Il est de ceux (et ils sont rares) qui ont porté sans fléchir ces énormes programmes qu’on impose aujourd’hui, et, en définitive, il les a trouvés légers. […] Le sol, la lumière, la végétation, les animaux, l’homme, sont autant de livres où la nature écrit en caractères différents la même pensée. » De même, en étudiant l’histoire, il est porté à voir dans les individus, et sans excepter les plus éminents, une production directe, un résultat à peu près fatal du siècle particulier où ils sont venus.
Par une conjecture toute contraire, et qui éloigne l’idée de disgrâce, cette mort, arrivée dans les circonstances les plus malencontreuses et au fort d’une guerre, fit dire de lui « qu’il aurait fallu ou qu’il ne fût point né, ou qu’il eût vécu plus longtemps », lui seul étant en état, par ses talents, de porter le poids d’une si grosse affaire qu’il avait préparée et suscitée. […] Saint-Simon, qui n’avait pas eu le temps de connaître Louvois, ne lui en. voulait pas moins personnellement comme au grand niveleur qui avait mis au pas la noblesse dans les armées, qui l’avait réduite à l’égalité dans l’obéissance et la discipline, avait assujetti les plus grands seigneurs (sauf les seuls princes du sang) à débuter par porter le mousquet et à faire le service comme les plus simples gardes, puis, les grades venus, à ne tenir de leur naissance aucune prérogative et à ne figurer qu’à leur rang selon l’ordre du tableau.
Il ne ressemblait pas à ceux qui portent partout avec eux les lunettes de leur village ; il prenait celles de chaque endroit où il passait, sauf à n’en croire en définitive que ses propres yeux. […] Mais était vraisemblable que ces membres dévisagés qui en restaient, c’étaient les moins dignes, et que la furie des ennemis de cette gloire immortelle les avait portés premièrement à ruiner ce qu’il y avait de plus beau et de plus digne ; que les bâtiments de cette Rome bâtarde qu’on allait à cette heure attachant a ces masures, quoiqu’ils eussent de quoi ravir en admiration nos siècles présents, lui taisaient ressouvenir proprement des nids que les moineaux et les corneilles vont suspendant en France aux voûtes et parois des églises que les Huguenots viennent d’y démolir… ».
Ce Chion était un disciple de Platon que l’étude de la vertu enflamma jusqu’au fanatisme, et qui se porta à tuer le tyran de sa patrie ; c’est une espèce de Jacopo Ortis, et ce que j’ai lu de lui et qui se rapporte à Xénophon même, est d’un ton qui simule à merveille l’atticisme. […] « Psyché, nous dit la fable ingénieuse et naïve, et qui prend un certain air oriental à cet endroit, Psyché ne songe pas même à porter les mains à ce monceau confus et inextricable ; mais consternée de la barbarie d’un tel ordre, elle garde un silence de stupeur.
. — M. de Montmorency meurt vers ce temps-là ; il était de l’administration des hospices ; on célébrait pour lui un service dans chaque hôpital : « Ne manquez pas d’y aller, disait le même médecin aux élèves à qui il portait intérêt, cela fera bien. » Il n’y eut qu’un seul élève, de ceux qu’on appelle câlins, qui y assista. […] Et comment aurait-il paru, aux yeux de l’opinion, se séparer le moins du monde de ces inspirateurs funestes, lorsque lui-même, par des projets insensés tels que celui de la loi du sacrilège, venait porter un défi aux lumières et à l’humanité de l’époque ?
Un jour, les théâtres chômaient ; le courant dramatique était à sec ; il n’y avait pas à l’horizon, aussi loin que la longue-vue pouvait porter, la plus petite voile de vaudeville, pas un trois-mâts de mélodrame qui se laissât apercevoir ; Théophile Gautier s’en revenait de Neuilly par le bois de Boulogne, pensif, méditant son sujet de feuilleton, et tout résigné déjà à n’en pas faire : il entre au Jardin d’acclimatation, il visite l’Aquarium… son sujet est trouvé, et à peine arrivé au Moniteur, debout, sur le coin d’un bureau selon son habitude, il écrit de sa plus jolie écriture et au courant de la plume, sans rature aucune, ce feuilleton de l’Aquarium (9 décembre 1861) où tous les mystères sous-marins sont racontés, — un petit chef-d’œuvre de diction scientifique et descriptive. […] On demandait à Sieyès ce qu’il avait fait pendant la Terreur ; il répondit : « J’ai vécu. » Si l’on demande à Théophile Gautier ce qu’il a fait en 1848, il répond : « Je ne me suis porté nulle part. » C’était alors une singularité, même chez les gens de lettres.
Il y en avait de son temps ; Arnauld, dans sa Grammaire générale, et les écrivains de Port-Royal essayeront de porter le plus de raison possible dans la langue : Vaugelas se borne à constater le fait existant, en le puisant à sa meilleure source. […] « Ce sont des maximes, ajoute-t-il en parlant des siennes, à ne jamais changer, et qui pourront servir à la postérité, de même qu’à ceux qui vivent aujourd’hui ; et quand on changera quelque chose de l’usage que j’ai remarqué, ce sera encore selon ces mêmes Remarques que l’on parlera et que l’on écrira autrement que ces Remarques ne portent.
Ce qu’apprenant Victor-Amédée, il fit venir le jeune comte dans sa chambre, lui ôta son épée, en lui demandant s’il ne savait pas que le duel était un crime d’État ; puis, ne se contenant plus, il se jeta sur lui, le frappa avec rage, lui répétant à chaque coup « d’aller porter cela en France, qu’il n’était qu’un palefrenier, qu’il allât servir le roi de France, etc. » On arracha de ses mains le jeune homme tout meurtri et qui n’osait se défendre ; les parents non plus n’osèrent se plaindre. […] Je lui vois, à regret, un naturel porté à la rigueur et à la violence, peu de tendresse et de sûreté… » Mais, à ce même moment, le jeune duc déjouait sa mère par une tactique hardie et habile ; il sentait où était la force, la menace d’oppression ; il essayait de la conjurer en feignant de l’accepter sans réserve, et il faisait de son côté des contre-propositions toutes soumises et tout humbles à Louis XIV.
