elles commencent, dans ces études qui ont fait l’occupation de toute notre vie, par où nous-mêmes à grand’peine nous finissons ; elles ont pour leur point de départ le résultat dernier des plus doctes recherches ; elles sont au courant, et mieux qu’au courant, dès leur première année, de ce qui a tant coûté aux autres à gagner et à conquérir !
Et les gens du monde n’hésiteront pas : ils reconnaîtront dans ces modernes leurs préjugés, leur esprit, leur confiance dans la raison de leur temps et de leur classe, leur penchant à ridiculiser tout ce qui n’est pas conforme à leurs manières et accessible à leur intelligence, leur incapacité artistique, leur impuissance à goûter d’autres beautés que celles de l’esprit de conversation et de la vie élégante.
Je me demande en frémissant quel peut bien être l’état d’esprit d’un homme qui se livre tous les jours de sa vie à de pareils exercices.
Si vous persévérez dans un tel genre de vie, vous ferez retourner le temps en arrière et vous reviendrez bientôt à l’âge de dix ans.
Le même jour, cette dame étant allée chez madame de Montespan, celle-ci la pensa étrangler et lui fit une vie enragée.
Il doit résulter de ce que nous avons dit, que l’imitation, bien loin d’être un vice, est au contraire un principe de vie & de développement pour les talens qu’on a reçus de la Nature.
C’est-là un des Apologues de La Fontaine dont la moralité a le plus d’applications, et qu’il faut le plus souvent répéter à notre vanité, qui est, comme il dit ailleurs, Le pivot sur qui tourne aujourd’hui notre vie.
Cherchez les scènes publiques ; soyez observateurs dans les rues, dans les jardins, dans les marchés, dans les maisons, et vous y prendrez des idées justes du vrai mouvement dans les actions de la vie.
Tous deux avoient perdu la vie dans les guerres d’Espagne.
Seneque écrit donc comme une chose rare, en parlant de Porcius Latro, un orateur son compatriote, son ami et son camarade d’étude : que ce Porcius qui avoit été élevé en Espagne, et qui étoit accoutumé à la vie sobre et laborieuse qu’on menoit encore dans les provinces, ne faisoit aucun remede pour conserver sa voix, qu’il n’observoit pas la pratique de la déploïer méthodiquement depuis le ton le plus haut jusques au plus bas et de la replier de même.
Si on était condamné en écrivant à se satisfaire pleinement soi-même, je ne sais si on écrirait une page en toute sa vie.
… Enfin toute religieuse et pure, et Imitation de Jésus-Christ et Introduction à la vie dévote qu’elle veuille être et se conserver, Mme Marie-Alexandre Dumas finit par ne plus y tenir ; et le tempérament Dumas prenant le mors aux dents, elle saute par-dessus toutes les réserves dans les terres de son père et de son frère, et la voilà qui nous raconte, — ma foi, tout aussi crûment qu’eux, — un horrible drame d’adultère et de meurtre que, pendant qu’elle est au couvent à Passy, son père et son frère, ces forts arrangeurs, pourraient planter à la scène et faire jouer.
Cette école, dont Augustin Thierry, revenu à la Vérité, se sépare, dit-on, par le plus généreux travail entrepris sur le livre qui a fait la gloire de sa vie (Histoire de la conquête de l’Angleterre), cette école, qui n’eut jamais d’ailleurs l’insouciante hardiesse de son fondateur, cache maintenant, sous des formes modérées et cauteleusement respectueuses, une hostilité contre le Christianisme, arrêtée et profonde.
Pascal, bien autrement triste que Molière, Pascal, le janséniste rechigné, l’inquiet, l’épouvanté, le hagard Pascal, qui certainement n’a pas ri une seule fois dans sa vie tourmentée, a donné, en ses Provinciales, un exemple d’impayable comique que Molière aurait pu admirer… Les esprits les plus gais qu’on ait vus, au contraire, ont parfois manqué de comique.
Tout autant que les individualistes, enfants trouvés ou perdus de Jean-Jacques Rousseau, auxquels il fait justement la guerre, Dupont-White n’a pas même l’air de se douter que l’État réel, dont il change les définitions aux pages viii, xiii xix, xx de sa préface, enfermé dans le cadre des mœurs, tient essentiellement dans cette double réserve de la famille et de l’ordre toujours retrouvée à la marée basse de toute révolution, et que peuvent toujours sortir de là, à la voix du législateur et du pouvoir, ramassé par le premier caporal venu, l’organisme social et la vie !
