Tant que le chemin dura, je ne parlai d’autre chose que des commodités de la guerre : en effet, si elle produit des voleurs, elle les occupe à cette époque-là [c’était ainsi], ce qui est un grand bien pour tout le monde, et particulièrement pour moi, qui crains naturellement de les rencontrer. […] République de loups, asile de brigands, Faut-il que tu sois dans le monde ?
C’est un des privilèges de la Gloire de forcer le monde à s’occuper d’elle, même quand l’homme de cette gloire ne la mérite plus. […] Une entre autres : Ce qu’on dit à Jeanne toute seule, et qui commence par ces mots : Je ne me mets pas en peine Du clocher ni du beffroi, est d’un tel charme et d’un tel moelleux dans la manière dont les strophes tombent les unes sur les autres, qu’une seule bouche au monde était digne de dire tout haut de pareils vers et qu’on ne les entendra jamais dits comme ils sont écrits, car cette bouche est glacée.
Tout ce que la physique nous dira des constatations de Paul en voyage devra s’entendre des constatations que le physicien Pierre attribue à Paul lorsqu’il se fait lui-même référant et ne considère plus Paul que comme référé, — constatations que Pierre est obligé d’attribuer à Paul du moment qu’il cherche une représentation du monde qui soit indépendante de tout système de référence. […] C’est avec ces deux espèces de mesure, confondues dans le même traitement, qu’il construira une représentation scientifique du monde ; et comme il doit les traiter de la même manière, il leur attribuera la même signification.
Hase, mourait surchargé de titres, de places et d’honneurs bien mérités, Dubner, à l’âge de plus de soixante ans comme au premier jour, n’était rien qu’un travailleur isolé, tout entier voué à l’exécution des grandes entreprises philologiques qui roulaient sur lui, dont il était la cheville ouvrière et l’âme, se dérobant, ne s’affichant pas, étranger au monde, n’ayant au dehors que les relations strictement nécessaires, enseveli, comme il le disait, dans sa vie souterraine au fond de sa mine philologique, et tout semblable à l’un de ces mineurs du Erzgebirge auquel lui-même il se comparait ingénieusement.
L’esprit bourgeois triomphait partout, tout positif, fait de bon sens et de raison pratique, mais desséché, démoralisé par le spectacle de la forme qu’avaient donnée au monde ces grandes puissances de l’Église et de la noblesse, tourné vers la défiance railleuse, vers la négation hostile, tirant du train des choses une leçon de ruse et d’égoïsme, le culte du fait et du succès, voué enfin à la poursuite des jouissances matérielles.
Ce passage du premier moment au second est l’histoire de presque tous les hommes qui ont apporté au monde des désirs généreux, de nobles desseins et de vastes espoirs.
Gobineau sur les qualités d’indépendance et d’énergie intelligente ; Nietzsche glorifie la force sauvage et indomptée, la volonté de puissance des maîtres, destructrice et créatrice, qui renouvelle le monde, parfois au prix de terribles convulsions et de sanglantes hécatombes.
La race n’y est pas tout, comme chez les rongeurs ou les félins, et on n’a pas le droit d’aller par le monde tâter le crâne des gens, puis les prendre à la gorge en leur disant : « Tu es notre sang ; tu nous appartiens !
Car il avait le signe qui, chez le poète comme chez le savant ou le philosophe, est la première marque du génie : l’égale absence d’esprit d’imitation et d’esprit de contradiction, la non-attention à la galerie, l’incurie du public, la superbe et souriante et presque inconsciente insouciance de plaire ou déplaire : Il disait à lui-même et à son amie : Quant au monde, qu’il soit envers nous irascible Ou doux, que nous feront ses gestes ?
C’est quand l’âme semble vaincue par les choses que sa vraie supériorité éclate ; la couronne d’épines et le sceptre de roseau sont de merveilleuses parures pour ceux-là dont le royaume n’est pas de ce monde.
Un monde est sorti de l’idée de Thespis, comme de l’œuf cassé de Colomb.