Il avait de plus, en ne faiblissant pas de ce côté, à observer de l’autre la mesure convenable, à porter, sans l’afficher, le deuil même de sa victoire. […] Il se mêla le jeudi 2 mars à cette foule républicaine, qui partit de l’Hôtel de Ville pour le cimetière de Saint-Mandé, et il prononça sur la tombe de celui dont il portait en lui l’image voilée quelques paroles émues et simples qui obligèrent Marrast lui-même à lui donner la main.
Le critique philosophe, ayant porté toutes ses forces sur les parties difficiles et comme sur les hauts plateaux, descend un peu vite ces pentes agréables, si riches toutefois en accidents heureux et en replis ; il dédaigne de s’y arrêter, oubliant trop que c’eût été pour nous, lecteurs français, la partie la plus accessible et une suite d’étapes des plus intéressantes par le rapprochement continuel avec nos propres points de vue. […] Aujourd’hui le déisme, le mosaïsme, sont fort bien portés, et on les salue avec respect là où on les rencontre.
C’est un sentiment analogue qui, le lendemain de la mort de Pascal et lorsque ses amis avaient à publier ses Pensées qui ne sont pour la plupart que les extraits de ses informes petits papiers, les porta presque unanimement à atténuer ou à éclaircir plus d’un passage, à sauver plus d’une hardiesse, à adoucir plus d’une témérité. […] 4° La plupart des additions et des rectifications de texte, dans l’édition présente, portent sur la passion secrète que nourrissait Mme Roland, et qui avait pour objet Buzot : elle n’en avait pas fait mystère à son mari ; elle ne crut pas non plus devoir la dissimuler par-devant le public et la postérité.
Catinat, enfant de Paris, élevé dans une obscure maison de la rue de Sorbonne, aimait sa ville natale, son quartier, l’approbation de ses voisins et proches ; nourri dans ces besoins et ces habitudes d’estime, il porta au milieu des camps un principe d’honnêteté, de rectitude et de scrupule que rien n’altéra jamais. […] Cependant je vois avec beaucoup de surprise que vous attendiez les ordres de Sa Majesté, sur quoi vous êtes d’autant moins excusable que, si vous aviez cru avoir besoin desdits ordres, vous n’auriez pas dû manquer de l’écrire par un courrier exprès, qui vous en aurait apporté la réponse en huit ou neuf jours… Quoique j’espère que les dépêches qui vous ont été remises par le courrier La Neuville, il y a plus de quatre jours, vous auront porté à demander audit marquis l’entrée dudit château, je ne laisse pas de vous dépêcher ce courrier exprès pour vous témoigner la mauvaise satisfaction que le roi a du retardement que vous avez apporté, etc… » Louis XIV, pas plus que Napoléon, n’aimait qu’on se le fît dire deux fois ni qu’on lui fît répéter un ordre.
Deux jours après, le prince hors de danger m’envoya au maréchal de Saxe porter une lettre pour l’avertir qu’il rejoindrait l’armée le lendemain. […] Le ministre de la guerre d’Argenson, dans une lettre au maréchal de Saxe, du 9 septembre 1746, approuvait ce choix de Lœwendal en des termes faits pour ménager l’amour-propre du comte de Clermont : « Sa Majesté a aussi approuvé le choix que vous avez fait de M. le comte de Lœwendal, pour faire sous ce Prince le détail du siège, et pour le soulager, autant qu’il sera possible, dans les soins pénibles auxquels sa volonté le porterait à se livrer tout entier, mais que son état de convalescence ne peut ni ne doit lui permettre. » 35.
Les Centaures, notez-le bien, étaient fils de la nue, et le poëte dit de Riphée, l’un des plus superbes, qu’il rappelait les couleurs de sa mère, en d’autres termes, qu’il …. portait sur ses crins, de taches colorés, L’héréditaire éclat des nuages dorés. […] remy trouve sous sa plume, et qu’à notre tour nous nous permettons de souligner : « C’est en notant de pareils traits, dit-il, et beaucoup d’autres du même genre, qu’une lecture nouvelle et attentive des Poésies d’André Chénier indiquera d’elle-même que nous avons été porté à combattre ce sentiment, qui a fait placer par certaines personnes les productions de ce poëte parmi les grands monuments de l’antiquité littéraire. » Quel style, et au moment où l’on se fait juge de la grâce elle-même !
La conscience est inviolable : l’homme a le droit de n’être méprisable que devant soi Mais, au contraire, répond l’orateur, la conscience a besoin de s’épancher : De tous les secrets que nous portons dans le vase trop fragile de notre cœur, aucun ne nous fatigue comme le secret du péché et des peines qu’il enfante. […] Ouvrez quelque part un cœur qui reçoit les confidences du pécheur fatigué de porter tout seul le fardeau de ses fautes : tout à coup il se fait comme un mystérieux échange, je dis plus, une mystérieuse aliénation.
Il y a, parmi les académiciens, des médiocres qui arrivent par le respect et parce qu’ils ne portent ombrage à personne ? […] C’est que l’Académie ne garantit point contre les inconvénients de la vieillesse… Et encore ils sont bien trente sur quarante qui sont à peu près valides, et vingt qui ont un physique présentable, et trois ou quatre qui ont de beaux profils romains. — Il est absurde et scandaleux qu’une compagnie proprement littéraire et qui, par définition, doit compter « dans son sein » les meilleurs écrivains du temps, soit à ce point encombrée de médiocrités, et il y a pas mal de ces bonshommes à qui on aurait envie de fourrer dans les narines les branches de persil qu’ils portent sur leur collet ?
Jamais l’homme n’avait saisi le problème de l’avenir et de sa destinée avec un courage plus désespéré, plus décidé à se porter aux extrêmes. […] Elles ne furent d’abord embrassées que par quelques personnes à l’imagination vive et portées vers les doctrines étrangères.
Pas plus que Montaigne, il n’aime le style livrier ou livresque, celui qui sent l’encre et qu’on n’a jamais que la plume à la main : « Il faut qu’il y ait, dans notre langage écrit, de la voix, de l’âme, de l’espace, du grand air, des mots qui subsistent tout seuls, et qui portent avec eux leur place. » Cette vie qu’il demande à l’auteur, et sans laquelle le style n’existe que sur le papier, il la veut aussi dans le lecteur : « Les écrivains qui ont de l’influence ne sont que des hommes qui expriment parfaitement ce que les autres pensent, et qui réveillent dans les esprits des idées ou des sentiments qui tendaient à éclore. […] Il exige de l’agrément et une certaine aménité, même dans les sujets austères ; il réclame du charme partout, même dans la profondeur : « Il faut porter du charme dans ce qu’on approfondit, et faire entrer dans ces cavernes sombres, où l’on n’a pénétré que depuis peu, la pure et ancienne clarté des siècles moins instruits, mais plus lumineux que le nôtre. » Ces mots de lumineux et de lumière reviennent fréquemment chez lui et trahissent cette nature ailée, amie du ciel et des hauteurs.