L’homme qui la lui donna était Louis Wihl, l’auteur des Hirondelles 34 et du Pays bleu 35, le poète dont nous allons parler ; Louis Wihl, l’homme le mieux fait pour assister Heine à son heure dernière, car il était son parent par l’esprit, le talent, la faculté poétique, et il était son supérieur par la foi en Dieu, les grandes croyances gardées, la droiture morale de la vie, et, tronc solide, il était bien en droit d’offrir à la liane qui allait s’abattre un dernier appui.
Ingres étale fièrement dans un salon spécial onze tableaux, c’est-à-dire sa vie entière, ou du moins des échantillons de chaque époque, — bref, toute la Genèse de son génie.
Le tonnerre, ministre de tes lois, repose sous tes mains invincibles ; ardent, doué d’une vie immortelle, il frappe, et la nature s’épouvante.
Le monde réparé, la terre réconciliée avec le ciel, un pacificateur entre Dieu et l’homme, un nouvel ordre de justice, une vie à venir et de grandes espérances, ou de grandes craintes au-delà des temps, tel était le tableau que cette éloquence présentait aux hommes.
Il y a six mille ans, les plantes et les animaux de l’Égypte étaient pareils à ceux d’aujourd’hui ; plusieurs espèces de plantes et d’animaux n’ont pas varié à travers les énormes intervalles des périodes géologiques ; d’un bout à l’autre de la terre, de nos jours et à des époques séparées de notre temps par des myriades de siècles, le petit mollusque dont la coquille forme la craie a la même structure et la même vie. — Bien plus, beaucoup de nos corps chimiques, l’hydrogène, le fer, le sodium, d’autres encore, se rencontrent dans le soleil, à trente-cinq millions de lieues de notre terre, au-delà encore dans des étoiles si éloignées qu’il faut plusieurs années à leur lumière pour arriver jusqu’à nous, ou que leur distance échappe à toutes nos mesures. — À cette distance prodigieuse, les astres restent pesants comme notre terre ; on s’en est assuré par les mouvements des étoiles doubles. […] Les uns le sont davantage, les autres moins ; chacun d’eux est d’autant plus général qu’il est moins complexe et d’autant moins complexe qu’il est plus général. — En effet, considérons d’abord le groupe de caractères qui persiste dans un être particulier, dans tel homme, à travers les moments successifs de sa vie. […] L’enfant invente et découvre incessamment et de lui-même ; il n’y a pas d’époque dans sa vie où son intelligence soit si créatrice.
Et elle se justifie aussi sur les obscurités qu’on lui a reprochées ; puis elle revient au point essentiel et qui la pique : Mais je crois que l’ouvrage ne manque pas de style, c’est-à-dire de vie et de couleur, et qu’il y a, dans ce qu’on peut remarquer, autant d’expressions que d’idées… En vérité, ajoute-t-elle, comme pour s’excuser de sa louange, je me crois sûre que l’auteur et moi nous sommes deux ; femme jeune et sensible, ce n’est pas encore dans l’amour-propre qu’on vit. Le temps ne viendra que trop tôt où mon livre sera le premier événement de ma vie.
Froissart ne sera jamais un historien critique comme Tillemont, ni encore moins un historien philosophe comme Gibbon ; mais sa vocation, réduite à toute sa simplicité, à l’enquête curieuse et à la vive représentation des faits, n’en paraît que plus en saillie ; nous avons vu cette vocation courir et jouer pour ainsi dire devant nos yeux dès son enfance, et il passa toute sa vie à la satisfaire. […] La réflexion qui termine et que l’auteur ne fait pas en son nom, mais qu’il place dans la bouche des chevaliers présents, ce pronostic tout flatteur et favorable sur l’avenir du prince-roi, s’il lui est donné de vivre pour y atteindre, rappelle dans une perspective éloignée l’instabilité des choses humaines et les compensations du sort, qui ne permet pas aux plus heureux d’accomplir tout leur bonheur :-ce prince si brillant, et à qui tous souhaitent vie, ne régnera pas en effet, et mourra plein de gloire, mais avant le temps.
Ce mariage compte dans sa vie, même militaire et publique, parce qu’on prétendit qu’il était amoureux et jaloux au point de déranger quelquefois ses opérations de guerre en vue de sa passion et dans ses inquiétudes d’homme de cinquante ans pour sa jeune femme. […] Villars eut toute sa vie à combattre ce déchaînement de la Cour et les mille histoires qu’on y faisait sur lui.
