Mais s’il faut toujours s’alarmer, Craindre, rougir, devenir blême, Aussi-tôt qu’on s’entend nommer, Qu’on est sot alors que l’on aime !
Et deviendra-t-on l’anathême de ces Messieurs, parce qu’on aura eu le courage de rétracter ce qui n’auroit jamais dû échapper ?
A force de voir des Auteurs, elle voulut le devenir à son tour.
Parce qu’un tableau n’aura pas fait notre admiration, faut-il qu’il devienne la honte et le supplice de l’artiste ?
Mais leurs meilleurs fruits ont été ces excellents élèves devenus à leur tour des maîtres dignes de continuer leurs devanciers. […] L’artiste ne doit pas avoir son secret ; il ne devient philosophe qu’en cessant d’être artiste. […] Maintenant, ce flambeau à la main, examinez ce qui d’abord vous avait paru si obscur, et ces ténèbres au moins vous deviendront visibles. […] En effet, dans Condillac, la sensation devient successivement, au moyen de certaines circonstances, attention, comparaison, raisonnement ; elle devient l’intelligence et même la volonté ; elle devient la conscience, l’âme tout entière. […] Qu’était devenue la royauté au dix-huitième siècle ?
Au lieu d’envier le sort et de flatter par ses désirs la molle existence des oisifs, ne serait-il pas temps pour le poète de tourner la tête vers l’avenir, et de regarder, au sein de l’ardeur et des mouvements du siècle, l’enfantement merveilleux de ce qui va devenir l’espérance, la foi et l’amour du monde ?
Gide est devenu, après maintes œuvres spirituelles, l’un des plus lumineux lévites de l’église, avec autour du front et dans les yeux toutes visibles les flammes de l’intelligence et de la grâce, les temps sont proches où d’audacieux révélateurs inventeront son génie… Il mérite la gloire, si aucun la mérita (la gloire est toujours injuste), puisqu’à l’originalité du talent le maître des esprits a voulu qu’en cet être singulier se joignit l’originalité de l’âme.
Il est étonnant néanmoins qu’avec les secours qu’il trouva pour son éducation, il ne soit pas devenu un Auteur grave.
Le nom de cet Auteur est devenu une injure, & nous ne le plaçons ici que pour effrayer ceux qui seroient tentés de l’imiter.
C'est dommage que ce Livre, dont l'idée est si heureuse & qui renferme tant d'excellentes choses, puisse devenir dangereux à quelques égards, faute d'être assez décidé dans le ton qu'on a choisi pour le rendre intéressant.
M. de La Harpe a montré, dans sa Mélanie, ce que peut devenir le caractère d’un simple curé, traité par un habile écrivain.
Tout ce qui était absurde et invraisemblable dans l’Homère que l’on s’est figuré jusqu’ici, devient dans notre Homère convenance et nécessité.
Aujourd’hui, l’esprit, plus délié, est devenu plus débile ; les convictions, moins roides, sont devenues moins fortes. […] La vérité même qu’il tient devient son hérésie. […] La richesse est devenue moindre, et la sévérité plus grande. […] La force des objets qu’il décrit passe en nous ; nous devenons grands par sympathie pour leur grandeur. […] Les changements de la lumière sont devenus ici une procession religieuse d’êtres vagues qui remplissent l’âme de vénération.
Et il avait une manière si calme de raconter, un peu dans sa barbe sans cesse caressée, que cette manière en devenait d’un drôle tout particulier. […] Celle du prince tourna pour de bon et l’incident est devenu de l’histoire brillante et cruelle. […] De quel amour, je dirais presque de quelle volupté, ne frémissent pas ces pages admiratives sur Chéret où renaissent, sous une forme tout aussi jolie, les miraculeuses imaginations du grand Affichier, s’il faut créer ce mot qui devient nécessaire. […] Cela suffit pour être ou devenir de parfaits artistes ; d’incontestables poètes, peut-être, non, quelque apparemment dur que puisse être ce doute. […] En effet, l’art violent ou délicat prétendait régner presque uniquement dans les précédents, et il devient dès lors possible de discerner des vues naïves et vraies sur la nature, matérielle et morale.
