensait tout et qui pensait à tout, il avait dû les faire, sous un autre nom, dans son encyclopédique Comédie humaine, et c’est ce vide énorme laissé par Balzac qu’une femme aujourd’hui a cru pouvoir combler ! […] Elle croit que tout est dans la culture de l’esprit ; qu’avec de la pisciculture intellectuelle, on ferait des têtes de femme, des têtes d’homme, comme on fait des huîtres ; et cela pourrait bien être, puisque je me suis laissé dire que les huîtres étaient un mêli-mêlo des deux sexes !

2347. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « L’ancien Régime et la Révolution »

Laissons toutes ces incohérences d’un homme qui ne s’entend pas avec lui-même. […] Ils se la laissent arracher « des mains sans résistance, de peur de compromettre « le même bien-être qu’ils lui doivent.

2348. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les civilisations »

Il pourrait bien laisser un studieux comme Faliés étudier tout seul… Je sais bien que ce laborieux aura toujours la ressource de l’Academie des inscriptions, pour laquelle évidemment il travaille ; mais la grande publicité, à laquelle il doit viser, lui manquera. […] … IV Mais laissons ces sornettes historiques !

2349. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Le comte du Verger de Saint-Thomas »

Charles IX la renouvela, mais ce forgeur d’épées ne put pas les briser, et Henri III, cette reine amazone de ses mignons, leur laissa tout faire, et on sait s’ils furent des duellistes enragés. […] précisément en raison de l’importance sacrée de l’argent dans nos mœurs actuelles, avides et dépensières, les législateurs, qui sentent le bonheur d’en avoir et qui ont si peur des peines sévères, oseraient-ils jamais se servir de la seule peine laissée maintenant au législateur pour réprimer et pour punir ?

2350. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Joubert » pp. 185-199

Le terrible pot de fer contre lequel se heurtait le monde, laissa tranquille dans son coin le pot de terre, sans se douter que l’humble vase, impropre au choc, renfermait un autre génie que celui qui bouillait dans son cratère à lui, — mais qui était tout aussi sûr que le sien d’avoir son immortalité ! […] D’ailleurs, Fénelon est un grand homme de lettres qui a laissé derrière lui de ces constructions qu’on appelle des livres, et Joubert n’a point ce génie des castors.

2351. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ernest Hello » pp. 389-403

J’ai voulu la faire ; j’ai voulu la penser ; j’ai voulu la parler ; j’ai voulu mettre à leur place les hommes et les choses ; j’ai voulu prendre leur mesure et la donner… J’ai promené la balance à travers le monde intellectuel, n’ayant qu’un poids et qu’une mesure, et j’ai laissé les plateaux monter et descendre comme ils voulaient, abandonnés aux lois de l’équilibré… Les chapitres de ce livre ne sont pas juxtaposés par une unité mécanique, mais ils sont liés, si je ne me trompe, par une unité organique, et cette unité, c’est la faim et la soif de la « Justice. » Et comme le mystique ne s’éteint jamais, ainsi que je Fai dit, dans M. Hello, même dans les sujets, à ce qu’il semble, le moins mystiques, il ajoute : « La faim et la soif courent où elles veulent, et je les ai laissées courir.

2352. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Histoire des Pyrénées »

« Le dernier roi de Barcelone ne laissa pas même sa dépouille mortelle à ses États héréditaires. […] Il y avait au xviiie  siècle — on l’y voit passer dans quelques coins de lettres de mesdames Necker ou Du Deffand — un homme presque mystérieux, dont personne ne parle maintenant, qui s’appelait tout uniment Dubucq, et qui n’a laissé que des mots, mais frappés comme des médailles d’or à l’effigie du génie.

2353. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes et la société au temps d’Auguste » pp. 293-307

Il laisse sans doute ces qualités inférieures aux pédants. […] Blaze de Bury n’a pas l’air de croire, comme Boissier, par exemple, ou tout autre de ces païens posthumes, que le Christianisme n’est qu’une poussée naturelle du paganisme, et que si on l’avait laissé tranquillement faire, ce paganisme, gros du germe de toutes les vertus, il eût très aisément conduit le monde à ses fins de civilisation, de lumières et de moralité, sans Constantin et les Conciles, et même sans Notre-Seigneur Jésus-Christ, dont on aurait pu très bien se passer !

2354. (1880) Goethe et Diderot « Note : entretiens de Goethe et d’Eckermann Traduits par M. J.-N. Charles »

Je laisse cela aux gens qui ne croient pas au Dieu qui a fait le ciel et la terre. […] Il faut laisser cette préoccupation aux dames qui n’ont rien à faire ; mais un homme de quelque valeur, qui songe à jouer ici-bas un rôle convenable (jouer des rôles, c’est toujours pour lui la grande affaire !)

2355. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IV. M. Henri Martin. Histoire de France » pp. 97-110

alors la Critique qui, au désert, si elle l’y rencontrait, laisserait peut-être M.  […] Ils la laissent aux artistes… Le druidisme !

2356. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. le vicomte de Meaux » pp. 117-133

Il a rappelé que Charlemagne avait laissé la vie aux Saxons s’ils se faisaient chrétiens. […] Quant aux Juifs, si détestés par tous les peuples du Moyen Âge en pleine jeunesse et en plein amour de Jésus-Christ, qu’ils avaient crucifié, l’Église, qui les savait des ennemis acharnés, prit contre eux toutes les précautions de la prudence, mais leur laissa pratiquer leur culte, « en considération du témoignage involontaire et providentiel rendu par la synagogue à l’Évangile ».

2357. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « MM. Jules et Edmond de Goncourt » pp. 201-216

Louis XV, dégoûté de Marie Lecsinska, aimée (si on peut prostituer ce mot sacré) comme la femelle l’est, une minute, de son mâle, et laissée là, sans que cette vertueuse Maladroite de l’amour conjugal ait eu la puissance de le retenir et de le captiver, Louis XV, — il faut bien dire le mot, — l’empêtré Louis XV, malgré sa beauté et la royauté qui s’ajoutait à cette beauté pour la rendre irrésistible, fit attendre un moment le règne des maîtresses, et c’est alors qu’on vit la France tout entière lutter presque de proxénétisme empressé avec les grands seigneurs et les valets de cour qui le poussaient à l’adultère ! […] Il avorta lâchement dans la monstruosité… En traçant ce portrait, le peintre qui tenait le pinceau ne l’a pas laissé mollir une seule fois.

2358. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Émile de Girardin » pp. 45-61

Si une notoriété exagérée et presque coupable ne s’attachait au nom de l’auteur, nous laisserions cette chose médiocre périr dans l’oubli sous le poids de sa médiocrité. […] Μ. de Girardin, journaliste en retraite et socialiste en démolition, nous était fort indifférent· Nous l’eussions miséricordieusement laissé mourir, comme un pieux Indien tenant la queue de sa vache, la queue du veau d’or dans la main.

2359. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Lamennais »

Tel était le Lamennais de 1839, dont le reniement depuis fut si complet et si sonore et ne laissa rien à désirer à ses amis et à ses ennemis. […] Quant à nous, qui ne croyons pas qu’une telle justification est possible, nous laisserons l’apostat à l’Histoire, qui saura bien comment le prendre et le traiter, et nous ne parlerons ici que du Lamennais découvert en lisant ses lettres.

2360. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Le roi Stanislas Poniatowski et Madame Geoffrin »

Seulement, le monde n’est qu’un gros butor, très pédant, malgré son apparente légèreté, et il faut le laisser à sa logique de gros butor et à ses classifications d’imbécile. […] Elle lui donna pour dernier conseil de laisser là la couronne qu’une femme lui avait mise sur la tête, et une femme (on sent le trait jaloux) qui n’était pas elle !

2361. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « M. Funck Brentano. Les Sophistes grecs et les Sophistes contemporains » pp. 401-416

On pouvait la laisser dormir, cette poussière. On pouvait laisser dans son néant la vie privée de ces hommes, qui n’ont plus le droit d’occuper d’eux le genre humain.

2362. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Dargaud »

Il s’est fait presque de lui-même, avec les premières impressions de la vie, ces premières impressions qui n’ont pas besoin d’appuyer pour laisser en nous d’ineffaçables empreintes, et il n’a demandé d’autre travail à son auteur que de se souvenir. […] Il laisse les choses du sentiment dans lesquelles il excelle, pour exprimer des idées générales de cette force et de cette largeur.

2363. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Edgar Quinet »

Nous, nous laisserons les coquillages, et c’est à ses oreilles que nous parlerons. […] Et, de fait, elle donne dans une mesure abrégée non seulement tout le livre, mais tout l’auteur même de la Création, qu’on peut très bien après cela laisser tranquillement au fond du puits de l’Éternel, dans lequel il voyage comme un seau.

2364. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Madame Ackermann »

Croyez bien que je ne la laissai pas cachée et perdue dans ces cent exemplaires d’alors parmi lesquels il y en avait peut-être cinquante de trop, et que je la signalai et l’offris aux cinquante personnes dont je vaudrais trouver l’adresse, — oui ! […] Je l’aurais laissée avec sa plaquette des premiers jours et ses cent exemplaires.

2365. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Edmond About » pp. 91-105

Quand on est taillé pour écrire des Maître Pierre, on laisse là les Germaine ! […] Nous la lui laisserons ; nous ne voulons pas l’en priver.

2366. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules De La Madenène » pp. 173-187

Il n’existe point et il n’existera jamais de Cuvier pour recomposer les nuances sociales perdues, qui ne laissent pas d’os après elles, comme les animaux engloutis. […] Son roman, qu’il aurait pu écrire peut-être comme l’auteur de Miréio écrivit son poëme, dans le dialecte de sa terre natale, écrit en français exquis, n’a pas cependant que son titre de patois, et roule dans son flot de délicieux provincialismes que M. de La Madelène a trop de tact d’écrivain pour laisser mourir.

2367. (1868) Curiosités esthétiques « VIII. Quelques caricaturistes étrangers » pp. 421-436

Il paraît que cette grasse personne s’est laissée choir, la tête la première, dans le liquide élément dont l’aspect enthousiasme cet épais cerveau. […] En art, c’est une chose qui n’est pas assez remarquée, la part laissée à la volonté de l’homme est bien moins grande qu’on ne le croit.

2368. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXI. De Mascaron et de Bossuet. »

Il remarque que la mort ne nous laisse pas même de quoi occuper une place, et que l’espace n’est occupé que par les tombeaux. […] Il va, il vient, il retourne sur lui-même ; il a le désordre d’une imagination forte et d’un sentiment profond ; quelquefois il laisse échapper une idée sublime, et qui, séparée, en a plus d’éclat ; quelquefois il réunit plusieurs grandes idées, qu’il jette avec la profusion de la magnificence et l’abandon de la richesse.

2369. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. Buloz et le Messager de Paris. »

Les vétérans de la presse le savent ; les gens du monde qui s’y trouvent jetés à l’improviste courent grand risque de sortir de leur rôle et de se laisser surprendre à tout ce qui ne manque pas de les assiéger.

2370. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — F — Fuster, Charles (1866-1929) »

Les hors-d’œuvre, les explications sont donc simplifiés à l’extrême, réduits à exposer très brièvement la fable et à ne laisser que les points où le musicien ou le poète peuvent exercer leur virtuosité.

2371. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghéon, Henri (1875-1944) »

Tout ce qui la touche y retentit ; rien ne la laisse indifférente ; pourtant, à travers tout, elle reste la même.

2372. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trarieux, Gabriel (1870-1940) »

Dans ce poème, car le volume n’en contient qu’un, l’auteur a fait un adieu au monde social pour se retirer dans la nature, pour vivre loin des humains et laisser errer ses rêves des cimes des montagnes aux profondeurs des mers, des abîmes du ciel à ceux de la terre.

2373. (1894) Propos de littérature « Appendice » pp. 141-143

Appendice Si nous laissons de côté les quelques pièces subjectives de M. de Régnier et d’autre part les premiers écrits de M. 

2374. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 245-247

Il a laissé une Traduction complette de Tacite, que ses héritiers se proposent de donner au Public.

2375. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 275-277

Ce Livre est d’ailleurs écrit avec une éloquence qui ne laisse rien à désirer par rapport au langage qui réunit la précision à la clarté, & la noblesse à la correction.

2376. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 397-399

Pourquoi se laisser aller facilement à des éloges exclusifs ?

2377. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 346-348

Autant il est sévere à cet égard, autant est-il facile à se laisser entraîner au penchant qui le porte à adoucir, à justifier la conduite des Calvinistes, à faire valoir le mérite de leurs Chefs, & à célébrer les talens de ceux qui étoient attachés à leur Secte.

2378. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 409-411

Vaniere nous a laissé des modeles, mais il a encore contribué à faciliter aux jeunes gens le goût de la bonne Latinité, par un Dictionnaire poétique, aussi généralement estimé que généralement utile.

2379. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre premier. De l’Écriture et de son excellence. »

Déistes et athées, grands et petits, attirés par je ne sais quoi d’inconnu, ne laissent pas de feuilleter sans cesse l’ouvrage que les uns admirent, et que les autres dénigrent.

2380. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Dumont le Romain  » pp. 115-116

Le contraste de ces figures antiques et modernes ferait croire que le tableau est un composé de deux pièces rapportées, l’une d’aujourd’hui et l’autre qui fut peinte il y a quelque mille ans ; et l’abbé Galliani vous séparerait cela avec des ciseaux qui [laisseraient] d’un côté tout le plat et tout le ridicule, et de l’autre tout l’antique qui serait supportable et que chacun interpréterait à sa fantaisie.

2381. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Roslin  » pp. 149-150

Mon ami, vous êtes d’une impatience qui me désespère ; vous ne me laissez pas le temps de me contenter.

2382. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre VI : Difficultés de la théorie »

On conçoit, en effet, que le premier poisson volant, ou, pour employer une expression moins définie, le premier vertébré volant qui put se soutenir à fleur d’eau, de manière à échapper ainsi à ses ennemis sous-marins, dut avoir toute chance de survivre à ses rivaux et de laisser après lui une postérité nombreuse modifiée comme lui, mais plus que lui. […] Il n’est point douteux que beaucoup des types primitifs de la vie animale ne se soient éteints sans nous laisser de vestiges reconnaissables, et ce sont probablement ces types déjà détruits de l’aurore de la vie organique qui ont donné naissance aux êtres si tranchés que nous connaissons aujourd’hui. […] Il semble difficile que la géologie, puisse fournir quelques données certaines à ce sujet, attendu que les parties dures des animaux se conservent seules à l’état fossile, que, sur les roches schisteuses qui ont conservé les traces des faunes ichthyoïdes anciennes, les organes électriques n’ont pu même laisser d’empreintes bien évidentes et qu’on ne peut conséquemment affirmer leur absence qu’en vertu d’inductions et d’analogies qui peuvent être trompeuses. […] Ce dernier a constaté, au moyen du microscope, que la phosphorescence de ces animaux appartenait à la fibre musculaire, était intermittente, comme chez les Lampyres, et, comme chez ces derniers aussi, devenait plus vive quand on irritait la fibre ; et qu’en obligeant celle-ci à se contracter, elle cessait pendant un certain temps, puis se reproduisait quand on laissait l’animal se reposer. […] Des naturalistes ont eu le courage de se laisser piquer, et, sans troubler l’animal, de le laisser assouvir sa colère et partir ensuite en paix, et toujours ils l’ont vu retirer aisément son aiguillon de la piqûre où il ne laissait que son venin, et s’envoler ensuite parfaitement capable de vivre et de voler à d’autres combats.

2383. (1888) Épidémie naturaliste ; suivi de : Émile Zola et la science : discours prononcé au profit d’une société pour l’enseignement en 1880 pp. 4-93

On peut lui reprocher aussi d’être tombé dans la puérilité du détail et d’avoir laissé échapper des points essentiels. […] D’après ce que nous voyons aujourd’hui, tous deux ne sont entrés que timidement dans la nouvelle voie : que de choses ils ont laissées encore sous le voile ! […] Non, la Galette des Tribunaux, les faits divers, la chronique ne nous laissent rien ignorer de ce qui se passe dans tous les milieux. […] Le crime laisse un cadavre. […] Ce sont ces propriétés qui nous sont spéciales qu’il faut développer et mettre en évidence il est bienséant et convenable, quand il s’agit de littérature et non de médecine, de laisser le reste dans l’ombre la plus épaisse.

2384. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « VIII » pp. 30-32

Possible aussi qu’il laisse tout dans l’entre-deux et fasse une chronique à la Rossi.

2385. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVIII » pp. 313-315

Quant à M. de Lamartine, il n’a pu, un seul instant, maîtriser l’inattention de la Chambre ; il en souffrait, il le laissait voir, mais il ne parvenait point à fléchir cet auditoire impatient et irrité ; sous la magnificence que gardait encore sa parole jusque dans ce désarroi, on se demandait en vain ses raisons et ce qu’il voulait dire, et l’on n’a pu s’en rendre compte pas plus que lui-même il ne le savait bien peut-être. — Nous ne prétendons dans tout ceci, comme on le voit, que noter l’effet oratoire et, en quelque sorte, littéraire de ces deux séances.

2386. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Amiel, Henri Frédéric (1821-1881) »

Seulement, des conditions spéciales de milieu et de tempérament firent que ces tendances diverses n’eurent, dans Amiel aucun contrepoids, en sorte qu’il laissa s’exagérer chez lui jusqu’à la maladie et l’esprit germanique et l’analyse, et le goût du songe.

2387. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VI. La littérature et le milieu social. Décomposition de ce milieu » p. 155

Telle qu’elle est ; cette division, qu’on est libre de perfectionner, ne nous paraît rien laisser de côté qui soit essentiel.

2388. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 484-486

Un autre Ouvrage de Charron, qui ne laisse aucun doute sur la sincérité de sa foi, c’est son Livre des trois Vérités, publié en 1594.

2389. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 328-331

Celui qui a pour titre : l’Incrédulité convaincue par les Prophéties, est un des meilleurs Livres qu’on ait faits en ce genre ; on y trouve une logique pressante, & des raisonnemens aussi clairs que profonds, qui ne laissent rien à désirer au Lecteur.

2390. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 340-342

L’exemple de tant de jeunes Icares, qui ont perdu leurs ailes dès le premier essor de leur vol inconsidéré, lui a sans doute fait sentir la nécessité de laisser croître & fortifier les siennes.

2391. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 277-279

Nous n’ignorons pas que les Philosophes & leurs partisans en pensent ou en parlent bien différemment ; mais nous nous faisons gloire de manifester ce que nous pensons du mérite des Auteurs, & nous invitons celui-ci à ne point se laisser aveugler sur les qualités qui lui manquent, par les applaudissemens des Sectateurs d’une Morale ennemie de celle qu’il prêche : leur suffrage n’est propre qu’à humilier l’Orateur Evangélique & Chrétien.

2392. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 506-508

Pour ne les voir, les yeux tient toujours bas, Et si leur dit, laissez-moi, je vous prie ; Puis aussi-tôt revient à son, hélas !

2393. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 115-117

Rochon de Chabannes, qui a le talent de saisir les ridicules, mais qui se contente de les effleurer, auroit pu prétendre à la gloire de réussir dans le haut comique, s'il ne se fût pas laissé trop entraîner au ton dominant.

2394. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 207-209

La Déification d'Aristarchus Masso est un Ouvrage d'imagination ; c'est une fiction inventée pour représenter les défauts auxquels des Gens de Lettres se laissent aller.

2395. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — S. — article » pp. 210-213

Quant à nous, nous aimons mieux croire que l'amour-propre de M. de Saint-Lambert est trop robuste pour s'être laissé aller à une pareille foiblesse.

2396. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface et poème liminaire des « Contemplations » (1856-1859) — Préface (1859) »

L’auteur a laissé, pour ainsi dire, ce livre se faire en lui.

2397. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre VI. Voltaire historien. »

Renoncer à sa morale tendre et triste, ce serait renoncer au seul moyen nouveau d’éloquence que les anciens nous aient laissé.

2398. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Bachelier  » pp. 147-148

Mais le Laocoon a saisi avec ce bras un des serpents dont il cherche à se débarrasser, et le Milon de Bachelier se laisse bêtement dévorer une jambe par un loup qu’il étranglerait avec sa main libre, s’il songeait à s’en servir.

2399. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 21, de la maniere dont la réputation des poëtes et des peintres s’établit » pp. 320-322

Mais il a la facilité de se laisser troubler dans son jugement par les personnes qui font profession de l’art auquel l’ouvrage nouveau ressortit.

2400. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henriette d’Angleterre » pp. 7-9

Intellectuellement, c’est tout madame de La Fayette, avec sa douceur de regard, sa pureté de style, sa lueur de perle… Quoique fort bienvenue de cette éblouissante Henriette, qui a laissé inextinguibles dans l’Histoire l’éclair de sa vie et l’éclair de sa mort ; quoique mêlée à ces intrigues, voilées de décence, d’une cour qui commençait alors de mettre la convenance par-dessus toutes ses passions, madame de La Fayette ne nous donne pas sur les hommes et les choses de son temps des lumières bien nouvelles.

2401. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. BALLANCHE. » pp. 1-51

Ballanche, quoique né à Lyon, et malgré ses inclinations mystiques et ses dispositions magnétiques, resta étranger, et à l’école mystique qui avait dû laisser quelques traditions depuis Martinez Pasqualis, et à l’école magnétique que l’exaltation des esprits, pendant le siége, enrichissait d’observations extraordinaires. […] Plus d’une fois, en ces années, il se dirigea vers Montpellier à travers les Cévennes ; il vit dans l’un de ces trajets M. de Bonald, le gentilhomme de l’Aveyron, à Milhau ; mais ce n’était pas le philosophe profond dont il partageait volontiers la doctrine sur la parole, qu’il allait surtout visiter ; lui-même, dans un neuvième et dernier fragment daté de 1830, il nous a laissé entrevoir son pieux et triste secret : « Le 14 août 1825, dit-il, une belle et noble créature qui m’était jadis apparue et qui habitait loin des lieux où j’habitais moi-même, une belle et noble créature, jeune fille alors, jeune fille à qui j’avais demandé toutes les promesses d’un si riche avenir ; en ce jour, cette femme est allée visiter, à mon insu, les régions de la vie réelle et immuable, après avoir refusé de parcourir avec moi celles de la vie des illusions et des changements. […] Laissons ce qui n’est que ridicule. […] Je ne voudrais pourtant pas que cette Étude sur Ballanche finît sur un incident tout personnel, et pour laisser de l’éminent écrivain une idée plus précise encore et plus réelle que je ne pouvais la donner de son vivant, je crois ne pouvoir mieux faire que de traduire de l’anglais une ou deux pages qui le concernent dans un Essai intitulé Madame Récamier, dû à la plume spirituelle et juste de Mme Mohl. […] Il est impossible de dire à quel degré de gêne il en serait venu si une sœur ne lui était morte peu après qu’il eut épuisé ses ressources, et ne lui avait laissé de quoi payer ses dettes et subsister.

2402. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE LA FAYETTE » pp. 249-287

J’aurais laissé pourtant le plaisir et la fantaisie de recomposer cette existence, bien simple d’événements, aux lecteurs de Mme de Sévigné, si un petit document inédit, mais très-intime, ne m’avait engagé à mettre la bordure pour l’encadrer. […] Il est vrai que j’y ai eu quelque part, mais seulement dans la disposition du roman, où les règles de l’art sont observées avec grande exactitude. » Il est vrai de plus qu’à un autre moment Segrais dit : « Après que ma Zayde fut imprimée, Mme de La Fayette en fit relier un exemplaire avec du papier blanc entre chaque page, afin de la revoir tout de nouveau et d’y faire des corrections, particulièrement sur le langage ; mais elle ne trouva rien à y corriger, même en plusieurs années, et je ne pense pas que l’on y puisse rien changer, même encore aujourd’hui. » Il est évident que Segrais, comme tant d’éditeurs de bonne foi, se laissait dire et rougissait un peu quand on lui parlait de sa Zayde. […] Ce lui étoit une grande douleur de voir qu’elle n’étoit plus maîtresse de cacher ses sentiments, et de les avoir laissés paroître au chevalier de Guise. […] Il paraît aussi que, pour remplir les heures, Mme de La Fayette se laissa aller à plusieurs écrits, dont quelques-uns ont pu être égarés. […] Il est temps de laisser chaque chose à sa place, et de vous mettre à la vôtre.

2403. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre premier. Les caractères généraux et les idées générales. » pp. 249-295

Mais, en revanche, ils sont eux-mêmes beaucoup moins nombreux, puisque forcément tous les traits qui distinguaient chaque individu des autres ont été laissés de côté et puisque le type général obtenu par ce retranchement n’est qu’un reste. — Même observation si, de la race ou variété, c’est-à-dire du nègre ou de l’Indo-Européen, on passe à l’espèce, c’est-à-dire à l’homme. — Continuez et suivez les classifications de l’histoire naturelle de l’espèce au genre, puis à la famille, puis à l’ordre, jusqu’à l’embranchement et au règne. […] Si en ce moment je cherche ce que cette expérience a laissé en moi, j’y trouve d’abord la représentation sensible d’un araucaria ; en effet, j’ai pu décrire à peu près la forme et la couleur du végétal. […] De nos expériences nombreuses, il nous reste le lendemain quatre ou cinq souvenirs plus ou moins distincts, qui, oblitérés eux-mêmes, ne laissent en nous à demeure qu’une représentation unique, décolorée et vague, dans laquelle entrent comme composants diverses sensations ressuscitantes, toutes affaiblies, inachevées et avortées. — Mais cette représentation n’est pas l’idée générale et abstraite. […] Nous le détachons et nous le notons au moyen de symboles, qui tantôt sont les noms de surface, ligne et point, tantôt sont une classe d’objets sensibles, fort maniables, choisis pour tenir lieu de tous les autres, la surface réelle d’un tableau noir ou d’un papier blanc, le mince tracé d’un trait de craie ou d’encre, la très petite tache que laisse sur le papier ou sur le tableau l’attouchement momentané de la plume ou du crayon. — La tache étant exiguë, nous sommes tentés de ne point faire attention à sa longueur ni à sa largeur, qui sont réelles ; par cette omission, nous en faisons involontairement abstraction, et nous n’avons pas de peine à traiter la tache comme un point. — Le tracé étant fort effilé, nous sommes disposés à ne point nous inquiéter de sa largeur, qui est réelle ; par cette omission, nous la retranchons, et, sans efforts, nous en venons à considérer le trait comme une ligne. — Le tableau et le papier étant tout à fait plats et unis pour notre œil et notre main, nous n’éprouvons aucune sensation qui nous avertisse de leur épaisseur ; par cette omission, nous la supprimons, et nous sommes tout portés à regarder le tableau et le papier comme de vraies surfaces. — De cette façon, le tableau, le trait étroit, la petite tache de craie deviennent des substituts commodes. […] Débarrassée de ses éléments accessoires et réduite à ses éléments principaux, la première copierait exactement la seconde ; et, de fait, elle s’en rapproche d’autant plus que ses éléments ultérieurs ou accessoires, plus faibles, laissent plus d’ascendant à ses éléments primitifs ou principaux. — Ainsi, en géométrie, comme tout à l’heure en arithmétique, nos cadres préalables ont un office et un prix.

2404. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VIII. La littérature et la vie politique » pp. 191-229

Il dit des Parisiens : « Laissez-les chanter la canzonette : ils pagaront. » Il supporte les impertinences avec une patience plus que chrétienne. […] Retz, moins bouffon, laisse pourtant à maintes reprises une impression comique. […] Il disait de Corneille : « Je l’aurais fait prince » ; mais il disait aussi : « Je n’aurais pas laissé jouer Tartufe. » Peut-être n’eût-il pas laissé jouer non plus les Plaideurs. […] Je laisse au lecteur le soin de compléter cette étude, et je pousse plus avant sur la route encore longue qu’il me reste à parcourir.

2405. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

le drame musical existe en Allemagne, et nous laisserions tout entière à un pays que nous aimons peu une gloire où nous pouvons avoir part ? […] Mais, en même temps que Richard Wagner, poète-musicien, qu’il faut laisser seul, il y a Richard Wagner, dogmatiste, dont les théories universellement applicables peuvent être acceptées par tous. […] Les conditions de la souscription ayant été, exactement, observées de part et d’autre, les souscripteurs-patrons n’avaient rien à savoir du déficit, qui tomba, tout entier, sur Wagner : il alla donner, à Londres, une série de concerts, au printemps de 1877 ; il laissa un impressario prendre les décors de Bayreuth et colporter la Tétralogie de ville en ville : la générosité du roi de Bavière et de quelques anciens patrons fit le reste, et Wagner se trouva libéré, ayant accompli, grâce à la souscription et grâce à l’appui du roi, la fondation du Théâtre de Fête, et la représentation de sa première pièce de Fête. […] Et, même ainsi, je laisserai à la libre fantaisie du lecteur le soin de faire revivre l’Image en ses traits particuliers ; je l’y puis aider, uniquement, en traçant le schème très général de cette représentation. […] En réalité, ce progrès musical extraordinaire ressemble au brusque réveil d’un rêve ; et nous éprouvons, aussitôt, le bienfaisant effet de ce réveil sur l’âme que le rêve avait, au dernier point, angoissée ; car jamais, auparavant, le musicien n’avait laissé vivre devant nous la torture du monde, si tristement infinie ; aussi fut-ce, en vérité, par un élan désespéré que le Maître, divinement pur et tout rempli de son enchantement, est entré dans ce nouveau monde de lumière, dont le sol lui a présenté aussitôt, superbement épanouie, cette mélodie longtemps cherchée, cette mélodie humaine, délicieusement douce, purement innocente.

2406. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Gustave Flaubert. Étude analytique » pp. 2-68

Emma serrait son châle contre ses épaules et se levait. » Pénétrant davantage la sourde éclosion de ses sentiments, d’incessantes métaphores matérielles disent le néant de son existence à Tostes, son intime rage de femme laissée vertueuse, par le départ de Léon et son exultation aux atteintes d’un plus mâle amant : « C’était la première fois qu’Emma s’entendait dire ces choses ; et son orgueil, comme quelqu’un qui se délasse dans une étuve, s’étirait mollement et tout entier à la chaleur de ce langage. » Et encore la contrition grave de sa première douleur d’amour : « Quant au souvenir de Rodolphe, elle l’avait descendu tout au fond de son cœur ; et il restait là plus solennel et plus immobile qu’une momie de roi dans un souterrain. […] De ces procédés, ce sont les moins artificiels qui subsistent dans l’Éducation sentimentale ;  les personnages de ce roman sont montrés par de très légères indications, un mot, un accent, un sourire, une pâleur, un battement de paupières, qui laisse au lecteur le soin de mesurer la profondeur des affections dont on livre les menus affleurements. […] Avant de laisser enfanter son imagination, de prêter à sa puissance verbale de beaux thèmes à phrases magnifiques, Flaubert avait rempli sa mémoire de l’infinité de faits que réclamait son style particulier, disconnexe et concis, et que son réalisme le poussait à rechercher aussi véridiques que peuvent les fournir les livres. […] Certaines émotions à peine senties des entrevues dernières de Mme Arnoux et de Frédéric, sont voilées sous des mots à demi-révélateurs et discrets qui ne laissent entrevoir les complications intimes d’âmes tristement généreuses, qu’à quelques initiés. […] Que M. de Goncourt se plut à laisser libre carrière à son style en une œuvre spéciale et suprême, LaFaustin !

2407. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

La jeunesse doit toujours se laisser conduire et tâcher de ne point s’émanciper. […] Ces deux hommes laissèrent la froideur de la faute et du souvenir s’établir entre leurs âmes. […] À la vérité, ce n’est pas leur coutume de laisser rien imprimer pour eux qu’ils n’y mettent quelque chose du leur. […] Il éleva dans l’ombre et dans la piété une famille chrétienne à laquelle il ne songea à laisser pour héritage que sa religion pour toute gloire. […] « Esther fut représentée un an après la résolution que Mme de Maintenon avait prise de ne plus laisser jouer de pièces profanes à Saint-Cyr.

2408. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre premier. Le Moyen Âge (842-1498) » pp. 1-39

Nous en avons beau connaître les auteurs, les œuvres ne laissent pas pour cela d’être toujours anonymes, à la manière, disions-nous, de ces tragédies de La Harpe, — qui pourraient être de Marmontel, et réciproquement. […] Mais la Chronique de Bertrand du Guesclin, du trouvère Cuvelier, pour être d’ailleurs plus plate que la Chanson de Renaud de Montauban, ne laisse pas de lui ressembler bien plus qu’elle n’en diffère. […] Faute d’une connaissance assez étendue, mais faute surtout d’une connaissance assez expérimentale de la nature, les définitions de la scolastique n’ont rien de « scientifique », au sens véritable du mot ; mais elles n’en ont pas moins discipliné l’esprit français en lui imposant ce besoin de clarté, de précision et de justesse qui ne laissera pas de contribuer pour sa part à la fortune de notre prose. […] — mais si c’est Joinville lui-même, alors c’est déjà l’histoire sous forme d’autobiographie. — On retrouve les caractères de l’épopée, luttant pour ainsi dire avec ceux de l’histoire, dans les Chroniques de Froissart. — La Chronique de Bertrand du Guesclin, du trouvère Cuvelier ; — et la Geste des Bourguignons, « qui clôt la série des poèmes en laisses monorimes », — nous conduisent de là jusqu’au seuil du xve  siècle. […] D. — Si les uns ou les autres ont ajouté quelque chose à leurs modèles provençaux, — et qu’il semble qu’ils aient pris l’amour plus au sérieux. — Mais peut-être cela ne tient-il qu’au caractère de la langue ; — moins formée, et par conséquent d’apparence plus naïve que la langue d’oc. — Ils ont toutefois exprimé quelques sentiments qu’on n’avait pas exprimés avant eux ; — et, sous le rapport de la forme, quelques-unes de ces Chansons courtoises sont peut-être ce que la littérature du Moyen Âge nous a laissé de plus achevé.

2409. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 5482-9849

Le facile Claude se laissa gouverner par Agrippine. […] Un homme facile est en général un esprit qui se rend aisément à la raison, aux remontrances ; un coeur qui se laisse fléchir aux prieres : & foible est celui qui laisse prendre sur lui trop d’autorité. […] Une ame foible of sans ressort & sans action ; elle se laisse aller à ceux qui la gouvernent. […] Cicéron dans ses ouvrages philosophiques ne laisse pas soupçonner seulement qu’on puisse se méprendre aux statues des dieux, & les confondre avec les dieux mêmes. […] On ne peut donc laisser à Joseph le tems d’aller à Jérusalem & de-là à Nazareth, avant que d’avoir prévenu par sa fuite les mauvais desseins d’Hérode.

2410. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Sur un exemplaire de Vauquelin de la Fresnaie »

Son Tableau de la Poésie française, que nous réimprimerons un jour avec toutes les notes et additions marginales, interfoliées, interlinéaires, dont sa main a laissé couvert un exemplaire qu’il destinait à une prochaine édition, n’a pas nui, sur le cours et marché de la Bourse littéraire, à la hausse actuelle des poëtes de l’illustre Pléiade, tant recherchée aujourd’hui des bibliophiles.

2411. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moreau, Hégésippe (1810-1838) »

Il devait être de la multitude des poètes qu’elle emporte pour un ou deux qu’elle laisse vivre ; il ne pouvait, en effet, comme les deux seuls hommes qui de nos jours ont bénéficié de leurs vers, attendre le bon plaisir de la renommée et la forcer à la longue de coter ses rimes au marché.

2412. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Croix, Camille de (1859-1915) »

Paul Margueritte Camille de Sainte-Croix ne nous laisse aucun doute sur la manière dont il entend son rôle, tout accidentel et fortuit, de polémiste.

2413. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 421-423

Si celle-ci n’a pas eu un grand succès, elle ne laisse pas d’être supérieure à la plupart des Comédies de nos jours que le Public a accueillies.

2414. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 76-79

Avant lui, notre Scène tragique retraçoit Sophocle & Euripide : il nous manquoit Eschile, & M. de Crébillon ne nous a rien laissé envier à la Grece.

2415. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 480-482

Si sa derniere maladie ne lui laissa pas le temps de recevoir les Sacremens, la vie qu’il avoit menée, son exactitude à remplir les devoirs d’un vrai Catholique, doivent placer cet événement au rang de ceux que la prudence ne sauroit prévoir, & il n’en peut résulter aucun soupçon au préjudice de l’intégrité de sa foi.

2416. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 544-547

En le courbant sous le sceptre de fer de la nécessité, en promettant au trépas son être tout entier, l’incrédulité laisse le Raisonneur en proie au désespoir le plus affreux.

2417. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Chants du crépuscule » (1835) »

Il ne laisse même subsister dans ses ouvrages ce qui est personnel que parce que c’est peut-être quelquefois un reflet de ce qui est général.

2418. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Chardin » pp. 128-129

Mais un coup de l’aile du temps ne laissera rien qui justifie la réputation du premier.

2419. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — II » pp. 454-475

Laissons M. de Meilhan nous le dire par la bouche d’un de ses personnages : Je me rendis dans une maison voisine où se rassemblait ordinairement l’élite de la société ; mon cœur était navré, mon esprit obscurci des plus sombres nuages, et je croyais trouver tout le monde affecté des mêmes sentiments ; mais écoutez les dialogues interrompus des personnes que j’y trouvai, ou qui arrivèrent successivement : « Avez-vous vu passer le roi ? […] Ma bibliothèque était composée en grande partie de livres sur la jurisprudence et sur l’histoire de France ; un de mes oncles qui était évêque m’avait, laissé une collection complète des procès-verbaux du Clergé, etc., etc. » ; et il montre que la Révolution qui s’accomplit a déjà mis beaucoup de ces livres à la réforme, et qu’elle va simplifier bien des sciences. […] Je laisse bien d’autres de ces pensées là où elles sont.

2420. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

« Quand cela me fui proposé, me disait-il un jour, j’hésitai d’abord, je savais bien qu’il y allait, comme on disait alors, de la plaine de Grenelle ; et puis ce n’étaient pas tout à fait mes opinions, j’en prenais et j’en laissais. […] Interrompu presque à chaque phrase par cette majorité, ainsi atteinte à son endroit sensible, et qu’il dénonçait, elle royaliste par excellence, pour son manque réitéré de respect envers la royauté, rappelé même à l’ordre, il s’arrêtait imperturbable et reprenait derechef, résolu à ne pas laisser briser le fil de sa déduction rigoureuse et de son énumération vengeresse. […] C’est la seule chose gaie qui soit échappée à ce triste écrivain, à ce triste et sec esprit ; c’est le seul souvenir littéraire qu’il mérite de laisser.

2421. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Les virtuoses de la parole et de la plume ont vu leur domaine se rétrécir d’autant, et aussi les plus habiles, les plus avisés d’entre eux n’ont rien trouvé de mieux, pour ne pas se laisser tout à fait dépouiller et amoindrir, que de se mettre en campagne à leur tour, de s’emparer de toutes ces langues spéciales, techniques et plus ou moins pittoresques, que s’interdisait autrefois le beau langage, de s’en servir hardiment, avec industrie et curiosité, se promettant bien d’ailleurs d’y répandre un vernis et un éclat que les spéciaux n’atteignent ni ne cherchent. […] Deux nuits entières il lutta, les mains jointes, contre cette vision ; elle disparut enfin et le laissa meurtri, brisé, mais saintement humilié et persuadé qu’il avait choisi la bonne part13. » Voilà des miracles de la littérature exquise, de celle qui ne brille que par l’étendue et la rapidité des aperçus, la justesse heureuse des touches, les ménagements et le choix des couleurs et du langage. […] Lui, coquettement, se laisse adorer : il reçoit toutes les caresses et en rend très peu.

2422. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. »

Il écrit de souvenir, un peu au hasard, et laisse galoper sa plume, sauf à se tromper sur des détails : « Je suis fils d’Auguste Roi (roi de Pologne et électeur de Saxe) ; la comtesse de Kœnigsmark est ma mère. […] Commencez, monsieur, par le faire marcher à pied du rendez-vous jusqu’en Flandre. » La proposition ne laissa pas de m’étonner, mais je n’osai rien dire. » A un moment toutefois, le jeune homme insinue qu’il lui semblerait plus joli d’être dans la cavalerie ; sur quoi il se voit rembarré de la bonne manière, et le roi s’adressant de nouveau à M. de Schulenburg : « Au moins, monsieur, je ne veux absolument pas que vous souffriez que dans la marche l’on porte ses armes ; il a les épaules assez larges pour les porter lui-même, et surtout qu’il ne paye point de garde, à moins qu’il ne soit malade et bien malade. » — J’ouvris les oreilles, et je trouvai que le roi, que j’avais toujours trouvé si doux, parlait comme un Arabe ce jour-là ; mais quand je songeai que je n’avais plus de gouverneur, j’oubliai tout, et j’étais persuadé qu’il n’y avait rien au-dessus. » L’indépendance ! […] « Je ne me souviens plus de ce qui fut conclu entre les bergers et les loups, et je laisse à Votre Excellence le soin de faire le commentaire de cette fable. » Le commentaire se tira de lui-même.

2423. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SCRIBE (Le Verre d’eau.) » pp. 118-145

Bonnet, l’honorable tuteur, se crut autorisé par le succès à laisser courir les choses et le nom. […] Nous avons laissé M. […] Le moraliste inexorable l’a dit : « Nos actions sont comme les bouts-rimés, que chacun fait rapporter à ce qu’il lui plaît. » Et ce ne sont pas nos actions seulement qui sont ainsi, ce sont nos noms, quand on a le malheur d’en laisser un.

2424. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « M. Joubert »

La classe libre d’intelligences actives et vacantes qui se sont succédé dans la société française à côté de la littérature qu’elles soutenaient, qu’elles encadraient, et que, jusqu’à un certain point, elles formaient ; cette dynastie flottante d’esprits délicats et vifs aujourd’hui perdus, qui à leur manière ont régné, mais dont le propre est de ne pas laisser de nom, se résume très-bien pour nous dans un homme et peut s’appeler M.  […] La plupart mettent leurs soins à écrire de telle sorte, qu’on les lise sans obstacle et sans difficulté, et qu’on ne puisse en aucune manière se souvenir de ce qu’ils ont dit ; leurs phrases amusent la voix, l’oreille, l’attention même, et ne laissent rien après elles ; elles flattent, elles passent comme un son qui sort d’un papier qu’on a feuilleté. » Ceci s’adresse en arrière à l’école de La Harpe, au Voltaire délayé, et, en général, le péril n’est pas aujourd’hui de tomber dans ce coulant. […] Je laisse subsister mon premier jugement, que chacun désormais peut achever et contrôler.

2425. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Une seule branche de Renart est provenue directement de ce fonds classique et clérical, qui pourtant n’a pas laissé d’exercer une réelle influence sur la formation de certaines parties du roman. […] Comment Tibert le chat mangea l’andouille à la barbe de Renart, sans lui en faire part, et comment deux prêtres se disputèrent la fourrure de Tibert qui ne se laissa pas prendre : comment Renart prit Chantecler le coq, et comment Chantecler échappa des dents qui le tenaient : comment Renart eut le fromage que Tiecelin le corbeau avait dérobé à une bonne femme, et voulut avoir Tiecelin lui-même, etc. : toutes ces aventures, et d’autres encore, méritent d’être lues. […] Et n’est-ce pas aussi une parodie perpétuelle de la littérature chevaleresque, que ces aventures multiples, d’où Renart sort le plus souvent repu et glorieux, où les autres laissent à l’ordinaire une patte, un bout de leur queue, ou la peau de leur mufle ?

2426. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Anatole France »

L’ampleur de son corsage et la rondeur de sa taille ne laissaient aucun doute à cet égard, même à un vieux savant comme moi. […] Sylvestre Bonnard, ne vous y laissez pas prendre ; et si vous vous attendrissez trop fort, dites-vous que cela n’est pas arrivé. […] L’embarras est grand : ce que je citerai me laissera le remords de paraître négliger ce que je ne cite point : Tout dans l’immortelle nature Est miracle aux petits enfants.

2427. (1890) L’avenir de la science « XIX » p. 421

La plupart des positions libérales, en effet, absorbent tous les instants, et, qui pis est, toutes les pensées ; au lieu que le métier, n’exigeant aucune réflexion, aucune attention, laisse celui qui l’exerce vivre dans le monde des purs esprits. […] Quand l’objet scientifique a par lui-même quelque intérêt esthétique ou moral, il occupe tout entier celui qui s’y applique ; quand, au contraire, il ne dit absolument rien à l’imagination et au cœur, il laisse ces deux facultés libres de vaquer à leur aise. […] Laissez là l’avenir et soyez du présent  Rien de grand, répondrai-je, ne se fait sans chimères.

2428. (1887) Discours et conférences « Rapport sur les prix de vertu lu dans la séance publique annuelle de l’Académie française »

Madame Gros fait à ce sujet une réflexion que nous recommandons à ceux qui s’occupent, dans la philosophie de l’histoire, du chapitre important : « Comment le brigand devient gendarme. » « En général, dit madame Gros, ils se communiquent leurs qualités nouvelles, au besoin par des voies de fait, en faveur du bon ordre. » Walch est évidemment un des naufragés dont le sauvetage a laissé le plus profond souvenir dans le cœur de madame Gros, « Il avait quinze ans ; carrure, tournure, visage, crinière, regard, caractère, le tout représentant à merveille le lion du désert dans sa force sauvage. » Quatre années l’avaient à peine apprivoisé, lorsqu’un jour une dame vient à l’école avec une rose rouge jetée coquettement sur un chapeau de velours noir. — Voyez, Mesdames, comme il faut peu de chose pour ramener l’homme à la vertu ! […] Le public, qui est juste quelquefois, se prononce hautement pour la touchante victime ; elle, toujours réservée, ne consent pas à se laisser trop plaindre. ; Le dimanche suffit à sa consolation. […] Oui, certes, elle a de graves défauts : c’est de s’éprendre trop vite pour l’utopie généreuse, c’est de trop croire au bien et de se laisser surprendre par le mal, c’est de rêver le bonheur du monde et d’obliger des ingrats !

2429. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XII. La littérature et la religion » pp. 294-312

Qu’on parcoure, en un mot, tous les genres littéraires  ; tous laissent voir une pensée enchaînée aux principes dont le Concile de Trente a fait la règle des catholiques. […] Critiques sévères, ils déclarent qu’il faut viser au cœur, non à l’esprit ; ils blâment ces gens qui auraient laissé déborder le torrent des vices et périr le christianisme sans s’échauffer, de peur qu’un mot bas ou familier ne vînt à leur échapper ou que la symétrie de leurs périodes ne fût rompue. […] Il faut relever le caractère spécial qu’a revêtu alors le catholicisme ; quelle secte, quel ordre y dominait ; quel saint, quel grand homme du passé y était pris pour modèle ; quelle face du dogme y était exposée en plein jour et quelle laissée dans l’ombre ; si la première place y était donnée à l’Ancien ou au Nouveau Testament ; s’il s’adressait de préférence au peuple ou bien à telle ou telle classe privilégiée ; s’il voulait parler à la raison, au cœur, à l’imagination, aux sens ; quels étaient les ; sujets de controverse où il se complaisait, etc.

2430. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « V »

Mais laissons ce triste sujet… Ce n’est pas notre faute, hélas, si, dans de telles catastrophes, la comédie se mêle trop souvent au drame ; parfois, du reste, on rit de certaines choses, crainte d’avoir à s’en indigner. […] Personne d’humain ne peut s’y laisser prendre, en sorte que l’auteur ne peut être estimé que de ceux-là même, ses congénères, qui reconnaissent, en son mensonge, celui qu’ils sont eux-mêmes. […] Sur ce dernier point, vous avez raison ; rien ne serait comparable à cet effet : quelque chose d’irremplaçable se briserait en moi et le soleil de mon existence serait obscurci, Dieu, dans sa bonté, m’épargnera un tel malheur et me laissera la joie que je trouve à susciter et à exécuter les plans de cet ami si cher, et à être pour lui, dans une petite proportion, ce qu’il est pour moi si infiniment.

2431. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Cette vie superbe n’a laissé que quelques vestiges, elfe a disparu sous l’écroulement de son œuvre, il n’en reste que des traditions de persécutions et de calomnies, la face fruste d’une statue lapidée. […] La plupart n’ont laissé que des strophes éparses, des phrases inachevées ou insignifiantes qui rappellent ces sons confus dénués de mémoire et presque de sens, que les Ombres échangent au bord du Le thé. […] — Il y a des espaces laissés en blanc, aux angles des vieilles mappemondes du quinzième siècle, qui portent cette légende gravée entre leurs lignes indécises : Hic sunt Leones.

2432. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Cependant, avec ses méchants habits, elle ne laissait pas d’être cent fois plus belle que ses sœurs, quoique vêtues magnifiquement. » Ainsi commence, ou à peu près, ce conte charmant de la beauté tirée de la cendre, brillante et joyeuse, comme une flamme soudaine. […] Mais jamais suicidé ne sut plus mal son métier : au lieu de se laisser enferrer par le chevalier, c’est lui qui l’estropie, et, pour le dédommager de son égratignure, il le désigne au notaire qui attend son arrêt, la plume en main. […] Sandeau : un Héritage ; un de ces contes d’Allemagne tels que sait les écrire le poète de Marianna et de Mademoiselle de la Seiglière, tendres et plaintives histoires doucement filées, lentement dévidées, semées de mille nuances exquises et légères, et qu’on dirait destinées à ces blondes jeunes filles des pays du Rhin qui, tout en lisant, filent le rouet ou tricotent les bas de Marguerite et veulent se perdre doucement dans les rêves du coeur, sans laisser échapper une maille.

2433. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Il y a laissé son ami Jacques, son compagnon, son frère d’armes, prisonnier d’un de ces sultans qui marchent tout nus sous un tricorne d’arracheur de dents et qui ont pour premier ministre un serpent sacré. […] Le récit de Pierre Champlion laisse pourtant froid l’auditoire ; les applaudissements n’ont pas souscrit à son entreprise. […] Eh bien, c’est ce tour manqué, auquel une Agnès refuserait de se laisser prendre, qu’il recommence avec mademoiselle de Birague.

2434. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Mémoires de Daniel de Cosnac, archevêque d’Aix. (2 vol. in 8º. — 1852.) » pp. 283-304

Mme de Sévigné, qui, en revenant de Provence de chez Mme de Grignan, visitait Cosnac dans son évêché de Valence où il était avant de devenir archevêque d’Aix, écrivait à sa fille, le 6 octobre 1673 : « M. de Valence (Cosnac) m’a envoyé son carrosse avec Montreuil et Le Clair, pour me laisser plus de liberté : j’ai été droit chez le prélat ; il a bien de l’esprit ; nous avons causé une heure ; ses malheurs et votre mérite ont fait les deux principaux points de la conversation. » Ses malheurs ; — en effet, Cosnac, qui n’avait guère que quarante-trois ans à l’époque où Mme de Sévigné en parlait de la sorte, et qui était évêque depuis l’âge de vingt-quatre ans, avait eu jusque-là une vie très active, très intrigante (comme il le dit lui-même, en ne prenant pas le mot en mauvaise part), et très bigarrée. […] « C’est un homme, disait en terminant l’abbé de Choisy, d’une vivacité surprenante, d’une éloquence qui ne laisse pas la liberté de douter de ses paroles, bien que, à la quantité qu’il en dit, il ne soit pas possible qu’elles soient toutes vraies. […] Cosnac n’a point d’amour en dehors de son ambition, et, dans le cours de cette longue vie dont il nous a laissé une confession si entière et si diversifiée, on n’entrevoit point de faiblesses galantes.

2435. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Je le laisse dormir en paix, car je me défie de ma solitude où l’on peut, sans s’en douter, se familiariser avec les idées les plus absurdes. Vous pouvez voir par là, ajoute-t-il, que je m’accroche à tout, et que je laisse flotter çà et là des fils comme l’araignée, jusqu’à ce que je puisse ourdir ma toile. […] Il ne s’y laisse pourtant point gagner le cœur en commençant : Jamais ces lieux sauvages ne furent réjouis par le chant des oiseaux, ou par les amours de quelque animal paisible.

2436. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1881 » pp. 132-169

» * * * — Littré, à une demande de renseignements historiques, que lui adressait Renan, lui répondait par une lettre, où il le suppliait de le laisser tranquille, dans cette belle et désolée phrase : « J’ai le droit de passer pour mort !  […] Il s’excuse, avec une certaine vivacité, de s’être laissé aller à faire cet article, par un entraînement du premier moment, qu’il ne comprend plus, disant que dans ce livre, tout est blague, mensonge, ajoutant qu’il n’y a aucune étude de l’humanité, et répétant deux ou trois fois, avec une espèce, de colère comique. « Pour moi, Vallès n’est pas plus qu’un grain de chènevis… Oui là, pas plus qu’un grain de chènevis ». […] Un de ceux-ci dit à une de celles-là : « Nous avons commencé à organiser des promenades scientifiques, au Palais de l’Industrie… Je t’en ferai mettre. » Dimanche 21 août Quelquefois, en jetant, ma plume — et ici je la jette à la fin d’un chapitre où j’ai cherché à rendre le brisement de mon être, après la mort de mon frère — je me laisse aller à dire tout haut : « As pas peur, mon petit, je suis encore là… et à nous deux, nous aurons miné tant de vieilles choses, et à l’heure, où c’était brave… qu’il viendra une année du xxe  siècle, où quelqu’un dira : « Mais ce sont eux, qui ont fait tout cela ! 