Rollin, quoique bien critiqué en plusieurs endroits, mais qui est composé de grâces et de choses qui plaisent, l’emportera toujours sur la critique de son adversaire qui tient du collège et qui a un peu trop orgueilleusement raison. » Mais surtout les auteurs favoris de Marais sont les grands écrivains du siècle précédent ; il ne s’en tient pas à Boileau, son oracle ; à ses moments perdus, il se complaît et s’adonne à La Fontaine, dont le premier il s’avisa de composer une sorte de Vie puisée aux originaux et dans les ouvrages mêmes du poète, devançant ainsi le genre et la méthode des Walckenaer, pour la biographie littéraire. […] Il fallait une historienne pour bien dire tous les détails de la vie d’une Régente, et il n’y a qu’une femme qui puisse bien savoir certains secrets des femmes.
Une des choses qu’on apprend le mieux en profitant de l’expérience, c’est le mélange en tout, le faux et le vrai, le bon et le mauvais, se rencontrant, se contredisant, et pourtant… étant, comme dirait La Fontaine : dans un individu, un défaut radical n’empêchant pas de grandes qualités et de vrais talents en lui à côté, au sein de ce défaut, et ces grands talents ou ce génie n’empêchant pas le défaut de revenir les gâter et y faire tache : c’est là l’homme et la vie. […] Berlin l’aîné, sous ses arbres des Roches, où tous ceux qui l’ont approché ont pu apprécier dans son dire un si grand sens des choses de la vie ; mais pour Dieu !
Dans l’ardeur de votre zèle inquisitorial, vous confondez avec des écrits, peut-être méprisables en effet (je ne les ai pas tous lus), le noble Jean Reynaud et sa philosophie religieuse, sa soif d’immortalité, sa vie future dans les astres. […] Si rassurer et consoler les intérêts et les instincts conservateurs est une partie essentielle de sa tâche, ne pas déserter, ne pas laisser entamer les droits acquis par la Révolution, ses conquêtes morales, est une partie non moins essentielle, plus essentielle encore (s’il était possible) de sa vie.
. — Conception écourtée de l’homme et de la vie humaine. […] Considérez tour à tour, pendant la même période, en France et en Angleterre, le genre où elle a son plus large emploi, le roman, sorte de miroir mobile qu’on peut transporter partout et qui est le plus propre à refléter toutes les faces de la nature et de la vie.
Dans la seule province de Normandie, je trouve des séditions en 1725, en 1737, en 1739, en 1752, en 1764, 1765, 1766, 1767, 1768619, et toujours au sujet du pain. « Des hameaux entiers, écrit le Parlement, manquant des choses les plus nécessaires à la vie, étaient obligés, par le besoin, de se réduire aux aliments des bêtes… Encore deux jours et Rouen se trouvait sans provisions, sans grains et sans pain. » Aussi la dernière émeute est terrible, et, cette fois encore, la populace, maîtresse de la ville pendant trois jours, pille tous les greniers publics, tous les magasins des communautés Jusqu’à la fin et au-delà, en 1770 à Reims, en 1775 à Dijon, Versailles, Saint-Germain, Pontoise et Paris, en 1782 à Poitiers, en 1785 à Aix en Provence, en 1788 et 1789 à Paris et dans toute la France, vous verrez des explosions semblables620 Sans doute, sous Louis XVI, le gouvernement s’adoucit, les intendants sont humains, l’administration s’améliore, la taille devient moins inégale, la corvée s’allège en se transformant, bref la misère est moindre. […] Visiblement, pour l’homme du peuple, paysan, artisan, ouvrier, qui subsiste par le travail de ses bras, la vie est précaire ; il a juste le peu qu’il faut pour ne pas mourir de faim, et plus d’une fois ce peu lui manque621.
Agamemnon va mourir, aucun pressentiment ne l’avertit de sa fin prochaine ; pourtant il semble déjà en dehors et au-dessus de la vie. […] Du haut de son malheur, Cassandre jette un regard désespéré sur la vie.
Lorsque Fra Paolo, le publiciste du conseil des dix, écrivait : « Que le peuple soit pourvu des choses nécessaires à la vie ! […] Elle a inspiré ces belles maximes éparses dans sa correspondance : « En toutes choses, il faut viser à la perfection ; — ce monde appartient à l’énergie ; — la grande maladie de l’âme, c’est le froid. » Sa vie même a été une confirmation de ses doctrines ; c’était une nature noble et haute, admirablement sincère, ayant toujours devant les yeux la grandeur morale ; c’était une personne, une âme, un caractère.