Vous ne l’êtes pas devenu du premier coup. […] Votre style, sans rien perdre de sa fertilité prodigieuse, est devenu presque évangélique. […] Vous avez fini par comprendre qu’avec un être aussi faible et aussi mobile que l’homme, la bienveillance faisait partie de la justice, et qu’il fallait donner aux autres cette indulgence dont nous avions besoin pour nous-même ; ainsi vous êtes devenu bon en devenant juste. […] Il connut Virgile, il l’apprécia et le protégea ; la reconnaissance du poète a chanté, et le nom de Pollion est devenu immortel et l’un des beaux noms harmonieux qu’on est accoutumé à prononcer comme inséparables du plus poli des siècles littéraires. […] « “Auguste, dites-vous, était devenu, de proscripteur, le refuge des proscrits.
D’autres principes non moins respectables qu’on lui prêtait encore, ne lui appartenaient pas davantage ; et la tradition qui se dénature si vite, sans devenir tout à fait fausse, n’était guère plus fidèle de notre temps qu’elle ne l’avait été dans le moyen âge et la renaissance. […] Certainement, quand on voit ce qu’est devenue la critique entre les mains de M. […] Elle devient en outre tellement vaste que le génie même court risque de s’y perdre. […] L’exil et la mort vinrent le surprendre à soixante-deux ans, avant qu’il eût pu mettre la dernière main à aucun de ses travaux ; et ses manuscrits, confus et inachevés, devinrent l’héritage d’un élève bien capable de les comprendre, mais qui ne prit pas la peine de les classer, laissant ce soin pieux à des mains moins habiles et moins éclairées. […] Que devenaient ces conversations, du moment que Socrate cessait d’y figurer en personne ?
Jeudi 2 janvier Un dîner, où le nom de Blowitz est prononcé, et sur ce nom, quelqu’un au fait des dessous secrets du temps, raconte comment Blowitz est devenu correspondant du Times. […] » Oui, c’est vraiment positif, au fond le scientifique est devenu le goût de toutes les intelligences, depuis les plus hautes jusqu’aux plus basses, et ne voilà-t-il pas une pauvre petite créature, qui au lieu de couper des romans au bas des journaux, coupe des articles de science, et a l’envie passionnée d’aller à un cours médical, comme autrefois l’une de ses pareilles avait l’envie d’aller au bal. […] Dimanche 19 janvier Aujourd’hui, après de longs mois de complète disparition, apparaît Villedeuil tenant amoureusement par la main, sa petite fille, et dont la barbe devenue blanche lui donne un air patriarcal… Le voyant ainsi, mon souvenir n’a pu s’empêcher d’évoquer le Villedeuil à la barbe noire des soupers de la Maison d’Or. […] Dimanche 4 mai Daudet dit aujourd’hui très justement que la littérature, après avoir subi l’influence de la peinture pendant ces dernières années, est aujourd’hui en train de subir l’influence de la musique, et de devenir cette chose à la fois sonore et vague, et non articulée qu’est la musique. […] Or, la cérémonie finie, il est trois heures et demie, et la pluie redouble et le vent devient une trombe.
Le besoin de recueillir dans une œuvre définitive tant de force féconde et tant de richesses nées du cœur se fait sentir et devient le rêve qui, comme l’ombre, s’accroît avec les années. […] Là même où les situations deviendront extraordinaires, elles seront de celles que l’imagination accepte aisément, parce qu’elle est disposée, depuis d’Urfé, depuis Théocrite et bien avant, à les inventer ainsi dans ses rêves. […] Au premier printemps, Laurence est devenu plus beau, il étonne, il éblouit son ami ; il éclaire la grotte d’alentour ; c’est bien pour le jeune lévite, en effet, comme l’ange des proses d’Alléluia : In albis sedens Angelus. […] Ce bon ministre, chez qui la peur est l’unique passion dirigeante, deviendrait, en des temps orageux, le pendant exact du curé Abondio des Fiancés de Manzoni.