L’état de l’Ordre à ce moment suprême, ses divisions intestines, les dispositions des chevaliers, la plupart philosophes et mondains, qui n’étaient plus que de vieux garçons en exil sur un rocher, le manque absolu des grands mobiles qui portent les hommes à se sacrifier, tout est vu en passant avec le coup d’œil d’un moraliste, cette fois au service d’un conquérant. […] Je ne dirai pas qu’il se dégoûta de l’Égypte, ce puissant esprit ne se dégoûtait pas ; mais, quand un de ses rêves favoris lui échappait, il avait la faculté de prendre son esprit, comme il disait, et de le porter ailleurs.
La Grise est solide et peut très bien, à la rigueur, porter trois personnes, dont deux surtout pèsent si peu. […] On peut bien, sans offense, détacher une perdrix d’un certain cadeau de gibier qu’il portait à sa future.
Nature ardente sous ses airs de sécheresse, elle voulait repousser ce mortel ennui à tout prix ; il semblait qu’elle portât en elle je ne sais quel instinct qui cherchait vainement son objet. […] Mme Du Deffand lui portait envie de ce qu’il ne s’ennuyait jamais dans la solitude ; mais, avec son goût sévère, elle ne comprenait pas qu’on aimât pêle-mêle tant de choses, qu’on pût lire à la fois Shakespeare et La Guerre de Genève de Voltaire, admirer Mme de Sévigné et se plaire aux romans d’un Crébillon fils.
On pourrait affirmer, à la simple vue, que certaines pages, qui portent la date de 1822, ont reçu une couche de 1837. […] Je plongeai mes mains dans la mer ; je portai à ma bouche son eau sacrée sans en sentir l’amertume. » Oh !
s’écriait une femme d’esprit qui l’a bien connu ; c’est la plus aimable de la terre. » Pourtant il n’était pas de ceux qui portent dans l’amour et dans la passion la simplicité, la bonté et la franchise d’une saine et puissante nature. […] Depuis le commencement de ma vie, je n’ai cessé de nourrir des chagrins ; j’en portais le germe en moi comme l’arbre porte le germe de son fruit.
D’Aguesseau porta dès l’abord ses scrupules de timidité dans le goût comme dans tout le reste. […] Porté par son mérite, et par l’autorité que lui conférait la vertu paternelle, à la charge d’avocat général à vingt-deux ans, il fit, disent ses biographes, une révolution dans le palais par le caractère nouveau de son éloquence.
Marié après trente ans à une femme estimable qui fut vingt-huit années sa compagne, il paraît n’avoir porté de passion que dans l’amitié. […] Ce style à la Montaigne, si conséquent et si varié dans la suite et l’assortiment des images, exige qu’on crée à la fois une partie du tissu même, pour les porter.
À l’égard de celles qui se distribuaient à Paris, elles se portèrent la première année chez tous les gratifiés, par le commis du trésorier des Bâtiments, dans des bourses de soie d’or les plus propres du monde ; la seconde année, dans des bourses de cuir. […] il nous sera défendu de porter notre jugement sur les ouvrages d’Homère et de Virgile, de Démosthène et de Cicéron, et d’en juger comme il nous plaira, parce que d’autres avant nous en ont jugé à leur fantaisie !
Et à la reine, Louis XIV écrivait avec plus d’explication encore (20 septembre 1704) : Vous savez combien j’ai désiré que vous donnassiez votre confiance à la princesse des Ursins, et que je n’oubliai rien pour vous y porter. […] On est même allé jusqu’à supposer que les vues de Mme des Ursins se portèrent plus loin : « l’âge et la santé de Mme de Maintenon la tentaient ».
Elle s’attache de bonne heure à Villars et semble deviner que ce général qu’on appelle fou sera en définitive le sauveur : « Car il y a trop de sages, dit-elle, ou au moins trop de gens qui croient l’être quand ils ne hasardent rien ; et je suis persuadée qu’il faut quelquefois laisser les choses au hasard, pourvu qu’on ne les pousse pas jusqu’à une témérité qui n’appartient qu’aux héros de romans. » Ce dernier défaut, elle le sent bien, serait volontiers celui de Villars ; elle le lui pardonne pourtant au milieu de l’abaissement trop universel : « Ce maréchal de Villars parle et agit, dit-elle, comme ces héros de romans qui croient porter la victoire partout où ils vont : j’aime assez ces airs-là présentement, si opposés à ceux qui nous ont jetés si près du précipice. » L’héroïque défense du maréchal de Boufflers dans Lille la transporte et tire d’elle de nobles accents : L’exemple que ce maréchal a donné en défendant Lille comme il l’a fait devrait bien causer de l’émulation et de la honte en même temps, si l’on compte encore pour quelque chose l’honneur. […] La publication des pièces officielles et des dépêches des ambassadeurs de France, pendant la durée de l’influence de Mme des Ursins à Madrid (si cette publication se fait un jour), pourra seule achever de déterminer avec précision toute l’importance et la qualité de son action politique ; nous en savons déjà assez pour porter sur elle une appréciation morale ; et quant à son mérite littéraire, nous osons dire qu’il ne manque à ce qu’on a de Mme des Ursins que des éditeurs moins négligents pour qu’elle devienne un de nos classiques épistolaires.
Le point d’honneur que nous retrouverons si souvent, et quelquefois si fatalement, dans sa vie, passa donc ici avant cette grande loi, la plus sûre de toutes, qui prescrit de ne point porter les armes contre son pays, dût-on faire le sacrifice de quelques-unes de ses idées. […] Napoléon, quand il livrait une bataille, portait ses forces sur un point principal : « Le nœud de la bataille est là », disait-il.
