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684. (1874) Premiers lundis. Tome II « La Comtesse Merlin. Souvenirs d’un créole. »

Je me figurais bien la jeune femme artiste, non moins chose légère que l’abbé Delille, d’une joyeuse abondance de talent, active à tout peindre, les personnes, les cascades, l’arc-en-ciel de Tivoli, ses grâces au pinceau, au pastel, la draperie mythologique qu’elle savait jeter sur chaque objet ; j’assistais à l’inspiration mondaine et riante de l’art d’alors, et les Souvenirs me commenaient quelques-uns de ces portraits durables qu’on aime à revoir. […] L’épisode de la mère Inès et la peinture du couvent sont semés de traits discrets et justes, sur cet effet mystérieux des religieuses aux formes vagues se perdant dans les corridors, sur cette marche furtive de la jeune fille serrant le mur auquel, de temps en temps, elle s’appuie pour se rendre plus légère ; un art délicat a touché ces points. […] L’auteur de ces Souvenirs, que déjà de grands dons de nature et d’art recommandent à l’admiration, aurait peine à éluder, en s’offrant sous une autre forme au jugement du monde, cette disposition un peu maligne qu’il a de ne louer qu’à son corps défendant, si l’absence de toute prétention d’abord, et puis une cordialité noble, sociable, une nature manifestement bienveillante et généreuse, n’engageaient le lecteur qui a tant de fois applaudi.

685. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — C — article » pp. 512-518

D’ailleurs, l’exposition des beaux morceaux ne contribue pas moins aux progrès de l’Art, que la critique des endroits défectueux. […] Peu de nos Poëtes actuels connoissent aussi bien que lui l’art de la versification. […] Par cet art, aujourd’hui si négligé, on attache le Lecteur, & on le dédommage de l’ennui cruel, fruit inévitable de la monotonie de nos Poésies modernes.

686. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — R. — article » pp. 133-139

La force & la fécondité, l'élévation & la souplesse, le naturel & le sublime, un art supérieur d'exciter la surprise & d'entretenir l'admiration, sont, sous sa plume, des ressorts puissans qui élevent l'esprit du Lecteur, & le conduisent sans effort dans les routes sublimes que l'Auteur se fraye à lui-même. […] Si l'on apperçoit quelques défauts dans ses Odes, pour peu qu'on se connoisse en Poésie, on est tenté d'en accuser plutôt l'impuissance de l'Art, que celle du Poëte. […] Il est certain qu'on n'y retrouve pas cette noblesse, cette élégance soutenue, cette même force de génie qui caractérise ses Poésies lyriques ; mais on seroit injuste de ne pas y admirer une raison supérieure, une poésie nerveuse, une facilité de style, une sûreté de goût, qui décelent le grand Maître, sur-tout dans les matieres où il parle de son Art.

687. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Marie Tudor » (1833) »

Le but du poète dramatique, quel que soit d’ailleurs l’ensemble de ses idées sur l’art, doit donc toujours être, avant tout, de chercher le grand, comme Corneille, ou le vrai, comme Molière ; ou, mieux encore, et c’est ici le plus haut sommet où puisse monter le génie, d’atteindre tout à la fois le grand et le vrai, le grand dans le vrai, le vrai dans le grand, comme Shakspeare. […] Au centre de toutes ses créations, on retrouve le point d’intersection de la grandeur et de la vérité ; et là où les choses grandes et les choses vraies se croisent, l’art est complet. […] Aujourd’hui, un immense public, de plus en plus intelligent, sympathise avec toutes les tentatives sérieuses de l’art ; aujourd’hui, tout ce qu’il y a d’élevé dans la critique aide et encourage le poète.

688. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 31, de la disposition du plan. Qu’il faut diviser l’ordonnance des tableaux en composition poëtique et en composition pittoresque » pp. 266-272

Monsieur De Piles grand amateur de la peinture, et qui lui-même manioit le pinceau, nous a laissé plusieurs écrits touchant cet art, qui meritent d’être connus de tout le monde ; mais un de ces écrits merite toutes les loüanges qui sont dûës aux livres originaux : c’est sa balance des peintres. On y apprend distinctement à quel point de merite chaque peintre dont il parle est parvenu en chacune des quatre parties dans lesquelles l’art de la peinture peut se diviser ; et ces parties sont la composition, le dessein, l’expression et le coloris. […] Mais pour n’avoir pas distribué l’art de la peinture en cinq parties, ni divisé ce qu’on appelle en general l’ordonnance, en composition pittoresque et en composition poëtique, il tombe dans des propositions insoutenables, comme est celle de placer au même degré de sa balance Paul Veronése et le Poussin en qualité de compositeurs.

689. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 26, que les jugemens du public l’emportent à la fin sur les jugemens des gens du métier » pp. 375-381

C’est toujours le sentiment du public qui l’emporte, lorsque les maîtres de l’art et lui sont d’avis differens sur une production nouvelle. […] Mais croire l’artisan, déferer à l’avis d’un homme qui a fait une profession que nous n’avons pas exercée, c’est seulement déferer à l’art, c’est rendre hommage à l’expérience. La profession de l’art en impose même tellement à bien des personnes, qu’elles étouffent du moins durant un temps leur propre sentiment pour adopter l’avis des gens du métier.

690. (1905) Les ennemis de l’art d’écrire. Réponse aux objections de MM. F. Brunetière, Emile Faguet, Adolphe Brisson, Rémy de Gourmont, Ernest Charles, G. Lanson, G. Pélissier, Octave Uzanne, Léon Blum, A. Mazel, C. Vergniol, etc… « XIII »

On feint de croire que j’enseigne l’art d’égaler les corrections des grands écrivains, et tous les arguments de mes adversaires se réduisent à me prêter cette sottise. […] Aussi devrait-on, dans les arts d’écrire, éviter de trop s’extasier sur les « trouvailles » des grands stylistes, le « grignotement » de la pluie ou la molle intumescence » des vagues » ; qui sait ce que les admirateurs de ce genre nous réservent !  […] L’art d’écrire lui semble peu compliqué et, en somme, tenir à peu de chose. « Si vous avez, dit-il, le grand mouvement, la suite réglée de Bossuet, ou la suite enragée de Saint-Simon, vous pouvez vous dispenser de tout le reste. » Mon Dieu, oui, et nous l’avons dit déjà : « Ayez du génie, vous pourrez vous passer d’avoir du talent. » Malheureusement, Saint-Simon et Bossuet, eux-mêmes, ne se sont point, malgré cela, passé de tout le reste, et principalement ne se sont point passé de l’originalité.

691. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome III pp. 5-336

« On a accablé presque tous les arts d’un nombre prodigieux de règles, dont la plupart sont inutiles ou fausses. […] Il se jette impétueusement au milieu de son action, et rappelle avec art, dans la suite de ses chants, les circonstances qui précédèrent la naissance de l’homme. […] Ce poème ne veut pas moins d’art, mais plus de force, de patience et de ressources dans le génie de l’auteur. […] Non, il tient à l’observation de cette règle, puisque le sujet de la fondation de Rome n’importait pas moins aux Romains, que celui de la prise de Sion n’importait aux peuples modernes ; puisque l’art de Virgile, relativement à toutes les autres règles que l’unité, surpasse infiniment l’art du Tasse. […] Son art arrête le soleil, soulève l’océan, suspend les fleuves, et tire de la lune, qui descend à sa voix, une écume dont la force mystérieuse ressuscite les morts.

692. (1899) Arabesques pp. 1-223

En art, je ne suis pas un Doux et les Doux me déplaisent. […] D’autres furent émises par des écrivains dont j’estime l’art, — et cela m’attrista. […] Je découvris le néant de l’art pour lequel j’avais jadis combattu : je m’évadai de l’artifice. […] Je crois que l’art doit exprimer tout ce qui préoccupe l’humanité. […] Dès lors, les critiques goguenardes des amants de l’Art pour l’Art m’ont été indifférentes : je savais que je faisais œuvre bonne.

693. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre VI » pp. 394-434

On n’a jamais fait, que je sache, une histoire complète de l’art dramatique ; autant vaudrait entreprendre l’histoire universelle du genre humain. […] Des maîtres dans l’art d’écrire, nous passons aux badigeonneurs du carrefour ! […] Ils avaient oublié l’art des gradations ! […] C’est une grande perte, et bien cruelle, et qui doit affliger tous les sincères amis de ce grand art de la comédie, qui a été si longtemps en si grand honneur parmi nous. […] Eh qu’importe, barbares, si mon talent est jeune, et si rien, dans mon art, ne se fait attendre : la voix, le geste, le sens, le sourire, le talent, la gaîté ?

694. (1887) Journal des Goncourt. Tome I (1851-1861) « Année 1860 » pp. 303-358

L’art pour l’art, en aucun temps, n’a eu sa consécration comme dans le discours à l’Académie d’un classique, de Buffon : « La manière dont une vérité est énoncée, est plus utile à l’humanité même que cette vérité. » J’espère que c’est de l’art pour l’art cela. Et La Bruyère qui dit : « L’art d’écrire est l’art de définir et de peindre. » Là-dessus, Flaubert nous avoue ses trois bréviaires de style : La Bruyère, quelques pages de Montesquieu, quelques chapitres de Chateaubriand. […] * * * — Ne jamais parler de soi aux autres et leur parler toujours d’eux-mêmes, c’est tout l’art de plaire. […] — une discussion sur l’art antique entre Saint-Victor, et Gautier qui a déclaré Phidias : un décadent. […] La plus admirable traduction, par le marbre et l’art statuaire, d’une humanité contemporaine des Dieux.

695. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1884 » pp. 286-347

— On ne sait pas, pour un passionné de mobilier, le bonheur qu’il y a à composer des panneaux d’appartements, sur lesquels les matières et les couleurs s’harmonisent ou contrastent, à créer des espèces de grands tableaux d’art, où l’on associe le bronze, la porcelaine, le laque, le jade, la broderie. […] Ingres, est-ce de l’art assez gringalet à côté des préparations de La Tour, — de la préparation Chardin, de la préparation Raynal — qui se trouvent dans la salle du fond. […] Samedi 12 avril Peut-être l’artistique dans la littérature, sera-t-il un appoint futur de succès, un appoint, apporté par l’éducation artiste des hommes et des femmes de ces années, par les conférences, par les promenades dans les Musées, par la diffusion de l’enseignement des arts plastiques, en un mot par la création de générations plus amoureuses et plus chercheuses d’art dans leurs lectures. […] Je parle, par exemple, du japonisme, et ils ne croient exister de cet art, que quelques bibelots ridicules, qu’on leur a dit être le comble du mauvais goût et du manque de dessin. […] Le peuple chez lequel l’ouvrier, un ouvrier-poète a des imaginations pareilles à celle-ci, ne croyez-vous pas, que ce peuple puisse être proposé comme professeur d’art aux autres peuples ?