Au moment où les forces de son esprit plus rassis et plus mûr se rassemblaient sur l’objet auquel il était éminemment propre et qui allait devenir l’étude de sa vie, la Providence nous l’enleva. […] Était-ce seulement que les enfants s’amusent de tout, et que j’étais devenu plus sévère avec moi-même ? […] De retour en France, Farcy était désormais un homme achevé : il avait l’expérience du monde, il avait connu la misère, il avait visité et senti la nature ; les illusions ne le tentaient plus ; son caractère était mûr par tous les points ; et la conscience qu’il eut d’abord de cette dernière métamorphose de son être lui donnait une sorte d’aisance au dehors dont il était fier en secret : « Voici l’âge, se disait-il, où tout devient sérieux, où ma personne ne s’efface plus devant les autres, où mes paroles sont écoutées, où l’on compte avec moi en toutes manières, où mes pensées et mes sentiments ne sont plus seulement des rêves de jeune homme auxquels on s’intéresse si on en a le temps, et qu’on néglige sans façon dès que la vie sérieuse recommence. […] Un soir, en nous parlant de Naple et de ses grèves, Beaux pays enchantés où se plaisaient tes rêves, Ta bouche eut un instant la douceur de Platon ; Tes amis souriaient, … lorsque, changeant de ton, Tu devins brusque et sombre, et te mordis la lèvre, Fantasque, impatient, rétif comme la chèvre !
Et à quelle mesure, dirons-nous aux partisans nombreux de ce sophisme, à quel degré du thermomètre moral reconnaîtrez-vous que l’immoralité change de nature, et que ce qui était crime dans le petit nombre devient moralité dans le grand nombre ? […] XX Enfin on vient tout récemment de découvrir un autre principe de diplomatie, à Paris, à Turin, à Londres, pour la convenance d’un petit prince des Alpes, qui éprouvait le besoin de devenir une grande puissance, et de peser du poids de trente millions de sujets et d’une armée de cinq cent mille hommes à côté de la France, et, qui sait ? […] L’Espagne, autrefois si militaire, si navale, si terrible par son infanterie et par ses flottes, n’existait plus, comme Espagne, qu’en Amérique ; en Europe, elle était notre alliée à tout prix contre la maison d’Autriche dépossédée du midi ; les Pays-Bas autrichiens n’étaient pour ainsi dire qu’une colonie continentale, trop séparée de l’Autriche pour tenir longtemps à l’Empire ; les Italiens des papes étaient les ennemis naturels et invétérés de l’Autriche, vieux Italiens de souche, détestant le joug des Germains, toujours pour eux des barbares ; le beau royaume de Naples et de la Sicile était devenu espagnol bourbonien, et par conséquent français ; la Toscane appartenait encore à un dernier des Médicis, Parme à l’Espagne, Venise et Gênes s’appartenaient à elles-mêmes ; le Piémont, puissance alors insignifiante, oscillait entre l’Autriche et nous, toujours plus entraîné vers le plus fort. […] La Révolution, devenue radicale, militaire, terroriste, conquérante, brouilla toute diplomatie.
On cite les mots pleins de sens de cet oncle devenus proverbes dans ces provinces. […] Des chambres dont le plancher est couvert de livres et de gravures, la vaste cheminée où pétillent les copeaux de sapin, reste de la hache des bûcherons, une vieille nourrice devenue servante et reine des cuisines, des laboureurs et des bergers gardiens de ces belles vaches du Jura, quelques fermiers des hautes métairies qui lui payent leurs redevances sur la fin de l’automne, en fromages et en rayons de miel de leurs ruches, voilà tout le luxe, tout le mouvement, toute l’opulence du gentilhomme du Jura. […] C’est ainsi que je connus son nom, son talent et sa personne, et qu’à première vue je devins, à son insu, son ami. […] Le poète, ce chercheur du beau dans l’histoire comme dans la nature et dans l’art, devenait donc républicain par naissance comme par nécessité.