Binet, on interroge le sujet avec certaines précautions, on peut mettre en évidence qu’il a, dans la plupart des cas, l’idée de l’excitation, « sans savoir comment ni pourquoi cette idée lui est venue, et sans se douter le moins du monde que cette idée correspond à la réalité. » Un des exemples les plus frappants de la tendance qu’ont les idées à se réaliser en mouvements par tous les moyens possibles, et sans même que nous en ayons une conscience distincte, c’est que, lorsqu’une hystérique tient entre les doigts de sa main insensible une plume dans la position nécessaire pour écrire, cette plume enregistre l’état de conscience prédominant du sujet sans qu’il s’en aperçoive.
C’est que l’auteur d’une invention souvent insignifiante croit ennoblir son œuvre en la qualifiant d’un mot qu’il achète et qu’il ne comprend pas26 ; c’est aussi que les commerçants connaissent le goût du peuple pour les mots savants ; en prononçant des bribes de patois grec ou latin, la commère se rengorge et la femme du monde sourit, pleines de satisfaction.
. — Adieu, dit-elle, beau monde, vous ne me reverrez plus.
Son sort est de fixer la figure du monde, De lui plaire & de l’éclairer.
Il n’aimoit pas Baron : il le contrefit un jour, & chargea ce ridicule pendant toute la représentation d’une pièce où il ne se trouvoit pas beaucoup de monde.
Chapitre VII Le langage et le cerveau La question des rapports du cerveau et de la parole a beaucoup agité le monde médical dans ces derniers temps et a même occupé plusieurs séances de l’Académie de médecine50.
Ce n’est pas à dire que les vérités scientifiques ne puissent entrer dans la littérature, mais c’est à la condition qu’elles se mêlent à des vérités humaines et qu’elles touchent à l’homme par quelques côtés, soit en lui exposant l’histoire de la terre, son domicile et son séjour, soit en lui décrivant le spectacle des astres, symbole et image du monde invisible dont son âme ressent l’éternel besoin, soit en lui peignant les mœurs des animaux, qui sont une image des mœurs humaines.
Celui-ci connaît le monde et a bien pris son parti.
Quand je dis à l’astronomie, j’entends cette astronomie populaire qui se borne à savoir que ces points étincelants sont des masses prodigieuses, reléguées à des distances prodigieuses, où ils sont les centres d’une infinité de mondes suspendus sur nos têtes, et d’où le globe que nous habitons serait à peine discerné.
Tuer un homme endormi, après possession préalable, bien entendu, — une idée qui a passé dans la tête, et jusque dans la main de la dame cosaque d’aujourd’hui, car son poignard était déjà levé, quand l’homme menacé se réveilla ; — le tuer, cet homme endormi qui avait été à tant de femmes, pour qu’il ne fût plus à personne, n’est pas une idée d’originalité très cosaque, mais du plus vieux, du plus usé et du plus plat romanesque de partout, à cette heure, sotte et folle, de ce beau monde civilisé !
Les noms sont tout, dans cet inepte monde.
Voici que le droit des femmes devient, même pour les hommes d’État, une sérieuse opinion politique ; que le club jadis fondé par Mme Olympe Audouard, de rose mémoire, qui ne pensait peut-être pas en tête-à-tête avec un homme ce qu’elle disait devant des hommes réunis, voici que ce club haché si longtemps par la plaisanterie rejoint ses tronçons et ressuscite avec d’autres Olympe Audouard, aussi affreusement rouges qu’elle était, elle, délicieusement rose… Voici que les Tricoteuses de la Révolution, si elles revenaient dans notre monde, ne voudraient plus tricoter devant la tribune, mais entendraient bien y monter !
Elle est pour lui surtout l’expression de certaines idées utiles ou pratiques, c’est-à-dire l’expression de tout ce qu’il y a au monde de moins littéraire.
Madame de Sévigné, en effet, ce type exquis de la Française, est de toutes les femmes du monde la plus détestable à aimer.
Resté un enfant dans la vie, comme, du reste, cette promptitude à la colère le prouve bien, car il n’y a d’hommes forts que les sangs-froids ou les sangs-froidis, — à qui le monde appartient, disait Machiavel, — resté un enfant, comme un poète de métaphysique, par l’esprit, et un prêtre par le cœur et les habitudes (les prêtres sont toujours des enfants quand ils sont descendus de l’autel), Lamennais n’avait pas grand goût pour la réalité qui le blessait souvent, qui le faisait bondir de souffrance, cette sauvage hermine de Bretagne, et il s’en détournait, se retirant violemment en lui-même, les yeux retournés en dedans et attachés sur une idée, — une idée qui fut la vérité pendant une moitié de sa vie et une erreur pendant l’autre moitié, — mais qui, dans tous les temps, a suffi aux ardeurs et aux aspirations de cette âme désintéressée !
