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598. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Cromwell » (1827) »

À force de méditer sur l’existence, d’en faire éclater la poignante ironie, de jeter à flots le sarcasme et la raillerie sur nos infirmités, ces hommes qui nous font tant rire deviennent profondément tristes. […] Tantôt il jette du rire, tantôt de l’horreur dans la tragédie. […] On rirait d’un cordonnier qui voudrait mettre le même soulier à tous les pieds. […] Il n’est là qu’une forme, et une forme qui doit tout admettre, qui n’a rien à imposer au drame, et au contraire doit tout recevoir de lui pour tout transmettre au spectateur : français, latin, textes de lois, jurons royaux, locutions populaires, comédie, tragédie, rire, larmes, prose et poésie. […] Il ferait passer à chaque instant l’auditoire du sérieux au rire, des excitations bouffonnes aux émotions déchirantes, du grave au doux, du plaisant au sévère.

599. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Charles Labitte »

Cette idée seule d’une tendresse enfantine (dont tu ris maintenant avec raison, et qui cependant pourrait servir de matière à de jolis vers) est gracieuse et vraie. […] Auguste Bernard exige absolument qu’on lui produise, après plus de deux siècles, un acte notarié et un procès-verbal authentique en faveur de ces noms, il peut se flatter d’avoir gain de cause ; mais, faute de ce certificat, auprès de tous ceux qui entendent le mot pour rire, et qui savent encore saisir au vol la voix de la Renommée, cette chose jadis réputée divine et légère, la gloire de Pithou, de Rapin et de Passerat, n’y perdra rien. […] Elle me donne le droit de ne plus croire qu’à très-peu de choses, de me lier aux idées plutôt qu’aux hommes, de rire des sols, de mépriser les fripons de toute nuance, de me réfugier plus que jamais dans l’idéale sphère du vrai, du beau, du bien, et d’avoir à cœur encore les bonnes, les vieilles, les excellentes amitiés de quelques fidèles.

600. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Note I. De l’acquisition du langage chez les enfants et dans l’espèce humaine » pp. 357-395

» elle se tourne vers ce portrait et lui rit. […] Supposez qu’un peuple s’arrête à cette idée et rie définisse pas la mort autrement. […] On se cache la figure dans les mains en lui disant ce mot, et il rit ; souvent alors, il le répète, en se cachant aussi le visage dans la poitrine de la personne qui le tient ou en détournant la tête et en fermant les yeux. — 2º Avoua (au revoir) ; on lui dit ce mot, et il le répète quand on le ramène dans la chambre des enfants et qu’on ferme la porte ; il cesse alors de nous voir, et probablement ce mot signifie pour lui disparition de quelqu’un, disparition de certaines figures qu’il connaît. — Nul autre mot ; il ne comprend pas les mots papa, maman, quoiqu’il les dise parfois en façon de ramage.

601. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre I. Littérature héroïque et chevaleresque — Chapitre I. Les chansons de geste »

Mais le Français aime à rire : parallèlement au romanesque, le comique s’insinue dans les chansons de geste, et y fait aussi tache d’huile. […] L’auditoire rit de bon cœur quand d’honnêtes marchands enseignent le commerce à un Vivien, à un Hervís46, les mettent à la vente, les envoient aux foires, étonnés de leurs répugnances, scandalisés de leurs bévues, comme d’honnêtes poules qui voudraient instruire de jeunes faucons à picorer sur un pailler. Il rit quand les jeunes apprentis, sentant bouillir leurs instincts de largesse et de bataille, rentrent à la maison sans marchandises, sans argent, montés sur quelque destrier fourbu, une vieille cuirasse au dos, un noble épervier sur le poing.

602. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Figurines (Deuxième Série) » pp. 103-153

« Vénus en rit, les nymphes en rient, et Cupidon s’en amuse, en aiguisant ses flèches sur un grès ensanglanté. […] Mais, dès ce temps-là, j’avais confiance dans la netteté des traits de son visage ; dans sa mâchoire, qui est robuste ; dans le timbre si franc de son rire, et enfin, dans un certain regard, qui n’était pas d’un faible ou d’un efféminé.

603. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre XVII, l’Orestie. — les Euménides. »

Et Pallas-Athéné rit, et l’insulta en paroles rapide : Insensé qui luttes contre moi ? […] En dehors de leurs fonctions, on ne les voyait jamais rire ; leur taciturnité était proverbiale. […] Nos anciens Mystères ont des tableaux analogues : mais nous rions d’y voir la Vierge, accoutrée du manteau d’hermine, siégeant entre un ange gardien et un diable qui se disputent l’âme d’un pécheur.

604. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Alphonse Daudet »

Ce ne sont pas les paysages éclatants, ce ne sont pas les sensations joyeuses et poétiques de toute cette nature de Provence, peinte dans sa lumière avec de la lumière ; ce ne sont même pas les deux ou trois contes gais qui rient dans cet azur, comme Le Curé de Cucugnan et L’Élixir du Père Gaucher. […] C’était si bien imité que je ris ! […] Jack est écrasé par le fait seul de sa naissance, dont les conséquences sont effroyables, et l’auteur, qu’il veuille ou non être chrétien, croit, comme nous autres chrétiens, à ce dont rient les libres-penseurs, c’est-à-dire au péché originel.

605. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) «  Œuvres de Chapelle et de Bachaumont  » pp. 36-55

» Il s’en tire en soutenant son renom par mille choses singulières, et en les faisant rire, fût-ce même aux dépens les uns des autres. […] Chapelle et Bachaumont ne se posent point en législateurs du Parnasse ; ce sont deux beaux esprits naturels qui se permettent de rire des beaux esprits maniérés.

606. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Dans un petit poème, qui est à peu près du même temps, intitulé Les Consolations de la vieillesse, Saint-Lambert décrit en des vers spirituels et assez brillants son bonheur à Eaubonne ou à Sannois, au sein de la nature et de l’amitié, puis il ajoute en terminant que, lors même qu’il y serait seul, il jouirait du moins de la saison nouvelle, du printemps, du soleil : Et j’y voudrais penser et rire tour à tour     Entre Montaigne et La Pucelle. […] Son poème des Mois, qui parut, magnifiquement imprimé, en 1779, sous l’invocation de Turgot et avec la protection de l’école économiste, a quelques bons vers et qui décèlent un instinct de fraîcheur et de nouveauté : L’onde étincelle et fuit d’une course plus vive, La pelouse déjà rit au pied des coteaux… Il manque par malheur d’invention, et n’a pas assez d’art, pas assez de fermeté dans le talent pour se soutenir ; il n’a que de bons commencements, et ses vers retombent vite dans le convenu.

607. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — II » pp. 159-177

Cowper écouta, rit beaucoup, y rêva toute la nuit, et le lendemain matin il avait fait sa ballade ou complainte (il avait un talent particulier pour les ballades), qui fit rire aux larmes la petite assistance au déjeuner.

608. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Montaigne en voyage »

A peu de distance de là, il admire fort le paysage : « Ce vallon semblait à M. de Montaigne représenter le plus agréable paysage qu’il eût jamais vu ; tantôt se resserrant, les montagnes venant à se presser, et puis s’élargissant à cette heure de notre côté, qui étions à main gauche de la rivière, et gagnant du pays à cultiver et à labourer dans la pente même des monts qui n’étaient pas Ri droits, tantôt de l’autre part ; et puis découvrant des plaines à deux ou trois étages l’une sur l’autre, et tout plein de belles maisons de gentilshommes et des églises. […] Il respecte tant l’ancienne Rome qu’il se complaît à la parodie même qu’on en fait, pourvu qu’elle soit sérieuse et sans rire ; il reçoit ses lettres de citoyen au nom du Sénat et du Peuple : « C’est un titre vain, dit-il ; tant y a que j’ai reçu beaucoup de plaisir de l’avoir obtenu. » Voilà un aimable philosophe qui paye ouvertement son tribut à l’illusion et à la vanité humaine.

609. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Œuvres complètes de Molière »

Aimer Molière, c’est être également à l’abri et à mille lieues de cet autre fanatisme politique, froid, sec et cruel, qui ne rit pas, qui sent son sectaire, qui, sous prétexte de puritanisme, trouve moyen de pétrir et de combiner tous les fiels, et d’unir dans une doctrine amère les haines, les rancunes et les jacobinismes de tous les temps. […] C’est ne pas la mépriser trop pourtant, cette commune humanité dont on rit, dont on est, et dans laquelle on se replonge chaque fois avec lui par une hilarité bienfaisante.

610. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

Il y a temps pour lui de rire, de jouer de la flûte, de faire des vers, et temps de régner. […] « Il n’est pas donné à tout le monde, lui disait-il, de faire rire l’esprit. » On ne saurait mieux rendre cette espèce d’attrait, de don lumineux et jaillissant particulier à Voltaire.

611. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame Sophie Gay. » pp. 64-83

Mais Alfred paraît ; c’est à l’Opéra que Léonie l’aperçoit d’abord ; il y est fort occupé auprès d’une élégante, Mme de Rosbel ; ou plutôt, tandis que la foule des adorateurs s’agitait autour de la coquette, qui se mettait en frais pour eux tous, Alfred, plus tranquille, « lui parlait peu, ne la regardait jamais, et l’écoutait avec l’air de ne point approuver ce qu’elle disait, ou d’en rire avec ironie » : Cette espèce de gaieté (c’est Léonie qui raconte) contrastait si bien avec les airs doucereux et flatteurs des courtisans de Mme de Rosbel, que personne ne se serait trompé sur le genre d’intimité qui existait entre elle et M. de Nelfort. […] Parfois de ses chagrins tu plaignais Léonie, Et, sans les imiter, tu riais de ses torts ; Plus sage en tes projets, sans ruse, sans efforts, Tu m’as laissé le soin du bonheur de ta vie.

612. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Boileau. » pp. 494-513

On sera ridicule, et je n’oserai rire ! […] Tout cela, récité par Boileau chez M. de Lamoignon, avec cet art de débit qui rendait au vif l’inspiration, parlait à l’œil, à l’oreille, et riait de tout point à l’esprit.

613. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Il rit comme Rabelais et Molière, et a des emportements de passion lyrique qui le rangent parmi les meilleurs romantiques. […] » Et Augier s’arrêtait pour éclater de son large rire gaulois.

614. (1878) Les œuvres et les hommes. Les bas-bleus. V. « Chapitre VI. Daniel Stern »

« Son grand eunuque noir, qui rit de son transport, « Lui dit qu’il est Hercule. […] ni noir, et je ne ris point du transport de Mme Stern, mais elle se croit Hercule et ne s’endort pas !

615. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Édelestand du Méril »

Édelestand du Méril, que personne n’a connu autrefois mieux que moi, et que je ne suis pas suspect de louer puisque je ne suis pas un savant et que je déplore qu’il en soit un, a précisément, dans cette Histoire de la Comédie, dont le fond aride ne pouvait être fécondé même par une culture comme la sienne, montré des qualités qu’on n’est pas accoutumé de rencontrer dans un homme qui s’amuse à piquer des têtes, à ne jamais retrouver, dans la métaphysique des grammaires… Spiritualiste ferme et lumineux, esthéticien robuste et sain dans un temps où l’esthétique est devenue je ne sais quelle baveuse maladie particulière aux pédants du xixe  siècle, très capable de nous donner, à propos de la comédie, cette profonde et piquante histoire du rire que j’attendais et qu’il n’a pas faite (la fera-t-il plus tard ?) […] J’ai dit ce que je pensais de ses résumés historiques dont le groupement rappelle la vaste manière de Macaulay, de ses jugements, à grands coups de scalpel à fond, sur ces immenses et ruminantes pécores orientales (la Chine et l’Inde) qui n’ont ni rire ni comédie, quoiqu’elles aient des spectacles ; mais je n’ai pas dit comme je le sais la force d’imagination et d’observation équilibrées qui distingue cette encyclopédie de facultés qu’on appelle Édelestand du Méril, car peut-être ne me croirait-on pas.

616. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « IX. Mémoires de Saint-Simon » pp. 213-237

Ce n’est pas au xixe  siècle, quand les penseurs à faire mourir de rire de ce siècle fameux cherchent le moyen impossible de se passer de la main de l’homme dans le gouvernement des peuples, qu’on peut apprécier Louis XIV, le plus grand des rois personnels, un de ces rois qui, à force d’expédients et de génie, dispensent les peuples d’institution, quand il n’y en a plus qui se tiennent debout et qu’on puisse rajuster. […] Cependant Dubois avait agi, et il a donné de lui des pressentiments superbes à un philosophe du xviiie  siècle, à Lemontey, qui ne devait pas l’aimer, cet abbé pour rire, devenu sérieusement prêtre, « auquel dit Lemontey, il ne manqua que le temps pour livrer l’autorité civile à l’action des pouvoirs religieux ».

617. (1893) Les œuvres et les hommes. Littérature épistolaire. XIII « Prosper Mérimée »

Il n’est plus jeune ici, il n’est plus mauvais sujet, il ne se porte plus bien, il a, dans son corps de lanterne, deux maladies à casser le corps d’un pauvre homme, et il est obligé d’entrer, à toute minute, dans des pantalons collants, malheur comique dont il ne rit pas ! car il n’a jamais ri, il n’a jamais été gai et il est devenu morose, et partant, d’ennuyé, ennuyeux !

618. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « M. Jean Richepin »

Il me fait, lui le Villonesque et le Rabelaisien, l’effet d’avoir ce que n’avaient ni Villon, ce polisson auquel ce diable de Louis XI, si bon diable, épargna la corde, ni Rabelais, cet impitoyable génie du rire à outrance, qui aurait eu tout, s’il avait eu du cœur ! […] En une foule de pièces, comme, par exemple : Vieille statue, La Flûte, Le Bouc aux enfants, etc., je cherche le ménétrier des gueux et je ne trouve qu’un épicurien, un lettré, un renaissant et même un mythologue, qui croise André Chénier avec Mathurin Régnier et Callot ; Lisez surtout la pièce : Vieille statue : Ô Pan, gardien sacré de cette grotte obscure …………………………………………………… Toi qui ris d’un air bon dans ta barbe de pierre !

619. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « I » pp. 1-8

L'auteur ne ménage personne, il parle des Saints-Simoniens et des Révélateurs comme des députés ; il les peint noirs et odieux, mais il en rit davantage.

620. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Le Comte Walewski. L’École du Monde »

Walewski, en voulant y être fidèle de ton, a précisément compromis sa pièce ; quand Molière a voulu faire rire aux dépens des précieuses, il a eu grand soin de charger.

621. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « Une âme en péril »

En voici de littéraires : « Paul de Kock éclabousse la modestie et la pudeur pour faire rire. » « Tacite est merveilleux dans l’antithèse, lorsqu’il n’y est pas ridicule. » En voici de morales : « Peu aiment beaucoup ; beaucoup aiment peu. » « Un despote n’a pas d’amis. » « L’époux qui frappe sa compagne mérite-t-il le nom d’époux ?

622. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — S — Saint-Pol-Roux (1861-1940) »

Le divin, l’abject, l’éclatant, le sombre, le rire, les larmes, l’espoir, le doute, le meurtre, l’amour, se partagent les multiples scènes de ce grand ouvrage qui en contient de superbes.

623. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VIII. Les Fedeli » pp. 129-144

D’autres célèbrent de pieux acteurs de l’Italie moderne, tels que Giovanni Buono, retiré dans un cloître et vivant dans la pénitence : « Lequel, après avoir excité si longtemps le rire, disait le poète, s’est changé en une source de larmes. » Un sonnet est consacré à la mémoire d’Isabelle Andreini, la mère de l’auteur.

624. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — P. — article » pp. 439-450

Les traits les plus ingénieux de ce Poëme ne vont point à l’ame ; ils ne font tout au plus rire que l’imagination.

625. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Voiture, et Benserade. » pp. 197-207

Son épitaphe par Ménage est fameuse* :             Les graces d’Etrurie,             Les muses d’Ibérie, La syrene Latine & l’Apollon François, L’enjoûment, les amours & la plaisanterie, Les ris, les jeux, l’esprit, tout ce qu’on vit jamais D’agrémens inspirés par la galanterie,         Au même tombeau descendu,         Avec Voiture a disparu.

626. (1782) Plan d’une université pour le gouvernement de Russie ou d’une éducation publique dans toutes les sciences « Plan d’une université, pour, le gouvernement de Russie, ou, d’une éducation publique dans toutes les sciences — Lettre, à Madame la comtesse de Forbach, sur l’Éducation des enfants. » pp. 544-544

On est honnête homme ; on a l’esprit étendu ; mais on manque de goût : et je ne veux pas qu’Alexandre fasse rire ceux qui broient les couleurs dans l’atelier d’Apelle.

627. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 18, que nos voisins disent que nos poëtes mettent trop d’amour dans leurs tragedies » pp. 132-142

En effet le parterre rit presqu’aussi haut qu’à une scene de comedie à la répresentation de la derniere scene du second acte d’Andromaque, où Monsieur Racine fait une peinture naïve des transports et de l’aveuglement de l’amour veritable, dans tous les discours que Pyrrhus tient à Phoenix son confident.

628. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 42, de notre maniere de réciter la tragédie et la comedie » pp. 417-428

Les françois n’usent point de certains gestes, de certaines démonstrations avec les doigts, ils ne rient point comme les italiens.

629. (1860) Ceci n’est pas un livre « Les arrière-petits-fils. Sotie parisienne — Deuxième tableau » pp. 196-209

Nous devions à l’illustrateur de notre famille d’aller rire à un de ses chefs-d’œuvre, avant de mourir !

630. (1909) Les œuvres et les hommes. Critiques diverses. XXVI. « Jean-Jacques Rousseau »

Voici ce texte ricaneur ; c’est le rire de Voltaire, avec des dents noires : « Je n’ai rien dit du roi Adam, ni de l’empereur Noé, père des trois grands monarques qui se partagèrent l’univers, comme firent les enfants de Saturne, qu’on a cru reconnaître en eux.

631. (1890) Les romanciers d’aujourd’hui pp. -357

Et il en riait, excité plutôt, les épaules solides, avec la tranquille carrure du travailleur qui sait où il va. […] tout ainsi que nous avons applaudi au poète, laisse-nous rire un peu du sociologue ! Laisse-nous rire de ses formules : « Voici la mort de l’antique société, la naissance d’une société nouvelle. […] Lui riait toujours, de son rire un peu grave, et les petites chantaient maintenant, en agitant leurs noix, de loin : « Merci, Lome, Lomic de notre âme ! […] On y rit peu et on y prie beaucoup.

632. (1890) Journal des Goncourt. Tome IV (1870-1871) « Année 1871 » pp. 180-366

Aujourd’hui c’est fini de rire, et l’on marche à grands pas à la famine, ou tout au moins pour le moment à une gastrite générale. […] Et comme Dieu semble rire et se moquer, dans sa grande barbe blanche de vieux sceptique, des opérations de la logique d’ici-bas ! […] » presque aussitôt cela dit, elle retrouve son petit rire fou, à propos de rien. […] Devant le rapprochement des obus, les Guignols réfugiés au bas des Champs-Élysées ont décampé, emportant, avec Polichinelle, le joli rire des enfants, qui vous distrayait de la canonnade. […] La sœur a un charmant gros rire, avec un « Faut le croire ! 

633. (1893) Alfred de Musset

La situation apparut dans toute son extravagance, et les trois amis furent brutalement tirés de leur rêve par les rires des badauds. […] Quelle puissante évocation du dieu impassible qui marche dans notre sang et se rit de nos larmes ! […] J’en ai vu dont le rire faisait frissonner. […] Quand il se voyait bel et bien sous clef à l’hôtel des Haricots, dans la cellule 14, réservée aux artistes et aux gens de lettres, il se trouvait tellement absurde, qu’il se riait au nez en prose et en vers. […] Les événements de ces longues années sont quelques petits voyages et beaucoup de passions pour rire.

634. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Jugez-en et ne riez pas trop de lui. […] La clientèle en est plutôt calme et vous n’entendriez jamais là ni cris, ni rires excessifs. […] Et toutes les fleurs de toutes les voies de la cité, rient, avec Yvette, en ce jour des jours. Rire avec Yvette ? Mais je dois d’abord oublier, avant de rire, que j’ai entendu Yvette.

635. (1765) Articles de l’Encyclopédie pp. 3665-7857

Ces images nous font sourire, si elles sont peintes avec finesse : elles nous font rire, si les traits de cette maligne joie, aussi frappans qu’inattendus, sont aiguisés par la surprise. […] Si l’on nous demande pourquoi le comique de situation nous excite à rire, même sans le concours du comique de caractere, nous demanderons à notre tour d’où vient qu’on rit de la chûte imprévûe d’un passant. […] Rire. […] La figure, le ton, le geste d’un acteur, un bon mot place à propos, ou tel autre incident plus étranger encore à la piece, ont quelquefois fait rire où l’on eût dû pleurer ; mais quand le pathétique de l’action est soûtenu, la plaisanterie ne se soûtient point : on rougit d’avoir ri, & l’on s’abandonne au plaisir plus décent de verser des larmes. […] Lafontaine nous fait rire, mais à ses dépens, & c’est sur lui-même qu’il fait tomber le ridicule.

636. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

C’est la campagne où rit le printemps. […] Le vent rit tout doucement dans les feuilles. […] Comme, grâce à toi, cette source a parfois des rires de femme lascive ! […] Je ris quand les officiels et les dirigeants se retournent au bruit de ma pioche. […] Malheureusement un diable me possède qui me pousse à rire des sacro-saints mystères de l’art contemporain.

637. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Le Chevalier de Méré ou De l’honnête homme au dix-septième siècle. »

Je vous avertis aussi que vous perdez par là un grand avantage dans le monde… » Et plus loin, sur la division à l’infini : « Ce que vous m’en écrivez me paroît encore plus éloigné du bon sens que tout ce que vous m’en dites dans notre dispute… » Il n’en faudrait pas plus qu’une pareille lettre pour perdre celui qui l’a pu écrire dans l’opinion de la postérité, et Leibniz a traité le chevalier avec bien du ménagement quand il a dit : « J’ai presque ri des airs que M. le chevalier de Méré s’est donnés dans sa lettre à M.  […] Elle s’en mit fort en colère, et les autres dames, les plus sévères, ne faisoient qu’en rire. […] jusqu’à dire qu’il rioit si juste et si à propos, qu’à le voir rire elle devinoit ce qu’on avoit dit. […] Mais, après avoir ri, on remarque pourtant cet accord singulier des personnes les plus spirituelles d’alors, de Mme de Sévigné, de Mme de Sablé, cette Sévigné de la génération précédente.

638. (1887) Revue wagnérienne. Tome II « Paris, le 8 juin 1886. »

De doux refrains,    le souffle des brises l’air s’épanche      se rit des entraves, en blondes senteurs ;     l’exil en vain de son sang ardent éclosent  les a séparés ; des fleurs enivrantes,    ils se saluent les bourgeons      joyeux et ravis : éclatent vaincus. […] Dans cette multiplicité d’aveux échappés aux plus cruels tournions, le chant, le récitatif, la parole, l’interjection, le cri, le rire sardonique se succèdent et s’entremêlent avec une telle vérité pathologique, une telle science toxicologique, une telle variété de mouvements passionnés, désolés et révoltés, selon que les espérances accordées et frustrées, la pitié due à un cuisant remords obstinément déniée, le pardon d’une faute amèrement déplorée à jamais rendu impossible, les instantes supplications repoussées, les repentirs ardents dédaignés, enfin le terrifiement dernier du désastre irrémédiable viennent se retracer dans une énumération haletante, que es moment forme à lui seul un drame dans le grand drame, et par ses sombres couleurs et son épouvantable angoisse, se détache de ce qui l’a précédé ainsi que de ce qui va suivre, comme une évocation qui aurait brisé les scellés de l’abîme des maux, pour surgir devant nos regards pétrifiés, pour leur dévoiler subitement tout l’infini de la douleur, et chacun de ses râles impuissants. […] Alors l’autre jeune femme, sous le rire chaud de ses yeux noirs, et ce ses dents, et de sombres chevelures dénouées, révéla qu’elle était la Joie ; elle enseignait les tendresses parfumées, le délice des longues nuits, comment les âmes se courroucent en des tumultueux frissons et les hurlements éperdus d’un bonheur qui angoisse, et les sommeils tranquilles, après la tourmente. […] Mallarmé, occupé à une œuvre très hardie, n’a fait paraître rien, sinon un sonnet sur Wagner, publié ici même, qui était fort beau, et dont on a beaucoup ri.

639. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre X, Prométhée enchaîné »

Les dieux d’Homère rient aux éclats, quand il leur verse le nectar en trébuchant sur ses pieds boiteux. […] Leur rire même, d’après une tradition qu’Aristote nous a transmise, n’était que l’écho de celui du dieu qu’on croyait entendre éclater dans le pétillement joyeux du foyer. […] Sources des Fleuves, rires inombrables des flots de la mer ! […] Zeus n’en serait que plus implacable. » — La réponse du Titan rit de son insolence.

640. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

Ils ont dépensé leurs plus belles années, leur plus beau style et leur meilleur esprit, à soutenir, à parer, à décorer, à fortifier la chose de ce monsieur ; ils ont fécondé sa terre, ils ont taillé sa vigne, ils ont mené paître ses troupeaux, ils ont supporté, pendant que le maître dormait, ou batifolait avec ses esclaves, la chaleur de la journée et la fraîcheur du matin ; ils n’ont pas osé être malades sans la permission de ce monsieur ; ils ont regardé dans les yeux de Trajan, pour savoir si Trajan était content ; ils ont été attentifs à sa moindre parole, ils ont interrogé son sourcil de Jupiter Olympien, ils ont flatté même sa cuisinière, la complice de sa toute-puissance ; ils ont ri de son rire, et pleuré de son chagrin ; ils ont sué, ils ont halé, ils ont râlé… et les voilà à la porte de cette maison qu’ils ont bâtie, à la porte de ces jardins qu’ils ont plantés ; et du jour au lendemain, pendant que ce sol qu’ils ont fécondé de leur esprit, de leur talent, de leur labeur, rapporte au maître un intérêt qui serait un capital pour les ouvriers de la vigne, nul ne s’informe du destin de ces ouvriers habiles, actifs, intelligents, dévoués, braves jusqu’à l’audace, hardis jusqu’à l’abnégation ! […] « Zélie est riche, elle rit aux éclats ; Syrus l’esclave a pris le nom d’un roi, et s’appelle Cyrus » Nous aussi nous avons nos avocats déclamateurs, nos magistrats galants ; nous avons Hermippe, qui a porté si loin la science de l’ameublement et du comfort ! […] De temps à autre, le chef-d’œuvre reprenait sa puissance, alors la comédie s’indignait et grondait comme eût fait le remords, singulière comédie en effet, dans laquelle le plus horrible et le plus épouvantable des crimes est flagellé par le rire.

641. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gibbon. — II. (Fin.) » pp. 452-472

Voltaire a le rire sarcastique et l’éclat du ricanement ; Gibbon a le rire composé et silencieux ; il le glisse au bas d’une note (voir celle, entre autres, qui termine ce qu’il dit de saint Augustin). — Comme Bayle, il se délecte (mais toujours en note) à la citation de quelques passages d’une obscénité érudite et froide, et il les commente avec une élégance recherchée (voir ce qu’il dit sur Théodora).

642. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « La marquise de Créqui — I » pp. 432-453

Mais il faut, pour être sage, pouvoir durer avec soi-même (car l’ennui est la source de tous les écarts), donner à la vie la consistance qu'elle a, qui est bien peu de chose ; et, si tous ces calculs ne font pas rire, ils empêchent souvent de pleurer. […] Elle n’a rien qui rie dans son style ni dans sa parole.

643. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « Mémoires de l’abbé Legendre, chanoine de Notre-Dame secrétaire de M. de Harlay, archevêque de Paris. (suite et fin). »

De telles historiettes à la Tallemant qui circulaient dans Paris, et que chacun brodait à plaisir, arrivaient à l’oreille du roi lui-même qui faisait semblant d’en rire, mais qui, tout en continuant à se servir de l’homme, tirait dès lors la barre à la fortune et au crédit de l’ambitieux. […] Feuillet lui répondit qu’il n’en savait rien, mais que depuis peu il avait dit sur ce sujet à Monsieur (et l’on sait de quelle nature étaient les mœurs de ce prince) qu’il n’avait point besoin de confesseur en menant la vie qu’il mène à la Cour, et qu’il lui conseillait d’épargner les 6,000 livres qu’il donne à son confesseur qui ne sert qu’à le tromper, et qu’il valait bien mieux pour lui de les donner aux pauvres, afin de fléchir pour leurs prières la miséricorde de Dieu sur sa personne : après quoi, si Jésus-Christ lui donnait quelque sentiment de pénitence pour se convertir, il choisirait lui-même un homme de bien pour régler ses mœurs et la conduite de sa vie. — Ce discours, que la plupart des gens prendraient pour quelque chose de bien grave et de bien sérieux, parut à M. de Paris si agréable et si divertissant qu’il fut plus d’un bon demi-quart d’heure à en rire de tout son cœur. » 54.

644. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Essai sur Talleyrand (suite.) »

On ne peut s’empêcher de rire en pensant à la manière dont il y fit son apparition. […] C’était une organisation puissante : il avait la voix mâle, profonde, partant d’un bon creux, bien que par principe et bon goût il s’interdit l’éclat du rire.

645. (1870) Nouveaux lundis. Tome XII « Madame Desbordes-Valmore. »

Il fallait entendre le récit de cette petite scène par Mme Valmore : on en riait en pleurant. — Une vraie petite scène d’opéra-comique ou de demi-vaudeville en action. […] Ce mot les fit rire, tout fut fini par là.

646. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ALFRED DE MUSSET. » pp. 177-201

Les bonnes gens n’y virent que la Ballade à la Lune, et n’entendirent pas raillerie sur ce point d’invention nouvelle : ce fut un haro de gros rires. […] On en rit ; c’est hasard s’il n’a heurté personne ; Mais sa folie au front lui met une couronne, A l’épaule une pourpre, et devant son chemin La flûte et les flambeaux, comme au jeune Romain !

647. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre V. Des ouvrages d’imagination » pp. 480-512

Dans Le Misanthrope, c’est Philinte qui est l’homme raisonnable, et c’est d’Alceste que l’on rit. […] C’est que l’attendrissement dans les tragédies, comme le rire dans la comédie, n’est qu’une impression passagère.

648. (1887) Discours et conférences « Réponse au discours de M. Louis Pasteur »

Or, le monde prêtant à la fois au rire et à la pitié, la gaieté a bien aussi sa raison d’être ; une foule de choses ne peuvent s’exprimer que par là. […] Cette rencontre en une même compagnie de toutes les opinions et de tous les genres d’esprit vous plaira : ici le rire charmant de la comédie, le roman pur et tendre, la poésie au puissant coup d’aile ou au rythme harmonieux ; là, toute la finesse de l’observation morale, l’analyse la plus exquise des ouvrages de l’esprit, le sens profond de l’histoire.

649. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de lord Chesterfield à son fils. Édition revue par M. Amédée Renée. (1842.) » pp. 226-246

Issu d’une race illustre, il en savait le prix, il voulait en soutenir l’honneur ; mais il lui était difficile pourtant de ne pas rire des prétentions généalogiques poussées trop loin. […] Cette inconséquence, en deux mots, la voici : c’est que lui, Voltaire, qui considérait volontiers les hommes comme des fous ou comme des enfants, et qui n’avait pas assez de rire pour les railler, il leur mettait en même temps dans les mains des armes toutes chargées, sans s’inquiéter de l’usage qu’ils en pourraient faire.

650. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Saint-Évremond et Ninon. » pp. 170-191

Jamais ni jeu, ni ris élevés, ni disputes, ni propos de religion ou de gouvernement ; beaucoup d’esprit et fort orné, des nouvelles anciennes et modernes, des nouvelles de galanteries, et toutefois sans ouvrir la porte à la médisance ; tout y était délicat, léger, mesuré, et formait les conversations qu’elle sut soutenir par son esprit, et par tout ce qu’elle savait de faits de tout âge. […] Elle parle volontiers, elle rit aisément, elle se fait un grand plaisir d’une bagatelle, elle aime à faire une innocente guerre à ses amis… Mais, parmi toute cette disposition qu’elle a pour la joie, on peut dire que cette aimable enjouée a toutes les bonnes qualités des mélancoliques qui ont l’esprit bien fait, car elle a le cœur tendre et sensible, elle sait pleurer avec ses amies affligées ; elle sait rompre avec les plaisirs quand l’amitié le demande ; elle est fidèle à ses amis ; elle est capable de secret et de discrétion ; elle ne fait jamais de brouillerie à qui que ce soit ; elle est généreuse et constante dans ses sentiments, et elle est enfin si aimable qu’elle est aimée des plus honnêtes personnes de la Cour, de l’un et de l’autre sexe, mais de gens qui ne se ressemblent ni en condition, ni en humeur, ni en esprit, ni en intérêts, et qui conviennent pourtant tous que Clarice est très charmante, qu’elle a de l’esprit, de la véritable bonté et mille qualités dignes d’être infiniment estimées.

651. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) «  Mémoires de Gourville .  » pp. 359-379

Cela le fit rire… » Dans les quelques jours qu’il a passés au camp, Gourville fait de ces remarques positives et curieuses comme il en a partout, et qui peignent les mœurs. […] En pays étranger, il a l’œil à tout ; dans sa curiosité de s’instruire, il a remarqué à la fois la bizarrerie des mœurs, le naturel des peuples, le talent et la portée d’esprit des gouvernants, le fort et le faible de chaque branche d’administration ; et, tout en faisant rire dans ses relations pleines de vivacité et de saillies, il instruit l’homme d’État ou même l’homme de guerre qui l’interroge.

652. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Monsieur Arnault, de l’Institut. » pp. 496-517

D’une haute taille élégante, d’une figure régulière, avec des yeux expressifs où riait la malice, avec la riposte prompte sur les lèvres, aimant franchement ceux qu’il aimait et se passant des autres, il payait de sa personne, il avait de l’esprit argent comptant et tenait sans effort son rang dans la société. […] » — Un jour, au coin d’une rue, heurté par un cavalier maladroit, Arnault se retourne et parle haut ; une altercation s’ensuit ; les passants regardent, et le cavalier, se piquant d’honneur, lui dit en lui présentant sa carte : « Au reste, voilà mon adresse. » — « Votre adresse, reprend Arnault, gardez-la pour conduire votre cheval. » Et chacun de rire.

653. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « X. Ernest Renan »

Mais n’est-ce pas trop gai qu’un tel langage, et le rire qui prend n’avertit-il pas ? […] Caligula philologique à faire mourir de rire qui voudrait que l’humanité n’eût qu’une tête pour la lui couper, si cette tête portait un nom propre !

654. (1874) Premiers lundis. Tome I « Vie, poésies et pensées de Joseph Delorme. Deuxième édition. »

Même aujourd’hui, qu’après les tempêtes civiles, La Concorde au front d’or rit d’en haut sur nos villes, Et qu’il n’est ni couteau, ni balle à recevoir Pour le roi, pour le peuple, enfin pour un devoir ; Si du moins, en secret, des dévoûments intimes Pouvaient aux mains du sort échanger les victimes, Et si, comme autrefois, l’homme obtenait des cieux De racheter les jours des êtres précieux !

655. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre V. Figures de construction et figures de pensées. — Alliances de mots et antithèses »

Quelle mâle gaité, si triste et si profonde, Que lorsqu’on vient d’en rire, on devait en pleurer.

656. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Pronostics pour l’année 1887. »

Et le roman commencera ainsi : « Le soleil tombait d’aplomb sur les labours… L’odeur forte de la terre fraîchement écorchée se mêlait aux exhalaisons des corps en sueur… La grande fille, chatouillée par la bonne chaleur, riait vaguement, s’attardait, ses seins crevant son corsage..  

657. (1892) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Cinquième série « L’exposition Bodinier »

Ils acceptent d’être, pendant leur vie, des ombres vaines et changeantes, que les poètes façonnent et pétrissent pour nous faire tour à tour rire, pleurer et rêver.