. — Il se prépare ici une saison assez littéraire, assez poétique même : nous allons avoir dans une quinzaine un volume lyrique de Hugo ; il y aura des vers d’amour ; malgré toutes les hésitations, il se décide à son coup de tête, et bien que ce soit une unité de plus qu’il brise dans sa vie poétique (l’unité domestiqueaprès à politique et la religieuse), peu importe à nous autres frondeurs des unités et au public qui ne s’en soucie plus guère : les beaux vers, comme seront les siens, je n’en doute pas, couvriront et glorifieront le péché.
Si l’on veut connaître le duc de La Rochefoucauld-Liancourt, sa vie est partout, son souvenir revit dans de nombreuses institutions de bienfaisance.
reprit vivement Napoléon, ne me parlez pas d’une religion qui ne me prend qu’à vie, sans m’enseigner d’où je viens et où je vais. » Napoléon touchait là du doigt les deux pôles de toute religion.
L’idée de liberté, ainsi adoptée dans sa plénitude rejoignait si bien l’autre idée première d’association pacifique et d’unité intellectuelle à établir entre tous les peuples ; elle y ramenait si directement en faisant tomber les douanes de diverse nature qui s’opposaient à la communication libre des nations les unes avec les autres ; le moyen, en un mot, semblait si bien adapté au but, et le but tellement ressortir du moyen, qu’un homme dont toute la vie avait été consacrée à produire cette association et cette unité, Saint-Simon, frappé vivement de l’aspect du journal et de sa tendance définitive, crut un moment qu’il y avait peu à faire pour élever et consacrer l’idée du Globe à sa propre conception.
Jamais, du reste, je n’ai été réellement dupe de ces illusions ; mais mon esprit était souvent las de corriger incessamment les impressions nouvelles, et je me laissais aller à vivre de la vie malheureuse de ce nouvel être.
Peut-être même les astres nous apprendront-ils un jour quelque chose sur la vie ; cela semble un rêve insensé, et je ne vois pas du tout comment il pourrait se réaliser ; mais, il y a cent ans, la chimie des astres n’aurait-elle pas paru aussi un rêve insensé ?
Stéphane Mallarmé me paraît être le plus étonnant artiste de ceux-là… Chacun de ses poèmes est un drame musical comme les drames de Wagner et expriment parfaitement dans son unité la Vie, ce qui est, certes, le but suprême à atteindre.
Par sa conversation, la vie sociale s’était perfectionnée ; les personnes s’étaient classées ; les sympathies d’esprit, de cœur, de caractère, même de conditions sociales, s’étaient rencontrées, reconnues, agrégées ; les existences se touchaient diversement ; les distinctions les plus faiblement marquées entre les personnes, mettaient des nuances dans leurs relations réciproques.
Pétri de la plus vive sensibilité, emporté par un tempérament plein de bile & de feu, aigri par les contradictions, les circonstances de sa vie ont été la source de sa misanthropie, & cette misanthropie est devenue, à son tour, le véhicule de ses talens, En adoptant ces réflexions, il ne sera pas impossible d’expliquer pourquoi, avec des lumieres si supérieures, cet Ecrivain a avancé avec tant de sécurité tous les paradoxes qui se sont trouvés d’accord avec les dispositions de son humeur & la tournure de ses idées ; pourquoi le pour & le contre sont traités, dans ses Ecrits, avec la même force.
Je ne me déplairai pas six mois devant mon ouvrage… il y a pourtant un ciseau, des beautés, de la peau, de la chair dans cette insipide figure ; elle est faite largement ; il y a de la souplesse, du sentiment, de la vie.
Tandis qu’on fait un conte, on est gai, on ne songe à rien de fâcheux, le temps se passe, et le conte de la vie s’achève sans qu’on s’en apperçoive.
Ce qu’il trouve de plus heroïque dans la vie de Charles-Quint, c’est que ce grand empereur ait ramassé lui-même le pinceau du Titien.
Quand on l’a trouvé, c’est une victoire, il ne faut point passer sa vie à chercher des chiffres et à déchiffrer.
Il n’y a ni âme ni justice, ni devoir, ni vie future, ni art d’écrire, ni travail, ni formation du style, ni vérité, ni méthode, ni enseignement.
Tout le monde n’est pas bâti pour faire un héros et même le métier n’en vaut rien, au point de vue des aises et des tranquillités de l’existence, mais il y a des gens pourtant qui se sentent faits pour cette mauvaise vie des héros.