2437. (1899) Esthétique de la langue française « Le cliché  »

L’oubli serait préférable si l’admiration ne laissait du moins surnager, après le naufrage, deux mots : le nom de l’auteur ; le titre du livre. […] Cette méthode est difficile à concilier avec la sensibilité esthétique, et nul, qui aime l’art, ne peut répondre qu’il n’en déviera jamais, l’ayant adoptée : on en laisse le choix aux volontés, selon leurs tendances. […] Ni le style de Stendhal, ni celui de Mérimée, ni le style même du Code ne sont exempts d’images ; seulement ces images sont tellement usées, elles ont si longtemps roulé dans les vagues de la parole que voilà des galets unis et ronds où il semble que nul regard mental ne puisse découvrir les linéaments du paysage ancien. « Tout condamné à mort, dit le Code, aura la tête tranchée » ; cela est net, sec et froid ; cela ne laisse à l’entendement aucune alternative ; ce n’est plus une image, c’est une idée, mais une idée qui, à peine comprise, redevient l’image que les mots, sans le savoir, ont tracée avec du sang.

2438. (1889) L’art au point de vue sociologique « Introduction »

Un des défauts caractéristiques auxquels se laisse aller celui qui vit trop exclusivement pour l’art et s’attache au culte des formes, c’est de ne plus voir et sentir avec force dans la vie que ce qui lui paraît le plus facile à représenter par l’art, « ce qui peut immédiatement se transposer dans le domaine de la fiction. » Flaubert, qui était artiste dans la mœlle des os et qui s’en piquait, a exprimé cet état d’esprit avec une précision merveilleuse : selon lui, vous êtes né pour l’art si les accidents du monde, dès qu’ils sont perçus, vous apparaissent transposés comme pour l’emploi d’une illusion à décrire, tellement que toutes les choses, y compris votre existence, ne vous semblent pas avoir d’autre utilité. […] Si le réalisme bien compris doit laisser une certaine place aux dissonances mêmes et aux laideurs dans l’art, c’est qu’elles sont la forme extérieure des misères et limitations inhérentes à la vie. « Le parfait de tout point, l’impeccable ne saurait nous intéresser, parce qu’il aurait toujours ce défaut de n’être point vivant, en relation et en société avec nous. […] Au fond, il demeure convaincu que tout ce qui, dans les choses et les êtres, nous laisse indifférents, ou même nous irrite, est simplement incompris, et qu’il suffirait de trouver la vraie raison des choses pour les regarder d’un œil affectueux ou indulgent.

2439. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Henri Heine »

Sa poésie et sa prose laissent entrevoir une âme curieusement divisée, émue, simple, songeuse et pure, en une communion étroite et panthéiste avec la nature, mais aussi méchante, d’une ironie particulièrement âcre, perfide et subite, sûre et rageuse. […] La folie a de ces grimacements et certaines agonies laissent sur les traits des cadavres ce rictus sardonique. […] Une race aussi homogène et aussi nettement caractérisée doit laisser dans l’organisation intellectuelle de ses représentants une série d’émotions et d’idées puissamment intégrées.

2440. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Du reste, il ne faut laisser envahir ni l’édifice par la végétation, ni le drame par l’arabesque. […] Une savane qui ne se peigne point, un lion qui ne fait pas ses ongles, un torrent pas tamisé, le nombril de la mer qui se laisse voir, la nuée qui se retrousse jusqu’à montrer Aldébaran, c’est choquant. […] Le préfet de police, négligent, laisse vaguer des esprits.

2441. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Je vous dirai donc : marchez jusqu’à ce que vous trouviez à votre droite de grandes roches ; sous ces roches une espèce de caverne, au devant de laquelle on a laissé des légumes, une cage à poulets et d’autres instrumens de la campagne. […] Le marmot sourit, laisse la pomme que sa mère lui offre, et tend ses petits bras vers le chat qui lui est présenté. […] Ce sont d’abord de grands rochers assez près de moi ; je les laisse.

2442. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Comme l’Arétin, dont il a les vices et les appétits, il mène en laisse une meute de courtisans qui ne se lassent d’aboyer ses louanges. […] Il s’est décoré, — non pas publiquement, il est lâche, — mais auprès de quelques niais, d’un nom qu’il a volé et d’une réputation qui appartient légitimement à un autre : Il laisse entendre qu’il fait la critique dramatique du Figaro , sous le pseudonyme de Jouvin. […] Si nous le laissons aller encore un peu, il passera bientôt, — par droit d’ancienneté, — au rang de chose inattaquable.

2443. (1920) Action, n° 4, juillet 1920, Extraits

Les débris d’une éducation infiniment cléricale et d’une hérédité bourgeoise me laissaient timide envers mes élans. […] L’Atlante m’en voulut inonder, m’amenant d’un coup Careo et Apollinaire, Pour une modeste agape qui a laissé, je le crains, d’insuffisants souvenirs à notre parfait Tyrtéej de Montmartre, j’avais adjoint à tant d’inconnu, doux tempéraments, un poète suissek et un jeune peintre français qui revenait avec élégance du front où il avait reçu une blessure et trouvé envers les Hommes de la bonté fraternelle. […] Comme le rappelle par exemple André Billy (« Apollinaire vivant », Les Écrits nouveaux, 3e année, n° 11, novembre 1920, p. 8), Apollinaire aimait à laisser croire que son père était un prélat.

2444. (1759) Réflexions sur l’élocution oratoire, et sur le style en général

Nos écrivains modernes, pour la plupart copistes superstitieux et serviles de l’antiquité, ont adopté cette définition, sans faire attention que les anciens qui nous l’ont laissée, y bornaient l’éloquence à sa partie la plus noble et la plus étendue, et que par conséquent la définition était incomplète. […] Nous ne pouvons lire sans être attendris les péroraisons touchantes de Cicéron pour Flaccus, pour Fonteius, pour Sextius, pour Plancius et pour Sylla, les plus admirables modèles d’éloquence que l’antiquité nous ait laissés dans le genre pathétique : qu’on imagine l’effet qu’elles devaient produire dans la bouche de ce grand homme ; qu’on se représente Cicéron au milieu du barreau, animant par ses pleurs le discours le plus touchant, tenant le fils de Flaccus entre ses bras, le présentant aux juges, et implorant pour lui l’humanité et les lois ; sera-t-on surpris de ce qu’il nous apprend lui-même, qu’il fut interrompu par les gémissements et les sanglots de l’auditoire ? […] L’expression même la plus brillante perd de son mérite dès que la recherche s’y laisse apercevoir.

2445. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Nisard » pp. 81-110

Notre glorieux maréchal Soult, qui parlait comme un corps de garde, a laissé des mots de génie qui, injustes ou non, flamberont longtemps sur la tête de ceux contre lesquels il les a dits. […] Une voix s’est élevée en France pour protester contre l’injure jetée à la forme exquise et disparue du plus beau des poètes, et cette voix a été celle de la délicatesse dans le courage, mais elle n’avait pas besoin de s’élever… Rien ne peut désormais contre l’impression que Byron a laissée de lui-même dans le monde. […] Il cherchait son enfant Ada sur le front de toutes les petites filles, et il disait dans son génie ce que le Sauveur disait dans sa vie mortelle : « Laissez venir les petits enfants jusqu’à moi. » Qu’il le sût ou qu’il l’ignorât, c’était par tout cela qu’il était un génie chrétien, cet orgueilleux qui eut si souvent les humilités de la tendresse, et dont l’orgueil d’ailleurs, a dit magnifiquement M. 

2446. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

On pleure sur la page blanche que laissent les ducs de Bourgogne derrière eux… Mais les époques qui promettaient beaucoup et qui n’ont pas tenu leurs promesses, ces époques de commencements splendides et d’avortements inattendus, ne laissent pas, elles, de blancs dans le livre des siècles. […] Nettement n’a pas lue ou qu’il n’a pas comprise, car, s’il avait lue — nous le croyons — il se serait épargné des erreurs qui mériteraient un nom moins doux, et il aurait laissé, à ses pieds, toute cette vieille poussière, faite, comme toutes les poussières, avec de la fange qui a séché !

2447. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Amédée Pommier a été un grand poète dans tout ce qu’il a compris de l’idée chrétienne, mais, quand cette idée qui l’a élevé au-dessus de lui-même, qui l’a emporté et qui l’a soutenu, l’a laissé à terre, il y est resté. […] Il laisse cela au terrible Dante, qui a besoin de nous raconter les infortunes de la Pia ou comment les Françoise de Rimini succombent, pour nous intéresser à son fabuleux enfer. […] Cet esprit qui ne biaise jamais, ce poète de résolution, cet héroïque qui n’a peur de rien, — qui n’eut pas peur un jour, dans une nation rieuse, de mettre en vers flamboyants, sonores et magnifiques de mouvement, de nombre et d’harmonie, les tableaux grotesques du petit père André, sachant et très-sûr qu’où le poète met sa griffe la marque reste et reste seule sur le ridicule effacé, lui, le poète des Crâneries, qui en fera une tant qu’il aura le crâne au-dessus des épaules, me laisse indécis sur cette poésie dont il nous donne aujourd’hui un échantillon si étrange, sur la poésie qu’après celles des Colifichets il rêve peut-être, et dans laquelle il est bien capable de se jeter à corps perdu demain !

2448. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — L’art et la sexualité »

Ma querelle était plutôt de nature littéraire et tant soit peu philosophique, et laissait derrière elle, tout en l’impliquant, la question technique des résultats mentaux et animiques de la chasteté. […] Panizza : « La cohabitation sexuelle, dit-il, fait table rase dans l’âme, ne laisse aucun germe et détruit ce qui existait auparavant… Le suprême enthousiasme de la vie est détruit, corrompu par cet instant… Il est incontesté que l’assouvissement sans bornes des appétits sexuels engourdit chez l’homme les forces intellectuelles, en tous cas ne les augmente pas ». […] Pénétrons toutefois dans l’intimité de leurs créations, dans ce qui est visible ou sensible du cœur de leur pensée, et peut-être nous apercevrons-nous que ce prodigieux repliement sur soi-même, qui provoque notre admiration, n’a peut-être pas été sans laisser sa trace au fond de leur individu.

2449. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « APPENDICE. — LEOPARDI, page 363. » pp. 472-473

Dans la confuse nuit où l’orage nous laisse, Que ne découvres-tu l’Étoile de promesse, Qui ramène l’errant vers le bercail chéri !

2450. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Revue littéraire. Victor Hugo. — M. Molé. — Les Guêpes »

Karr a eu l’idée de dire dans ses Guêpes ce qu’on ne lui laisserait dire dans aucun journal, car tout journal a son genre de vérités particulières à l’usage des rédacteurs et des abonnés.

2451. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre premier. De la stérilité d’esprit et de ses causes »

C’est là vraiment l’état de paralysie volontaire où l’on se met par le désir de laisser parler en soi la nature, et, loin de s’inquiéter de produire si peu, il faudrait plutôt s’émerveiller de produire encore quelque chose.

2452. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cladel, Léon (1834-1892) »

Le poète, sous son masque, se laisse encore voir.

2453. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rebell, Hugues (1867-1905) »

Que ne laisse-t-il toujours son cœur souffrir simplement, sincèrement, comme il fit une fois sur la Jolie Morte ?

2454. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — A — article » pp. 163-165

Il est plus à propos, pour l’honneur de notre Poésie, que nous ayons des Pieces qu’on puisse lire, que d’être amusés pendant quelque temps par des représentations qui ne laissent après elles que le dépit d’avoir accordé son suffrage à des fantômes tragiques.

2455. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » pp. 465-468

Les Rossignols déserteront les bosquets du Parnasse, pour y laisser glapir les Roitelets, à moins que le Dieu du Goût ne vienne en personne écorcher les Marsias, & distribuer des oreilles d’âne aux Midas qui les protégent ou les approuvent.

2456. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 308-311

Les Elémens de l’Histoire de France en sont dignes sur-tout, parce qu’ils réunissent le mérite de l’abrégé, à l’attention de ne laisser échapper aucun fait intéressant, comme à l’art de les bien présenter.

2457. (1824) Préface d’Adolphe

Je crois que pour la plupart ils se calomniaient, et que si leur vanité les eût laissés tranquilles, leur conscience eût pu rester en repos.

2458. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Vassé » pp. 323-324

Qu’on les laisse se soutenir d’eux-mêmes dans la jeunesse, ou s’en aller librement dans l’âge avancé.

2459. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — IX. Chassez le naturel… »

Et, tout en conversant avec son interlocuteur, chacun d’eux laissait libre cours à son tic familier.

2460. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MME DESBORDES-VALMORE. » pp. 124-157

Des obstacles de bien des sortes donnent un démenti à ce mot toujours… Mais tu vois aussi que la persévérance dans le bien touche toujours la bonté de Dieu qui semble dire à la fin : « Laissez-la faire. » Donc, si j’avais toujours voulu le bien, avec un si bon père, j’y serais peut-être parvenue ! […] Laisse faire le temps et Dieu, et ne cesse pas d’aimer ta triste sœur. » « (8 mars 1847)… Tu vois, mon ami, que je t’écris seulement aujourd’hui pour te dire d’attendre, et que je n’ai pas voulu retarder ma lettre jusqu’au moment où je pourrai y joindre un envoi d’argent. […] A quel point faut-il que je sois pauvre pour te laisser si pauvre ! […] » Elle a une modique pension qu’elle touchait d’abord avec une sorte de pudeur ; elle s’en confesse et s’en humilie : « (26 octobre 1847)… Il y a deux jours enfin, j’ai reçu le trimestre qui me semblait autrefois si pénible à recevoir, par des fiertés longtemps invincibles, et que j’ai vu arriver depuis d’autres temps comme si le Ciel s’ouvrait sur notre infortune… « Ne nous laissons pas abattre pourtant, il faut moins pour se résigner à l’indigence quand on sent avec passion la vue du soleil, des arbres, de la douce lumière, et la croyance profonde de revoir les aimés que l’on pleure… « En ce moment, je n’obtiendrais pas vingt francs d’un volume : la musique, la politique, le commerce, l’effroyable misère et l’effroyable luxe absorbent tout… « Mon bon mari te demande de prier pour lui au nom des pontons d’Écosse.

2461. (1875) Premiers lundis. Tome III « Les poètes français »

Nous qui sommes dès l’enfance accoutumés à admirer les grands incendies admirablement décrits, cet incendie de Troie et du palais de Priam qui se réfléchit aux flancs de l’Ida, aux flots de la mer de Sigée, et qui est comme un fanal éclairant glorieusement à nos yeux toutes les hauteurs de l’Antiquité classique : ……… Jam Deiphobi dedit ampla ruinam, Volcano superante, domus ; jam proximos ardet Ucalegon ; Sigea igni freta lata relucent ; mettons-y du nôtre, cette fois, puisqu’il s’agit des nôtres ; soyons humains et indulgents ; laissons-nous toucher par cet affreux incendie d’une abbaye en Vermandois. […] tandis que les grands poèmes chevaleresques et les nobles sujets qu’ils traitaient se sont perdus avec le temps, ont été oubliés et n’ont laissé de souvenir que ce qu’il en fallait pour être parodiés, tandis que la grande et hautaine branche des Chansons de geste s’est desséchée et a péri, la branche plus humble des Fabliaux, et plus voisine de terre, n’a cessé de verdoyer, de bourgeonner et de fleurir ; ces vieux récits n’ont cessé de vivre, de se réciter, de se transmettre, et les auteurs connus, qui ont eu l’honneur de nous les conserver en les variant à leur guise, n’ont fait le plus souvent qu’hériter des inconnus qui leur en ont fourni la matière et soufflé l’esprit. […] Par je ne sais quel secret défaut de l’imagination ou du cœur, il nous laisse froids, même là où il a le mieux réussi. […] On a cru pouvoir laisser chacun aller assez librement à sa sympathie, à sa prédilection : en telle matière un peu de fantaisie ne messied pas.

2462. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre I. Succès de cette philosophie en France. — Insuccès de la même philosophie en Angleterre. »

C’était le goût du temps ; M. de Malesherbes, si honnête et si grave, savait par cœur et récitait la Pucelle ; du plus sombre des Montagnards, Saint-Just, on a un poème aussi lubrique que celui de Voltaire, et le plus noble des Girondins, Mme Roland, a laissé des confessions aussi risquées, aussi détaillées que celles de Rousseau462  D’autre part, voici une seconde boîte, celle qui contient le vieux sel gaulois, je veux dire la plaisanterie et la raillerie. […] Il aime les caricatures, il charge les traits des visages, il met en scène des grotesques473, il les promène en tous sens comme des marionnettes, il n’est jamais las de les reprendre et de les faire danser sous de nouveaux costumes ; au plus fort de sa philosophie, de sa propagande et de sa polémique, il installe en plein vent son théâtre de poche, ses fantoches, un bachelier, un moine, un inquisiteur, Maupertuis, Pompignan, Nonotte, Fréron, le roi David, et tant d’autres qui viennent devant nous pirouetter et gesticuler en habit de scaramouche et d’arlequin. — Quand le talent de la farce s’ajoute ainsi au besoin de la vérité, la plaisanterie devient toute-puissante ; car elle donne satisfaction à des instincts universels et profonds de la nature humaine, à la curiosité maligne, à l’esprit de dénigrement, à l’aversion pour la gêne, à ce fonds de mauvaise humeur que laissent en nous la convention, l’étiquette et l’obligation sociale de porter le lourd manteau de la décence et du respect ; il y a des moments dans la vie où le plus sage n’est pas fâché de le rejeter à demi et même tout à fait […] Quel débouché pour les facultés comprimées, pour la riche et large source qui coule toujours au fond de l’homme et à qui ce joli monde ne laisse pas d’issue   Une femme de la cour a vu près d’elle l’amour tel qu’on le pratique alors, simple goût, parfois simple passe-temps, pure galanterie, dont la politesse exquise recouvre mal la faiblesse, la froideur et parfois la méchanceté, bref des aventures, des amusements et des personnages comme en décrit Crébillon fils. Un soir, au moment de partir pour le bal de l’Opéra, elle trouve sur la toilette la Nouvelle Héloïse 486, je ne m’étonne point si elle fait attendre d’heure en heure ses chevaux et ses gens, si, à quatre heures du matin, elle ordonne de dételer, si elle passe le reste de la nuit à lire, si elle est étouffée par ses larmes ; pour la première fois, elle vient de voir un homme qui aime  Pareillement, si vous voulez comprendre le succès de l’Émile, rappelez-vous les enfants que nous avons décrits, de petits Messieurs brodés, dorés, pomponnés, poudrés à blanc, garnis d’une épée à nœud, le chapeau sous le bras, faisant la révérence, offrant la main, étudiant devant la glace les attitudes charmantes, répétant des compliments appris, jolis mannequins en qui tout est l’œuvre du tailleur, du coiffeur, du précepteur et du maître à danser ; à côté d’eux, de petites Madames de six ans, encore plus factices, serrées dans un corps de baleine, enharnachées d’un lourd panier rempli de crin et cerclé de fer, affublées d’une coiffure haute de deux pieds, véritables poupées auxquelles on met du rouge et dont chaque matin la mère s’amuse un quart d’heure pour les laisser toute la journée aux femmes de chambre487.

2463. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Introduction. » pp. -

. —  Pareillement, quand nous lisons une tragédie grecque, notre premier soin doit être de nous figurer des Grecs, c’est-à-dire des hommes qui vivent à demi nus, dans des gymnases ou sur des places publiques, sous un ciel éclatant, en face des plus fins et des plus nobles paysages, occupés à se faire un corps agile et fort, à converser, à discuter, à voter, à exécuter des pirateries patriotiques, du reste oisifs et sobres, ayant pour ameublement trois cruches dans leur maison, et pour provisions deux anchois dans une jarre d’huile, servis par des esclaves qui leur laissent le loisir de cultiver leur esprit et d’exercer leurs membres, sans autre souci que le désir d’avoir la plus belle ville, les plus belles processions, les plus belles idées et les plus beaux hommes. […] Une langue, une législation, un catéchisme n’est jamais qu’une chose abstraite ; la chose complète, c’est l’homme agissant, l’homme corporel et visible, qui mange, qui marche, qui se bat, qui travaille ; laissez là la théorie des constitutions et de leur mécanisme, des religions et de leur système, et tâchez de voir les hommes à leur atelier, dans leurs bureaux, dans leurs champs, avec leur ciel, leur sol, leurs maisons, leurs habits, leurs cultures, leurs repas, comme vous le faites, lorsque, débarquant en Angleterre ou en Italie, vous regardez les visages et les gestes, les trottoirs et les tavernes, le citadin qui se promène et l’ouvrier qui boit. […] Quoique l’immensité de la distance ne nous laisse entrevoir qu’à demi et sous un jour douteux l’origine des espèces1, les événements de l’histoire éclairent assez les événements antérieurs à l’histoire, pour expliquer la solidité presque inébranlable des caractères primordiaux. […] La seule différence qui sépare ces problèmes moraux des problèmes physiques, c’est que les directions et les grandeurs ne se laissent pas évaluer ni préciser dans les premiers comme dans les seconds.

2464. (1890) L’avenir de la science « XXIII »

Prenez Platon, Socrate, Alcibiade, Aspasie ; imaginez-les vivant, agissant d’après les ravissants tableaux que nous a laissés l’antiquité, Platon surtout. […] que vous êtes bons de vous y laisser prendre. […] S’il eût vu Dorothée belle, courageuse et fière au bord de la fontaine, il eût osé lui dire : « Laisse-moi boire. » Si, comme Dante, il eût vu Béatrix sortant les yeux baissés de l’église de Florence, peut-être un rayon eût traversé sa vie, et peut-être la fille de Falco Portinari eût-elle souri de sa peine. […] Que laisserait-elle entre les mains d’une analyse rigoureuse ?

2465. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIV » pp. 126-174

Il eut donc l’intention de laisser venir sous ses pinceaux toutes ses réminiscences et de les exprimer ; sauf à écarter les plaintes et les vengeances par des phrases de précaution, par des protestations dont personne ne serait dupe que ceux qui les auraient rendues nécessaires. » Tout cela aurait pu passer à la faveur du vague nés conjectures et surtout étant dit sur le ton modeste du doute. Molière, intéressé comme poète et comme comédien à plaire aux gens de cour et aux gens du monde, avait pu se laisser aller à leur aversion pour les mœurs opposées aux leurs : cette facilité était l’esprit de son état. […] Tout cela était gâté par son mauvais goût ; mais elle n’aurait pas été reçue trente années à l’hôtel de Rambouillet, si le mauvais goût n’avait laissé habituellement percer en elle un bon naturel. […] On voit, dans les Mémoires de Bassompierre, que Henri IV, aidé par la goutte, jouait avec lui et d’autres courtisans, dans la ruelle à droite, et qu’il laissa son jeu pour donner audience à madame d’Angoulême et à Charlotte de Montmorency, dans la ruelle de la gauche.

2466. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Nous laisserons tout faire. […] Quintilien raconte aussi que l’Aréopage condamna à mort un enfant qui arrachait les yeux à des cailles, ne voulant pas laisser croître le monstre que ce jeu cruel prédisait. […] » — Sans s’irriter, Pallas leur laisse entendre pourtant qu’elle est la plus forte : on sent qu’elle aurait envie, à ce moment-là, de leur rendre la raison, comme elle fit pour Hercule, furieux, en leur jetant une pierre à la tête. […] Les Dieux nouveaux ont jusqu’alors laissé faire ; ils n’étaient pas encore assez forts pour intervenir, leur règne n’était qu’à moitié fondé.

2467. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Première partie. De la parole et de la société » pp. 194-242

Je ne discuterai point, au reste, les assertions que je viens d’exposer ; mais je n’ai pas voulu laisser ignorer au lecteur que ce sont des opinions plus ou moins admises par la plupart des archéologues qui se sont occupés du problème de la formation du langage, et par tous les théosophes sans exception. […] Au reste, sans entrer dans un tel ordre de recherches qui ne laisserait pas assez de prise à la discussion, je puis m’arrêter quelques instants sur les traces incontestables d’usages antiques. […] Enfin encore, a-t-on assez réfléchi à cette force qui est dans les langues et qui fait la certitude de la science étymologique, certitude qui est toute de tact, où l’erreur n’est à craindre que lorsqu’on se laisse entraîner par l’esprit de système, où elle ne sera plus même possible si l’on parvient à déterminer la filiation des langues, parce que alors on ne courra plus le risque d’appliquer les mêmes raisons et les mêmes règles à des familles différentes de langues ? […] Il y a, au sujet de la formation du langage, un dernier système que l’on laisse entrevoir plutôt qu’on ne le développe ouvertement ; ce système est très ancien, mais il vient d’être rajeuni avec beaucoup d’art et beaucoup de science : c’est celui auquel on est si naturellement conduit par les idées de M. 

2468. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre II. Axiomes » pp. 24-74

Il entreprit de remplir la grande lacune laissée par la philosophie grecque, qui n’avait point considéré l’homme dans l’ensemble de la société du genre humain. […] Dès que les hommes ont laissé surprendre leur âme par une superstition pleine de terreurs, ils y rapportent tout ce qu’ils peuvent imaginer, voir, ou faire eux-mêmes. […] C’est un caractère des hommes courageux de ne point laisser perdre par négligence ce qu’ils ont acquis par leur courage, mais de ne céder qu’à la nécessité ou à l’intérêt, et cela peu à peu, et le moins qu’ils peuvent. […] Les gouvernements aristocratiques conservent les richesses dans l’ordre des nobles, parce qu’elles contribuent à la puissance de cet ordre. — C’est ce qui explique la clémence avec laquelle les Romains traitaient les vaincus ; ils se contentaient de leur ôter leurs armes, et leur laissaient la jouissance de leurs biens (dominium bonitarium), sous la condition d’un tribut supportable. — Si l’aristocratie romaine combattit toujours les lois agraires proposées par les Gracques, c’est qu’elle craignait d’enrichir le petit peuple.

2469. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Histoire de la Restauration, par M. Louis de Viel-Castel » pp. 355-368

M. de Viel-Castel, tout en estimant que ces deux points de vue, celui des libéraux exagérés et celui des ultra-royalistes, sont également faux, ne se laisse cependant pas dominer par un système en racontant les faits, et au contraire il les expose de telle manière et si véridiquement qu’à ne prendre d’autre guide que lui, à n’écouter que son témoignage, on arrive de soi-même à une première conclusion provisoire. […] Decazes, qui était alors, je crois, ou à Ville-d’Avray ou à Madrid, le conseil se tint chez lui, et pendant la durée de ce conseil qui ne fut guère que de deux heures, il arriva jusqu’à trois ou quatre messages empressés de Louis XVIII, exprimant pour le cher ami ses attentions, son inquiétude, avec le tutoiement de l’extrême familiarité ; et le ministre favori ne put s’empêcher de laisser voir négligemment à ses collègues ces petits billets qui se succédaient de si près et si caressants.

2470. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Étude sur la vie et les écrits de l’abbé de Saint-Pierre, par M. Édouard Goumy. L’abbé de Saint-Pierre, sa vie et ses œuvres, par M. de Molinari. — II » pp. 261-274

C’est avec cette orthographe et cette diction qu’il ne laissait pas cependant de plaire à quelques-unes de ces dames qui se piquaient de philosophie. […] Ainsi chassé d’une académie, ayant eu une autre académie tuée sous lui, l’abbé, toujours serein et impassible, continua d’écrire tous les matins ses idées, de les lire tous les soirs à qui voulait l’entendre (ne fût-ce qu’à une jolie femme), et d’échec en échec, il ne laissa pas de dire : « Patience !

2471. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Victor Hugo, Les Chants du crépuscule (1835) »

Il recueille au fur et à mesure dans une corbeille préparée les fruits intérieurs des saisons diverses, les récoltes des années successives ; il ne les laisse pas mourir sur pied, ni se dessécher à la branche. […] C’est bien exactement une trompette qu’on prend ou qu’on laisse.

2472. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Lettres de Rancé abbé et réformateur de la Trappe recueillies et publiées par M. Gonod, bibliothécaire de la ville de Clermont-Ferrand. »

Celui-ci avait laissé le jeune abbé en train de fortes études et de thèses théologiques ; il se le figurait toujours sous cet aspect : « Vous avez trop bonne opinion de ma vocation à l’état ecclésiastique, lui écrivait Rancé : pourvu qu’elle ait été agréable à Dieu, c’est tout ce que je désire… » On a beau relire et presser les lettres de cette date, on y trouve de bons et respectueux sentiments pour son ancien précepteur, un vrai ton de modestie quand il parle de lui-même et de ses débuts dans l’école ou dans la chaire, de la gravité, de la convenance, mais pas le plus petit bout d’oreille de l’amant de Mme de Montbazon. Après la mort de cette dame et pendant les premiers temps de la retraite que fit Rancé à sa terre de Veretz, il se développe un peu plus et laisse entrevoir à son digne précepteur quelque chose de l’état de son âme : « Les marques de votre souvenir m’étant infiniment chères, lui écrit-il à la date du 17 juillet 1658, j’ai lu vos deux lettres avec tous les sentiments que je devois, quoique je me sois vu si éloigné de ce que vous imaginez que je suis, qu’assurément j’y ai trouvé beaucoup de confusion.

2473. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mémoires de Casanova de Seingalt. Écrits par lui-même. »

Comme le chroniqueur ingénu ne paraît guère préoccupé de l’idée de pudeur, cela fait que le lecteur est médiocrement choqué lui-même, et qu’il laisse courir le récit du moins prude des mondains. […] De toutes les beautés dont Casanova nous entretient dans ces premiers volumes, celle qui est reine évidemment, celle qui lui a laissé la plus profonde empreinte, et pour laquelle il démentirait le plus volontiers sa définition un peu outrageuse de l’amour que, ce n’est qu’une curiosité plus ou moins vive, jointe au penchant que la nature a mis en nous de veiller à la conservation de l’espèce ; cette femme mystérieuse, appelée Henriette, qu’il rencontre la première fois en habit d’officier, et qui se trouve être une noble personne française, ne diffère pas notablement, par le caractère, de dona Lucrezia, ni de tous ces cœurs d’amantes voluptueux, passionnés, non jaloux et capables de séparation.

2474. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une soirée chez Paul Verlaine » pp. 18-33

L’une des pièces les mieux venues du recueil : La Terre qu’on laisse, évoquait un gars des champs s’exilant vers la ville et qui, sourd aux prières de la terre maternelle, gagnait résolument la gare d’un pas gendarmé. […] Mais laissons le sombre avenir.

2475. (1890) L’avenir de la science « IV » p. 141

Mais ceux-là meurent tout entiers ; ils n’ont pas leur place dans cette grande tapisserie historique que l’humanité tisse et laisse se défiler derrière elle : ce sont les flots bruyants qui murmurent sous les roues du pyroscaphe dans sa course, mais se taisent derrière lui. […] En vérité, je crois qu’il vaudrait mieux laisser le peuple pauvre que de lui faire son éducation de la sorte.

2476. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre II » pp. 12-29

Le président Hénault dit en parlant d’elle : « Princesse dont la fin fut digne de pitié, mais d’un esprit trop au-dessous de son ambition, et qui ne fut peut-être pas assez surprise et assez affligée de la mort funeste d’un de nos plus grands rois. » Ce mot pas assez surprise laisse à douter si elle fut à la tête du complot ou seulement instruite de celui du prince de Condé ; car le soupçon flotte entre les deux, relativement à cette qualité de chef : il est probable qu’ils s’accordèrent ; mais le prince de Condé, le plus offensé, le plus ardent, qui vit sans doute Ravaillac à Bruxelles, était probablement le chef. […] Antoine Rambouillet de la Sablière a laissé un volume de madrigaux.

2477. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Avertissement sur la seconde édition. » pp. 23-54

Il s’agissoit de prouver que les Trois Siecles, où l’on rend par-tout justice au vrai génie, où l’on tâche d’inspirer l’amour des regles, l’amour des devoirs, l’amour de la Patrie, l’amour de la Religion, devoit être soustrait aux mains des Lecteurs, pour y laisser de préférence l’Evangile du jour, le Bon Sens, le Systême de la Nature, le Systême Social, & tant d’autres systêmes qui ont déjà produit de si heureux effets parmi nous. […] Quoiqu’il n’ait pris que parmi les bénignes admirateurs du Peuple philosophe, ou parmi certaines ames qui veulent passer pour bonnes, & qui ne sont que foibles & peut-être hypocrites, nous croyons devoir y faire une attention particuliere, afin de ne laisser aucun doute sur la droiture de nos sentimens.

2478. (1901) La poésie et l’empirisme (L’Ermitage) pp. 245-260

Mesdames, Messieurs, Le siècle qui n’est plus nous laisse un confus héritage. […] — Au lieu d’une œuvre il laisse des morceaux — mais que de documents !

2479. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre V. Les âmes »

Laissez-le tranquille maintenant. […] La complication du phénomène, laquelle ne se laisse entrevoir, au-delà de nos sens, qu’à la contemplation et à l’extase, donne le vertige à l’esprit.

2480. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre IV. Suite du parallèle de la Bible et d’Homère. — Exemples. »

Mais vaincu, il l’est sans doute, et d’une manière qui ne laisse aucun subterfuge à la critique. […]  » Il sera aisé maintenant de prendre un passage d’Homère, d’en effacer les couleurs, et de n’en laisser que le fond à la manière de la Bible.

2481. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 34, que la réputation d’un systême de philosophie peut être détruite, que celle d’un poëme ne sçauroit l’être » pp. 489-511

Par exemple, quand nous voïons ceux qui nous élevent, ceux qui nous instruisent durant l’enfance, admirer l’éneïde, leur admiration laisse en nous un préjugé qui nous la fait trouver encore meilleure qu’elle ne l’est réellement. […] Le public est en possession de laisser discuter aux sçavans les raisonnemens qui concluent contre son expérience, et de s’en tenir à ce qu’il sçait certainement par voïe de sentiment.

2482. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre IV : Règles relatives à la constitution des types sociaux »

Ils ne se laissent donc pas facilement entamer par l’action des milieux individuels, mais se maintiennent, identiques à eux-mêmes, malgré la diversité des circonstances extérieures. […] Le Japon pourra nous emprunter nos arts, notre industrie, même notre organisation politique ; il ne laissera pas d’appartenir à une autre espèce sociale que la France et l’Allemagne.

2483. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IV. Des changements survenus dans notre manière d’apprécier et de juger notre littérature nationale » pp. 86-105

Les rapports ne sont pas aussi frappants pour la poésie dans la prose française ; mais ils n’en existent pas moins, et il me serait facile de citer des exemples qui ne laisseraient aucun doute à cet égard. […] Laissez-vous entraîner aux digressions du poète, pour témoigner que vous vous êtes identifié avec les imaginations vives et mobiles des peuples de la Grèce.

2484. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. de Lacretelle » pp. 341-357

laissons-là les mots vulgaires. […] Ainsi, il était né royaliste, comme ses pères, et il laissa là l’opinion de ses pères, lui, l’homme de la race et de la famille, comme si ce n’était pas le commencement d’un parricide moral, pour une âme haute, que de n’avoir plus l’opinion de son père !

2485. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VI. M. Roselly de Lorgues. Histoire de Christophe Colomb » pp. 140-156

Cette reprise hardie de la tradition catholique où le génie de Bossuet l’avait laissée, cette reprise sans fausse honte, sans embarras, dans la simplicité d’une foi profonde, voilà ce qui devra faire autour du livre en question plus de bruit que l’intérêt d’une gloire, placée trop haut pour nous toucher ! […] S’il n’y avait là que Christophe Colomb, on laisserait parfaitement M. 

2486. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Monselet »

Depuis qu’un poète, d’un vrai génie, sans doute, mais dont la grandeur a été mesurée, a laissé tomber contre la Critique, peut-être pour se venger de l’exactitude de sa mesure, le mot courroucé d’impuissance, bien des gens l’ont ramassé par terre, où ils auraient dû le laisser, et ils s’en sont fait une arme contre elle. […] A part encore la moralité, qui tient pourtant plus à l’intelligence que ne le croient des penseurs vulgaires, il faudrait que, dans un intérêt d’un autre ordre, Charles Monselet s’essuyât des marques laissées sur lui et sur la naïveté de son talent par ce siècle dans lequel il a cherché ses modèles, et avec lequel il a trop intimement vécu.

2487. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Conclusion »

Conclusion Pour résumer ce qui précède, nous laisserons d’abord de côté la terminologie et même la doctrine de Kant, sur lesquelles nous reviendrons plus loin, et nous nous placerons au point de vue du sens commun. […] Or, ce compromis, vous y renoncez sans le moindre scrupule quand vous étudiez les choses extérieures, puisque vous laissez alors de côté les forces elles-mêmes, à supposer qu’elles existent, pour n’en considérer que les effets mesurables et étendus.

2488. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre VII. »

Comme un vent du printemps dissipe soudain les nuages, puis, remuant les profondeurs de la mer tumultueuse et stérile, et, sur la terre chargée d’épis, ravageant les beaux sillons de l’homme, monte jusqu’à la demeure inaccessible des dieux et éclaircit la face du ciel, tandis que l’éclat du soleil reluit sur la terre fertile et ne laisse plus de vapeurs visibles aux yeux ; ainsi marche la vengeance de Jupiter. […] Je couvrais d’un bouclier chacun des deux partis ; et je ne laissais d’injuste victoire ni à l’un ni à l’autre. » Quelque singulier que puisse paraître à la rudesse d’un autre temps ce pouvoir modérateur exercé par la poésie, il faut bien le reconnaître dans Solon quand on le voit attesté par l’histoire.

2489. (1914) L’évolution des genres dans l’histoire de la littérature. Leçons professées à l’École normale supérieure

D’un autre côté, si les scènes de la vie quotidienne, si les objets inanimés eux-mêmes ne laissent pas d’avoir leur physionomie, leur individualité, on peut donc en faire aussi le portrait. […] Quant à la quatrième, où nous donnerons nos Conclusions, je la laisse encore volontiers flotter dans le vague. […] Mais, d’autre part, il faut bien convenir que, d’en laisser l’appréciation au goût individuel, il n’y aurait rien de plus funeste, ce n’est de la remettre aux « dames » et aux gens du monde. […] Mais nous l’avons dit aussi, de ce libéralisme et de cette générosité mal entendus, il ne laissait pas de résulte ! […] Admirablement développé dans quelques-unes de ses parties, son syllogisme ne laisse pas, dans son ensemble, d’avoir de l’air d’un cercle vicieux, ou si vous l’aimez mieux, d’une pétition de principe.

2490. (1874) Premiers lundis. Tome II « Achille du Clésieux. L’âme et la solitude. »

Le volume que nous avons sous les yeux laisse certainement à désirer pour l’art, pour la composition et l’expression ; souvent, quand il parle du Jour des Morts, quand il nous peint sa paisible et assise existence sous le toit qui est à lui, quand, dans le silence de son vallon, il entend et nous raconte la voix de son cœur, en ces endroits, tout en étant lui-même, le poète nous rappelle un peu trop le maître harmonieux dont l’inspiration l’a éveillé.

2491. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 311-314

Ce Greffier dont tu vois l’image, Travailla plus de soixante ans ; Et cependant à ses enfans Il a laissé pour tout partage, Beaucoup d’honneur, peu d’héritage, Dont son fils l’Avocat enrage.

2492. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 264-267

Huet, Evêque d’Avranches, c’est au beau sexe qu’il faut en attribuer l’honneur ; & voici les preuves qu’il en donne : « Madame de la Fayette négligea si fort la gloire qu’elle méritoit, qu’elle laissa sa Zaïde paroître sous le nom de Segrais ; mais lorsque j’eus rapporté cette anecdote, quelques amis de Segrais, qui ne savoient pas la vérité, se plaignirent de ce trait, comme d’un outrage fait à sa mémoire.

2493. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 343-347

Des traits d’Histoire semés adroitement, des réflexions judicieuses, des pensées agréables & souvent énergiques, l’art d’exprimer de grandes choses d’une maniere naïve, l’abondance des métaphores, la multitude & la variété des images, sont des titres suffisans pour contenter les Esprits superficiels, parce qu’ils se laissent facilement entraîner à ce qui leur plaît, & qu’ils sont incapables de rien approfondir.

2494. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 368-371

Un tel usage du pouvoir est si contraire à l’idée du Gouvernement, que ce fut pour enchaîner ce pouvoir aveugle & féroce, que le Gouvernement fut institué : c’étoit pour que les hommes fussent libres, qu’il étoit nécessaire qu’ils fussent gouvernés : car le caractere de la multitude est de se laisser entraîner par la fougue des passions ; & ce fut pour nous soustraire à la tyrannie de la foule, que les Rois nous furent donnés.

2495. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 451-455

La candeur de son ame, l’égalité de son caractere, & la gaieté de son esprit, ne laissoient pas soupçonner qu’il eût besoin de rien.

2496. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 555-559

On a remarqué, avec raison, qu’il s’étoit trop laissé aller aux impressions d’une mélancolie sombre, qui rembrunit ses tableaux, donne à ses Héros un air farouche, diminue enfin l’intérêt, à force de vouloir le presser & l’étendre.

2497. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre IX. Du vague des passions. »

Les anciens ont peu connu cette inquiétude secrète, cette aigreur des passions étouffées qui fermentent toutes ensemble : une grande existence politique, les jeux du Gymnase et du Champ-de-Mars, les affaires du Forum et de la place publique, remplissaient leurs moments, et ne laissaient aucune place aux ennuis du cœur.

2498. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Allegrain » p. 322

Comme on avait une assez mince opinion du savoir faire de l’artiste, on ne lui laissa pas le choix du bloc, et le ciseau d’où le chef-d’œuvre devait sortir fut employé sur un marbre taché.

2499. (1767) Salon de 1767 « Dessin. Gravure — Cochin » p. 332

Rends-moi bien cet instant ; laisse là tous ces monstres symboliques ; surtout donne de la profondeur à ta scène ; que tes figures ne soient pas à mes yeux des cartons découpés, et tu seras simple, clair, grand et beau.

2500. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation » pp. 67-70

Section 10, objection tirée des tableaux pour montrer que l’art de l’imitation interesse plus que le sujet même de l’imitation On pourroit objecter que des tableaux où nous ne voïons que l’imitation de differens objets qui ne nous auroient point attachez, si nous les avions vûs dans la nature, ne laissent pas de se faire regarder long-tems.

2501. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 16, de quelques tragedies dont le sujet est mal choisi » pp. 120-123

C’est faire tort à la réputation qu’il a laissée, c’est aller contre les loix de la vrai-semblance et du pathetique veritable que de lui donner un caractere si mol et si effeminé.

2502. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Aristides Quintilianus nous a laissé un excellent livre sur la musique, écrit en langue grecque, et cet auteur vivoit sous le regne de Domitien ou sous celui de Trajan, comme le conjecture sur de bonnes raisons Monsieur Meibomius qui a fait imprimer avec une traduction latine l’ouvrage dont je parle.

2503. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Préface de l’auteur »

Nous avons découpé dans la théorie de la Relativité ce qui concernait le temps ; nous avons laissé de côté les autres problèmes.

2504. (1929) Dialogues critiques

En littérature, l’enjeu a plus de prix, et il importe que les valeurs vraies, qui valent en soi et par soi, ne se laissent pas éclipser par les contrefaçons. […] Empiètement intolérable puisqu’ils laissent croire au public que leurs « sélections » sont approuvées par l’Association elle-même, voire par ceux de leurs confrères qui n’en font point partie : car tout le monde n’a pas l’Annuaire sous les yeux. […] Le peuple se laisse facilement tromper, mais il hait sincèrement la tyrannie. […] Pierre Il laisse échapper des vérités imprudentes qu’il n’écrirait pas telles quelles. […] Laissons cette question préalable, et ne considérons que le résultat.

2505. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VIII »

Cette seule et unique fois, un artiste a pu « se plonger dans les profondeurs de l’âme » et laisser le monde apparent complètement de côté. […] Comme je l’ai dit au début, je ne les considère que comme « une contribution à la formation d’un jugement sain sur l’œuvre et sur son auteur. » Et si, maintenant, je me laisse induire à dire quelques mots de jugement sain sur l’œuvre pour contrebalanceras jugements maladifs que j’ai réfutés au début de ces notes, je dois auparavant dire qu’ici aussi je me trace d’étroites limites. […] En appréciant Tristan, nous n’aurons donc pas à nous laisser influencer par ces prétendues opinions de Wagner. […] Le fait que, de temps en temps, le maître nous laisse entendre, au milieu de ces situations, des mots ou des périodes entières avec une clarté parfaite, n’est qu’une preuve à l’appui de ce que j’avance. […] Le musicien, alors, s’est précipité dessus, il s’en est emparé, et, libre de toutes entraves (grâce à la précision mathématique de son point de départ), il a pu laisser la seule émotion s’épanouir jusqu’aux limites de nos possibilités.

2506. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre VII, seconde guerre médique. »

Le cadavre du chef était, dans la bataille antique, ce qu’est le drapeau dans la guerre moderne ; c’était un triomphe de s’en emparer, un opprobre de le laisser prendre. […] Un contre-fort escarpé se dressait sur le front de la citadelle opposé aux murs ; le croyant inaccessible, on l’avait laissé sans défense, Quelques soldats hardis réussirent à l’escalader, ils coururent aux portes et les enfoncèrent. […] En quittant l’Hellade, Xerxès y laissait Mardonios, avec trois cent mille hommes, tous Perses de pure race, l’élite de l’armée. […] Ils invoquaient la foi jurée, le secours promis ; les Éphores restèrent sourds et les laissèrent dix jours sans réponse. […] Pausanias se tourna vers le sanctuaire, et, de loin, il invoqua à haute voix la déesse, la suppliant de ne pas laisser périr l’Hellade dans ce jour suprême.

2507. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre cinquième. Genèse et action des principes d’identité et de raison suffisante. — Origines de notre structure intellectuelle »

Il en résulte que « la philosophie de l’expérience » n’a vu qu’un des côtés de la question : elle a représenté nos formes cérébrales comme de simples empreintes laissées par les relations externes, fixées par une répétition séculaire ; or nous venons de voir que ces formes peuvent être aussi les résultats de variations heureuses, dues non à l’expérience, mais à un jeu de circonstances antérieur à toute expérience et ayant pour théâtre le germe ou l’embryon. […] Ils supposent que les mailles du réseau scientifique laissent apparaître par endroits le fond métaphysique de l’être, sous la forme de contingence, de commencement absolu, de libre arbitre, etc. […] Par là nous donnons la vie aux raisons intelligibles, nous en faisons des λόγοι σπερματιϰοί, des idées-forces, au lieu de les laisser à l’état d’idées pures. […] Si à chaque instant, dans l’univers, tout était phénomène nouveau ou ensemble nouveau de phénomènes sans que rien ne durât, si, à l’instant présent, tout était à la fois produit et anéanti, pour laisser place dans l’instant suivant à une apparition également instantanée, comme un éclair infiniment petit par la durée et infiniment grand par l’étendue, il faudrait supposer que le monde à chaque instant meurt et renaît. […] La cause serait le monde de l’instant A, le phénomène universel A, qui cesserait d’être pour laisser place au monde de l’instant B, au phénomène universel B.

2508. (1884) Cours de philosophie fait au Lycée de Sens en 1883-1884

Sans nous laisser arrêter par une apparente diversité, cherchons les caractères communs qui puissent servir de base à une division en groupes. […] De même du beau ; nous laissons volontiers les autres participer aux jouissances esthétiques que nous avons éprouvées. […] Elles viennent s’imprimer dans l’âme, et y laissent une empreinte représentant les corps dont elles émanent. […] Elle devra comprendre le multiple sans en rien laisser échapper, et sans en atténuer la complexité. […] Il y a à craindre de vivre trop de la vie d’habitude, de se laisser enchaîner par elle et de rester dans l’immobilité.

2509. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Ils sont fréquents, et, par cela même que la parole intérieure y est plus intense, ils ont été plus remarqués que les autres, soit par les philosophes168, soit même par le sens commun, dont les observations imparfaites ont laissé une trace dans les littératures et dans les langues. […] Ces préceptes sont tantôt des ordres, tantôt des défenses ; une fois, la voix interrogée refuse de prononcer un impératif ; elle ne donne qu’une permission ; Jeanne est laissée libre d’agir selon son inspiration naturelle179. […] Et chacun se dit à cette occasion que souvent il se laisse aller, lui aussi, à penser tout haut, mais sans imprudence, toutes portes closes, dans le silence et la solitude ; ceci n’est, plus un ridicule, mais un trait de la nature humaine, commun à tous ; le monologue se développe alors, selon le tempérament individuel, en phrases plus ou moins vives, plus ou moins pressées, plus ou moins périodiques. […]  » On passe en souriant, non sans pitié pour « ces inconscients possédés d’une idée fixe, que le rêve conduit, tirés par une laisse invisible. » « Un matin que notre imaginaire avait quitté sa maison à l’heure habituelle, il commença au détour de la rue Saint-Ferdinand un de ses petits romans intimes. […] Parfois l’imagination développe à sa manière le thème fourni par la passion, de façon à occuper presque seule toute la scène de l’âme et à rejeter dans l’ombre le sentiment même qu’elle exprime ; d’autres fois, l’image évoquée est simple : elle représente soit l’objet direct de l’émotion, soit, quand la passion est surtout intellectuelle, un interlocuteur destiné à nous entendre bien parler du sujet qui nous anime et à se laisser convaincre sans résistance.

2510. (1880) Goethe et Diderot « Gœthe »

Il laisse froids même ceux qui l’admirent, qui en conviennent tout en l’admirant. Il laisse froid parce qu’il est froid lui-même, comme son procédé, et il l’est malgré les mots qu’il choisit les plus passionnés et les plus brûlants, comme dans Stella, où l’ennui filtre encore, cet ennui mystérieux, inexplicable, qui vient sur nous à travers des beautés relatives, secondaires, obtenues par le travail et l’effort dans la plupart des œuvres de Gœthe, et, pour quelques-unes d’entre elles que nous signalerons, tellement insupportable que l’admiration des plus fanatiques en est déconcertée et que le livre leur en tombe des mains. […] Laissons ces drôleries de l’admiration embarrassée. […] C’est même une chose digne de remarque qu’un homme qui a voulu traverser, comme je l’ai dit, toutes les catégories de l’esprit humain, ait si peu d’abondance que Gœthe, et n’ait laissé, après quatre-vingts ans de vie, qu’une dizaine de volumes… Je sais bien que l’abondance n’est une grande chose que par le mérite des œuvres qu’elle donne ; mais enfin, dans les choses de peu de mérite, Gœthe n’a pas cette faculté de l’abondance qu’a eue, chez nous, par exemple, cette sous-ventrière lâchée d’Alexandre Dumas. […] Il ne se fût pas laissé tuer, comme Archimède, dans Syracuse.

2511. (1904) Essai sur le symbolisme pp. -

M’est avis qu’il faut laisser, comme le disait jadis Du Bellay dans la Défense et Illustration de la langue françoise « toutes ces poésies et aultres telles épiceries aux jeux floraux de Toulouse et au puy de Rouen ». […] Ce ne seraient plus là des accidents s’ajoutant à l’idée que je me faisais du personnage… Le personnage me serait donné tout d’un coup dans son intégralité… Description, histoire et analyse me laissent ici dans le relatif. […] Le trop plein de ses sentiments il le laisse se répandre sans l’endiguer ; les accords incessants échappés de son moi superficiel au contact des choses, il ne les écoute pas. […] Ceux-là seulement me goûteront qui voudront bien dans le silence d’eux-mêmes laisser parler leur cœur et l’abandonner à l’emprise des évocations chères. […] « Les légendes sont parfois des symboles dont le voile laisse entrevoir les réalités immortelles de la pensée et de la vie. » Gebhart.

2512. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LIV » pp. 209-212

Il faut laisser ces indiscrétions à M.

2513. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Bourget, Paul (1852-1935) »

Paul Bourget n’en restera pas moins Byronien de religion poétique, il ne changera pas l’âme qu’il a et ne se laissera pas étouffer dans d’ineptes systèmes et des poétiques de perdition.

2514. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Donnay, Maurice (1859-1945) »

Donnay a jugé bon d’introduire çà et là, les puériles discussions du banquet, la danse serpentine, ne laisser subsister que la partie saine et virile de l’œuvre.

2515. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Glatigny, Albert (1839-1873) »

Anatole France Il laissait les vers brillants des Vignes folles et des Flèches d’or.

2516. (1887) Discours et conférences « Préface »

Laissons-les triompher à leur aise.

2517. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 230-234

L’investigateur infatigable ne leur laisse pas même la triste gloire d’avoir enfanté les premiers, les erreurs qu’ils se sont efforcés d’accréditer.

2518. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 343-347

L’orgueil, l’indépendance, l’entêtement, sont tour-à-tour des prestiges qui les aveuglent ; & égarés eux-mêmes par leurs propres illusions, ils deviennent une occasion d’ égarement & de folie pour les esprits foibles & inquiets qui n’attendent que de fausses idées pour s’y laisser entraîner.

2519. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 285-289

Un jour qu’il le sollicitoit vivement, M. de la Monnoye lui répondit par ces Vers : Laissons en paix Monsieur Ménage.

2520. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 448-452

Un ambitieux les eût saisies comme un don imprévu de la fortune ; l’homme foible & facile à se laisser éblouir, se seroit trompé lui-même : l’homme de société, mais de bonne foi, ne vit dans ces honneurs, que la gravité d’un ministere capable d’alarmer par l’étendue des devoirs qu’il impose ; & ce qui pouvoit peut-être l’en rapprocher, c’est qu’il fut très - éloigné de s’en trouver digne.

2521. (1763) Salon de 1763 « Peintures — La Grenée » pp. 206-207

Monsieur de La Grenée, je vous parle avec franchise, parce que je vous aime, et que je suis content de votre Susanne, mais très content : Si vous m’en croyez, vous vous en tiendrez aux tableaux de chevalet, et vous laisserez-là ces énormes compositions qui demandent de grands fronts et quelqu’une de ces têtes énormes que Raphaël, le Titien, Le Sueur ont portées sur leurs épaules, et dont Deshays a quelques traits.

2522. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 19, de la galanterie qui est dans nos poëmes » pp. 143-146

Mais un moment après Renaud devient un amant précieux et un amoureux affecté lorsqu’il répond à sa maîtresse qui lui dit : voyez en quels lieux je vous laisse, par ce fade compliment, puis-je rien voir que vos appas ?