Si le spectacle des troubles et des émotions civiles où elle a été mêlée a semblé servir quelquefois à la fortifier et à l’élever même, un tel spectacle la contriste encore plus, et l’égarerait à coup sûr en se prolongeant : c’est surtout à l’heure où ces troubles s’apaisent et où ils sont encore à l’état de récent et de vif souvenir, que la littérature peut heureusement s’en inspirer pour jouir du calme rétabli, du sentiment de la civilisation reconquise, pour y porter un zèle ému, une ardeur trop longtemps contrainte et retardée, pour y signaler et pour y produire à quelque degré l’effet d’une renaissance. […] Lorsque, arrivé à l’âge de soixante-dix ans, on lui conseilla de ne plus différer de publier son Jeune Anacharsis, l’ouvrage de toute sa vie, il hésita longtemps, et, lorsqu’il se décida enfin à le laisser paraître, en décembre 1788, c’est-à-dire à la veille des États généraux, son espoir était que l’attention publique, occupée ailleurs, ne se porterait que peu à peu et insensiblement sur le livre, et qu’il n’y aurait lieu ainsi ni à un succès ni à une chute : « Je voulais, dit-il, qu’il se glissât en silence dans le monde. » En tout ce qui précède, je n’ai voulu présenter l’abbé Barthélemy que dans l’ensemble de son existence et dans la distinction tempérée de son caractère : il nous en sera plus facile de parler de l’ouvrage même.
Dans un portrait de Du Plessis-Mornay, voulant déplorer l’usage que ce célèbre protestant fit de ses talents contre l’Église, il dira qu’il eût été à souhaiter pour lui qu’il fût mort-né (Mornay) d’effet comme de nom, et que du ventre de sa mère il eût été porté à la sépulture. […] Il s’attache à montrer Luynes comme peu fait pour cette élévation à laquelle la faveur l’avait porté, et qui ne lui donnait qu’éblouissement et insolence : Ces sortes d’esprits, dit-il, « sont capables de toutes fautes, surtout quand ils sont venus, comme celui-ci, à la faveur sans avoir passé par tes charges, qu’ils se sont plus tôt vus au-dessus que dans les affaires, et ont été maîtres des Conseils avant que d’y être entrés ».
Nous supposerons donc que tous les vers sur lesquels portera notre critique sont récités et non pas écrits. […] Henri de Régnier, malgré qu’il aime les mourantes muettes, oublie aussi leur existence, parfois, car est-il bien sûr qu’en écrivant : Qu’ils portent en grappes aux pans de leur robe écarlate il ait voulu un vers de quatorze syllabes ?
L’homme habile à qui l’homme riche demande un morceau qu’il puisse laisser à son enfant, à son héritier, comme un effet prétieux, ne sera plus arrêté par mon jugement, par le vôtre, par le respect qu’il se portera à lui-même, par la crainte de perdre sa réputation : ce n’est plus pour la nation, c’est pour un particulier qu’il travaillera, et vous n’en obtiendrez qu’un ouvrage médiocre, et de nulle valeur. […] Priez Dieu pour la conversion de cet homme-là ; et le front incliné devant la porte du sallon, faites amende honorable à l’académie des jugements inconsidérés que je vais porter.
Il est une contrée septentrionale de l’Europe, qui est comme une grande république de royaumes, où la littérature n’a pas plus de centre d’unité que le pouvoir, où la police du ridicule n’existe pas, où les esprits, disposés à la méditation par leur isolement, à l’indépendance par leur dispersion, et à l’erreur par leur sincérité même, ont souvent porté la profondeur jusqu’à l’abstrusion, le sentiment jusqu’au mysticisme, et l’enthousiasme jusqu’à l’exaltation. […] Peignez surtout le cœur humain, mais sans recherche et sans exagération : c’est un abîme, dit-on ; portez-y la lumière, au lieu d’en épaissir les ténèbres ; soyez-en les observateurs, les historiens, les romanciers : mais n’en soyez pas les Lycophrons et les Sphinx.
Je suis dans une position singulière… Je sais ce qu’il y a sous le domino d’un homme qui a masqué jusqu’aux dents son esprit, en se faisant savant, et dont le masque, qui finit par adhérer à nos fronts quand on l’a porté trop longtemps (punition légitime !) […] Il fut évident pour ceux qui l’ouvrirent et qui s’y risquèrent, pour ceux qui n’eurent pas peur cette marée de notes et de citations qui ronge le texte du livre et monte jusqu’à moitié, et plus, de toutes les pages, qu’on avait affaire à un esprit d’une rare puissance, puisque l’érudition, cette lourde massue, et qu’il faut être Hercule pour porter légèrement, ne l’avait pas assommé de son poids.
Il n’y a pas jusqu’aux circonstances de leur publicité qui n’aient porté bonheur aux Mémoires du duc de Saint-Simon et fait faire coup double à leur renommée. […] que Dubois était destitué de tout talent, pour le porter à une si prodigieuse fortune et pour l’y soutenir !
Serait-il permis de penser qu’elles sont d’autant plus portées vers l’égalité qu’elles ont été plus unifiées ? […] Le spectacle que présente aux esprits une société unifiée est donc bien fait pour les porter à égaliser les hommes.
Puis, par réflexion, vous songez à la prendre dans votre main, et, si vous l’avez dans votre main, à la porter une seconde fois dans votre bouche. […] Elle exprime seulement que l’esprit s’étant porté vers la pêche revient avec elle vers lui-même.
Tandis que l’attention et l’applaudissement du public se prennent plutôt à des productions d’espèce nouvelle et qui ont leur jour ou leur saison, les pommiers continuent de porter leurs fruits, les fabulistes des fables, les poètes pétrarquesques des sonnets, et quelques moralistes des maximes.
Écoutez votre génie, monsieur ; chargez votre muse d’en redire les inspirations, et, pour atteindre la renommée, vous n’aurez besoin d’être porté dans le casque de personne.
Aux Alpes, les Piémontais en armes ; aux Pyrénées, les Espagnols, portés sur Perpignan, complétaient cette vaste enceinte de périls.
Poètes, peintres, musiciens, il nous les révèle sous des aspects mobiles et bizarres qui portent toutefois sur un fond éternel.
Parmi de telles générations, les génies, quand il s’en présentera, seront naturellement plus forts et meilleurs ; ils porteront et garderont l’empreinte d’une moralité civique, qui trop souvent leur a fait faute ; ils offriront moins de ces affligeants contrastes qui consolent l’envie et déconcertent à vertu ; ils ne seront plus bienfaiteurs du monde à demi, et le deuil de leur perte sera deux fois saint pour ceux qui les auront admirés.