Il n’y a guère plus haut, en effet, dans l’opinion actuelle du monde, et quand j’écris « actuelle », je sais ce que j’écris : je ne veux pas engager l’avenir.
Il n’y a guère plus haut, en effet, dans l’opinion actuelle du monde, et quand j’écris « actuelle » je sais ce que j’écris, je ne veux pas engager l’avenir.
… Car il est, intellectuellement, taillé comme personne, parmi les philosophes de cette heure, et capable de dégrader par le raisonnement les doctrines et les hommes de perdition auxquels le monde est présentement en proie… J’augure bien de ce Brentano !
Optimistes qui jettent sur l’homme et le monde un regard innocent comme l’illusion et tranquille comme l’impénitence finale, et qui le lèveraient avec la même placidité sur Dieu lui-même, si ce Dieu, travesti par eux en monstre d’indulgence, venait tout à coup les juger.
C’est l’homme, ici, qui a chanté comme aurait pu chanter la femme, et la femme, comme l’homme n’a pas chanté· II Je ne crois pas, du reste, que dans la littérature de ce vieux monde moderne, qui se croit moderne et qui n’est que vieux, inspiration pareille à celle de ces poésies ait déjà passé.
Il jouissait, sybarite intellectuel, de la vie et de la pensée dans son rayonnement solitaire, sans se préoccuper le moins du monde de la longueur de ses rayons.
Critique fin comme un lynx, — trop fin peut-être, — ayant ce ton détaché qui est à cent lieues en l’air du pédantisme et que Beyle aurait aimé plus que personne, spirituel, incisif, pénétrant, mais pénétrant comme une pointe, ayant sous chaque mot dont il se sert une aiguille d’or qu’il enfonce délicatement dans la tête des sots, Paulin Limayrac devait comprendre ce mélange de dandy, d’officier, d’artiste, d’homme du monde, de penseur original, d’humoriste, de touriste, d’excentrique et d’ironique que fut cette Chimère fabuleuse qui répondait au nom de Beyle… ou plutôt qui n’y répondait pas.
Depuis longtemps, il est tombé de la préoccupation publique par morceaux… Quant à Balzac, qui nous donna tant de choses sur Paris et sur ses mœurs, grandes ou petites, aristocratiques ou canailles, il y mêla de si grandes choses, d’une telle généralité de nature humaine et de pathétique universel, que la préoccupation parisienne, qui l’aurait rapetissé comme un autre si elle avait été seule, disparaissait même dans ses Scènes de la vie exclusivement parisienne, mises en regard des autres Scènes qu’il a tracées avec ce génie et cette volonté encyclopédiques qui devaient embrasser tout entier le monde de son temps.
Placé sur la frontière des deux mondes, Espérit (nous aimons ce nom presque symbolique), est, de fait, l’esprit même, l’intuition, le pressentiment, la vie plus haut, l’art et ses divinations.
Tout ce monde minuscule se culbute, s’agite et se mêle avec une pétulance indicible, sans trop s’inquiéter si tous ses membres sont bien à leur place naturelle.
Un homme qui faisait le sort du monde, une cour où l’on se rendait de toutes les extrémités de l’Europe, de l’Afrique et de l’Asie, les caprices d’un tyran qui pouvaient faire trembler cent nations, une servitude même qui avait quelque chose d’auguste, parce qu’elle était partagée par l’univers ; enfin la grandeur romaine qui respirait de toutes parts, même à travers les ruines de la liberté, tout ce spectacle, au moins dans les premiers siècles de l’empire, agitait fortement les esprits et les âmes.
Et entre ces deux blâmes, les monuments de génie d’Archiloque, suspects et peu reproduits, se perdirent dans le passage de l’ancien monde à la renaissance.