2523. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre II. La perception extérieure et l’éducation des sens » pp. 123-196

D’ordinaire, leur cristallin, quoique opaque, laisse déjà passer un peu de lumière ; l’aveugle de Cheselden distinguait au moins trois couleurs, le blanc, le noir et l’écarlate ; celui de Ware reconnaissait les couleurs quand on les approchait de ses yeux. […] Un des opérés de Home, dix minutes après l’opération, interrogé sur la figure d’un petit carton rond, répondit : « Laissez-moi le toucher, et je vous répondrai. » On l’en empêche, il réfléchit et dit, peut-être un peu au hasard, qu’il est rond. […] Mais, aussitôt après, nous avons oublié la signification musculaire que nous attachions à l’écartement de notre compas ; nous l’avons laissée derrière nous, en réserve ; nous n’avons plus dans l’esprit que cet écartement et ses multiples ; nous avons comparé directement une série d’écartements à une série d’écartements, une plus longue à une moins longue. […] Nous laissons là, comme disent les aveugles, toutes les circonstances et qualités intrinsèques de nos sensations ; nous n’en gardons que l’essentiel, et l’essentiel ici, c’est que, entre les deux points dont nous évaluons la distance, elles fassent une série interposée. […] Ce sont là des symboles commodes, mais qu’il faut laisser à l’état de symboles.

2524. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1892 » pp. 3-94

Je la revois enfin, ma pauvre mère, au château de Magny, sur son lit de mort, au moment où le bruit des gros souliers du curé de campagne, qui venait de lui apporter l’extrême-onction, s’entendait encore dans le grand escalier, je la revois, sans la force de parler, me mettant dans la main la main de mon frère, avec ce regard inoubliable d’un visage de mère, crucifié par l’anxiété de ce que deviendra le tout jeune homme, laissé à l’entrée de la vie, maître de ses passions, et non encore entré dans le chemin d’une carrière. […] Il avait cédé, vendu un Ruysdael, trouvé en Hollande, à Adolphe Rothschild, et venait de lui livrer, quand le baron dans la joie de son acquisition, se laissa aller à lui dire, en forme de politesse : « Mais, la baronne vous verrait avec plaisir !  […] Mercredi 29 juillet Aujourd’hui, je tirais de Lavoix quelques renseignements sur l’helléniste Hase, qui a laissé des Souvenirs polissons manuscrits écrits dans le grec le plus pur, et dont je voudrais faire, sous un pseudonyme, un des personnages d’une plaquette érotique, où je tenterais d’introduire les conversations les plus hautes sur l’amour physique. […] Et l’on s’avoue, que les Américains qui sont en train de se faire le goût, lorsqu’ils l’auront acquis, ne laisseront plus en vente un objet d’art à l’Europe… qu’ils achèteront tout, tout. […] Oui, ce gros et épais normalien, il est pour le travail courant, sans prétention, lui, qui ne laissera dans toute sa prolixe et abondante copie, ni un jugement durable, ni une pensée, ni une phrase, ni une expression… lui, ô blasphème !

2525. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Véron.] » pp. 530-531

Mon cher ami,   Je vous lis sur le docteur notre ami : je vous dois de la reconnaissance pour la part magnifique que vous me faites ; mais laissez-moi vous dire que vous avez trouvé (chose toute simple) le ton juste en parlant de lui : eh !

2526. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVII » pp. 109-112

. — Je vous le répète, elle a pris cela toute seule sous son bonnet : elle est très-liée avec la reine des Belges (fille de Louis-Philippe), elle s’est très-prise depuis, et d’un goût très-vif, pour la princesse Clémentine (duchesse de Cobourg) ; elle lui avait dit depuis déjà assez longtemps : « Je médite d’aller voir vos parents à Eu, laissez-moi arranger cela, et gardez-moi le secret. » La visite récente du prince de Joinville et du duc d’Aumale à Londres n’était pas pour l’inviter, comme on l’a cru.

2527. (1874) Premiers lundis. Tome II « Sextus. Par Madame H. Allart. »

Pourtant il nous semble que, dans ce genre de roman austère, comme elle l’appelle, je crois, madame Allart se pourrait créer une véritable originalité ; mais il lui faudrait se souvenir que si, dans le genre tendre et aventureux, il est permis, en composant, de laisser courir sa plume, qui va d’elle-même alors aux digressions faciles, aux grâces variées et abondantes, il devient indispensable, en abordant un ordre de sentiments plus contenu et plus réservé, de nourrir son expression et de marquer ses effets.

2528. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Cros, Charles (1842-1888) »

Bien qu’il soit très soucieux du rythme et qu’il ait réussi à merveille de rares et précieux essais, on ne peut considérer en Cros un virtuose en versification, mais sa langue très ferme, qui dit haut et loin ce qu’elle veut dire, la sobriété de son verbe et de son discours, le choix toujours rare d’épithètes jamais oiseuses, des rimes excellentes sans l’excès odieux, constituent en lui un versificateur irréprochable qui laisse au thème toute sa grâce ingénue ou perverse.

2529. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — E — Elskamp, Max (1862-1931) »

Leurs rêves bleus ont des lignes courtes, un peu sèches, droites et brusquées : Marie épandez vos cheveux : Voici rire les Anges bleus, Et dans vos bras Jésus qui bouge Avec ses pieds et ses mains rouges, Et puis encore les Anges blonds Jouant de tous leurs violons… Ce sont pieuses gens qui laissent leurs paroles suivre la pente des litanies.

2530. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — N — Nodier, Charles (1780-1844) »

Prosper Mérimée Si l’on se rappelle à quel degré Nodier possédait la connaissance grammaticale, ses origines et ses transformations, on déplore amèrement qu’il n’ait pas laissé après lui quelqu’un de ces grands ouvrages dans lesquels la science du passé devient la règle du présent et le guide de l’avenir.

2531. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « La doctrine symboliste » pp. 115-119

 » C’était pour protester contre tant de solennelle gravité que le Décadent insérait des échos dans ce goût : « Notre ami Piombino s’étant laissé barboter son manuscrit en tramway, n’a pu nous donner, en temps utile, sa chronique hebdomadaire.

2532. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 100-104

C'est au Public honnête, impartial & éclairé, que nous laissons le soin de donner à ces Auteurs les épithetes qu'ils méritent.

2533. (1893) Thème à variations. Notes sur un art futur (L’Académie française) pp. 10-13

Des dandys joignirent les doigts, et laissèrent cheoir de leur bouche une oraison fanée.

2534. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface de 1833 »

Shakespeare et Michel-Ange ont laissé sur quelques-uns de leurs ouvrages l’empreinte de leur jeunesse, la trace de leur vieillesse sur aucun.

2535. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre premier. Beaux-arts. — Chapitre II. Du Chant grégorien. »

Moïse et Homère, le Liban et le Cythéron, Solyme et Rome, Babylone et Athènes, ont laissé leurs dépouilles à nos autels.

2536. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre premier. Du Christianisme dans la manière d’écrire l’histoire. »

L’écrivain religieux peut seul découvrir ici un profond conseil du Très-Haut : Si les puissances coalisées n’avaient voulu que faire cesser les violences de la Révolution, et laisser ensuite la France réparer ses maux et ses erreurs ; peut-être eussent-elles réussi.

2537. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XV. Le fils du sérigne »

Après qu’il eut laissé les séanes derrière lui, il se trouva en face d’un ouarhambâné169 plus fort qu’Oumar170, deux fois plus grand.

2538. (1928) Quelques témoignages : hommes et idées. Tome I

Ainsi cette peinture que les mêmes Goncourt nous ont laissée de Sainte-Beuve malade et mal tenu. […] laissons ces misères qui ne nous apprennent rien sur le seul point important : la valeur de l’œuvre. […] Mais, à côté de cet amour dont on pourrait dire qu’il est une piété, la vie des sens est éveillée chez Amaury et il se laisse entraîner par eux à la luxure la plus grossière. […] Le lyrisme, en revanche, le laissait fort indifférent. […] D’avoir respiré l’atmosphère d’une époque tragique laisse aux âmes un besoin d’émotions fortes.

2539. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 7172-17709

Mais tout détail qui concerne le pur matériel de quel que langue que ce soit, doit être exclu de ce Dictionnaire, dont le plan ne nous laisse que la liberté de choisir des exemples dans telle langue que nous jugerons convenable. […] car sans peine aux rimeurs hazardeux, L’usage encor, je crois, laisse le choix des deux. […] Je laisse au lecteur à juger du poids de ces opinions, & je me réduis à conclure tout de nouveau que toutes ces analogies de la lettre h avec les autres consonnes, lui en assûrent incontestablement la qualité & le nom. […] Alors même il faut voir s’il n’y a pas un juste fondement d’y soupçonner quelque faute de copiste, & la corriger hardiment plutôt que de laisser subsister une expression totalement contraire aux loix immuables du langage. […] Voici une ellipse qui est devenue une locution propre à notre langue, un gallicisme, parce que l’usage en a prévalu au point qu’il n’est plus permis de suivre en pareil cas la Syntaxe pleine : il ne laisse pas d’agir, notre langue ne laisse pas de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas d’abandonner la vertu en la louant, c’est-à-dire il ne laisse pas le soin d’agir, notre langue ne laisse pas la faculté de se prêter à tous les genres d’écrire, on ne laisse pas la foiblesse d’abandonner la vertu en la louant.

2540. (1828) Introduction à l’histoire de la philosophie

Ces deux grandes contrées ont laissé plus de monuments figurés que de monuments écrits, témoignage certain, mesure infaillible du vrai degré de civilisation auquel elles étaient arrivées. […] Kant, après avoir arraché au sensualisme les catégories, leur a laissé le caractère de subjectivité qu’elles ont dans la réflexion. […] n’a-t-il pas imprimé à son siècle un mouvement qui a laissé une trace lumineuse ? […] On n’a de la gloire qu’à la condition d’avoir beaucoup fait, d’avoir laissé après soi de grands résultats. […] Quels sont ceux qui ont laissé les plus grands noms parmi les hommes ?

2541. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXVIII » pp. 113-116

Va, mon enfant chéri, d’une famille à l’autre, Emporte le bonheur et laisse-nous l’ennui.

2542. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Appendice — I. Sur M. Viennet »

Nous aimons mieux y renvoyer les lecteurs que ces questions intéressent, et ils ne laissent pas d’être nombreux aujourd’hui. » 179.

2543. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. FAURIEL. — POST-SCRIPTUM. » pp. 269-272

Si donc quelques-uns de nos confrères les critiques croient trouver qu’il serait de meilleur goût à nous de leur laisser le champ libre désormais et de nous taire, nous continuerons (ne leur en déplaise, et qu’ils nous le pardonnent !)

2544. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Note qu’il faut lire avant le chapitre de l’amour. »

C’est uniquement de cette passion que j’ai voulu parler ; j’ai rejeté toute autre manière de considérer l’amour ; j’ai recueilli, pour composer les chapitres précédents, ce que j’ai remarqué dans l’histoire ou dans le monde ; en écrivant celui-ci, je me suis laissée aller à mes seules impressions ; j’ai rêvé plutôt qu’observé, que ceux qui se ressemblent se comprennent.

2545. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Guérin, Charles (1873-1907) »

Le sceptre alourdit la main qui laissa choir l’archet, et, à ouïr les assonances frêles ou graves que le poète trouva, à se pénétrer de l’infinie délicatesse comme de l’écho sonore que dénote, voulu, le choix de ses mots, on se souvient, concis et formidables, de ces premiers poèmes orphiques dont le langage compliqué était, entre initiés, la parole par excellence.

2546. (1890) L’avenir de la science « A. M. Eugène Burnouf. Membre de l’Institut, professeur au Collège de France. »

J’ai voulu aussi professer, à mon début dans la science, ma foi profonde à la raison et à l’esprit moderne, dans un moment où tant d’âmes affaissées se laissent défaillir entre les bras de ceux qui regrettent l’ignorance et maudissent la critique.

2547. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — V. — article » pp. 516-521

Je ne dois pas vous laisser ignorer la satisfaction qu'il m'a donnée.

2548. (1913) Le bovarysme « Deuxième partie : Le Bovarysme de la vérité — II »

Dès lors, l’idée perd tout crédit au regard de la connaissance analytique : il nous faut réformer tous les jugements que nous avons portés lorsque nous subissions son influencé et nous en laissions imposer par son prestige.

2549. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre III. Des Philosophes chrétiens. — Métaphysiciens. »

Clarke, dans son Traité de l’existence de Dieu, Leibnitz, dans sa Théodicée, Malebranche dans sa Recherche de la vérité, se sont élevés si haut en métaphysique, qu’ils n’ont rien laissé à faire après eux.

2550. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 37, que les mots de notre langue naturelle font plus d’impression sur nous que les mots d’une langue étrangere » pp. 347-350

L’étranger qui fait plûtôt fortune dans une cour, qu’un homme du païs, est réputé avoir plus de merite que celui qu’il a laissé derriere lui.

2551. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « César Cantu »

Sans la position incroyable de considération intellectuelle dont jouit l’auteur en Italie, et sans l’éminent talent du traducteur qu’il vient de rencontrer en France, il n’y aurait qu’à laisser mourir cette histoire, de sa propre faiblesse, dans l’obscurité.

2552. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXXIIe entretien. Socrate et Platon. Philosophie grecque. Deuxième partie. » pp. 225-303

Je fus donc en état de lui répondre, et lui dis avec un peu moins de frayeur : — Ô Thrasymaque, ne t’emporte pas contre nous. » X Socrate laisse Thrasymaque déborder en un interminable discours contre l’utilité de la justice ; puis il reprend : « Fais-moi la grâce de me dire si un État, une armée, une troupe de brigands, de voleurs, ou toute société de ce genre, pourrait réussir dans ses entreprises injustes si les membres qui la composent violaient les uns à l’égard des autres les règles de la justice ? […] Il raconte la descente aux enfers d’un Arménien laissé pour mort sur un champ de bataille et qui revient, après dix jours, raconter ce qu’il a vu des supplices des morts. […] La Perse, où l’immensité de l’espace et les provinces séparées entre elles par des déserts et des chaînes de montagnes laissaient un grand arbitraire aux gouverneurs des satrapies, ne pouvait être qu’une monarchie militaire absolue. […] Plus tard, Rome, décomposée par sa grandeur et par ses vices, devait se sentir prête à laisser sa proie, à moins de resserrer sa serre par le despotisme et de se réfugier contre ses anarchies dans la servitude.

2553. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre deuxième »

Il n’en laissa rien savoir à ses parents, pour éviter leurs observations et leurs reproches, et ne se confia qu’au père Mersenne, auquel il avait fait promettre de lui garder le secret. […] Mais, par la même raison qu’on se lasse bientôt de la liberté où nous laisse Montaigne, on est saisi, entraîné par l’autorité et la domination de Descartes. […] Nous ne le disons pas seulement de ceux qui exposent dogmatiquement la vérité ; le mot s’applique à tous sans exception ; car, soit qu’ils tirent ou nous laissent tirer la morale des peintures qu’ils nous font de la vie, leur dessein d’exprimer la vérité et d’en persuader les autres hommes est si manifeste, qu’à moins d’une grande médiocrité d’esprit et de cœur, on éprouve les effets de cette autorité, et l’on fait le ferme propos d’y obtempérer. […] Celui qui croit la garder pour soi ne l’a pas trouvée ; c’en est quelque ombre dont il se leurre, et il n’y a pas de plus grande erreur en critique que de dire d’un écrivain qui n’est pas vrai, qu’il lui était libre de l’être, et qu’ayant dans une main la vérité, et le mensonge dans l’autre, il lui a plu de laisser échapper le mensonge et de retenir la vérité.

2554. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Il laissa trois joyaux, une épée, un cor, une bague. […] Un homme souffrant, le roi Amfortas, domine tout, de sa figure pâle, où le mal laisse cependant régner encore une sorte de calme résigné ; Gurnemanz, enfin, le vieux compagnon de Titurel, représente l’ancien temps de splendeur guerrière, par sa rudesse tempérée de douceur grave et paternelle quand il appuie sa main sur les cheveux blonds du jeune écuyer, qui le regarde de ses yeux candides. […] Le miracle se manifeste par les mains de Parsifal : tout reprend la pureté primitive, et le rideau, se refermant peu à peu, nous cache cette masse agenouillée et ne nous laisse plus voir que la silhouette de l’homme pur et saint qui lève le Gral dans la lumière ! […] l’accord est fait depuis la Valkyrie : rappelez vos souvenirs ; la vierge guerrière endormie sur la cime entourée de flammes en attendant son héros, a laissé dans les âmes les plus récalcitrantes une sorte de sentiment vague, tenant à la fois de l’admiration, de l’inquiétude et de la stupeur.

2555. (1891) Journal des Goncourt. Tome V (1872-1877) « Année 1876 » pp. 252-303

» Samedi 12 février Pour me connaître, pour savoir ce que je vaux, il faut me plaire : avec les gens qui ne me sont pas sympathiques, je me referme et ne laisse rien passer de moi. […] Et à onze heures, tout le monde se lève et s’en va, Hugo mettant sur sa tête un vieux chapeau de Castelar, que l’Espagnol lui a laissé en place d’un plus neuf. […]Laissez donc, vous êtes un cynique avec les hommes et un sentimental avec les femmes. — Ma foi, c’est vrai, avoue en riant Flaubert, même avec les femmes de maison, que j’appelle mon petit ange… ……………………………………………………………………………………………………… — C’est curieux, — laisse échapper Tourguéneff, écoutant avec des yeux effarés et presque inquiets, ce qui se dit, — c’est curieux, moi, je n’aborde la femme qu’avec un sentiment de respect, d’émotion, et de surprise mon bonheur… Daudet, vous n’avez pas connu de femmes russes ?

2556. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — II. (Fin.) » pp. 110-133

Il a marié un de ses enfants ; avec les nouveaux époux et avec sa femme, il fait ce qu’il appelle une débauche, c’est-à-dire une grande infraction à ses habitudes ; il s’est laissé entraîner à Saint-Denis où la foire se tenait alors. […] Dans cette visite à Saint-Denis, Gui Patin, en même temps qu’il laisse voir des restes de simplicité, maintient à ses propres yeux sa supériorité d’homme et de mari, en souriant de sa femme qui écoute et croit tout ce qu’on lui raconte de particularités et de bagatelles sur les derniers princes ensevelis. […] Il conviendrait peut-être, en reproduisant fidèlement le texte, de ne pas tout donner, de ménager (en avertissant) quelques suppressions çà et là, de ne pas laisser tout à fait l’agrément périr sous trop de longueurs.

2557. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. NISARD. » pp. 328-357

Les qualités qu’il possède en effet, instruction, dignité, conscience, honnêteté, il sait les mettre en dehors dans ses écrits, et ne les laisse pas à deviner. […] » Or, si effandere ne veut pas dire ici rejeter, revomir, mais seulement laisser courir, que signifie toute cette indignation ? […] Retournez la phrase : au lieu de la main qui coule, vous avez le sein neigeux et poli qui la laisse couler ; et c’est juste effandere.

2558. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « PENSÉES FRAGMENTS ET LETTRES DE BLAISE PASCAL, Publiés pour la première fois conformément aux manuscrits, par M. Prosper Faugère. (1844). » pp. 193-224

Il faudrait en conclure du moins que cette première édition des Pensées était telle que le grand siècle pouvait l’admettre, et qu’il n’en aurait pu porter davantage : conclusion dont le retour ne laisse pas d’être infiniment flatteur pour nous. […] Il est temps d’arriver à la question du fond, à la question capitale, à celle qu’une curiosité légitime n’a cessé de se faire durant tout ce débat, et qu’il est fâcheux sans doute d’avoir laissé s’enfler au gré de la curiosité frivole. […] Si l’on peut dire qu’il revint à la charge et se logea toujours plus ou moins au sein de sa foi, c’était là une manière, après tout, d’être assez mal logé et mal à l’aise ; et Pascal ne lui laissa, jour et nuit, ni paix ni trêve.

2559. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre premier. Mécanisme général de la connaissance — Chapitre premier. De l’illusion » pp. 3-31

Ôtez-les tous, sauf elle ; supprimez la chose elle-même, comme on le fait au moyen d’un trompe-l’œil dans les spectacles optiques ; supprimez les rayons lumineux, ce qui est le cas pour les images consécutives que l’on voit les yeux fermés ; supprimez l’ébranlement du bout extérieur du nerf, ce qui a lieu dans l’illusion des amputés ; supprimez toute action du nerf, ce qui a lieu dans l’hallucination proprement dite ; ne laissez subsister que la sensation ou action des centres sensitifs, il y a hallucination, et partant jugement affirmatif. — Au contraire, supprimez cette sensation ou action des centres sensitifs, en gardant tous les autres intermédiaires et l’objet lui-même ; posez que l’objet est présent, qu’il est éclairé, que l’extrémité du nerf est ébranlée, que cet ébranlement se propage sur tout le trajet du nerf ; si les centres nerveux sont engourdis par le chloroforme, ou si, comme il arrive dans l’hypnotisme et dans l’attention passionnée, une sensation antérieure dominatrice ferme l’accès aux sensations survenantes, on pourra battre le tambour dans la chambre, pincer, piquer, blesser le patient sans qu’il s’en doute ; n’éprouvant ni la sensation du son, ni la douleur de la blessure, il ne percevra ni le tambour ni l’instrument blessant. […] Si vous avez l’imagination nette et si, tranquille au coin de votre feu, vous vous laissez absorber par cette rêverie, vous verrez bientôt les moires luisantes de la surface, les feuilles jaunâtres ou cendrées qui descendent le courant, les faibles remous qui font trembler les cressons, la grande ombre froide des deux files d’arbres ; vous entendrez presque le chuchotement éternel des hautes cimes et le vague bruissement de l’eau froissée contre ses bords. […] Il m’apprend qu’il s’appelle C…, qu’il est le garde du port, puis disparaît pour laisser la place à d’autres personnages.

2560. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre III. Littérature didactique et morale »

Le goût des abstractions et des formules didactiques ne laissait d’issue à l’imagination que du côté de l’allégorie : et ce fut là en effet qu’aboutirent tous les clercs qui, en latin ou en français, cherchèrent dans l’amour une matière de poésie. […] Bientôt cependant elle s’adoucit, ayant le cœur généreux et pitoyable ; de nouveau elle fait bonne mine au jeune homme, et, par une compensation logique, efface d’un baiser qu’elle se laisse prendre le souvenir de sa dureté. […] Cependant Jean de Meung se contente de consacrer la Nature au nom de Dieu : il laisse à un autre, qui viendra à son heure, à Rabelais, la charge d’excommunier l’Église, Antiphysie, au nom de la Nature.

2561. (1895) La musique et les lettres pp. 1-84

Son brouillard monumental — il ne faudra le séparer de la ville, en esprit ; pas plus que la lumière et le vent ne le roulent et le lèvent des assises de matériaux bruts jusque par-dessus les édifices, sauf pour le laisser retomber closement, superbement, immensément : la vapeur semble, liquéfiée, couler peu loin avec la Tamise. […]     La situation, celle du poëte, rêvé-je d’énoncer, ne laisse pas de découvrir quelque difficulté, ou du comique. […] Tirant une force de sa privation, croît, vers des intentions plénières, l’infirme élu, qui laisse, certes, après lui, comme un innombrable déchet, ses frères, cas étiquetés par la médecine ou les bulletins d’un suffrage le vote fini.

2562. (1921) Enquête sur la critique (Les Marges)

Il y a de bons critiques, et l’on n’en a jamais autant vu, mais il y aurait plutôt décadence ; les uns se laissent trop gagner par la camaraderie, d’autres croiraient nuire à leur carrière de littérateurs en marquant la sévérité nécessaire. […] 1º Un journal qui n’a pas un critique honnête et qu’il laisse libre est un imbécile qui mange son blé en herbe ou un coquin qui vole la France au même titre que tant de ministres. […] Il faudrait maintenant reprendre cette analyse historique où Gourmont l’a laissée, car il s’est tout de même passé certaines choses depuis cette époque symboliste qui paraît déjà vieille.

2563. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre X. La littérature et la vie de famille » pp. 251-271

Il se jette sur les cavaliers, les disperse et alors seulement sa femme daigne le reconnaître et le laisser entrer dans la ville avec tous les honneurs qui lui sont dus. […] Mais dans leurs emportements les plus vifs les fils gardent encore une certaine humilité ; ils se laissent menacer du bâton ; ils observent certaines formules consacrées. […] Le bonhomme se retourne, s’imaginant qu’ils parlent à quelqu’un placé derrière lui, Quand il est bien convaincu que ses fils s’adressent à lui, il faut voir comme il se fâche ; et il faut entendre de quel ton son frère lui explique cette mode du grand monde. « C’est, dit-il, que le terme de mon père est trop ignoble, trop grossier ; il n’y a que les petites gens qui s’en servent ; mais chez les personnes aussi distinguées que Messieurs vos fils, on supprime dans le discours toutes ces qualités triviales que donne la nature, et, au lieu de dire rustiquement mon père comme le menu peuple, on dit Monsieur ; cela a plus de dignité89. » L’ironie est visible, et, dans les pièces de Marivaux, les parents tutoient déjà leurs enfants, ce qui est un acheminement à se laisser tutoyer par eux.

2564. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Nous laisserons à MM.  […] Nous laisserons donc la logique de côté, quoique nous ayons affaire ici à l’un des plus célèbres logiciens du xixe  siècle, et nous n’exposerons que sa théorie psychologique du raisonnement. […] L’influence personnelle de Bentham y frappe tout d’abord ; et on peut dire que parmi les nombreux disciples qu’il a laissés en Angleterre, Mill apparaît simplement comme le plus systématique.

2565. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « André Chénier, homme politique. » pp. 144-169

Ce premier moment qui nous laisse voir André Chénier dans la modération toujours, mais pas encore dans la résistance, se distingue par quelques écrits, dont le plus remarqué fut celui qui a pour titre : Avis aux Français sur leurs véritables ennemis, et qui parut d’abord dans le numéro XIII du Journal de la Société de 89. […] Il montre ces efforts subversifs toujours renaissants et infatigables, et les oppose, pour la stimuler, à la tiédeur des honnêtes gens qui, ennemis de tout ce qui peut avoir l’air de violence, se reposant sur la bonté de leur cause, espérant trop des hommes, parce qu’ils savent que, tôt ou tard, ils reviennent à la raison ; espérant trop du temps, parce qu’ils savent que, tôt ou tard, il leur fait justice ; perdent les moments favorables, laissent dégénérer leur prudence en timidité, se découragent, composent avec l’avenir, et, enveloppés de leur conscience, finissent par s’endormir dans une bonne volonté immobile et dans une sorte d’innocence léthargique. […]   A lui demandé commant il sapelloit A répondu quil senomoit André Chenier natife de Constentinoble âgé de trente et un ans demeurant à Paris rue de Clairy section de Brutus A lui demandé de quelle ané il demeuroit rue de Clairy A lui répondue depuis environ mil sept cent quatre vingt douze au moins A lui demandé quel son ses moyent de subsisté A lui répondu que de puis quatre vingt dix quil vie que de que lui fait son père12 A lui demandé combien que lui faisoit son père A répondu que son père lui endonnoit lorsquil luy endemandoit A lui demandé s’il peut nous dire a combien la somme quil demande à son pere par an se monte A repondu quil ne savoit pas positivement mais environ huit cent livre à mille livre par année A lui demandé sil na auttre chose que la somme quil nous déclare cy-dessus A repondu qu’il na pas d’auttre moyent que ce quil nous a déclarée A lui demande quelle manierre il prend son existance A repondu tenteau chez son père tenteau chez ses amis et tentot chez des resteaurateurs A lui demandé quel sont ses amis ou il va mangé ordinairement A répondu que cetoit chez plusieurs amis dont il ne croit pas nécessaire de dire lenom A lui demandé s’il vien mangé souvent dans la maison ou nous lavons aretté A repondu quil ne croyoit n’avoir jamais mangé dans cette maison ou il est aresté, mais il dit avoir mangé quelque foy avec les mêmes personnes apparis chez eux A lui demandé sil na pas de correpondance avec les ennemis de la République et la vons sommé de nous dire la vérité A repondu au cune A lui demandé sil na pas reçue des lettre danglaitaire depuis son retoure dans la République A repondu quil en a recue une ou deux ducitoyent Barthelemy àlorse ministre plénipotensiêre en Anglaitaire et nen avoir pas reçue dauttre A lui demandé à quelle épocque il a recue les lettre désigniés sy dessus sommé a lui denous les representés A répondue quil ne les avoit pas A lui demandé ce quil en àfait et le motife quil lat engagé à sendeffaire A repondu que ce netoit que des lettre relative à ses interrest particulier, comme pour faire venire ses livres et auttre effest laissé en Anglaitaire et du genre de celle que personne ne conserve A lui demandé quel sorte de genre que personne ne conserve et surtout des lettre portant son interest personnelle13 sommé de nous dire la vérité A répondu il me semble que des lettre qui énonce l’arrivé des effest désigniés cy-dessus lorsque ses effest son reçue ne son plus daucune valeure A lui representé quil nest pas juste dans faire réponse, dautant plus que des lettre personnelle doive se conserver pour la justification de celui qui à En voyé les effet comme pour celui qui les à reçue A repond quil persite à pensé quand des particulier qui ne mettre pas tant dexactitude que des maison de commerce lorsque la reception des fait demandé est accusé toute la correspondance devient inutisle et quil croit que la plus part des particuliers en use insy A lui représenté que nous ne fond pas des demande de commerce sommé à lui de nous répondre sur les motifes de de son arestation qui ne sont pas affaire de commerce14 A repondu quil en ignorest du faite A lui demandé pourquoy il nous cherche des frase et surquoy il nous repond cathegoriquement15 A dit avoir repondue avec toute la simplicité possible et que ses reponse contiene lexatte veritté A lui demandé sil y à longtemps quil conoit les citoyent ou nous l’avons aresté sommé a lui de nous dire depuis quel temps A repondu quil les connaissoit depuis quatre ou cinqt ans A lui demandé comment il les avoit conu A repondu quil croit les avoir connu pour la premiere fois chez la citoyene Trudenne A lui demandé quel rue elle demeuroit alors A repondu sur la place de la Revolution la maison à Cottée A lui demandé comment il connoit la maison à Cottée16 et les-citoyent quil demeuroit alors A repondu quil est leure amie de l’anfance A lui represanté quil nest pas juste dans sa reponse attendue que place de la Revolution il ny a pas de maison qui se nome la maison à Cottée donc il vien de nous déclarés A repondue quil entandoit la maison voisine du citoyent Letems A lui représentes quil nous fait des frase attandue quil nous a repettes deux fois la maison à Cottée A repondue quil a dit la vérité A lui demandée sil est seul dans lappartement quil occuppe dans la rue de Clairy nº quatre vingt dix sept A repondue quil demeuroit avec son père et sa mère et son frère ainée A lui demandée sil na personne pour le service Il y à un domestique commun pour les quatre qui les sere A lui demandée ou il étoit a lepoque du dix aoust mil sept cent quatre vingt douze A répondue a paris malade d’une colique nefretique A lui demandee sy cette colique le tient continuellement et sil elle tenoit le jour du dix aoust quatre vingt douze A répondue quil se rétablissoit a lors d’une attaque et que cette maladie le tiend presque continuellement depuis lage de vingt ans plus ou moins fortes A lui demandés quelles est cette malady et quelle est le chirurgient quil le traitoit alors et sy cest le même qui letraitte en core A repondu le médecin Joffroy latraitté au commancement de cette maladie et depuis ce temps jai suis un régime connue pour ses sorte de meaux A lui demandée quelle difference il fait d’une attaque de meaux ou de maladies.

2566. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1859 » pp. 265-300

17 février Je suis dans une pièce au rez-de-chaussée, où deux fenêtres sans rideaux versent un jour crû, et laissent voir un jardinet pelé, aux arbustes maigres. […] En voici la pompe, la richesse, la composition solennelle, le geste accompagnant la mélopée… Oui, la tragédie respire et vit là, mieux que dans l’œuvre imprimée et morte de ses maîtres, mieux que dans les reconstitutions des critiques ; oui, là, sous ce portique ordonnancé par un Perrault, qui laisse voir sous un de ces arcs le jet d’eau d’un bassin de Latone ; là, dans ce quatuor balancé, dans cette partie carrée où la passion dramatique semble un menuet grandiose. […] Le patriarche du feuilleton, le podagre Janin, laisse voir autour de ses poignets des manchettes de tricot rouge.

2567. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre V. La parole intérieure et la pensée. — Premier problème : leurs positions respectives dans la durée. »

Plus d’un esprit, en effet, subit passivement ce mélange hétérogène et laisse gâter sa conception primitive par cet apport importun de l’expérience passée. […] Si les plus grands philosophes des temps modernes, comme Kant et Maine de Biran, sont de si maladroits écrivains, s’ils sont morts avant d’avoir trouvé l’expression limpide où chacun aurait pu lire sans équivoque leur vraie pensée, c’est que la grandeur même de l’œuvre entreprise imposait à leurs facultés d’expression une tâche qu’ils n’ont pas eu le loisir ou le courage ou la générosité d’entreprendre ; la plupart ont laissé à leurs disciples le soin de les vulgariser, moins par dédain de la postérité que par suite de cette loi de la nature humaine qui veut que l’on perde en souplesse ce que l’on gagne en profondeur et que la spécialité soit la rançon du génie. […] II, p. 273) : « L’extrême clarté ne sert pas seulement à se faire bien entendre ; elle est aussi, comme la preuve d’une addition, la démonstration pour l’auteur lui-même qu’il ne se laisse pas entraîner par des aperçus confus.

2568. (1868) Curiosités esthétiques « IV. Exposition universelle 1855 — Beaux-arts » pp. 211-244

Je laisse de côté la question de savoir si, délicatisant l’humanité en proportion des jouissances nouvelles qu’il lui apporte, le progrès indéfini ne serait pas sa plus ingénieuse et sa plus cruelle torture ; si, procédant par une opiniâtre négation de lui-même, il ne serait pas un mode de suicide incessamment renouvelé, et si, enfermé dans le cercle de feu de la logique divine, il ne ressemblerait pas au scorpion qui se perce lui-même avec sa terrible queue, cet éternel desideratum qui fait son éternel désespoir ? […] Ingres a laissé voir son goût pour les Etrusques. […] Delacroix satisfait admirablement à toutes ces conditions et que, quand même son dessin laisserait percer quelquefois des défaillances ou des outrances, il a au moins cet immense mérite d’être une protestation perpétuelle et efficace contre la barbare invasion de la ligne droite, cette ligne tragique et systématique, dont actuellement les ravages sont déjà immenses dans la peinture et dans la sculpture ?

2569. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Le père Lacordaire. Quatre moments religieux au XIXe siècle. »

À peine eus-je ouvert le livre et laissé mon cœur à sa merci, que les larmes me vinrent aux yeux avec une abondance qui ne m’était pas ordinaire, et, rappelant mes souvenirs sous le charme de cette émotion, je compris que je n’étais plus le même homme et que, loin d’avoir perdu de ma tendresse littéraire, elle avait gagné en profondeur et en vivacité. […] Et encore, dans la même lettre, après une sorte d’anathème lancé à Vico : « Je vous supplie, mon cher ami, de ne pas vous laisser séduire aux écrits modernes.

2570. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « MADAME TASTU (Poésies nouvelles.) » pp. 158-176

Pourtant, cette vie de rêverie et de lecture altéra sa santé, et vers onze ans elle fit une maladie, dont la guérit le docteur Alibert, mais qui la laissa quelques années chétive. […] Il faut la ranger parmi ces derniers ; c’est vers le passé volontiers, vers le moment évanoui, qu’elle se retourne, dès que sa tâche lui en laisse le loisir.

2571. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Le Brun »

Il faut voir encore comme en toute occasion le poëte a conscience de lui-même, comme il a foi en sa gloire, et avec quelle sécurité sincère, du milieu de la tourbe qui l’importune, il se fonde sur la justice des âges : Ceux dont le présent est l’idole Ne laissent point de souvenir ; Dans un succès vain et frivole Ils ont usé leur avenir. […] Mais Le Brun, qui survécut treize années à son jeune ami, n’en a parlé depuis en aucun endroit ; il n’a pas daigné consacrer un seul vers à sa mémoire, tandis que chaque jour, à chaque heure, il aurait dû s’écrier avec larmes : « J’ai connu un poëte, et il est mort, et vous l’avez laissé tuer, et vous l’oubliez ! 

2572. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre II. Diderot »

La religion, qui punit le sacrilège plus que l’adultère, est immorale ; elle laisse, pour des pratiques, subsister toute la corruption du monde. […] Catherine lui acheta sa bibliothèque, dont elle lui laissa l’usage avec un traitement de bibliothécaire.

2573. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « « L’amour » selon Michelet » pp. 47-66

Il pense que le mari ne doit pas tout lui laisser lire, qu’« elle ne doit pas savoir ce que sait l’homme, ou doit le savoir autrement. » Il ne craint pas de lui attribuer une certaine vulgarité de jugement, un faible pour l’« amateur », l’homme agréable, l’« honnête homme » d’autrefois, brillant et superficiel. […] Il en fait bénéficier jusqu’à la jeune fille qui se laissa endommager et qui ne s’en vante pas la nuit de ses noces : « Vous devez, dit-il au mari, vous fier à elle tout d’abord pour son passé : que serait-ce si elle osait vous interroger sur le vôtre ? 

2574. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Deux tragédies chrétiennes : Blandine, drame en cinq actes, en vers, de M. Jules Barbier ; l’Incendie de Rome, drame en cinq actes et huit tableaux, de M. Armand Éphraïm et Jean La Rode. » pp. 317-337

PONTICUS Oui, laisse dans tes yeux parler ton cœur charmant. […] Si l’on considère en elles-mêmes ces deux espèces d’hommes, rien de plus faux qu’un tel rapprochement, puisque les chrétiens étaient chastes, doux, résignés, qu’ils combattaient en eux la « nature » à laquelle nos « libertaires » font profession de s’abandonner ; qu’ils pratiquaient justement les vertus qu’un bon anarchiste doit avoir le plus en horreur ; et qu’ils ne tuaient pas, mais, au contraire, se laissaient tuer.

2575. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Pour parler dignement de l’outil qui sert si bien cette passion du Beau, je veux dire de son style, il ne faudrait jouir de ressources pareilles, de cette connaissance de la langue qui n’est jamais en défaut, de ce magnifique dictionnaire dont les feuillets, remués par un souffle divin, s’ouvrent toujours juste pour laisser jaillir le mot propre, le mot unique, enfin de ce sentiment de l’ordre qui met chaque trait et chaque touche à sa place naturelle et n’omet aucune nuance. […] Ce magicien-roi qui sait tout, à qui toutes les époques et tous les personnages de l’histoire sont familiers, et qui ressuscite les Égyptiennes du temps de Moïse, aussi bien que la lydienne Omphale, a trop souvent caché, derrière son manteau de pourpre, le ferme et délicat rimeur, d’une pureté antique et d’une idéale délicatesse, qui, pareil à un statuaire grec, ne livre pas son Âme, et pudiquement la laisse deviner à peine sous les blancheurs du marbre sacré.

2576. (1766) Le bonheur des gens de lettres : discours [graphies originales] « Le Bonheur des gens de lettres. — Premiere partie. » pp. 12-34

Aussitôt il se sent un homme nouveau, sa vue plane, il ne se laisse pas surcharger de ces Loix inutiles que la sottise ajoute aux Loix nécessaires à la société ; il ne se prépare pas des remords en se créant des devoirs arbitraires(a). […] Ils semblent vouloir jouir de sa défaite, ou tirer de lui quelque aveu favorable à leur puissance, mais si cet homme opulent n’est qu’un protecteur ou un être ennuyé, qui veut tenter le dernier remede à ses maux, l’homme de génie n’est pas longtems sans se délier, & il le laisse avec ses statues, son parc immense, & les cordons qui le chamarrent.

2577. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre III. La commedia dell’arte en France » pp. 31-58

Un des traits les plus plaisants de ce rôle qui nous reviennent à la mémoire est celui de ce capitan à qui l’on reprochait d’avoir laissé enlever sa maîtresse par les corsaires barbaresques, et qui répondait : « Debout sur la proue de mon vaisseau, j’étais dans une telle fureur que le souffle impétueux qui sortait de ma bouche frappant les voiles du navire ennemi lui imprima une impulsion si rapide qu’il fut impossible de l’atteindre7. » C’était là le ton ordinaire de ce personnage qui fut si longtemps applaudi sur tous les théâtres de l’Europe, et dont nous ne comprendrions bien le succès que si le règne des traîneurs de sabre recommençait parmi nous. […] Avec tout cela, il ne laisse pas d’être fidèle et actif.

2578. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XIII. Dernière semaine de Jésus. »

Parfois, il laissait percer contre ses ennemis un ressentiment sombre ; il racontait la parabole d’un homme noble, qui partit pour recueillir un royaume dans des pays éloignés ; mais à peine est-il parti que ses concitoyens ne veulent plus de lui. […] Le souvenir d’horreur que la sottise ou la méchanceté de cet homme laissa dans la tradition chrétienne a dû introduire ici quelque exagération.

2579. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Bain — Chapitre IV : La Volonté »

Sur ce point important, laissons-le s’expliquer lui-même. […] Il n’y en a plus, si une personne intervenant, je suis poussé par elle à agir d’une certaine manière, comme l’enfant que l’on mène dans une boutique acheter un vêtement, sans le laisser choisir lui-même.

2580. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface du « Roi s’amuse » (1832) »

Expliquons-nous pourtant, non pas avec la police à laquelle, moi, honnête homme, je défends de parler de ces matières, mais avec le petit nombre de personnes respectables et consciencieuses qui, sur des ouï — dire ou après avoir mal entrevu la représentation, se sont laissé entrainer à partager cette opinion, pour laquelle peut-être le nom seul du poëte inculpé aurait dû être une suffisante réfutation. […] C’est un homme sincère et modéré, qui a déjà livré plus d’un combat pour toute liberté et contre tout arbitraire, qui, en 1829, dans la dernière année de la restauration, a repoussé tout ce que le gouvernement d’alors lui offrait pour le dédommager de l’interdit lancé sur Marion de Lorme, et qui, un an plus tard, en 1830, la révolution de juillet étant faite, a refusé, malgré tous les conseils de son intérêt matériel, de laisser représenter cette même Marion de Lorme, tant qu’elle pourrait être une occasion d’attaque et d’insulte contre le roi tombé qui l’avait proscrite ; conduite bien simple sans doute, que tout homme d’honneur eut tenue à sa place, mais qui aurait peut-être dû le rendre inviolable désormais à toute censure, et à propos de laquelle il écrivait ceci en août 1831 : « Les succès de scandale cherché et d’allusions politiques ne lui sourient guère, il l’avoue.

2581. (1854) Préface à Antoine Furetière, Le Roman bourgeois pp. 5-22

Au surplus, l’incertitude et l’obscurité où sont tombées les imputations des deux parties ne laisse pas de tourner à l’avantage de notre auteur, car, s’il est impossible de prouver aujourd’hui que Furetière ait réellement prostitué sa sœur et acquis par simonie ses bénéfices, il n’est pas besoin de preuves pour reconnaître que Lorau, Charpentier, Leclerc, Barbier d’Aucourt, Regnier Desmarais et consorts, étoilent les uns des ignorants, les autres de détestables écrivains. […] Tel qu’il est, toutefois, le Roman bourgeois ne laissera pas d’être pour l’historien, pour le philologue et pour l’homme du monde, une lecture pleine de profit et d’agrément.

2582. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Jules Janin » pp. 137-154

Les blasés des La Harpe, des Chénier, des Féletz trouvèrent cela délicieux… Le vieux Bertin, ce bœuf de génie qui a laissé dans la presse française l’ineffaçable sillon du Journal des Débats, et qu’Ingres nous a si bien peint, dans sa force fatiguée, fit son favori de ce jeune homme, qu’il tutoya comme les Rois d’Espagne tutoient leurs favoris, et à qui, en dehors de ses appointements, il donnait des gratifications de mille écus pour un feuilleton qui lui plaisait ! […] Cuvillier-Fleury s’avisât de l’en nommer « le Roi », se laissait dire par la femme qui lui avait tant donné en l’épousant, et qui exerçait sur ce préoccupé du style une délicieuse petite puissance maternelle : « Tenez, voilà votre journée !

2583. (1922) Durée et simultanéité : à propos de la théorie d’Einstein « Chapitre II. La relativité complète »

Tout ce que la science pourra nous dire de la relativité du mouvement perçu par nos yeux, mesuré par nos règles et nos horloges, laissera intact le sentiment profond que nous avons d’accomplir des mouvements et de fournir des efforts dont nous sommes les dispensateurs. […] Mais alors elle oscille entre les deux, les immobilisant tour à tour par des allées et venues si rapides qu’elle peut se donner l’illusion de les laisser en mouvement l’un et l’autre.

2584. (1874) Premiers lundis. Tome II « Le poète Fontaney »

La révolution de juillet, qu’il épousa avec ardeur et dévouement à l’heure de la lutte, laissa de côté et en dehors : de tels hommes pourtant auraient mérité d’être employés.

2585. (1875) Premiers lundis. Tome III « M. de Latena : Étude de l’homme »

L’ouvrage de M. de Latena, avec plus d’élévation, appartient à cette branche d’écrits estimables et qui laissent après eux un bon témoignage de l’art moyen d’une société.

2586. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Première partie. — L’école dogmatique — Chapitre IV. — Molière. Chœur des Français » pp. 178-183

La vraie comédie doit arriver au plaisant par le sérieux, et faire jaillir le ridicule des profondeurs de la nature humaine272 Il faut que son dénomment décèle une utilité morale, et laisse voir le philosophe caché derrière le poète273.

2587. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — B — Barbey d’Aurevilly, Jules (1808-1889) »

C’est une des intelligences les plus profondes, les plus complètes et les plus complexes de ce temps-ci, que cet homme qui aurait pu être, à son gré, un condottiere comme Carmagnola, un politique comme César Borgia, un rêveur à la Machiavel, un corsaire comme Lara, et qui s’est contenté d’être un solitaire, écrivant des histoires pour lui-même et pour ses amis, faisant bon marché de l’argent et de la gloire, et, prodigue éperdu, semant à tous les vents assez de génie pour laisser croire qu’il en a le mépris… En M. 

2588. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hervilly, Ernest d’ (1839-1911) »

Tout en fréquentant les sombres bureaux de rédaction et en vivant de la vie enfumée, poussiéreuse et énervante de Paris, il laissait son imagination s’envoler vers les pays lointains : amour boréal, amour africain, idylles chinoises et coloniales, tout le captivait, et son Harem n’est autre chose qu’un Tour du Monde en vingt-cinq parties.

2589. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Roumanille, Joseph (1818-1891) »

Poète, Roumanille laisse des merveilles : Li Margarideto et Li Sounjarello, qui ravissent les pauvres gens.

2590. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XVI. Consultation pour un apprenti romancier » pp. 196-200

Un médaniste me confiait, dans le sourire de sa sagesse ingénue : « Moi, j’écrirais Peau d’Âne que je croirais l’inventer. » — Laissez vierge, mon jeune ami, votre mémoire littéraire.

2591. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre premier. Nécessité d’une histoire d’ensemble » pp. 9-11

Laissent-ils une impression nette de l’importance relative des choses qu’ils étudient séparément ?

2592. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Préface »

Tandis que ce penseur s’est appliqué à rechercher les causes formatrices des grands hommes dans l’hérédité, l’influence de la race, du milieu, de l’habitat, nous laissons comme insoluble actuellement ce problème d’origine et c’est de l’ascendant des conducteurs spirituels de peuples que nous nous préoccupons, de la carrière de leurs idées et de leurs paroles, du fait et du sort de leur prestige.

2593. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Horace, et les mauvais écrivains du siècle d’Auguste. » pp. 63-68

Ayant laissé si loin derrière lui ses rivaux, est-il étonnant qu’il ait encouru leur indignation ?

2594. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre III. Suite du précédent. — Seconde cause : les anciens ont épuisé tous les genres d’histoire, hors le genre chrétien. »

Laissons donc ce style à ces génies immortels, qui, par diverses causes, se sont créé un genre à part ; genre qu’eux seuls pouvaient soutenir, et qu’il est périlleux d’imiter.

2595. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 15, des personnages de scelerats qu’on peut introduire dans les tragedies » pp. 115-119

Cependant les malheurs de Phédre ne laissent pas d’exciter la compassion, quand on voit la tragedie de Racine.

2596. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une conspiration sous Abdul-Théo. Vaudeville turc en trois journées, mêlé d’orientales — Troisième journée. Tout s’explique » pp. 234-240

Laissez-moi vous expliquer ; c’est bien simple…

2597. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — V. L’avare et l’étranger »

A ces mots, l’avare se laisse choir sur le sol comme s’il était mort.

2598. (1805) Mélanges littéraires [posth.]

Je ne parle point ici des ballets où la religion peut être intéressée : je sais que cet inconvénient est rare, grâce à la vigilance des supérieurs ; mais je sais aussi que, malgré toute cette vigilance, il ne laisse pas de se faire sentir quelquefois. […] Cette idée me paraît très juste et très philosophique : à quoi bon ennuyer d’abord un enfant de l’histoire de Pharamond, de Clovis, de Charlemagne, de César et d’Alexandre, et lui laisser ignorer celle de son temps, comme il arrive presque toujours, par le dégoût que les commencements lui inspirent ? […] Il faut cependant avouer, selon l’idée la plus généralement reçue, que celui qui se borne à prouver, et qui laisse l’auditeur convaincu, mais froid et tranquille, n’est point proprement éloquent, et n’est que disert. […] Les anciens, dans leur prose, évitaient de laisser échapper des vers, parce que la mesure de leurs vers était extrêmement marquée ; le vers ïambe était le seul qu’ils s’y permissent quelquefois, parce que ce vers avait plus de licences qu’aucun autre, et une mesure moins invariable. […] Il ne suffit pas au style de l’orateur d’être clair, correct, propre, précis, élégant, noble, convenable au sujet, harmonieux, vif et serré, il faut encore qu’il soit facile, c’est-à-dire, que la gêne de la composition ne s’y laisse point apercevoir.

2599. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Je ne veux décrire aujourd’hui que ce penseur et cet écrivain ; je laisse la vie, je prends ses livres et d’abord ses Essais. […] Celle des anciens a produit de beaux écrits, des phrases sublimes, des disputes infinies, des rêveries creuses, des systèmes renversés par des systèmes, et a laissé le monde aussi ignorant, aussi malheureux et aussi méchant qu’elle l’a trouvé. […] devaient-ils encore une fois se laisser duper par un le roi le veut ? […] Célimène pique, mais ne blesse pas ; les amis de lady Sneerwell blessent et laissent dans toutes les réputations qu’ils touchent des marques sanglantes ; la raillerie que je vais traduire est une des plus douces de Macaulay. […] Des brouillards et des orages pèsent sur elle pendant la plus grande partie des beaux étés ; et même dans les jours rares où le soleil est brillant, quand il n’y a aucun nuage dans le ciel, l’impression que laisse le paysage est triste et accablante.

2600. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXII » pp. 286-290

. — Quoi qu’il en soit, c’est moins par des satires directes, ce nous semble, qu’il faut combattre l’ennemi, que par des exemples plus calmes et en continuant de marcher de plus en plus, et chacun de son mieux, dans sa direction littéraire, sans s’en laisser détourner.

2601. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXVI » pp. 301-305

Casimir a été proprement le poëte de la classe moyenne, il lui allait en tout ; elle ne laissa jamais rien échapper de ses mérites, car rien chez lui ne la dépasse, tandis que Béranger, le poëte du peuple ou des malins, et Lamartine, le poëte des âmes d’élite, échappent aux classes moyennes à chaque coup d’aile.

2602. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Avertissement de la première édition »

En réimprimant ces portraits, je leur laisse exactement le caractère qu’ils eurent dans le temps de leur publication première, sans m’interdire toutefois les petites notes qui complètent ou restreignent.

2603. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « de la littérature de ce temps-ci, a propos du « népenthès » de m. loève-veimars (1833). » pp. 506-509

Je crois pouvoir affirmer que tout écrivain qui a ce qu’on appelle du succès, c’est-à-dire qui réunit des lecteurs autour de son œuvre ; que tout homme qui est assez heureux, assez malheureux veux-je dire, pour être en butte à l’admiration, aux éloges, à la haine et aux critiques, n’a pas un moment laissé reposer sa plume sur ses compositions… Dans mon enfance on m’a montré, comme un glorieux témoignage du génie de Bernardin de Saint-Pierre, la première page de Paul et Virginie, écrite quatorze fois de sa main.

2604. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ch.-V. de Bonstetten : L’homme du midi et l’homme du nord, ou l’influence du climat »

Continuellement en rapport et souvent en lutte avec elle, l’homme, qui n’est lui-même qu’une force volontaire et perfectible, peut tour à tour ou s’en laisser dominer, ou s’en dégager en partie, jamais totalement s’y soustraire.

2605. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — A — Aubanel, Théodore (1829-1886) »

Théophile Gautier Auprès de Mistral, il est juste de placer Aubanel, auteur de la Grenade entr’ouverte , dont les vers ont la fraîcheur vermeille des rubis que laisse voir en se séparant la blonde écorce de ce fruit, éminemment méridional.

2606. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Sainte-Beuve, Charles-Augustin (1804-1869) »

Depuis, il a laissé les vers ; il a donné à la prose des inflexions, des contours, des inattendus d’expression, des finesses et des souplesses qui rendent son style semblable à des chuchotements inarticulés entre des êtres dont la langue seule serait le tact.

2607. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 532-537

On chercheroit en vain, dans ses Epîtres & dans ses Discours philosophiques, ce ton d’aigreur & de cynisme, qu’un coloris séduisant n’est pas capable d’adoucir ; ces maximes hardies qui défigurent toutes notions ; cet appareil de sentiment qui n’échauffe que l’imagination & laisse le cœur froid.