Sans s’exagérer la valeur de ces études, presque toutes dirigées sur des contemporains, genre de critique qu’on est assez porté dans le monde littéraire, un peu sérieux, à ne pas compter, il a semblé que quelques avantages compensaient les gênes nombreuses et les inconvénients du genre.
On se persuade que la crainte d’être puni, peut empêcher les hommes violents de se porter à de certains excès, ce n’est pas du tout connaître la nature de l’emportement.
. — Vous, monsieur de Condorcet, vous expirerez étendu sur le pavé d’un cachot, vous mourrez du poison que vous aurez pris pour vous dérober au bourreau, du poison que le bonheur de ce temps-là vous forcera à porter toujours sur vous ».
Malapert portait en semaine un habit-veste de gros drap et un gilet de laine tricotée ; pour les grands jours, il avait une redingote noire « dont il ne voyait pas la fin ».
Il lui est encore arrivé ces jours-ci, ayant des Français pour hôtes, de porter un toast où il célébrait Waterloo et glorifiait Blücher.
C’était un vieillard à l’air noble et affable, et qui portait une large barbe étalée sur sa poitrine.
Ce fils, Giovanni-Battista Andreini était marié depuis 1601 à Virginia Ramponi, actrice qui portait au théâtre le nom de Florinda et qui avait fait partie de la troupe des Gelosi, pendant leur dernier séjour en France.
Je porterais le deuil du régime que je n’ai pas contribué à fonder.
Les affaires du monde ne se règlent guère par ces sortes de raisonnements ; mais les hommes appliqués veulent porter en ces matières quelque raison et démêler les confusions où s’embrouillent les esprits superficiels.
L’inclination naturelle de la reine la portait à la galanterie ; elle aimait les fêtes propres à l’exalter.
Racine, en 1664, dans La Renommée aux muses, Boileau, en 1665, dans son Discours au roi, avaient porté l’art de louer au plus haut degré.
d’Alembert n’attribuera pas à un abus de critique le jugement que nous portons sur ce qui nous paroît répréhensible dans ses Ouvrages.
Il s’élève contre le décret porté par ses concitoyens ; il les appelle téméraires, insensés, ennemis des loix & de l’état.
Ils portent tous le sceau de l’immortalité.
Il faudra même que l’on s’y reporte : premièrement, parce qu’on ne saurait négliger ces sources sans s’exposer à faire des découvertes qui n’en seraient pas ; et puis, parce que les jugements mêmes que les contemporains et ceux qui les ont suivis ont portés sur les œuvres de nos écrivains se sont comme incorporés à l’idée que nous nous formons d’elles.
Le trait qui la termine, joint au piquant d’un saillie épigrammatique l’avantage de porter la conviction dans les esprits.
Et ce qu’il y avait de très merveilleux, c’est qu’au milieu de tant d’occupations, ces excellents hommes trouvaient encore le secret de remplir les plus petits devoirs de leur religion, et de porter dans la société l’urbanité de leur grand siècle.
On les entend sans cesse s’applaudir des fers qu’ils portent, et ils souhaitent que leurs chaînes soïent éternelles, nouvelle preuve qu’ils n’en sentent point le poids.
Dès qu’on a jeté les yeux sur cette période de notre histoire, le xvie siècle apparaît comme un coup mortel porté par l’effort des temps et des esprits au Christianisme et à l’austère et douce civilisation chrétienne, ou comme l’impuissance démontrée de les frapper mortellement l’un et l’autre avec des armes empruntées à l’Antiquité.
nous l’avons dit déjà : ils portent la flèche barbelée de cet homme au milieu du cœur, cette flèche dont on aime la blessure.
C’est qu’au lieu de lécher d’une langue efféminée cette blessure, qui saigne au flanc du siècle, on l’aurait débridée, élargie ; on n’eût pas craint de porter dans sa profondeur un fer courageux ou la flamme.
La patrie, cette patrie qui n’a que quelques pieds d’horizon et qui a porté notre berceau, qui nous entre par les yeux dans le cœur aux premiers moments de la vie, et qui est comme le cœur concentré de l’autre et grande patrie, est entrée trop avant en lui pour que son talent puisse exister sans elle.
C’est à partir de cette époque que la libre vie de l’intelligence a repris son cours détourné par l’effort chrétien d’annihilation cérébrale, que la nature et l’esprit de l’homme ont repris contact et renouvelé leur alliance. « Pour la première fois, l’homme entre dans l’intimité de l’univers1. » La Réforme représente le premier coup porté au dogme catholique erroné.
On peut les comparer à ces armes antiques, que la curiosité et un vieux respect conservent encore dans nos arsenaux ; ces armes que portaient nos aïeux, mais que nous soulevons à peine, et dont le poids aujourd’hui effrayerait notre mollesse.
Il n’avait pas moins honoré le courage de Sparte ; et les Lacédémoniens s’en souvinrent, lorsque, vainqueurs dans un combat contre Thèbes et maîtres de la ville, ils s’abstinrent de la seule maison qui portait pour inscription : Ne brûlez pas le toit du poëte Pindare. » Générosité facile qu’Alexandre imita plus tard et dont il fut trop vanté !
… Allez, volez, hirondelles, allez-lui chanter mon bonjour ; portez-lui sur vos ailes ma langueur, mes baisers et mes soupirs d’amour… dites-lui que je l’attends, belles hirondelles ! […] Il n’y a presque pas de poésies de lui qui ne portent écrit le numéro du siècle où on les composa. […] Il tenait son long et léger tambourin pendu au bras gauche par une courroie, et de la main du même bras portait à ses lèvres un petit fifre, pendant que de sa main droite, il tambourinait, l’air crâne, la jambe en avant. […] Notre scène tragique a donné plusieurs fois à l’Europe le spectacle de Shakespeare muselé et conduit en laisse par un académicien. » J’ai cité ces quelques lignes parce qu’elles suffisent à marquer l’esprit du jugement porté par M. […] il en résultera sans doute de nouveaux, desquels l’écrivain de Santander ne doit point porter la peine, — nous aurons soin d’indiquer, en terminant, ceux-là seuls dont la responsabilité lui incombe.