Tourgueneff est exclusivement un moraliste-paysagiste, à travers les préoccupations de carnassière qui sont toute sa vie !
Il semble, lui qui avait fait vœu de pauvreté dans la vie, avoir fait vœu aussi de pauvreté en invention.
Parti non le premier, ni même le second des Coureurs Olympiques du temps, il est arrivé aujourd’hui, montrant plus que ce maigre volume de poésies qui a suivi au bout de tant d’années les Contes d’Espagne et d’Italie (cette éblouissante promesse d’une jeunesse, trahie par la virilité), et n’ayant jamais eu dans sa vie de Contemplations !
Mais d’ailleurs, lorsque nous concédions à l’égalitarisme la capacité d’appeler à la vie les différentes formes sociales que nous avons énumérées, nous faisions la partie trop belle à nos adversaires.
L’orateur parle avec éloquence de tous les maux que nos ancêtres ont soufferts sous ce tyran ; il peint les brigandages et les rapines, les riches citoyens proscrits, leurs maisons pillées, leurs biens vendus, l’or et les pierreries arrachées aux femmes ; les vieillards survivant à leur fortune ; les enfants mis à l’enchère avec l’héritage de leurs pères ; le meurtre employé comme les formes de justice, pour s’enrichir ; l’homme riche invoquant l’indigence, pour échapper au bourreau ; la fuite, la désolation ; les villes devenues désertes et les déserts peuplés ; le palais impérial, où l’on portait de toutes parts les trésors des exilés et le fruit du carnage ; mille mains occupées jour et nuit à compter de l’argent, à entasser des métaux, à mutiler des vases ; l’or teint de sang, posé dans les balances, sous les yeux du tyran ; l’avarice insatiable engloutissant tout, sans jamais rendre, et ces richesses immenses perdues pour le ravisseur même qui, dans son économie sombre et sauvage, ne savait ni en user, ni en abuser ; au milieu de tant de maux, l’affreuse nécessité de paraître encore se réjouir ; le délateur errant, pour calomnier les regards et les visages, le citoyen qui de riche est devenu pauvre, n’osant paraître triste, parce que la vie lui restait encore, et le frère, dont on avait assassiné le frère, n’osant sortir en habit de deuil, parce qu’il avait un fils.
Les Carthaginois se trouvèrent dans le premier cas : le traité qu’ils avaient fait avec les Romains leur avait assuré la conservation de leur vie, de leurs biens et de leur cité ; par ce dernier mot ils entendaient la ville matérielle, les édifices, urbs dans la langue latine ; mais comme les Romains s’étaient servis dans le traité du mot civitas, qui veut dire la réunion des citoyens, la société, ils s’indignèrent que les Carthaginois refusassent d’abandonner le rivage de la mer pour habiter désormais dans les terres, ils les déclarèrent rebelles, prirent leur ville, et la mirent en cendres ; en suivant ainsi le droit héroïque, ils ne crurent point avoir fait une guerre injuste.
Ils sont fort philosophes sur les biens et les maux de la vie, sur l’espérance et sur la crainte de l’avenir ; peu entachés d’avarice, ne désirant d’acquérir que pour dépenser. […] Il portait que le lieutenant du pacha qui était devant la forteresse de Ruchs s’étonnait de ce qu’il ne venait point se soumettre à lui et lui rendre l’hommage, puisque la Mingrélie appartenait au Grand Seigneur ; que le pacha avait ordonné d’en bien user avec ceux qui se joindraient aux Turcs, mais de traiter en ennemis ceux qui refuseraient de le faire ; que s’il voulait sauver ses biens, sa vie, son château et tout ce qui était dedans, il eût à aller recevoir promptement les ordres du pacha. […] X Après avoir émerveillé et ébloui l’imagination de ses lecteurs par ce panorama de puissance et de richesse du royaume dont on lui découvre les entrailles, Chardin passe à la religion, à la politique, aux mœurs, et nous introduit dans la vie publique et dans la vie privée de ce peuple. […] Tous les musulmans croient que les moindres circonstances de la vie de chaque homme sont écrites de toute éternité dans un livre déposé au ciel, où, suivant le texte même d’Al-Bédaouy, célèbre commentateur, « elles sont décrétées et écrites sur une table conservée avant leur existence. » Il est inutile d’accumuler les citations pour prouver que les musulmans nient toute espèce de libre arbitre ; leur fatalisme absolu et sans bornes est connu de tous ceux qui connaissent l’existence de la religion musulmane.