2608. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre V »

Ils ont une forme heureuse, mais par hasard ; et pourtant tout mot grec aurait pu devenir français si l’on avait laissé au peuple le soin de l’amollir et de le vaincre.

2609. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préface des « Voix intérieures » (1837) »

Il faut, pour cela, qu’il jette sur ses contemporains ce tranquille regard que l’histoire jette sur le passé ; il faut que, sans se laisser tromper aux illusions d’optique, aux mirages menteurs, aux voisinages momentanés, il mette dès à présent tout en perspective, diminuant ceci, grandissant cela.

2610. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface d’« Angelo, tyran de Padoue » (1835) »

Laissez-vous charmer par le drame, mais que caleçon soit dedans, et qu’on puisse toujours l’y retrouver quand on voudra disséquer cette belle chose vivante, si ravissante, si poétique, si passionnée, si magnifiquement vêtue d’or, de soie et de velours.

2611. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Introduction » pp. 5-10

Introduction Même réduit aux proportions qu’il présente ici, un ouvrage sur la nouvelle littérature, fait à la fois de critique, de documents et de prophétie, ne laisse point que d’être un travail difficile, considérable et dangereux.

2612. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Chœur. » pp. 21-24

Mais quand la tragédie eut commencé à prendre une meilleure forme, ces récits ou épisodes, qui n’avaient été imaginés que comme un accessoire pour laisser reposer le chœur, devinrent eux-mêmes la partie principale du poème dramatique, dont, à son tour, le chœur ne fut plus que l’accessoire.

2613. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « De la comédie chez les Anciens. » pp. 25-29

Il offre une action que les personnages n’ont aucun dessein de traverser ; c’est le hasard seul qui fait arriver Sosie dans un moment où Mercure ne peut le laisser entrer chez Amphytrion.

2614. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre troisième. Histoire. — Chapitre IV. Pourquoi les Français n’ont que des mémoires. »

Les mémoires lui laissent la liberté de se livrer à son génie.

2615. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Hallé  » pp. 127-130

Je laisse là tous ses petits tableaux, ses deux pastorales où il y a la fausseté de Boucher, sans son imagination, sa facilité et son esprit, la Femme qui amuse son enfant avec un moulin à vent, sa Sainte Famille que je n’ai point aperçue ni moi ni personne, la Femme qui dessine à l’encre de la Chine, et j’en viens à sa grande composition.

2616. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 26, que les sujets ne sont pas épuisez pour les peintres. Exemples tirez des tableaux du crucifiment » pp. 221-226

Rubens sans mettre des diables à côté de son mauvais larron comme l’avoient pratiqué plusieurs de ses devanciers, n’a pas laissé d’en faire un objet d’horreur.

2617. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre troisième. Découverte du véritable Homère — Appendice. Histoire raisonnée des poètes dramatiques et lyriques » pp. 284-285

Ensuite vint Sophocle et après lui Euripide qui nous laissèrent la tragédie nouvelle, dans le même temps où la vieille comédie finissait avec Aristophane.

2618. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre septième »

C’est par le goût qu’il apercevait les travers aussi vite que Molière, et qu’il laissait aux autres à en faire des railleries204. […] Corneille n’en avait rien laissé à créer. […] Le jeune homme est simple, parce que chez lui la raison laisse l’empire à l’imagination et à la passion ; et comme il n’y a pas encore de lutte, il n’est pas averti qu’il y a deux combattants. […] Dans l’âge mûr, d’ailleurs, le soin des affaires, une certaine passion d’établissement, le besoin de connaître les choses et les hommes, au milieu desquels on a soit à se conduire, soit à se défendre, tant de soucis pressants ne laissent guère le temps de se recueillir. […] Les souvenirs de la Fronde lui avaient laissé un fonds de défiance contre La Rochefoucauld.

2619. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre septième. Les altérations et transformations de la conscience et de la volonté — Chapitre deuxième. Troubles et désagrégations de la conscience. L’hypnotisme et les idées-forces »

On a comparé l’écorce grise à un réostat intercalé dans un courant électrique ; ses cellules arrêtent le mouvement moléculaire des nerfs de la sensation : elles le retiennent, l’accumulent, ne le laissent plus passer dans les nerfs du mouvement. […] Il n’y a pas d’action du dehors sur nous qui ne provoque une réaction interne sous forme d’impulsion ou d’aversion : rien ne nous laisse indifférent et passif, du moins à l’origine, et la sensation même, avec son caractère agréable ou pénible, présuppose l’appétit vital, dont elle provoque infailliblement la réponse en un sens ou en l’autre, l’assentiment ou le refus. […] Le premier phénomène prouve combien nous sommes portés à nous faire illusion sur notre libre arbitre, lorsque nous ne voyons pas les raisons cachées de nos actes, les liens de notre pensée actuellement dominante et impulsive avec toutes les traces autrefois laissées dans notre cerveau. […] La petite lumière de l’étoile qui, en plein jour, ne se laissait point voir, redevient visible dans cette nuit ; de plus, il n’y brille que l’étoile évoquée par la parole de l’hypnotiseur. […] Ce rapport, dont nous avons déjà parlé plus haut, consiste dans l’idée et l’impression permanentes laissées par les relations que l’hypnotisme a établies entre les deux personnes.

2620. (1921) Esquisses critiques. Première série

Nul n’a comme lui le secret d’insinuer et de laisser entendre. […] Pour tapageurs qu’ils fussent, ils ne laissaient pas que d’être indifférents. […] Alors même que les péripéties furent poignantes, voire tragiques, on sent qu’il n’y a pas lieu de se laisser aller à un entier découragement. […] Si leurs écrits contiennent un enseignement, ils laissent au public le soin de le dégager. […] Indiscrétion, l’habileté qui laisse en suspens le point de savoir si tous ces prêtres de comédie sont, là pour satisfaire les personnes bien pensantes ou leurs adversaires.

2621. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Montluc — I » pp. 56-70

Dès le premier instant qu’il eut à commander à d’autres, dès qu’il eut à porter enseigne, dit-il, il voulut savoir ce qui est du devoir de celui qui commande, et se faire sage par l’exemple des fautes d’autrui : « Premièrement j’appris à me chasser du jeu, du vin et de l’avarice, connaissant bien que tous capitaines qui seraient de cette complexion n’étaient pas pour parvenir à être grands hommes. » Il développe ces trois chefs, et particulièrement, et avec une verve singulière, les inconvénients de l’avarice en un capitaine : « Car si vous vous laissez dominer à l’avarice, vous n’aurez jamais auprès de vous soldat qui vaille, car tous les bons hommes vous fuiront, disant que vous aimez plus un écu qu’un vaillant homme… » Il ne veut pas qu’un homme de guerre, pareil à un citadin ménager, songe toujours à l’avenir et à ce qu’il deviendra en cas de malheur ; le guerrier est enfant de l’État et du prince, et il pose en maxime « qu’à un homme de bien et vaillant, jamais rien ne manque. » — Après ces trois vices qui sont à éviter à tout prix, car ils sont ennemis de l’honneur, il en touche plus rapidement un quatrième dans lequel, sans raffiner sur les sentiments, il conseille du moins toute modération et sobriété : C’est l’amour des femmes : ne vous y engagez pas, cela est du tout contraire à un bon cœur. Laissez l’amour aux crochets lorsque Mars sera en campagne : vous n’aurez après que trop le temps.

2622. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Le général Joubert. Extraits de sa correspondance inédite. — Étude sur sa vie, par M. Edmond Chevrier. — I » pp. 146-160

Je laisse donc aller l’eau sous le pont. […] Cinq mois après (19 mars 1796), Joubert écrivait de Finale, dans la rivière de Gênes : Le gouvernement, tout occupé du Rhin, nous laisse sans argent, à la merci des fripons qui nous administrent.

2623. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Questions d’art et de morale, par M. Victor de Laprade » pp. 3-21

si les bois, l’ombrage aimé du chêne, Ont trop caché la lumière à mes yeux, Soufflez, ô vents que Dieu sitôt déchaîne, Feuilles, tombez, laissez-moi voir les cieux. […] C’est jouer de malheur, quand on admire si fort Platon, que de le dédoubler pour laisser de côté la charmante ironie de Socrate.

2624. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 44-63

Il commence ce pèlerinage, qui asurtout pour objet la Suisse catholique, par une diatribe violente contre Genève, où l’on célébrait, quand il ypassa, l’inauguration de la statue de Jean-Jacques, un sujet tout trouvé d’anathème : « Tristes fêtes dont nous n’osons plus rire, s’écrie l’auteur, quand nous songeons qu’il est une autre vie et que probablement ce malheureux Rousseau, mort dans l’hérésie, sans sacrements et, selon toute apparence, sans repentir, a plus affaire à la justice de Dieu qu’à sa clémence… » Je laisserais ce passage et le mettrais sur le compte de la jeunesse, si les mêmes sentiments d’exécration ne revenaient sans cesse sous la plume de l’auteur ; si, dans ces volumes de Çà et Là où il y a de charmants paysages et de beaux vers pleins de sensibilité, je ne voyais, lors d’une nouvelle visite à Genève (chapitre Du Mariage et de Chamounix), la même répétition d’injures contre la statue et les mêmes invectives contre les Genevois en masse. […] Comme dans les luttes à mort des Montagnards et des Girondins, on laissait assez en paix les gens de la Plaine, ceux qui ne soufflaient mot. — Pas toujours cependant, et plus d’un qui se tenait à l’écart y attrapait son éclaboussure.

2625. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Et cet ancien avocat, cet ancien procureur général, cet ancien garde des sceaux, dont l’éloquence vigoureuse et désagréable laissait voir trop de nerfs et de tendons (M.  […] Parler de Çà et Là maintenant, après les Mélanges politiques, c’est revenir en arrière ; car la plupart des pages rassemblées dans ces deux volumes sont d’une date assez ancienne, et laissent trop voir les défauts de l’auteur.

2626. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français (suite et fin.) »

On dirait que l’humanité en avançant est surtout soigneuse de s’observer tout le long de sa route, de se décrire, de laisser de soi, aux différents âges, des portraits ressemblants, tels quels, qui serviront ensuite de termes de comparaison, de documents biographiques et historiques, aux curieux, qui viendront après. […] Je laisse de côté le reste de l’histoire connue.

2627. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Ce fils de Foucault brouillon, fou, fripon, qui se fit chasser de partout, ne laissa pas de vivre jusqu’à quatre-vingt-seize ans, l’âge du plus sage des Nestors. […] La mort de Colbert, en septembre 1683, le priva de son puissant appui et le laissa à la merci de tous les mauvais vouloirs de la Cour.

2628. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Don Quichotte. »

au milieu de ces mets exquis et de ces boissons glacées, il me semblait que j’avais à souffrir les misères de la faim, parce que je n’en jouissais pas avec la même liberté que s’ils m’eussent appartenu ; car l’obligation de reconnaître les bienfaits et les grâces qu’on reçoit sont comme des entraves qui ne laissent pas l’esprit s’exercer librement. […] Je trouvai d’autres occupations, je laissai la plume et les comédies, et parut alors le prodige de nature, le grand Lope de Yega, qui s’éleva à la monarchie de la comédie, rangeant sous ses lois tous les acteurs… » Cervantès est d’une bienveillante et libérale nature et il ne marchande pas l’éloge à ses rivaux, ni même, comme on le voit ici, à son vainqueur.

2629. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Souvenirs d’un diplomate. La Pologne (1811-1813), par le baron Bignon. (Suite et fin.) »

Il suivit de près son maître et se mit en route pour Dresde le 5 février 1810 : « Il quittait, après un séjour de près de quatre ans, nous dit-il, cette France, pays privilégié du Ciel, à tant de titres, où la civilisation, plus ancienne et plus complète qu’ailleurs, a donné aux lois de l’honneur et de la probité cette fixité d’axiomes qui, sans les faire peut-être observer davantage, ne laisse en problème ni en discussion rien de ce qui appartient aux bases des rapports sociaux et du commerce des hommes entre eux ; pays où le langage a une valeur mieux déterminée, où tous les ressorts de la vie sociale ont un jeu lus aisé, ce qui en fait, non comme ailleurs un combat, mais une source de jouissance. » J’aime de temps en temps ces définitions de la France par un étranger ; elles sont un peu solennelles sans doute et ne sont pas assurément celles que nous trouverions nous-mêmes ; nous vivons trop près de nous et trop avec nous pour nous voir sous cet aspect ; le jugement d’un étranger homme d’esprit, qui prend son point de vue du dehors, nous rafraîchit et nous renouvelle à nos propres yeux : cela nous oblige à rentrer en nous-mêmes et nous fait dire après un instant de réflexion : « Sommes-nous donc ainsi ?  […] La main de l’ambassadeur ne devait pas se laisser apercevoir dans ce mouvement national, « mais il devait tout voir, tout savoir, tout diriger, tout animer. » Un archevêque, un haut dignitaire de l’Église avait paru plus fait qu’un autre pour assister et pousser à cette œuvre militante dans un pays catholique, et comme devant aussi, par son caractère, moins prêter qu’un autre à tout conflit.

2630. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires du comte Beugnot »

Cet excellent homme de bien dissimula jusqu’au dernier jour à ses compagnons de prison l’issue trop certaine de son jugement au tribunal révolutionnaire ; ce ne fut que la veille de la condamnation qu’il laissa échapper devant eux quelque chose de ses pensées. […] La scène de Gand, où l’avantageux maréchal fait étalage de stratégie à l’usage des gens de cour, où il s’applique surtout à démontrer au grand aumônier, le cardinal de Périgord, qui l’écoute révérencieusement en ayant l’air de mordre la corne de son chapeau, les divers plans de campagne possibles et comme quoi, dans toutes les combinaisons, Napoléon ne peut être que battu, — cette petite scène à trois personnages, le suffisant, le crédule, et le sceptique qui se rit de tous deux, — est une délicieuse comédie de cabinet qui vaut tout ce que les anciens Mémoires du bon temps nous ont laissé de plus exquis en ce genre.

2631. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand »

Je laisse les paroles indignes et cyniques qui passent pour avoir été échangées à l’autel même, et que le souffle de l’impure légende a portées jusqu’à nous ; mais j’ose dire que ce n’est point impunément qu’une Constitution nouvelle, fût-elle la meilleure, s’inaugure devant tout un peuple par une momerie ou un sacrilège. […] Elle juge, de quelques mots qu’il a laissé échapper dans sa dernière conversation avec elle, qu’il est question pour lui de mourir ; aussi a-t-elle passé la nuit dans une grande agitation et dans les larmes.

2632. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« Que je serais autre si des bras d’homme me permettaient d’entreprendre indifféremment tout ce qu’un homme de bien peut faire, et dès lors me laissaient quelque choix jusque dans les circonstances extrêmes ! […] Ainsi, dans l’adversité, les hommes laissent apercevoir leurs faiblesses ; mais il faut les voir dans la prospérité pour connaître leur mérite.

2633. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. BRIZEUX (Les Ternaires, livre lyrique.) » pp. 256-275

Il n’a pu s’y résoudre ; le mieux, un certain idéal, posait devant ses regards et ne lui laissait pas de trêve. […] Brizeux, et (je m’en aperçois) dans le mien en parlant de lui, la façon brève s’est marquée et se marque fréquemment par certains tours qui ne laissent pas d’avoir leur inconvénient, eu égard à la fluidité.

2634. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre VII. De l’esprit de parti. »

Dans l’Assemblée Constituante, les membres du côté droit auraient pu faire passer quelques-uns des décrets qui les intéressaient, s’ils eussent laissé la parole à des hommes plus modérés qu’eux, et par conséquent plus agréables au parti populaire ; mais ils aimaient mieux perdre leur cause, en la faisant soutenir par l’abbé Maury, que de la gagner en la laissant défendre par un orateur qui ne fut pas précisément de leur opinion sous tous les autres rapports. […] Enfin, l’esprit de parti, doit être de toutes les passions celle qui s’oppose le plus au développement de la pensée, puisque, comme nous l’avons déjà dit, ce fanatisme ne laisse pas même le choix des moyens pour assurer sa victoire, et que son propre intérêt ne l’éclaire point, quand il est entièrement de bonne foi.

2635. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre IV. Poésie lyrique »

Mais par quelques refrains d’un caractère ancien et populaire, qui leur ont sans doute appartenu, par les traces qu’elles ont laissées dans les refrains, les motets, les ballettes du xiiie et du xive  siècle, par les poésies déjà littéraires qu’elles ont suscitées en Sicile, en Allemagne, en Portugal, l’érudition contemporaine a pu nous en donner une idée. […] Le jeu-parti est un débat aussi, où le premier poète offre à son confrère deux opinions contradictoires à choisir, et soutient celle dont l’autre n’a pas voulu : la décision est laissée à un ou deux arbitres nommés dans l’envoi.

2636. (1900) L’état actuel de la critique littéraire française (article de La Nouvelle Revue) pp. 349-362

Il est illogique de les employer à bâcler des jugements au jour le jour sur une foule de livres ; mais il serait coupable de les laisser inutiles. […] Puisque l’un consent à produire et l’autre à se laisser améliorer, qu’au moins cette double volonté ne soit pas vaine : utilisez votre effort mutuel, estimez-vous l’un l’autre.

2637. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XXIV. Arrestation et procès de Jésus. »

C’étaient des sergents du temple, armés de bâtons, sorte de brigade de police qu’on avait laissée aux prêtres ; ils étaient soutenus par un détachement de soldats romains avec leurs épées ; le mandat d’arrestation émanait du grand-prêtre et du sanhédrin 1094. […] Peut-être Pilate voulut-il laisser croire que cette condamnation était déjà prononcée, tout en espérant que le préliminaire, suffirait.

2638. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre XIX. Cause et loi essentielles des variations du gout littéraire » pp. 484-497

Chacun de ces ensembles, où un principe commun unit opinions, croyances, institutions, tendances, peut être considéré comme le produit d’une force unique qui agit sur les hommes durant une longue période, et l’on peut dire que cette force va d’abord croissant, s’assimilant ce qui l’entoure, conquérant et organisant à son profit le milieu où elle évolue, jusqu’au moment où elle atteint son maximum d’extension ; après quoi, épuisée par son effet même (car vivre, c’est se tuer à petit feu), elle décline, perd de sa vigueur et finit par laisser se désagréger les éléments de tout genre dont elle était l’âme et le Jien. […] On voit que la loi d’alternance universelle, pour être simple, ne laisse point de réserver aux chercheurs amoureux d’exactitude une tâche assez compliquée.

2639. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXXII » pp. 355-377

Elle se persuadait, avec raison, que la bienveillance, l’amitié même dont la marquise pénitente lui avait donné des témoignages au moment de leur séparation, laisseraient bientôt renaître les jalousies et les défiances de la marquise rentrée en faveur. […] Il a laissé un petit bois sombre qui fait fort bien Il y a un bois entier d’orangers dans de grandes caisses.

2640. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre troisième. L’appétition »

— On nous dit cela, mais les mouvements ont beau être explicables mécaniquement par des mouvements antérieurs, cette explication mécanique laisse en dehors la représentation, l’émotion, l’appétition, la motion même. […] On peut à coup sûr répondre que l’effet mécanique consécutif de la sensation n’est pas le même dans les divers cerveaux, que ce qui produit un orage dans l’un laisse l’autre calme.

2641. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Les romans de M. Edm. de Goncourt » pp. 158-183

Il excelle, à un tournant de sa fabulation, à un moment psychologique de ses personnages à montrer cette évolution et cette transformation par un fait brutal, net, dont la conclusion est laissée à tirer au lecteur. […] Le numéro était une fois par semaine rempli tout entier d’une fantaisie de Banville, et pour montrer à quel point on laissait ce poète hausser le ton coutumier de journaux, nous citerons de lui cette magnifique phrase, dont le pendant ne se trouvera guère dans nos quotidiens : « Ainsi dans le calme silence des nuits, aux heures où le bruit que fait en oscillant le balancier de la pendule, est mille fois plus redoutable que le tonnerre, aux heures où les rayons célestes touchent et caressent à nu l’âme toute vive, où la conscience a une voix, où le poète entend distinctement la danse des rhythmes dégagés de leur ridicule enveloppe de mots, à ces heures de recueillement douloureuses et douces, souvent, oh !

2642. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Seconde Partie. De l’Éloquence. — Éloquence de la chaire. » pp. 205-232

La comparaison des organes évangéliques avec nos acteurs profanes se présente naturellement ; mais je la laisse faire à d’autres. […] laissez mon père, le diable me l’a déjà dit plus éloquemment que vous ne pouvez faire.

2643. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIX. Mme Louise Colet »

Mme Colet, jalouse trois fois, jalouse du talent de la femme, de sa folle renommée et du succès matériel de son livre impudique et honteux, raconta à son tour son histoire avec le même poëte, fière, comme une femelle de chacal, d’avoir touché au morceau laissé par la lionne ! […] Jamais la personnalité qui ne laissait rien de tranquille autour d’elle, ne dut mieux se vautrer que dans ce livre mi-parti d’histoire et de voyage… Seulement cette personnalité n’a pas une opinion, — une seule opinion, à elle, — sur les faits de cette Révolution d’Italie, qu’elle accepte ou plutôt qu’elle avale, avec le mysticisme d’une communiante, qui avale son Dieu.

2644. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXVIII et dernier. Du genre actuel des éloges parmi nous ; si l’éloquence leur convient, et quel genre d’éloquence. »

Non : l’homme froid et tranquille laisse la même tranquillité à tout ce qui l’entoure : c’est la loi générale. […] Malheur à vous, si les intérêts des États, si les maux des hommes, si les remèdes à ces maux, si la vertu, si le génie, si tout ce qu’il y a de grand et de noble, vous laisse sans émotion, et si en traitant tous ces objets vous pouvez vous défendre à vous-même d’être éloquent ?

2645. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVI. »

Virgile, je n’ai fait que le voir ; et le destin avare a laissé peu de temps Tibulle jouir de mon amitié. […] Il le croit consul, sur la foi de César Auguste, le fondateur ou le restaurateur de tous les temples, qui, dans sa visite du temple de Jupiter Férétrius, dont il releva la ruine amenée par le temps, avait lu ce nom, disait-il, sur la cuirasse de lin formant partie du trophée élevé par le vainqueur : « Je me serais cru presque sacrilège187 », s’écrie l’historien flatteur, « de ne point laisser à Cossus, en preuve de ses glorieuses dépouilles, l’attestation de César, le fondateur du temple même. » De tels souvenirs, un tel langage, suffisent à nous montrer quel prestige de grandeur et de respect public pouvait encore, dans les mœurs romaines, s’attacher au zèle affecté d’Auguste pour effacer une des traces de la violence et de l’incurie destructive reprochées à la guerre civile.

2646. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1870 » pp. 3-176

» et au haut du fronton, un homme enlève au drapeau tricolore son bleu et son blanc, et ne laisse flotter que le rouge. […] Et toutes sortes de voitures font défiler devant vos yeux de pâles figures, ou laissent entrevoir des pantalons rouges, où le sang fait de grandes taches noires. […] Et les jolies îles feuillues de la Seine, coupées à blanc, laissent voir, entre les troncs de peupliers, des capotes grises, manœuvrant sous la pluie. […] Après dîner, j’entends un homme du peuple dire à une marchande de tabac, chez laquelle je m’allume : « Est-il possible de se laisser rouler comme ça ? […] Burty me dit aujourd’hui qu’un général, dont j’ai oublié le nom, avait laissé échapper devant lui : « C’est le premier acte de notre agonie ! 

2647. (1865) Introduction à l’étude de la médecine expérimentale

Ce grand naturaliste, quoique aveugle, nous a laissé d’admirables expériences qu’il concevait et faisait ensuite exécuter par son domestique, qui n’avait pour sa part aucune idée scientifique. […] Celle-ci, en effet, si on la possédait sur un point quelconque, on l’aurait partout ; car l’absolu ne laisse rien en dehors de lui. […] La connaissance absolue ne saurait donc rien laisser en dehors d’elle, et ce serait à la condition de tout savoir qu’il pourrait être donné à l’homme de l’atteindre. […] Il y a donc là grand intérêt à rechercher ce que les anciens nous ont laissé, parce que sous ce rapport ils peuvent encore nous servir de modèle. […] Pour la pratique des choses on est bien obligé de laisser croire que la vérité (au moins la vérité provisoire) est représentée par la théorie ou par la formule.

2648. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Appendice. — [Jouffroy.] » pp. 532-533

Ces répétitions avaient lieu le plus souvent en l’absence de l’abbé et nous laissaient par conséquent pleine et entière liberté ; on en usait pour causer de tout autre chose que de la grammaire et du latin, et souvent pour composer des vers, Dieu sait quels vers !

2649. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXXI » pp. 281-285

Thiers va publier l’Histoire du Consulat dans quelque temps, on espère exciter par là Chateaubriand à détacher de ses Mémoires toute la partie relative au duc d’Enghien et au Consulat ; le désir de rétablir les faits à son point de vue et la démangeaison de contredire Thiers feraient ainsi passer l’illustre écrivain sur la détermination, qu’on disait invariable, de ne rien laisser publier, avant sa mort, de son livre tant convoité.

2650. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Appendice. »

Tu has trop tost cogneu pour ton malheur De ses yeux bruns le charme enmicltaur ; Tu has trop tost en tes baisers de flame Laissé füir sur ses lèvres ton ame.

2651. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Appendice — Début d’un article sur l’histoire de César »

Grand capitaine quand il le faut, endurci aux fatigues, rapide, agile, inépuisable en combinaisons, il ne se laisse ni entraîner par le vertige des conquêtes ni arrêter par des scrupules d’homme civil et des remords d’humanité sur les champs de bataille : humain et clément le lendemain, charmant à ses amis, conciliant à ses ennemis, attentif à tous, fécond jusqu’à la fin en projets immenses, mais utiles à l’empire, qu’il était à la veille d’exécuter sans nul doute et d’accomplir jusque sous les glaces de l’âge.

2652. (1874) Premiers lundis. Tome II « Théophile Gautier. Fortunio — La Comédie de la Mort. »

Dans son premier point de vue intitulé la Vie dans la Mort, le poète, errant le 2 novembre dans un cimetière, y suppose la vie non encore éteinte, et essaye de se représenter les tourments, les agonies morales, les passions ulcérantes de tous ces morts, si, vivant encore d’une demi-existence, ils pouvaient sentir et savoir ce qui se continue sans eux sur la terre : Sentir qu’on a passé sans laisser plus de marque Qu’au dos de l’océan le sillon d’une barque ;   Que l’on est mort pour tous ; Voir que vos mieux aimés si vite vous oublient, Et qu’un saule pleureur aux longs bras qui se plient   Seul se plaigne sur vous.

2653. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — I. La Thébaïde des grèves, Reflets de Bretagne, par Hyppolyte Morvonnais. »

Morvonnais consente à faire entrer l’art pour quelque chose dans ses préoccupations solitaires ; qu’en étudiant les Lakistes avec amour, il ne se borne pas à eux et ne s’y oublie pas jusqu’à laisser tout rivage.

2654. (1875) Premiers lundis. Tome III « Lafon-Labatut : Poésies »

La mort du bon curé le laissa sans ressources ; c’est alors qu’il revint à Paris, rappelé par l’ami de son père.

2655. (1875) Premiers lundis. Tome III « De l’audience accordée à M. Victor Hugo »

Le poète aurait pu dire encore qu’il avait, fort jeune, et en plus d’une circonstance mémorable, donné à la monarchie et au prince d’humbles gages qu’il ne séparait point, dans sa pensée, des autres gages qu’on devait donner aussi aux libertés et aux institutions du pays ; il aurait pu (et le roi l’eût cru sans peine) protester de son aversion contre toute malice détournée, de sa sincérité d’artiste, de sa bonne foi impartiale à l’égard des personnages que lui livrait l’histoire ; et, alors, la conversation tombant sur le caractère de Louis XIII, et sur le plus ou moins de danger ou de convenance qu’il y aurait à le laisser paraître dans la pièce en litige, le poëte eût pu expliquer à loisir à l’auguste Bourbon que le drame n’ajoutait rien là-dessus, retranchait bien plutôt à ce qu’autorisait la franchise sévère de l’histoire, et que l’image de temps si éloignés et si différents des nôtres ne pouvait le moins du monde paraître une indirecte contrefaçon du présent.

2656. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre IV. De l’analogie. — Comparaisons et contrastes. — Allégories »

On prendra garde de se laisser aller à comparer ce qu’on ne conçoit pas, comme cet aveugle qui disait que le mot rouge le faisait penser au son de la trompette.

2657. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghil, René (1862-1925) »

Paul Léautaud Son livre de débuts, Légendes d’âmes et de sang, qui révélait un poète ne procédant d’aucun maître, et dont la préface, où il donnait les grandes lignes de l’œuvre qu’il méditait, laissait pressentir les théories de musique verbale que le Traité du verbe devait répandre avec éclat, d’un coup attira sur lui l’attention.

2658. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — F. — article » pp. 348-354

Pour achever de nous convaincre de sa folle témérité, il n’a laissé échapper aucune occasion de fronder les Encyclopédistes & les Philosophes.

2659. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 139-145

Le premier devoir d’un Ecrivain éloquent, est de ne point se laisser séduire lui-même, parce que sa propre séduction entraîne bientôt celle des autres, & que l’on est fâché d’être obligé de condamner par réflexion, ce qui d’abord a subjugué par attrait.

2660. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — III »

Elle ne laisse apparaître un objet qu’autant qu’on la suppose appliquée à un principe immobile qui, sous l’action du mouvement, est contraint de se déplacer d’un lieu dans un autre.

2661. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racan, et Marie de Jars de Gournai. » pp. 165-171

Enfin, après un quart d’heure de conversation, il sortit, & laissa mademoiselle de Gournai fort satisfaite d’avoir vu M. de Racan.

2662. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre VI. Amour champêtre. — Le Cyclope et Galatée. »

Laisse la mer se briser follement sur ses grèves ; tes nuits seront plus heureuses, si tu les passes à mes côtés dans mon antre.

2663. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre XVI. Le Paradis. »

Si nous jugions la mythologie d’après la Pharsale, ou même d’après l’Énéide, en aurions-nous la brillante idée que nous en a laissée le père des Grâces, l’inventeur de la ceinture de Vénus ?

2664. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Contes — XII. L’homme touffu »

L’homme touffu (Dyerma) Un père de famille, à sa mort, laissa deux orphelins, un fils appelé Daouda et une fille du nom d’Aïssata.

2665. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Gérard de Nerval »

Nous nous étions laissé dire que Gérard de Nerval étudiait avec amour les sciences occultes et reprenait, pour savoir ce qu’elles contiennent encore, ces vieilles méthodes du Moyen Âge que Bacon et Descartes ont écrasées sous leur mépris de novateurs.

2666. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Les Femmes de l’Évangile » pp. 89-93

Laissons ces enfants !

2667. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « L’abbé Cadoret »

L’abbé Cadoret a bien compris ce que nous disions plus haut des ennemis du pouvoir : c’est que les plus dangereux sont ceux-là qui se réclament contre lui de l’autorité des idées religieuses, et il n’a pas voulu lui laisser de tels adversaires.

2668. (1905) Études et portraits. Sociologie et littérature. Tome 3.

Nous ne laisserons pas la calomnie en émousser le fil. […] Laissez-moi les résumer ici ces formules, et circonscrire de la sorte notre débat. […] Ne les laissons pas mourir si nous ne voulons pas que la France meure aussi !‌ […] Les premières expériences du plaisir ont laissé des traces partout dans ces poèmes. […] Balzac vous laisse le soin de les dégager.

2669. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « François Ier, poëte. Poésies et correspondance recueillies et publiées par M. Aimé Champollion-Figeac, 1 vol. in-4°, Paris, 1847. »

On sait qu’un jour Louis XIV aussi s’était avisé de rimer ; c’était sans doute dans le court instant où il se laissait tenter à cette gloire des ballets et des carrousels, dont un passage de Britannicus le guérit. […] Rien de plus naturel à supposer qu’une rencontre d’idées en semblable veine : ce qui ne laisse pas ici de donner à penser, c’est cette petite circonstance qui se retrouve dans les deux pièces, a læva, à main senestre. […] Vous ouvrez Baïf, le plus infatigable translateur en vers et qui ne laisse rien passer des anciens sans le reproduire bien ou mal ; mais quelquefois il vous semble se reposer, il parle en son nom ; il a ses gaietés gauloises, on le jurerait, et ses propres gaillardises.

2670. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXVIIe entretien. J.-J. Rousseau. Son faux Contrat social et le vrai contrat social (3e partie) » pp. 5-56

Cette part de liberté n’est pas possédée, elle est concédée et révocable par la société, républicaine ou monarchique, qui la laisse à l’individu politique. C’est une frontière indécise entre l’ordre social et l’anarchie individuelle que le commandement laisse à l’obéissance ; terrain vague, où le commandement n’a pas besoin de s’exercer, et où l’obéissance peut désobéir sans porter atteinte à l’État, c’est-à-dire à l’intérêt de tous. […] Ce serait ainsi qu’une femme inspirée, une sainte Thérèse d’une religion pacifique et unanime, aurait à son insu laissé dans l’âme du philosophe sceptique et mobile de Genève la pensée de ce christianisme primitivement révélé par la conscience, encore sans ombre, à l’humanité, et destiné à réconcilier toutes les morales, tous les schismes et tous les cultes de l’esprit dans une lumière, dans une adoration et dans une charité communes.

2671. (1862) Cours familier de littérature. XIV « LXXIXe entretien. Œuvres diverses de M. de Marcellus (2e partie) » pp. 5-63

Puisque nous l’avions purgée des Autrichiens, il fallait la confédérer comme l’Archipel grec en 1822, et la protéger, mais non la soumettre au joug des Cisalpins pour la laisser croître. […] Les bruits de ces villages, qui sont autant de ports, s’éveillaient ; les voix des caïdgis (bateliers) se mêlaient aux cris des goélands ; le brouillard avait laissé sur chaque feuille une goutte de rosée qui étincelait au soleil ; ma promenade fut délicieuse, et je revins chargé de touffes de bruyères, de daphnés et de cistes fleurissant d’eux-mêmes au sein de ces solitudes qui touchent de si près au rivage. […] — Eh bien, reprit-il en souriant, si les affaires de l’Europe, un peu confuses ici, ou si les soupirs de l’empire turc qui croule vous laissaient demain autant de loisirs qu’aujourd’hui, nous pourrions lire ensemble ce touchant épisode de Médée avec votre ami, le prince Nicolaki Morusi, et je vous attendrai chez lui.

2672. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre deuxième. Le génie, comme puissance de sociabilité et création d’un nouveau milieu social »

La science recueille donc lentement les petits faits, amassés un à un par d’humbles travailleurs ; elle laisse le temps, le nombre et la patience accroître lentement son trésor. […] Ces êtres, nos acteurs, étaient tous des esprits ; ils se sont fondus en air, en air subtil… ; pareils à l’édifice sans base de cette vision, les tours coiffées de nuages, les palais somptueux, les temples solennels, ce grand globe lui-même et tout ce qu’il contient se dissoudront un jour, et, comme s’est dissipée cette insubstantielle fantasmagorie, ils s’évanouiront sans même laisser derrière eux un flocon de vapeur. […] Même lorsque le cours de nos idées semble entièrement livré au hasard, lorsque nous nous laissons aller aux rêveries involontaires de la fantaisie, l’action décisive de nos sentiments secrets ou de nos prédispositions se fait sentir tout différemment à une heure qu’à une autre, et l’association des idées s’en ressent toujours21. » Dans l’art le plus primitif, l’invention se distingue à peine du jeu spontané des images s’attirant et se suivant l’une l’autre, dans un désordre à peine moins grand que celui du rêve.

2673. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre III : Règles relatives à la distinction du normal et du pathologique »

Mais si, à certains égards, ils sont de même nature, ils ne laissent pas de constituer deux variétés différentes et qu’il importe de distinguer. […] La science, dit un écrivain déjà cité, peut bien éclairer le monde, mais elle laisse la nuit dans les cœurs ; c’est au cœur lui-même à se faire sa propre lumière. […] La maladie ne nous laisse pas toujours désemparés, dans un état de désadaptation irrémédiable ; elle nous contraint seulement à nous adapter autrement que la plupart de nos semblables.

2674. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Octave Feuillet »

… Du reste, dans cette lettre où le comte de Camors juge son fils, tout en voulant en faire un homme, un prince de ce monde, il laisse apercevoir qu’il n’a pas grande confiance dans l’énergie de sa progéniture, — ce qui rend plus imprudente encore et plus sotte sa théorie sur l’honneur : « Vous déferez-vous — dit-il à son fils — de cette faiblesse de cœur que j’ai remarquée en vous, et qui vous vient sans doute du lait maternel ?  […] Jusque-là il n’était dans son livre qu’un homme de son livre, et cela donnait à son livre une perfection de vulgarité sous élégance commune qui ne laissait rien à désirer, mais il va nous fausser son ouvrage, vrai parce qu’il n’y invente rien, et faux dès qu’il veut s’y montrer inventeur. […] Il n’a pas fait comme beaucoup d’esprits moins délicats que lui, qui se sont laissé aller et corrompre aux Écoles nouvelles.

2675. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre II. La qualité des unités sociales. Homogénéité et hétérogénéité »

Des êtres auxquels elle manquerait totalement ne se laisseraient même plus englober dans un seul genre : de ces individus originaux on ne pourrait même plus dire qu’ils sont également des hommes. […] Mais, parce que les ressemblances ou les différences ethniques se laissent, plus aisément peut-être que toutes les autres, définir et mesurer scientifiquement, il serait injuste de les rendre seules responsables de l’orientation des idées sociales. […] Il peut donc arriver qu’elle tienne tête à l’hérédité, qu’elle brouille ses cartes, qu’elle rende homogène ce que l’hérédité laissait hétérogène, et inversement, — et par suite rien ne prouve a priori qu’elle ait, comme l’hérédité, préparé dans les sociétés occidentales le règne de l’égalitarisme : qui sait si l’une ne travaille pas à détisser ce que trame l’autre ?

2676. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Dans une pareille étude, malheur à celui qui, dénué d’esprit philosophique et de goût esthétique, se laissera tromper par la ressemblance extérieure des formes, qui confondra la valeur relative avec la valeur absolue, la tradition avec la création, ou qui, dédaigneux des faits de la réalité, voudra mettre l’histoire au service de ses sympathies personnelles ! […] — Laissons de côté, pour le moment, les attardés et les précurseurs ; chez les autres, qui sont la majorité, il y a les combinaisons les plus diverses du tempérament individuel — tel qu’il est déterminé par l’âge — avec l’esprit général de l’époque, tel qu’il est déterminé par l’évolution du principe directeur ; chaque cas est un cas particulier et l’on a pu dire, avec quelque raison, que chaque génération a sa crise, précisément parce qu’elle doit s’accommoder d’un état général, acquis par les devanciers, qui ne répond pas exactement à la psychologie des plus jeunes. […] La théocratie du xiiie  siècle, telle que l’a formulée par exemple saint Thomas d’Aquin nous laisse froids, heurte même notre conception du monde ; sous la forme de la Divina Commedia, elle émeut nos âmes aujourd’hui encore, comme un problème éternel ; elle nous ravit, comme au premier jour, dans la lumière de l’absolu : Luce intellettual, piena d’amore ; Amor di vero ben, pien di letizia, Letizia che trascende ogni dolzore.

2677. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVI » pp. 147-152

Si le ministre de l’instruction publique consultait ses désirs et ses craintes, il n’accorderait rien, pas même la faculté de laisser faire des bacheliers venus d’autre part que des colléges de l’Université.

2678. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LX » pp. 231-236

Letronne qui les avait laissés se réjouir et triompher revint lentement à la charge, et n’eut pas de peine à les battre tous en confirmant toutes les conclusions de son premier Rapport.

2679. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre III. De la comédie grecque » pp. 113-119

Les comédies de Ménandre et les caractères de Théophraste ont fait faire des progrès, l’un dans la décence théâtrale, l’autre dans l’observation du cœur humain ; parce que ces deux écrivains avaient sur Aristophane l’avantage d’un siècle de plus ; mais, en général, les auteurs se laissent aisément séduire dans les démocraties, par l’irrésistible attrait des applaudissements populaires.

2680. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre III. Du meilleur plan. — Du plan idéal et du plan nécessaire. »

Il faut dire ce qu’on pense, ce qu’on sait, laisser le reste, ne pas soulever les questions qu’on ne peut résoudre : au lecteur de faire la critique de notre œuvre, de mesurer notre science, d’estimer la droiture de notre raisonnement.

2681. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Giraud, Albert (1848-1910) »

Donc, pratiquons le vers libre, s’il nous plaît, laissons le poète tranquille et admirons.

2682. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Karr, Alphonse (1808-1890) »

C’était aussi le temps où, ces jouets de l’âme, Tes romans s’effeuillaient sur des genoux de femme, Et laissaient à leurs sens, ivres du titre seul, L’indélébile odeur de la fleur du Tilleul !

2683. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Émile Zola Laforgue, mort jeune, si inconnu, si peu formulé, n’ayant laissé que des indications si peu précises, qu’il échappe lui à tout classement, une ombre de maître, l’ombre qui s’efface, qui ne fait que passer en laissant la place aux autres.

2684. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laprade, Victor de (1812-1883) »

Tout cela l’aurait laissé obscur à Lyon, faisant son cours pour les guides de la Suisse, si l’Académie n’avait voulu recruter une clameur de plus contre l’Empire.

2685. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Sa fin prématurée, d’ailleurs, vient, témoigner pour lui-même, et aujourd’hui je puis penser qu’après tout j’ai pu mal le comprendre… Toute l’œuvre de Rodenbach atteste sa préoccupation de mourir jeune et la crainte de ne rien laisser de sa vie et de ses émotions. « Seigneur, s’écriait-il déjà aux pages de la Jeunesse blanche, donnez-moi cet espoir de revivre Dans la mélancolique éternité du livre. » [Mercure de France (1898).]

2686. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre VI » pp. 50-55

En entrant à l’hôtel de Rambouillet on laissait la politique et les intrigues à la porte ; en allant à la cour, les habitudes de l’hôtel de Rambouillet se dissimulaient et cédaient au ton dominant.

2687. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — D. — article » pp. 92-99

Les Discours qu’il prononça étant Avocat ou Procureur Général, ne nous laissent rien envier aux Orateurs d’Arthenes & de Rome.

2688. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — H — article » pp. 489-496

S’il nous est permis de faire quelques réflexions sur son caractere, nous serons autorisés à dire, que l’amour de la célébrité & trop de penchant à se laisser séduire par des insinuations artificieuses, ont été la vraie cause de l’abus qu’il a fait de ses talens, propres d’ailleurs à le faire estimer.

2689. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 331-337

Est-il douteux que si la fortune de ce Poëte eût été plus indépendante, il n’eût mieux travaillé ses Pieces, & ne nous eût laissé plus de Chef-d’œuvres & moins de Farces ?

2690. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre VII »

Il y a deux sortes de peuples : ceux qui imposent leur langue et ceux qui se laissent imposer une langue étrangère.

2691. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

Ou bien résignons-nous ; laissons faire et considérons les premiers mouvements d’une formation linguistique nouvelle.

2692. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Louise Labbé, et Clémence de Bourges. » pp. 157-164

En s’en moquant, en bravant le public & son ennemie, en continuant à jouir de sa conquête, en conjurant l’amour de la laisser égarer & de servir ses goûts & ses caprices : Permets, m’amour, penser quelque folie.

2693. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre troisième. »

Il fallait finir la fable au vers précédent, toujours par quelque endroit fourbes se laissent prendre.

2694. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre quatrième. Du Merveilleux, ou de la Poésie dans ses rapports avec les êtres surnaturels. — Chapitre III. Partie historique de la Poésie descriptive chez les Modernes. »

On aura beau placer l’amante de Tithon sur un char, et la couvrir de fleurs et de rosée ; rien ne peut empêcher qu’elle ne paraisse disproportionnée, en promenant sa faible lumière dans ces cieux infinis que le christianisme a déroulés : qu’elle laisse donc le soin d’éclairer le monde à celui qui l’a fait.

2695. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Lettre a monseigneur le duc de**. » pp. -

On ne pouvoit donc citer à la lettre tous les passages qu’on a emprunté d’eux ; si on l’avoit fait, on auroit laissé le lecteur dans l’incertitude.

2696. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 1, de la necessité d’être occupé pour fuir l’ennui, et de l’attrait que les mouvemens des passions ont pour les hommes » pp. 6-11

Il est facile de concevoir comment les travaux du corps, même ceux qui semblent demander le moins d’application, ne laissent pas d’occuper l’ame.

2697. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 22, quelques remarques sur la poësie pastorale et sur les bergers des églogues » pp. 171-178

Aujourd’hui même, quoique l’état politique de ces contrées n’y laisse point les habitans de la campagne dans la même aisance où ils étoient autrefois ; quoiqu’ils n’y reçoivent plus la même éducation, on les voit encore néanmoins sensibles à des plaisirs fort au-dessus de la portée de nos païsans.

2698. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Monsieur De Piles grand amateur de la peinture, et qui lui-même manioit le pinceau, nous a laissé plusieurs écrits touchant cet art, qui meritent d’être connus de tout le monde ; mais un de ces écrits merite toutes les loüanges qui sont dûës aux livres originaux : c’est sa balance des peintres.

2699. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 50, de la sculpture, du talent qu’elle demande, et de l’art des bas-reliefs » pp. 492-498

Il est vrai qu’on peut être un bon sculpteur sans avoir autant d’invention qu’il en faut pour être un excellent peintre, mais si la poësie n’est pas si nécessaire au sculpteur, un sculpteur ne laisse pas d’en faire un usage qui le met fort au-dessus de ses concurrens.

2700. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 27, qu’on doit plus d’égard aux jugemens des peintres qu’à ceux des poëtes. De l’art de reconnoître la main des peintres » pp. 382-388

L’interêt acheve de mettre de l’incertitude dans les décisions d’un art qui ne laisse pas de s’égarer, même quand il opere de bonne foi.

2701. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

On peut d’ailleurs expliquer l’illusion du sens commun : le souvenir immédiat, comme le souvenir après intervalle, est en raison directe de l’état dont il y a souvenir [§ 10] ; si donc les concomitants faibles précèdent le signe, ils font peu d’impression ; quand le signe arrive à son tour et complète le groupe, alors seulement l’esprit se trouve en présence d’un état bien distinct qui le satisfait et l’intéresse ; le groupe n’est pas vraiment remarqué avant que le signe l’ait rejoint et ait paru en prendre le commandement ; et, dès lors, la moindre réflexion sur l’ensemble, l’analyse la plus fugitive, donneront au signe le premier rang, parce qu’il est l’élément le plus fort et le plus distinct ; il sera noté le premier, le sens ensuite, l’esprit, dans toutes ses opérations, allant naturellement du clair à l’obscur, du plus facile au plus difficile, et l’instant durant lequel l’idée attendait son expression n’ayant laissé qu’une faible trace dans la mémoire. […] Et, en effet, porter et maintenir l’attention sur les notions que les mots recouvrent, chercher à avoir une claire conscience de leurs rapports, comparer, après les notions, ces rapports eux-mêmes, de façon à porter la lumière de la conscience sur les conflits latents des idées ; en toute occasion, méditer, réfléchir, analyser, examiner ; tenir sa pensée toujours en éveil, toujours inquiète, toujours en devenir, en renouvellement et en progrès ; qu’est-ce autre chose que réagir contre cette inégale distribution de la conscience qui, conservant aux mots leur vivacité, laisse les idées s’évanouir et disparaître dans une ombre toujours plus épaisse ? […] Voir Descartes, au commencement du traité du Monde : « Les paroles, n’ayant aucune ressemblance avec les choses qu’elles signifient, ne laissent pas de nous les faire concevoir », etc. ; Bossuet, Logique, I, 3 ; Port-Royal, Logique, I, 1 ; etc. […] Il peut y avoir des actes si spirituels et intellectuels, ou en tout cas si rapides, qu’ils ne laissent aucune trace dans le cerveau, ou n’y en laissent que de fort légères, qui s’effacent comme d’elles-mêmes, ainsi qu’un flot qui se dissout au milieu de l’eau. […] Egger reprend la théorie chez Leibnitz des « petites perceptions », ces perceptions non réfléchies dont nous n’avons pas conscience, l’exemple qu’il développe étant celui du bruit de la mer — auquel fait allusion Egger — comme somme confuse d’éléments infiniment petits indissociables : « D’ailleurs il y a mille marques qui font juger qu’il y a à tout moment une infinité de perceptions en nous, mais sans aperception et sans réflexion, c’est-à-dire des changements dans l’âme même dont nous ne nous apercevons pas, parce que les impressions sont ou trop petites et en trop grand nombre ou trop unies, en sorte qu’elles n’ont rien d’assez distinguant à part, mais jointes à d’autres, elles ne laissent pas de faire leur effet et de se faire sentir au moins confusément dans l’assemblage. […] Et pour juger encore mieux des petites perceptions que nous ne saurions distinguer dans la foule, j’ai coutume de me servir de l’exemple du mugissement ou du bruit de la mer dont on est frappé quand on est au rivage.

2702. (1927) Les écrivains. Deuxième série (1895-1910)

les gestes passent ; le temps de décrire leur courbe éphémère, ils n’ont pas laissé de traces. […] s’écrie-t-il, furieux d’avoir laissé violer les plus secrets tiroirs de son âme. […] … Elle me laisse dans l’âme, pour toute la journée, je ne sais quoi d’accablant, d’horriblement pesant… comme un cauchemar ! […] Les milieux aussi sont rendus avec une vérité absolue, dans toute la philosophie d’une observation qui ne laisse rien échapper des gestes et des pensées. […] Chaque baiser lui laisse aux lèvres comme un affreux goût de mort ; dans chacune des étreintes, il goûte comme une volupté sauvage et meurtrière d’étouffement.

2703. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Edgar Poe »

Les deux Nouvelles que publie la Bibliothèque des chemins de fer laissent le regret que les œuvres complètes d’Edgar Poe n’aient pas rencontré un traducteur qui nous mît à même de juger l’auteur américain dans toute la variété de ses inspirations et chaque scintillement de son génie. […] « Fais passer le scarabée par la cavité de l’œil gauche et laisse-le descendre de toute la longueur de la ficelle, mais sans le lâcher… » Et le nègre, conformément aux ordres de son maître, dit Edgar Poe, laissa descendre le scarabée, « qui étincelait, comme un point d’or bruni, aux derniers rayons du soleil couchant, dont quelques-uns éclairaient encore faiblement la hauteur sur laquelle nous étions ». […] de ceux qui se laissent effrayer par les hardiesses de la bizarrerie, mais la bizarrerie d’Edgar Poe manque justement de cette sincérité qui fait de l’originalité une chose divine.

2704. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

alors la consigne tomberait à l’instant ; mais, hormis pour elle, il est invisible à l’univers : Au reste, si un dieu vouloit pour moi descendre Du ciel, ferme la porte et ne le laisse entrer. […] Gandar a eu un dessein qu’il est bon de connaître pour mieux apprécier l’intention de son étude sur Ronsard ; il consacre la meilleure partie des loisirs que lui laisse l’enseignement à une histoire des hellénistes français de la Renaissance.

2705. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres complètes de Saint-Amant. nouvelle édition, augmentée de pièces inédites, et précédée d’une notice par M. Ch.-L. Livet. 2 vol. » pp. 173-191

En un mot, il y a des pèlerins pour toute chapelle qui a ses reliques, et cela est fort heureux, fort consolant, surtout quand on aspire soi-même à laisser un jour sa relique dans l’histoire littéraire. […] Il a donné en cet endroit la recette de son ragoût ; je laisse à de plus connaisseurs que moi à décider si le cuisinier a réussi.

2706. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Tallemant et Bussy ou le médisant bourgeois et le médisant de qualité » pp. 172-188

madame, il ne tient qu’à vous que je ne passe pour être le plus honnête homme de France. » — Le marquis de Sévigné de même, qui laissait sa charmante femme pour Ninon, était persuadé « qu’on ne peut être honnête homme sans être toujours amoureux. » Ce qu’on voyait pendant les hivers, ce n’étaient donc pas seulement les distractions bruyantes et faciles de toute jeunesse guerrière, c’était une rare émulation chez quelques-uns qui se piquaient d’honnêteté, et des gageures de cette sorte : « Le duc de Candale, qui était l’homme de la Cour le mieux fait, crut qu’il ne manquait rien à sa réputation que d’être aimé de la plus belle femme du royaume ; il résolut donc à l’armée, trois mois après la campagne, d’être amoureux d’elle (Mme d’Olonne) sitôt qu’il la verrait, et fit voir, par une grande passion qu’il eut ensuite pour elle, qu’elles ne sont pas toujours des coups du ciel et de la fortune. » On s’embarquait de parti pris avec quelqu’un, avec quelqu’une, pour se faire honneur dans le monde, pour faire parler de soi, et « parce que les femmes donnaient de l’estime aussi bien que les armes ». […] Saint-Évremond, en parlant ainsi d’un homme qui avait plus d’un rapport avec lui par les talents comme par la disgrâce, nous laisse cependant bien apercevoir les différences.

2707. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire de mon temps. Par M. Guizot. »

Laffitte laissait tout aller, sans but précis : survient Casimir Perier (il était temps), qui, par son énergie, fonde et fixe le système du juste-milieu. […] Molé) s’entendent autour du roi, pour former un Cabinet qui change plusieurs fois de président, mais qui, tant qu’il dure, laisse au parti du juste-milieu toute son étendue et sa force.

2708. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Le Poème des champs, par M. Calemard de Lafayette (suite et fin) »

Ne la laisse point pénétrer dans ton nid qu’elle guette et convoite. […] Laissez faire cette attaque à d’autres, ils sont dans leur rôle ; mais vous, vous n’êtes point un homme de guerre.