Son théâtre, quoique astreint aux rigoureuses unités grecques, n’en a pas moins porté les leçons pathétiques de la vertu et de la philosophie chez toutes les nations vivantes. […] « De qui l’invasion sur tant de bords détruits, « A d’un déluge entier porté si loin les bruits. […] Les épisodes du chant suivant portent l’empreinte d’une douce mélancolie qui, charmant et reposant le lecteur, signalent aussi bien la vive sensibilité du poète que son rare talent à les conformer au sujet, aux personnages et aux époques célébrés par son génie. […] La poésie, s’écrie-t-il, osera-t-elle porter ses regards sur un mystère que Dieu seul connaît dans toute son étendue ? […] Delille nous apprit à imiter les coups portés sur l’enclume par les cyclopes, « ………………… Levant de lourds marteaux « Qui tombent en cadence et domptent les métaux.
Ses pièces portent, comme l’a remarqué un critique moderne, M. […] Telle est l’excuse de Corneille, s’il fut moins grand, moins humain, que son génie l’eut sans doute porté à l’être. […] La Révolution s’abattit comme un ouragan sur ce vieil édifice qui commençait à craquer de tous côtés, et n’eut qu’un coup à porter pour hâter sa chute. […] C’est toujours au jugement porté sur Shakespeare qu’il faut en revenir pour apprécier la valeur d’un critique. […] Cela prouve tout au plus ce que nous avons dit, c’est que le théâtre de Dumas ne portait pas l’empreinte de l’immortalité.
Elles l’agrafaient « leurs épaules en guise d’émeraude ou la portaient chaperonnée sur la main comme les grandes dames du x e siècle portaient l’épervier. […] On sait le coup terrible que lui ont porté MM. […] Il ne s’y est pas présenté : le public l’y a porté. […] Comme Mistral, il portait en lui la Provence, et il l’a chantée dans une langue qui n’a plus besoin de clef. […] Cette invasion, il faut le dire, n’a porté bonheur à personne.
Des bourgeois portent sur l’épaule cinq à six poulets, faisant contrepoids à deux ou trois lapins. […] La barrière de l’Étoile est tout étoilée d’éclats aux creux noirâtres, et dans le bas-relief de l’Invasion, un obus a enlevé le bras de l’enfant, porté sur l’épaule de sa mère. […] Il y en a qui portent sur eux la résignation du fatalisme. […] Rien de sacrilège dans l’attitude de ces hommes, dont beaucoup, en entrant, portent instinctivement la main à leur casquette, et ne la laissent qu’à la vue des chapeaux qui sont sur les têtes. […] Soudain, je le vois s’arrêter, porter la main à sa tête, appuyer, une seconde, sa main et son front contre un petit arbre, puis tourner sur lui-même, et tomber sur le dos, les bras en croix.
Mon hommage aussi, aux prosateurs, romanciers, critiques, polygraphes, qui ont su porter si haut leur gloire. […] Tous les vers d’ailleurs là-dedans, portent, curieux, rares, exacts, tous, Et j’ai vu quelquefois ce que l’homme a cru voir. […] Tous deux la portaient dans leur cœur, mais sans nul doute Racine la chérissait plus profondément, et, dans la littérature entière, je ne vois que Molière qui, plus que lui, la connaisse, la déteste, l’adore ou la maudisse. […] rien de l’anecdote ; c’est Vénus, c’est Mars, toujours quelque sentiment porté à son plus haut degré. […] Mais quelle est la critique, quels sont les jugements douteux me concernant, si bizarres qu’ils paraîtront sans doute dans 1 avenir, qui grandiront ma réputation ou lui porteront tort dans mille ans ?
Virgile a un exemple admirable du degré de chaleur auquel peut se porter l’amour, sans altérer la douce simplicité de la poésie pastorale. […] Ceux qui n’ent lû que Boileau méprisent Lucain ; mais ceux qui lisent Lucain, font bien peu de cas du jugement que Boileau en a porté. […] Qui vous force a porter ces parricides armes ? […] Jean de Raphael, se borneroit à dire qu’il est de grandeur naturelle, porté sur une aigle, tenant une table de la main gauche, & une plume de la main droite ? […] Un très jeune officier, à qui son jeune âge ne permettoit pas d’y marcher de même, s’y faisoit porter de main en main.
Elle disait que son mari se portait bien, que l’élevage des moutons prospérait ; invariablement aussi, elle finissait par un souvenir gracieux à mon adresse. […] Après elle, parut une troupe d’éphèbes, dont les uns soutenaient le triste Pantarcès, tandis que les derniers portaient sur un brancard le grand homme décoloré. […] Aussi n’eûmes-nous de repos que lorsque tout le personnel du château se fut porté aux diverses portes du parc, pour les ouvrir aux soldats isolés, dispersés, menacés de massacre. […] Quand ils s’y décidèrent, le 29, nous persuadâmes à ceux d’entre eux qui portaient des moustaches qu’ils couraient de grands dangers et seraient pris pour des soldats déguisés. […] Il fut nommé chevalier de la Légion d’honneur, et on put lui faire passer, chez les Arabes, cette croix si noblement gagnée qu’il porta pendant toute sa captivité.
… Et voilà que la forêt se met à marcher : ce sont les soldats de Macduff dissimulés par de vastes rameaux qu’ils portent devant eux. […] Elle permet au comte Galéas de Mantoue de se dire son chevalier et de porter ses couleurs. […] Le grand justicier déclare qu’aucun des coupables, mis à la torture, n’a porté d’accusation contre la reine. […] Songez, en effet, qu’il était dans les meilleures conditions pour ’ porter sur toutes choses des jugements ingénus et non appris. […] « … Est-ce qu’on ne sort pas du bagne, au bout d’un demi-siècle, sous les habits qu’on portait le jour du crime ?
Donc, sans exclure précisément la comédie de l’étude du rire, il faut savoir qu’il ne serait pas sans danger de faire porter cette étude sur la comédie seule. […] Ce sont là jeux de prince où les plus délicats ne voient rien de mal et plutôt seraient portés à voir un honneur fait par eux à des hommes de lettres. […] Je suis porté et presque autorisé à soupçonner qu’il n’a pas lu les autres, qu’il ne les a pas trouvées, qu’il n’en a lu que les titres dans les répertoires de libraires. […] Vous pouvez surtout ne pas me nommer, la répétition du même nom pouvant parfois porter sur les nerfs du lecteur. […] « Portez à boire à l’âne », dit malicieusement Zeus.