Cet esprit poétique s’était embarrassé, de gaieté de cœur et jusqu’à épuisement, dans une forme artificielle, dans un labyrinthe de subtilités d’où il avait toutes les peines du monde à se tirer, et d’où il ne se tirait même pas, s’il n’avait reçu un heurt violent et un vigoureux coup de coude venu d’ailleurs. […] Il l’est dans tout ce qui vient de source et qui sort involontairement de sa plume, pièces légères, satires, boutades, débuts de chants, vers saillants nés proverbes, qui lui échappent en tout sujet, et qui courent le monde.
» L’enthousiasme toujours figuré du vrai poète le ressaisit aussitôt ; il chante d’une voix immortelle l’entrée triomphale de Dieu dans ses mondes par les portes immenses des éternités. […] » Le spectacle du monde le trouble, lui fait regretter la solitude.
Raoul de Cambrai est un épisode des luttes féodales : la geste des Lorrains 25 est un monde. […] Et « l’autre soleil » de ce monde, le pape, n’est pas mieux traité : ne le voit-on pas, pour engager Guillaume d’Orange à son service, lui promettre, entre autres dons, de lui laisser épouser autant de femmes qu’il voudra48 ?
Si cela était possible, Corneille nous montrerait l’acte volontaire en soi, hors du monde des accidents, sans une matière où il s’applique, se prenant lui-même pour but. […] Les innocents sont généralement sacrifiés (ainsi va le monde) ; si les coupables sont punis, c’est toujours de leurs propres mains, et l’horreur qu’ils auraient pu inspirer se tourne en compassion.
On est même en droit de se demander si cette loi ne pénètre pas jusque dans le monde minéral et si les différences qui séparent les corps inorganisés n’ont pas la même origine. […] Il faut qu’il renonce à faire de la psychologie, en quelque sorte, le centre de ses opérations, le point d’où doivent partir et où doivent le ramener les incursions qu’il risque dans le monde social, et qu’il s’établisse au cœur même des faits sociaux, pour les observer de front et sans intermédiaire, en ne demandant à la science de l’individu qu’une préparation générale et, au besoin, d’utiles suggestions77.
Les uns donnaient à l’âme humaine, à ses aspirations les plus hautes, à ses regrets, à ses vagues désirs, à ses tristesses et à ses ennuis d’ici-bas, à ces autres ennuis plus beaux qui se traduisent en soif de l’infini, des expressions harmonieuses et suaves qui semblaient la transporter dans un meilleur monde, et qui, pareilles à la musique même, ouvraient les sphères supérieures.
Quand je suis entré dans le monde littéraire (1824), j’avais pour maîtres quelques-uns de ces premiers amis de Cousin ; c’est par eux que j’ai d’abord appris à le juger, et je dois dire qu’ils étaient déjà à demi détrompés, mais seulement à demi ; et quels beaux restes d’admiration et de respect ils lui vouaient encore !
Les anciens habitaient un monde trop nouveau, possédaient encore trop peu d’histoires, étaient trop avides d’avenir, pour que le malheur qu’ils peignaient fût jamais aussi déchirant que dans les pièces anglaises.
Quand pourrai-je, à ce monde ayant payé rançon, Suspendre comme toi ma veste à ton buisson, Et, déchaussant mes pieds saignants de dards sans nombre, Te dire, en t’embrassant : « Ami, vite un peu d’ombre !
D’assez bonne maison pour ne pas s’inquiéter trop de sa fortune, aventureux et aventurier, il n’a l’âme ni féodale ni moderne : sans foi chevaleresque, et sans patriotique affection, il court le monde, pour sa fortune, mais surtout pour voir, curieux admirateur de tous les égoïsmes qui se déploient avec force ou avec grâce.
Ce fut l’ode de Malherbe sur la mort de Henri IV, qui éveilla le talent de La Fontaine ; et qui n’a entendu citer ces vers sur la mort de mademoiselle du Périer, Elle était de ce monde où les plus belles choses Ont le pire destin ; Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L’espace d’un matin ?
Le premier qui ait osé se montrer, a pour titre, les Oreilles des Bandits de Corinthe, digne régal pour les oreilles de tous les Bandits du monde.
Éclairer par un rapprochement historique une question contemporaine, sans doute cela peut être utile ; mais le Rhin, ce fleuve unique au monde, ne vaut-il pas la peine d’être vu un peu pour lui-même et en lui-même ?