696. (1857) Cours familier de littérature. III « XIIIe entretien. Racine. — Athalie » pp. 5-80

Comment ces acteurs et ces actrices nécessaires en grand nombre à la représentation de la scène se consacreraient-ils, dès leur enfance, à un art difficile qui ne leur promettrait ni pain, ni gloire, ni compensation à tant d’études ? Or, sans acteurs consommés dans leur art, que devient le drame le mieux conçu et le mieux écrit ? […] Les jésuites appropriaient, avec un art consommé, la religion au temps, au pays, aux usages, aux vices même tolérés du prince et du peuple ; ils négociaient, comme des diplomates accrédités à la fois au ciel et sur la terre, entre le Christ et le monde. […] Cette réponse, faite de bonne foi par un maître souverain de l’art à un jeune homme, avait irrité et comme défié Racine. […] Voilà l’immense originalité de Racine à dater d’Esther et d’Athalie ; le génie n’est plus un génie, cet art n’est plus un art : c’est une religion.

697. (1895) Histoire de la littérature française « Seconde partie. Du moyen âge à la Renaissance — Livre I. Décomposition du Moyen âge — Chapitre I. Le quatorzième siècle (1328-1420) »

Eustache Deschamps, qui est pourtant un homme de sens, prend la peine d’écrire en 1392 un « Art de dictier et de faire ballades et chants royaux », qui résume la poétique du siècle. […] Mais dans tout cet esprit, tout cet art, il n’y a pas un grain de poésie : ni intimité, ni personnalité : pas un mot qui sorte de l’âme ou la révèle. […] Charles V était un clerc : il avait étudié les sept arts, la théologie ; il s’entourait d’astrologues, de docteurs, de savants. […] Les résumés, les manuels, les encyclopédies avaient pris la place des textes ; et les sept arts vaincus avaient cédé la place à la théologie. […] Mais peu à peu il se forme un art de prêcher ; les recettes mécaniques se substituent à l’inspiration personnelle.

698. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Balzac » pp. 17-61

Tour de force d’archéologie littéraire, ces Contes, qui seront appréciés un jour et rangés sur les hauteurs de l’art, ne seront jamais populaires. […] Ni dans les arts, ni dans les lettres, pas de mérite suprême sans la naïveté et sans une bonhomie profonde ! […] Art inouï, mais tout en effets, et en effets inexplicables. […] Les effets qui en résultent pour l’art et les yeux ne troublent pas un talent aussi hardi que le sien. […] C’est dans l’art un hardi garçon, une espèce de roi des Ribauds (pour parler Moyen Âge), ce qui est toujours une royauté, en en attendant une autre meilleure, que nous désirons lui voir conquérir.

699. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. EUGÈNE SUE (Jean Cavalier). » pp. 87-117

Il est arrivé au moment de la rupture ce qui arrive dans l’orage à un lac ou à un bassin que l’art ne défend plus. […] Sans prendre la peine d’entrer précisément dans la conception laborieuse de l’art, il s’est trouvé par position à l’abri du mercantilisme littéraire. […] Non, il n’est jamais permis à l’art humain d’être vrai de cette sorte ; quand même on aurait le sujet vivant, l’espèce sociale en personne sous les yeux, c’est là encore, si l’on peut dire, de l’art contre nature. […] Pourtant l’art a été donné et inventé précisément pour aider au départ de ce qui est mêlé, pour réparer et pratiquer la perspective, pour orner et recouvrir de fresques plus ou moins récréantes le mur de la prison. […] La philosophie peut être aride et délétère, l’art ne doit l’être jamais.

700. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Du génie critique et de Bayle »

Tout esprit qui a en soi une part d’art ou de système n’admet volontiers que ce qui est analogue à son point de vue, à sa prédilection. […] Une des conditions du génie critique dans la plénitude où Bayle nous le représente, c’est de n’avoir pas d’art à soi, de style : hâtons-nous d’expliquer notre pensée. […] De plus, quand on a un art à soi, une poésie, comme Voltaire, par exemple, qui certes est aussi un grand esprit critique, le plus grand, à coup sûr, depuis Bayle, on a un goût décidé, qui, quelque souple qu’il soit, atteint vite ses restrictions. […] Enfin il n’avait pas d’art, de poésie, par-devers lui. […] Ferrier, bon poëte françois, vient de faire imprimer les Préceptes galants : c’est une espèce de traité semblable à l’Art d’aimer d’Ovide. » Et quelques lignes plus bas : « On fait beaucoup de cas de la Princesse de Clèves.

701. (1859) Essais sur le génie de Pindare et sur la poésie lyrique « Première partie. — Chapitre XI. »

» Ce libérateur, c’était Hercule, le fabuleux symbole du courage et du génie des Grecs, de leurs migrations victorieuses, de leurs conquêtes et de leurs arts. […] C’est la perfection du naturel et de l’art, la grandeur simple et la pureté sublime. […] À part cette richesse poétique des Chœurs, l’érudition moderne a cherché s’il n’avait pas existé, chez les Grecs et dans la perfection de leur art, une tragédie toute lyrique et une forme de comédie qui serait notre opéra-comique. […] Un naturel plus touchant lui donne moins d’éclat et d’art ; souvent même il n’emprunte pas ces détours impétueux de la strophe et ce vol hardi de Sophocle ou d’Eschyle. […] Art. poet. v. 283.

702. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Dominique par M. Eugène Fromentin »

Prenons notre revanche alternativement au profit des deux arts, sans les mélanger, sans les forcer et en observant une limite que d’autres plus hardis, plus aventureux, plus singulièrement doués, ne craignent pas de franchir, mais qu’il me paraît bon, à moi, de maintenir et de respecter. » — Distinguant donc entre les idées visuelles ou plastiques et les idées littéraires, il rend les premières sur ses toiles, réservant les secondes pour ses pages écrites, attentif à se servir en chaque chose de l’art le plus approprié. […] Il usera avec un art infini de toutes les ressources connues du vocabulaire ou de la palette, sans innover décidément et sans faire rage ; il vise à ses plus grands effets, en combinant merveilleusement des procédés moyens. […] Non, sans doute ; mais si l’on ne peut restituer la vérité et la couleur locale, parce qu’on n’est pas en présence du pur costume hébreu et qu’on peut toujours révoquer en doute la parfaite similitude du costume arabe moderne avec celui des patriarches, est-ce une raison pour trouver que Raphaël et Poussin aient fait pour le mieux, et que moins ils ont été fidèles en cela à la réalité, plus ils ont agi selon l’art ? […] Fromentin ne s’y absorbe pas ; il pense aux maîtres, à l’art, à ce qui a été fait, à ce qui peut se faire encore ; même en voyant du nouveau et en faisant du neuf, il ne croit pas qu’il convienne de rompre en visière avec le passé ; il n’est nullement d’avis qu’il convienne de changer absolument de méthode selon les lieux et les temps ; qu’il faille désormais tout détailler, tout montrer. […] Décrire un appartement de femmes ou peindre les cérémonies du culte arabe, est, à mon avis, plus grave qu’une fraude : c’est commettre, sous le rapport de l’art, une erreur de point de vue. » C’est ingénieux, c’est délicat ; j’oserais dire que c’est digne d’un Vauvenargues ou d’un Racine.

703. (1866) Nouveaux lundis. Tome V « M. Octave Feuillet »

Ce libertin de chevalier qui est de l’avis de certain docteur (Alibert), « qu’un homme marié est un homme englouti », et qui pense apparemment comme Courbet « qu’en art tout mari est réactionnaire », le chevalier fait tout au monde pour sauver le cher innocent de ce pas dangereux du mariage, de ce marais dormant où sa nef va s’embourber et s’envaser à sa première sortie. […] La signora Leonora, ni plus ni moins qu’une princesse, une ancienne maîtresse à lui et qui assiste à cette première représentation du chef-d’œuvre musical, est le démon qu’il évoque et qu’il a l’art d’opposer soudainement au triomphe du pur et vertueux amour. […] Ajoutez que la pièce est dans la vraie mesure de l’art ; la moralité y est plutôt conclue qu’affichée ; elle reste à tirer, l’auteur ne l’impose pas ; et si l’on veut à toute force conjecturer que le jeune artiste au cœur trop faible, s’il avait écarté différemment, aurait trouvé un autre genre d’écueil dans le bonheur somnolent du mariage, comme il a trouvé sa perte sur la mer orageuse de la passion, il n’y a pas de raison absolue qui s’y oppose : vous êtes libre d’y rêver tout à votre aise. […] En présence de cette forme d’art ingénieuse, délicate, mais ici outrée visiblement et plus que jamais infidèle à l’entière vérité, je dirai encore à l’auteur : « N’étalez point les laideurs, les plaies, je le veux bien ; ne nous montrez point, comme d’autres, la pointe du scalpel, encore toute souillée de sang et de sanie : à la bonne heure, et je vous en rends grâces. […] Les difficultés de l’art s’accroissent sans doute en même temps que le talent se développe.

704. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VIII. De l’invasion des peuples du Nord, de l’établissement de la religion chrétienne, et de la renaissance des lettres » pp. 188-214

Les nations du Nord, en faisant disparaître pendant quelque temps les lettres et les arts qui régnaient dans le Midi, acquirent néanmoins quelques-unes des connaissances que possédaient les vaincus ; et les habitants de plus de la moitié de l’Europe, étrangers jusqu’alors à la société civilisée, participèrent à ses avantages. […] Si quelque goût inné pour les lettres, les arts et la philosophie, se trouvait encore dans le Midi, il était dirigé principalement vers les subtilités métaphysiques ; l’esprit sophistique mettait en doute les vérités du raisonnement, et l’insouciance, les affections du cœur. […] Si l’on ne juge le résultat d’un tel travail que dans ses rapports avec les arts d’imagination, rien ne peut en donner une idée plus défavorable. […] C’est que l’art du raisonnement, la force de méditation qui permet de saisir les rapports les plus métaphysiques, et de leur créer un lien, un ordre, une méthode, est un exercice utile aux facultés pensantes, quel que soit le point d’où l’on part et le but où l’on veut arriver. […] et dans les arts même, le mauvais goût n’a-t-il pas été promptement écarté ?

705. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre deuxième. Les mœurs et les caractères. — Chapitre III. Inconvénients de la vie de salon. »

. — Ses symptômes dans l’art et la littérature. — Son ascendant dans la vie privée. — Ses affectations. — Sa sincérité. — Sa délicatesse. […] Aussi l’exaltation qui commence ne sera guère qu’une ébullition de la cervelle, et l’idylle presque entière se jouera dans les salons  Voici donc la littérature, le théâtre, la peinture et tous les arts qui entrent dans la voie sentimentale pour fournir à l’imagination échauffée une pâture factice303. […] Quand le cour et l’esprit réunissent leurs délicatesses, ils font des chefs-d’œuvre, et ceux-ci, comme l’art, comme la politesse, comme la société qui les entoure, ont un charme que rien ne surpasse, si ce n’est leur fragilité. […] Toute créature qui perd l’art et l’énergie de se défendre devient une proie d’autant plus sûre que son éclat, son imprudence et même sa gentillesse la livrent d’avance aux rudes appétits qui rôdent à l’entour. […] Ce point a été développé avec autant de finesse que de justesse par MM. de Goncourt (l’Art au dix-huitième siècle, I, 433-438).

706. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre III. Poésie érudite et artistique (depuis 1550) — Chapitre II. Les tempéraments »

Erreur de forme d’abord, chose grave en art : le choix du décasyllabe au lieu de l’alexandrin, où Ronsard trouva trop de caquet, tout en l’estimant aussi trop énervé et flasque, ce choix malheureux était un véritable recul, qui ramenait l’art au moyen âge. […] En un mot, il y avait en Ronsard, pour peu que l’art et le métier s’y joignissent, un tempérament de lyrique élégiaque. […] Mais Ronsard a singulièrement enrichi l’art de ses prédécesseurs : chacune de ses quinze odes pindariques est construite sur un type particulier198 et dans le reste des odes, le nombre des vers dans la strophe, le nombre des syllabes dans le vers, le mélange des vers, et la succession des rimes forment plus de soixante combinaisons. […] Il a réussi, chaque fois que s’est fait un juste équilibre de son art et de son inspiration, et que la réflexion n’a point paralysé la spontanéité. […] Il a préparé le xviie  siècle et l’art classique.

707. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre IV. Les tempéraments et les idées (suite) — Chapitre I. La lutte philosophique »

Vers 1750, les espérances d’une restauration rationnelle de la société, qu’on avait cru toucher, se reculent indéfiniment ; à ce même moment entre en scène une nouvelle génération de penseurs impatients, audacieux, dévoués à ce qu’ils appellent la vérité, et prêts à renverser tout ce qui y fait obstacle : l’art, l’éloquence, la littérature ne sont pour eux que des instruments de propagande. […] Par lui, l’Encyclopédie resta ce qu’il l’avait destinée à être : un tableau de toutes les connaissances humaines, qui mit en lumière la puissance et les progrès de la raison ; une apothéose de la civilisation, et des sciences, arts, industries, qui améliorent la condition intellectuelle et matérielle de l’humanité, ce fut une irrésistible machine dressée contre l’esprit, les croyances, es institutions du passé. […] C’est le cas de Dalembert mathématicien illustre, esprit indépendant, au-dessus de l’ambition et de l’intérêt, ami de son repos jusqu’à l’égoïsme, et jusqu’à renoncer à l’expression publique de ses idées, excitant les autres sous main à se compromettre, et gardant lui-même un silence prudent : critique étroit, fermé à l’art, à la poésie, philosophe intolérant, affolé de haine contre la religion et les prêtres ; écrivain lourd et pâteux, sans tact, d’une inélégance innée, et d’une sécheresse qui se dissimule mal par l’emphase et la fausse noblesse. […] En revanche, ce sont d’incomparables raisonneurs ; et le fort de Condillac est justement l’art de raisonner. […] Les jugements sont des équations, et les termes qu’on assemble sont des objets abstraits, idéaux : nulle part on n’aperçoit mieux que chez Condillac pourquoi l’esprit français au xviiie  siècle élimine de sa pensée toute réalité concrète, les formes par conséquent de la vie et la matière de l’art, et pourquoi la poésie ne peut plus être qu’un jeu intellectuel, réglé par des conventions arbitraires.

708. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre onzième. »

Aristote a précédé Théophraste, lequel est né de ce grand maître en l’art de penser sur toutes choses fortement et à fond ; Montaigne est l’aîné de La Rochefoucauld de près d’un siècle et demi. […] Mais l’idée de donner à des maximes de morale toutes les grâces d’un art, en mêlant aux préceptes des portraits et de la satire, cette idée ne peut appartenir qu’à un esprit supérieur, à une grande nation, à une époque où toute la vie humaine a été vécue. […] Le temps était mûr pour l’art des moralistes. […] On cite tel auteur qui excelle, dit-on, dans l’art d’écrire, quoiqu’il abonde en pensées fausses ou contestables. […] Mais les Pensées de Pascal n’ont pas fait tort au livre des Maximes, et ces deux grands exemples de l’art de penser et d’écrire ont formé La Bruyère.

709. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre II. Marche progressive de l’esprit humain » pp. 41-66

L’esprit humain ne vient-il pas de traverser, sans en éprouver aucun retardement, tout le despotisme de Bonaparte, c’est-à-dire le despotisme le mieux conçu et le plus savant qui ait jamais existé, puisqu’il était décoré de la gloire militaire, toujours si séduisante pour les hommes, et qu’il avait forgé ses chaînes avec le secours de tous les arts et de toutes les industries d’une civilisation avancée ? […] La liberté n’était autre chose que la jouissance des arts. […] Les uns lèguent au monde les arts de l’imagination, les autres lui donnent les sciences exactes, d’autres sont établis gardiens des traditions, dépositaires des doctrines primitives. […] disait Virgile, qu’à toi seul appartient de donner des lois à l’univers : tels seront les seuls arts dignes de toi. » Ce que Virgile disait, du temps d’Auguste, était l’expression de la pensée même de ce peuple, qui, à toutes les époques, fondait toujours pour l’éternité, et affectait l’empire du inonde. […] Ainsi l’apôtre des nations, saint Paul, en arrivant pour la première fois à Athènes, cette ancienne métropole des lumières, des sciences et des arts, y trouva l’autel du Dieu inconnu.

710. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre IX. Seconde partie. Nouvelles preuves que la société a été imposée à l’homme » pp. 243-267

Les anciens avaient fait du feu le père de tous les arts. […] Expliquez-moi la pudeur : cet attrait de préférence exclusive, qui a tant de puissance, serait-il un produit de l’art ? […] Les anciens attribuaient à des dieux l’invention de tous les arts, comme ils appelaient fils des dieux les chefs des peuples, les héros, les poètes, les fondateurs des sociétés humaines. Il est douteux que l’homme eût pu inventer le labourage, l’art de manier les métaux. […] Si l’industrieux Batave cesse un instant de réparer les digues qu’il sut élever à force de courage et d’art, bientôt la mer retombera de tout son poids, et les villes ne seront plus que d’affreux récifs, ou des phares pour les navigateurs.

711. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « De la poésie en 1865. »

Disciple sérieux d’un des plus gracieux poëtes de notre ancienne jeunesse, d’Émile Deschamps, et, comme lui, rompu à l’art, maître achevé du rhythme, M.  […] Il y aurait plaisir à examiner et à suivre son nouveau système dans les applications ingénieuses qu’a imaginées son talent, à lui demander s’il n’y apporte pas encore un peu trop de construction savante, s’il ne garde pas un peu trop d’art, de son premier art sculptural, s’il donne assez de jeu au molle atque facetum, à cette charmante familiarité de la vie ; il y aurait à introduire des comparaisons avec les poëmes de la vie intime que possèdent nos voisins les Anglais, maîtres en ce genre. […] Juste Olivier de Lausanne est un autre talent mûr, fidèle à la dignité de l’art, et dans un genre tout voisin. […] En traitant cette question d’Art poétique, il y aurait plaisir et profit à mettre en regard le souvenir des histoires en vers, celles de Crabbe, de Wordsworth, de Coleridge : cela éclairerait la discussion, l’égayerait autant qu’il convient, et l’on se trouverait avoir écrit pour les connaisseurs une dissertation, un essai qui tiendrait à la fois d’Hazlitt et d’Addison.

712. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

Jean-Jacques fait de la beauté des campagnes, des bois, des cieux, un des objets nécessaires de l’art littéraire. […] De ces commerces tend à se dégager une esthétique générale, qui rétablira la littérature au nombre des arts. […] Quand elle eut perdu M. de Mora, quand elle eut mesuré M. de Guibert, l’univers, l’art, pas même la musique n’offrirent rien à son âme qui la contentât ; elle ne sentit plus de raison de vivre, et elle aima la mort. […] Obstacles au renouvellement littéraire Quels furent donc les obstacles qui, en dépit de toutes ces dispositions et de tous ces indices, retardèrent l’évolution de la littérature et la constitution d’un art nouveau ? […] Le triomphe de son art, c’est l’expression indirecte qui oblige l’esprit à résoudre une petite équation ; il n’est suggestif que de signes, qu’il s’agit de substituer à d’autres par une rapide opération, pour déterminer la valeur intelligible du vers ou de la phrase.

713. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre I : De la méthode en psychologie »

« Il est certainement vrai que la psychologie de l’association représente plusieurs des états mentaux supérieurs comme étant en un certain sens le développement des états inférieurs. » Mais dans d’autres cas semblables, comme le fait remarquer finement l’auteur, on a exalté précisément la sagesse et l’art merveilleux de la nature qui tire, dit-on, le meilleur du pire et le noble du bas. […] III Après avoir déterminé l’objet et la méthode de la psychologie, il nous reste à chercher s’il n’y a pas un art auquel cette science puisse servir de base ; s’il n’y a pas quelque science dérivée, applicable à la vie pratique, qui suppose, comme science première, la connaissance générale des phénomènes de l’esprit. […] Et rien ne démontre mieux, à notre avis, combien jusqu’ici la psychologie a langui dans l’enfance, que ce fait frappant qu’aucune application, qu’aucun art utile n’en est sorti. […] La possibilité de cet art, ou, si l’on veut, cette science dérivée, fondée sur la psychologie, est à peine entrevue par quelques esprits78. […] D’après cette définition, l’éthologie est la science qui correspond à l’art de l’éducation, au sens le plus large du mot, en y comprenant la formation des caractères nationaux ou collectifs aussi bien que des caractères individuels. » « L’éthologie peut être appelée la science exacte de la nature humaine », mais elle n’est exacte qu’à condition d’affirmer des tendances, non des faits.

714. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Cours de littérature dramatique, par M. Saint-Marc Girardin. (2 vol.) Essais de littérature et de morale, par le même. (2 vol.) » pp. 7-19

Il dirait volontiers avec ce personnage de Montesquieu, dans les Lettres persanes : « Voici les poètes dramatiques, qui, selon moi, sont les poètes par excellence et les maîtres des passions… Voici les lyriques, que je méprise autant que j’estime les autres, et qui font de leur art une harmonieuse extravagance. » Il y a là, certainement, une lacune dans la manière dont M.  […] Saint-Marc Girardin, pour s’excuser de ne point paraître admirer le lyrique des modernes, nous répondrait encore par ces paroles de Voltaire, lesquelles s’accordent si bien avec celles de Fénelon : Le grand art, ce me semble, est de passer du familier à l’héroïque, et de descendre avec des nuances délicates. […] On sent à ces derniers mots que c’est bien Voltaire qui parle, c’est-à-dire un poète amoureux de son art, et qui, dans un moment d’admiration, serait capable d’applaudir même son rival, et de lui sauter au cou en l’embrassant. […] Même dans la décadence de l’art, des rhéteurs tels que Longin (ou celui qu’on a désigné sous ce nom) ont une justesse sévère et d’admirables développements. […] J’arriverais donc, comme il aime à le faire, aux modernes du jour, aux contemporains, à nous-mêmes, et je dirais : La critique semble, au premier coup d’œil, avoir fait beaucoup de progrès, en avoir fait autant que l’art en a fait peu ; elle semble avoir gagné ce que l’autre a perdu.

715. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « De la question des théâtres et du Théâtre-Français en particulier. » pp. 35-48

On trouve ailleurs toutes sortes de qualités utiles et solides, de réalités essentielles : la facilité, l’art de vivre n’est qu’à Paris. […] Toujours est-il que, dans les bons temps, l’art de vivre, comme l’entendent les modernes, n’a été poussé nulle part ailleurs comme à Paris. Or, cet art perpétuel et insensible, ce courant des mœurs, c’est surtout par les théâtres qu’il s’enseigne, qu’il s’entretient ou s’altère. […] N’abondons pas, en fait d’art, dans les inconvénients de notre régime. […] C’est l’art de tout dire sans être mis à la Bastille, dans un pays où il est défendu de rien dire… La contrainte de la décence et la contrainte de la presse ont été les causes de la perfection de l’esprit, du goût, de la tournure chez les Français.