Bonald a, dès le premier jour, porté le combat d’idées sur ce terrain. […] L’un et l’autre, par leur incertitude ou leur justesse, enlèvent ou ajoutent une autorité correspondante au savant qui les a portés. […] Le Taine de la vingtième année portait en lui, comme dessinée à l’avance, la mentalité du Taine de la cinquantième. […] Mais nous savons aussi que, malgré tant d’abus, ce monde d’autrefois portait en lui des éléments de santé qui nous manquent […] Certaines pages de mes livres, notamment celles du début d’Outre-Mer, en portent la trace.
Tel est du moins le jugement qu’une femme a porté d’elles [Cf. […] Il a été « bien porté », grâce à elles, d’être « philosophe » [Cf. […] Il ne se pouvait guère d’idée plus contraire à l’humanisme, puisqu’elle en est la contradiction même, ni qui portât en conséquence une plus grave, une dernière et mortelle atteinte à l’idéal classique. […] On ne connaît que trop l’usage et l’abus qu’il a fait des causes finales, et, pour nommer les choses de leur vrai nom, c’est jusqu’à la niaiserie qu’il a porté l’excès du sentimentalisme. […] — que sa mémoire a été mal gardée, et mal soutenue par l’aimable femme qui portait son nom [Cf.
Les Polonais établis à Moscou à la suite de Marine ou faisant partie de la garde du tzar portaient ombrage aux boyards et au peuple. […] Évidemment il avait voulu rendre à notre théâtre, encore chaud de l’orgie romantique, la simplicité des maîtres ; cette simplicité avait porté bonheur à son début, et il lui était resté fidèle, à ses dépens, dans sa seconde pièce. […] Les autres, au contraire, ont constamment à souffrir de cet antagonisme entre les idées dont ils portent le germe et celles qui dominent leur époque, et ce contraste se traduit pour eux en désenchantements amers, en douleurs poignantes, en suprêmes lassitudes. […] Voltaire, auquel il faut parfois revenir ; pourvu qu’il ne s’agisse ni de religion ni de tragédie, disait aux détracteurs de Racine et de Boileau : « Croyez-moi, ne touchez pas Jean et à Nicolas ; cela vous porterait malheur ! […] c’est ce que nous sommes tous, et je ne connais pas, pour ma part, de meilleur titre à porter que celui qui exprime, en deux mots, toutes les illusions du passé, toutes les tristesses du présent !
Étrange dissolvant que portent avec eux l’abus des facultés de l’esprit, le goût de la révolte et du désordre, le mépris de toute foi et de toute loi ! […] Lacordaire, l’alliance du christianisme et des lettres n’a pas trop porté malheur à la langue française ! […] Mais, au théâtre, il n’y a pas de ces complaisances : le vrai, le faux, l’impossible, y portent leur uniforme et s’y séparent en groupes bien distincts, comme des régiments différents sur un champ de manœuvres. […] Voyous si toutes ces révolutions-là portent bonheur ou malheur au talent de M. […] L’orgueil, son vice dominant et peut-être le mobile de toutes ses fautes, se racheta, dans ses derniers jours, par une humilité chrétienne qu’elle voulût porter jusque dans la mort, jusque dans le tombeau.
Bien qu’en plus d’un passage de ce livre sur les Rose-Croix, la religion chrétienne ne semble pas suffisamment distinguée de ce qui est touché tout à côté, il apparaît assez clairement que l’auteur ne favorise en rien les nouveautés religieuses qui ont troublé le royaume et porté atteinte à la foi des aïeux. […] La seconde Fronde vint renverser encore une fois la fortune de Naudé et lui porter au cœur le coup le plus sensible, celui qu’un père eût éprouvé de la perte d’une fille unique, déjà nubile et passionnément chérie. […] Quoi qu’il en soit, le coup était porté pour l’auteur même ; l’intégrité et l’honneur de l’œuvre unique avaient péri […] Naudé lui-même porta plainte en diffamation devant le Parlement ; on a son factum (Raisons péremptoires, etc., 1651) ; je le voudrais supprimer pour son honneur.
Considérez ces trois avenues qui se réunissent sur la grande place, larges de quarante toises, longues de quatre cents, et qui n’étaient point trop vastes pour la multitude, le déploiement, la vitesse vertigineuse des escortes lancées à fond de train et des carrosses courant « à tombeau ouvert144 » ; voyez, en face du château, les deux écuries, avec leurs grilles de trente-deux toises, ayant coûté, en 1682, trois millions, c’est-à-dire quinze millions d’aujourd’hui, si amples et si belles que, sous Louis XIV lui-même, on en faisait tantôt un champ de cavalcades pour les princes, tantôt une salle de théâtre, et tantôt un salle de bal ; suivez alors du regard le développement de la gigantesque place demi-circulaire, qui, de grille en grille et de cour en cour, va montant et se resserrant, d’abord entre les hôtels des ministres, puis entre les deux ailes colossales, pour s’achever par le fastueux encadrement de la Cour de Marbre, où les pilastres, les statues, les frontons, les ornements multipliés et amoncelés d’étage en étage portent jusque dans le ciel la raideur majestueuse de leurs lignes et l’étalage surchargé de leur décor. […] Pour le remplir, il a fallu d’abord qu’une grande aristocratie, transplantée en serre chaude et désormais stérile de fruits, ne portât plus que des fleurs, ensuite que, dans l’alambic royal, toute sa sève épurée se concentrât en quelques gouttes d’arôme. […] En 1789, le chancelier a 120 000 livres d’appointements, le garde des sceaux 135 000 ; « M. de Villedeuil, comme secrétaire d’État, devait avoir 180 670 livres, mais il a représenté que cette somme ne couvrait pas ses dépenses, et son traitement a été porté à 226 000 livres tout compris204 ». […] Sans doute ils portent encore l’épée, ils sont braves par amour-propre et tradition, ils sauront se faire tuer, surtout en duel et dans les formes.