Comme nous l’indiquions tout à l’heure, après la destruction qui a délivré le monde, vous opérerez la construction qui l’épanouira.
Émile Fabre… et puis, une peinture de mœurs factices, de mœurs irréelles, qui nous valent, de par le monde, la réputation d’un peuple uniquement préoccupe de problèmes sexuels et surtout d’adultère.
Vous mourrez là ; et c’est à quoi se réduira le char de votre gloire101. » Dans quel monde inconnu le prophète vous jette tout à coup !
C’est n’avoir aucune idée de la fierté avec laquelle certains chrétiens fanatiques se sont présentés au pied des tribunaux des préteurs, de la majesté prétoriale, de la férocité froide et tranquille des prêtres, et de la leçon que je reçois de ces compositions qui m’instruisent bien mieux que tous les philosophes du monde de ce que peut l’homme possédé de cette sorte de démon.
Le ton sur lequel la melopée haute ou la nomique composoit, étoit d’ailleurs très-propre à faire entendre plus distinctement, et par plus de monde le crieur public, lorsqu’il recitoit une loi.
Si je ne me soumets pas aux conventions du monde, si, en m’habillant, je ne tiens aucun compte des usages suivis dans mon pays et dans ma classe, le rire que je provoque, l’éloignement ou l’on me tient, produisent, quoique d’une manière plus atténuée, les mêmes effets qu’une peine proprement dite.
. | Car en leur donnant sa puissance, il leur commande d’en user comme il fait lui-même pour le bien du monde, | et il leur fait voir en la retirant que toute leur majesté est empruntée | et que pour être assis sur le trône | ils n’en sont pas moins sous sa main et sous son autorité suprême », Nous avons ici des membres de phrase presque toujours de dix-sept, dix-huit, dix-neuf ou vingt syllabes, donc presque égaux, plus égaux que dans le précédent exemple, et, puisque en même temps ils sont plus courts, obéissant à un rythme plus marqué ; la phrase est essentiellement nombreuse.
Le monde de la sensation est parcouru et le poète n’a rien vu davantage !
Et comme, depuis 1830, le matérialisme du xviiie siècle, interrompu par le spiritualisme philosophique de la Restauration, trop vague pour lui résister, a repris la société moderne qu’il s’est définitivement asservie ; comme Sainte-Beuve, sceptique autant que Planche, lui a survécu et est devenu résolument matérialiste au déclin de sa vie, marquant en lui le progrès des esprits vers cette effroyable erreur absolue dans laquelle le monde presque tout entier verse en ce moment, le succès de Manon Lescaut devait grandir et a grandi.
Avant cette scène, nous avions les prodromes du roman, mais il faut le dater réelle ment de ce bal, où l’œil commence de corrompre l’âme et où le monde extérieur entre dans le cœur de madame Bovary pour n’en plus sortir.
L’organisation d’un gouvernement libre représente mieux, selon nous, les rapports que soutiennent les signes avec les choses signifiées : le monde de nos pensées peut être comparé à un peuple qui se gouverne lui-même ; en théorie, en droit, en fait même à certain point de vue et dans certaines circonstances, tous les citoyens possèdent une part égale de souveraineté ; mais la raison qui leur est commune et le juste sentiment de l’intérêt bien entendu leur ont fait de bonne heure comprendre l’utilité d’une organisation hiérarchique ; ils ont donc détaché parmi eux un certain nombre d’hommes auxquels est exclusivement confiée l’administration des affaires publiques ; ces mandataires délégués dans l’intérêt de tous par l’autorité véritable sont seuls en évidence ; ils semblent incarner en eux la souveraineté populaire ; la louange et le blâme s’attachent exclusivement à leurs personnes ; ils n’ont pourtant, à parler rigoureusement, qu’un semblant de pouvoir ; leur démission collective ne saurait entraîner la mort du corps social, mais seulement une crise politique passagère, sans danger sérieux pour une société dont les forces vives sont restées intactes. […] Voir Descartes, au commencement du traité du Monde : « Les paroles, n’ayant aucune ressemblance avec les choses qu’elles signifient, ne laissent pas de nous les faire concevoir », etc. ; Bossuet, Logique, I, 3 ; Port-Royal, Logique, I, 