Ces mots dont on peut dire que « toute notre vie passée s’y renferme et se lève avec eux devant nous131 », n’ont un sens si plein que pour l’individu qui les conçoit ; c’est donc dans la parole intérieure qu’ils surgissent à la conscience ; dits à autrui, ils n’auraient pas la valeur qu’ils ont pour nous ; pour la leur donner, il faudrait les commenter, et mieux vaudrait alors les remplacer tout à fait par un discours détaillé et explicite. […] Nous n’avons pas l’habitude, dans la vie ordinaire, de reconnaître la parole intérieure comme telle, alors même que nous reconnaissons les faits qui reviennent avec elle à la conscience, et, par suite, nous ne savons pas la distinguer de la réflexion ou de la rêverie ; elle est pour nous, dit très justement de Bonald, « comme la vie, dont nous jouissons sans savoir ce qu’elle est »160. […] Toute notre vie passée s’y renferme et se lève avec eux devant nous.
Du moins on la dépouillera de toutes les qualités qui donnent la vie. […] Mais que conclure de là, sinon que l’éducation subsiste une fois reçue, et que les données de la mémoire, plus utiles dans la vie pratique, déplacent celles de la conscience immédiate ? […] Nous nous plaçons donc d’emblée dans l’ensemble des images étendues, et dans cet univers matériel nous apercevons précisément des centres d’indétermination, caractéristiques de la vie. […] Aucune perception ne peut résulter de là, et nulle part, dans le système nerveux, il n’y a de centres conscients ; mais la perception naît de la même cause qui a suscité la chaîne d’éléments nerveux avec les organes qui la soutiennent et avec la vie en général : elle exprime et mesure la puissance d’agir de l’être vivant, l’indétermination du mouvement ou de l’action qui suivra l’ébranlement recueilli.
Tant que cette histoire dure, il y règne, il y circule un souffle de jeunesse, d’espérance, celui même de l’aurore de la Révolution, celui de 89 et de 91, et c’est ce qui en fait l’unité et la vie.
Le mariage, entre autres choses essentielles dans la vie, est de celles qui se respectent d’autant plus qu’on en parle moins et qu’on les prêche moins.
Montesquieu semble donner la vie aux idées, et rappelle à chaque ligne la nature morale de l’homme au milieu des abstractions de l’esprit.
Quel beau commencement d’une vie littéraire qui reste l’une des plus dignes d’envie de ce siècle, malgré les fréquentes misères dont elle a été troublée par l’imprévoyance, la prodigalité et le désordre !
Nier l’immortalité de l’ame, ôter tout frein aux passions, confondre les notions du bien & du mal, réduire tout à l’amour de soi-même, exterminer toutes les vertus, rompre tous les liens, attaquer les Loix, renverser les principes, ne faire, en un mot, de la vie humaine qu’un tissu de motifs arbitraires, d’intérêts personnels, d’appétits sensuels & déréglés, d’actions animales* ; la terminer par un anéantissement entier, ou préconiser un suicide aveugle qui, par foiblesse ou par désespoir, en abrege le cours : n’étoit-ce pas en insulter les membres, & leur porter les coups les plus funestes ?
On désireroit seulement qu’il eût été moins prolixe dans cet Ouvrage ; défaut qu’il n’a pas plus évité dans ses excellentes Remarques sur les Tragédies de son pere, que dans les Mémoires qu’il a publiés pour servir à l’Histoire de la Vie de cet illustre Poëte.
Il s’était joué lui-même sur cette incommodité dans la cinquième Scène du second Acte de L’Avare, lorsque Harpagon dit à Frosine « Je n’ai pas de grandes Incommodités Dieu merci, il n’y a que ma fluxion qui me prend de temps en temps » ; À quoi Frosine répond, « Votre fluxion ne vous sied point mal, et vous avez grâce à tousser. » Cependant c’est cette toux qui a abrégé sa vie de plus de vingt ans.
On peut considérer l’institution d’un prêtre sous trois points de vue généraux : les mœurs, les connaissances et les fonctions ; et les fonctions sous deux autres aspects : les fonctions publiques et les fonctions privées ou ce qui tient à sa vie domestique.
huit petits morceaux en miniature, représentant la vie de la vierge. du même.
Dieu n’a donné qu’une fois à tous les êtres la faculté de se perpétuer ; et les espèces continuent leur vie immortelle.