Quant à moi, je ne sais pas au juste à quel degré d’exaltation, d’ivresse ou d’héroïsme, ne me porterait pas la musique, si je ne m’en sevrais par sobriété de sensation. […] Tous ceux qui la composent portent une torche ; ce sont les ombres des héros grecs tués dans le combat, et qui gisent sans sépulture et sans honneur dans la plaine. […] C’est ainsi qu’on voit, pendu à un clou au bord de la fenêtre d’une couturière, un bouvreuil mâle chanter dans sa cage pour gagner le grain de millet et la goutte d’eau dont sa maîtresse récompense ses symphonies, puis porter en voltigeant au-dessus du nid de sa femelle ce grain de millet à ses petits encore sans plumes, ouvrant leurs becs pour recevoir leur nourriture. […] L’amour que ce modèle des époux et des pères portait à sa femme, à son fils et à sa fille, devait être aussi dans son cœur une cause incessante de sa tendre piété ; car il fallait une providence à cette pauvre et sainte famille de l’art, et le père, sans cesse préoccupé du soin de la nourrir et de la rendre heureuse, ne pouvait trouver cette providence secourable qu’en Dieu.
À l’exception de quelques pages savoureuses et fortes de Balzac, le grand pantagruéliste, le plus étoffé des enfants de ce géant qu’on appelle Rabelais, et des adorables chansons de Désaugiers, — car Béranger est triste à porter en terre le diable auquel il ne croit pas, — tout fut empesté de mélancolie. […] Mais je nommerais, s’il le fallait, tous les hommes issus de la brillante éclosion de 1830 à 1848, et je montrerais qu’il n’en est peut-être pas quatre qui n’aient porté sur leur front le souffle enflammé de Brucker, de cet homme qui eut les deux souffles : qui eut d’abord l’influence naturelle du talent, et, plus tard, l’influence surnaturelle de la foi… Aucun parmi nous ne lui a ressemblé. […] Brucker aura donc porté bonheur autant au talent de Paul Féval qu’à son âme. […] Il a ouvert le ciel comme un pavillon au-dessus de la montagne qui portait à son sommet l’image de l’archange, et il en a fait tomber une lumière céleste pour mieux éclairer les faits prodigieux qu’il allait raconter.
Mézeray, très bon historien pour ces derniers siècles, portait de Sully le jugement juste et vrai qu’il faut qu’on en porte encore, mais sans embellissement et sans enthousiasme : « Outre qu’il était infatigable, ménager et homme d’ordre, dit-il, il avait la négative fort rude, et était impénétrable aux prières et aux importunités, et attirait à toutes mains de l’argent dans les coffres du roi. » Tant que Louis XIV régna, il fut assez peu question des grandeurs et des gloires des règnes précédents. […] Encore une fois, Sully, comme s’il avait prévu à l’avance ces dénigrements de détail et ces dégradations de l’histoire, a dit ou fait dire par la plume de ses secrétaires : « Que si quelques grands rois, capitaines, magistrats ou chefs d’armées, de républiques et de peuples, qui ont acquis une générale réputation d’avoir été excellents ès faits d’armes, de justice et de police, ont eu quelques vices et passions particulières secrètes et cachées, qui n’aient point porté de préjudice au public, et dont la publication ne peut apporter aucun avantage », il est bienséant à un historien de les taire et de ne point passer sous silence « les vertus, belles œuvres et actions manifestes » pour s’en aller scruter et découvrir « les défauts et manquements secrets ».
On se décide, dès que la saison le permet, à se porter sur Babylone, c’est-à-dire Le Caire. […] Le canal qui avait quelque temps arrêté l’année ayant été traversé à gué, le comte d’Artois, frère du roi, plein de vaillance, se porta en avant, renversant tout ce qu’il rencontrait ; et, entraînant avec lui par émulation l’élite des chevaliers du Temple et nombre de braves seigneurs, il se lança jusque dans la ville de la Massoure où la résistance l’attendait et où il trouva la mort.
Restez donc, vous qui, portés dans des chaises ou dans des chars, ne connaissez d’autre fatigue que celle de l’oisiveté et ne goûtez d’autres scènes que celles que l’art combine, restez toujours dans votre élément ; là seulement vous pouvez briller ; là seulement des esprits comme les vôtres peuvent ne pas nuire. […] C’est du sein de cette habitude intérieure désolée qu’il se portait si vivement, pour se fuir lui-même, à ces occupations littéraires et poétiques où il a trouvé le charme et où il nous a rendu de si vives images du bonheur.
Ce n’était qu’un jeu de le porter, pour quelqu’un qui aimait avant tout s’habiller et à babiller en vieille femme. […] Elle a très bien rendu le mouvement qui la porta vers lui et qui fut le principe de leur liaison : Je me sais très bon gré d’avoir vaincu ma timidité.
Voltaire s’intéressait à tout ce qui se passait dans le monde auprès de lui ou loin de lui ; il y prenait part, il y prenait feu ; il s’occupait des affaires des autres, et, pour peu que sa fibre en fût émue, il en faisait les siennes propres ; il portait le mouvement et le remue-ménage partout où il était, et devenait un charme ou un tourment. […] Et Voltaire, ce même homme qui trébuchait ainsi dans le détail, reprenait ses avantages dès qu’il s’agissait d’ensemble ; il était de ces esprits fins et prompts qui devinent mieux qu’il ne connaissent, qui n’ont pas la patience de porter une démonstration un peu longue, mais qui enlèvent parfois tout d’une vue une haute vérité, et qui réussissent alors à l’exprimer de manière à ravir les savants eux-mêmes.
Mirabeau toujours préoccupé de l’idée que Vauvenargues n’est pas ambitieux, qu’il est philosophe par tempérament et par choix (il le juge trop sur la mine, et par le dehors), qu’il est porté à l’inaction et au rêve, le presse souvent et dans les termes d’une cordiale amitié de se proposer un plan de vie, un but, de ne plus vivre au jour la journée : « Nous avons besoin de nous joindre, mon cher ami ; vous appuieriez sur la raison, et je vous fournirais des idées. » Vauvenargues décline ce titre de philosophe auquel, dit-il, il n’a pas droit : Vous me faites trop d’honneur en cherchant à me soutenir par le nom de philosophe dont vous couvrez mes singularités ; c’est un nom que je n’ai pas pris ; on me l’a jeté à la tête, je ne le mérite point ; je l’ai reçu sans en prendre les charges ; le poids en est trop fort pour moi. […] Le coup a porté : Vauvenargues a beau dire, il est homme de lettres plus qu’il ne croit ; il est sensible plus qu’il ne le voudrait à cette idée de génie, à cette image d’une gloire sous sa main, et qu’il ne tient qu’à lui de cueillir : « Vous ne sentez pas vos louanges, écrit-il à Mirabeau, vous ne savez pas la force qu’elles ont, vous me perdez !