« — Bien, dis-je ; mais, si la concurrence est détruite, que devient le droit le plus précieux du travailleur, la liberté du travail ? […] Louis Blanc, dont la seule énonciation faisait rire leur bon sens ; à moins cependant, ajoutai-je encore, que le travail libre ne devînt travail forcé pour toute la société, que des répartiteurs du salaire, le fouet ou le glaive à la main, ne fussent chargés de faire travailler tout le monde, et que la société des blancs ne fut réduite à une horde d’esclaves, chassés chaque matin de leurs cases communes au travail uniforme, par des conducteurs de nègres blancs ! […] Les mêmes étudiants, ivrognes précoces ou libertins blasés, devenus émeutiers par désœuvrement, puis républicains par fantaisie, volent la vie et le sang de leurs concitoyens dans une barricade servie par des gamins de Paris et par des filles des rues, et se font tuer eux-mêmes avec autant d’héroïsme que d’indifférence. […] Secondement, ce même Valjean devient parfaitement digne des galères par le vol, dépourvu de toutes circonstances atténuantes, de l’argenterie de l’évêque, et parfaitement caractérisé d’une vraie perversité aggravante, par l’hésitation entre assassiner ou épargner son sauveur, et parfaitement surchargé d’une criminalité odieuse par le vol de la pièce de quarante sous, à main armée, du pauvre enfant sans force et sans armes !
Qui n’a pas Dieu avec soi en cet effroi, que devenir ? Que devenez-vous, vous, ami tant atterré par sa mort, quand votre douleur se tourne vers l’autre monde ? […] Tout me devient d’une même couleur triste, toutes mes pensées tournent à la mort. […] Son imagination était restée pieuse, sa raison était devenue tolérante ; elle n’avait gardé de ses premières doctrines que l’amour qui les sanctifie toutes.
Il lui fallait les sujets qui ont du corps et les entretiens prolongés, où l’on peut s’appesantir sans faire l’effet d’un lourdaud, et s’échauffer sans devenir ridicule. […] Et vous, au contraire, allez au diable, et en enfer, vous les maudits de mon Père, parce que vous m’avez aimé de tout votre cœur, et que vous avez sollicité et pressé tout le monde de m’aimer.” » Cette prosopopée, sous laquelle le Père demeura comme étourdi, devint un des beaux morceaux de l’Épître sur l’Amour de Dieu. […] On voit en même temps par ces anecdotes que Despréaux avait souvent maille à partir avec les jésuites, et j’imagine qu’à les rencontrer souvent chez Lamoignon, il devint janséniste par contradiction. […] Il avait senti dès 1662 une difficulté de respirer, puis il était devenu asthmatique, et enfin en 1687 il perdait la voix, cette précieuse voix qui lui était si nécessaire pour disputer à l’Académie des Inscriptions contre le suffisant Charpentier à la voix de tonnerre.
Mais elles deviennent inévitables dès que l’historien essaie d’interpréter l’histoire et de la « construire », dans quelque esprit que ce soit. […] Ici le grand Apelle, heureux dès avant nous, De sa vision même est devenu l’époux ; L’Aube est d’Angelico la sœur chaste et divine ; Raphaël est baisé par la Grâce à genoux, Léonard la contemple et, pensif, la devine ; Le Corrège ici nage en un matin nacré, Rubens en un midi qui flamboie à son gré ; Ravi, le Titien parle au soleil qui sombre Dans un lit somptueux d’or brûlant et pourpré Que Rembrandt ébloui voit lutter avec l’ombre ; Le Poussin et Ruysdaël se repaissent les yeux De nobles frondaisons, de ciels délicieux, De cascades d’eau vive aux diamants pareilles ; Et tous goûtent le Beau, seulement soucieux, Le possédant fixé, d’en sentir les merveilles. […] Mais cela même devient, par un détour, extraordinairement intéressant. […] Le poème du bonheur devient le poème du désir impuissant et de la mélancolie incurable.
Saint-Gelais, ce fut Marot affadi, épuré par un prélat bel esprit, pour l’usage d’une cour devenue bigote ; Marot, moins son enjouement naïf, mais ayant gardé quelque chose de la fine moquerie qui éclate dans ses épigrammes contre les juges, les dévots et les maris. […] Ronsard dès sa jeunesse était devenu sourd ; on ne cherchait qu’un prétexte pour l’égaler à Homère ; cette surdité y servit ; il n’y eut entre Homère et Ronsard que la différence d’infirmité. […] C’est ce grand Ronsard qui a le premier chassé la surdité spirituelle des hommes de sa nation. » Du Bellay, qui, dans sa vieillesse, était devenu sourd, s’en félicitait comme d’un trait de ressemblance avec Ronsard L’enthousiasme qu’inspira ce poëte lui survécut au moins jusqu’à l’arrivée de Malherbe. […] J’en voy qui ont changé de couleur et de teint, Hideux en barbe longue et en visage feint, Qui sont, plus que devant, tristes, mornes et pâles, Comme Oreste agité de fureurs infernales ; Mais je n’en ai point vu qui soient, d’audacieux Plus humbles devenus, plus doulx ni gracieux ; De paillards, continents de menteurs, véritables D’effrontez vergogneurs de cruels charitables De larrons, aumosniers ; et pas un n’a changé Le vice dont il fut auparavant chargé.