658. (1890) L’avenir de la science « VII »

Autrefois il y avait place pour ce petit rôle assez innocent du savant de la Restauration ; rôle demi-courtisanesque, manière de se laisser prendre pour un homme solide, qui hoche la tête sur les ambitieuses nouveautés, façon de s’attacher à des mécènes ducs et pairs, qui pour suprême faveur vous admettraient au nombre des meubles de leur salon ou des antiques de leur cabinet ; sous tout cela quelque chose d’assez peu sérieux, le rire niais de la vanité, si agaçant quand il se mêle aux choses sérieuses !

659. (1835) Mémoire pour servir à l’histoire de la société polie en France « Chapitre XVIII » pp. 198-205

Pour divertir seigneurs et dames, On joua L’École des femmes, Qui fit rire leurs majestés Jusqu’à s’en tenir les côtés.

660. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1851 » pp. 1-9

Un soir, dans un café à côté du Gymnase, par manière de passe-temps, nous jetions en l’air des titres de journaux. « L’Éclair », fait Villedeuil en riant, et continuant à rire : « À propos, si nous le fondions, ce journal, hein ? 

661. (1888) La critique scientifique « Appendice — Plan d’une étude complète d’esthopsychologie »

Vente énorme : persistante pour les Misérables dans le peuple, pour l’Homme qui rit dans le public lettré.

662. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Montmaur, avec tout le Parnasse Latin & François. » pp. 172-183

Balsac, quittant le stile de libèle, voulut prendre le stile léger & bouffon : mais il ne fit rire qu’à ses dépens.

663. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 24, objection contre la solidité des jugemens du public, et réponse à cette objection » pp. 354-365

Le poëte tragique, dira-t-il, ne l’a point fait pleurer, et le poëte comique ne l’a point fait rire.

664. (1875) Premiers lundis. Tome III « De la liberté de l’enseignement »

… mais vous ne nous montrez pas la lumière… (On rit.) […] Ce mot, dit le Moniteur a provoqué des rires d’approbation sur plusieurs bancs. […] cela me fait rire.

665. (1869) Cours familier de littérature. XXVIII « CLXVIe entretien. Biographie de Voltaire »

Cette résolution de Voltaire, d’éviter à tout prix la persécution et le martyre par des professions de foi prononcées avec le rire de la dérision sur les lèvres, donne à sa physionomie historique une expression de sarcasme, moitié défi, moitié feinte, qui ajoute le ridicule à l’incrédulité, mais qui diminue la dignité et la grandeur du philosophe. […] Rousseau, de Mirabeau dans leurs lettres ou dans leurs controverses, mais un polémiste incomparable par le don du rire comique ou du rire amer jeté comme le sel de la raison sur les ridicules des hommes ou sur les erreurs de l’humanité, le plus grand dériseur de l’esprit humain qui ait jamais vécu !

666. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — H — Hugo, Victor (1802-1885) »

. — L’Homme qui rit (1869) […] Quand les ouvrages mis en honneur s’intitulaient : Les Burgraves, l’Homme qui rit ou la Légende des siècles, c’était au mieux ; mais cela devenait néfaste quand, par la force d’habitude, on exaltait le feuilleton des Misérables ou les tartines politiques des Châtiments. […] Ses plaisanteries auront je ne sais quoi de pesant et de puéril ensemble, d’asséné plutôt que de lancé, de barbare, d’énorme, de mérovingien, si je puis ainsi dire ; — et c’est ainsi qu’on devait rire à la cour du roi Chilpéric.

667. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « III »

Nous avons parlé plus haut de la scène des Fleurs, où se meut une sorte de chœur de jeunes filles devant Parsifal immobile : il y a là une gradation rapide, depuis la terreur jusqu’à l’enjouement et le rire. […] Au milieu de cris, de rires stridents, de lamentations qui vont du hurlement jusqu’au sourd murmure, elle se débat sous le pouvoir du magicien, puis disparaît, en même temps que la lueur qui l’entoure. […] Ses gestes sont lourds et gauches : il a l’air étonné comme un innocent (c’est le mot populaire qui peut le mieux rendre l’expression allemande : thor) ; il pleure, rit, brusquement ; les émotions le trouvent sans force, et le récit de la mort de sa mère le fait souffrir comme une blessure ; il bondit pour étrangler Kundry, puis tombe inanimé : c’est bien là le sauvage, le grand enfant.

668. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Victor Hugo. Les Contemplations. — La Légende des siècles. »

L’étang rit à la macreuse, Le pré rit au loriot ; Pendant que l’ornière creuse Gronde le lourd chariot. […] En les lisant, il faut rire comme le pré au loriot et l’étang à la macreuse, et puis, les laisser dans l’ornière !

669. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « Edmond et Jules de Goncourt »

L’écrivain y décrit jusqu’aux paysages des pays qui ne seront point le théâtre de son roman, et par lesquels ses personnages passent pour n’y revenir jamais… Avec cette charrette, trop minutieusement décrite, de bateleurs ambulants qu’on a vue déjà rouler dans L’Homme qui rit ; avec ces Hercules et ces pitres de foire, bohémiens très chers à la littérature bohème de ce temps, et dont on n’oublie ni le moindre haillon, ni le moindre paillon, les Zemganno ressemblent à beaucoup des anciens feuilletons de Théophile Gautier. […] Il a découvert une maladie des plus rares, qui se termine par ce qu’il appelle une agonie sardonique, et c’est pendant cette agonie de son amant — lord Annandale — que la Faustin, qui a renoncé à la scène et reprise par la rage de l’art, par l’ogre qui dévore la nature et qui mange toujours la femme au profit de la comédienne, étudie, mime et répète devant une glace, avec la passion de l’artiste qui ne voit plus rien, ce rire affreux de son amant qui meurt, quand, dans un de ces retours de connaissance comme il en revient parfois aux mourants, le lord s’aperçoit du rire de sa maîtresse et la fait jeter à la porte par ses valets.

670. (1890) Les princes de la jeune critique pp. -299

Il serait chez lui sur terre comme dans l’air et dans l’eau. » Et c’était à qui rirait de ces êtres manqués, à qui décréterait quelque réforme. […] C’était Jupiter qui riait à son tour. […] Il se plaît à esquisser plaisamment un bouquiniste qu’il met en scène, ou à conter une bonne histoire pour rire sur quelque bibliothécaire de ses confrères. […] Il est à la fois Jean qui pleure et Jean qui rit. […] Becque s’entendent dire : « Vous n’êtes que des blancs-becs » ; on le pardonne et l’on rit même à la rigueur ; le trait est drôle et inattendu.

671. (1902) Le problème du style. Questions d’art, de littérature et de grammaire

Les confidences d’un possesseur de la vérité me font rire certains jours et d’autres, me fâchent. […] » La parodie a un charme : son rire. […] Ce n’est plus une voyelle, c’est un signe phonétique, — il est vrai incertain (mat, dot, rit). […] Il y avait pourtant de quoi rire. […] Le mouler spontané est admirable ; le mouler par ordre serait grotesque, et j’en rirais.