2709. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Leonora, belle, éblouissante, avide de sensations, ardente dans ses fantaisies, froide de cœur, n’a pas de peine à enlever le jeune et fragile artiste : ce n’est rien de lui avoir jeté son bouquet sur la scène, et son mouchoir par mé-garde avec le bouquet, comme dans un vrai délire d’enthousiasme, il faut voir comme ensuite, dans la visite qu’il lui fait, elle le pique au jeu, lui bat froid, le mortifie, lui tient la dragée haute, le tourne et le retourne à plaisir, comme elle fait tout, en un mot, pour le chauffer, l’enflammer ; elle lui met au cœur un de ces amours furieux, dévorants, à la Musset, qui vous tuent sur place, ou qui vous laissent, pour le restant de vos jours, n’en valant guère mieux. […] Réservez, puisque vous le voulez absolument, la charité pour Sibylle, mais accordez à l’autre du moins d’être bonne enfant, laissez-lui l’humanité.

2710. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La Grèce en 1863 par M. A. Grenier. »

Grenier ne s’est pas laissé séduire à la magie des noms : il ne se laisse pas non plus décourager par les mécomptes et l’ironie des événements, Il nous fait bien sentir en quoi consiste la difficulté de tout gouvernement en Grèce.

2711. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Millevoye »

Anacréon n’a laissé qu’une page Qui flotte encor sur l’abîme des temps, a dit M.  […] Millevoye a laissé au courant du flot sa feuille qui surnage ; son nom se lit dessus, c’en est assez pour ne plus mourir.

2712. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Puis, il a créé, mis en usage, laissé aux poètes futurs une grande variété de rythmes lyriques. […] En effet, on laisse les grands modèles, Homère, Pindare : on saisit Virgile par le côté sentimental et alexandrin de sa poésie.

2713. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre IV. Guerres civiles conflits d’idées et de passions (1562-1594) — Chapitre 2. La littérature militante »

Oubliée en France et dans les pays catholiques, l’œuvre de Du Bartas resta populaire en pays protestant : de Milton à Byron, elle a laissé des traces dans la poésie anglaise, et Gœthe en a parlé en termes enthousiastes qui lui ont valu chez nous plus d’estime que de lecteurs. […] Ce procès de l’Université et des Jésuites est l’affaire capitale du siècle : trente ans après que Pasquier n’avait pu empêcher le Parlement d’appointer la cause et de laisser les Jésuites en possession indéfiniment provisoire, l’Université, au lendemain de l’entrée du roi à Paris (1594), tenta un nouvel effort : l’avocat Arnauld se fit l’interprète de ses revendications et de ses jalousies : il parla avec plus d’emportement, de grossièreté même, mais plus de lourdeur et d’emphase que Pasquier.

2714. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre IV. L’heure présente (1874) — Chapitre unique. La littérature qui se fait »

Brunetière958, dans une œuvre résolument objective et impersonnelle, a laissé deviner un fonds de pessimisme à la fois douloureux et énergique. […] En appliquant la doctrine de l’évolution à la critique, il a obtenu deux résultats : évaluer plus justement la pression des œuvres déjà écrites sur les esprits qui créent ensuite d’autres œuvres, détacher par conséquent parmi toutes les causes la détermination résultant de la tradition littéraire ; ensuite, et surtout, laisser à l’individualisme son libre jeu, marquer nettement, toutes les causes étant définies et classées, ce que l’accident imprévu d’un grand homme qui survient peut apporter de perturbation dans le mouvement littéraire, soit en le déviant, soit par l’addition d’une inestimable force qui multiplie l’intensité des effets.

2715. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « J.-J. Weiss  »

Weiss 75 L’impression que nous a laissée M.  […] Weiss laisse échapper quelque part cet aveu que ce n’est pas un métier bien réjouissant « d’extraire des nouveautés du jour les maigres parcelles de littérature et de philosophie qu’elles peuvent contenir ».

2716. (1914) Enquête : L’Académie française (Les Marges)

Pour nous, chères Marges, laissons la très illustre et respectable maison à sa place, très haut dans la hiérarchie sociale, et tout à fait en marge de ce qui nous occupe, je veux dire l’art, la poésie, etc… Louis Dumur En décadence, non, si l’on s’en tient aux principes qui ont toujours prévalu à l’Académie. […] Anatole France, Maurice Barrès, Henri de Régnier et… quelques autres que je vous laisse à choisir selon vos goûts.

2717. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre IX. Inquiets et mystiques » pp. 111-135

Il laissera les autres se développer librement, et vivra de son mieux, satisfaisant ses instincts sociaux les plus spontanés, sans étouffer, dévotement, le culte humain de la raison. […] L’histoire de leur propagande nous conduit chez un lord anglais, chez un ex-ministre allemand, chez le Tzar et chez le roi de Prusse ; ces divers personnages successivement se laissent persuader et vont travailler à la régénération de l’élite et par l’élite.

2718. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mme de Graffigny, ou Voltaire à Cirey. » pp. 208-225

C’est un étrange rétrécissement d’esprit que d’aimer une science pour haïr toutes les autres ; il faut laisser ce fanatisme à ceux qui croient qu’on ne peut plaire à Dieu que dans leur secte. […] laissez là Newton, s’écrie Voltaire : ce sont des rêveries.

2719. (1913) Le bovarysme « Troisième partie : Le Bovarysme, loi de l’évolution — Chapitre I. Le Bovarysme de l’individu et des collectivités »

C’est ainsi que le pouvoir de se concevoir autre se manifeste avec une clarté d’autant plus vive chez tous les personnages de Flaubert, que ceux-ci, par leur impuissance à s’identifier avec le modèle qu’ils ont élu, nous laissent mieux voir l’écart entre la réalité qu’ils représentent, dont ils ne peuvent se détacher et qui persiste sous nos yeux — et celle que leurs gestes nous dessinent. […] Satisfait de l’une clos formes qu’il lui a imposées, l’artiste laisse-t-il au temps le soin de sécher sa statue sous l’action de l’atmosphère, voici ce bloc d’argile désormais durci et rebelle à toute métamorphose, condamné à montrer toujours la même effigie, sinon à être brisé sous le marteau.

2720. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « J. K. Huysmans » pp. 186-212

Dans A Rebours, cette dysénergie est consommée ; des Esseintes est une pure intelligence sensible et ne tente dans tout le livre qu’un seul acte volontaire, qu’il laisse inaccompli : celui de se rendre à Londres. […] Par un choc en retour imprévu mais légitime, de même que les spectacles communément tenus pour beaux déplaisent au mélancolique, les spectacles jugés laids par les gens à tempérament heureux doivent confirmer l’état d’âme où il se complaît, le dispenser de toute négation et de toute révolte, évoquer sa tristesse et la laisser s’épancher.

2721. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — I. La métaphysique spiritualiste au xixe  siècle — Chapitre I : Principe de la métaphysique spiritualiste »

Naville, de Genève, qui, étant mort avant d’avoir achevé sa tâche, a laissé à son fils, M.  […] En supposant que cela fût, cette existence éternelle n’a laissé aucune trace dans notre souvenir.

2722. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Du Rameau » pp. 288-298

Et ce peuple que vous écoutez, lorsqu’il se trompe, lorsqu’il se laisse entraîner à sa fureur, à ses préventions, est-ce qu’il a toujours été ce qu’il doit être ? […] D’abord je voudrais bien que l’artiste me dît pourquoi cette lampe suspendue au fond de son tableau éclaire fortement le devant et laisse le fond obscur.

2723. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 24, des actions allegoriques et des personnages allegoriques par rapport à la peinture » pp. 183-212

C’est à proportion de l’exactitude de la vrai-semblance que nous nous laissons seduire plus ou moins par l’imitation. […] Si l’on ne l’entend pas aisément, on la laisse comme un vain galimatias.

2724. (1887) La banqueroute du naturalisme

Je crois seulement que, si le paysan, comme l’ouvrier, par exemple, comme le bourgeois, ou comme le militaire, ont quelques traits qui ne soient qu’à eux, ils ne laissent pas, tous tant qu’ils sont, d’en avoir aussi quelques-uns qui leur sont communs entre eux, et avec moi. […] Si ce procédé ne laisse pas d’avoir quelques inconvéniens, on en voit peut-être le grand avantage.

2725. (1868) Les philosophes classiques du XIXe siècle en France « Chapitre IV : M. Cousin écrivain »

En dernier lieu vient l’idée de l’immortalité de l’âme, et, pour calmer les incertitudes que laisse cette croyance, la résignation confiante aux mains d’un Dieu juste et bon. […] Ainsi construite, elle laisse dans l’esprit un plaisir tranquille et une croyance sereine ; nous avons passé si aisément et si naturellement d’un point à l’autre, qu’il nous semble que nous sommes dans la vraie route, et nous nous abandonnons désormais à la sage main qui nous a si bien guidés jusqu’ici.

2726. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Académie française — Réception de M. Biot » pp. 306-310

Ne confondons pas les sphères, et laissons les paroles, les promesses du Christ dans toute leur portée sublime et qui n’est point de l’ordre terrestre.

2727. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXVIII » pp. 158-163

Quant à cette banale accusation d’avoir trempé dans la mort de son frère André, il serait temps de laisser une si odieuse calomnie.

2728. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires sur Voltaire. et sur ses ouvrages, par Longchamp et Wagnière, ses secrétaires. »

Il n’en est pas ainsi de ceux de Wagnière : Suisse honnête que Voltaire appelait son fidèle Achate, copiste en titre, sachant le latin, il prend davantage les choses au sérieux, et ne se laisse point aller à ces anecdotes de toilette et de cour qui d’ailleurs n’étaient plus de son temps.

2729. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. de Ségur. Mémoires, souvenirs et anecdotes. Tome II. »

Quoi qu’il en soit, l’engouement d’alors ne laisse pas d’être fort plaisant, M. de Ségur le sait bien, et nous en donne une preuve assez piquante.

2730. (1874) Premiers lundis. Tome II « Li Romans de Berte aus Grans piés »

La pensée de notre jeune et savant collaborateur consistait à rechercher dans les anciennes épopées françaises, non pas seulement les imaginations plus ou moins gracieuses des conteurs et des poètes, non pas le mérite et l’agrément littéraire de leurs romans, mais les croyances diverses des populations, les récits historiques altérés, les invasions mythologiques qui avaient laissé des traces.

2731. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « En guise de préface »

Lire un livre pour en jouir, ce n’est pas le lire pour oublier le reste, mais c’est laisser ce reste s’évoquer librement en nous, au hasard charmant de la mémoire ; ce n’est pas couper une œuvre de ses rapports avec le demeurant de la production humaine, mais c’est accueillir avec bienveillance tous ces rapports, n’en point choisir et presser un aux dépens des autres, respecter le charme propre du livre que l’on tient et lui permettre d’agir en nous… Et comme, au bout du compte, ce qui constitue ce charme, ce sont toujours des réminiscences de choses senties et que nous reconnaissons ; comme notre sensibilité est un grand mystère, que nous ne sommes sensibles que parce que nous sommes au milieu du temps et de l’espace, et que l’origine de chacune de nos impressions se perd dans l’infini des causes et dans le plus impénétrable passé, on peut dire que l’univers nous est aussi présent dans nos naïves lectures qu’il l’est au critique-juge dans ses défiantes enquêtes.

2732. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Cet homme c’est le « Héros », c’est celui qui entend chanter l’âme intérieure des choses, qui nous mène au bord de l’infini et nous y laisse, quelques moments, plonger le regard.

2733. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre premier. » pp. 5-11

Nous avons vu la corruption des mœurs générales se répandre de la cour de François Ier sur la nation entière1, et le spectacle de la société infectée de ces mœurs nous a laissé de pénibles impressions.

2734. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Appendice. Note concernant M. Laurent-Pichat, et Hégésippe Moreau. (Se rapporte à la page 395.) » pp. 541-544

. — Cette petite vérole courante, — nous savons son nom : — c’est l’égoïsme et l’envie, c’est la médiocrité de certains Carons, meneurs de spectres, qui refusent l’entrée des champs Élysées aux Ombres couronnées du laurier immortel, et qui les laissent errer sur des rivages sans nom, parce qu’elles n’ont pas, pour frayer leur passage, l’obole frappée à l’effigie des camaraderies.

2735. (1913) Le bovarysme « Quatrième partie : Le Réel — II »

Il est donc vrai que, dans cette hypothèse, chacune des attitudes du moi ne subsiste, et ne laisse subsister avec elle quelque réalité, qu’autant qu’elle ne parvient pas à un règne absolu, qu’autant qu’elle demeure limitée et définie par l’existence de son contraire.

2736. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Clément Marot, et deux poëtes décriés, Sagon & La Huéterie. » pp. 105-113

Honneur, satisfait de cette réparation d’offense, engage Marot à se laisser fléchir.

2737. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean-Baptiste Guarini, et Jason de Nores. » pp. 130-138

C’étoit un de ces hommes infatués d’Aristote, qui discutent tout & ne sentent rien, qui n’imaginent pas qu’on puisse laisser jamais les règles & les sentiers battus.

2738. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XVIII. Des Livres sur l’Art Militaire & sur les sciences qui y ont rapport. » pp. 370-378

Remi a laissé des Mémoires d’artillerie, deux vol.

2739. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 6, que dans les écrits des anciens, le terme de chanter signifie souvent déclamer et même quelquefois parler » pp. 103-111

Après que l’usage de ne plus chanter toutes les poësies eut été introduit, et qu’on eut commencé à reciter simplement quelques especes de vers, on ne laissa pas de continuer à nommer toujours chant la récitation de toute sorte de poësie.

2740. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Champfleury ; Desnoireterres »

… Si jeune dans les lettres, du moins par le nombre de ses ouvrages, Champfleury serait-il déjà ossifié dans le système qu’il a collé sur sa pensée, au lieu de la laisser indépendante dans la liberté de ses instincts ?

2741. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre premier. Des principes — Chapitre III. Trois principes fondamentaux » pp. 75-80

Toutes les nations païennes se sont accordées à croire que les âmes allaient errantes autour des corps laissés sans sépulture, et demeuraient inquiètes sur la terre ; que par conséquent elles survivaient aux corps, et étaient immortelles.

2742. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « [Béranger] » pp. 333-338

et celle qui est la première de ce ton, mais encore gaie et légère, parce que la victoire laisse encore entrevoir de brillants retours (janvier 1814) : Gai !

2743. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « La Fontaine de Boileau »

Mais aujourd’hui laissons tout sujet de satire ; A Bâville aussi bien on t’en eût vu sourire, Et tu tâchais plutôt d’en détourner le cours, Avide d’ennoblir tes tranquilles discours, De chercher, tu l’as dit, sous quelque frais ombrage, Comme en un Tusculum, les entretiens du sage, Un concert de vertu, d’éloquence et d’honneur, Et quel vrai but conduit l’honnête homme au bonheur.

2744. (1874) Premiers lundis. Tome I « Mémoires relatifs à la Révolution française. Le Vieux Cordelier, par Camille Desmoulins ; Les Causes secrètes ou 9 thermidor, par Villate ; Précis du 9 thermidor, par Ch.-A. Méda, Gendarme »

C’est auprès d’elle sans doute qu’il puisa son retour à des idées meilleures ; mieux que Danton, elle avait le droit de lui parler de devoir et de vertu : « Qu’on le laisse remplir sa mission, répondit-elle un jour, à déjeuner, à des conseillers timides ; il doit sauver son pays ; ceux qui s’y opposent n’auront pas mon chocolat. » Le Vieux Cordelier fut donc un acte de courage et d’expiation.

2745. (1874) Premiers lundis. Tome I « M. Tissot. Poésies érotiques avec une traduction des Baisers de Jean Second. »

Quand, au milieu d’une société riante et légère, le chevalier de Parny laissa échapper ses élégies immortelles, naïves inspirations du loisir et de la volupté, ce fut dans le monde un murmure flatteur de louanges, ou plutôt un frémissement de plaisir.

2746. (1874) Premiers lundis. Tome I « Bonaparte et les Grecs, par Madame Louise SW.-Belloc. »

Qu’à droite, une fenêtre, ouverte à l’hirondelle, Me laisse respirer les parfums du printemps.

2747. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

Il en est quelques-uns, morts jeunes, qui n’ont pas eu le temps de mûrir, et dont tous les écrits le laissent apercevoir : mais un certain charme de fraîcheur et de naïveté y compense les défauts, qui sont imputables à l’âge plutôt qu’au talent de l’homme.

2748. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rollinat, Maurice (1846-1903) »

Rollinat, c’est de ne laisser personne tranquille, c’est de tourmenter violemment les imaginations.

2749. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — E. — article » pp. 238-247

Lenglet Dufresnoy ; par un Eloge funebre, écrit en Latin, de Marie-Thérese-Félicité d’Est, Duchesse de PENTHIEVRE ; par un autre Eloge écrit aussi en Latin, du Comte d’Ons-en-Bray, Président de l’Académie des Sciences de Paris ; par plusieurs autres Productions de ce genre, qui prouvent que Mlle d’Eon eût pu enrichir notre Littérature de plusieurs Ouvrages d’Eloquence, si des occupations plus importantes lui en eussent laissé le temps, comme elle en avoit le goût.

2750. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 348-356

C’étoit peu de se pénétrer de l’esprit des Institutions humaines, de les considérer dans le but qu’elles se proposent, d’en calculer les inconvéniens & l’utilité : il falloit interroger les Législateurs eux-mêmes, se mettre à leur place, développer ce qu’ils ne laissoient qu’entrevoir, analyser les divers rapports que les Loix ont entre elles & avec tout ce qui tient à l’homme, expliquer enfin les motifs de leur établissement.

2751. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Ils s’imputent les défauts qu’ils n’ont point, & laissent ceux qu’ils ont véritablement, le vuide d’action dans leurs pièces, & la déclamation.

2752. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre troisième. Suite de la Poésie dans ses rapports avec les hommes. Passions. — Chapitre V. Suite des précédents. — Héloïse et Abeilard. »

Julie, sans le savoir, approche de sa fin, et les ombres du tombeau, qui commencent à s’entrouvrir pour elle, laissent éclater à ses yeux un rayon de l’Excellence divine.

2753. (1761) Salon de 1761 « Peinture —  Deshays  » pp. 134-138

Laissons-les dire.

2754. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Ces échevins ne sont que des sacs de laine ; ou des colosses ridicules de crème fouettée ; ou si vous l’aimez mieux, c’est comme si l’artiste avoit laissé une nuit d’hyver sa toile exposée dans sa cour, et qu’il eût neigé dessus toute cette composition.

2755. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 12, qu’un ouvrage nous interesse en deux manieres : comme étant un homme en general, et comme étant un certain homme en particulier » pp. 73-80

On concevra bientôt comment le vainqueur de Pharsale, qui sur le champ de bataille même avoit embrassé son ennemi vaincu comme son concitoïen, a pu se laisser toucher par la peinture de cet évenement que fait Ciceron, au point d’oublier qu’il fut assis sur un tribunal.

2756. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 6, des artisans sans génie » pp. 58-66

Il versifie si correctement, et sur tout, il rime si richement, que ses ouvrages nouveaux ne laissent pas d’avoir un certain cours dans le monde.

2757. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 8, des instrumens à vent et à corde dont on se servoit dans les accompagnemens » pp. 127-135

Cependant les anciens ne laissoient pas d’emploïer quelquefois leurs instrumens à corde pour accompagner ceux qui recitoient des tragedies.

2758. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 11, les romains partageoient souvent la déclamation théatrale entre deux acteurs, dont l’un prononçoit tandis que l’autre faisoit des gestes » pp. 174-184

Quintilien dit encore dans un autre endroit, que nous avons déja cité quand nous avons voulu prouver que la déclamation des anciens n’étoit pas un chant musical tel que les nôtres, qu’il faut bien qu’un enfant à qui l’on fait lire les poëtes les lise autrement qu’il ne liroit de la prose, mais qu’il ne faut pas qu’il laisse échapper sa voix comme s’il récitoit un cantique sur le théatre.

2759. (1887) La vérité sur l’école décadente pp. 1-16

Un mot d’explication J’avais espéré, après la ridicule campagne de presse que subirent — et dont profitèrent, peut-être — mes amis intellectuels les jeunes écrivains, j’avais espéré, dis-je, que de nouvelles « actualités » détourneraient la veine des chroniqueurs et laisseraient aux Laborieux un peu de silence et d’ombre pour parfaire de nouveaux et plus définitifs ouvrages ; J’avais compté sans l’éhontée soif de réclame qui pousse les stériles et les impuissants : Déjà le Traité du Verbe — pétard qui fit trop long feu — avait émotionné le public en 86 ; la fin de 87 voit éclore une brochure d’adéquate valeur, L’École décadente, mais aux visées documentaires les plus dangereusement fausses et qui ont surpris la bonne foi de beaucoup.

2760. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « Préface »

pas intitulé son livre les Œuvres et les Hommes pour parler des œuvres et laisser les hommes de côté.

2761. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Méry »

Sa valeur ne tient pas uniquement au temps qu’il fait, aux événements qui grondent sur nos têtes… Il n’y a que Méry pour donner à la glaise, fiévreusement pétrie, d’un livre de circonstance, l’éclat et la solidité d’un livre qui doit rester et durer quand la circonstance ne sera plus, parce que le talent y aura laissé son empreinte et sa signature de rayons.

2762. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Renan — I »

Il aime à dire, à laisser dire qu’il reconnaît Dieu le père : c’est pour mieux étrangler le Fils.‌

2763. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

André, pour l’analyse des sens, rivalisant avec le livre IV de Lucrèce, eût été le disciple exact de Locke, de Condillac et de Bonnet : ses notes, à cet égard, ne laissent aucun doute. […] « Car ils ne prennent ces images que pour des hommes, et les autres les prennent pour des Dieux. » — L’opposition entre ces pensées d’André et celles que nous ont laissées Vauvenargues ou Pascal, s’offre naturellement à l’esprit ; lui-même il n’est pas sans y avoir songé, et sans s’être posé l’objection. […] Ce qu’il en disait a laissé dans l’esprit de M.

2764. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 avril 1886. »

  L’âme, où les chants de Mort ou de Naissance, De Ténèbres ou de Clartés universelles avaient l’accoutumance   de résonner et s’emmêler, Silencieuse à cette heure, laisse le monde entier diminué de valeur. […] Schiller traduisit des pièces françaises, Gœthe, comme intendant du théâtre de Weimar, se montra incapable de susciter un développement du théâtre allemand, et finit par laisser aller les choses leur vieux train. […] Autant dire que le poème ici présenté est bien sage en comparaison de certaines pages de son roman Lesbia Brandon qui décrivent le plaisir sauvage d’un adolescent qui se laisse violenter par les rouleaux d’une mer déchaînée et qui correspondent finalement plus à l’atmosphère de l’ouverture du Vaisseau fantôme.

2765. (1856) Cours familier de littérature. II « IXe entretien. Suite de l’aperçu préliminaire sur la prétendue décadence de la littérature française » pp. 161-216

L’abandon dans lequel la nation laisse les ouvriers de son intelligence et de sa gloire est un opprobre pour le pays des lettres. […] Il n’y avait qu’à rire : on frémit, tout fut perdu ; la démocratie avait laissé parler les fous, on la crut folle elle-même. […] quel miel jamais n’a laissé de dégoûts ?

2766. (1895) Les règles de la méthode sociologique « Chapitre II : Règles relatives à l’observation des faits sociaux »

On peut donc croire que, pourchassé de science en science, ce préjugé finira par disparaître de la sociologie elle-même, sa dernière retraite, pour laisser le terrain libre au savant. […] Comme ces formes existent d’une manière permanente, qu’elles ne changent pas avec les diverses applications qui en sont faites, elles constituent un objet fixe, un étalon constant qui est toujours à la portée de l’observateur et qui ne laisse pas de place aux impressions subjectives et aux observations personnelles. […] Sans doute, en procédant ainsi, on laisse provisoirement en dehors de la science la matière concrète de la vie collective, et cependant, si changeante qu’elle soit, on n’a pas le droit d’en postuler a priori l’inintelligibilité.

2767. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « VII. M. Ferrari » pp. 157-193

Ce livre, nous le savons, est beaucoup plus du désespoir que de l’intelligence ; mais laissons-le passer, et même rangeons-nous pour que mieux on le voie, car un pareil ouvrage fait les affaires de la vérité par la franchise de son erreur. […] Ferrari, et par cela même qu’il est Italien, l’inévitable Catholicisme, qui impose ses symboles aux poètes qui l’insultent, et ses idées aux penseurs qui nient la vérité, lui a laissé l’empreinte d’un pouce tout-puissant sur sa fine tête à la Machiavel, et cette marque-là n’a jamais été mise pour rien sur le crâne d’un homme. […] Impossible à nous de le laisser tranquillement se payer de cette monnaie-là.

2768. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre III. La Déformation de l’Idéal classique (1720-1801) » pp. 278-387

C’est ce que les écrivains comprennent ; et, il faut bien l’avouer, si leur complaisance ne laisse pas d’avoir des dangers, dont le moindre est de les ramener, comme autrefois les précieux, au rôle de serviteurs ou de courtisans de la mode, il en résulte pourtant d’abord un avantage. […] Quand un arrêt du Conseil du roi, en 1753, eut momentanément suspendu la publication de l’Encyclopédie, le directeur de la librairie, M. de Malesherbes, n’en laissa pas moins l’ouvrage continuer de paraître. […] Buffon avait eu d’ailleurs cette bonne fortune qu’ayant laissé son œuvre inachevée, ses collaborateurs l’avaient continuée, Daubenton, Guéneau de Montbeillard, Lacépède, Lamarck, en attendant bientôt les Cuvier et les Geoffroy Saint-Hilaire. […] Voltaire dans son Commentaire]. — De quelques erreurs qu’il s’est plu à laisser subsister dans son livre [Cf. livre VII, ch. 16 ; livre XV, ch. 4 ; livre XXI, ch. 22] ; — et quelles raisons il peut bien avoir eues de ne pas les réparer ? […] Mme de Vandeul, Mémoires sur Diderot], on laisse continuer la publication ; — et les tomes III, IV, V, VI et VII se succèdent régulièrement de 1753 à 1757. — Les Encyclopédistes profitent des conflits du parlement et de la cour, 1756 [Cf. 

2769. (1868) Curiosités esthétiques « V. Salon de 1859 » pp. 245-358

Ricard, malgré le papillotage et le bondissement de son discours, laisse voir à chaque instant qu’il sait beaucoup et qu’il a beaucoup comparé. […] Et mieux on possède son métier, moins il faut s’en prévaloir et le montrer, pour laisser l’imagination briller de tout son éclat. […] L’amour de l’obscénité, qui est aussi vivace dans le cœur naturel de l’homme que l’amour de soi-même, ne laissa pas échapper une si belle occasion de se satisfaire. […] Mais l’artiste moderne qui s’est élevé très-haut malgré son siècle, qu’en dirons-nous, si ce n’est de certaines choses que ce siècle n’acceptera pas, et qu’il faut laisser dire aux âges futurs ? […] En somme on peut dire que l’enseignement a été despotique, et qu’il a laissé dans la peinture française une trace douloureuse.

2770. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre deuxième. La connaissance des corps — Chapitre premier. La perception extérieure et les idées dont se compose l’idée de corps » pp. 69-122

En effet, la perception extérieure laisse après elle un simulacre ; quand nous avons vu quelque objet intéressant, entendu un bel air, palpé un corps d’un grain singulier, non seulement l’image de notre sensation survit à notre sensation, mais encore elle est accompagnée par une conception, représentation, fantôme plus ou moins énergique et net de l’objet senti. […] J’ai laissé ce livre sur ma table, et je le retrouve rangé sur un des rayons de la bibliothèque. — Dans tous ces cas, une ou plusieurs des possibilités de sensation qui constituaient l’objet disparaissent, sauf à être ou à n’être pas remplacées par d’autres de la même espèce. — Au fond, tous ces changements des corps ne sont conçus et concevables que par rapport aux sensations, puisqu’ils se réduisent tous, en dernière analyse, à l’extinction ou à la naissance d’une possibilité de sensation. […] Si nous attribuons aux corps le mouvement, c’est après avoir dépouillé ses éléments de toute qualité humaine, après leur avoir ôté tous les caractères par lesquels ils étaient d’abord des sensations, en prenant soin de ne leur laisser que leur ordre relatif, leur position par rapport au moment initial et au moment final, leur succession plus ou moins prompte dans le même intervalle de temps. […] Ce qui est indépendant et permanent lui semble seul digne d’attention, et désormais, pour peupler la scène de l’être, il met au premier rang cette Possibilité et les autres semblables. — Par contrecoup, il écarte ou laisse de côté comme peu importantes les sensations fugitives ; à force de les omettre, il oublie que les propriétés, les pouvoirs et les forces n’en sont qu’un extrait.

2771. (1889) Écrivains francisés. Dickens, Heine, Tourguénef, Poe, Dostoïewski, Tolstoï « Le Comte Léon Tolstoï »

Sur la foule de nos frères et de nos ennemis, Tolstoï a attaché le regard limpide et tranquille le plus aigûment pénétrant qu’ils aient souffert, et y portant ses larges et calmes mains, il a jeté dans son œuvre le groupe d’êtres d’âmes et de chairs dont elles étaient pleines, un morceau de création soustrait en sa forme mentale à la ruine du transitoire, tel quel, moite encore de la vie surprise, mou, ductile, coloré et bruissant ; tendrement saisie, conservée toute comme le commandait son prix, et laissée emmêlée comme le commandait sa mollesse, cette pêche miraculeuse d’êtres vivants a déterminé la beauté même et la forme de l’œuvre dans laquelle expire leur souple animation. […] Les livres ne charment et ne passionnent, n’exercent leur effet proprement artistique qu’en présentant les lieux, les gens, les scènes, les idées, non pas comme des objets de science ou d’expérience, selon les catégories de la connaissance, mais comme des objets de sentiment, connus chacun longuement et isolément, simplement et immédiatement, par un acte qui les suscite dans l’esprit, du lecteur, non comparés de suite et envisagés comme parties d’une classe, d’une loi, d’un système, et perçus ainsi par rapports, mais uniques, sentis en eux-mêmes, avec le sourd ébranlement des états de conscience continus ; l’âme éprouve alors non pas la succession rapide de ses pensées, de ses transitions, mais la vibration même de chacun de ses heurts ; se déprenant de l’ascendant des phénomènes, de l’oubli d’elle-même où ils l’entraînent, elle le rencontre et se sait exister dans ces atteintes plus intenses, pénètre ce qu’ils lui sont et frémit aussitôt de haine ou d’amour, d’aversions ou de sympathies, que le mensonge de l’art rend innocentes mais laisse violentes. […] Et en effet, le penchant à ne représenter de l’homme que ses tendances morales, le désir de ne susciter l’approbation que pour ces inclinaisons presque futures et d’ériger en héros des personnages qui trouvent aux problèmes de la destinée ces pauvres solutions, portent le romancier russe, en dépit de son réalisme et de l’étendue de son observation, à laisser de singulières lacunes dans sa description de l’humanité. […] Maintenant qu’une intelligence ainsi douce pour la perception, le souvenir, la divination des esprits, soit telle que toutes ces notions sur le monde ne s’accompagnent pas des mêmes sentiments, des mêmes émotions ; que les sentiments agréables d’élation, de joie, d’acquiescement, suivent plus particulièrement la vue et le souvenir d’actes immédiatement bienfaisants à l’homme, que l’écrivain consolidant progressivement ce sentiment, lui laisse déterminer ses propres actes et ses mobiles, aussitôt le spectacle du monde étant mêlé de mal et de bien, toute une partie de la réalité sera envisagée avec des dispositions pénibles d’aversion, d’inquiétude, d’angoisse, de désespoir ; l’écrivain négligera le plus qu’il pourra de prêter attention à cette part de la réalité, l’omettra de sa mémoire, de son imagination, de son œuvre ; mais comme on ne peut éviter de la connaître, comme ses facultés d’observateur la lui représenteront sans cesse, il en viendra peu à peu à un état de trouble, d’éloignement pour le spectacle qu’il semblait destiné à connaître et à goûter pleinement.

2772. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre II. Les génies »

Éluder un phénomène, lui refuser le payement d’attention auquel il a droit, reconduire, le mettre à la porte, lui tourner le dos en riant, c’est faire banqueroute à la vérité, c’est laisser protester la signature de la science. […] Soyons respectueux devant le possible, dont nul ne sait la limite, soyons attentifs et sérieux devant l’extra-humain, d’où nous sortons et qui nous attend ; mais ne diminuons point les grands travailleurs terrestres par des hypothèses de collaborations mystérieuses qui ne sont point nécessaires, laissons au cerveau ce qui est au cerveau, et constatons que l’œuvre des génies est du surhumain sortant de l’homme. […] Il constate, et vous laisse conclure. […] Shakespeare autant que Dante laisse entrevoir l’horizon crépusculaire de la conjecture.

2773. (1884) Articles. Revue des deux mondes

— Autant de questions qui aujourd’hui ne peuvent laisser indifférente aucune âme soucieuse de ses véritables intérêts. […] mais déjà derrière la lutte incessante de la lumière et des ténèbres, d’Ormuz et d’Ahriman, l’antique doctrine mazdéenne laisse entrevoir le triomphe définitif de la lumière et du bien. […] Il n’est pas sans intérêt de passer rapidement en revue les plus célèbres, et de voir ce qu’en laisse subsister la pénétrante critique de M.  […] Notre Jouffroy, lui aussi, a risqué quelques conjectures sur les destinées futures de notre espèce ; mais, plus généreux, il consentait à laisser vivre l’Allemagne et l’Angleterre à côté de la France, comme organes essentiels et nécessaires de tout progrès ultérieur.

2774. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gabrielle d’Estrées. Portraits des personnages français les plus illustres du XVIe siècle, recueil publié avec notices par M. Niel. » pp. 394-412

Ainsi, dès cette entrée de Henri IV, aux premiers jours de sa capitale reconquise, Gabrielle était presque sur le pied de reine et en affectait déjà, ou du moins s’en laissait donner l’attitude. […] Un historien du temps a très bien rendu ce caractère conciliant, adroit et facile, qui était une des puissances de Gabrielle, et c’est un correctif nécessaire à l’impression que laisserait, sans cela, le récit un peu aigre de Sully : Le plaisir, dit l’historien Matthieu en parlant de cet amour de Henri IV, n’était pas le principal objet de ses affections, il en tirait du service au démêlement de plusieurs brouilleries dont la Cour n’est que trop féconde.

2775. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. Daru. Histoire de la république de Venise. — III. (Suite et fin.) » pp. 454-472

C’est alors qu’il écrivait à l’un de ses amis : « On ne nous prendra peut-être pas tout, on nous laissera peut-être bien quelque chose. […] Laissez faire le temps : ce sera aussi sur des faits que s’appuieront bientôt ceux dont l’opinion s’est modifiée en sens inverse.

2776. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Le duc de Rohan — III » pp. 337-355

L’importance que met Richelieu à cette sortie de France du duc de Rohan ne laisse pas de faire bien de l’honneur au vaincu : Ce fut, dit-il, une chose glorieuse au roi de voir là (à Gênes) arriver le duc de Rohan hors de France, où il s’était maintenu dans la rébellion si longtemps. […] Quoique souvent maltraité par le sort et n’ayant mené finalement à bien aucune de ses entreprises, il a laissé de lui une idée considérable.

2777. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Des prochaines élections de l’Académie. »

Cela peut étonner le public et ne laisse pas de surprendre même des membres de l’Institut appartenant à d’autres Académies. […] Scribe (ce qui ne laissait pas d’être singulier et presque scandaleux à sa manière), est revenu naturellement.

2778. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Théophile Gautier (Suite.) »

Nous allions passer le Puerto de los perros (passage des chiens, ainsi nommé parce que c’est par là que les Maures vaincus sortirent de l’Andalousie) ; c’est une gorge étroite, une brèche faite dans le mur de la montagne par un torrent qui laisse tout juste la place de la route qui le côtoie. […] Voici de lui un tout petit couplet, un air détaché qui est aussi daté de Grenade et qui fait songer : J’ai laissé de mon sein de neige Tomber un œillet rouge à l’eau..

2779. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « La reine Marie Legkzinska »

Mme de Prie entre à tous moments dans ses appartements pour voir ce qu’elle fait, et elle n’est maîtresse d’aucune grâce. » Or, un matin, la reine trouva sur sa table un papier d’une fort belle écriture, et elle y lut, sous ce titre d’Instruction de Mme de Prie à la reine de France et de Navarre, les mauvais vers suivants qui parodiaient le discours d’Arnolphe à Agnès avec la gaieté de moins : Marie, écoutez-moi : laissez là le rosaire, Et regardez en moi votre ange tutélaire, Moi qui suis de Bourbon l’amante et le conseil, Moi qu’il chérit autant et plus que son bon œil52 : Notre roi vous épouse, et cent fois la journée Vous devez bénir l’heur de votre destinée, Contempler la bassesse où vous avez été, Et du prince qui m’aime admirer la bonté ; Qui de l’état obscur de simple demoiselle, Sur le trône des Lys par mon choix vous appelle. […] Je lui répondis : « Je crois, Madame, le cœur du roi bien éloigné de ce qu’on appelle amour : vous n’êtes pas de même à son égard ; mais, croyez-moi, ne laissez pas trop éclater votre passion : qu’on ne s’aperçoive pas que vous craignez de la diminution dans ses sentiments, de peur que tant de beaux yeux qui le lorgnent continuellement ne mettent tout en jeu pour profiter de son changement.

2780. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « La Réforme sociale en France déduite de l’observation comparée des peuples européens. par M. Le Play, conseiller d’État. (Suite et fin.) »

Appartenant à la vieille race de gentilshommes ruraux que n’avaient pas atteints la corruption de Cour et l’élégance des vices inhérents à Versailles ou même nés bien auparavant à Fontainebleau et à Chambord dès le règne de François Ier, il déplorait la perte d’un état de choses, où la grande propriété, la famille, la religion, les mœurs étaient garanties ; il avait l’imagination et le souvenir remplis des tableaux d’une vie simple, régulière, patriarcale, frugale, antique, et il demandait au Pouvoir royal restauré de rétablir de son plein gré et de toute sa force ce qu’il avait laissé perdre par sa faute, ce qu’il avait compromis et entraîné avec lui dans une ruine commune. […] Il ne propose pas, comme les réacteurs du temps de la restauration, de rétablir le droit d’aînesse, droit forcé et qui s’applique aveuglément ; il ne demande que de laisser au père de famille la liberté de tester, comme cela se pratique aux États-Unis.

2781. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Josèphe de Saxe, dauphine de France. (Suite) »

Un jour que Bruhl lui a donné de l’Excellence par-dessus la tête, il lui insinue gentiment qu’il lui faut du Monseigneur sans Excellence, car l’Excellence est une pauvre monnaie en Cour de France19 ; mais tout cela d’un ton aisé, d’un air de supériorité naturelle qui laisse chacun à sa place, sans hauteur. […] En un mot, le comte Vitzthum ne laisse rien perdre de l’influence manifeste ou secrète du maréchal de Saxe ; mais certainement il exagère, au moins dans l’expression, lorsqu’il semble donner à entendre que Maurice, dans ces circonstances et dans les mois qui suivirent, parla en maître, que la paix et la guerre dépendaient de lui, qu’il gouvernait à cette heure la France, qu’il fit son coup d’État (les mots y sont).

2782. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Mémoires de Malouet »

J’y trouvai toute la Correspondance de Colbert ; je fis l’extrait de tous ses règlements, auxquels tant d’autres ont été si inutilement ajoutés, car ce grand ministre est le premier et le seul qui ait laissé dans tout ce qu’il a fait l’empreinte d’un esprit aussi juste qu’étendu : aucun de ses successeurs n’a pu le remplacer. […] Au mois de septembre 1776, Malouet s’embarqua au Havre pour Cayenne et la Guyane ; il n’en revint que deux ans après, en septembre 1778 ; on était en pleine guerre d’Amérique : il fut pris dans la traversée par un corsaire et conduit en Angleterre, où il trouva tous les égards et tous les secours, mais il dut y laisser bonne partie de ses collections.

2783. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre VI. De la philosophie » pp. 513-542

Ce que nous appelons des idées générales, ne sont que des faits particuliers, et ne présentent qu’un côté d’une question, sans en laisser voir l’ensemble. […] Si vous laissez échapper une seule circonstance, votre résultat sera faux, comme la plus légère erreur de chiffre rend impossible la solution d’un problème.

2784. (1892) Boileau « Chapitre VII. L’influence de Boileau » pp. 182-206

Bornée du côté des sens, elle développe son activité intellectuelle avec une étonnante énergie, du seul côté que les habitudes sociales laissent ouvert : elle abstrait, déduit, analyse, avec une dépense effrayante de réflexion et de logique. […] Ses vrais artistes et ses grands poètes, un Marivaux, un Buffon, un Rousseau, se créent une prose, et laissent le vers, dont ils ne savent l’emploi.

2785. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Dans l’exploitation de ses modèles, puisque modèles il y a, Lesage se laisse guider par sa connaissance de la réalité prochaine, de l’homme vu dans le Français. […] Sous l’influence de Rousseau, à qui on laissera comme toujours ce qu’il a de meilleur, le roman se fera sensible à outrance, et se remplira de bavardage humanitaire.

2786. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre quatrième »

Nous avons épuisé la liste des écrivains qui, dans cette période de l’histoire de l’esprit français et de notre langue, ont laissé des noms durables. […] Ceux qui se sont laissé tenter naïvement par la gloire des anciens historiens, s’embarrassent et se débattent dans ce vain travail d’imitation.

2787. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Mémoires de Philippe de Commynes, nouvelle édition publiée par Mlle Dupont. (3 vol. in-8º.) » pp. 241-259

Jamais homme ne fut moins dupe de l’apparence militaire, et ne se laissa moins prendre à la montre. […] « Je ne sais s’ils disoient ainsi à part, ajoute Commynes, je me doute que non ; et à la vérité je crois qu’il les y eût laissés et qu’il ne fût pas revenu. » Commynes exprime ainsi sa conjecture, et il ne s’en indigne pas.

2788. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Éloges académiques de M. Pariset, publiés par M. Dubois (d’Amiens). (2 vol. — 1850.) » pp. 392-411

Les cours publics qu’il fit sur ces sujets à l’Athénée, et plus tard à la Société des bonnes lettres, n’ont pas été recueillis ; ils ont laissé un vif souvenir chez ceux qui les ont entendus. […] Je laisse de côté les vivants, pour ne paraître flatter personne ; mais écoutons Cuvier en tête de son recueil d’éloges : Les petites biographies écrites avec bienveillance, dit-il, auxquelles on a donné le nom d’éloges historiques, ne sont pas seulement des témoignages d’affection que les Corporations savantes croient devoir aux membres que la mort leur enlève ; elles offrent aussi à la jeunesse des exemples et des avertissements utiles, et à l’histoire littéraire des documents précieux.

2789. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Monsieur Droz. » pp. 165-184

Ses occupations de professeur lui laissaient le temps de faire chaque année un voyage à Paris, et, après la suppression des écoles centrales, il y vint tout à fait habiter (1803). […] Mirabeau se plaisait à lutter dans la tempête ; et le noble Vauvenargues, lui-même, n’a-t-il pas dit : Un tour d’imagination un peu hardi nous ouvre souvent des chemins pleins de lumière… Laissez croire à ceux qui le veulent croire, que l’on est misérable dans les embarras des grands desseins.

2790. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre III. Zoïle aussi éternel qu’Homère »

Phidias était entremetteur ; Socrate était apostat et voleur, décrocheur de manteaux ; Spinosa était renégat et cherchait à capter des testaments ; Dante était concussionnaire ; Michel-Ange recevait des coups de bâton de Jules II et s’en laissait apaiser par cinq cents écus ; d’Aubigné était un courtisan couchant dans la garde-robe du roi, de mauvaise humeur quand on ne le payait pas, et pour qui Henri IV était trop bon ; Diderot était libertin ; Voltaire était avare ; Milton était vénal ; il a reçu mille livres sterling pour son apologie en latin du régicide ; Defensio pro se, etc., etc., etc., — qui dit ces choses ? […] Il y a eu, c’est vrai, des époques où l’on pensait autrement ; dans ces temps-là les choses sur lesquelles on marchait le prenaient quelquefois mal, et se soulevaient ; mais c’était l’ancien genre, ridicule maintenant, et il faut laisser dire les fâcheux et les grognons affirmant qu’il y avait plus de notion du droit, de la justice et de l’honneur dans les pavés d’autrefois que dans les hommes d’aujourd’hui.

2791. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Son livre écrit de ce style diapré, qui rend la lecture de Banville si charmante à tout poète garde pour nous en dehors de sa séduction de forme une haute valeur ; pour deux raisons : d’abord pour cette affirmation de liberté, qu’il faut qu’un nouveau poète détruise des barrières que Victor Hugo a laissées debout et par un conseil vrai inclus dans son chapitre l’Inversion et ainsi lapidaire : il n’en faut jamais. […] La rime et l’assonance doivent donc être des plus mobiles, soit que le poème soit conçu en strophes fermées, ou qu’on utilise la formule dénommée depuis laisse rythmique ou parfois strophe analytique dont le premier exemple se trouve dans les Palais Nomades, celle qui se rapproche le plus des discours classiques, la plus propre à un long énoncé de sentiments, ou bien qu’on emploie la brève évocation des lieds.

2792. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Malheureusement, dans la vie de la pensée, c’est aussi triste que dans celle du cœur : on ne retrouve pas ce qu’on a laissé, même quand on y revient. […] VI Louis Ratisbonne, l’ami de cet Alfred de Vigny qui a laissé dans la mémoire des hommes l’impression d’un parfum et d’une harmonie, a publié en volume les pensées et les fragments de mémoires que lui a légués l’auteur d’Éloa ; Alfred de Vigny avait eu, un moment, l’idée d’écrire ses mémoires.

2793. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Lettre sur l’orthographe » pp. 427-431

pour le coup, Duclos, vous nous croyez par trop honnêtes femmes. » Que si l’on appliquait cela à la manière d’écrire, et si quelque docteur relâché venait à poser en principe que plus on a d’esprit et moins on est tenu à ces misères de l’orthographe, que ce sont choses à laisser à des plumes bourgeoises et que la marque de la supériorité consiste à ne pas se priver de ces licences d’autrefois, un exemple comme celui de Mme de Bregy suffirait, certes, à dégoûter les moins susceptibles, à effrayer les moins timides, et il n’est personne qui ne s’écriât : « Dieu nous garde d’être jamais beaux esprits à ce point ! 

2794. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Sur le Louis XVI de M. Amédée Renée » pp. 339-344

S’étant chargé, il y a quelques années, de mettre la dernière main à la grande œuvre de Sismondi, « ce monument de la science historique que sa mort avait laissé inachevé », M. 

2795. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VIII. De la clarté et des termes techniques »

La précision vient ici non pas de ce que l’auteur emploie, mais de ce qu’il connaît les termes techniques, et, les ayant dans la pensée, leur choisit des équivalents intelligibles à tous, qui ne laissent rien perdre de leur sens.

2796. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Casuistique. » pp. 184-190

C’est un meurtre, oui, toujours ; mais ne semble-t-il pas plus excusable en somme que tel meurtre lâchement « passionnel », avec guet-apens, sang versé, agonie de la victime, victime adulte, qui peut laisser après soi des êtres chers et qui vivaient d’elle : toutes choses qui n’empêcheront point le Code d’absoudre publiquement l’assassin ?

2797. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Qu’importe d’ailleurs, et laissons à d’autres le soin d’expliquer pareille transformation ou d’en rechercher les indications dans les précédents ouvrages de M. 

2798. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIV » pp. 251-258

Elles laissèrent user le cynisme de ces tableaux, cynisme que ne sauvaient pas la gaîté et la verve du poète comique.

2799. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » pp. 211-219

elle périt, & laisse son nom à la mer cruelle qui l’engloutit.

2800. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 181-190

Ses délassemens étoient des divertissemens d’enfant, & c’étoit par une raison très-digne d’un Philosophe, qu’il y cherchoit cette puérilité, honteuse en apparence ; il ne vouloit pas qu’ils laissassent aucune trace dans son ame : dès qu’ils étoient passés, il ne lui en restoit rien, que de ne s’être pas toujours appliqué.

2801. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre VI. Des dictionnaires Historiques » pp. 220-228

C’est un homme de lettres que sa situation n’ayant pas mis à portée de se laisser prévenir, a tâché de n’avoir d’autre intérêt que celui de la vérité.

2802. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Introduction »

Je ne puis cependant laisser échapper cette occasion d’exprimer ma profonde obligation au Dr Hooker, qui, pendant ces quinze dernières années, m’a aidé de toutes manières, soit par le fonds considérable de ses connaissances, soit par son excellent jugement.

2803. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Troisième faculté d’une Université. Faculté de droit. » pp. 506-510

Cette dernière observation peut être ajoutée à un feuillet que j’ai laissé à Sa Majesté Impériale sur les moyens de rendre les ambassadeurs bons à quelque chose98.

2804. (1767) Salon de 1767 « Peintures — [autres peintres] » pp. 317-320

J’allais oublier celui-là. à peine laissera-t-il un nom ; et il eût été le premier de tous, s’il eût voulu.

2805. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 20, de quelques circonstances qu’il faut observer en traitant des sujets tragiques » pp. 147-156

La même raison qui doit obliger les poëtes à ne pas laisser prendre à l’amour un trop grand empire sur leurs heros, doit les engager aussi à choisir leurs heros dans des tems éloignez d’une certaine distance du nôtre.

2806. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 39, qu’il est des professions où le succès dépend plus du génie que du secours que l’art peut donner, et d’autres où le succès dépend plus du secours qu’on tire de l’art que du génie. On ne doit pas inferer qu’un siecle surpasse un autre siecle dans les professions du premier genre, parce qu’il le surpasse dans les professions du second genre » pp. 558-567

Ainsi, supposé que nous sçachions quelque chose dans l’art de disposer le plan d’un poëme, et de donner aux personnages des moeurs décentes que les anciens ne sçussent pas, ils n’auront pas laissé de nous surpasser, s’il est vrai qu’ils aïent eu plus de génie que nous, et cela d’autant plus qu’il est certainement vrai que les langues dans lesquelles ils ont composé étoient plus propres à la poësie que les langues dans lesquelles nous composons.

2807. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Émile Augier »

On y trouve ce vieux mot, qui veut dire cette chose qui existe depuis madame Putiphar, et qui existe beaucoup trop, non seulement comme indécence, mais comme redite : « Elle ne vous a pas obligé à lui laisser votre manteau. » On y donne ceci comme une découverte : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or. » Enfin, les plus grandes malices et les plus grandes originalités contre Déodat : « C’est le bâtonniste devant l’arche », comme si nous étions chez les Juifs.

2808. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — VI »

Cependant, il laissait des notes pour ces analyses des sociétés secondaires, c’est à-dire de l’Association et de la Famille, et nous savons à l’aide de quels arguments.

2809. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Première partie — Chapitre I. Définition des idées égalitaires »

Puisque nous voulons la soumettre à une étude aussi objective qu’il est possible, il semble que nous devrions, pour la définir, laisser parler « les faits » : de la confrontation des principes qui dirigent les différentes sociétés égalitaires son essence devrait, en quelque sorte, jaillir toute seule. — Mais à quels signes reconnaîtrons-nous ces sociétés égalitaires si nous n’avons établi, au préalable, ce qui est pour nous l’égalité ?

2810. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Vigny n’a pas laissé de plus beaux vers, qui lui ressemblent davantage, ni qui donnent de ce qu’il fut une plus noble idée. […] Et qui ne voit ici que, de voyageur, ou, comme on dit, de touriste, en se faisant l’historien on le peintre des contrées qu’il parcourt, c’est comme s’il eût résolu de s’absenter de lui-même, pour y laisser se graver l’image de la nature, des monuments, et des lieux ? […] « Quant à laisser voir mon opinion sur les gens que je mets en scène, écrivait-il à George Sand, non, non, mille fois non ! […] Faisons un pas de plus, et ne laissons pas croire que les naturalistes, dans leurs écrits, se soient bornés à éviter les défauts des romantiques. […] Rome a refusé de le suivre ou de se laisser entraîner dans cette voie ; — pour des raisons dont elle était seule juge ; — et qui avaient bien en 1836 leur valeur politique. — Lamennais a rompu avec la Papauté pour des motifs qu’il a donnés lui-même [Cf. 

2811. (1874) Premiers lundis. Tome II « Étienne Jay. Réception à l’Académie française. »

Jay, puriste autrement rigoureux, n’eût pas laissé subsister.

2812. (1902) L’observation médicale chez les écrivains naturalistes « Chapitre I »

Flaubert, qui voulait que « l’émotion et la pitié sortent s’il y a lieu des choses mêmes » et faire du roman un « miroir de l’âme humaine », s’est laissé illogiquement et doucement gagner à une technique plus émue.

2813. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre V. Du jeu, de l’avarice, de l’ivresse, etc. »

Mais, indépendamment de tout ce qu’il faut hasarder et perdre pour se mettre dans une situation qui vous procure de telles sortes de jouissances, il n’existe rien de plus pénible que l’instant qui succède à l’émotion ; le vide qu’elle laisse après elle, est un plus grand malheur que la privation même de l’objet dont l’attente vous agitait.

2814. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre II. De la sensibilité considérée comme source du développement littéraire »

On ne saurait donc trop se défaire de ce préjugé si commun, que l’esprit qu’on a nuit aux effusions du cœur, qu’il faut pour ainsi dire en faire abstraction et s’en détacher pour laisser le cœur tout seul parler son pur et naturel langage.

2815. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VII. De la propriété des termes. — Répétition des mots. — Synonymes. — Du langage noble »

Pascal en a donné le conseil : « Quand dans un discours se trouvent des mots répétés, et qu’essayant de les corriger, on les trouve si propres qu’on gâterait le discours, il faut les laisser, c’en est la marque. » Et la lecture de ses ouvrages montre qu’il a mis en pratique la leçon qu’il donnait.