Ainsi l’orchestration devient une source de vie scénique et l’agent, par excellence, de la psychologie du drame. […] Enfin là se trouva également un jeune homme qui devait ensuite devenir l’ami et le commentateur et propagateur illustre du Maître, Edouard Schuré : « C’est l’ineffaçable impression que j’en reçus, dit-il dans son livre du Drame musical, qui m’amena plus tard à une étude approfondie de Richard Wagner. » M. […] En 1884, la revue est devenue l’organe de l’Association Wagnérienne Universelle qui a succédé au Patronat. […] Elle devient la compagne de Catulle Mendès après sa séparation d’avec Judith Gautier.
La conscience, dans son sens général, étant la somme de toutes nos sensibilités, le confluent de plusieurs courants de sensations ; il en résulte que dans les animaux inférieurs, doués d’un système nerveux simple, les phénomènes sensitifs sont simples et qu’à mesure que l’organisation croit en complexité, les phénomènes sensitifs deviennent nécessairement plus complexes, et les éléments de la conscience générale plus nombreux. […] Par son caractère merveilleux et mystérieux il est devenu naturellement le sujet favori des adversaires de l’école expérimentale. […] Ayant ce caractère objectif et paraissant être la marque distinctive du non-moi, il est séparé par abstraction de la sensation ; cette abstraction est substantialisée, de sorte que les deux aspects deviennent deux entités qui ne servent qu’à embarrasser les philosophes. […] Lewes, frit remarquer qu’il semble paradoxal de dire que la conscience sort d’une intégration d’états inconscients ; mais que ce qui embarrasse le métaphysicien est tout naturel pour un mathématicien Supposons que y soit une fonction de x ; (y représentant la sensation et x l’excitation) : la valeur de y diminuera comme celle de x ; à un certain moment on peut avoir y = o, ou même y peut devenir une quantité négative, x restant une quantité positive : c’est-à-dire que la sensation peut s’évanouir, l’excitation continuant encore à agir.
Je m’attriste à la pensée que Leconte de Lisle deviendra, comme Malherbe, un nom austère et antipathique, soutenu de peu de souvenirs précis ; je songe, mélancolique, aux destinées de François de Maynard et de José-Maria de Heredia, princes du sonnet français ; et je suis d’un regard attendri Sully-Prudhomme rejoignant Racan derrière la brume de l’oubli. […] On trouvait ridicules son visage et son allure ; par ses continuelles distractions il devenait le jouet de ceux qui se disaient ses amis ; il était à timide ; il bégayait, et sa langue déformait les r et les c, de sorte qu’il prétendait s’appeler Latan. […] Assez adroit ouvrier de mots et de nombres, Charles-Brun n’aurait pas grand-chose à apprendre pour devenir un poète. […] Après Vigny abaissé jusqu’à Henri de Régnier, voici Balzac qui devient un demi Anatole France.