La vie est trop courte pour rechercher quelle fut la besogne de ces tisserands obscurs, d’Amable de Bourzeis, de Bois-Robert, de Gombauld, de Gérard, de Laugier, de Giry, de Hébert, de Servien et de tant d’autres, enterrés et ensevelis sous leur fauteuil et n’ayant plus que dans les cahiers de l’Académie leur épitaphe.
Quelle est cette ironie fatale, qui se mêle jusqu’à ses tendresses, car il rit de la femme qu’il aime et, grâce amère de la vie !
… Francis Wey a le ferme bon sens qui devient, en toutes choses, très vite le grand sens, et il a aussi cette mâle finesse de la prudence qui n’est pas la prudence femelle, celle de la lâcheté… Son style, à la trame serrée, étoffée à pleine main, solide, et dont je me permettrai de dire qu’on en sent le grain comme celui d’un maroquin étincelant qui prend et retient la lumière, est bien le style qui convient à un esprit net, avisé (que les sots croiront retors parce qu’il est avisé), sagace enfin, et dont la sagacité naturelle a été aiguisée par l’étude première et continuée de toute sa vie, — l’étude de l’Histoire.
Nature nerveuse et contemplative, si nerveuse, sous les placidités extérieures de la force, qu’il ne pouvait rester dans les ténèbres, et si contemplative, que jusqu’à plus de moitié de sa vie il porta à son insu la puissance de l’action dans le fond mystérieux de son être, comme il y portait aussi la puissance des passions charnelles qui éclatèrent si tard en lui et qui finirent par dégrader sa calme et grande physionomie.
Les pères de famille avaient un droit souverain de vie et de mort sur leurs fils, et la propriété absolue de leurs acquêts.
D’autre part, la mémoire revenant, les images et les idées renaissantes enveloppent l’image par leur cortège, entrent en conflit avec elle, lui imposent leur ascendant, la tirent de sa vie solitaire, la ramènent à la vie sociale, la replongent dans sa dépendance habituelle. […] On en trouve plusieurs exemples dans la vie de Balzac, de Gérard de Nerval, d’Edgar Poe et d’autres grands artistes.
J’y vois, sous forme légère, l’emblème et l’image de nos propres générations, de nos vies inégales et inconstantes. […] Il continua toute sa vie de balancer les opinions des Anciens, de les équilibrer les unes par les autres, de dire : « Ceci est juste, cela ne l’est pas ; il y a un milieu ; dans le doute il est bon de s’y tenir. » — Mais ce n’est point avec ces balancements et ces alternatives qu’on agit sur le public et qu’on entre dans les esprits, surtout quand le style est aussi neutre et aussi peu tranchant que la pensée.
L’imprécation paternelle à peine proférée prenait souffle et vie ; elle entrait dans une divinité vengeresse, accourue pour l’exécuter, du fond de l’Érèbe. […] diras-tu : Une place au tombeau de leurs pères. » La Bible a de cruels jeux de mots ; Hamlet, au cimetière d’Elseneur, lorsqu’il frappe du doigt sur les crânes vides de leurs convoitises et de leurs passions, a des sarcasmes qui font frissonner : — aucun plus terrible que ce dernier trait : « Leur haine a cessé, leurs vies se sont mêlées sur la terre.
Mais que ces révélations, d’ordinaire fugitives et rares, se succèdent et se reproduisent incessamment dans une âme ; qu’elles se mêlent à toutes ses idées et à toutes ses passions ; qu’elles jaillissent, éblouissantes et lumineuses, de chaque endroit où se porte la pensée, des récits de l’histoire, des théories de la science, des plus vulgaires rencontres de la vie ; que, cédant enfin à ces innombrables sensations qui l’inondent, l’âme se mette à les répandre au dehors, à les chanter ou à les peindre, là est le signe, là commence le privilège du poète.
Le livre de M. de Régnier manquerait un peu de rapidité et de vie.
Ils se jettent du pont dans la mer, le navire allégé atteint le rivage, Xerxès, parce que le pilote a sauvé la vie du roi, lui fait présent d’une couronne d’or ; et il lui fait trancher la tête, parce que son conseil a causé la mort de beaucoup de Perses.
Le métaphysicien alors se demandera comment il a pu passer du moi au non-moi : c’est-à-dire qu’après avoir artificiellement sépare deux termes inséparables, il cherchera vainement un moyen naturel de les ramener à cette continuité qui est la vraie loi de la vie et de la conscience.