672. (1896) Essai sur le naturisme pp. 13-150

Les bergers n’adorèrent plus les sources, même à travers le rire d’argent des naïades ! […] Ces sites joyeux comme un dimanche d’été, avec leurs riches pacages, leurs fermes opulentes où rient de grasses filles plantureuses, leurs moissons rouges où, pareils à des flammes, les corps amoureux ont d’étroites étreintes, je ne doute point qu’il ait rêvé d’y séjourner. […] « Je voudrais rencontrer, dit-il, une brute, un être primitif et sensitif, frissonnant aux frissons de la forêt, rêveur à cause du murmure des roseaux frôlés par le vent aux rives des fleuves, illuminé d’un doux rire puéril aux querelles des oiseaux, heureux par la pureté du soleil qui se lève et surtout épris sans le savoir, de quelque Ève, apparue un soir de printemps, au lointain bleu d’une allée, enfuie depuis, Dieu sait vers quels saules. […] Il marche, il chante, des fleurs se dressent, des haies frémissent, scintillent de rosée, et dans ses chansons il fait allusion à tout cela, à la nature joyeuse, aux rivières qui rient autour de lui, aux choses qui se pâment dans le plein air de midi, et flambent et crépitent comme sa chair. […] … Les romanciers obéissent simplement à cette fatalité qui ne leur permet pas d’abstraire un personnage des objets qui l’environnent ; ils le voient dans son milieu, dans l’air où il trempe, avec ses vêtements, le rire de son visage, le coup de soleil qui le frappe, le fond de verdure sur lequel il se détache, tout ce qui le circonstancie et lui sert de cadre.

673. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1885 » pp. 3-97

Lecture suivie de la lecture d’un article du Gaulois, qui imprime en tête du journal, un appel aux républicains à resiffler ce soir, notre pièce : appel signé Charles Dupuy, l’un des signataires du manifeste, du 7 décembre 1865, dans lequel ce lettré sévère, s’exprime dans cette étonnante prose : « Nous savons chiffonner d’une main osseuse la guimpe des vieilles Muses, et nous accrocher, quand nous voulons rire, à la queue des lourds satyres, amoureux de la joie et de la folie. […] » Et le monde du dimanche arrive, et l’on cause et l’on blague, et l’on s’emporte et l’on s’indigne ; et peu à peu Daudet se mêle à la causerie, au rire ou à la colère des paroles. […] … J’ai été souper à la Maison d’Or, avec une fille… là, tout à fait une belle fille… une désintéressée comme moi… nous ne songions qu’à faire rire les gens, que nous avions autour de nous, avec l’argent de ma poche… Le lendemain… un matin tout rose… n’a-t-elle pas eu la fantaisie de conduire elle-même… Elle était la fille d’un cocher… et installée sur le siège, — elle nous a menés jusqu’à la Bastille, d’un train, d’un train ! […] L’histoire de ma femme en omnibus, il faut qu’un auteur l’ait toujours présente à l’esprit, quand il fait une pièce. » L’on rit, et l’on se met à analyser les impressions de la salle à la première. […] Et il interrompait son refrain et ses bandes, pour jeter à ses internes : “À ce qu’il paraît, cette Mannigue a un grand talent”, — et comme les internes riaient de l’estropiement du nom de l’actrice : “Pardon, Messieurs, faisait-il, moi, vous savez, moi je ne vais pas au théâtre !

674. (1874) Histoire du romantisme pp. -399

Nous l’accusions de faire de ses pièces des modèles en bois, et il riait de l’accusation, répondant que ce serait en effet la meilleure méthode. […] Souvent il riait d’un rire silencieux, pareil à celui de Chingachgook, le Mohican, aux comédies qui se jouaient dans sa cervelle, et, quand il parlait, on croyait voir apparaître une procession de figures fatales, faisant, des grimaces et des culbutes, s’esclaffant de rire, vous tirant la langue en disparaissant subitement comme des ombres chinoises. […] Les cristaux ne venaient pas de Baccarat, mais ils étaient de ce verre léger, scintillant, côtelé, où le vin riait dans la fougère, selon le refrain des vieilles chansons à boire. […] je veux faire comme lui et boire à sa santé ; il n’y a rien de plus romantique et de plus… comique, nous n’avons pas pu nous empêcher d’en rire un peu dans les Jeunes-France. […] Les prétendus défauts se transforment en beautés, et tel s’étonne de pleurer là où il riait et de s’enthousiasmer à l’endroit qu’il sifflait.

675. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre sixième »

Le produit le plus brillant et le plus agréable de l’imitation italo-hispanique en France, c’est Voiture ; et tout Voiture, sauf quelques pages supérieures, que j’ai appréciées ailleurs89, est dans cette épitaphe que lui fit Ménage : Les Grâces italiennes, les Muses ibériques, Le Mercure gaulois, la Sirène latine, Les rires, les délicatesses, les malins propos, Les jeux d’esprit et les gentillesses, Et tout ce qu’il y eut jamais d’élégances, Tout cela gît avec Voiture dans le même tombeau90. […] On lui donnait à rire, dans les Femmes savantes, de ce qu‘il avait peut-être goûté chez les Précieuses. […] Il y eut tel spectacle, composé de Dom Japhet et des Précieuses ridicules, où le plus gros de la recette ne venait pas de la pièce de Molière, et les mêmes spectateurs, après avoir ri à Dom Japhet, riaient de plus belle aux Précieuses ridicules, sans se douter qu’ils se moquaient de leur mauvais goût105. […] Je n’en admire que plus Boileau d’avoir fait cet effort, et d’avoir pu le faire sans prêter à rire. […] Au fond, il n’avait pas tort de se montrer plus difficile sur ce point que Molière lui-même, lequel tenait aux aparté comme à un moyen commode d’effet, dont le spectateur souffre volontiers l’invraisemblance s’il y trouve à rire.

676. (1824) Ébauches d’une poétique dramatique « Conduite de l’action dramatique. » pp. 110-232

Ce n’est pas que le même homme ne puisse rire de sa propre image, lors même qu’il s’y reconnaît ; cela vient d’une duplicité de caractère, qui s’observe encore plus dans le combat des passions où l’homme est sans cesse en opposition avec lui-même ; on se condamne, on se plaisante comme un tiers, et l’amour-propre y trouve son compte. […] Le ridicule, dans le poème comique, est, selon Aristote, tout défaut qui cause difformité sans douleur, et qui ne menace personne de destruction, pas même celui en qui se trouve le défaut : car, s’il menaçait de destruction, il ne pourrait faire rire ceux qui ont le cœur bien fait ; un retour secret sur eux-mêmes leur ferait trouver plus de charmes dans la compassion. […] Il y a un point exquis en-deçà duquel on ne rit point, et au-delà duquel on ne rit plus, au moins les honnêtes gens. […] Sur le théâtre, un avare ne dit pas un mot, ne fait pas un geste qui ne représente l’avarice ; ce qui fait un spectacle singulier, quoique vrai, et d’un ridicule qui nécessairement fait rire. […] On ne peut pas, au spectacle, toujours rire aux éclats, ni toujours fondre en larmes.

677. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) «  Essais, lettres et pensées de Mme  de Tracy  » pp. 189-209

Nous avons ri comme des folles de cette idée de homards et de champignons, d’histoire naturelle et de botanique. […] Il n’a rien compris à ce que Mme de Coigny lui a dit ; moi, je n’ai pu que lui rire au nez encore plus fort.

678. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe, et d’Eckermann »

Ne rions pas de ces natures de modestie et d’abnégation, surtout quand elles nous apportent à pleines mains des présents de roi. […] Je le voyais de nouveau, le soir, avec son étoile sur son habit noir, dans son salon brillamment éclairé, plaisanter au milieu de son cercle, rire et causer gaiement. — Je le voyais un autre jour par un beau temps, à côté de moi, dans sa voiture, en par-dessus brun, en casquette bleue, son manteau gris clair étendu sur les genoux : son teint brun est frais comme le temps, ses paroles jaillissent spirituelles et se perdent dans l’air, mêlées au roulement de la voiture qu’elles dominent. — Ou bien, je me voyais encore le soir, dans son cabinet d’étude éclairé par la tranquille lumière de la bougie : il était assis à la table en face de moi, en robe de chambre de flanelle blanche ; la douce émotion que l’on ressent au soir d’une journée bien employée respirait sur ses traits ; notre conversation roulait sur de grands et nobles sujets ; je voyais alors se montrer tout ce que sa nature renfermait de plus élevé, et mon âme s’enflammait à la sienne.

679. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Œuvres de Louise Labé, la Belle Cordière. »

Tout à un coup je ris et je larmoie, Et en plaisir maint grief tourment j’endure : Mon bien s’en va et à jamais il dure : Tout en un coup je sèche et je verdoie. […] Avoir le cœur séparé de soi-même, être maintenant en paix, ores en guerre, ores en trêves ; couvrir et cacher sa douleur ; changer visage mille fois le jour ; sentir le sang qui lui rougit la face, y montant, puis soudain s’enfuit, la laissant pâle, ainsi que honte, espérance ou peur nous gouvernent ; chercher ce qui nous tourmente, feignant de le fuir, et néanmoins avoir crainte de le trouver ; n’avoir qu’un petit ris entre mille soupirs ; se tromper soi-même ; brûler de loin, geler de près ; un parler interrompu ; un silence venant tout à coup : ne sont-ce tous signes d’un homme aliéné de son bon entendement ? 

680. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Lorsque l'enfant rit, le ciel rit : tout est sérénité, lumière, joie.

681. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Maurice comte de Saxe et Marie-Joséphine de Saxe dauphine de France. (Suite et fin.) »

Votre Majesté rira peut-être de ce que je lui dis là, mais la bénédiction du lit, les prêtres, les bougies, cette pompe brillante, la beauté, la jeunesse de cette princesse, enfin le désir que l’on a qu’elle soit heureuse, toutes ces choses ensemble inspirent plus de pensées que de rires.

682. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Et rappelez-vous avec quelle franchise hardie d’expressions Boileau nous présente tous ces plats qui défilent : le potage où paraît un coq, les deux assiettes,               … Dont l’une était ornée D’une langue en ragoût de persil couronnée, L’autre d’un godiveau tout brûlé par dehors Dont un beurre gluant inondait tous les bords ; le rôt où trois lapins de chou s’élevaient Sur un lièvre flanqué de six poulets étiques ; et le cordon d’alouettes, et les six pigeons étalés sur les bords du plat, Présentant pour renfort leurs squelettes brûlés ; et les salades : L’une de pourpier jaune et l’autre d’herbes fades, Dont l’huile de fort loin saisissait l’odorat, Et nageait dans des flots de vinaigre rosat ; et le jambon de Mayence, avec les deux assiettes qui l’accompagnent, L’une de champignons avec des ris de veau, Et l’autre de pois verts qui se noyaient dans l’eau. […] Ce fameux épisode de la Lésine, ce n’est pas une allégorie inventée, c’est le lieutenant criminel Tardieu et sa femme, qui logeaient au quai des Orfèvres, proches voisins de Boileau, qui dès l’enfance a ri de leur ladrerie, avec tout le quartier.

683. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VII »

Or, un beau soir, la dame était à l’orage, un vent de fièvre avait passé sur ses nerfs : elle riait, elle étincelait, elle passait d’une gaieté convulsive à une stupeur morne. […] Mais à une oreille plus fine, ce rire, âcre comme un sanglot, sonnerait le réveil du premier amour.

684. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Rivarol. » pp. 62-84

L’esprit de critique est un esprit d’ordre ; il connaît des délits contre le goût et les porte au tribunal du ridicule ; car le rire est souvent l’expression de la colère, et ceux qui le blâment ne songent pas assez que l’homme de goût a reçu vingt blessures avant d’en faire une. […] Rendez-vous de la France et de l’Europe, Paris n’est la patrie de personne, et on ne peut que rire d’un homme qui se dit citoyen de Paris.

685. (1906) La nouvelle littérature, 1895-1905 « Deuxième partie. L’évolution des genres — Chapitre I. La critique » pp. 45-80

Sous le masque de six à sept pseudonymes, il rit et sourit des mœurs actuelles, mondaines, politiques et littéraires… M.  […] D’autre part, ceux qui ont ri de certaines expressions non moins heureuses apportées par les symbolistes ou les naturistes ignoraient souvent qu’on en pouvait trouver exemple chez les classiques (Cf. 

686. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

C’est risible, — et personne n’en rit. […] De temps en temps un rire sec, imitant le bruit d’un morceau de bois qu’on casse, faisait de sa physionomie tout entière une grimace.

687. (1861) Les œuvres et les hommes. Les historiens politiques et littéraires. II. « X. M. Nettement » pp. 239-265

l’un avec son grand vilain rire jaune que l’Envie avait dessiné sur sa face, et l’autre avec ce rire pincé qu’on prit pour de la gaieté, pendant vingt ans.

688. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. Pommier. L’Enfer, — Colifichets. Jeux de rimes. »

Puisqu’il s’emparait de l’idée chrétienne, de cette donnée qu’il faut accepter toute ou rejeter toute, car, si on est chrétien, il n’est pas permis de manquer à sa foi, et, si on est vraiment un homme, d’affaiblir par des arrangements de fantaisie, l’Évangile, l’Apocalypse, les Mystiques, la Légende et la Tradition, — puisque, ravi par la sombre splendeur du dogme de l’Enfer, il foulait d’un pied libre le cadavre de Voltaire, se souciant peu des rires que cet autre démon a semés sur les lèvres humaines, et se dévouant à chanter les supplices qui répugnent tant pour l’heure à notre spiritualisme épouvanté, il fallait qu’il allât jusqu’au cœur de l’idée chrétienne, il fallait qu’il la creusât dans tous les sens pour lui arracher toutes ses beautés ! […] Sa belle note basse y meurt sous les rires frais, ces spirales de son, de la grâce gaie, de la grâce jusqu’ici la victime de la profondeur et la plus faible des deux dans le poëte de L’Enfer, des Assassins, du Livre de sang, des Crâneries, mais qui aujourd’hui prend sa revanche, et jette au public ce joli titre qui s’en moque, Colifichets, ou cet autre encore, Jeux de rimes, car, vers, ce serait trop !

689. (1894) La vie et les livres. Première série pp. -348

Henry Céard, est une fantaisie dont on a dû rire souvent, parmi la fumée des pipes et le bruit des chopes, dans les brasseries de Greifswald. […] On lui rit au nez, et on lui jeta tant de pavés et de pièces de fonte (tout le lest du ponton) qu’elle quitta la partie. […] Sa bouche rit d’un rire qui est fendu jusqu’aux oreilles. […] Les Allemands, témoins du fait, en rient encore. […] Demain, les cloches joyeuses, chantant à toute volée, feront rire de joie la ville gigantesque et mignonne, capitale-monstre et cité-bibelot.

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