1 ; etc. […] Le néologisme a trois procédés : 1° construire des mots nouveaux avec les radicaux et d’après les lois de la langue que l’on veut enrichir ou renouveler ; 2° emprunter des radicaux à des langues étrangères, et les particulariser au moyen des affixes de la langue maternelle ; 3° emprunter aux langues étrangères des mots tout formés, avec la nuance particulière de leur signification ; demandant un effort de souvenir pour être compris, ces mots font trait dans la phrase et disent bien ce qu’on veut leur faire dire ; mais, ensuite, ils entrent difficilement dans la langue commune ; ils n’ont guère d’autre valeur que celle d’un expédient momentané, précieux seulement pour tourner une difficulté ; par suite, après les épistolaires, qui n’écrivent pas pour tout le monde, ce procédé n’est guère employé que par les humoristes, qui cherchent l’expression saisissante et la nuance exacte, et qui, eux aussi, n’écrivent pas pour le grand public ; et, chez les uns et les autres, ou peut dire que les mots étrangers sont des néologismes à l’état naissant, mais mort-nés pour la plupart. — Cette utilité des langues non-usuelles pour rajeunir la pensée a été bien exprimée par Benjamin Constant dans un passage d’Adolphe : « Elle parlait plusieurs langues imparfaitement ; mais ses idées semblaient se faire jour à travers les obstacles et sortir de cette lutte plus agréables, plus naïves et plus neuves : car les idiomes étrangers rajeunissent les pensées et les débarrassent de ces tournures qui les font paraître tour à tour communes et affectées. » [Le passage d’Adolphe cité par Egger se trouve au début du chapitre II, lors de la rencontre d’Elléonore (B. […] [Voir Descartes, Discours de la méthode, Paris, Garnier-Flammarion, 1966, 2e partie, p. 44 : « La seule résolution de se défaire de toutes les opinions qu’on a reçues auparavant en sa créance n’est pas un exemple que chacun doive suivre ; et le monde n’est quasi composé que de deux sortes d’esprits auquels il ne convient aucunement.
Point de justesse ni d’exactitude dans cet écrivain ; point de réflexion lumineuse, aucune connoissance du monde, beaucoup d’érudition mais peu de philosophie. […] C’est qu’on n’a que faire de théâtre, pendant que le monde en est un assez grand lui-même, & rempli de toutes sortes d’originaux.
Je veux dès demain partir, m’enquérir par le monde des procédés d’embaumement les plus adamantins. […] Et les voilà traçant les cercles médiateurs et les ellipses de force, les caractères vocatoires, les signes aux spirales complexes qui unissent les vigueurs occultes des mondes.
— Il en dit plus qu’il n’en fait : c’est le meilleur homme du monde.
à un certain moment, si vous la lisez avec attention, un étrange sentiment se laisse apercevoir : Elle me confondait avec sa propre vie, Voyait tout dans mon âme ; et je faisais partie De ce monde enchanté qui flottait sous ses yeux… Avant moi cette vie était sans souvenir… Et la comparaison développée du beau cygne qui trouble une onde pure dans un bassin, ne voyez-vous pas comme il la caresse ?
Tout ce qu’on vous dira à la place de ceci ne sera que des propos de pruderie non calqués sur le cœur humain, et personne ne tient son cœur dans sa main, et ne le resserre ou le relâche à poing fermé ou ouvert à volonté. » On ne peut mieux indiquer, par cette digression même presque involontaire et où la femme revient et se trahit, que, tout en cédant volontiers de son côté à la tentation et à l’attrait, elle se prévalait aussi à son tour de cet attrait et de cet ascendant aimable, de sa séduction irrésistible et de sa certitude de plaire, pour se faire, à la Cour et dans tous les rangs, nombre d’amis dévoués, inféodés, résolue à tout pour la servir, et qui, le jour et le moment venus, la firent ce que de tout temps elle avait rêvé d’être, afin de pouvoir ensuite donner sa mesure au monde et marquer son rang dans l’histoire.
Quand on se rappelle les visages froids et composés que l’on rencontre dans le monde, j’en conviens, on croit impossible de remuer les cœurs ; mais la plupart des hommes connus sont engagés par leurs actions passées, par leurs intérêts, par leurs relations politiques.