Autour de lui, hommes et femmes écoutaient, « devenaient clers et sçavants en peu d’heures, et parloyenl de prou de choses prodigieuses, élégantement et par bonne mémoire : pour la centième partie desquelles sçavoir ne suffirait la vie de l’homme : des Pyramides, du Nil, de Babylone, des Troglodytes, des Himantopodes, des Blemmyes, des Pygmées, des Caníbales, des mons Hyperborées, des Egipanes, de tous les diables, et tout par ouydire. » Or la satire ne vise pas ici seulement le savoir populaire, car autour d’Ouydire et prenant attentivement des notes, Rabelais n’a pas manqué de faire figurer Hérodote et Pline, Marco-Paulo, Strabon, Albert le Grand, tout un lot d’auteurs dont les livres en vogue dispensaient aux écoliers de son temps les notions enregistrées jusque-là par la science humaine.
La Mothe, après avoir passé toute sa vie à faire des vers, finit par les décrier.
D’après un trait de la vie de La Fontaine, que j’ai raconté, on a vu qu’il allait quelquefois entendre les charlatans de place, et on voit par cette fable qu’il ne perdait pas son temps.
En effet, les poëtes anciens seroient aussi surpris d’apprendre sur quels endroits de leurs ouvrages le commun des commentateurs se récrie davantage, que s’ils venoient à sçavoir ce que l’abbé de Marolles et les traducteurs de son espece leur font dire quelquefois ; les professeurs qui toute leur vie ont enseigné la logique, sont-ils ceux qui connoissent le mieux quand un homme parle de bon sens et quand il raisonne avec justesse ?
Mallet-Dupan, le survivant dans le désespoir funèbre de Mirabeau, passa toute sa vie à répéter contre le royalisme le cri terrible qu’en mourant Mirabeau avait jeté.
César Daly, avec ses opinions philosophiques, le tour indépendant de son esprit et toute la vie de son impatiente originalité, interpréterait-il bien l’idée chrétienne d’un monument qui remontait à un autre âge, à un âge dont il a dit parfois que les inspirations étaient finies ?
Stuart Mill, qu’il a cherché pour cette notice une forme qui lui donnât ce qu’elle n’avait point, — de l’agrément et de la vie.
Et quand tout est fini, quand l’œuvre à laquelle il a consacré sa vie et à laquelle il eût voulu la sacrifier est interrompue par cette mort du Roi et de la Reine de France, que les misérables souverains du temps ne surent empêcher, il n’a pas une récrimination !
Il était enfin naturel de croire qu’elle percerait assez avant dans l’intimité cachée de l’Histoire pour toucher le point initial de l’influence subie, pour pénétrer jusqu’au germe où dormait la vie dans cet œuf terrible, qui, pour ce qu’il a donné au monde, a dû mettre plus de trois quarts de siècle à couver !
Dumas, l’épicurien sentimental, qui croit, comme madame de Staël, que le but légitime de la vie est le bonheur individuel et non pas le perfectionnement moral, n’a pas mis à côté des idées de madame de Staël une idée qui prouvât à cette glorieuse jupe que l’homme, en matière d’État, est, comme en tout, au-dessus de la femme… Pour mon compte, j’accepte le tranchant de la hache qui a coupé une tête de plus dans nos institutions.
Cherchant à s’appuyer sur des explications plus vulgaires, Gustave d’Alaux parle d’imitation intelligente ; mais l’imitation du nègre, comme celle des enfants et des domestiques, est beaucoup plus l’imitation des défauts que des qualités de leurs supérieurs et de leurs maîtres, et la vie tout entière de Soulouque, qui avorte même à parodier Napoléon, est la preuve sans réplique de cette imitation aveugle, grotesque et fatale !
Ces deux guerres où un roi eut le malheur de combattre contre ses peuples, furent véritablement l’époque la plus brillante de sa vie.
L’orgueil de la vie enivre aisément les vivants, surtout s’ils se comparent à ceux qui ne sont plus : c’est déjà une telle supériorité que celle de vivre !
Le style dans ce procédé constant, si par bonheur on n’y dérogeait pas quelquefois, n’aurait plus rien de la souplesse naturelle et du libre mouvement de la vie ; il ne serait plus qu’un vernis, qu’un émail, qu’une écaille universelle.
Il n’y a plus que des individus juxtaposés ; chaque homme retombe dans sa faiblesse originelle, et ses biens, sa vie sont à la merci de la première bande qui saura se former.
Mais allais-je vous conter la vie de collège ou de volontariat, de coulisses et de salles de rédaction des auteurs représentés aujourd’hui ?