2816. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre IX. Précision, brièveté, netteté »

Il est difficile que ce décousu aille sans incohérence et laisse subsister une netteté parfaite.

2817. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Jean Lahor (Henri Cazalis). »

     Plonge sans peur dans le gouffre béant, Ainsi que l’épervier plongeant dans la tempête : Car tout ce rêve une heure a passé dans ta tête : Tu fus la goutte d’eau qui reflète les cieux, Et l’univers entier est entré dans tes yeux ; Et bénis donc Allah, qui t’a pendant cette heure Laissé comme un oiseau traverser sa demeure.

2818. (1896) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Sixième série « La Solidarité »

Croyez bien que c’est une affaire qui ne va pas toute seule… Oui, sans doute, vous êtes aujourd’hui dans les meilleures conditions pour vous laisser persuader.

2819. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — D — Desbordes-Valmore, Marceline (1786-1859) »

Alors elle a laissé échapper tous les sanglots, toutes les larmes de son cœur déchiré, et pâle, austère, silencieuse, elle se repose un instant d’avoir loyalement exhalé vers les cieux tant de cris immortels, tant de plaintes désespérées !

2820. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre III » pp. 30-37

La jeunesse ignorante et curieuse, à qui l’on assure que son ignorance est plus près du savoir que les bonnes notions acquises par la génération qui la précède, se précipite dans les écoles, flattée de franchir l’espace qui la sépare de cette génération avancée, de gagner même un rang sur elle, de la laisser en arrière, empêtrée qu’est celle-ci dans les anciennes traditions.

2821. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’abbé Boileau, et Jean-Baptiste Thiers. » pp. 297-306

Il fit contr’eux une épigramme, dans laquelle il assure que l’Histoire des flagellans condamne, non l’usage de la discipline, mais l’abus qu’on en peut faire Cette histoire, dit-il, laisse les plus grands pécheurs libres de se meurtrir de coups.

2822. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — S’il est plus aisé, de faire une belle action, qu’une belle page. » pp. 539-539

je m’en souviens et je laisse là le plus beau texte pour elle ; ce n’est pas la première fois que j’éprouve qu’il est plus aisé d’être grand en action qu’en parole.

2823. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 17, quand ont fini les représentations somptueuses des anciens. De l’excellence de leurs chants » pp. 296-308

On laissa demeurer tranquillement dans Rome trois mille danseuses, et autant d’hommes qui joüoient dans les choeurs, ou de professeurs en arts musicaux.

2824. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « V »

« Sa vie passée dans le luxe, dit Bossuet, ne lui faisait point sentir la durée, tant elle coulait doucement17. » C’est le mot ordinaire ; mais si je veux, spontanément par trouvaille, ou volontairement par effort, si je veux donne ; à ce mot plus de hardiesse, l’accoupler à des pensées imprévues, ce simple verbe peut devenir admirable, la plume de Bossuet : « Laissez couler sur le prochain cet amour que vous avez pour vous-même18. » Et ailleurs « Dieu a tant d’amour pour les hommes et sa nature est si libérale qu’on peut dire qu’il semble qu’il se fasse quelque violence quand il retient pour un temps ses bienfaits et qu’il les empêche de couler sur nous avec une entière profusion19. » Et toujours de Bossuet dans cet ordre d’idées : « Les générations des hommes s’écoulent comme des torrents. »‌ Encore une fois, ces trouvailles, ces images, ces transpositions de sens peuvent n’avoir pas coûté d’effort à Bossuet.

2825. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre III. La Révolution. »

… Polissez-vous, ne curez point vos ongles en société, ne mettez pas vos doigts dans votre nez, posez bien vos pieds… Votre maître de danse est à présent le plus important de tous… Surtout laissez de côté la rouille de Cambridge… On m’assure que Mme de… est jolie comme un cœur, et que, nonobstant cela, elle s’en est tenue scrupuleusement à son mari, quoiqu’il y ait déjà plus d’un an qu’elle est mariée. […] Entre la vase du fond et l’écume de la surface roulait le grand fleuve national, qui, s’épurant par son mouvement propre, laissait déjà voir par intervalles sa couleur vraie, pour étaler bientôt la régularité puissante de sa course et la limpidité salubre de son eau. […] Ce temple nu des dissidents, cet office et cette église simple des anglicans, les laissent tout entiers à l’impression de ce qu’ils lisent et de ce qu’ils entendent. […] Voici d’abord Tillotson, le plus autorisé de tous, sorte de Père de l’Église, tellement admiré que Dryden déclare avoir appris de lui l’art de bien écrire, et que ses sermons, seule propriété qu’il laisse à sa veuve, sont achetés par un libraire deux mille cinq cents livres sterling. […] Il reste à demi barbare, empâté dans l’exagération et la violence ; mais sa fougue est si soutenue, sa conviction si forte, son émotion si chaleureuse et si surabondante, qu’on se laisse aller, qu’on oublie toute répugnance, qu’on ne voit plus dans ses irrégularités et ses débordements que les effusions d’un grand cœur et d’un profond esprit trop ouverts et trop pleins, et qu’on admire avec une sorte de vénération inconnue cet épanchement extraordinaire, impétueux comme un torrent, large comme une mer, où ondoie l’inépuisable variété des couleurs et des formes sous le soleil d’une imagination magnifique qui communique à cette houle limoneuse toute la splendeur de ses rayons.

2826. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre III. La nouvelle langue. » pp. 165-234

La féodalité turbulente s’était énervée comme la théocratie oppressive, et les deux grandes passions maîtresses, privées de leur séve et retranchées de leur tige, s’alanguissaient jusqu’à laisser la monotonie de l’habitude et le goût du monde germer à leur place et fleurir sous leur nom. […] » Et il laissa échapper son épée. […] laissez couler les grands mots, vous serez édifié tout à l’heure. » En effet, nous sommes édifiés, lui aussi ; c’est pourquoi, au moment scabreux, il s’en va, emportant la lumière, et disant « qu’elle ne sert à rien, ni lui non plus. » « Troïlus, dit l’oncle Pandarus, si vous êtes sage, ne vous évanouissez plus, car cela ferait du bruit, et l’on viendrait. » Troïlus a soin de ne pas s’évanouir, et enfin, seule avec lui, Cressida parle ; avec quel esprit, et quelle finesse discrète ! […] Jamais je ne leur laissais le dernier mot… Quand le pape eût été à leurs côtés, je ne les aurais point épargnés, fût-ce à leur propre table. […] Les compliments expédiés, il pense au solide et demande à la dame de le laisser causer un peu avec Thomas.

2827. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « MÉLEAGRE. » pp. 407-444

Et tant que la nuit dure, ma couche odieuse en ces tristes palais sait déjà tout ce que j’exhale de lamentations sur mon malheureux père, lui que le meurtrier Mars n’a point laissé en chemin dans la terre barbare, car c’est ma mère à moi, c’est son compagnon de lit Ægisthe, qui, comme un bûcheron qui fend le chêne, lui ont fendu la tête d’une hache sanglante. » Quand je dis que Sophocle a ennobli le trait d’Homère, je ne parle pas exactement ; il a moins songé à cela sans doute qu’à rendre à sa manière le même acte impie. […] Dans sa flamme amoureuse croissante, il s’écrie : « Ni la boucle de cheveux de Timo, ni la sandale d’Héliodora, ni le vestibule de la petite Démo, toujours arrosé de parfums, ni le tendre sourire d’Anticlée aux grands yeux, ni les couronnes fraîchement écloses de Dorothée, non, non, ton carquois, Amour, ne cache plus rien de ce qui te servait hier encore de flèches ailées ; car en moi sont tous les traits127. » Il diversifie cette pensée, et, y entremêlant d’autres noms, il se plaît à la redire, non point en pure fantaisie, mais d’un accent pénétré : « J’en jure par la frisure de Timo aux belles boucles amoureuses, par le corps odorant de Démo, dont le parfum enchante les songes, j’en jure encore par les jeux aimables d’Ilias, j’en jure par cette lampe vigilante qui s’enivre, chaque nuit, de mes chansons, je n’ai plus sur les lèvres qu’un tout petit souffle que tu m’as laissé, Amour ; mais si tu le veux, dis, et ce reste encore, je l’exhalerai. » C’est là sa plainte constante, c’est son vœu, même lorsqu’il a l’air de crier merci : « Le son de l’amour plonge sans cesse en mes oreilles, mon œil offre en silence sa douce larme aux désirs ; ni la nuit ni le jour n’ont endormi le mal, mais l’empreinte des filtres est déjà reconnaissable à plus d’un endroit dans mon cœur. […] et qu’est-ce qui empêche d’entr’ouvrir de la sorte, non dans la forme savante et philologique qu’on laisse à qui de droit, mais à la vieille manière française, légèrement rajeunie, bien des coins jusqu’ici réservés ?

2828. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Cependant, à travers la raideur gothique de leurs laisses monorimes, un sentiment plus noble anime le trouvère inconnu qui rime le Combat des Trente, et « le pauvre homme Cuvelier » qui dit la Vie de Bertrand du Gueselin : âmes sans fiel et sans haine, où commence à s’éveiller la conscience de la patrie. […] Pour ne rien laisser à l’invention de ce qu’on peut donner à la science, aux libres et personnelles combinaisons de rythmes dont les troubadours avaient donné l’exemple à la poésie du Nord, on substitue des formes fixes, dont les types dérivent des anciennes chansons à danser, le rondeau, le virelai, la ballade, le chant royal 97 ; on s’ingénie à multiplier, à compliquer les règles de ces genres, pour en rendre la pratique plus difficile, et la perfection, à ce qu’on croit, plus admirable. […] D’autres le virent à Avignon, la ville du schisme, qui sous ses papes d’abord, puis ses légats, demeure du xive au xvie  siècle une porte ouverte à la civilisation italienne sur la France encore brute et grossière : au xive surtout, pendant le schisme, Avignon mit en contact et mêla Français du Nord et du Midi, Florentins, Romains, venus les uns pour en arracher le pape, d’autres pour l’y maintenir, d’autres pour toutes les sollicitations, intrigues ou marchandages publics et privés : nos Français, pour peu qu’ils fussent lettrés, ne tirent jamais le voyage pour rien, quand même ils se laissaient jouer ou battre.

2829. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre II. Le quinzième siècle (1420-1515) »

Il en est, enfin, par le manque de goût, surtout parce qu’il ne sent pas le besoin du goût : il en aurait, s’il voulait ; mais il laisse aller sa verve, comme sa vie. […] Au contraire, il s’efface, se dérobe : à peine laisse-t-il entrevoir le rôle que la confiance de Louis XI lui avait donné. […] Elle épousa un Picard, Étienne Castel, qui la laissa veuve de bonne heure avec plusieurs enfants.

2830. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « M. Deschanel et le romantisme de Racine »

Les personnages sont ainsi d’une clarté qui ne laisse rien à désirer ; aucun de leurs mobiles ne nous échappe ; aucun anneau ne se dérobe dans la chaîne serrée de leurs sentiments et de leurs états de conscience. […] Pour ces raisons, le théâtre de Racine (toujours au rebours de celui de Corneille) nous laisse sous l’impression d’une fatalité inéluctable : il n’a rien « d’édifiant », rien d’un enseignement par la « morale en action ». […] Et en effet, c’est la nourrice damnée qui fait tout ; Phèdre n’a plus sa tête quand elle laisse Oenone accuser Hippolyte ; elle allait se dénoncer quand elle apprend qu’elle avait une rivale, et sa raison part de nouveau.

2831. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre IV. Shakespeare l’ancien »

Quand laissera-t-on les poètes faire à leur guise ? […] Elle laissa Eschyle prisonnier de l’Égypte. […] Chose lamentable à dire, la Grèce et Rome ont laissé des ruines de livres.

2832. (1830) Cours de philosophie positive : première et deuxième leçons « Deuxième leçon »

La seule imperfection fondamentale qu’on pourrait reprocher au mode dogmatique, c’est de laisser ignorer la manière dont se sont formées les diverses connaissances humaines ce qui, quoique distinct de l’acquisition même de ces connaissances, est, en soi du plus haut intérêt pour tout esprit philosophique. […] Afin de compléter l’exposition générale du plan de ce cours, il me reste maintenant à considérer une lacune immense et capitale, que j’ai laissée à dessein dans ma formule encyclopédique, et que le lecteur a sans doute déjà remarquée. […] Mais, pour ne pas laisser incomplet, sous un rapport aussi capital, le grand tableau que j’ai tâché d’esquisser dans cette leçon, je dois indiquer ici sommairement, par anticipation, les résultats généraux de l’examen que nous entreprendrons dans la leçon suivante.

2833. (1913) La Fontaine « VIII. Ses fables — conclusions. »

Rarement la Fortune à ses hôtes le laisse. […] Et comme un jour les vents, retenant leur haleine, Laissaient paisiblement aborder les vaisseaux… Voilà une marine en deux vers comme La Fontaine sait les faire. […] Il a donc laissé les bords de la rivière ?

2834. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Bourdaloue. — II. (Fin.) » pp. 281-300

Membre d’une société qu’on accusait d’être accommodante et relâchée, il s’attache à prendre chez les adversaires ce qu’ils ont de juste, de moral, de profondément chrétien et de raisonnablement sévère ; il en ôte ce qu’ils y mettent d’excessif, et il ne leur laisse en propre que cette dureté. […] Je ne sais si, au point de vue théologique, le témoignage de Burnet demanderait quelque explication : il résulte au moins bien certainement de cette impression morale que lui avait laissée Bourdaloue, que celui-ci avait tout ce qu’il faut pour concilier.

2835. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « M. de Stendhal. Ses Œuvres complètes. — II. (Fin.) » pp. 322-341

Dans les beaux temps de cette littérature, c’est à peine si La Bruyère, qui a parlé de toutes choses, ose dire un mot en passant de l’impression profonde qu’une vue comme celle de Pau ou de Cras en Dauphiné laisse dans certaines âmes. […] Ce dernier était aussi confiant que l’autre l’était peu ; Beyle était toujours en garde contre le sot, et craignait tout ce qui eût laissé percer la vanité.

2836. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Roucher, que j’ai nommé, et qui laissera du moins son nom pour être mort le même jour et sur le même échafaud qu’André Chénier, serait plus fait pour sentir cette sorte de douceur et de charme. […] Cowper, en terminant ce petit poème, indique tous les plaisirs innocents et encore bien nombreux qu’il permet à son solitaire et à son ami des champs, et il les résume par une image poétique, en disant que ce sont tous ceux « qui ne laissent aucune tache sur l’aile du Temps ». — Nous voilà loin de Saint-Lambert, de ses inspirations et de ses lectures, et c’est précisément cette distance que j’ai voulu faire mesurer aujourd’hui.

2837. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La Margrave de Bareith Sa correspondance avec Frédéric — I » pp. 395-413

La margrave, ayant précisément achevé d’écrire ses mémoires durant cette brouille (1744), se laissa aller à la prévention qui la dominait alors, et, en se ressouvenant du passé, elle y fit rejaillir quelque chose de l’irritation présente ; ses souvenirs se colorèrent au gré de son humeur. […] [NdA] Sa fille unique, qui épousa le duc de Wurtemberg, et qui n’a pas laissé de postérité.

2838. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Œuvres de Maurice de Guérin, publiées par M. Trébutien — II » pp. 18-34

Un homme pieux et poète, une femme dont l’âme va si bien à la sienne qu’on dirait d’une seule âme, mais dédoublée ; une enfant qui s’appelle Marie, comme sa mère, et qui laisse, comme une étoile, percer les premiers rayons de son amour et de son intelligence à travers le nuage blanc de l’enfance ; une vie simple, dans une maison antique ; l’océan qui vient le matin et le soir nous apporter ses accords ; enfin un voyageur qui descend du carmel pour aller à Babylone, et qui a posé à la porte son bâton et ses sandales pour s’asseoir à la table hospitalière : voilà de quoi faire un poème biblique, si je savais écrire les choses comme je sais les éprouver. […] Le soleil qui s’est retiré, il y a peu d’instants, a laissé derrière lui assez de lumière pour tempérer quelque temps les noires ombres et adoucir en quelque sorte la chute de la nuit.

2839. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Charles-Quint après son abdication, au monastère de Saint-Just »

il viendra, quelques années après, un sage appelé Montaigne qui remettra tout à sa place et à son rang dans l’estime, et qui ayant à développer cette idée, qu’un père sur l’âge, « atterré d’années et de maux, privé par sa faiblesse et faute de santé de la commune société des hommes, se fait tort et aux siens de couver inutilement un grand tas de richesses, et que c’est raison qu’il leur en laisse l’usage puisque la nature l’en prive », ajoutera pour illustrer sa pensée : « La plus belle des actions de l’empereur Charles cinquième fut celle-là, à l’imitation d’aucuns Anciens de son calibre, d’avoir su reconnoître que la raison nous commande assez de nous dépouiller, quand nos robes nous chargent et empêchent, et de nous coucher quand les jambes nous faillent : il résigna ses moyens, grandeur et puissance à son fils, lorsqu’il sentit défaillir en soi la fermeté et la force pour conduire les affaires avec la gloire qu’il y avoit acquise : Solve senescentem… » Mais entrons un peu plus avant dans les raisons qui persuadèrent à une de ces âmes d’ambitieux, si aisément immodérées, d’en agir si sensément et prudemment. […] Conçut-il, dans les heures de loisir qui lui étaient laissées, l’idée d’écrire ou plutôt de continuer ses Commentaires ?

2840. (1870) Portraits de femmes (6e éd.) « MADAME DE DURAS » pp. 62-80

Ce salon n’a guère eu d’influence, sans doute, qu’une influence passagère, immédiate, et celle-là, il l’a eue incontestable par M. de Chateaubriand, qui en était comme le représentant politique ; mais il a peu agi et laissé peu de traces pour ce qui a suivi, bien moins, par exemple, que les salons doctrinaires dont nous parlions, et qui étaient un centre de prédication et une école. […] Inégalité de rang, passion méconnue, gêne du monde, émigration ou Terreur, les idées favorites de Mme de Duras se retrouvent là, les principaux points du cercle sont touchés : et quand Ourika, sœur grise, dans ce couvent où tout à l’heure, par mégarde, il lui arrivait de citer Galatée, s’écrie, en parlant de l’image obstinée qui la poursuivait : C’était celle des chimères dont je me laissais obséder !

2841. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVe entretien. Littérature grecque. L’Iliade et l’Odyssée d’Homère » pp. 31-64

Cette supercherie n’échappa point à la sagacité des juges ; mais, à cause de la coutume et de l’opinion reçue, ils consentirent à les laisser subsister, marquant toutefois d’un obel ceux qu’ils n’approuvaient pas, comme étant étrangers au poète et indignes de lui ; ils témoignèrent par ce signe que ces mêmes vers n’étaient point dignes d’Homère. » II Cicéron et les critiques romains de son époque ont admis cette opinion sur ce chef-d’œuvre de l’art grec et sur ce chef-d’œuvre des langues écrites. […] Crithéis inspira de l’amour à un inconnu, se laissa surprendre ou séduire.

2842. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre II. Littérature dramatique — Chapitre I. Le théâtre avant le quinzième siècle »

Nous collaborons avec l’auteur de tout le raffinement de nos imaginations, nous jouissons subtilement de cette simplicité non voulue : mais enfin pourquoi tant d’autres pages aussi sèches, d’un art aussi insuffisant, ne se laissent-elles point compléter de même ? […] Enfin ne doit-on pas laisser une part d’action aux jeux liturgiques et sacrés ?

2843. (1829) De la poésie de style pp. 324-338

Comme elles sont échappées à l’auteur à l’occasion de ce qui arrivait à ses héros et à ses héroïnes, elles ont souvent la vertu de rappeler quelque joie ou quelque douleur de la vie ; et il y en a qui résument si bien une situation dramatique, que malgré soi on se laisse aller à rêver sur la scène de roman qui a dû les inspirer : l’imagination ne s’arrête pas longtemps à ce jeu qui serait bientôt un travail, mais cette excitation n’en a pas moins du charme. […] Autour du grand banquet siège une foule avide ; Mais bien des conviés laissent leur place vide,         Et se lèvent avant la fin.

2844. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Saint François de Sales. Son portrait littéraire au tome Ier de l’Histoire de la littérature française à l’étranger par M. Sayous. 1853. » pp. 266-286

Il est même à remarquer qu’en avançant il se dépouilla de plus en plus des considérations de prudence humaine, et qu’il se plaisait par-dessus tout à se laisser entièrement gouverner à la Providence. […] Il est loin de favoriser, comme on le croirait, les excès d’oraison, les élévations et les ravissements extatiques : « Voyez-vous, Philothée, ces perfections ne sont pas vertus, ce sont plutôt des récompenses que Dieu donne pour les vertus. » Le mieux donc, selon lui, est de laisser ces perfections aux anges et de commencer simplement, humblement et humainement par les petites vertus : car il faut se garder des illusions, et il arrive quelquefois « que ceux qui pensent être des anges ne sont pas seulement bons hommes ».

2845. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1880 » pp. 100-128

Dans le temps, elle m’avait dit : « Goncourt, je vous laisse, dans mon testament, les dessins que Gavarni avait faits pour La Mode, et que Girardin, aux jours où nous étions bien ensemble, m’a offerts ». […] Et quand il vient à causer littérature, à causer de ce qu’il veut faire, il laisse échapper la crainte de n’en avoir pas le temps.

2846. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Et attendez un peu de temps, laissez se réaliser cette imminence du salut social, l’enseignement gratuit et obligatoire, que faut-il ? […] Orffyreus, qui aima mieux briser sa machine que d’en laisser voir le dedans au landgrave de Hesse, Orffyreus, si admiré de S’Gravesande, l’auteur du Matheseos universalis Elementa, ferait hausser les épaules à nos mécaniciens.

2847. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

La princesse aimait à causer avec lui de l’Académie, du théâtre, de la Comédie-Française, de provoquer maintes petites confidences qu’Augier se laissait volontiers arracher. […] Il ne les laissait, au contraire, reparaître à la scène que sur la prière expresse qu’on lui en faisait.

2848. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 38, que les peintres du temps de Raphaël n’avoient point d’avantage sur ceux d’aujourd’hui. Des peintres de l’antiquité » pp. 351-386

La sculpture, bien que la cadette, peut laisser derriere elle sa soeur aînée. […] Il semble que les recits de Pline et ceux de plusieurs auteurs anciens dussent nous persuader que les grecs et les romains excellassent dans le coloris ; mais avant que de se laisser persuader, il faut faire refléxion que les hommes parlent ordinairement du coloris par rapport à ce qu’ils peuvent avoir vû.

2849. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 33, que la veneration pour les bons auteurs de l’antiquité durera toujours. S’il est vrai que nous raisonnions mieux que les anciens » pp. 453-488

Les distances et les positions des lieux qu’ils connoissoient, et qu’ils nous ont laissées, mettent en droit de faire cette supposition. […] Si nous voïons une plus grande portion de la verité que les anciens, ce n’est donc pas que nous aïons la vûë meilleure qu’eux, c’est que le temps nous en laisse voir davantage.

2850. (1911) Jugements de valeur et jugements de réalité

En même temps, les forces qui sont ainsi soulevées, précisément parce qu’elles sont théoriques, ne se laissent pas facilement canaliser, compasser, ajuster à des fins étroitement déterminées ; elles éprouvent le besoin de se répandre pour se répandre, par jeu, sans but, sous forme, ici, de violences stupidement destructrices, là, de folies héroïques. […] Cependant, la différence que nous avons signalée chemin faisant ne laisse pas de subsister.

2851. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Dans cette histoire de la comédie inédite, qui a passé avec les hommes qui la jouaient sans laisser des œuvres après elle, ce n’est ni la comédie ni l’histoire qui m’ont le plus intéressé, mais l’auteur lui-même, cet esprit, confisqué jusqu’ici par la science, doué de tant de forces différentes, et qui, sorti enfin de ses études spéciales, me donne aujourd’hui l’occasion de parler de lui pour la première fois ! […] Ceux qui ne veulent pas, comme Édelestand du Méril, de cette critique personnelle, ressemblent beaucoup à des criminalistes sensibles qui, commençant par réclamer l’abolition de la torture, demandent aujourd’hui celle de l’échafaud, et qui, si on les laissait aller, supprimeraient la justice elle-même, en supprimant toute espèce de pénalité !

2852. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Son Jacques II, que je n’ai pas à juger ici, et son Guillaume III, qui en est le corollaire, ne sont, au fond, qu’une thèse whig très passionnée… Du reste, dès sa jeunesse, le whig tenait si fort Macaulay, que, dans son article sur Milton, — certainement une des plus belles choses qu’il ait écrites et l’une des plus belles qu’on ait écrites sur ce grand poète, — il se laisse emporter par son whigisme de la manière la plus… juvénile dans un hors-d’œuvre brillant, audacieux et colère. […] Elle n’est point cette abeille… de l’Hymette, si vous le voulez, qui introduit délicatement sa trompe dans le cœur d’un livre à travers le dos de l’auteur et qui laisse dans la blessure assez de miel pour l’empoisonner.

2853. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Charles Baudelaire  »

Laissons-la donc passer aussi ! […] Dans ce livre, où tout est en vers, jusqu’à la préface, on trouve une note en prose qui ne peut laisser aucun doute, non seulement sur la manière de procéder de l’auteur des Fleurs du mal, mais encore sur la notion qu’il s’est faite de l’Art et de la Poésie ; car Baudelaire est un artiste de volonté, de réflexion et de combinaison avant tout. « Fidèle — dit-il — à son douloureux programme, l’auteur des Fleurs du mal a dû, en parfait comédien, façonner son esprit à tous les sophismes comme à toutes les corruptions. » Ceci est positif.

2854. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre iii »

Si je dois tomber à mon tour, je remercierai Dieu de m’avoir laissé de la terre une aussi réconfortante vision. » ‌ La conduite héroïque des soldats contribue à exalter la foi des prêtres qui les voient agir. […] Il faut bien prendre notre parti de laisser dans l’ombre des groupes importants de soldats catholiques.

2855. (1900) La province dans le roman pp. 113-140

— Il a laissé sa carte ? […] Je regrette les ailes blanches que le vent soulevait, les châteaux ajourés des Normandes, casques de la douce guerre, les capuchons rouges des Béarnaises, les mouchoirs multicolores noués sur la nuque des Provençales, les coquilles enroulées, les bandeaux transparents qui laissaient deviner la blancheur de leur front, et ces fleurs merveilleuses, marguerites, cyclamens, digitales, pensées, qu’avaient imitées nos grand-mères inconnues quand elles inventaient la coiffe de leur bourg natal, poème féminin, l’un des plus exquis et des plus profonds qui soient sortis du génie anonyme de la foule.

2856. (1906) Les idées égalitaires. Étude sociologique « Deuxième partie — Chapitre IV. L’unification des sociétés »

« La filiation historique est l’âme de la constitution anglaise. » Elle laisse donc intacte la force des groupements traditionnels, qui conspirent pour protéger l’individu contre l’État199. […] Il peut très bien au contraire s’accorder avec ces associations multiples et entrecroisées qui, mêlant ses sujets pour les fins les plus différents, les empêchent de se constituer en grands corps nettement tranchés, et, les prenant chacun par un seul côté de leur personne, les laissent aussi, par un certain côté, également soumis à son gouvernement.

2857. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVI. Des oraisons funèbres et des éloges dans les premiers temps de la littérature française, depuis François Ier jusqu’à la fin du règne de Henri IV. »

On sait que dans la suite il eut des revers, et se laissa écraser par cet ennemi actif, dont la vigilance sombre et terrible, étendue à la fois sur les deux mondes, enchaînait l’Amérique, gouvernait l’Espagne et désolait l’Europe. […] Un autre parle tout à coup au meurtrier comme s’il était présent, et lui reproche de ne pas s’être laissé attendrir par les vertus d’un si excellent prince.

2858. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Sur Adolphe de Benjamin Constant » pp. 432-438

C’est un ouvrage qui laisse une impression pénible, mais très en harmonie avec l’état où l’on est quand on n’aime plus, état peut-être le plus désagréable qu’il y ait au monde, excepté celui d’être amoureux.

2859. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « SAINTE-BEUVE CHRONIQUEUR » pp. -

Nous avons laissé autant que possible ces Chroniques dans leur état primitif, c’est-à-dire que nous les avons maintenues dans leur chaleur et leur sincérité premières d’eaux-fortes avant la lettre.

2860. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « XXXIII » pp. 133-140

Le duc de Bordeaux paraîtrait désirer que ses serviteurs féaux ne se tinssent plus si en dehors de toutes les affaires : « car, disait-il à l’un d’eux, si je suis un jour en position de rentrer, je ne pourrai alors m’appuyer sur vous qui aurez été absents des affaires pendant vingt ans plus ou moins. » Mais laissons ces songes, ces propos de petite cour exilée qui prend le train des Stuarts à s’y méprendre ; il n’y a plus que le grand nom de Chateaubriand qui jette un reste de grandiose sur ce débris. — Une poignée de vaniteux et même d’intrigants s’y rattachent encore, et vivent aux dépens de l’exilé.

2861. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Chateaubriand — Note »

« Je vous quitte pour retourner à vous ; je pense avec la joie d’un poëte que je laisserai après moi de véritables talents sur la terre.

2862. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. L’Angleterre en 1688 et la France en 1830 »

A chacune de ces contradictions nouvelles, elle a gagné d’un côté ce qu’on lui interdisait de l’autre ; elle a perdu, chaque fois, quelque chimère, quelque fiction dont elle ne s’était pas assez gardée dans le premier enivrement ; et aujourd’hui que tous les obstacles sont enfin levés, elle remet en commun tous ces progrès si lents, tous ces résultats conquis un à un durant quarante années : il n’y a que les chimères qu’elle a laissées en chemin.

2863. (1874) Premiers lundis. Tome II « Mort de sir Walter Scott »

La vie de Walter Scott est fort simple dans son ensemble ; des Mémoires abondants qu’il a laissés en dérouleront bientôt les anecdotes, les accidents variés et toutes les richesses.

2864. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Et Lamartine ? »

Puisque sa chance l’a conduit au Panthéon  dans son hypocrite corbillard des pauvres— qu’on l’y laisse !

2865. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Rêveries sur un empereur »

Ce jeune homme ne pouvait-il pas les laisser tranquilles ?

2866. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Les derniers rois »

Ils ont absolument tenu à me laisser ma liste civile, qui est de deux millions.

2867. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Heredia, José Maria de (1842-1905) »

Il en est qui, faute d’une pensée assez abondante pour les emplir jusqu’au bout, laissent flotter à vide bien des vers.

2868. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Merrill, Stuart (1863-1915) »

Devenu plus subtil et plus délicat, son talent se laissa moins voir et devint par là même plus étonnant.

2869. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Silvestre, Armand (1837-1901) »

Silvestre indique comme ce chanteur, qui laissa depuis la sensualité déborder dans son œuvre, avait le sentiment juste des voies nouvelles.

2870. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre VII. L’Histoire de la Physique mathématique. »

Plus ils sont généraux, en effet, plus on a fréquemment l’occasion de les contrôler et les vérifications, en se multipliant, en prenant les formes les plus variées et les plus inattendues, finissent par ne plus laisser de place au doute.

2871. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Préfaces des « Orientales » (1829) — Préface de l’édition originale »

Lui s’est laissé faire à cette poésie qui lui venait.

2872. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Démosthéne, et Eschine. » pp. 42-52

Eschine, frappé de cette grandeur d’ame, s’écrie alors : « Comment ne regretterois-je pas une patrie où je laisse un ennemi si généreux, que je désespère de rencontrer ailleurs des amis qui lui ressemblent ? 

2873. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — L’Empereur Néron, et les trois plus grands poëtes de son siècle, Lucain, Perse & Juvénal. » pp. 69-78

C’est le même à qui Perse laissa sa bibliothèque & vingt-cinq mille écus : mais le philosophe se contenta des livres, & renvoya l’argent aux sœurs du poëte.

2874. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre quatrième. »

Quoi de plus ridicule que cette supposition d’un lion amoureux d’une jeune fille, de l’entrevue du lion et du beau-père de ce lion, qui se laisse limer les dents ?

2875. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre second. Philosophie. — Chapitre II. Chimie et Histoire naturelle. »

Ne valait-il pas autant le laisser à la tête de la création, où l’avaient placé Moïse, Aristote, Buffon et la nature ?

2876. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

On ne fera jamais un chêne d’un roseau ; mais on entête le roseau, et on le résout à se laisser briser.

2877. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 27, que les sujets ne sont pas épuisez pour les poëtes, qu’on peut encore trouver de nouveaux caracteres dans la comedie » pp. 227-236

Pour parler figuremment, leurs devanciers ont encore laissé plus de marbre dans les carrieres qu’ils n’en ont tiré pour le mettre en oeuvre.

2878. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 3, de la musique organique ou instrumentale » pp. 42-53

Nous avons observé déja dans le premier volume de cet ouvrage que les symphonies étoient susceptibles, ainsi que le sont les chants musicaux composez sur des paroles d’un caractere particulier qui rende ces symphonies capables de nous affecter diversement en nous inspirant tantôt de la gayeté, tantôt de la tristesse, tantôt une ardeur martiale et tantôt des sentimens de dévotion : le son des instrumens, écrit Quintilien, l’auteur le plus capable de rendre compte du gout de l’antiquité, nous affecte, et bien qu’il ne nous fasse pas entendre aucun mot, il ne laisse point de nous inspirer divers sentimens.

2879. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

. — Laissez-moi !

2880. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XVI »

Quand une langue s’arrête de vivre, quand son pouvoir d’assimilation diminue et qu’elle se laisse envahir par les broussailles étrangères du pédantisme et du cosmopolitisme, c’est que la force d’expansion de la race a baissé dans la même proportion.

2881. (1818) Essai sur les institutions sociales « Préface » pp. 5-12

J’ai donc laissé subsister les pages 127 et 128, si mal consonantes avec l’ensemble même du livre.

2882. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Les dîners littéraires »

Laissons à César ce qui est à César.

2883. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « ??? » pp. 175-182

On a tiré sa couverture sur sa tête, et le public vous laisse mourir dessous.

2884. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Préface » pp. -

Voilà l’héritage qu’il nous a laissé.

2885. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Léon Cladel »

On ne choisit pas ceci, on ne laisse pas cela.

2886. (1915) La philosophie française « II »

Si on laisse de côté, dans la seconde moitié du XIXe siècle, une période de vingt ou trente ans pendant laquelle un petit nombre de penseurs, subissant une influence étrangère, se départirent parfois de la clarté traditionnelle, on peut dire que la philosophie française s’est toujours réglée sur le principe suivant : il n’y a pas d’idée philosophique, si profonde ou si subtile soit-elle, qui ne puisse et ne doive s’exprimer dans la langue de tout le monde.

2887. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre quatrième. Éléments sensitifs et appétitifs des opérations intellectuelles — Chapitre deuxième. Les opérations intellectuelles. — Leur rapport à l’appétition et à la motion. »

Même quand nous nous laissons aller à la rêverie et à ce qu’on nomme la distraction, il y a toujours dans le « polyïdéisme » quelque chose qui domine plus ou moins momentanément, qui se détache plus ou moins vaguement de la masse confuse. […] Au contraire, laissons l’esprit se détendre et le courant nerveux s’irradier ; il arrive qu’après un certain temps l’association cherchée se produit spontanément, par l’effet d’un désir général de trouver dans telle direction ; en s’étendant de courants en courants, l’espèce d’aimantation cérébrale suscitée par le désir a fini par « induire », parmi les courants sympathiques, celui qui répond à l’idée désirée. […] Une lois donné naturellement, le lien des sensations et motions laisse une voie de communication ouverte dans le cerveau et persiste dans le souvenir ; il est acquis. […] Il photographie sur la même plaque une série de portraits, en ayant soin de ne laisser agir la lumière sur chacun d’eux que pendant un temps très court, et il obtient une photographie qui est la moyenne ou la résultante des divers portraits.

2888. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — III » pp. 178-197

Laissons les comparaisons inutiles ; je me contenterai de supposer qu’on a une idée générale et suffisante de la manière et de la veine de l’abbé Delille, et je choisirai rapidement, dans le poème de La Tâche, les endroits qui indiquent chez le poète anglais d’autres sources et d’autres inspirations. […] Un jour qu’on demandait en présence de Wordsworth s’il en était nécessairement ainsi, le grave poète des lacs répondit : « Ce n’est point parce qu’ils ont du génie qu’ils font leur intérieur malheureux, mais parce qu’ils ne possèdent point assez de génie : un ordre plus élevé d’esprit et de sentiments les rendrait capables de voir et de sentir toute la beauté des liens domestiques23. » J’ai le regret de rappeler que Montaigne n’était pas de cet avis et qu’il penchait du côté du déréglement : citant les sonnets de son ami Étienne de La Boétie, il estime que ceux qui ont été faits pour la maîtresse valent mieux que ceux qui furent faits pour la femme légitime, et qui sentent déjà je ne sais quelle froideur maritale : « Et moi, je suis de ceux, dit-il, qui tiennent que la poésie ne rit point ailleurs comme elle fait en un sujet folâtre et déréglé. » Nous nous sommes trop souvenus en France de cette parole de Montaigne, et nous nous sommes laissés aller à cette idée de folâtrerie.

2889. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « M. De Pontmartin. Causeries littéraires, causeries du samedi, les semaines littéraires, etc. »

Cuvillier-Fleury, ancien adversaire orléaniste, il s’est laissé aller au-delà du juste depuis le rapprochement qui s’est opéré entre eux, ce qui a fait dire à quelqu’un : « Cuvillier-Fleury et Pontmartin sont deux politiques sous forme littéraire, qui, même quand ils ont l’air de se faire des chicanes, se font des avances et des minauderies, et qui tendent sans cesse à la fusion sans y arriver jamais. » Tous deux hommes d’ancien régime, c’est à qui désormais rivalisera de courtoisie avec l’autre, pour montrer qu’il n’est pas en reste et qu’il sait vivre. […] Tu le sais, d’Auberive, notre Dauphiné est fier de vous : dans ce temps où tout s’en va, votre race a conservé intact cet honneur, ce vieil et pur honneur qui est le premier des biens… Si jamais tu pouvais l’oublier, je m’en souviendrais pour toi… Quand je regarde ton Emmanuel, si enthousiaste, si beau, si digne de sa sainte mère, je retrouve en lui cette fleur de noblesse que notre siècle ne connaît plus, qui bientôt, peut-être ne sera plus qu’un nom, mais que nous ne devons pas laisser périr, nous qui en sommes les gardiens… Quoi !

2890. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Monsieur, laissez-moi donc en repos. » Il ne faisait point de distinction de rang dans la société ; il en remplissait lui-même les devoirs plus exactement que personne. […] Ils pourraient être les premiers à vous faire la cour, si on ne leur laissait pas le temps de donner jour à leur envie et à leur malignité.

2891. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « La comtesse d’Albany par M. Saint-René Taillandier (suite et fin.) »

Une demi-reine, comme l’était la comtesse d’Albany, n’eût pas laissé d’être une proie agréable pour les niveleurs et massacreurs de toute royauté. […] Il ne m’est plus possible que de lire les ouvrages de notre ami, qui a laissé beaucoup de manuscrits pour l’impression.

2892. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Sismondi. Fragments de son journal et correspondance »

Lucile, la pauvre jeune fille, atteinte de consomption, se laissa mourir pendant le conflit dont elle était l’objet, et, moyennant des larmes et un grand deuil, sa mort tira chacun d’embarras. […] Dans ses lettres à Mme d’Albany, dont il fit la connaissance pendant ce voyage, on le voit mûr et ferme en ses jugements, et d’aplomb dans sa pensée, bien qu’il laisse percer encore, par-ci par-là, quelque chose de ses dispositions susceptibles et souffrantes.

2893. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « GRESSET (Essai biographique sur sa Vie et ses Ouvrages, par M. de Cayrol.) » pp. 79-103

Cette littérature tout intérieure et confinée aux ornements des écoles avait de la gaieté, et laissait à ces aimables maîtres (encore un coup, je ne parle que de ceux qui ne faisaient pas les théologiens) une certaine enfance de mœurs et d’esprit qui de près n’était pas sans charme. […] Quelques mots épars, quelques indices recueillis par M. de Cayrol, semblent indiquer que les jouissances de cœur ne manquèrent pas à Gresset dans ces années mondaines ; mais la discrétion du poëte n’a rien laissé percer sur l’objet aimé, et, dans un monde où tout s’affichait, il sut couvrir d’un voile mystérieux le nom de sa Glycére.

2894. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre I. La littérature sous Henri IV »

Plus encore que Bertaut, Régnier a laissé le style artificiel de son idole Ronsard : il n’est plus question de composés, ni de provignement, ni de toutes les méthodes prescrites aux poètes qui veulent se faire une noble et riche langue. […] Dans la prose, deux grands genres se laissent discerner : le discours moral et l’éloquence religieuse.

2895. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Mais que le savant spécial, après quelques travaux ou quelques découvertes, vienne réclamer comme récompense qu’on le dispense d’en faire davantage et qu’on le laisse entrer dans le champ de la politique, c’est là l’indice d’une petite âme, d’un homme qui n’a jamais compris la noblesse de la science. […] Au XIVe siècle enfin (hors de l’Italie), l’inexactitude atteint ses dernières limites ; la civilisation grecque n’est pas plus connue que ne le serait l’Inde si, pour rétablir le monde indien, on n’avait que les notions que nous en ont laissées les écrivains de l’antiquité classique.

2896. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XI, les Suppliantes. »

D’autres fois, on murait les portes, et on le laissait mourir de faim dans ce désert d’or et de marbre. […] Ne me laisse pas seule ici, je t’en supplie, Père !

2897. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Essai sur Amyot, par M. A. de Blignières. (1 vol. — 1851.) » pp. 450-470

., dont on l’a taxé, et que Méziriac disait avoir remarquées jusqu’en « plus de deux mille passages » ; et cependant son mérite d’écrivain n’en est nullement atteint ; car ce mérite est d’un tout autre ordre, et il n’en est pas moins vrai, comme l’a dit Vaugelas, que personne n’a mieux su que lui le génie et le caractère de notre langue, n’a usé de mots et de phrases si naturellement françaises, sans aucun mélange des façons de parler des provinces : Tous les magasins et tous les trésors du vrai langage français, continue Vaugelas avec son enthousiasme du bien parler et du bien dire, sont dans les ouvrages de ce grand homme, et encore aujourd’hui nous n’avons guère de façons de parler nobles et magnifiques qu’il ne nous ait laissées ; et, bien que nous ayons retranché la moitié de ses phrases et de ses mots, nous ne laissons pas de trouver dans l’autre moitié presque toutes les richesses dont nous nous vantons et dont nous faisons parade.

2898. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « M. Fiévée. Correspondance et relations avec Bonaparte. (3 vol. in-8º. — 1837.) » pp. 217-237

On l’a laissé mourir, il y a une douzaine d’années, en mai 1839, sans lui accorder assez d’attention : il avait, deux ans auparavant, en 1837, réglé en quelque sorte ses comptes avec le public en faisant imprimer les lettres et notes adressées par lui, dans le cours de onze années, à Bonaparte premier consul et empereur ; il y a joint une Introduction qui est un des meilleurs et des plus piquants morceaux d’histoire contemporaine. […] Fiévée ne mettait de différence que celle qui se trouve entre tuer et laisser mourir.

2899. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Mathier faisait sa recette, la lui prend pistolet au poing au nom de Messieurs les princes, et lui laisse pour toute consolation une quittance de huit mille livres à valoir sur qui de droit. […] Tel il parut encore à la mort de M. de La Rochefoucauld, son premier patron, et qui l’avait mis en circulation dans le monde : « Jamais un homme n’a été si bien pleuré, écrit Mme de Sévigné à sa fille (26 mars 1680) : Gourville a couronné tous ses fidèles services dans cette occasion ; il est estimable et adorable par ce côté de son cœur, au-delà de ce que j’ai jamais vu ; il faut m’en croire. » Dans cette relation finale avec M. de La Rochefoucauld, Gourville se trouvait un peu en rivalité et en délicatesse intestine avec Mme de La Fayette, dont il a laissé un portrait plus malicieux qu’on ne voudrait.

2900. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Montesquieu. — II. (Fin.) » pp. 63-82

J’y vois comme une espèce de geste d’un homme vif qui est plein de son sujet, qui craint en causant d’en laisser échapper quelque chose, et qui prend le bras de celui qui l’écoute. […] Montesquieu, dans le monde, ne se laissait pas aller aux coteries qui devenaient impérieuses ; on a retenu sur lui les jugements de Mme Geoffrin et de la duchesse de Chaulnes, c’est-à-dire de deux femmes qui aimaient assez à tirer parti de ceux qu’elles voyaient et à en jouer à leur gré.

2901. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

Descartes se contente de répondre : « Encore que ma connaissance s’augmentât de plus en plus, je ne laisse pas de concevoir qu’elle ne saurait être actuellement infinie : or je conçois Dieu actuellement infini. » — Mais il ne suffit pas de remarquer ainsi qu’un être qui passe de la puissance à l’acte et qui se perfectionne n’est pas et ne sera jamais l’infinie perfection : c’est là chose entendue. […] Il a laissé le problème non résolu.

2902. (1886) Quelques écrivains français. Flaubert, Zola, Hugo, Goncourt, Huysmans, etc. « Émile Zola » pp. 70-104

Zola termine indifféremment par un retentissant accord, finale d’une gradation ascendante, ou par une phrase surajoutée et superflue qui laisse en suspens la voix du lecteur. […] Que l’on compare ces descriptions à celles de la maison de la Goutte-d’Or et du boulevard extérieur, à midi, dans l’Assommoir ; du retour du Bois dans là Curée, et de ce rose cabinet de toilette où Mme Saccard laisse de sa mince nudité, à mille autres tableaux encore prodiguement épars dans l’œuvre du peintre le plus complet de la vie moderne  un même procédé sera reconnu, de séparer en tout spectacle ses nombreux composants réels, de les énumérer en un détail merveilleusement visible, de les recombiner par une phrase compréhensive de l’ensemble.

2903. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre II : La littérature du xviie  siècle »

Nisard, est une certaine raison, non spéculative, mais pratique, qui ne se laisse dominer ni par l’imagination ni par la sensibilité, mais qui n’est cependant pas une raison froide et abstraite, qui se colore et s’anime, sans jamais s’emporter, qui partout cherche le vrai, mais le vrai aimable, séduisant, charmant, non pas le vrai arbitraire des métaphysiciens, ou le vrai absolu et abstrait du savant, mais ce vrai solide et éprouvé de la vie mondaine, de la vie pratique, de la vie morale. […] Ce grand triomphe du génie français n’a pas pu nous laisser une histoire nationale !

2904. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre IV : La philosophie — II. L’histoire de la philosophie au xixe  siècle — Chapitre II : Rapports de l’histoire de la philosophie avec la philosophie même »

Le philosophe, qui mesure ses forces à son ambition et à son désir, voudrait tout embrasser, tout observer, tout dévorer d’un seul coup ; mais, comme dit le spirituel Emerson, « la bouchée est trop grosse. » Il faut se résigner à en laisser. […] Cette manière d’envisager la philosophie peut paraître assez peu satisfaisante, et j’avoue qu’elle me laisse moi-même fort peu satisfait ; qu’y faire cependant ?

2905. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome I « Bibliotheque d’un homme de goût. — Chapitre VI. Des Livres qui traitent de la Rhétorique. » pp. 294-329

Rapin a laissé quelques bonnes réfléxions sur ce sujet intéressant, mais elles trouverent dans le tems plusieurs critiques. […] L’auteur a recueilli avec soin les préceptes les plus importans sur cette matiere ; & quoique distingués par des chiffres, ils ne laissent pas de former un tissu délicat & ingénieux.

2906. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

Pendant ce temps il a mis à profit les loisirs que lui laissait son travail pour transcrire les contes populaires du pays que lui racontaient des indigènes de toutes classes et de toutes professions : griots1, gardes, interprètes, dioulas2, laptots3, simples cultivateurs. […] J’ai cru pourtant devoir les conserver pour laisser au récit sa couleur locale encore qu’il y ait une incohérence apparente à mélanger dans un même conte des expressions ouoloves comme « tiéré »5 et soussou comme « kélé »6.

2907. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Renan ; ce n’est pas encore un illustre, mais, c’est un gros Monsieur, et si on le laisse faire, il sera illustre demain. […] Dans le récit qu’il nous a laissé, on voit Adam et Ève vis-à-vis de leur destinée tomber dans la chute et se faire les éducateurs du genre humain, qu’ils ont précipité avec eux.

2908. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « II — L’inter-nationalisme »

Un corps social en faiblesse définitive peut tenter de s’isoler pour reprendre conscience de lui-même ou se laisser peu à peu envahir par les forces du dehors : dans les deux cas, son existence est condamnée. […] L’« étranger », pour elle, demeure l’ennemi ; et si deux individus de nationalité différente se conduisent humainement l’un vers l’autre, c’est-à-dire sympathisent, elle ne laisse pas d’en être profondément étonnée… Pour la majorité compacte, la cité moderne est encore la cité antique, exclusive et farouche.

2909. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « APPENDICE. — M. DE VIGNY, page 67. » pp. -542

Le roi se prêta à tout ; mais, ne se fiant pas entièrement à cette haute amitié, si souvent impuissante, Cinq-Mars, pour perdre le ministre, se laissa persuader par le duc de Bouillon de traiter avec l’Espagne, qui lui fournirait au besoin une armée.

2910. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Sur l’École française d’Athènes »

Dans notre siècle positif, et avec nos habitudes, si excellentes d’ailleurs, de bon ordre administratif et de contrôle constitutionnel, on n’est guère disposé à rien essayer, à rien proposer qu’après des espèces de plans et de devis parfaitement rigoureux en apparence, et que la pratique ne laisse pas de déjouer souvent.

2911. (1874) Premiers lundis. Tome I « Deux révolutions — I. De la France en 1789 et de la France en 1830 »

On a fait grand bruit de quelques imprudences qu’elle commit, de quelques marques d’inexpérience qu’elle laissa échapper, du pouvoir trop borné qu’elle octroya au monarque, de la simplicité trop peu stable d’une Chambre unique, du désintéressement excessif qui lui fît renoncer pour ses membres à une réélection.

2912. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Mais revenons ; ce Joseph, qui se consumait ainsi sans foi, sans croyances, sans action ; cet individu malade qui suivait son petit sentier loin de la société et des hommes, avait commencé vers la fin de sa vie à renaître à une sympathie plus bienveillante, et à chercher les regards consolants de quelques amis poètes ; c’est ce qu’il fit de mieux et de plus profitable pour lui ; son cœur se dilata à leur côté ; son talent s’échauffa aux rayons du leur, et il dut à l’un d’eux surtout, au plus grand, au plus cher, le peu qu’il nous a laissé.

2913. (1874) Premiers lundis. Tome II « E. Lerminier. Lettres philosophiques adressées à un Berlinois »

Il énumère les solutions hâtives qu’on a tentées, et s’arrête particulièrement sur le Saint-Simonisme, dont la courte destinée aura laissé bien des semences.

2914. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Il n’y a qu’à se laisser aller : les mots s’attirent par la contrariété des sens et par l’analogie des sons, et, si l’on n’y prend garde, la phrase s’achève pour l’oreille et non pour la pensée.

2915. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre VI. De l’emploi des figures et de la condition qui les rend légitimes : la nécessité »

Il faut que la réduction de la figure au mot propre soit une véritable amputation qui laisse la phrase, l’idée, l’émotion incomplètes et mutilées.

2916. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Introduction. Origines de la littérature française — 1. Éléments et développement de la langue. »

On ira reprendre dans le riche fond de la latinité ce que l’on y avait d’abord laissé ; et les mots savants viendront presque dès le premier jour s’ajouter aux mots populaires : de ces deux classes de mots, formés ceux-ci sous l’influence et ceux-là hors de l’influence de l’accent latin, ceux-ci par la bouche et l’oreille du peuple, et ceux-là par l’œil des scribes, de ces deux classes se fera une langue plus riche, plus souple, plus fine, plus intellectuelle.

2917. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre III. Buffon »

Sa dignité, en un siècle de laisser aller et de débraillé, avait sa source dans l’élévation naturelle de son âme ; il n’affectait rien ; et nous devons nous défier de la légende qui s’est attachée à son nom.

2918. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Prosper Mérimée. »

«… IL faut avoir de l’humanité, et laisser à un nègre au moins cinq pieds en longueur et deux en largeur pour s’ébattre, pendant une traversée de six semaines et plus, car enfin, disait Ledoux à son armateur pour justifier cette mesure libérale, les nègres, après tout, sont des hommes comme les blancs. » — « Cependant le pauvre Tamango perdait tout son sang.

2919. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « George Sand. »

Au lieu que les autres, le plus souvent, voient la nature de haut, et l’arrangent, ou lui prêtent leurs propres sentiments, elle se livre, elle, aux charmes des choses et s’en laisse intimement pénétrer.

2920. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

J’ai laissé remonter d’eux-mêmes dans ma mémoire les livres dont j’avais reçu une impression un peu forte, et je les ai notés à mesure : voilà tout.

2921. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — K — Kahn, Gustave (1859-1936) »

Dans son dernier recueil, nous avons beaucoup goûté ce Au pont des Morts où la mâle et fougueuse influence de Verhaeren se laisse assez heureusement sentir.

2922. (1887) Discours et conférences « Discours prononcé à Quimper »

Laissez-moi même dire que le monde ferait peut-être bien de nous écouter davantage et de tenir plus de compte de nos timides observations.

2923. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 39-51

Nous ne garantissons pas cette Anecdote, pour laisser une Production passable à son Auteur putatif ; du moins est-il certain que feu M.