Bientôt celle-là même s’efface, et la meilleure chance de bonheur pour cette situation, c’est la facilité qu’on trouve à se faire oublier : mais par une réunion cruelle, le monde qu’on voudrait occuper, ne se rappelle plus de votre existence passée, et ceux qui vous approchent ne peuvent en perdre le souvenir.
Sa conversation est composée de parenthèses, principal objet de toutes ses phrases ; il voudrait laisser échapper ce qu’il a le plus grand besoin de dire ; il essaye de se montrer fatigué de tout ce qu’il envie ; pour se faire croire à son aise, il tombe dans les manières familières ; il s’y confirme, parce que personne ne compte assez avec lui pour les repousser, et tout ce dont il est flatté dans le monde est un composé du peu d’importance qu’on met à lui, et du soin qu’on a de ménager ses ridicules pour ne pas perdre le plaisir de s’en moquer.
La vie de l’esprit y était intense : dans ce monde inquiet et ardent, les poètes étaient nombreux, et les poétesses presque autant.
Vous entendez bien, c’est une jeune fille qui a des ailerons, et non point par métaphore, comme quand on dit à une femme du meilleur monde en lui offrant son bras : « Madame, vous offrirai-je mon aileron ?
Les âmes chrétiennes les plus douces et les plus abondantes en vertus parlaient des « infamies du vieux monde » dans les mêmes termes que le font aujourd’hui les anarchistes les moins vertueux.
Il Mondo alla roversa (le Monde renversé), probablement de Cintio, juillet 1669.
Pour lui, il se confirmait dans la pensée qu’il allait mourir, mais que sa mort sauverait le monde 1043.
Les actions réflexes, les actes habituels sont de cette nature, « Les actes volontaires se distinguent des actions réflexes par l’intervention d’une conscience, et le phénomène est très remarquable, en ce qu’il nous introduit, pour ainsi dire, dans un nouveau monde Nous sommes même libres, si cela nous plaît, de dire que l’esprit est une source de puissance ; mais nous devons alors entendre par esprit la conscience jointe à tout le corps, et nous devons aussi être prêts à admettre que l’énergie physique est la condition indispensable ; la conscience, la condition accidentelle187. » V « Tout ce qui a été exposé jusqu’ici188 relativement aux actions volontaires des êtres vivants, implique la prédominance d’une uniformité ou d’une loi dans cette classe de phénomènes, en supposant toutefois une complication de nombreux antécédents qui ne sont pas toujours parfaitement connus. » La pratique de la vie s’accorde en général avec cette théorie : nous prédisons la conduite future de chacun d’après son passé ; nous appelons Aristide un juste, Socrate un héros moral, Néron un monstre de cruauté.
Les transformations successives que l’idée de la vie future revêtit dans le monde antique n’atteignirent point au fond cette foi primordiale.
L’arrière-garde, arrivant la dernière parce qu’elle se battait pour tout le monde, ne trouva rien.
L’homme passe, ce drame reste, ayant pour fond éternel la vie, le cœur, le monde, et pour surface le seizième siècle.
Leur langage mystérieux fut adopté insensiblement, & se répandit dans toutes les parties du monde.
Dans chaque partie du monde, chaque contrée ; dans une même contrée chaque province ; dans une province chaque ville ; dans une ville chaque famille ; dans une famille, chaque individu ; dans un individu, chaque instant a sa physionomie, son expression.
Tel qu’il est, toutefois, le Roman bourgeois ne laissera pas d’être pour l’historien, pour le philologue et pour l’homme du monde, une lecture pleine de profit et d’agrément.
Il était dans la philosophie comme un homme du monde dans sa maison ; il en faisait les honneurs avec un bon goût et une politesse exquise ; il allait au devant de ses hôtes, leur prenait la main, les conduisait sur tous les points de vue qui pouvaient les intéresser ou leur plaire.
La raison doit en cette circonstance dominer l’imagination ; mais j’ai moi-même éprouvé trop vivement combien cela lui est malaisé d’y parvenir, pour être le moins du monde surpris qu’on hésite à étendre jusqu’à des conséquences aussi étonnantes le principe de sélection naturelle. […] À ne considérer que les habitants actuels du monde, cet axiome ne serait pas strictement exact ! […] Il faisait ainsi la conquête d’un élément nouveau, d’un monde jusqu’alors peut-être indisputé, sinon complétement inoccupé, et où ne pouvait le poursuivre aucun ennemi ; mais où peut-être, au contraire, les premiers articulés volants, ébauches de nos insectes, lui offraient déjà une proie inhabile à se défendre.