716. (1888) La critique scientifique « La critique scientifique — Évolution de la critique »

Brunetière, la majeure partie des histoires de l’art d’écrire qui, comme l’œuvre principale de M.  […] Il regrette — en juillet 1862 — « que la science du moraliste » encore mal organisée, soit à l’état pour ainsi dire anecdotique ; la critique reste donc un art qui demande chez celui qui l’exercice de dons innés. […] Taine aboutit à cette conclusion de sa préface qui résume la pratique de son système : « J’entreprends d’écrire l’histoire d’une littérature et d’y chercher la psychologie d’un peuple. » C’est là sa théorie générale ; il en reprend un point particulier dans la première partie de la Philosophie de l’art, où il traite de l’influence qu’exerce sur l’artiste le milieu historique et social dans lequel il se trouve placé, abstraction faite de sa race, de son habitat. […] Les procédés d’art n’y sont analysés qu’autant qu’ils sont des signes, la personnalité des auteurs n’y est qu’à peine indiquée (« Avant-Propos » (1883), Essais de psychologie contemporaine, éd. […] Il s’est intéressé tout particulièrement à l’art de la Renaissance, au platonisme, ainsi qu’aux préraphaélites anglais.

717. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre V. Les esprits et les masses »

Sortons du collège, du conclave, du compartiment, du petit goût, du petit art, de la petite chapelle. […] Les chefs-d’œuvre recommandés par le manuel au baccalauréat, les compliments en vers et en prose, les tragédies plafonnant au-dessus de la tête d’un roi quelconque, l’inspiration en habit de cérémonie, les perruques-soleils faisant loi en poésie, les Arts poétiques qui oublient La Fontaine et pour qui Molière est un peut-être, les Planât châtrant les Corneille, les langues bégueules, la pensée entre quatre murs, bornée par Quintilien, Longin, Boileau et La Harpe ; tout cela, quoique l’enseignement officiel et public en soit saturé et rempli, tout cela est du passé. […] Il semble qu’on lise sur le fronton d’un certain art : On n’entre pas. […] L’approche du grand art leur plaît, elles en frissonnent. […] Les principes combinés avec la science, toute la quantité possible d’absolu introduite par degrés dans le fait, l’utopie traitée successivement par tous les modes de réalisation, par l’économie politique, par la philosophie, par la physique, par la chimie, par la dynamique, par la logique, par l’art ; l’union remplaçant peu à peu l’antagonisme et l’unité remplaçant l’union, pour religion Dieu, pour prêtre le père, pour prière la vertu, pour champ la terre, pour langue le verbe, pour loi le droit, pour moteur le devoir, pour hygiène le travail, pour économie la paix, pour canevas la vie, pour but le progrès, pour autorité la liberté, pour peuple l’homme, telle est la simplification.

718. (1875) Premiers lundis. Tome III « Profession de foi »

Aujourd’hui que le Globe est placé plus qu’il ne l’a jamais été depuis la révolution de Juillet sur un terrain solide et nettement dessiné ; aujourd’hui que sa nouvelle position en politique, en économie, en philosophie, en art et en religion, devient de plus en plus appréciable et notoire ; aujourd’hui enfin, pour tout dire, que le Globe est le journal reconnu et avoué de la doctrine saint-simonienne ; nous, qui ne l’avons abandonné dans aucune de ses phases, nous qui avons assisté et contribué à sa naissance il y a sept ans, coopéré à ses divers travaux depuis lors, qui avons provoqué et produit plus particulièrement ses transformations récentes ; nous qui avons suivi toujours, et, dans quelques-unes des dernières circonstances, dirigé sa marche ; qui, sciemment et dans la plénitude de notre loyauté, l’avons poussé et mis là où il est présentement, nous croyons bon, utile, honorable de nous expliquer une première et dernière fois par devant le public, sur les variations successives du journal auquel notre nom est demeuré attaché ; de rendre un compte sincère des idées et des sentiments qui nous ont amené où nous sommes ; et de montrer la raison secrète, la logique véritable de ce qui a pu sembler pur hasard et inconsistance dans les destinées d’une feuille que le pays a toujours trouvée dans des voies d’honneur et de conviction. […] Le principe de liberté, professé en toute franchise et en toute rigueur, poussé à toutes ses conséquences en économie politique, en philosophie, en art, telle fut la doctrine générale du Globe jusqu’à la révolution de Juillet. […] S’affranchissant des liens étroits d’une nationalité égoïste, il admirait et glorifiait aux yeux de la France les grands poëtes de l’Angleterre et de l’Allemagne ; il généralisait les idées d’art, les tirait de l’ornière des derniers siècles, provoquait des œuvres, applaudissait sans flatterie aux essais nationaux et méritait que Goethe déclarât apercevoir dans cet ensemble de travaux et d’efforts les symptômes d’une littérature européenne nouvelle. […] Au fond, et sous nos formes de polémique démocratique, nous étions évidemment préoccupés d’une économie politique plus réelle que l’ancienne, d’une constitution plus équitable de la propriété, d’un art nouveau, d’une religion inconnue.

719. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Les poètes maudits » pp. 101-114

Il faudra façonner votre esprit à tous les préjugés et faire plier votre art à toutes nos lâchetés. […] C’est enlever à l’Art le principal attribut de sa divinité : l’Impassibilité. […] Un sonnet sera ce paysage sous vos yeux. » Certes, Corbière et Rimbaud ont leur part de vérité, et le Sage, réfléchissant, en vient à penser que l’art suprême serait de concilier les deux théories, d’apparence ennemies. […] Eh bien, cet Art qui serait le suprême, un poète l’a institué : Stéphane Mallarmé.

720. (1767) Salon de 1767 « Sculpture — Pajou » pp. 325-330

Il me semble que, quand on a la fantaisie d’occuper de sa personne un art imitatif, il faudrait avoir d’abord la vanité d’examiner ce que cet art en pourra faire, et si j’étais l’artiste et qu’on m’apportât un aussi plat visage, je tournerais tant, que je le ferais entendre, non à la façon du Puget ou de Falconnet, mais à la mienne, et le plat visage parti, je me frotterais les mains d’aise, et je me dirais à moi-même : dieu soit loué ! […] Cependant Pajou en sait trop dans son art pour ignorer que la sculpture veut être plus grande, plus piquante, plus originale, et en même temps plus simple dans le choix de ses caractères et de son expression que la peinture, et qu’en sculpture point de milieu, sublime ou plat ; ou comme disait au sallon un homme du peuple : tout ce qui n’est pas de la sculpture est de la sculpterie. […] Ce modèle de tombeau est simple et beau, l’ensemble en est pittoresque, et l’on ne désire rien à la figure de l’amitié de tout ce qui tient aux parties de l’art ; la position, l’expression, le dessin, la draperie, sont bien ; mais qu’est-ce qui désigne l’amitié plutôt qu’une autre vertu ?

721. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Lessing »

Les questions qui y sont agitées, et sur le ventre desquelles nous avons passé pour ne plus jamais y revenir, les théories de Lessing en art dramatique, avec lesquelles il battait en brèche les poétiques françaises, les poétiques aristotéliciennes (quand elles l’étaient toutefois) de Bouhours, de l’abbé d’Aubignac, de Dacier, de Corneille et même de Voltaire, sont des catapultes hors de service, tout aussi brisées que les théories qu’elles brisèrent. […] Comme il prend ses pièces, — Sémiramis, Mérope, Zaïre, — et leurs préfaces sophistiquées, et comme il détache par morceaux de ces pièces et de ces préfaces tout cet affreux plaqué que Voltaire, qui ne travaillait qu’en plaqué dans l’art dramatique, ne croit pas, mais veut nous donner pour le pur érable d’œuvres originales et sincères ! […] Il l’invoquait contre les Français, qu’il accusait avec raison de n’avoir jamais entendu les idées dramatiques des Grecs, et il ne se doute pas que sa critique n’était que le combat d’un jour et que l’Art dramatique, en soixante-dix ans, allait se défaire de tous les Aristotes, faux ou vrais, et, purifié de toute théorie, n’aurait plus pour toute règle que la liberté du Génie qui crée l’émotion et exprime la vie dans ce qu’elle a de plus intense, — n’importe à quel prix ! […] C’est l’âme humaine dans son action, dans son jaillissement, l’âme humaine frappant sur l’âme humaine sans autres moyens qu’elle-même ; car Shakespeare se souciait bien du décor, du costume, et de toutes ces recherches byzantines d’un art qui se fait savamment petit, depuis qu’il a cessé d’être grand !

722. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre premier. Préliminaires » pp. 1-8

Elles exercèrent chacune une influence spéciale sur les deux grands génies qui fondèrent chez nous l’un et l’autre genre dramatique : Pierre Corneille, le père de la tragédie, fut soutenu dans sa puissante initiative par la littérature espagnole ; Molière, le comique, s’inspira davantage de l’art de l’Italie. […] Dans ce qui est aux yeux, des Italiens le véritable art comique, dans la Comédie de l’art, la parole est absolument subordonnée et compte à peine.

723. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « Une petite revue ésotérique » pp. 111-116

Une petite revue ésotérique Psyché, revue mensuelle d’art et de littérature, avait pour rédacteur en chef Victor-Émile Michelet, et pour secrétaire de la rédaction, Augustin Chaboseau (rédaction, 12, rue de Vaugirard ; administration, 29, rue de Trévise). […] Bazalgette termine son article en reprenant à Joséphin Péladan le type abstrait du mage pythagoricien : « C’est la suprême culture, la synthèse supposant toutes les analyses, le plus haut résultat combiné de l’hypothèse unie à l’expérience, le patriciat de l’intelligence et le couronnement de la science à l’art mêlé. » Dans la critique des livres, Psyché fait un sort à part à Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck, à la Fin des Dieux de Henri Mazel, à Lilith de Remy de Gourmont, à Ombres et Mirages de Robert Scheffer, au Miroir des légendes de Bernard Lazare. […] Je n’en signalerai qu’une : L’Art littéraire qui fut d’abord en 1892-93 un petit journal illustré mensuel et qui se transforma en 1894.

724. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — C — article » pp. 40-47

Ce sont ces chef-d’œuvres qui ont fixé parmi nous les regles & les beautés de l’Art de Melpomene. […] Aucun Tragique ne l’a égalé dans l’art unique d’imaginer des plans hardis, de les subjuguer, de les varier selon le choix du sujet, de donner à ses personnages une ame, une dignité, une chaleur, un caractere toujours conforme à leur siecle, à leur nation, à leurs mœurs, à leur situation. […] Une esquisse seule de Rubens est préférable aux tableaux les plus achevés d’un Peintre dont tout l’art se borneroit au coloris, & même quelque-fois au vernis seul.

725. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre second. Poésie dans ses rapports avec les hommes. Caractères. — Chapitre II. Des Époux. — Ulysse et Pénélope. »

L’art d’écrire semble avoir suivi l’art de la peinture : la palette du poète moderne se couvre d’une variété infinie de teintes et de nuances ; le poète antique compose ses tableaux avec les trois couleurs de Polygnote. Les Latins, placés entre la Grèce et nous, tiennent à la fois des deux manières : à la Grèce, par la simplicité des fonds, à nous, par l’art des détails.

726. (1803) Littérature et critique pp. 133-288

Quel philosophe connaît la cause à laquelle tient la destinée de nos arts et de nos sciences ? […] Les arts ne vont point du Nord au Midi, mais du Midi au Nord. […] Dans les arts, que de chefs-d’œuvre ! […] Tous les arts de nécessité y étaient perfectionnés : on en connaissait plusieurs d’agréables. […] Les arts avaient orné de toutes leurs pompes le mausolée qui renfermait les augustes dépouilles.

727. (1714) Discours sur Homère pp. 1-137

Telle fut la force de son génie, qu’il inventa l’art et le perfectionna. […] Loin qu’Homere ait observé cet art, on diroit qu’il l’a évité à dessein. […] Il veut que la méthode d’Homere constituë l’art, et qu’elle fasse la nature et l’essence des choses. […] Car l’épithete d’héroïque ne peut tomber sensément que sur la justice et la droiture des coeurs, et non pas sur le défaut de certaines richesses et sur l’ignorance des arts. […] Outre que l’occasion demandoit nécessairement ces discours, ils sont encore rangés avec art, et dans un ordre propre à augmenter toujours le plaisir du lecteur.

728. (1894) Écrivains d’aujourd’hui

Il n’a pas cet art charmant qui se joue à la surface. […] Son art est extérieur et objectif. […] Les leçons sont trop rares aujourd’hui de l’art difficile et des laborieuses préparations. […] — Et c’est alors qu’on mesure toute l’étendue de l’art de Loti. […] Ceux-ci n’accordent pas qu’en matière d’art les jugements aient une valeur absolue.

729. (1912) Pages de critique et de doctrine. Vol I, « I. Notes de rhétorique contemporaine », « II. Notes de critique psychologique »

Qu’il n’aborde pas l’art dramatique. […] « C’est un art si abject, le théâtre, si grossier ! […] Ils émanent d’un poète qui professa le scrupule de l’art jusqu’à s’en faire une religion. […] Cette ferveur d’art dont il était possédé le rendait absolument étranger à l’envie. […] Vous reconnaissez ce goût de briller et cet art de séduire inné dans cette race.

730. (1855) Préface des Chants modernes pp. 1-39

L’art en est arrivé à une époque de décadence manifeste, ceci n’est pas douteux ! […] Les religions ont leur martyrologe, il serait curieux et instructif peut-être de dresser celui de l’industrie, de la science et des arts. […] Vous croyez qu’il va parler de vertu, de récompenses, d’art, de poésie ? […] On a dit : La science et l’industrie tueront l’art ? […] Il me semble que les temps de l’école de l’art pour l’art sont passés à jamais ; on demande à un artiste maintenant autre chose que des phrases harmonieuses et convenablement découpées.

731. (1912) Réflexions sur quelques poètes pp. 6-302

Je ne parle pas de leurs arts respectifs ; la différence en cela saute aux yeux. […] Son Art poétique mérite encore d’être consulté. […] apprendre son art d’Homère ou de Virgile ? […] Cela seul fait voir combien d’Aubignac était mauvais juge de l’art dont il donna des règles. […] Il y a, toutefois, dans l’art des vers, et dans les autres arts, un côté moins subtil, disons plus grossier, et c’est le côté essentiel.

732. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Quatrième partie. Élocution — Chapitre X. De la simplicité du style »

C’est une prétention d’user des mots en artiste, non pour penser et sentir, ni pour provoquer des pensées et des sentiments, mais pour produire les impressions les plus spéciales qui appartiennent aux autres arts, à la musique, à la peinture, à la sculpture, des impressions de son, de couleur et de forme. Sous prétexte que toucher ou convaincre son lecteur, c’est sacrifier l’art en le subordonnant à une autre fin que lui-même, on vide son discours de toute vérité, que la raison, la conscience ou le cœur pourraient saisir : on poursuit une beauté toute matérielle et physique, que nul mélange du vrai, du bien, du beau moral même ne vient corrompre, et l’on travaille son style pour l’œil et l’oreille du public : on se fait ciseleur, coloriste ; on sculpte des phrases marmoréennes, on exécute d’étourdissantes variations ; on a une riche palette, un clavier étendu. […] Ils échappent à la séduction de l’art pur dans le style, peut-être faute de pouvoir comprendre ce que c’est, plutôt que par la résistance d’un goût sûr et du bon sens.

733. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XII. Mort d’Edmond de Goncourt » pp. 157-163

Ses portraits du xviiieº siècle, ses essais sur l’art d’autrefois et sur l’art japonais ne sont auprès de ses romans que divertissements et intermèdes. […] Un livre d’art ne peut avoir le succès fou que par une méprise du public.

734. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Introduction » pp. 2-6

On comprend après cela les dérisions des sceptiques qui ne veulent y voir qu’un jeu de patience, une construction de fantaisie, une simple amusette à savants, « une fable convenue », disait Fontenelle ; « l’art de choisir entre plusieurs mensonges », disait Jean-Jacques. […] Il faut bon gré mal gré qu’il se prononce, qu’il prenne parti, qu’il choisisse entre les diverses façons de concevoir l’art et la vie, sous peine de se décerner à lui-même un brevet de parfaite insignifiance. […] La critique est surtout un art ; l’histoire tend à être de plus en plus une science.

735. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Sophocle, et Euripide. » pp. 12-19

Mais Corneille, ayant trouvé l’art à peine ébauché, eut bien plus d’obstacles à surmonter, pour atteindre à sa perfection. […] C’est ainsi que tant d’écrivains & d’artistes, blanchis dans l’art, & enivrés des plus grands succès, en usent à l’égard des jeunes gens qui s’élèvent jusqu’à devenir leurs rivaux. […] Il avoit jusques-là très-bien joué le héros, l’auteur qui méprise sa gloire particulière, qui n’aime que le progrès de l’art, son repos & sa liberté, la paix & l’union entre les gens de lettres.

736. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Hallé » pp. 71-73

Cette rapetissée et petite paix laisse tomber d’une corne d’abondance, des fleurs, sur quelques génies des sciences et des arts, et sur leurs attributs. […] Son mauvais tableau de la paix est excusable par l’ingratitude du sujet, mais que dire pour excuser le Scilurus qui prête à l’art et qui est infiniment plus mauvais. […] Si ce tableau prêtait à l’art et à toutes ses parties, on peut dire aussi que jamais sujet ne fut mieux choisi pour décorer le palais d’un roi de Pologne.

737. (1915) Les idées et les hommes. Deuxième série pp. -341

La substance de son art : son émoi. […] N’est-elle pas l’art des mots ? […] Seulement, l’art des vrais mots ! […] Alors, qu’on le lise en négligeant le système et en goûtant l’art seulement, un art délicieux d’invention, d’adresse et de nouveauté, un art sans cesse ingénieux et qui prodigue ses trouvailles, un art où les repentirs même ont la pureté des lignes décisives, un art spontané à la fois et savant, un art qui abuse de ses prestiges et qui est donc prestigieux. […] C’est l’art d’autrefois.

738. (1892) Boileau « Chapitre I. L’homme » pp. 5-43

Il eût cru s’amoindrir et ravaler son art, s’il en avait vécu. […] Au temps même de l’Art poétique, en 1671, dans la pleine maturité de son admirable raison, Boileau, qui approche de ses trente-cinq ans, fréquente chez la Champmeslé et chez Ninon de Lenclos. […] L’Art poétique et le Lutrin excitent une vive curiosité ; et les lectures se multiplient : lecture du Lutrin au Luxembourg, chez Segrais ; lectures de l’Art poétique chez Gourville, chez Pomponne, chez le cardinal de Retz, chez Mme de Montespan. […] La Fontaine, à qui l’Art poétique ne s’était pas ouvert, trouve place dans la Chambre du Sublime. […] Il n’avait pas l’esprit du monde, l’art de faire de rien une chose exquise, l’agilité de la fantaisie légère qui effleure tout.

739. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre quatrième »

Il savait des mathématiques, de la philosophie, de la médecine, de l’astronomie ; il était orateur, théologien, jurisconsulte ; bref, docte en tous arts et sciences, comme l’était Rabelais. […] Il parut cinq ans après la mort de Marot, et deux ans après l’Art poétique de Sebilet. […] Ce passage de l’Art poétique, caractérise admirablement Ronsard, sa fortune singulière, et sa chute. […] Abrégé de l’Art poétique. […] Abrégé de l’Art poétique.

740. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Je vous accuse donc, Monsieur, d’avoir, par des doctrines perverses et des moyens que vous seul savez employer, perdu l’art dramatique et ruiné le théâtre français. […] Témoin muet jusqu’à présent de cabales et de nombreuses intrigues, il était de mon devoir, de mon intérêt, comme le plus fécond des auteurs de la scène française, de défendre ce bel art dramatique que vous avez voulu complètement détruire. […] En m’armant contre vous pour défendre un art que j’idolâtre, j’ai voulu d’abord vous écrire au nom de tous mes confrères, victimes comme je le suis de vos idées nouvelles ; mais, en y réfléchissant, j’ai pensé qu’il me serait difficile de parler collectivement. […] Voilà ce que nous ont appris nos prédécesseurs, nos maîtres dans l’art dramatique. […] Examinons d’abord, Monsieur, si, dans l’un des trois ouvrages que vous avez donnés au théâtre, vous avez suivi ces premiers préceptes de l’art qui nous sont commandés par le bon sens.

741. (1913) La Fontaine « V. Le conteur — le touriste. »

pour préparer avec beaucoup d’art le trait de la fin ; si l’on examinait tout cela, si on le comparait soit à Anacréon, soit à Ronsard  ce que je n’ai pas le temps de faire  nous verrions que tout cela est d’un art absolument merveilleux et définitif. […] N’est-il pas évident que c’est un objet d’art que La Fontaine et sa femme ont vu de très près, que Mlle de La Fontaine doit avoir très net dans le souvenir ? […] Sur les objets d’art qui sont contenus dans le château de Richelieu, sur lesquels il insiste beaucoup, moi je n’insisterai pas, parce que cela ne vaut véritablement que comme guide. […] Je passe donc sur les « sensations d’art » de La Fontaine en son voyage. […] Il se montre encore amateur d’art très exact, très sensible, sans aucune prétention du reste, mais parfaitement capable de distinguer les belles choses et de les faire comprendre.

742. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre III. De la logique poétique » pp. 125-167

Toutes les métaphores tirées par analogie des objets corporels pour signifier des abstractions, doivent dater de l’époque où le jour de la philosophie a commencé à luire ; ce qui le prouve, c’est qu’en toute langue les mots nécessaires aux arts de la civilisation, aux sciences les plus sublimes, ont des origines agrestes. […] Pour être frappé de cette union, il suffisait de remarquer l’étymologie commune de γραμματική, grammaire, et de γράμματα, lettres, caractères (γράφω, écrire) ; de sorte que la grammaire, qu’on définit l’art de parler, devrait être définie l’art d’écrire, comme l’appelle Aristote. — D’un autre côté, caractères signifie idées, formes, modèles ; et certainement les caractères poétiques précédèrent ceux des sons articulés. […] La topique est l’art qui conduit l’esprit dans sa première opération, qui lui enseigne les aspects divers (les lieux, τόποι) que nous devons épuiser, en les observant successivement, pour connaître dans son entier l’objet que nous examinons. […] Nous l’avons dit dans un axiome : Les enfants sont grands imitateurs ; la poésie n’est qu’imitation ; les arts ne sont que des imitations de la nature, qu’une poésie réelle. […] Grâce à cette méthode, Athènes florissait alors par la culture de tous les arts qui font la gloire du génie humain, par la poésie, l’éloquence et l’histoire, par la musique et les arts du dessin.

743. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1866 » pp. 3-95

* * * — Apprendre à voir est le plus long apprentissage de tous les arts. […] » * * * — J’ai rarement vu à un amateur l’air amusé par l’art d’une chose. […] 9 mars Quand on étudie l’embryon humain dans les grossissements de figurations en cire, et qu’on suit, de la tache embryonnaire à l’enfant, le développement de l’être, il semble que l’on ait devant soi la racine, le germe de deux arts : l’art du Japon, l’art du moyen âge. […] * * * — En art, en littérature, je connais peu de révolutionnaires, nés sans pain. […] Quand on va chez lui on le trouve assis sur une chaise de paille, tournant ses pouces, en face d’un Gudin accroché à son mur, l’unique objet d’art qu’il possède.

744. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vernet » pp. 130-167

Combien l’art en supprimerait qui gâtent l’ensemble et nuisent à l’effet, combien il en rapprocherait, qui doubleraient notre enchantement ! […] Il y a encore une autre distinction, c’est l’objet dans la nature, et le même objet dans l’art ou l’imitation. […] Si l’objet nous intéresse en nature, l’art réunira le charme de la chose au charme de l’imitation. […] On ne voit pas ici plus de bâtiments qu’il n’en faut pour enrichir et animer la scène ; c’est l’intelligence et le goût ; c’est l’art qui les a distribués pour l’effet mais l’effet est produit sans que l’art s’apperçoive. […] C’est de l’art de s’en imposer à soi-même qu’on peut dire : aliquid latet… etc. .

745. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre II. La Renaissance. — Chapitre II. Le théâtre. » pp. 2-96

. —  Opposition de l’art classique et de l’art germanique. —  Construction psychologique et domaine propre de ces deux arts. […] Comment ont-ils réussi, et quel est cet art nouveau qui foule toutes les règles ordinaires ? C’est un art cependant, puisqu’il est naturel, un grand art, puisqu’il embrasse plus de choses et plus profondément que ne font les autres, tout semblable à celui de Rembrandt et de Rubens ; mais comme celui de Rembrandt et de Rubens, c’est un art germanique et dont toutes les démarches sont contraires à celles de l’art classique. […] Entre les mains des Français, derniers héritiers de l’art simple, ces grands legs de l’antiquité ne s’altèrent pas. […] O thou art fairer than the evening air, Clad in the beauty of a thousand stars !

746. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome II « Les trois siècles de la littérature françoise. — G — article » p. 400

Deux de ses Pastorales, chacune en cinq actes, & un Poëme sur l’Art de plaire, à l’imitation de l’Art d’aimer d’Ovide, ne peuvent trouver place que dans les Bibliotheques où l’on se pique de tout conserver.

747. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rostand, Edmond (1868-1918) »

Il a l’idée frappée dans le métal sonore de l’expression ; il a l’imagination et l’image qui s’envole comme un oiseau versicolore ; il a l’intelligence qui se communique à la foule par un verbe éclatant ; il a l’art dont les délicats sont ravis et charmés ; il a la force et la sensibilité, l’abondance et la variété, la fantaisie et l’esprit, l’émotion et l’éclat de rire, le panache et la petite fleur bleue. […] Edmond Rostand, et lui reconnaître un talent singulier ; il est un art, en effet, qu’a perfectionné l’auteur de la Princesse lointaine , de la Samaritaine et de Cyrano de Bergerac : c’est l’art de mal écrire. […] Rostand nous avait révélé sa science parfaite du solécisme ; dans le fameux sonnet à Mme Sarah Bernhardt, qu’il détailla avec un art consommé de comédien, et qui fit le tour du monde, le sonnet de : Reine de l’attitude et princesse du geste, nous trouvions cet absolu barbarisme : En écoutant ta voix, nous devenons incestes.

748. (1894) Propos de littérature « Chapitre Ier » pp. 11-22

M. de Régnier, de plus en plus penché vers une grave mélancolie, entendait la voix de la Tristesse lui parler ; parmi les amertumes et les brutalités que lui annonçait la vie, il dut sentir trop frêle son âme nouveau-née et c’est peut-être pour la protéger qu’il voulut l’envelopper dans les plis rigides de son Art. […] L’art apparaît alors comme un refuge, le poète s’exile dans les cloîtres du songe. […] Loin de penser comme ce poète, je voudrais affirmer, en théorie de l’Art, cette vérité : L’âme est en devenir vers elle-même ; à tous les stades de son épanouissement, le moi ne peut être connu que par ses phénomènes, les idées, qui évoluent selon la durée, et le regard direct ou la conscience des spiritualistes n’a pour objet qu’une synthèse d’idées, elle aussi mouvante : nous ne sommes pas les mêmes, au plus profond de nous, dans l’adolescence et dans la vieillesse ; ce n’est point comme on l’a dit le voile qui se déchire ou retombe en lourds plis, ce n’est pas la conscience qui s’obscurcit ou s’éclaire, — c’est notre âme qui s’est renouvelée. […] Cela, qui laisse déjà deviner quelque divergence dans la « méthode d’art » de ces poètes, trouve encore son explication dans leur philosophie.

749. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Il résulta de ces échanges que les traits de ressemblance entre la comédie régulière et la comédie de l’art se multiplièrent. […] Un personnage qui paraît avoir pris pied dans la comédie régulière avant de passer dans la comédie de l’art, c’est le Parasite. […] La Ruffiana ne semble pas avoir brillé autant dans la comédie de l’art que dans la comédie soutenue. […] Nous venons d’indiquer ce que la comédie soutenue ajoute aux types ordinaires de la comédie de l’art telle qu’on la jouait dans les premières années du xviie  siècle.

750. (1920) La mêlée symboliste. II. 1890-1900 « L’Âge héroïque du Symbolisme » pp. 5-17

La Plume s’annexe au grand complet la rédaction d’Art et critique qui cesse de paraître et, sortie de l’inévitable chaos primitif, organise une série de rubriques dont elle énumère avec satisfaction les titulaires, savoir : Critique littéraire. — Anatole France, Maurice Barrès, Charles Morice, Georges Lecomte, Camille Mauclair. […] Mais il n’y a pas que le livre qui entende ouvrir des voies nouvelles, il y a aussi les Arts plastiques et le Théâtre. Dans cette même année, Antoine, qui n’a pas encore trouvé de scène fixe pour son Théâtre libre, fait applaudir à la Porte Saint-Martin La mort du Duc d’Enghien de Hennique et, çà et là, l’École des Veufs de Georges Ancey, La Meule de Lecomte, Le Canard Sauvage d’Ibsen et le Père Goriot, tandis que Paul Fort crée le Théâtre d’Art et annonce qu’à partir du mois de mars « les soirées seront terminées par la mise en scène d’un tableau des peintres de la jeune école. […] Stéphane Mallarmé présidait, avec autour de lui, Catulle Mendès, Anatole France, Octave Mirbeau, Clovis Hugues, Maurice Barrès, Henri Lavedan, Odilon Redon, Félicien Rops, Paul Gauguin, Édouard Schuré, Alidor Delzant, Henri de Régnier, Francis Vielé-Griffin, Jules Tellier, Chabrier, R. de Bonnières, Alfred Valette, Maurice du Plessys, Raymond de la Tailhède, Raynaud, Tausserat-Radel et tout ce qui brûlait de se faire un nom dans les lettres et dans les arts.

751. (1890) L’avenir de la science « I »

Mais il y a dans les branches diverses de la science et de l’art deux éléments parfaitement distincts et qui, également nécessaires pour la production de l’œuvre scientifique ou artistique, contribuent très inégalement à la perfection de l’individu : d’une part, les procédés, l’habileté pratique, indispensables pour la découverte du vrai ou la réali-sation du beau ; de l’autre, l’esprit qui crée et anime, l’âme qui vivifie l’œuvre d’art, la grande loi qui donne un sens et une valeur à telle découverte scientifique. […] À vrai dire, ces mots de poésie, de philosophie, d’art, de science, désignent moins des objets divers proposés à l’activité intellectuelle de l’homme que des manières différentes d’envisager le même objet, qui est l’être dans toutes ses manifestations. […] Tous les génies sont universels quant à l’objet de leurs travaux, et, autant les petits esprits sont insoutenables quand ils veulent établir la prééminence exclusive de leur art, autant les grands hommes ont raison quand ils soutiennent que leur art est le tout de l’homme, puisqu’il leur sert en effet à exprimer la chose indivise par excellence, l’âme, Dieu.

752. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des pièces de théâtre — Préface de « Ruy Blas » (1839) »

En effet, au-delà de cette barrière de feu qu’on appelle la rampe du théâtre, et qui sépare le monde réel du monde idéal, créer et faire vivre, dans les conditions combinées de l’art et de la nature, des caractères, c’est-à-dire, et nous le répétons, des hommes ; dans ces hommes, dans ces caractères, jeter des passions qui développent ceux-ci et modifient ceux-là ; et enfin, du choc de ces caractères et de ces passions avec les grandes lois providentielles, faire sortir la vie humaine, c’est-à-dire des événements grands, petits, douloureux, comiques, terribles, qui contiennent pour le cœur ce plaisir qu’on appelle l’intérêt, et pour l’esprit cette leçon qu’on appelle la morale : tel est le but du drame. […] Le drame est la troisième grande forme de l’art, comprenant, enserrant, et fécondant les deux premières. […] Qu’on nous permette donc de passer, sans nous appesantir autrement sur la transition, des idées générales que nous venons de poser, et qui, selon nous, toutes les conditions de l’idéal étant maintenues du reste, régissent l’art tout entier, à quelques-unes des idées particulières que ce drame, Ruy Blas, peut soulever dans les esprits attentifs. […] Les trois formes souveraines de l’art pourraient y paraître personnifiées et résumées.

753. (1862) Les œuvres et les hommes. Les poètes (première série). III « M. de Banville. Les Odes funambulesques. »

pour lui quitta la saine Littérature et l’art en a gémi. […] Devenu histrion d’art par amour de l’histrionisme, ce divinisateur du tremplin l’a transporté définitivement dans la vie de sa pensée. […] Moralité, préoccupation, métaphores, tout dans ce livre est tiré du monde artificiel des planches, l’idéal de la vie et de l’art pour tant de folles imaginations ! […] La rime à laquelle tiennent si fort tous les hommes pour qui la poésie consiste dans l’art d’échiquier de mouvoir et de ranger les mots, la rime touche ici presque à l’identité du son et donne à la phrase poétique des deux vers qui se suivent quelque chose de bicéphale et de monstrueux.

754. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Histoire de la querelle des anciens et des modernes par M. Hippolyte Rigault — II » pp. 150-171

L’abbé de Pons exhorte l’ami anonyme auquel il écrit à ne pas imiter ceux qui, charmés pour leur compte de la lecture d’un livre nouveau, changent d’avis le lendemain et se retournent en apprenant que des personnes célèbres et d’autorité sont d’un avis contraire : Non, monsieur, non, ne soyez pas infidèle à vos lumières ; osez penser par vous-même, et ne prenez point l’ordre de ces stupides érudits qui ont prêté serment de fidélité à Homère ; de ces gens sans talents et sans goût, qui ne savent pas suivre le progrès des arts et des talents dans la succession des siècles ; de ces scholiastes fanatiques qui entrent dans une espèce d’extase à la lecture de L’Iliade originale, où l’art naissant n’a pu donner qu’un essai informe, et qui n’aperçoivent pas dans les travaux de notre âge le merveilleux accroissement de ce même art. […] » Il avait raison en un sens, il choisissait bien ses exemples ; mais il avait tort en ce qu’il confondait tous les âges et qu’il ne se figurait pas qu’il avait pu y avoir une belle jeunesse première, une saison d’efflorescence vigoureuse dans la mieux douée des races, se servant de la plus variée et de la plus euphonique des langues, et que sous des conditions uniques il en était sorti toute une poésie et un art primitif, plus voisin de la nature, et qui ne s’est vu qu’une fois : Homère, disait-il avec une sorte de naïveté contente de soi et de son temps et très commune alors, Homère aurait peut-être atteint à la perfection, s’il fût né dans le siècle d’Auguste ou dans le nôtre ; mais né dans des temps où l’art ne s’était point encore montré, n’étant guidé par aucunes règles, éclairé par aucun exemple, on lui doit tenir grand compte de son poème, tout monstrueux qu’il est. L’ignorance, c’était de ne pas se douter que l’art prosodique, le talent et la science du chant pussent être des plus développés dans Homère et d’une maturité merveilleuse, même aux origines d’une civilisation. […] Enfin, l’abbé de Pons ne voyait à l’art du danseur qui bat des entrechats, comme à celui du poète qui accouple des rimes, qu’un même genre de plaisir étroit, celui de la difficulté vaincue. […] Ce n’est donc que quand le cours complet d’études tire sur sa fin, et que l’élève a appris ou passé en revue l’histoire, le théâtre et la littérature nationale, certains arts mécaniques, la logique, la physique, même la métaphysique, que le précepteur se dit : Mon disciple parle excellemment sa langue naturelle ; sa mémoire est ornée de tous nos meilleurs ouvrages, soit de prose, soit de poésie : cela est bon, mais cela ne lui suffit pas, nous allons apprendre la langue latine.

755. (1867) Nouveaux lundis. Tome IX « Essai de critique naturelle, par M. Émile Deschanel. »

Je me figure quelquefois, à mes jours de réflexion sombre et de découragement, que je suis, — que nous tous, écrivains de profession et à la fois écrivains de scrupule et d’inquiétude, nous sommes les artistes d’un art qui s’en va. Je m’explique bien vite : l’art dont nous sommes ne s’en va pas, si vous le voulez ; mais il se généralise et il s’étend de plus en plus et à un tel degré, ce me semble, qu’il s’efface déjà à vue d’œil et que ce sera de moins en moins une distinction d’y exceller. […] Pour les arts de la musique et de la peinture qui, au contraire, vont gagnant chaque jour en honneur, il n’en est pas ainsi : une éducation et une organisation toutes spéciales sont à la fois indispensables pour y réussir. […] Plusieurs écrivains, de ceux qui sont chaque jour sur la brèche, ont donc senti le besoin de varier et d’accroître leurs moyens, de perfectionner leurs instruments et, si j’osais dire, leur outillage, afin de pouvoir lutter avec les autres arts rivaux et pour satisfaire à cette exigence de plus en plus positive des lecteurs qui veulent en tout des résultats. […] La critique littéraire ne saurait devenir une science toute positive ; elle restera un art, et un art très délicat dans la main de ceux qui sauront s’en servir ; mais cet art profitera et a déjà profité de toutes les inductions de la science et de toutes les acquisitions de l’histoire.

756. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XIII. Retour de Molière à Paris » pp. 225-264

Il lui restait en propre l’art avec lequel il avait su fondre ces éléments divers, en conservant la verve la plus franche, le trait le plus net et le style le plus vif qu’on eût jusqu’alors admirés sur la scène française. […] De celles de ces farces qui ne nous sont point parvenues, plus d’une, sans doute, avait son point de départ dans la comédie de l’art : ainsi, ce Docteur amoureux, dont Boileau regrettait la perte, était certainement de la grande famille des pédants dont la savante Bologne fut la cité natale. […] Après avoir eu recours à la comédie de l’art, au, moins pour la trame du Cocu imaginaire, Molière demande à la comédie soutenue une pièce du genre dit héroïque, Dom Garcie de Navarre, par laquelle, forcé de quitter le Petit-Bourbon, il inaugura, le 4 février 1661, la salle du Palais-Royal. […] Molière a refroidi ces élans : son œuvre révèle sans doute un art plus sérieux. […] Mais il convenait de reconnaître la part considérable que l’art antérieur de l’Italie occupe dans les commencements de sa carrière, pour montrer combien cet art avait contribué à son éducation dramatique.

757. (1902) L’œuvre de M. Paul Bourget et la manière de M. Anatole France

S’il souffre de voir se perpétuer des anomalies sociales souvent monstrueuses, c’est plutôt à cause de la faute d’art qu’il est choqué d’y découvrir. […] France de s’être révélé maître dans l’art de réserver sa place idéale à l’objet, partout où il pouvait se faire que celui-ci méritât de participer à une projection représentative, — n’en dût-il le plus souvent revenir à l’effet d’ensemble qu’un bénéfice de superfluité concomitant. […] Non que ce dernier ait explicitement prétendu être plus qu’un dilettante ; mais, si sa pensée s’en flatte à son insu, il ne devient que plus malaisé de voir comment son style, qui est voué à l’art, seconde cette illusion. […] France est intellectuel, avec maîtrise et avec allure, et combien son incomparable art d’écrivain en reçoit de précieux éclats, et combien il sait mettre en œuvre son talent ! […] France, qui nous porte à lui vouer, non pas cette admiration émue, correspondante, valide, que le ton de la sincérité éveille, mais cette estime, cette flaterie, que l’esprit obtient de l’esprit même, surtout quand l’art le seconde et la compréhension de l’art l’appuie, quand, en d’autres termes, c’est l’heure pour l’esprit de briller, parce que c’est le moment pour lui d’être à peu près sûr qu’on l’appréciera.

758. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 35, de la mécanique de la poësie qui ne regarde les mots que comme de simples sons. Avantages des poetes qui ont composé en latin sur ceux qui composent en françois » pp. 296-339

Ce que je pourrois avoir à dire de nouveau sur la mécanique des vers françois se trouvera dans le paralelle que je vais faire de la langue latine avec la nôtre, pour montrer l’avantage que les poetes latins ont eu sur les poetes françois en cette partie de l’art poetique. […] La poësie comme les autres arts n’est donc qu’un assemblage méthodique de principes arrêtez d’un consentement general, en conséquence des observations faites sur les effets de la nature. […] La suite des syllabes longues et bréves, entremêlées diversement suivant la proportion prescrite par l’art, amene toûjours dans les vers latins une cadence telle que l’espece dont sont les vers la demande. […] L’art d’emploïer à propos les syllabes longues et les syllabes bréves, art que les anciens avoient tant cultivé, sert encore à une infinité d’autres vûës. […] coedebatur virgis civis romanus. on reconnoît l’art dans les differentes repetitions de ces mots qu’il varie pour déguiser l’affectation.

759. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome II « Querelles générales, ou querelles sur de grands sujets. — Troisième Partie. De la Poësie. — III. Le Poëme épique, ou l’Épopée. » pp. 275-353

Ils s’érigèrent en maîtres d’un art qu’aucun d’eux, à l’exception de Ramsay, n’étoit en état de connoître. […] Que d’art, que d’adresse dans ses réflexions sur la critique ! […] Valincour le sage, Valincour l’ami des arts, des artistes & de la paix, arrêta toutes ces plaisanteries. […] Que peut tout l’art du monde sans la nature ? […] Il a l’art d’intéresser dans le fond le plus mince, par le stile le plus vif & le plus enjoué.

760. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre II. Vérification de la loi par l’examen de la littérature française » pp. 34-154

Tout ce théâtre, religieux ou laïque, sérieux ou comique, souffre d’un défaut : il est sans art ! […] Son art fait précisément qu’on voit surtout la valeur absolue des Caractères ; leur valeur relative est considérable : La Bruyère nous peint la fin d’une époque, il fait deviner la suivante et en a déjà l’esprit dramatique. […] Avant Taine, et surtout depuis lui, on a parlé des rapports intimes qu’il y a entre l’art d’un pays et ses conditions politiques et sociales ; je crois avoir ici démontré ces rapports avec une rigueur mathématique. Non pas qu’ils imposent à l’art une obéissance monotone et servile, loin de là ! […] J’ai vu jouer récemment Fantasio, au Théâtre des Arts, à Paris (mars 1911).

761. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Histoire de la littérature anglaise par M. Taine. »

Au point de vue moral complet et de l’expérience, ce qui peut sembler surtout avoir fait défaut à ces existences si méritantes, si austères, et ce qui, par son absence, a nui un peu à l’équilibre, ç’a été de toutes les sociétés la plus douce, celle qui fait perdre le plus de temps et le plus agréablement du monde, la société des femmes, cette sorte d’idéal plus ou moins romanesque qu’on caresse avec lenteur et qui nous le rend en mille grâces insensibles : ces laborieux, ces éloquents et ces empressés dévoreurs de livres n’ont pas été à même de cultiver de bonne heure cet art de plaire et de s’insinuer qui apprend aussi plus d’un secret utile pour la pratique et la philosophie de la vie. […] Après avoir montré avec beaucoup d’art et de finesse en quoi le langage employé dans la Princesse de Clèves est parfaitement délicat et comment il ressemble fort peu à ce qui, chez des poëtes ou des romanciers spirituels de nos jours, a été salué de la même louange ; après avoir reconnu l’accord et l’harmonie des sentiments et des émotions avec la manière de les exprimer, et avoir donné plus d’un exemple des scrupules et des exquises générosités de l’héroïne jusque dans la passion, M.  […] Il faut que l’histoire soit respectueuse et que l’art soit original. Il faut admirer ce que nous avons et ce qui nous manque ; il faut faire autrement que nos ancêtres et louer ce que nos ancêtres ont fait. » Et après quelques exemples saillants empruntés à l’art du Moyen-Age et à celui de la Renaissance, si originaux chacun dans son genre et si caractérisés, passant à l’art tout littéraire et spirituel du xviie  siècle, il continue en ces termes : « Ouvrez maintenant un volume de Racine ou cette Princesse de Clèves, et vous y verrez la noblesse, la mesure, la délicatesse charmante, la simplicité et la perfection du style qu’une littérature naissante pouvait seule avoir, et que la vie de salon, les mœurs de Cour et les sentiments aristocratiques pouvaient seuls donner. […] De cent lieues en cent lieues le terrain change : ici, des montagnes brisées et toute la poésie de la nature sauvage ; plus loin, de longues colonnades d’arbres puissants qui enfoncent leur pied dans l’eau violente ; là-bas, de grandes plaines régulières et de nobles horizons disposés comme pour le plaisir des yeux ; ici la fourmilière bruyante des villes pressées, avec la beauté du travail fructueux et des arts utiles.

762. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre V. De la littérature latine, pendant que la république romaine durait encore » pp. 135-163

L’art d’écrire ne s’était développé que longtemps après le talent d’agir ; la littérature eut donc, chez les Romains, un tout autre caractère, un tout autre objet, que dans les pays où l’imagination se réveille la première. […] Le plus sublime des poètes, Homère, a existé quatre siècles avant le premier écrivain en prose qui nous soit connu ; Phérécide de Scyros, trois cents ans avant Solon, un siècle avant Lycurgue ; et le premier art de l’imagination, la poésie, avait presque atteint en Grèce le plus haut degré de perfection, avant que l’on eût sur d’autres objets les idées suffisantes pour faire un code de lois et former une société politique. […] Au moment où il a écrit l’Art poétique, les plus fameux poètes du siècle d’Auguste existaient ; et il paraît que l’Énéide même était déjà connue. […] Quel rapport peut-il y avoir entre le caractère, les talents et les goûts d’un tel peuple pendant qu’il était républicain, et tout ce que nous lisons de l’enthousiasme du peuple grec pour le perfectionnement de l’art dramatique et poétique ? […] Brutus, dans ses lettres, ne s’occupait point de l’art d’écrire : il n’avait pour but que de servir les intérêts politiques de son pays ; et cependant la lettre qu’il adresse à Cicéron, pour lui reprocher les flatteries qu’il prodiguait au jeune Octave, est peut-être ce qui a été écrit de plus beau dans la prose latine.

763. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre II. Les formes d’art — Chapitre IV. Le roman »

Le roman est le seul genre d’art qui soit en progrès au xviiie  siècle. […] Il passa au premier plan par la victoire du bel esprit français et mondain sur l’art antique : il fut naturel alors que le roman, qui avait toujours eu la faveur des gens du monde, devînt un des grands genres. […] L’art classique a rejeté les modèles espagnols à la basse littérature ; et l’on peut encore rapporter à la défaite du goût classique cette singularité, qu’un disciple de Molière et de La Bruyère se fait l’héritier des Chapelain et des Scarron par sa prédilection pour la littérature de l’Espagne. […] Mais l’art y perd. […] Mais, au point de vue seulement du genre et de la forme d’art, la Nouvelle Héloïse est considérable.

764. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Des lectures publiques du soir, de ce qu’elles sont et de ce qu’elles pourraient être. » pp. 275-293

L’art de la critique, en un mot, dans son sens le plus pratique et le plus vulgaire, consiste à savoir lire judicieusement les auteurs, et à apprendre aux autres à les lire de même, en leur épargnant les tâtonnements et en leur dégageant le chemin. […] Le grand art est de les ménager, de ne point prétendre leur dicter à l’avance les impressions qui doivent résulter simplement de ce qu’on leur présente. […] Ce mode de démonstration appliqué à la littérature suppose tout un art qui se dérobe, et qui n’est au-dessous d’aucune science ni d’aucune supériorité critique, si élevée et si distinguée qu’elle soit ; car il ne s’agit pas ici simplement de se faire petit avec les petits, il faut se faire souple avec les rudes, insinuant avec les robustes, en restant sincère toujours, de cette sincérité qui ne veut que le beau et le bien ; il faut arriver à inoculer une sorte de délicatesse dans le bon sens, en fortifier les parties simples, en rabattre doucement les tendances déclamatoires, plus innées en France qu’on ne le croirait, dégager enfin dans chacun ce je ne sais quoi qui ne demande pas mieux que d’admirer, mais qui n’a jamais trouvé son objet. […] Il faut beaucoup d’art pour tirer de ces lectures tout le parti moral possible, un art honnête et loyal, qui porte dans les esprits la conviction de son entière impartialité. […] Trop d’artifice, trop d’art nuit auprès des esprits neufs : trop de simplicité nuit aussi ; ils ne s’en étonnent pas, et ils ont, jusqu’à un certain point, besoin d’être étonnés.

765. (1912) Le vers libre pp. 5-41

C’est le propre, d’ailleurs, des nouveautés d’art de déchaîner d’incompréhensibles tempêtes. Cela est vrai pour tous les arts. […] Et remarquez une nuance qui a son prix : Banville, publiant son Traité de poésie française rédigé vers 1878 alors que ses meilleurs recueils de vers ont paru, touche aux règles de son art avec une infinie prudence ; sa religion garde comme éclaireur fidèle son scepticisme. […] Ceci est vrai pour l’évolution de tous les arts en tous les temps. […] Cet aspect de zinc d’art qu’on prend ou qu’on veut faire prendre souvent pour du marbre (« marbre, airain, pureté, montrez voir ? 

766. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « III — Un symbole »

« Art. 2. — L’emplacement de cet édifice sera déterminé par l’archevêque de Paris, de concert avec le préfet de la Seine, avant l’enquête prescrite par le titre ii de la loi du 3 mai 1841. « Art. 3. — L’archevêque de Paris, tant en son nom qu’au nom de ses successeurs, est substitué aux droits et obligations de l’administration, conformément à l’article 83 de la loi du 3 mai 1841, et autorisé à acquérir le terrain nécessaire à la construction de l’église et à ses dépendances, soit à l’amiable, soit, s’il y a lieu, par la voix de l’expropriation. « Art. 4. — Il sera procédé aux mesures prescrites par les titres ii et suivants de la loi du 3 mai 1841 aussitôt après la promulgation de la présente loi. » Après cette consécration définitive de « l’exvoto de la France », le terrain fut acheté, le plan choisi au concours, et les travaux commencèrent. […] Il faut vraiment toute la force, tout l’art de dissolvant du catholicisme pour parvenir à transformer ce centre rayonnant de la vie qu’est le cœur en un symbole aussi mesquin. […] La banalité et le mauvais goût triomphent ici comme dans l’art religieux du quartier Saint-Sulpice, nous prouvant que pour abriter un symbole de décadence, il ne pouvait être choisi qu’un style pareillement dégénéré.

767. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Les trois siecles de la litterature françoise. — B — article » p. 377

Son Commentaire sur les Œuvres de Moliere ne se borne point à des Remarques grammaticales ; il offre encore des observations pleines de goût, de finesse & de solidité sur les mœurs, les usages, les modes ; des anecdotes relatives à chaque Comédie, & des réflexions critiques, très-propres à ramener les esprits aux vrais principes d’un art qui se dénature tous les jours. […] Bret étoit d’autant plus digne de commenter le premier des Poëtes comiques, qu’il a lui-même composé des Comédies qui annoncent une grande connoissance du Théatre, l’art du Dialogue, le talent d’enchaîner les scenes, & principalement le bon genre comique.

768. (1763) Salon de 1763 « Peintures — Parrocel »

Quand j’ai regardé ce morceau ; que j’y ai aperçu quelque dessin, un peu de couleur, un grand travail, et que je me suis dit, Cela est détestable, j’ai ajouté tout de suite, Ah, que l’art de peindre est un art difficile.

769. (1929) Critique et conférences (Œuvres posthumes III)

Nous avions sur la plupart des choses de la vie et de l’art, à peu près les mêmes idées, ce qui est presque un miracle, comme on sait. […] L’architecture, même les travaux d’ingénieur en dehors de l’art, certaines industries, l’amusaient à connaître. […] Le chef-d’œuvre de grâce mutine, de souplesse, d’aisance, d’art souriant ! […] « Monsieur Verlaine, qui est bachelier ès Art de l’Université de Paris, veut bien consentir à m’aider dans l’enseignement de la langue française et de l’art du dessin. […] Un luxe de bon goût, plutôt emprunté à l’art religieux de Munich, de bonne musique, et des Pères, toute érudition, toute piété, toute tolérance aussi.

770. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — M — Moréas, Jean (1856-1910) »

Il y montra plus de curiosité d’art et de goût de forme que d’esprit critique et de philosophie… Son livre, son Pèlerin passionné, vaut qu’on en parle, d’abord parce qu’on y trouve çà et là de l’aimable et même de l’exquis… Pour ma part, la prosodie de M.  […] Charles Maurras doivent étudier l’art classique de faire difficilement des vers faciles… M.  […] Jean Moréas, à mon art, demeure le premier poète français.

771. (1920) La mêlée symboliste. I. 1870-1890 « Éphémérides poétiques, 1870-1890 » pp. 181-188

1877 — Victor Hugo : L’Art d’être grand-père. […] REVUES. — L’Art moderne (Octave Maus). — La Jeune Belgique. […] REVUES. — Écrits pour l’Art (Dubedat). — Les Chroniques (Barrès, Le Goffic, La Tailhède). — Le Faune (Marius André). — La Cravache (G. 

772. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Ronchaud, Louis de (1816-1887) »

Eugène Ledrain Lamartine et l’art grec, tels ont été les deux maîtres de M. de Ronchaud, qui est à la fois un savant et un lettré. […] Ses Poèmes de la mort attestent sa fidélité à un art sévère, au culte respectueux de la rime, à un procédé qui ne laisse rien au hasard.

773. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — T — Trézenik, Léo (1855-1902) »

. — L’Art de se faire aimer (1883). — Les Hirsutes (1883). — Proses décadentes (1886). — Les Gens qui s’amusent (1886) […] [L’Art et la Plume (1889).]

774. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l'esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu'en 1781. Tome IV « Les trois siecles de la littérature françoise.ABCD — T. — article » p. 395

Le goût des Lettres a fait d’abord ses délassemens, & il l’a dirigé ensuite vers l’Art militaire, auquel il s’est particuliérement attaché. […] Castilhon, les Amusemens philosophiques & littéraires de deux Amis, où la Poésie & la Prose sont judicieusement & agréablement entremêlées, il a composé un Essai sur l’Art de la Guerre, auquel on ne peut reprocher que la modestie du titre.

775. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre VII. La littérature et les conditions économiques » pp. 157-190

Cela revient à dire que l’art suppose une société où les besoins urgents de la vie sont déjà satisfaits ; il faut du loisir pour goûter les œuvres des poètes ; il en faut pour les créer. […] Zola a puissamment décrit la vie intense d’un de ces grands magasins où l’art de tenter la femme a été poussé près de la perfection (Au bonheur des dames). […] Or, l’Art et le Métier ont des exigences contraires, et l’homme de lettres s’est trouvé tiraillé entre deux directions opposées. […] L’Art, lui, parle tout autrement. […] Si l’on essaie de résumer l’effet produit sur l’esprit des écrivains par la tutelle des puissances établies, on peut dire qu’en général elle encourage l’art pour l’art, l’art élégant, aimable, soigné, occupé surtout à se parer, voilà pour la forme, et la pensée docile, réservée, soumise avec passion ou résignation, dénuée de hardiesse et fréquemment de franchise, voilà pour le fond des idées.

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