2924. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 372-383

Jaloux d’ajouter ce genre de gloire à celle que ses aïeux & lui-même se sont acquise dans les armes, M. le Comte de Tressan a consacré à l’étude des Sciences & à la culture des Beaux-Arts, les momens de loisir que lui ont laissés les fonctions de son état.

2925. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Jean de Meun, et les femmes de la cour de Philippe-le-Bel. » pp. 95-104

Cela dit, se trouvèrent toutes confuses, & le laissèrent en sa liberté. » Tout le monde a sçu une aventure semblable, à la conclusion près.

2926. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

On y conjuroit la justice de ne pas laisser échapper sa proie, ne fût-ce que pour délivrer la France du fléau qui l’affamoit.

2927. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Première Partie. Des Langues Françoise et Latine. — Les inscriptions des monumens publics de France doivent-elles être écrites en Latin ou en François. » pp. 98-109

Ils vouloient qu’on laissât le Latin dans sa longue possession de transmettre à la postérité les actions des héros, & qu’on célébrât Louis XIV dans une langue qui avoit immortalisé César, Auguste, Tite & Trajan.

2928. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre VI. Conclusions » pp. 232-240

Les tendances générales nous semblent être : Le retour à la simplicité, à la tradition française qui compte autant avec l’avenir qu’avec le passé, au respect des formes syntaxiques ; l’abandon presque complet du vers-libre qui a pourtant donné de beaux poèmes ; le dédain des émotions factices ; le souci du fait social sans toutefois lui laisser la prédominance ; la Renaissance de la critique.

2929. (1782) Essai sur les règnes de Claude et de Néron et sur la vie et les écrits de Sénèque pour servir d’introduction à la lecture de ce philosophe (1778-1782) « A Monsieur Naigeon » pp. 9-14

Les années ne m’avaient laissé aucune de ces passions qui tourmentent, rien de l’ennui qui leur succède : j’avais perdu le goût de ces frivolités auxquelles l’espoir d’en jouir longtemps donne tant d’importance.

2930. (1767) Salon de 1767 « De la manière » pp. 336-339

Grimm, dispensez-moi d’écrire, ou du moins laissez-moi pleurer un moment.

2931. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 2, de l’attrait des spectacles propres à exciter en nous une grande émotion. Des gladiateurs » pp. 12-24

La raison d’une prédilection tellement opposée à ses interêts, c’est que les jeux qui laissent une grande part dans l’évenement à l’habileté du joüeur, exigent une contention d’esprit plus suivie : et qu’ils ne tiennent pas l’ame dans une émotion continuelle ainsi que le jeu des landsquenets, la bassette et les autres jeux où les évenemens dépendent entierement du hazard : à ces derniers tous les coups sont décisifs, et chaque évenement fait perdre ou gagner quelque chose.

2932. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 33, de la poësie du stile dans laquelle les mots sont regardez en tant que les signes de nos idées, que c’est la poësie du stile qui fait la destinée des poëmes » pp. 275-287

Quintilien explique si bien la nature et l’usage des images et des figures dans les derniers chapitres de son huitiéme livre, et dans les premiers chapitres du livre suivant, qu’il ne laisse rien à faire que d’admirer sa penetration et son grand sens.

2933. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 1, du génie en general » pp. 1-13

Soïez toûjours pathétiques, disent ces regles, et ne laissez jamais languir vos spectateurs ni vos auditeurs.

2934. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XI »

Je serais en démence ou le dernier des effrontés, si j’avais publié trois consciencieux ouvrages pour démontrer que tout le style consiste dans le pastiche et pour laisser croire qu’avec quelques règles faciles tout grimaud peut devenir un Chateaubriand.

2935. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « Madame Sand ; Octave Feuillet »

Elles ne lui appartiennent ni par la date ni par l’inspiration, qui fut la grande inspiration du xixe  siècle, l’inspiration de 1830, désormais épuisée ; car l’Esprit qui renouvelle les littératures, et qui ne souffle qu’à son heure, varie ses manières de souffler et ne descend point sur deux têtes ou sur deux époques sons la même forme de langue de feu… Il nous faut donc laisser là les réimpressions d’œuvres anciennes et d’œuvres posthumes qui ont aussi leur ancienneté.

2936. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre III. Trois espèces de jurisprudences, d’autorités, de raisons ; corollaires relatifs à la politique et au droit des Romains » pp. 299-308

Telle fut la sagesse des sénats héroïques, et particulièrement celle du sénat romain, soit dans les temps où l’aristocratie décidait seule des intérêts publics, soit lorsque le peuple déjà maître se laissait encore guider par le sénat, ce qui eut lieu jusqu’au tribunal des Gracques.

2937. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Cette investiture était donnée avec la formule que nous a laissée Tite-Live, savoir, que le roi allié servaret majestatem populi Romani  ; précisément de la même manière que le jurisconsulte Paulus dit que le préteur rend la justice servatâ majestate populi Romani .

2938. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Bernardin de Saint-Pierre »

Cette personne, si distinguée par l’esprit et par l’âme, a laissé deux volumes de lettres passionnées, dans lesquelles il y a chaleur à la fois et analyse, mais pas une scène peinte, pas un tableau qu’on retienne. […] Il en est un peu de la critique comme de la nature, qui (n’en déplaise à l’optimisme de son interprète), quand elle a obtenu des êtres leur œuvre de jeunesse et de reproduction, les abandonne ensuite à eux-mêmes et les laisse achever comme ils peuvent, tandis que jusque-là elle les soignait avec prédilection, les entourait de caresses et d’attraits. […] Mais respectons les discernements de la nature ; laissons à chacun sa saison de beauté et sa gloire.

2939. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

La France persiste, et veut sagement se retirer dans sa neutralité envers le reste de l’Italie après ses victoires : l’Angleterre change à l’instant de langage et de diplomatie, prend la place abandonnée par la France, et pousse le Piémont, la France, l’Italie entière aux extrémités où nous marchons, pour ne point nous laisser le pas, même dans l’anarchie du continent. […] Laissons la puissance à l’un, la liberté à l’autre, la transaction éventuelle entre les deux. […] Quel spectacle, en effet, que ce peuple qui veut bien se donner à son libérateur, comme Garibaldi, mais qui ne veut pas se laisser prendre par un envahisseur couronné !

2940. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 mai 1886. »

Après avoir appris tout ce que nous pouvions de Richter, nous essayons de le mettre à la porte : heureusement Richter ne se laisse pas si facilement mouvoir. […] L’agitation atteint à son comble ; elle ne laisse aucune corde silencieuse ; elle fait résonner chaque libre de notre être. […] La grotte, en se refermant, laisse voir l’extérieur de la montagne, au sein de laquelle les traditions populaires plaçaient son existence, et tout le paysage qui environne le château de la Wartbourg.

2941. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre II, grandeur et décadence de Bacchus. »

Les jarres mêmes du cellier, les cratères et les rythons du festin, Céramos, Pithos, Cantharos, vaguement modelés en échansons d’argile, escortent péniblement les buveurs : ils trébuchent sur leurs pieds encore pris dans le moule du socle, comme des cruches mal équilibrées, et laissent couler par leurs fissures la rouge liqueur dont ils sont gorgés. […] — Les ravisseurs sautent sur la plage, ils saisissent Bacchus qui se laisse prendre, et l’attachent avec des liens d’osier, sur un banc du navire noir, à la proue duquel deux grands yeux rouges flamboyaient. […] Pan, entouré de ses chiens hurleurs, que ses Aegipans tiennent en laisse, est le tacticien de l’armée : il l’a divisée en phalanges, il a inventé l’aile droite et l’aile gauche qui se rabattront sur l’ennemi comme l’envergure d’un oiseau de proie.

2942. (1920) Action, n° 3, avril 1920, Extraits

Le christianisme nous frappe de terreur en nous montrant l’abîme sur lequel nous vivons, mais peu à peu, il apparaît que cette terreur ne nous est que salutaire, car elle laisse une place pour la joie, cette joie que le paganisme avait méconnu. […] Il envoie son fils se faire occire, laisse sa fille se faire courtisane, se met à confectionner des mensonges au mètre cube, et finira grand croix de la légion d’honneur. […]   Rythmes et chants dans le renouveau. — Nicolas Beauduinbg (Povolozky et Cie ). — J’ai goûté ce volume de vers avec parfois un peu de honte de me laisser prendre à ces formules classiques, et dansantes comme un branle Poitevin.

2943. (1856) Mémoires du duc de Saint-Simon pp. 5-63

Le roi confère gravement, longuement, comme d’une affaire d’État, du rang des bâtards ; et pour établir ce rang, voici ce qu’on imagine : « Il faut donner à M. le duc du Maine « le bonnet comme aux princes du sang qui depuis longtemps ne l’est plus aux pairs, mais lui faire prêter le même serment des pairs, sans aucune différence de la forme ni du cérémonial, pour en laisser une entière à l’avantage des princes du sang qui n’en prêtent point ; et pareillement le faire entrer et sortir de séance tout comme les pairs, au lieu que les princes du sang traversent le parquet ; l’appeler par son nom comme les autres pairs, en lui demandant son avis, mais avec le bonnet à la main un peu moins baissé que pour les princes du sang qui ne sont que regardés sans être nommés ; enfin le faire recevoir et conduire en carrosse par un seul huissier à chaque fois qu’il viendra au Parlement, à la différence des princes du sang qui le sont par deux, et des pairs dont aucun n’est reçu par un huissier au carrosse que le jour de sa réception, et qui, sortant de la séance deux à deux, sont conduits par un huissier jusqu’à la sortie de la grande salle seulement. » N’allons pas plus loin : de 1689, on aperçoit 1789. […] L’impression que laisse sa vengeance contre Noailles est accablante ; il semble que lié et fixe, on sente crouler sur soi l’horrible poids d’une statue d’airain. […] Il débute, une autre idée jaillit, les deux jets se croisent, il ne les sépare pas et les laisse couler dans le même canal.

2944. (1878) Leçons sur les phénomènes de la vie communs aux animaux et aux végétaux. Tome I (2e éd.)

Deux de ces éprouvettes ont été laissées à l’air ambiant du laboratoire (17 à 21 degrés). […] Dans d’autres expériences où j’ai laissé les éprouvettes plus de huit jours à la température de 38 à 39 degrés, la germination n’a plus eu lieu. […] J’ai laissé ainsi pendant six à sept jours des graines dans l’étuve sans résultat. […] Exposées dans le vide, elles tombent bientôt dans un état de mort apparente ; elles reviennent à l’activité quand on laisse l’air arriver de nouveau. […] Un très petit oiseau, dont l’activité vitale est toujours considérable, meurt de faim si on le laisse vingt-quatre heures sans nourriture.

2945. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre quatrième. Les conditions physiques des événements moraux — Chapitre premier. Les fonctions des centres nerveux » pp. 239-315

« Vous avez vu des animaux auxquels tout l’encéphale avait été enlevé, à l’exception du bulbe rachidien ; ces animaux criaient encore quand on les pinçait ; mais quelle différence entre les cris qu’ils jetaient et ceux qu’ils poussent lorsque l’expérience a laissé la protubérance en place ! […] « Je l’ai laissée jeûner à plusieurs reprises jusqu’à trois jours entiers, puis j’ai porté de la nourriture sous ses narines, j’ai enfoui son bec dans le grain, j’ai mis du grain dans le bout de son bec, j’ai plongé son bec dans l’eau, je l’ai placée sur un tas de blé. […] Enfin, dès qu’une perception revient, toutes reviennent, et, dès qu’une faculté reparaît, toutes reparaissent. » Une grenouille à qui l’on n’avait laissé qu’un fragment de ses lobes postérieurs, environ un huitième du cerveau tout entier, avait gardé l’attitude d’une grenouille saine. […] Elle est refoulée, réduite ; elle laisse les autres occuper le premier plan et s’imposer à l’attention ; mais, toute reculée et tout enfoncée qu’elle est dans le lointain et dans l’ombre, elle dure. […] J’ai montré par les expériences 6, 7 et 8, qu’une simple section transversale de la moelle, quoiqu’elle interrompe sa continuité, laisse subsister le pouvoir réflexe, l’excitabilité des nerfs, la contractilité et la nutrition des muscles, dans toutes les parties paralysées de la sensibilité et du mouvement… Chaque segment de la moelle est donc un véritable centre d’innervation… Ainsi on peut considérer le cordon médullaire comme constitué par une série de centres nerveux, à propriétés identiques, mais pourtant affectés à des fonctions différentes suivant les organes auxquels se rendent les nerfs qui en proviennent… Cela serait d’accord avec l’anatomie comparée, qui montre la moelle se segmentant peu à peu, à mesure qu’on descend des mammifères aux poissons, et de ceux-ci aux animaux plus inférieurs encore, les crustacés par exemple… » 150.

2946. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

On s’explique que la poésie lyrique soit demeurée longtemps orale et qu’elle ait disparu sans laisser d’autres traces que des refrains et des motifs ; on s’explique encore que la farce, véritable commedia dell’ arte, n’ait pas nécessité de notation écrite ; mais on ne saurait admettre une floraison épique à l’état oral ; c’est trop demander à la faculté créatrice et à la mémoire du poète. […] Victor Cousin n’a exploité les romans de Mlle de Scudéry que pour en tirer des portraits de grandes dames… Avec un peu de patience, et un jugement plus libre, on trouvera bien autre chose dans le roman du xviie  siècle. — On a reconstruit toute l’histoire du théâtre au xviie  siècle, on en a montré les étapes par Hardy, par Mairet, par l’Académie ; mais on s’est attaché trop exclusivement aux formes et à la fameuse règle des unités ; quand on compte les œuvres réalisées, les œuvres vraiment dramatiques, sans se laisser éblouir par trois grands noms, on a le sentiment très net de l’avortement d’un idéal académique, idéal contraire au goût véritable du public. […] Alphonse. — Laissons de côté Sardou qui n’est qu’un Hardy plus habile et plus heureux ; sa réclame a trompé le public et l’a peut-être trompé lui-même. […] Daudet n’est qu’un exemple ; je laisse au lecteur le plaisir d’en trouver d’autres […] Mais je laisse de côté le théâtre purement comique, bien que la satire y soit très intéressante (Le Roi, Le Bois sacré), et que d’autre part Tristan Bernard y mette une note charmante de sentimentalité (Le Danseur inconnu).

2947. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le Général Franceschi-Delonne : Souvenirs militaires, par le général baron de Saint-Joseph. »

Ses talents, son intelligence, sa spécialité de courage et d’habileté, on venait de les voir à l’œuvre par un de ces soleils qui ne laissent rien dans l’ombre, et la suite des épreuves, même en des circonstances moins heureuses, ne fera que les confirmer. […] Je laisse parler le capitaine Bernard : « Encore, dans cette misérable situation, s’il nous eût été permis de jouir d’un peu de liberté, nous eussions rendu grâces au ciel.

2948. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. J. J. AMPÈRE. » pp. 358-386

Laissée entière sur sa tige, elle est comme la fleur virginale du devoir ; à demi cueillie et contenue, elle embaume souvent toute une vie et la pénètre, comme ferait un aromate secret. […] Plusieurs de ces difficultés se rencontraient dès les chapitres préliminaires de l’Introduction sur les Ibères, les Celtes et les Phocéens ; malgré tout l’esprit de détail et les finesses d’interprétation que l’auteur y a semés, il n’a pu éviter de laisser ce portique de son œuvre assez semblable aux époques incertaines et coupées qu’il y représente, quelques pierres druidiques éparses ou superposées, quelques inscriptions à demi comprises, quelques noms roulés comme des cailloux dans le torrent.

2949. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIIIe entretien. Fénelon, (suite) »

Il ne laissa échapper qu’un mot : « Tous mes liens sont rompus… rien ne m’attache plus à la terre ! […] De tous les grands hommes de ce grand siècle de Louis XIV, aucun n’a laissé une figure plus douce à regarder.

2950. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre II. La première génération des grands classiques — Chapitre II. Corneille »

Si l’estime en effet détermine l’amour, il faut agir, non pour l’amour, mais pour l’honneur, pour le devoir, dont la perte ou dont la violation ne laisserait pas subsister l’estime. […] Il ne crée pas, avec les mots, les images, les harmonies de son vers, une sorte d’atmosphère poétique où vivront ses héros ; au contraire, il dessine la courbe de leur effort sur un fond neutre, qui laisse la pensée libre, et ne dérobe aucune partie de l’attention.

2951. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre III. Les grands artistes classiques — Chapitre II. Boileau Despréaux »

Car, ici, Boileau a subi le joug fâcheux de ses idées d’homme bien élevé : il a voulu imposer à la comédie le ton des salons, par suite il ne lui a laissé à peindre que la vie des salons. […] Il a laissé des lettres : ses principaux correspondants sont Racine et Brossette.

2952. (1911) La valeur de la science « Première partie : Les sciences mathématiques — Chapitre III. La notion d’espace. »

Et alors une question se pose : ce continuum amorphe, que notre analyse a laissé subsister, n’est-il pas une forme imposée à notre sensibilité ? […] On aura ainsi une image du continu physique à n dimensions, et cette image sera aussi fidèle qu’elle peut l’être du moment qu’on ne veut pas laisser subsister la contradiction dont je parlais plus haut.

2953. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Vous savez celles que nous a laissées Villiers. […] Tout cela n’a que peu de rapport avec les syllabes du mot, car il ne faut pas laisser insinuer que le symbolisme n’est que la transformation du vieil allégorisme ou de l’art de personnifier une idée dans un être humain, dans un paysage ou dans un récit.

2954. (1890) L’avenir de la science « II »

L’individu est circonvenu de règlements qui ne lui laissent la liberté d’aucun membre ; de sorte qu’une statue de bois en ferait tout autant si on pouvait la styler à la manivelle. […] Gens de peu de foi à la nature, laissez-les donc au soleil.

2955. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Si elle n’est pas nouvelle, si elle existe plus grave, plus triste encore dans les cas de séparation, correctifs déjà anciens des mariages mal assortis, elle est devenue plus frappante, surtout plus fréquente ; elle a été compliquée par la faculté laissée aux deux divorcés de se remarier chacun de son côté. […] Rabelais incarne les porteurs de toques et d’hermine, tantôt dans le bonhomme Bridoye décidant à coups de dés les procès qu’il a laissés mûrir au fond d’une armoire, tantôt dans les Chats fourrés, bêtes horribles et puantes, nourries de sang et de corruption, armées de griffes acérées et d’énigmes horrifiques.

2956. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Voyant ceux à qui elle s’adressait réservés et sur leurs gardes, elle se mit en colère, ce qu’elle faisait toutes les fois qu’elle rencontrait la moindre résistance, et elle leur dit « que, quand on avait une fois acquis l’habileté de succéder à la couronne, il fallait, plutôt que de se la laisser arracher, mettre le feu au milieu et aux quatre coins du royaume ». […] Mlle de Launay, durant plus de quarante ans, demeura auprès de sa maîtresse, et elle a laissé des Mémoires piquants, qui sont depuis longtemps admirés pour la qualité du langage et l’agrément du récit.

2957. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Madame Émile de Girardin. (Poésies. — Élégies. — Napoline. — Cléopâtre. — Lettres parisiennes, etc., etc.) » pp. 384-406

À l’intérieur de ce cercle, de ce cadre indispensable dont il faut entourer toute figure de femme belle et spirituelle, n’entreront point du tout, ou du moins n’entreront qu’à peine et à mon corps défendant, les éclats, les ricochets de la politique, de la satire, les réminiscences de la polémique, toutes choses du voisinage et auxquelles, si on se laissait faire, un si riche sujet pourrait bien nous convier. […] Si on laisse de côté certains traits lancés à satiété et sans bonne grâce contre les gens qu’elle a pris en déplaisance (contre une certaine dame des sept petites chaises, par exemple, qui revenait sans cesse comme souffre-douleur et comme victime), le feuilleton créé par Mme de Girardin, en 1836, sous le titre de Courrier de Paris, était piquant, léger, gai, paradoxal et pas toujours faux.

2958. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Rollin. » pp. 261-282

Notre enfance a vécu là-dessus et s’y est laissé porter comme sur un courant plein, sûr et facile. […] En 1805, on sortait de la Révolution, et quinze années d’interruption et de ruines avaient laissé le temps de se produire à des générations nouvelles qui débordaient de toutes parts et qui n’étaient que l’avant-garde de celles d’aujourd’hui.

2959. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Introduction »

Un tel droit suppose au contraire implicitement que ma pensée bien conduite est capable d’atteindre à la vérité, et qu’il n’y a qu’à la laisser faire pour qu’elle la rencontre naturellement. […] La spéculation philosophique ne peut résoudre tous les problèmes ; elle laisse bien des vides et bien des fissures que le sentiment remplit.

2960. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Première partie. Écoles et manifestes » pp. 13-41

Bien peu ont résisté à cet entraînement, au risque de s’entendre reprocher leur épaisseur d’esprit… » La négation des vérités platoniciennes ne laissa subsister que le culte de la forme. […] « Poète : sois moins archéologue, idéologue ou érudit, laisse aux spécialistes leurs parchemins, la Nature te convie à son épopée !

2961. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre X. Des Livres nécessaires pour l’étude de la Langue Françoise. » pp. 270-314

Les observations & les regles sont appuyées par-tout d’exemples frappans, & d’une logique dont la clarté & la précision ne laissent rien à désirer. […] L’Abbé d’Olivet dont je vous ai déjà cité la prosodie, a laissé d’excellentes Remarques sur Racine, petit vol.

2962. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Loutherbourg » pp. 258-274

L’étude, le goût acquis, la réflexion saisiront fort bien la place d’un vers spondaïque, l’habitude dictera le choix d’une expression, elle séchera des pleurs, elle laissera couler les larmes ; mais frapper mes yeux et mon oreille, porter à mon imagination, par le seul prestige des sons, le fracas d’un torrent qui se précipite, ses eaux gonflées, la plaine submergée, son mouvement majestueux et sa chûte dans un gouffre profond, cela ne se peut. […] Donnez un signe d’approbation à mes remarques lorsqu’elles vous paraîtront solides, et laissez les autres pour ce qu’elles sont.

2963. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

III La langue française, qui est tout analytique, ne laisse point assez incertaines les limites de l’expression. […] Nos soldats laissent partout la langue française, et ne rapportent de nulle part les langues des pays où ils ont séjourné.

2964. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Victor Hugo — Note »

Hugo étant venu chez moi sans me rencontrer et m’ayant laissé sa carte, j’allai lui rendre sa visite le lendemain vers midi, et je le trouvai à déjeuner.

2965. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « AUGUSTE BARBIER, Il Pianto, poëme, 2e édition » pp. 235-242

Il s’est tu, il s’est laissé oublier ; puis, après quelque vingt ans et plus, on a vu paraître sous le nom d’Auguste Barbier, dans la Revue Française et ailleurs, de petits vers hésitants, faiblets, puérils, gentillets, florianesques et tout à fait naïfs : c’était à jurer que ce n’était ni du même poëte ni du même homme.

2966. (1874) Premiers lundis. Tome I « Walter Scott : Vie de Napoléon Bonaparte — II »

Qu’on ne croie pas, au reste, que cette manière de voir contraire le moins du monde l’admiration si justement décernée au plus enchanteur des génies contemporains : elle la laisse subsister tout entière, et ne fait que l’interpréter diversement.

2967. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

La tour de porcelaine ne lui fait pas mirage à l’horizon, il ne laisse jamais le réel pour le fantastique ; quand une fois il tient nos originaux, nos travers, nos ridicules, il ne les lâche pas.

2968. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XVIII. Pourquoi la nation française était-elle la nation de l’Europe qui avait le plus de grâce, de goût et de gaieté » pp. 366-378

Le loisir que la monarchie laissait à la plupart des hommes distingués en tous les genres, était nécessairement très favorable au perfectionnement des jouissances de l’esprit et de la conversation.

2969. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Amyot avait bien rencontré en s’arrêtant à Plutarque : un bon esprit plutôt qu’un grand esprit, un auteur lui laisse les questions ardues ou dangereuses, ou du moins qui ne parle ni politique ni religion ni métaphysique d’une façon offensive, un causeur en philosophie plutôt qu’un philosophe, moins attaché à bâtir un système d’une belle ordonnance, qu’à regarder l’homme, à chercher les règles, les formes, les modes de son activité : en un mot, un moraliste.

2970. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre I. La poésie »

Il n’y avait plus de poètes, plus d’artistes : ne valait-il pas mieux laisser le vers et les formes d’art, et écrire en bonne, simple et franche prose ?

2971. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Contes de Noël »

Mais elle laisse son verre à moitié plein et finit par lui avouer qu’elle n’aime pas la bière.

2972. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

Beltrame se laisse persuader.

2973. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Plus tard, marchant de moins près sur les pas de ces précurseurs étrangers, il ne laisse pas de leur demander ce qu’il dédaigne ou néglige d’inventer : les nœuds de l’intrigue et les surprises du dénouement ; par exemple, ces filles enlevées dans leur jeunesse qui retrouvent leurs parents à la fin du cinquième acte de L’École des femmes, de L’Avare, des Fourberies de Scapin, viennent plus directement de la comédie italienne que de la comédie antique : celle-ci les avait léguées à celle-là, qui avait singulièrement grossi l’héritage.

2974. (1897) Manifeste naturiste (Le Figaro) pp. 4-5

Nous laissons donc, sans plus de commentaires, la parole au jeune chef des « naturistes » : La jeunesse contemporaine, à laquelle répugnent si évidemment les institutions de la République, ne se trouve pas mieux satisfaite par tant de chimériques romances, d’allégories et de drames languissants dont Richard Wagner, Tolstoï et Ibsen nous ont peu à peu inspiré le goût, et qui menaçaient de détruire, chez nous, les dernières apparences de l’esprit national.

2975. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre IV Le Bovarysme des collectivités : sa forme imitative »

I La Révolution française, à n’en considérer que le décor, n’a pas laissé que de montrer parfois le ridicule qui s’attache à un essai d’imitation impuissant à se réaliser et voué à la parodie.

2976. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des romans — Préfaces de « Han d’Islande » (1823-1833) — Préface d’avril 1823 »

À ce terrible avis, le pauvre auteur Obstupuit ; steteruntque comæ ; et vox faucibus hæsit ; c’est-à-dire qu’il n’a trouvé d’autre expédient que de laisser dans les limbes, d’où il se préparait à la tirer, cette dissertation, vierge non encor née 2, comme parle Jean-Baptiste Rousseau, sur laquelle grondait une si juste et si rude critique.

2977. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Bayle, et Jurieu. » pp. 349-361

A son départ pour la cour d’Hanovre, dans laquelle il fut retenu longtemps, il laissa son Avis aux réfugiés entre les mains de Bayle, qui le fit imprimer de son consentement, mais avec la précaution de ne point mettre de nom d’auteur à la tête du livre, ainsi qu’ils en étoient convenus.

2978. (1867) Le cerveau et la pensée « Chapitre VIII. La mécanique cérébrale »

Chapitre VIII La mécanique cérébrale Jusqu’ici, nous ne nous sommes occupé que des rapports extrinsèques de la pensée et du cerveau, En effet, que la masse, le poids absolu ou relatif, les lésions matérielles, les développements anormaux, puissent correspondre à un certain degré d’intelligence, ce sont là des relations tout empiriques qui ne disent rien à l’esprit, de simples rapports de coïncidence et de juxtaposition qui laissent parfaitement obscure la question des vrais rapports, des rapports intrinsèques et essentiels du cerveau et de la pensée.

2979. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

Ce grand homme nous a laissé un arbre encyclopédique, où se trouve la division générale de la science humaine en histoire, Poésie & Philosophie, selon les trois facultés de l’entendement, mémoire, imagination & raison.

2980. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Que celui qui n’a pas étudié et senti les effets de la lumière et de l’ombre dans les campagnes, au fond des forêts, sur les maisons des hameaux, sur les toits des villes, le jour, la nuit, laisse là les pinceaux, surtout qu’il ne s’avise pas d’être paysagiste.

2981. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Satire contre le luxe, à la manière de Perse » pp. 122-126

On laisse languir sa fille dans le célibat.

2982. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 40, si le pouvoir de la peinture sur les hommes est plus grand que le pouvoir de la poësie » pp. 393-405

Ce poëte nous fait passer par differens dégrez d’émotion, et pour nous rendre plus sensibles au malheur de la victime, il nous laisse imaginer durant un temps qu’elle soit échappée au coûteau du sacrificateur.

2983. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

La mer s’étant introduite dans ces cavitez, elle a fait abîmer la terre, qui ne s’est relevée au-dessus de la surface des eaux qui la couvrirent après sa dépression, qu’à l’aide des sables que les flots de la mer y ont apportez, et du limon que les fleuves y ont laissé en l’inondant fréquemment avant qu’on les eut contenu par des digues.

2984. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Quoique le geste ne soit pas réduit en art parmi nous, quoique nous n’aïons pas approfondi cette matiere, et par consequent divisé les objets autant que les anciens l’avoient fait, nous ne laissons pas de sentir que la tragédie et la comédie ont des gestes qui leur sont propres spécialement.

2985. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Premier tableau » pp. 180-195

Pourquoi avez-vous laissé ma jeunesse sans guide ?

2986. (1912) L’art de lire « Chapitre X. Relire »

Il faut, du reste, quand on relit, surveiller ces repentirs et ne pas se laisser trop aller au plaisir de la découverte et à celui du remords et à la taquinerie envers soi-même qui consiste à se dire qu’on a été précédemment un imbécile. « Vous avez eu tort, me disait un ami, d’avoir présenté Sainte-Beuve comme un positiviste, ou comme un sceptique, ou comme un agnostique.

2987. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La défection de Marmont »

Il ne s’est pas laissé troubler une seule fois par les nuances, les finesses et les analyses !

2988. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Héritier de la révolution française, mais avec le bénéfice d’inventaire qui lui fit rejeter et ses erreurs et ses horreurs, Bonaparte reprit le problème où l’avaient laissé les Valois, et nous ajoutons Richelieu, sous les Bourbons, parce que Couture l’oublie.

2989. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Belmontet »

Si Belmontet s’était contenté de nous dire qu’à côté des inspirations de la poésie individuelle il y avait, grâce à l’Empire et aux souvenirs  qu’il a laissés dans la mémoire des hommes, une autre source de poésie ouverte et coulant à pleins bords dans le xixe  siècle, nous n’eussions pas réclamé contre une telle poésie ; car rien n’est plus vrai.

2990. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Ou encore (dans Muezzin) : Vous pensiez aux jours de courte durée, Qui laissent en nous si longs souvenirs ; À l’espoir qui passe en robe dorée.

2991. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

… II Cette question, que la balbutie de L’Illustre Docteur Mathéus avait laissée pendante, ces deux volumes-ci y répondent, selon nous, très nettement.

2992. (1900) Taine et Renan. Pages perdues recueillies et commentées par Victor Giraud « Taine — II »

Je répugne au catholicisme romain, à cause de son administration formidable et parce qu’il ne laisse pas assez de jeu à la libre interprétation de l’Univers par chaque individu.

2993. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXV. De Paul Jove, et de ses éloges. »

L’évêque, son successeur, nous a laissé, à la tête de ses éloges, une description charmante de ce lieu ; on y voit un homme enthousiaste des lettres et du repos, un historien qui a l’imagination d’un poète, un évêque nourri des doux mensonges de la mythologie païenne ; car il nous peint avec transport ses jardins baignés par les flots du lac, l’ombre et la fraîcheur de ses bois, ses coteaux, ses eaux jaillissantes, le silence profond et le calme de sa solitude ; une statue élevée dans ses jardins à la nature ; au-dedans, un salon où présidait Apollon avec sa lyre et les neuf Muses avec leurs attributs ; un autre où présidait Minerve ; sa bibliothèque, qui était sous la garde de Mercure ; ensuite l’appartement des trois Grâces, orné de colonnes doriques et de peintures les plus riantes ; au-dehors, l’étendue pure et transparente du lac, ses détours tortueux, ses rivages ornés d’oliviers et de lauriers ; et, dans l’éloignement, des villes, des promontoires, des coteaux en amphithéâtre, chargés de vignes ; et les hauteurs naissantes des Alpes, couvertes de bois et de pâturages, où l’œil voyait de loin errer des troupeaux.

2994. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 11-15754

Sinite parvulos venire ad me, laissez venir ces enfans à moi. […] Bon à prendre & à laisser. […] On a laissé périr de même un grand nombre des ouvrages des Peres Grecs depuis Origene ou S. […] En parlant des Décemvirs, il dit qu’ils furent chassés à cause de la lubricité d’Appius ; ce qui ne laisse dans l’esprit rien qui le fixe & qui l’éclaire. […] Ce sont là deux moyens que le Créateur nous a laissés pour étendre nos connoissances.

2995. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Edmond et Jules de Goncourt »

Je veux dire d’abord que MM. de Goncourt sentent avec une extrême vivacité et perçoivent dans un extrême détail les objets, les spectacles qui les entourent ; et que, tout secoués et presque souffrants de ces impressions multiples, délicates et quasi lancinantes (soit qu’ils les éprouvent pour la première fois ou qu’ils les retrouvent), il les traduisent sans les laisser s’amortir, dans une langue inquiète, impatiente et comme irritée d’être inégale à ce qu’elle veut rendre, et avec une fièvre où s’exagère encore l’acuité de l’impression primitive : si bien qu’on sent maintes fois dans leur style la vibration même de leurs nerfs trop tendus. […] MM. de Goncourt ont laissé chez leurs malades une bien plus grande part d’inconnu et d’inexpliqué. […] D’un chapitre à l’autre on est surpris de retrouver Coriolis beaucoup plus bas qu’on ne l’avait laissé.

2996. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 14 mars 1885. »

Naïf comme ces pâtres de Norvège qui se plaisaient jadis à entendre autour de la flamme du pin résineux le récit des Scaldes inspirés, il laisse aux histoires primitives leur charme d’enfance ingénue ; mais, penseur et critique, il sait, sans nuire à sa propre émotion ni à celle des autres, montrer la loi nécessaire des événements dans la suite en apparence désordonnée des circonstances, et il contraint l’humanité vieillie à s’aimer, à se haïr, à se plaindre, à se reconnaître en un mot, dans les contes qui l’ont bercée. […] D’un récit de chevalerie, presque banal, et que bien des poètes auraient cru devoir laisser dans les petits livres de la bibliothèque bleue, Richard Wagner a fait le drame éternel des amants séparés par le hasard jaloux, et qui tombent morts, comme Roméo et Juliette, hélas ! […] Toutes les fois qu’il ouvre la bouche, l’orchestre laisse échapper un gargouillement drolatique, une épigramme des clarinettes, une médisance des bassons, une bouffonnerie des tubas, une facétie des cors en sourdine.

2997. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Analyse sociologique »

En général, la condition dans laquelle un artiste a vécu, les hasards auxquels il a été mêlé, la situation prospère ou infortunée de la nation à laquelle il a appartenu, l’état des mœurs, relâchées ou guerrières, rigides, pacifiques, luxueuses, austères, laisseront probablement dans son œuvre un reflet, une trace ; mais cette influence n’a rien de fixe ni de constant. […] A cette période de l’histoire, un invincible génie pourra seul vivre et ne se pas laisser assimiler. […] Il a laissé des études sur les Pygmées, les Polynésiens, le transformisme et les « précurseurs » de Darwin, « l’histoire générale des races humaines », ou encore la question de « l’unité de l’espèce humaine ».

2998. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre IV. Addison. »

Addison n’a guère que des arguments de collége ou d’édification assez semblables à ceux de l’abbé Pluche, qui laissent les objections entrer par toutes leurs fentes, et qu’il ne faut prendre que comme des exercices de dialectique ou comme des sources d’émotion. […] « Rien n’a plus amusé la ville, dans ces dernières années, que le combat du signor Nicolini contre un lion, à Haymarket, spectacle qui a été donné fort souvent, à la satisfaction générale de la noblesse haute et basse, dans le royaume de la Grande-Bretagne… Le premier lion était un moucheur de chandelles, homme d’un naturel colérique et entêté qui outrepassait son rôle, et ne se laissait pas tuer aussi aisément qu’il l’aurait dû… Le second lion était un tailleur par métier, appartenant au théâtre, et qui avait dans sa profession le renom d’homme doux et paisible. […] Cette source de croyance jaillit en lui de tous côtés ; en vain elle est enfermée dans le conduit régulier du dogme officiel ; les textes, les arguments dont elle se couvre laissent voir sa véritable origine. […] Comme je les comptais, le Génie me dit que ce pont était d’abord de mille arches, mais qu’une grande inondation avait balayé le reste, et l’avait laissé ruiné comme je le voyais maintenant. —  Dis-moi encore, reprit-il, ce que tu y découvres. —  Je vois, répondis-je, une multitude de gens qui le traversent, et un nuage noir suspendu sur chacune de ses deux issues. —  Puis, regardant plus attentivement, je vis plusieurs des voyageurs tomber au travers dans la grande marée qui conduit au-dessous, et je découvris bientôt qu’il y avait dans ce pont d’innombrables trappes cachées, où l’on ne mettait le pied que pour s’enfoncer et disparaître à l’instant.

2999. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre cinquième. Le réalisme. — Le trivialisme et les moyens d’y échapper. »

Mais si c’est pour faire une énumération vide de sens, de laquelle ne doit se dégager aucune impression véritable, si c’est le fastidieux plaisir de voir pour voir, non pour comprendre et sentir, mieux vaut laisser dans l’ombre ce qui ne mérite pas d’en être tiré ou peut-être ce qu’on n’a pas su en faire sortir. […] Il ne restera que ce qui était profond, ce qui avait laissé en nous une trace vive et vivace : la fraîcheur de l’air, la mollesse de l’herbe, les teintes des feuillages, les sinuosités de la rivière, etc. […] De plus, le souvenir tend à laisser échapper ce qui était pénible pour ne garder que ce qui était agréable ou au contraire franchement douloureux. […] On laisse cela derrière soi, et pourtant ces riens se mêlaient à vos plus douces émotions ; c’était quelque chose d’amer qui, au lieu de rester au fond de la coupe, s’évapore au contraire dès qu’elle est bue.

3000. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre II. L’Âge classique (1498-1801) — Chapitre II. La Nationalisation de la Littérature (1610-1722) » pp. 107-277

… Non sans doute, si quatre ou cinq très belles Odes, et quelques paraphrases des Psaumes ne sont après tout que de la rhétorique ; et puis, si Malherbe lui-même, sans afficher le libertinage ou l’incrédulité, ne laisse pas d’avoir en prose, et dans sa vie, tout à fait manqué de distinction ou de vraie noblesse d’esprit. […] S’ils voulaient répondre au romancier, ils l’accuseraient d’abord, d’ingratitude, et sans insister sur les réminiscences classiques dont il charge lui-même son style, et qui ne laissent pas d’en ralentir quelquefois la rapidité, ils lui feraient observer que cette transformation, dont il plaisante, il en profite le premier. […] Nous avons dit que La Calprenède avait aussi laissé des tragédies. […] — et à cet égard d’une phrase étrange du Mémoire où il se disculpe d’y avoir pris la moindre part : — « il a mieux aimé, dit-il, le laisser paraître informe et défiguré que de le donner tel qu’il l’avait fait ». — Si le copiste infidèle qu’il accuse de lui avoir dérobé son manuscrit n’a pas été bien inspiré de ne le publier qu’après la nomination de Fénelon au siège de Cambrai, 1695 ? […] — Les « traitans » essaient de faire interdire Turcaret ; — intervention du Dauphin, fils de Louis XIV ; — Le Sage se brouille avec les comédiens ; — et se jette par dépit dans le théâtre de la Foire. — Il consacre désormais aux forains tous les loisirs que le roman lui laisse. — La collaboration de Le Sage, d’Orneval et Fuzelier ; — et de l’intérêt documentaire du théâtre de la Foire. — Le Diable boiteux, 1707 ; — et Gil Blas, 1715, 1724, 1735.

3001. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Appendice » pp. 511-516

Le ministre, homme de bien, qui a laissé une mémoire si honorée8, en recommandant expressément aux auteurs dramatiques, à la date de 1851, une direction morale formelle et un enseignement d’une utilité presque directe, portait secours là où il y avait encore danger ; il cherchait à proportionner le contrepoids à la force de l’entraînement qui avait précipité les esprits en sens contraire.

3002. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « La poésie »

laissez-nous de grâce, à nous autres critiques, l’histoire littéraire et ce qui en dépend.

3003. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

— Laissez-moi en repos ; vous m’embarrassez. — Mais savez-vous qu’avant cela, peut-être me prendra-t-il pour confident ?

3004. (1874) Premiers lundis. Tome II « Doctrine de Saint-Simon »

Dieu, qui voulut si jeune l’initier à une vie plus parfaite, ne laissa pas ses derniers jours sans joie ; et de son lit de mort, Eugène vit fonder la constitution définitive de la hiérarchie au sein de la famille saint-simonienne.

3005. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety, de le citer en ce que sa poésie a d’aimable, plutôt que d’insister sur ce qu’elle laisse à désirer pour l’idée.

3006. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

Mais on se les représente voyant passer la vie, comme ils regardent couler le ruisseau qui rafraîchit leur climat brûlant, et l’on finit presque par leur pardonner d’oublier la morale et la liberté, comme ils laissent échapper le temps et l’existence.

3007. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Mais peut-être apporte-t-il à ce genre de déduction une logique plus roide, plus imperturbable, qui sent mieux son mathématicien, et un délire plus direct et plus glacial… Il est difficile de citer, car ces folies n’ont toute leur action sur le cerveau que si on leur laisse tout leur développement.

3008. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XIV. Moralistes à succès : Dumas, Bourget, Prévost » pp. 170-180

Laissez là Spinoza, Hegel et Stuart Mill, jeunes hommes en effort vers la compréhension.

3009. (1890) L’avenir de la science « XI »

L’hébreu, leur type le plus ancien, disparaît à une époque reculée pour laisser dominer seuls le chaldéen, le samaritain, le syriaque, dialectes plus analysés, plus longs, plus clairs aussi quelquefois, lesquels vont à leur tour successivement s’absorber dans l’arabe.

3010. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre II. Recherche des vérités générales » pp. 113-119

Il sait que ce fut l’âge d’or de la société polie ; qu’en ce temps-là la vie mondaine fut l’idéal de tout ce qui comptait alors parmi les hommes ; que les jardins mêmes étaient des salons ; que les philosophes prouvaient l’existence de la matière par celle de la pensée ; que les poètes, acharnés à peindre l’âme humaine civilisée, laissaient à peine tomber quelques regards distraits sur la nature environnante.

3011. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIX » pp. 319-329

L’abbé Testu m’y croit déjà ; mais dites-lui, s’il vous plaît, qu’il se contente de m’écrire de très froids billets et qu’il vous laisse faire des gazettes de tout ce qui vous viendra à la tête.

3012. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — L — article » pp. 23-38

Cependant, comme un nom accrédité dans la Littérature n’est que trop capable aujourd’hui d’en imposer à la multitude ; comme les Esprits foibles & légers se laissent aisément ébranler par le persiflage ; comme la plupart d’entre eux cessent d’admirer, dès que la mode le commande, ou que le ridicule les effraie : il est nécessaire de défendre la gloire d’un des premiers Poëtes de la Nation.

3013. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Ainsi, Rubens laisse toujours l’empreinte de son génie, en offrant aux yeux l’agitation des Furies, ou le sourire des Graces.

3014. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

La crainte de rendre cette affaire plus mauvaise l’obligea d’user de ménagement avec eux ; & de laisser à un de ses amis le soin de le venger d’un Zoïle encore plus emporté qu’ignorant.

3015. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Racine, et Pradon. » pp. 334-348

Il voulut être enterré à Port-royal, & laissa un legs à cette maison.

3016. (1865) Du sentiment de l’admiration

  Parmi les qualités que je me plais à vous reconnaître, je vous ai trouvé un défaut, un, ce n’est pas beaucoup avancer ; mais ce défaut est assez fâcheux pour que je prenne à cœur de vous le signaler avec force, dussé-je vous laisser de moi le souvenir d’un morose donneur de conseils, Caton malencontreux, Orbilius de la dernière heure !

3017. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

Par exemple, quand Homere composa son iliade, il n’écrivoit pas une fable inventée à plaisir, qui lui laissât la liberté de forger à son gré les caracteres de ses heros, de donner aux évenemens le succès qu’il lui plairoit, et d’embellir certains faits par toutes les circonstances nobles qu’il auroit pu imaginer.

3018. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Napoléon »

Conserver, en le modifiant, tout ce qui peut être sauvé du passé d’un peuple, c’est peut-être la seule ressource laissée pour manifester leur génie aux grands politiques des vieilles civilisations.

3019. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Avellaneda »

Mais quand le cadavre a été dissous par le temps, par l’oubli, par le mépris mérité des hommes, il faut laisser toute cette poussière qu’aucun baume ne saurait conserver.

3020. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pierre Dupont. Poésies et Chansons, — Études littéraires. »

Laissez croire aux badauds qui les ont braillées que ce sera ses chansons d’opposition politique !

3021. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Les sociétés qui finissent, les nations perdues, les races sur le point de mourir, laissent derrière elles des livres précurseurs de leur agonie.

3022. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Paul Meurice » pp. 231-241

Il cède sa fille à son ennemi, tremble devant la conscience armée de son fils, qui se tait et s’éloigne en emportant respectueusement son mépris, et il meurt de tout cela, comme un homme sans puissance d’ambition et d’idées ; car les grands hommes peuvent bien être tués par leur ambition ou par leurs idées, mais ils ne se laissent pas, comme une jeune fille allemande, mourir !

3023. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XI. Des éloges funèbres sous les empereurs, et de quelques éloges de particuliers. »

Quoiqu’il n’eût régné que trois mois, il avait laissé une mémoire chère à tous les Romains.

3024. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Ceux qui ont reçu de la nature une âme forte, ceux qui ont le bonheur ou le malheur de sentir tout avec énergie, ceux qui admirent avec transport et qui s’indignent de même, ceux qui voient tous les objets de très haut, qui les mesurent avec rapidité et s’élancent ensuite ailleurs, qui s’occupent beaucoup plus de l’ensemble des choses que de leurs détails, ceux dont les idées naissent en foule, tombent et se précipitent les unes sur les autres, et qui veulent un genre d’éloquence fait pour leur manière de sentir et de voir, ceux-là sans doute ne seront pas contents de l’ouvrage de Pline ; ils y trouveront peut-être peu d’élévation, peu de chaleur, peu de rapidité, presqu’aucun de ces traits qui vont chercher l’âme et y laissent une impression forte et profonde ; mais aussi il y a des hommes dont l’imagination est douce et l’âme tranquille, qui sont plus sensibles à la grâce qu’à la force, qui veulent des mouvements légers et point de secousses, que l’esprit amuse, et qu’un sentiment trop vif fatigue ; ceux-là ne manqueront pas de porter un jugement différent.

3025. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Il eut l’âme d’un guerrier, et il aima la pompe et la mollesse ; il fut humain dans sa législation, et barbare dans sa politique ; il pardonna des injures, et fit égorger ses parents et ses amis ; il donnait par humanité, et laissait piller les provinces par faiblesse.

3026. (1824) Épître aux muses sur les romantiques

     Laisse pleurer Thalie, on lui défend de rire ; De nos mœurs trop longtemps elle a fait la satire ; Elle frondait le vice, et croyait bonnement Que les sots étaient faits pour son amusement.

3027. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XVII. »

« C’est elle qui de l’éclat des fleurs peint l’année purpurine, elle qui, sous l’haleine du zéphir, soulève le sein gonflé de la terre en moelleux tapis, elle qui disperse ces ondes de rosée limpide que laisse le souffle de la nuit, larmes radieuses dans leur chute tremblotante.

3028. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIVe entretien. Cicéron (3e partie) » pp. 257-336

Quoi qu’il en soit, l’homme toujours modéré, toujours égal, toujours en paix avec lui-même, jusqu’au point de ne se laisser jamais ni accabler par le chagrin, ni abattre par la crainte, ni enflammer par de vains désirs, ni amollir par une folle joie, c’est là cet homme sage, cet homme heureux que je cherche. […] Il n’y garde aucune mesure avec les erreurs officielles ; il est déjà hors de la vie publique, il est âgé, il voit s’approcher pour lui la liberté de la mort à côté de la servitude de son pays ; il veut laisser sa profession de foi à la terre avant de la quitter ; il se retire seul dans sa petite maison de Pouzzoles, entre les bois et les flots de Naples, et il écrit ce livre de la Divination. […] « On lui avoue que le collège des augures a été établi dans les premiers temps de la barbarie ; qu’on a laissé subsister cette institution ridicule, devenue chère à un peuple longtemps grossier ; que tous les honnêtes gens se moquent des augures ; que César ne les a jamais consultés ; qu’au rapport d’un très grand homme nommé Caton, jamais augure n’a pu parler à son camarade sans rire ; et qu’enfin Cicéron, le plus grand orateur et le meilleur philosophe de Rome, vient de faire contre les augures un petit ouvrage, intitulé de la Divination, dans lequel il livre à un ridicule éternel tous les aruspices, toutes les prédictions et tous les sortilèges dont la terre est infatuée.

3029. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

Il nous peint ces triomphantes apoplexies des propriétaires dans leurs jardinets, après une rincette d’eau-de-vie, sous un coup de soleil de juin : natures perdues qui n’ont guère laissé d’héritiers que ce notaire de Daillecourt, qui ces années-ci, après un souper prolongé jusqu’à huit heures du matin, fit explosion, à table. […] * * * — Un songe qui vous donne une femme, une femme indifférente, vous laisse quelques heures, au réveil, un sentiment de reconnaissance et comme une ombre d’amour pour cette femme. […] Et les odeurs mêmes que nous mettons dans l’eau, prennent, il nous semble, cette fade et nauséeuse odeur de cérat… Il nous faut nous arracher de l’hôpital et de ce qu’il laisse en vous, par quelque distraction violente… Ah !

3030. (1870) De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés « De l’origine des espèces par sélection naturelle, ou Des lois de transformation des êtres organisés — Chapitre I : Variations des espèces à l’état domestique »

À l’égard des animaux, cette sorte de sélection est aussi pratiquée ; car il n’existe guère de gens si peu soigneux que de laisser se reproduire les plus défectueux sujets de leurs troupeaux. […] De tels animaux ainsi choisis auraient généralement plus de chances que d’autres de laisser une nombreuse postérité ; si bien qu’il en résulterait une sorte de sélection inconsciente, mais continuelle. […] Même sans avoir observé la généralité des effets de l’hérédité, l’utilité plus grande des meilleures races a fait conserver leurs représentants dans toutes les occasions où il s’agissait de détruire certains individus d’un troupeau, et de laisser vivre les autres, ainsi que M. 

3031. (1868) Curiosités esthétiques « I. Salon de 1845 » pp. 1-76

Chasseriau trouve son bien dans Delacroix, c’est tout simple ; mais que, malgré tout son talent et l’expérience précoce qu’il a acquise, il le laisse si bien voir, là est le mal. […] La sainte Thérèse, telle que le peintre l’a représentée, s’affaissant, tombant, palpitant, à l’attente du dard dont l’amour divin va la percer, est une des plus heureuses trouvailles de la peinture moderne. — Les mains sont charmantes. — L’attitude, naturelle pourtant, est aussi poétique que possible. —  Ce tableau respire une volupté excessive, et montre dans l’auteur un homme capable de très-bien comprendre un sujet — car sainte Thérèse était brûlante d’un si grand amour de Dieu, que la violence de ce feu lui faisait jeter des cris… Et cette douleur n’était pas corporelle, mais spirituelle, quoique le corps ne laissât pas d’y avoir beaucoup de part. […] Bartolini comme le morceau capital du salon de sculpture. — Nous savons que quelques-uns des sculptiers dont nous allons parler sont très-aptes à relever les quelques défauts d’exécution de ce marbre, un peu trop de mollesse, une absence de fermeté ; bref, certaines parties veules et des bras un peu grêles ; — mais aucun d’eux n’a su trouver un aussi joli motif ; aucun d’eux n’a ce grand goût et cette pureté d’intentions, cette chasteté de lignes qui n’exclut pas du tout l’originalité. — Les jambes sont charmantes ; la tête est d’un caractère mutin et gracieux ; il est probable que c’est tout simplement un modèle bien choisi3. — Moins l’ouvrier se laisse voir dans une œuvre et plus l’intention en est pure et claire, plus nous sommes charmés.

3032. (1739) Vie de Molière

Il ne laissa qu’une fille, qui avait beaucoup d’esprit. […] Cela ne se peut pas, répliquait Don Juan : DIEU ne saurait laisser mourir de faim ceux qui le prient du soir au matin. […] Molière voyant tant d’ennemis qui allaient attaquer sa personne encore plus que sa pièce, voulut laisser ces premières fureurs se calmer : il fut un an sans donner Le Tartuffe ; il le lisait seulement dans quelques maisons choisies, où la superstition ne dominait pas.

3033. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Journal et Mémoires, de Mathieu Marais, publiés, par M. De Lescure »

Son prototype en ce genre était le bourgeois Pierre de L’Estoile, qui a laissé de si curieux Journaux de la Ligue ; ce L’Estoile, esprit libre, épars, et toujours à l’affût, avide de toute particularité et de tout détail, qui appelait Montaigne son vade-mecum, et qui avait pour lui la même prédilection que Marais avait pour Bayle. […] Fontenelle se conduisit dans cette circonstance en homme d’esprit qu’il était : il laissa l’épigramme faire son chemin, et il en était peut-être chatouillé au fond.

3034. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Vinet) qui fit l’oraison funèbre du défunt ; cette action ne laissa pas d’étonner un peu les mœurs extrêmement timides du pays et, on peut le dire, celles de l’orateur lui-même. […] Vinet, la régularité du raisonnement, la propriété un peu étudiée de l’expression, laissent place à tout un atticisme véritable, qui, à la fois, étonne hors de France, et qui pourtant ne paraît pas dépaysé.