La société, qui renaissait et qui obéissait déjà à tout un autre reflux d’idées, y accourut en foule et dans les dispositions d’une curiosité quelque peu malicieuse ; c’était le même monde qui venait d’inaugurer le Génie du Christianisme, et tout récemment de faire le succès de la Pitié de Delille, succès qu’on peut considérer comme une revanche sociale de celui de la Guerre des Dieux. […] Théodore Pavie (Revue des Deux Mondes du 1er février 1844, page 438).
On peut trouver trop d’obstacles en soi, ou dans autrui, pour exécuter un plan de conduite qui ferait succéder à la témérité des paroles la réserve et la retenue ; au désir de prévaloir, l’empressement à déférer ; à l’amour-propre selon le monde, l’esprit de charité chrétienne. […] Il dit de saint Charles Borromée : « Dieu l’autorisa… par son illustre naissance parmi les honnêtes gens du monde, par sa dignité de cardinal parmi les ecclésiastiques et les princes, par ses grandes richesses parmi les pauvres, par sa haute piété parmi les bons, par ses humiliations parmi les pécheurs… » Et plus loin : « Il lui donna une force d’esprit extraordinaire pour entreprendre de graves choses ; une constance immobile pour les exécuter et les achever ; une charité ardente et généreuse pour marcher sans crainte parmi la peste, parmi les torrents ; une vigueur de corps infatigable pour visiter incessamment son diocèse ; une humilité de pénitent public pour confondre l’impénitence publique ; enfin, toutes les qualités divines et héroïques nécessaires à un évêque pour réformer les désordres de l’Église, et pour abolir cet abus si déplorable des confessions imparfaites, des absolutions précipitées, des satisfactions vaines, et des communions sacrilèges. » 70.
Nul héroïque intérêt n’est en jeu ; il ne s’agit ni de patrie, ni de guerre, ni de religion, ni de politique : il n’est question que des amours du chevalier Walter et de la fille d’un orfèvre, et ce cadre étroit suffit à l’évocateur infaillible pour concentrer tout un monde de sensations, de passions et d’idées. […] La partie du luth est confiée à une harpe minuscule du timbre le plus ridicule du monde.
Sa mère, dit-on, avait souvent rêvé pendant sa grossesse qu’elle mettait au monde un enfant revêtu d’une robe rouge et entouré d’une foule de gens qui le lui enlevaient.
Il écrivait le 11 décembre 1702 à Fleury, non pas à l’abbé, mais à l’évêque de Fréjus, le futur premier ministre de Louis XV, « que l’esprit d’incrédulité gagnait toujours dans le monde ; qu’il se souvenait lui en avoir souvent entendu faire la réflexion ; que c’était encore pis à présent, puisqu’on se servait même de l’Évangile pour corrompre la religion des peuples ».
Toutes les phrases du monde nous en diraient moins là-dessus que le bulletin de chaque jour et le va-et-vient des principaux personnages.
A mes yeux, il n’est point d’honneur plus grand pour une intelligence humaine que de saisir et d’embrasser l’ensemble de vérités qui constituent les lois des nombres et des mondes.
Tout cela revient à dire que la disposition particulière des esprits et le moment précis de culture littéraire qui favorisaient et réclamaient les traductions en vers sont passés et ont fait place à une autre manière de voir, à un autre âge ; et ici, comme dans des ordres d’idées bien plus considérables et bien autrement importants, il n’est que vrai d’appliquer ce mot d’un ancien sage que je trouve heureusement cité, à savoir qu’on ne retourne jamais au même point et que le cours universel du monde ressemble à « un fleuve immense où il n’est pas donné à l’homme d’entrer deux fois. » Les choses allant de la sorte, on doit savoir d’autant plus de gré aux esprits non pas attardés, mais foncièrement religieux à l’art ou obstinément délicats, qui n’ont pas perdu la pensée, même devant un public si refroidi, de lutter de couleur, de relief et de sentiment avec de désespérants modèles.