3035. (1892) Boileau « Chapitre IV. La critique de Boileau (Suite). Les théories de l’« Art poétique » » pp. 89-120

Enfin tout le monde sait combien les vrais artistes sont sobres à l’ordinaire de considérations générales, et qu’ils ne se lancent pas à l’ordinaire dans les hauteurs nuageuses de l’esthétique : ils laissent le développement littéraire aux littérateurs, et soit en enseignant, soit en jugeant, ils se jettent de prime abord dans la technique : ce n’est pas qu’elle soit tout pour eux. […] Mais, ainsi compris, ce respect de l’antiquité n’est plus un préjugé tyrannique : il laisse une pleine indépendance à l’intelligence et au goût ; et il en sera de la critique comme de la théologie qui n’a pas le droit de toucher au texte sacré, mais se permet, à l’occasion, pour en éluder le sens, toutes les subtilités et toutes les fantaisies d’interprétation.

3036. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. Le théâtre romantique »

Rien d’artistique au reste dans la mise en œuvre, pas de vision poétique : une multitude de menus faits précis et secs, patiemment recueillis et juxtaposés, qui laissent une impression de confusion fatigante et d’enfantine érudition. […] L’absence d’imagination a laissé aux scènes historiques une apparence d’exacte vérité, dont la vibration oratoire du discours a doublé l’effet.

3037. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Deuxième série « Francisque Sarcey »

Le théâtre est ce que j’ai dit : c’est à prendre ou à laisser. […] Et vous-même, soyez sincère : ne vous êtes-vous pas laissé prendre plus d’une fois à ces machines d’un art inférieur et particulier, dont la grossièreté choque par réflexion votre délicatesse ?

3038. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Études sur Saint-Just, par M. Édouard Fleury. (2 vol. — Didier, 1851.) » pp. 334-358

Ne nous laissons point imposer par une certaine rigueur de système et par une certaine emphase de talent : je trouve en lui l’écolier d’abord, et puis aussitôt le tigre ; dans l’intervalle il n’avait pas eu le temps de devenir homme. […] « Calme-toi donc, disait-il un jour en avertissant Robespierre qui s’était laissé emporter à un moment de colère dans une séance de comité, l’empire est au flegmatique. » Le premier début éclatant de Saint-Just à la Convention fut son discours dans le procès de Louis XVI.

3039. (1913) Le bovarysme « Première partie : Pathologie du bovarysme — Chapitre I. Le Bovarysme chez les personnages de Flaubert »

Impuissante désormais à se concevoir autre qu’elle n’est, impuissante à concevoir les choses et les êtres autres qu’ils ne sont et à les déformer selon le vœu de son désir, elle nie dans le suicide cette réalité indocile dont l’argile durcie ne se laisse plus pétrir et modeler. […] On montrera bientôt qu’elle laisse place à une autre interprétation ; mais on va respecter, tant que l’on se tiendra à considérer le Bovarysme dans l’œuvre de Flaubert, cette première impression qui s’en dégage.

3040. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1861 » pp. 361-395

Des boulevards, de grandes artères… oui il n’a plus laissé de coins, dans des rues ignorées, où l’on pouvait jadis vivre caché et heureux… Et en toutes choses, les falsifications, les sophistications, le mensonge. […] Et comme nous laissons entrevoir que nous trouvons un peu exagérée cette gloire de Béranger, Sainte-Beuve reprend : « Oui, on a été très loin.

3041. (1913) La Fontaine « III. Éducation de son esprit. Sa philosophie  Sa morale. »

Là-dessus Descartes est d’une précision à laquelle il n’y a rien à désirer, qui ne laisse certainement rien à désirer. « Au reste, je me suis étendu ici sur le sujet de l’âme à cause qu’il était plus important ; car après l’erreur de ceux qui nient Dieu, laquelle je pense avoir ci-dessus assez réfutée, il n’y en a point qui éloigne plus tôt les esprits faibles du droit chemin de la vertu que d’imaginer que l’âme des bêtes soit de même nature que la nôtre, et que, par conséquent, nous n’avons rien à craindre ni à espérer après cette vie, non plus que les mouches et les fourmis. […] Mais laissons l’épigramme.

3042. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre premier. »

Mais, en réfutant de si haut les malencontreux partisans de la première étymologie, Boileau, pour être juste, n’aurait pas dû laisser en oubli ce curieux début de la deuxième Néméenne, où sont désignés les homérides, comme des chanteurs de vers épiques recousus : expression qui semble amener le nom de Rapsodes, en même temps que la pensée de Pindare réduit évidemment au rôle de récitateurs errants ces hommes, dont un paradoxe moderne a prétendu faire les inventeurs fortuits de la grande épopée. […] 19 » La gloire même des temps où il vécut, cette gloire si réelle et si célébrée de Platée, de Mycale, de Salamine, cet amour d’une liberté si bien défendue contre les barbares d’Asie, et dont le triomphe, enlevé surtout par le courage des matelots d’Athènes, accroissait si puissamment l’orgueil démocratique, le laissa fidèle à sa préférence pour des Institutions plus paisibles.

3043. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Béranger — Note »

Il me  faudrait deux ou trois mois pour mettre à fin des pièces commencées ou projetées qui, avec ce que j’ai déjà, seraient un troisième volume à ajouter à Joseph Delorme et aux Consolations, volume que je ne publierai pas quand il sera achevé, mais qui alors me laissera libre pour quelque autre essai poétique.

3044. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. LOUIS DE CARNÉ. Vues sur l’histoire contemporaine. » pp. 262-272

La session de 1815 forme la partie historique la mieux traitée et la plus instructive du livre : les personnes honnêtement royalistes, qui se sont laissé prendre aux théories et à l’ancien droit français de la Gazette, ne pourront guère s’y maintenir après avoir lu le chapitre de M. de Carné.

3045. (1874) Premiers lundis. Tome II « Thomas Jefferson. Mélanges politiques et philosophiques, extraits de ses Mémoires et de sa correspondance, avec une introduction par M. Conseil — II »

En 1823, octogénaire, écrivant au général La Fayette avec un poignet perclus, il lui exprime cette forte pensée : « Des alliances saintes ou infernales, dit-il, peuvent se former et retarder l’époque de la délivrance ; elles peuvent gonfler les ruisseaux de sang qui doivent encore couler ; mais leur chute doit terminer ce drame, et laisser au genre humain le droit de se gouverner lui-même. » Comme nous ne voulons rien céler de l’opinion de l’illustre vieillard, et que son autorité ne saurait jamais avoir d’effet accablant pour nous, nous transcrirons ce qu’il ajoute : « Je doutais, vous le savez, dans le temps où je vivais avec vous, si l’état de la société en Europe comportait un gouvernement républicain, et j’en doute encore.

3046. (1874) Premiers lundis. Tome II « Loève-Veimars. Le Népenthès, contes, nouvelles et critiques »

Je crois pouvoir affirmer que tout écrivain qui a ce qu’on appelle du succès, c’est-à-dire, qui réunit des lecteurs autour de son œuvre ; que tout homme qui est assez heureux, assez malheureux veux-je dire, pour être en butte à l’admiration, aux éloges, à la haine et aux critiques, n’a pas un moment laissé reposer sa plume sur ses compositions… Dans mon enfance on m’a montré, comme un glorieux témoignage du génie de Bernardin de Saint-Pierre, la première page de Paul et Virginie, écrite quatorze fois de sa main.

3047. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Note sur les éléments et la formation de l’idée du moi » pp. 465-474

Jamais, du reste, je n’ai été réellement dupe de ces illusions ; mais mon esprit était souvent las de corriger incessamment les impressions nouvelles, et je me laissais aller à vivre de la vie malheureuse de ce nouvel être.

3048. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre III. Les tempéraments et les idées — Chapitre I. Un retardataire : Saint-Simon »

En deux lignes, Saint-Simon vous campe le bonhomme sur ses jambes, dans son attitude favorite, avec son expression particulière de physionomie : ailleurs il le développe, le fouille, en dévide les entrailles, n’y laisse rien d’obscur ou d’inexpliqué.

3049. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre III. Le naturalisme, 1850-1890 — Chapitre IV. La comédie »

Il y a quelques œuvres surtout, où les caractères semblent vidés de toute réalité, à l’état de purs symboles : toute la Femme de Claude, et le principal rôle de l’Étrangère nous laissent l’impression de dessins apocalyptiques sous lesquels il ne faut chercher que des idées.

3050. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XI. Trois bons médanistes : Henry Céard, Joris-Karl Huysmans, Lucien Descaves » pp. 145-156

Les qualifications naturelles de la forme de Céard, c’est, d’abord, la carrure : il sertit ses vigoureuses pensées dans les formules solides qui ne les laissent point s’échapper ; c’est, ensuite, l’ordre tout musical de la composition : il y a dans ses comédies, dans ses romans, même dans ses chroniques, un thème et un rythme.

3051. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les petites revues » pp. 48-62

En ses yeux le reflet d’une tristesse dort, Et sur sa robe où sont des fleurs bizarres d’or, Elle laisse dormir son autre main si froide Que dans un sombre jour de chapelle qui dort De moins rigides mains portent la palme roide.

3052. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Première partie. Plan général de l’histoire d’une littérature — Chapitre IV. Moyens de déterminer les limites d’une période littéraire » pp. 19-25

Puis, cette désignation laisse encore à désirer au point de vue de la précision ; le mot de siècle est trop vaste ; le mot d’époque vaudrait mieux, à condition d’être précisé par les deux dates qui enferment le gouvernement personnel du Roi-Soleil (1661-1715).

3053. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Corneille, et le cardinal de Richelieu. » pp. 237-252

Il prit le meilleur parti, celui de se taire & de leur laisser un champ libre.

3054. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre onzième. »

Proposez-vous d’avoir le lion pour ami, Si vous voulez le laisser croître.

3055. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre V. Harmonies de la religion chrétienne avec les scènes de la nature et les passions du cœur humain. — Chapitre II. Harmonies physiques. — Suite des Monuments religieux ; Couvents maronites, coptes, etc. »

Laisse-moi m’égarer dans ces jardins rustiques Où venoit Catinat méditer quelquefois, Heureux de fuir la cour et d’oublier les rois.

3056. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Madame Therbouche » pp. 250-254

Cet amour prétendu, caché dans la demi-teinte, levait précieusement un voile de gaze qui laissait Antiope exposée toute entière aux regards de Jupiter.

3057. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 8, des plagiaires. En quoi ils different de ceux qui mettent leurs études à profit » pp. 78-92

Moliere a fait souvent la même chose, et riche de son propre fonds, il n’a pas laissé de traduire dix vers d’Ovide de suite dans le second acte du misantrope.

3058. (1912) L’art de lire « Chapitre VI. Les écrivains obscurs »

Ceux-ci, sans doute, il faut les laisser sur le vert, et je ne vois guère quel profit on en pourrait tirer ; car de penser, à propos d’eux ce qu’ils n’ont point pensé et ce qu’ils auraient pu penser s’ils avaient pensé quelque chose, cela est un peu vain et si hasardeux qu’il vaut mieux penser directement pour son compte.

3059. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Louis Nicolardot » pp. 217-228

que, comme son grand-père Louis XV, Louis XVI a laissé s’en aller bas la monarchie parce qu’il avait sa passion, son absorbante passion, comme son grand-père avait la sienne.

3060. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Tourgueneff »

Charrière, — c’est de ne jamais laisser paraître sa personnalité d’écrivain », comme si l’humour que M. 

3061. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Dante »

About, par exemple, aurait pu, à propos du Dante, se laisser pétrir par cette main d’Ozanam qu’il doit croire puissante.

3062. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor de Laprade. Idylles héroïques. »

IV Du reste, laissons la manière et voyons l’invention.

3063. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Ranc » pp. 243-254

L’auteur du Roman d’une conspiration n’a pas tiré de la foule de tous les conspirateurs qui mettent leur vie au jeu, et bravement l’y laissent, ce Goujet, et surtout ce Rochereuil, qu’il fallait marquer d’un signe à part, — comme ce Redgauntlet, par exemple, qui est aussi un conspirateur, et que le génie de Walter Scott a marqué, pour que l’imagination le revoie toujours dans ses rêves, de ce fer à cheval sur le front, signe du malheur de toute une race, qui perd toutes les causes pour lesquelles elle combat, sans que jamais son courage faiblisse sous le poids de cette sombre et désespérante fatalité !

3064. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXII. Des panégyriques latins de Théodose ; d’Ausone, panégyriste de Gratien. »

Thémiste fut le dernier orateur grec qui laissa une grande réputation ; l’histoire nous parle encore de plusieurs panégyriques qui furent prononcés après lui.

3065. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre IV. Conclusion. — D’une république éternelle fondée dans la nature par la providence divine, et qui est la meilleure possible dans chacune de ses formes diverses » pp. 376-387

En quoi nous voyons briller deux lumières qui éclairent l’ordre naturel ; d’abord : qui ne peut se gouverner lui-même se laissera gouverner par un autre qui en sera plus capable.

3066. (1870) De l’intelligence. Deuxième partie : Les diverses sortes de connaissances « Livre quatrième. La connaissance des choses générales — Chapitre II. Les couples de caractères généraux et les propositions générales » pp. 297-385

On a observé que la rosée ne se dépose jamais abondamment dans des endroits fort abrités contre le ciel ouvert, et point du tout dans les nuits orageuses ; mais que, si les nuages s’écartent, fût-ce pour quelques minutes seulement, de façon à laisser une ouverture, la rosée commence à se déposer et va en augmentant. […] En effet, laissons là l’expérience, fermons les yeux, et renfermons-nous dans l’enceinte de notre propre esprit ; examinons les termes qui constituent nos propositions ; tâchons de savoir ce que nous entendons par les mots de grandeur et d’égalité, et voyons quelles constructions mentales nous faisons, lorsque nous fabriquons l’idée d’une grandeur égale à une autre. — Ici, il faut distinguer entre les grandeurs artificielles où les unités sont naturelles, et les grandeurs naturelles où les unités sont artificielles. […] Ramenée à ces termes précis, la proposition nous laisse une certaine inquiétude ; sans doute, au premier aspect, voyant une oblique sensiblement inclinée et deux parallèles médiocrement distantes, nous avons jugé que l’oblique, après avoir rencontré la première, rencontrerait la seconde ; c’est que le point de rencontre n’était pas loin ; nous l’apercevions avec les yeux, ou nous le marquions d’avance par l’imagination ; sur ces indices, nous avons induit avec vraisemblance que, si petite que fût l’inclinaison et si grande que fût la distance, la proposition serait toujours vraie. […] Rien d’étonnant après le retranchement volontaire que nous avons pratiqué : n’ayant laissé dans le réceptacle mental que l’étendue abstraite et nue, nous n’y pouvons trouver autre chose ; il ne reste en lui, et cela de par notre fait, que de pures grandeurs ayant pour éléments de pures grandeurs. […] Selon lui, ces propositions ont pour cause une force externe et sont, comme les autres vérités d’expérience, l’impression résumée que laissent les choses sur notre esprit.

3067. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre I. Les origines. — Chapitre II. Les Normands. » pp. 72-164

Mais il ne met la main que sur elle ; il a laissé de côté tous les profonds prolongements enchevêtrés par lesquels elle plonge et se ramifie dans ses voisines ; il ne s’embarrasse pas d’eux, il n’y songe pas ; il détache, cueille, effleure, et puis c’est tout. […] Rien de plus clair que le style de ses vieux contes et de ses premiers poëmes ; ou ne s’aperçoit pas qu’on suit le conteur, tant sa démarche est aisée, tant le chemin qu’il ouvre est uni, tant il se laisse glisser doucement et insensiblement d’une idée dans l’idée voisine ; c’est pour cela qu’il conte si bien. […] C’est un joli fruit qu’il cueille, goûte et laisse. […] Ils n’appellent pas les choses par leur nom, surtout en matière d’amour ; ils vous les laissent deviner : ils vous jugent aussi éveillé et avisé qu’eux-mêmes94. […] On l’entend dès le quatorzième siècle, cette grande parole ; elle a quitté les écoles savantes, les langues mortes, les poudreux rayons où les clercs la laissaient dormir, recouverte par l’entassement des commentateurs et des Pères170.

3068. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Les poëtes français. Recueil des chefs-d’œuvre de la poésie française »

Plus de mollesse parfois, non pas plus de flamme, c’est la seule chose que me laissent à désirer ces beaux sonnets un peu tardifs, nés dans la patrie de Louise Labé.

3069. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Lélia (1833) »

Je me garderai bien de répéter ici les accusations voilées que la pudeur de ces autres critiques n’osait articuler sur le sens ineffable du livre : il faut laisser certaines pensées où elles sont nées.

3070. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « en tête de quelque bulletin littéraire .  » pp. 525-535

Je laisse tout d’abord le côté politique qui, comme on sait, n’a nul rapport avec notre peu d’ambition et d’intrigue : Dieu me garde de trouver la plus lointaine ressemblance !

3071. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Virgile et Constantin le Grand par M. J.-P. Rossignol. »

Jusque dans les Bucoliques pourtant, Virgile, ce génie naturellement grave, sérieux et mélancolique, présage déjà son originalité sur deux points : la Xe églogue, si passionnée, en mémoire de Gallus, laisse déjà éclater les accents du chantre de Didon, et la IVe églogue à Pollion, toute religieuse et sibylline, toute digne d’un consul, fait entrevoir dans le lointain les beautés sévères et sacrées du VIe livre de l’Enéide.

3072. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IV. De la philosophie et de l’éloquence des Grecs » pp. 120-134

Enfin les Grecs, tout étonnants qu’ils sont, laissent peu de regrets.

3073. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre IV. De la religion. »

La rapide succession des événements, les émotions qu’elle faisait naître, causaient une sorte d’ivresse produite par le mouvement, qui hâtait le temps, et ne laissait plus sentir le vide, ni l’inquiétude de l’existence.

3074. (1866) Petite comédie de la critique littéraire, ou Molière selon trois écoles philosophiques « Conclusion » pp. 355-370

Les sciences ont leur méthode, leur grande roule royale où elles marchent sûrement, et s’il ne se rencontre que de siècle en siècle des Newton et des Cuvier pour leur faire faire des pas de géant, les plus petits garçons, s’ils reprennent les choses au point où ces grands hommes les ont laissées, peuvent les faire avancer un peu tous les jours.

3075. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Deuxième partie. Invention — Chapitre V. Des personnages dans les récits et dans les dialogues : invention et développement des caractères »

J’ai lu quelques volumes de la correspondance de Mme de Maintenon, et la vie de cette excellente dame par La Beaumelle ; et j’aime assez celle nature arrangée, compassée, comptant tous ses pas, et gardant toutefois un certain laisser aller gracieux dans le langage et dans les manières.

3076. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre II. Jean Calvin »

Il y a avant Calvin, en latin, les Loci theologici de Mélanchthon, encore abstraits et scolastiques, le Commentarius de vera et falsa religione de Zwingle, la Sommaire briefve déclaration d’aucuns lieux fort nécessaires à un chrétien de Farel : ces trois ouvrages laissent entière l’originalité de Calvin qui garde le mérite d’avoir employé une méthode rationnelle et morale.

3077. (1913) Les antinomies entre l’individu et la société « Chapitre X. L’antinomie juridique » pp. 209-222

Ce dogmatisme juridique s’exprime naïvement dans l’article IV du Code civil qui enjoint au juge de juger coûte que coûte : « Le juge qui refusera de juger sous prétexte du silence, de l’obscurité ou de l’insuffisance de la loi pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice. » Ainsi, en tout état de cause, la décision juridique doit être tenue pour bonne et elle doit l’être parce que, quelle qu’elle soit, elle vaut mieux pour l’ordre social que l’absence de jugement qui laisserait se perpétuer un débat et une cause de trouble.

3078. (1890) L’avenir de la science « I »

Il ne veut rien laisser perdre de cette vie brûlante et multiple qui lui échappe et qu’il dévore avec précipitation et avidité.

3079. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre X. Prédictions du lac. »

Il vit avec une parfaite justesse que l’inattention de l’homme, son manque de philosophie et de moralité, viennent le plus souvent des distractions auxquelles il se laisse aller, des soucis qui l’assiègent et que la civilisation multiplie outre mesure 503.

3080. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Préface. de. la premiere édition. » pp. 1-22

Les Esprits qui ne jugent que par des impulsions étrangeres, qui n’estiment que sur parole, qui se laissent entraîner par la multitude, les ont regardés jusqu’à présent comme des Lumieres, des Génies, des Bienfaiteurs ; nous, qui les avons lus, connus & approfondis, nous les mettons à leur place, & faisons disparoître les trophées que l’inconsidération & la surprise avoient érigés en leur honneur.

3081. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Japonisme » pp. 261-283

Mais il faut lire le récit de cette comédie surhumaine dans le roman du Japonais Tamenaga Schounsoui, et qui laisse bien loin derrière elle la comédie de l’avilissement d’un Lorenzaccio, dans le proverbe d’Alfred de Musset.

3082. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

C’est l’impression particulière que pourrait laisser ce drame, s’il valait la peine d’être étudié, à l’esprit grave et consciencieux qui l’examinerait, par exemple, du point de vue de la philosophie de l’histoire.

3083. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Abailard, et saint Bernard. » pp. 79-94

La délicatesse & la vérité de leurs pensées, l’enchantement de leur stile, la profondeur & la variété de leurs connoissances, cette attention continuelle à tourner l’érudition en agrément, tout en eux annonce l’aurore du bel esprit François, Mais, quoique supérieurs à leur siècle, ils ne laissoient pas d’y tenir encore par un grand amour de la dialectique, des subtilités & de toutes les disputes de l’école.

3084. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre huitième. »

Il laisse à l’ignorant trop de choses à répondre.

3085. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 12, des siecles illustres et de la part que les causes morales ont au progrès des arts » pp. 128-144

On vit successivement sur le trône deux papes, desireux de laisser des monumens illustres de leur pontificat, et conséquemment obligez à rechercher l’attachement de tous les artisans et de tous les gens de lettres qui pouvoient les immortaliser en s’immortalisant eux-mêmes.

3086. (1799) Jugements sur Rousseau [posth.]

Il y a dans Virgile, dans Voltaire, dans Tacite même, telle phrase de sentiment que je préférerais à toute cette chaleur physique ; malgré tout l’effet qu’elle produit sur moi, elle ne fait que m’agiter, et la véritable expression du sentiment laisse dans mon âme une impression douce et délicieuse.

3087. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XII. Mme la Princesse de Belgiojoso »

Elle ne soulève pas tous ces poids et les laisse à terre.

3088. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Le Christianisme en Chine, en Tartarie et au Thibet »

L’abbé Huc, dont les yeux sont froids et dont l’esprit, fait pour l’histoire, n’a aucune des illusions du prosélytisme, ne laisse sur ce point aucun doute.

3089. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Charles Monselet »

Laissons le galon aux laquais.

3090. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Paul de Saint-Victor » pp. 217-229

Il a tout fait pour être absolument insupportable à une époque où la distinction est honnie comme une aristocratie outrageante ; où, par exemple, le grand Lamartine est oublié pour les Lilliputiens du Parnasse, et où ce Flaubert, qui vient de mourir en emportant dans sa tombe la tête d’une littérature qui ne laisse plus derrière lui que ses parties honteuses, mugissait de son vivant, comme un bœuf qu’il était : « ce gueuloir de Chateaubriand ! 

3091. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Jacques Demogeot » pp. 273-285

Il y a glacé des fruits savoureux encore, mais il les a glacés, et on aimerait mieux la tiédeur qu’y aurait laissée le dernier baiser du soleil !

3092. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « Le cardinal Ximénès »

Isabelle la Catholique, que le docteur Hefele a comparée aussi à Élisabeth d’Angleterre en prouvant par des faits nombreux que la grande Espagnole l’emportait sur la grande Anglaise, Isabelle a laissé dans l’histoire trois témoins qui déposeront éternellement pour elle et seront comme les parrains de sa gloire : Christophe Colomb, le capitaine Gonzalve de Cordoue et Ximénès !

3093. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Léopold Ranke » pp. 1-14

Nous laisserons donc là notre appréciation historique, et, acceptant tout entier Léopold Ranke pour ce qu’il est sous une forme vainement désintéressée, nous dirons que, littéralement et au point de vue du talent, nous préférons de beaucoup vingt pages d’Agrippa d’Aubigné sur les événements de son époque, à toute cette histoire inanimée de Ranke.

3094. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « W.-H. Prescott » pp. 135-148

Ce n’est pas plus là de la vérité complète sur les institutions, le temps et le gouvernement de Philippe II, que ce n’est une histoire complète, ce grand fragment laissé par Prescott.

3095. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « Le docteur Revelière » pp. 381-394

les hommes qui pouvaient tout, à ce qu’il semblait, contre la Révolution, se laissèrent atteindre et pénétrer par elle.

3096. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Silvio Pellico »

Elles ne laissent jamais un homme à la place où cet homme était.

3097. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « IV. Saisset »

S’il était plus philosophe, il ne serait pas professeur… De plus, quand on vit eu intimité d’étude avec les grands esprits philosophiques, avec ces grands cerveaux, tous fausseurs ou corrupteurs, plus ou moins, de la tête humaine, si on leur arrache par la réflexion l’intégrité de sa pensée, on leur laisse de sa dignité par l’admiration qu’on ne leur arrache pas, et c’est ce qui est arrivé à M. 

3098. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXV. Le Père Ventura »

Assurément, ce moment du livre est imposant, et nous attendions à cette place, dans ce discours final, quelque chose de péremptoire sur lequel le prédicateur nous aurait laissés.

3099. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXVII. Silvio Pellico »

Elles ne laissent jamais un homme à la place où cet homme était.

3100. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Francis Lacombe »

Les systèmes actuels, qui tendent à refaire un monde sans modèle, ces systèmes insulteurs du passé et que j’appellerais parricides, car ils mordent au sein la tradition dont nous sommes tous les fils, il en a pris le souci qu’ils méritent : il les a laissés dormir et rêver sur cette rude question de l’organisation du travail.

3101. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Émile Augier, Louis Bouilhet, Reboul »

Nous ne ferions pas de l’entomologie littéraire, et nous laisserions sécher et périr les insectes.

3102. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Maurice Bouchor »

Maurice Bouchor, le moderne, a la pruderie de faire de ce Diable qui lui répugne un alchimiste ; mais, là comme ailleurs, le Diable ne se supprime ni ne se laisse déguiser… C’est toujours le Diable et sa vieille légende !

3103. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

L’auteur des Odes funambulesques, au contraire (pour lui laisser son demi-masque d’anonyme, comme son loup d’Arlequin et sa farine de Pierrot), l’auteur des Odes funambulesques, poète saltimbanque, se jette dans le faux, le faux compréhensible et vulgaire, avec une clarté, une fulgurance, une force de lumière qui ne permet aucune méprise.

3104. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Auguste de Chatillon. À la Grand’Pinte ! »

Théophile Gautier ne ferait pas, s’il pouvait saigner, ni personne de cette école qui voudrait dorer l’or et blanchir le lis, et qui laisserait tout ce vermillon couler avec faste, tandis que le poète, en M. de Châtillon, a la pudeur d’essuyer sa blessure et ne tache plus les choses qu’il touche que du rose d’un sang épuisé, qui fait bien plus de mal à voir que s’il était couleur de pourpre !

3105. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pécontal. Volberg, poème. — Légendes et Ballades. »

On voit tout ce qui peut surprendre, Des hommes de toutes couleurs, Des oiseaux qui se laissent prendre Avec la main comme des fleurs !

3106. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Charles Didier » pp. 215-226

Tout cela est estampe de chambre d’auberge, et c’est là qu’il faut le laisser !

3107. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Duranty » pp. 228-238

Duranty peut être le plus brave travailleur en vulgarité et même le plus puissant, et la Critique se laisser toucher par la peine qu’il se donne pour être profond à sa manière, que son roman, en lui-même, reste ce qu’il est, c’est-à-dire d’un effet manqué, comme composition littéraire ; mais la sorte d’intérêt qu’il excite ne peut ricocher du livre à l’auteur.

3108. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXXV. Des éloges des gens de lettres et des savants. De quelques auteurs du seizième siècle qui en ont écrit parmi nous. »

Ceux, qui leur succèdent, reprennent leurs travaux où ils les ont laissés.

3109. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre XI. De la géographie poétique » pp. 239-241

.… Ce sont les Grecs qui, chantant par tout le monde leur guerre de Troie et les aventures de leurs héros, ont fait d’Énée le fondateur de la nation romaine, tandis que, selon Bochart, il ne mit jamais le pied en Italie, que Strabon assure qu’il ne sortit jamais de Troie, et qu’Homère, dont l’autorité a plus de poids ici, raconte qu’il y mourut et qu’il laissa le trône à sa postérité.

3110. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre quatrième. Du cours que suit l’histoire des nations — Chapitre V. Autres preuves tirées des caractères propres aux aristocraties héroïques. — Garde des limites, des ordres politiques, des lois » pp. 321-333

Mais pour ne laisser aucun doute, nous y joignons l’explication de plusieurs autres phénomènes sociaux, dont on ne peut trouver la cause que dans la nature des républiques héroïques, telles que nous l’avons découverte.

3111. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre V. »

Laissons donc pour ce qu’elle vaut la citation d’Élien, et contentons-nous de croire, avec Hérodote et Plutarque, que le musicien Arion avait excellé sur le mode Orthien et le mode Pythien, les plus grandes puissances de l’antique mélodie, et que le jour où, charmant par ses accords les matelots âpres à sa dépouille, il eut le temps de sauter du milieu de ces brigands sur un dauphin préservateur, il avait employé au soutien de ses vers et de sa voix suppliante ces deux modes harmoniques, dont Platon a vanté la vertu pour adoucir tes âmes et calmer, sur place, même une sédition politique.

3112. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « VII »

Et puis certaines expressions, qui reviennent souvent, et qui semblent si dépaysées dans ce milieu de héros et de dieux, m’ont touché par leur si évidente honnêteté bourgeoise… Sieglinde dit à Siegmund « laisse-moi contempler, cher époux ! […] Pour la Walküre on vient de voir plusieurs exemples qui ne laissent rien à désirer. […] Nous avons procédé dans cette étude longue et fatigante, en même temps que propre à provoquer chez nous un émerveillement continuel, avec la méthode qui nous a servi dans une précédente critique des Maîtres Chanteurs ; mais tandis que l’énorme partition des Maîtres est sortie de trois notes, celle de Parsifal est plus complexe et ne se laisse pas aussi facilement orienter.

3113. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1857 » pp. 163-222

5 mars Charles Blanc, à L’Artiste, en train de reprocher à Théophile Gautier, avec force coups d’encensoir, de mettre tout au premier plan dans ses articles, de ne laisser ni repos ni parties plates, de tout faire étinceler. […] Dernièrement, à propos d’une pièce sur Benvenuto Cellini, où il avait abîmé l’orfèvre italien, à ne pas en laisser un morceau : « — Que vous a donc fait ce pauvre diable de Benvenuto Cellini ? […] Puis les fermiers, en chapeaux noirs, venus de loin et tout poussiéreux, et les vieux serviteurs retraités, les domestiques septuagénaires ayant derrière eux leurs fils approchés de la fortune par le commerce et les négoces heureux : — dernière représentation de cette gens, de cette clientèle amie et dévouée qui faisait à la famille le cortège de ses noces, le convoi de ses funérailles, et ne laissait ni la joie ni la douleur isolée et personnelle, comme en notre temps de familles d’une génération.

3114. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Dans le malheur, laissons les pleurs pour le conseil. […] En effet, si l’on employoit ce moyen, on verroit que la différence est à notre avantage : on s’appercevroit du progrès des arts : on en laisseroit l’invention aux anciens ; & encore ont-ils connu celle de l’imprimerie, des glaces, des pompes à feu, de la poudre, du canon, des estampes, de la physique expérimentale. […] Elles ne laissoient pas d’être lues, & généralement admirées.

3115. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre premier »

L’élocution ne laissait pas moins à désirer que la composition ; c’est même par la grossièreté de la composition, où chaque partie formait un tout, chaque détail une partie, que l’élocution était si vicieuse. […] On appela tout cela l’éloquence, et l’on se fit de l’éloquence un idéal auquel j’aime à voir tous les auteurs du temps aspirer, même au risque d’un peu d’emphase, et de cette « raisonnable fureur » à laquelle Balzac avoue naïvement s’être laissé parfois emporter.

3116. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Août 1886. »

C’est au milieu de tous les ennuis et tracas causés par le déficit qu’avaient laissé les représentations de 1876, que, en quelques semaines du printemps de 1877, le projet de poème fut parachevé et la versification terminée (Glasenapp, Biogr. 11, 483) ; et le 29 avril 1879 la composition était finie (1. c. 11, 512). […] Elle laissera sa place à son fils Siegfried pour des raisons de santé en 1906.

3117. (1881) La psychologie anglaise contemporaine «  M. Georges Lewes — Chapitre I : L’histoire de la philosophie »

Il se laisse duper par les mots : il croit expliquer toutes les facultés par les transformations de la sensation, sans s’apercevoir qu’il les suppose, et qu’en l’absence de facultés qui élaborent les sensations en perceptions, jugements, raisonnements, les sens n’élèveraient jamais sa statue au-dessus de la condition de l’idiot. […] Par suite, aussitôt que nous laissons la conscience pour l’inférence, le doute est possible212.

3118. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1856 » pp. 121-159

Il nous parle très curieusement de la religion laissée par Robespierre chez des amis, nous donnant des détails sur un nommé Henri Clémence, juré au Tribunal révolutionnaire, et qui, devenu maître d’école sous la Restauration, avouait, dans le vin, son culte pour l’Incorruptible, mélangé de l’apologie franche de la guillotine. […] Novembre Je rêvais (un rêve tout éveillé) que le bon Dieu descendait sur la terre, qu’il m’écrivait ma pièce (Les Hommes de lettres), qu’il la signait de son nom, qu’il la portait au Gymnase où le portier voulait bien le laisser monter chez M. de Montigny, qu’il obtenait une lecture, une réception, — et qu’enfin à la représentation, il se faisait claqueur.

3119. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1858 » pp. 225-262

E tutto… Et voilà ce que laisse Rachel : des diamants, des bijoux, de l’argenterie, des dentelles, des demi-reliures et du faux Sèvres. […] Elle se laisse enlever, et voici la fillette installée au château, où le comte s’amuse de sa villageoiserie, de son ignorance de tout, et l’enferme à clef dans sa chambre, le jour où il fait venir de Paris, des filles qu’il s’amuse à chasser nues dans son parc, sous des robes de gaze, que déchirent deux petits chiens de la Havane.

3120. (1809) Quelques réflexions sur la tragédie de Wallstein et sur le théâtre allemand

Eschyle nous a laissé deux ouvrages pareils, son Prométhée et ses trois tragédies sur la famille d’Agamemnon. […] Il n’avait pas osé le laisser aussi étranger à l’action qu’il l’est dans les meilleures tragédies de l’antiquité, celles de Sophocle : car je ne parle pas ici des chœurs d’Euripide, de ce poëte admirable, sans doute, par son talent dans la sensibilité et dans l’ironie, mais prétentieux, déclamateur, ambitieux d’effets, et qui, par ses défauts et même par ses beautés, ravit le premier à la tragédie grecque la noble simplicité qui la distinguait.

3121. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre IV. Comparaison des variétés vives et de la forme calme de la parole intérieure. — place de la parole intérieure dans la classification des faits psychiques. »

Un semblable idéal ne saurait être conçu pour l’imagination, car l’innovation expérimentale ne se suffit pas à elle-même ; elle suppose tout au moins des atomes d’états de conscience qui ne sont pas nouveaux et qui se laissent arranger capricieusement. […] On me dira que ce dernier parti pris n’est pas philosophique, et qu’il faut laisser aux historiens cette acception grossière du mot fait.

3122. (1897) Un peintre écrivain : Fromentin pp. 1-37

Au printemps dernier, je voyageais en Tunisie avec la caravane que dirigeait le Résident général de France, et je me rappelle l’impression de limpidité que me laissa le crépuscule, un jour que nous approchions du village de Téboursouk. […] Je crois que si Fromentin n’avait laissé que son Été dans le Sahara et son Année dans le Sahel, il serait aujourd’hui oublié : on parlerait encore du peintre ; l’écrivain n’aurait pas de nom.

3123. (1773) Discours sur l’origine, les progrès et le genre des romans pp. -

L’Auteur des Egarements du cœur & de l’esprit nous laisse les mêmes regrets. […] Il fait plus, il reçoit dans sa maison cet ancien amant de sa femme ; il s’absente même & les laisse tous deux exposés à des combats qui pouvoient finir par une défaite.

3124. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Charles Nodier après les funérailles »

Il laisse la foule, si elle lui déplaît, et s’en va égarer ses belles années dans les sentiers.

3125. (1874) Premiers lundis. Tome I « Espoir et vœu du mouvement littéraire et poétique après la Révolution de 1830. »

On a pu plaisanter fort agréablement sur le Cénacle littéraire ; et, certes, il faut le laisser parmi les souvenirs de la Restauration, où il avait bien le droit de figurer à distance respectueuse du canapé politique.

3126. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre IV. Des femmes qui cultivent les lettres » pp. 463-479

Tout est dit alors ; on l’abandonne à ses propres forces, on la laisse se débattre avec la douleur.

3127. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Édouard Rod »

Et l’ironie ou l’irritation que j’ai pu laisser voir tout à l’heure tournent à la louange de l’écrivain.

3128. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — C — Coppée, François (1842-1908) »

Que nous sommes loin du « Petit épicier de Montrouge », et combien « la Rose de Norvège » a laissé de parfums frais et ardents à la fois au front de son poète !

3129. (1890) L’avenir de la science « Sommaire »

Laisser faire le prêtre !

3130. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XVI. Miracles. »

Ces fous, qu’on laissait errer, comme cela a lieu encore aujourd’hui dans les mêmes régions, habitaient les grottes sépulcrales abandonnées, retraite ordinaire des vagabonds.

3131. (1863) Histoire des origines du christianisme. Livre premier. Vie de Jésus « Chapitre XX. Opposition contre Jésus. »

Mais les aristocrates de Jérusalem, qui le dédaignaient, avaient laissé les simples gens le tenir pour un prophète 935.

3132. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XXIII » pp. 237-250

        Laissons le monde et la croyance.

3133. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » pp. 326-344

Thomas s'est laissé éblouir par des applaudissemens suspects & trop précoces.

3134. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — II. La versification, et la rime. » pp. 257-274

Cependant, conclut notre écrivain, quelque imperfection qui se trouve dans nos vers, il faut les laisser tels qu’ils sont, parce que le mal est sans remède.

3135. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre II. Mme Le Normand »

Si vous en avez, de ces lettres, dans lesquelles l’âme et l’esprit de l’une et de l’autre aient laissé leur trace enflammée ou parfumée, ou lumineuse, donnez-les !

3136. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre XIII. Mme Swetchine »

Il seyait à cette pure femme de n’être vue que dans le jour respectueux du souvenir de quelque grande amitié qui répondait pour elle, comme celle de Joseph de Maistre, par exemple, ou dans la lumière, émue et rougissante, dont les quelques gouttes tremblent d’une manière si charmante, dans ce peu de pages qu’elle nous a laissées.

3137. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Royalistes et Républicains »

Mais il aura eu cela de bon, du reste, que, quel que soit l’avenir que Dieu nous garde, les pouvoirs qui viendront n’auront pas, comme ce pauvre Napoléon-Louis-le-Débonnaire, besoin de le reprendre, et qu’ils pourront le laisser expirer, délaissé, sur toutes les poussières qu’il aura faites.

3138. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « César Daly »

Et, en effet, prendre un chef-d’œuvre où il a été laissé, le continuer ou le réparer dans ses parties endommagées ou croulantes, n’est-ce pas montrer que, si l’on n’est pas le créateur même du chef-d’œuvre, on en est aussi près que possible, puisqu’on peut le suppléer dans l’achèvement de sa création ?

3139. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Antoine Campaux » pp. 301-314

la plaisanterie qui, bientôt, si on la laissait faire, ferait une dentelle d’un mur.

3140. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « M. Ch. de Barthélémy » pp. 359-372

Il eut pour lui Marie Lecsinska, et il laissa aux philosophes les Pompadour et les Dubarry.

3141. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Madame de Maintenon » pp. 27-40

Du reste, on laisserait de côté cette explication inattendue du xviie  siècle, trop fine peut-être pour frapper et pour attirer la majorité des esprits, qu’on ne pourrait pas oublier la grande personnalité historique qui remplit le livre, et qui, à elle seule, aurait suffi pour appeler et justifier, dans l’esprit d’un homme ayant l’instinct des grandes choses humaines, l’idée d’une histoire de l’institution de Saint-Cyr.

3142. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres d’une mère à son fils » pp. 157-170

Il a la badauderie des opinions courantes, qu’il ferait bien mieux de laisser courir.

3143. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « XVI. M. E. Forgues. Correspondance de Nelson, chez Charpentier » pp. 341-353

Oui, puisque cette histoire, trop anglaise peut-être pour un Français, — car elle nous fait saigner le cœur de tant de gloire contre nous, — tentait une intelligence assez ferme, assez enveloppée du triple airain pour la raconter, il y avait à la faire très grande, cette histoire, qui vous laisse petit, si vous n’êtes pas aussi grand qu’elle.

3144. (1888) Les œuvres et les hommes. Les Historiens. X. « M. Félix Rocquain » pp. 229-242

Pour moi, cet esprit qui ne s’est jamais interrompu dans ses destructions depuis qu’il a paru dans l’Histoire de France, s’y est glissé le jour où le principe religieux sur lequel était fondée une monarchie séculaire, a laissé s’introduire en elle l’effroyable termite qui n’a terminé sa besogne qu’en 1789, et qui n’a troué la cale du navire qu’après avoir troué le cœur de ceux qui auraient dû la préserver et la défendre.

3145. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Nelson »

puisque cette histoire, trop anglaise peut-être pour un Français, — car elle nous fait saigner le cœur de tant de gloire contre nous, — tentait une intelligence assez ferme, assez enveloppée du triple airain pour la raconter, il y avait à la faire très grande, cette histoire, qui vous laisse petit si vous n’êtes pas aussi grand qu’elle.

3146. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XI. Gorini »

Les prêtres vraiment prêtres n’ont ni nos manières de juger, ni nos manières de sentir la vie ; ils ne se laissent pas conduire par l’influence de nos misérables sentimentalités, et d’ailleurs peut-il y avoir une solitude pour qui fait descendre son Dieu tous les matins dans sa poitrine ?

3147. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXII. L’Internelle Consolacion »

Un homme de nos jours, tout ensemble métaphysicien et poëte, et dont l’habitude n’est pas de céder aux influences du monde qui l’entoure, a dit de l’Imitation qu’elle avait été laissée sur le seuil du Moyen Âge pour donner l’envie d’y pénétrer.

3148. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Georges Caumont. Jugements d’un mourant sur la vie » pp. 417-429

n’a condensé, dans les pages laissées derrière lui, que ce que le collège lui avait donné.

3149. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Devenu président parce qu’entre deux candidats significatifs à chance égale il était, lui, insignifiant, et par là ne divisait personne, Soulouque était alors (en 1847), nous dit d’Alaux, avec sa poignante familiarité de récit, « un bon gros et pacifique nègre qui, depuis 1804, époque à laquelle il était domestique du général Lamarre, avait traversé tous les événements de son pays sans y laisser de trace en bien ou en mal.

3150. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Charles De Rémusat »

Ce sont des personnages curieux, qui eurent beaucoup, les uns, d’esprit, les autres, de talent, et qui remuèrent les surfaces de leur société, mais qui ne laisseront pas le grand sillon dans cette mer d’airain de l’histoire, dont l’airain ne s’entame qu’à la force du poignet de la gloire !

3151. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Henri Cantel »

Seulement, s’il l’était vis-à-vis des autres, ce qui est toujours une question quand il s’agit de paganisme, l’auteur d’Impressions et Visions 27, nous n’hésitons pas à le dire, reste très coupable vis-à-vis de lui-même, parce qu’il a diminué un talent qu’on n’a point reçu pour qu’on le diminue en lui imposant des formes vieilles qu’il faut laisser là à tout jamais ; car le génie serait impuissant à les raviver, s’il pouvait en avoir l’idée.

3152. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Auguste Vacquerie  »

Et il l’empale, — sur ce pieu, — à la turque, et l’y laisse, après cinquante strophes pour arriver à ce pieu !

3153. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Ronsard »

Mais cette langue, qui marchait toujours, le laissa assis et isolé dans sa gloire, sur son socle de marbre froid et sous son laurier incompris.

3154. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Lamartine »

» Après vingt-cinq ans, les Roméos qui sont descendus du balcon de Juliette n’y remontent plus par la même échelle, et s’ils en sont descendus pour entrer, par le hasard de leur génie, dans la gloire, ils donneraient leur gloire pour y remonter… Ces Mémoires inédits et inachevés de Lamartine, et qu’il a peut-être laissés inachevés à dessein, l’Histoire devant se charger du reste, tromperont l’écho de nos petites têtes sonores auxquelles il faut toujours le bruit d’un grelot.

3155. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Milton, ce beau jeune homme qui ensorcelait les femmes, même quand il dormait ; Milton, cet Endymion de la poésie anglaise, auprès de qui une inconnue qui passait quand il dormait sur un gazon laissa les fameux vers : Occhi, stelle mortali, Si chiusi m’uccidite, Aperti, che farete 5 ?

3156. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « Eugène Sue » pp. 16-26

Il a donc réalisé le terrible mot de Stendhal, qui était aussi de cette boutique de la Libre Pensée et qui mourut frappé d’apoplexie sur le pavé, sans que Dieu lui laissai le temps d’être inconséquent à son célèbre dire : « la pénitence est une sottise.

3157. (1865) Les œuvres et les hommes. Les romanciers. IV « M. Jules Janin » pp. 159-171

Janin, qui entre aujourd’hui, et triomphalement, dans la peau de Diderot, — et laissons cette expression trop matérielle pour ce qu’elle veut exprimer, mais disons : dans l’individualité d’un talent énorme qu’il s’agit de s’assimiler, — M. 

3158. (1908) Les œuvres et les hommes XXIV. Voyageurs et romanciers « L’Abbé *** »

Il laisse ses ouailles, vole à Rome, où il est volé, détail délicat, par un monsignore italien qui lui fait payer des audiences qu’il ne lui livre pas, brise une grille de l’église du couvent où sa sœur est enfermée, la délivre, après des aventures que j’ose supprimer, de contrebandits honnêtes et de policiers scélérats, revient à Paris avec elle et fonde un journal à la barbe de ces Révérends Pères, qui n’en auront pas le démenti pourtant, car ils le font renvoyer du diocèse de Paris, puis interdire, puis maudire dans un concile provincial, et enfin crever de désespoir, puisqu’il faut que tout finisse, dans un hôpital des Pyrénées !

3159. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXVII. Des panégyriques ou éloges adressés à Louis XIII, au cardinal de Richelieu, et au cardinal Mazarin. »

Ils avouent que l’abaissement des grands était nécessaire ; mais ceux qui ont réfléchi sur l’économie politique des États, demandent si appeler tous les grands propriétaires à la cour, ce n’était pas, en se rendant très utile pour le moment, nuire par la suite à la nation et aux vrais intérêts du prince ; si ce n’était pas préparer de loin le relâchement des mœurs, les besoins du luxe, la détérioration des terres, la diminution des richesses du sol, le mépris des provinces, l’accroissement des capitales ; si ce n’était pas forcer la noblesse à dépendre de la faveur, au lieu de dépendre du devoir ; s’il n’y aurait pas eu plus de grandeur comme de vraie politique à laisser les nobles dans leurs terres, et à les contenir, à déployer sur eux une autorité qui les accoutumât à être sujets, sans les forcer à être courtisans.

3160. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il ne sera pas mis non plus parmi ces grands hommes d’état nés pour être conquérants et législateurs, puissants par leur génie, grands par leur propre force, qui ont créé leur siècle et leur nation, sans rien devoir ni à leur nation ni à leur siècle : cette classe des souverains n’est guère plus nombreuse que la première ; mais il en est une troisième qui a droit aussi à la renommée : ce sont ceux qui, placés par la nature dans une époque où leur nation était capable de grandes choses, ont su profiter des circonstances sans les faire naître ; ceux qui avec des défauts ont déployé néanmoins un esprit ferme et toute la vigueur du gouvernement, qui, suppléant par le caractère au génie, ont su rassembler autour d’eux les forces de leur siècle et les diriger, ce qui est une autre espèce de génie pour les rois ; ceux qui, désirant d’être utiles, mais prenant l’éclat pour la grandeur, et quelquefois la gloire d’un seul pour l’utilité de tous, ont cependant donné un grand mouvement aux choses et aux hommes, et laissé après eux une trace forte et profonde.

3161. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre IV. La philosophie et l’histoire. Carlyle. »

Le frôlement du doigt d’un enfant les met en contact et1407… » Il s’arrête brusquement et vous laisse à vos conjectures. […] Il faut l’étudier laborieusement pour l’entendre, ou bien avoir précisément le même genre d’esprit que lui ; mais peu de gens sont critiques de métier ou voyants de nature ; en général, on écrit pour être compris, et il est fâcheux d’aboutir aux énigmes. —  D’autre part, ce procédé de visionnaire est hasardeux ; quand on veut sauter du premier coup dans l’idée intime et génératrice, on court risque de tomber à côté ; la démarche progressive est plus lente, mais plus sûre : les méthodiques, tant raillés par Carlyle, ont au moins sur lui l’avantage de pouvoir vérifier tous leurs pas. —  Ajoutez que ces divinations et ces affirmations véhémentes sont fort souvent dépourvues de preuves ; Carlyle laisse au lecteur le soin de les chercher ; souvent le lecteur ne les cherche pas, et refuse de croire le devin sur parole. —  Considérez encore que l’affectation entre infailliblement dans ce style. […] Je le laisserai parler lui-même ; il va dire au lecteur ce qu’il a vu. […] Laissez de côté les formules métaphysiques et les considérations politiques, et regardez l’état intérieur de chaque esprit ; quittez le récit nu, oubliez les explications abstraites, et observez les âmes passionnées. […] L’impression qu’elle laisse est extraordinaire.

3162. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre huitième. L’introduction des idées philosophiques et sociales dans la poésie (suite). Victor Hugo »

Et ailleurs : Etre juste, au hasard, dût-on être martyr, Et laisser hors de soi la justice sortir, C’est le rayonnement véritable de l’homme150. […] Les vivants voient l’infini ; le définitif ne se laisse voir qu’aux morts162. » Cette distinction rappelle ἅπειρον et le πἐρας des anciens. « Malheur, hélas ! […] Sa doctrine est empreinte de ce pythagorisme qui a laissé tant de traces dans sa poésie. […] Hugo sont peintes dans ces quelques lignes : « Elle avait dans toute sa personne la bonté et la douceur… pour travail de se laisser vivre, pour talent quelques chansons, pour science la beauté, pour esprit l’innocence, pour cœur l’ignorance… Il l’avait élevée plutôt à être fleur qu’à être femme232. » Hugo a d’ailleurs compris et admirablement exprimé une des fonctions de la femme : « Ici-bas, le joli, c’est le nécessaire.

3163. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « Lamartine — Note »

si Lamartine avait pu disparaître et s’évanouir dans les airs comme Romulus, le lendemain ou le soir même de cette triomphante journée du 16 avril, qui fut sa dernière grande journée politique, quelle idée il aurait laissée de lui !

3164. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « quelque temps après avoir parlé de casanova, et en abordant le livre des « pèlerins polonais » de mickiewicz. » pp. 512-524

Théophile Gautier adopte un procédé exclusif d’expression et qu’il s’y laisse conduire, je ne prétends pas qu’au sein de ce procédé même il n’ait aucune variété ; s’il est sinistre et horriblement funèbre dans la Comédie de la Mort, il fait preuve de grâce dans maint sonnet et mainte villanelle.

3165. (1862) Portraits littéraires. Tome II (nouv. éd.) « Appendice à l’article sur Joseph de Maistre »

En faisant descendre tous ces dieux de leurs piédestaux pour les déclarer simplement grands hommes, on ne leur fait, je crois, aucun tort, et l’on vous rend un grand service… » Et il ajoutait en post-scriptum : « Je laisse subsister tout exprès quelques phrases impertinentes sur les myopes.

3166. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

L’on n’aperçoit point dans ses écrits une idée lointaine, un dessein caché : cette clarté, cette facilité qui distinguent ses ouvrages permettent de tout voir ; et ne laissent rien à deviner.

3167. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre I. La préparations des chefs-d’œuvre — Chapitre I. Malherbe »

Il méprise les Italiens, en théorie, encore qu’il se laisse aller trop souvent à faire des pointes.

3168. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Stendhal, son journal, 1801-1814, publié par MM. Casimir Stryienski et François de Nion. »

C’est l’impression que m’a laissée ce journal — dont je n’ai pu vous donner, par ces quelques lignes, qu’une idée fort imparfaite.

3169. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Richepin, Jean (1849-1926) »

Laissons le poète des Gueux croire et les foules avec lui à ces chemineaux vertueux qui proclament leurs devoirs paternels et se souviennent vingt ans après des filles qu’ils engrossèrent.

3170. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XIII » pp. 109-125

Je connais des princes du sang38, des princes étrangers39, de grands seigneurs façon de prince, de grands capitaines40, des gentilshommes, des ministres d’état41, des magistrats et des philosophes qui fileraient pour vous, si vous les laissiez faire. » Quelles devaient être les lettres de madame de Sévigné au surintendant Fouquet, lorsqu’en 1654, il se mit en tête de la séduire !

3171. (1904) Prostitués. Études critiques sur les gens de lettres d’aujourd’hui « Chapitre II. Filles à soldats »

[Paul et Victor Margueritte] Paul Margueritte dessina jadis des grisailles aimables et Jours d’épreuve par exemple ne m’a pas laissé un trop mauvais souvenir.

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