Histoire d’un premier livre qui a servi de préface à la deuxième édition (1884) Le 1er décembre 1851, nous nous couchions, mon frère et moi, dans le bienheureux état d’esprit de jeunes auteurs attendant, pour le jour suivant, l’apparition de leur premier volume aux étalages des libraires, et même assez avant dans la matinée du lendemain, nous rêvions d’éditions, d’éditions sans nombre… quand, claquant les portes, entrait bruyamment dans ma chambre le cousin Blamont, un ci-devant garde du corps, devenu un conservateur poivre et sel, asthmatique et rageur. […] Aujourd’hui que le Roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la forme sérieuse, passionnée, vivante, de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient, par l’analyse et par la recherche psychologique, l’Histoire morale contemporaine ; aujourd’hui que le Roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. […] Préface de la première édition (1877)8 Mon frère et moi, il y a treize ans, nous écrivions en tête de Germinie Lacerteux : Aujourd’hui que le roman s’élargit et grandit, qu’il commence à être la grande forme sérieuse, passionnée, vivante de l’étude littéraire et de l’enquête sociale, qu’il devient par l’analyse et la recherche psychologique l’Histoire morale contemporaine ; aujourd’hui que le roman s’est imposé les études et les devoirs de la science, il peut en revendiquer les libertés et les franchises. […] Oui, je crois, — et ici, je parle pour moi bien tout seul, — je crois que l’aventure, la machination livresque a été épuisée par Soulié, par Sue, par les grands imaginateurs du commencement du siècle, et ma pensée est que la dernière évolution du roman, pour arriver à devenir tout à fait le grand livre des temps modernes, c’est de se faire un livre de pure analyse : livre pour lequel — je l’ai cherchée sans réussite — un jeune trouvera peut-être, quelque jour, une nouvelle dénomination, une dénomination autre que celle de roman.
Pauvre petit nerveux, bien élevé de ce temps, qui aime les belles choses agréables, et sa maîtresse par-dessus le marché, parce qu’elle est une de ces belles choses-là ; mais enfant toujours, et enfant gâté, révolté ou docile, apaisé ou furieux, et qui ne devient pas plus homme sous l’étreinte de la Peine, parce qu’il n’a ni une conviction, ni une idée sur laquelle il s’appuie pour lui résister ! […] Or, il est pleinement dans son sujet, et n’a jamais plus de puissance que quand il nous peint, non plus les meubles de Boule et les fauteuils capitonnés de l’intimité, mais cet affreux tu à toi de l’adultère où, de douleur en douleur, de pudeur en pudeur, et de honte en honte, les deux amants descendent jusqu’au déshonneur le plus complet, et à l’infamie, car l’homme y devient insensé et abject, sans pouvoir reprendre une part de soi à la passion qui le dévore, et la femme, à son tour, y devient menteuse et infidèle ; elle l’était déjà, mais, entendons-nous ! […] Mais, s’il est immérité, par hasard, et qu’un second, plus vrai, plus justifié, n’en vienne pas couvrir la chance menteuse, on fait pis que de tomber, on sombre… Le Public, désabusé, de taupe devenu lynx, et furieux d’avoir été taupe, prend une revanche cruelle, et on paie en même temps pour la réalité nouvelle et pour la vieille illusion.
Décidément les séances d’Académie française sont plus en vogue que jamais ; et ces sortes de joûtes de beaux esprits semblent devenues une fête aussi nationale en France que les combats de taureaux peuvent l’être en Espagne.
Il me sembloit, en le lisant, que j’étois devenu l’un des Disciples exotériques du fameux Pythagore, ou l’un des initiés dans le Collége des Prêtres d’Egypte.
Le flambeau rayonne ; si on l’éteint, si on l’engloutit dans les ténèbres, le flambeau devient une voix, et l’on ne fait pas la nuit sur la parole ; si l’on met un bâillon à la bouche qui parle, la parole se change en lumière, et l’on ne bâillonne pas la lumière.
Ces développements, en effet, qui aujourd’hui et de si loin nous semblent des hors-d’œuvre et des digressions dans les odes de Pindare, étaient précisément ce qui, à l’origine, et dans le temps où les souvenirs étaient vivants, formait l’à-propos le plus heureux de ses sujets et qui en devenait l’enrichissement le plus fertile : c’était le contraire du lieu commun vague, de ce qui domine trop fréquemment dans notre ode classique. […] Il devint ensuite président au présidial d’Aurillac en Auvergne et y végéta presque toute sa vie. […] On voit que Maynard prêterait un peu au ridicule et qu’il offrirait au besoin un type de l’écrivain atteint du mal de province et qui a la peur d’être devenu suranné avant l’âge.
Il fut réveillé sur les trois heures du matin par les cris du peuple et par le tocsin : son gouverneur, le sieur de Saint-Julien, et son valet de chambre, qui s’étaient aussi réveillés au bruit, étant sortis du logis pour apprendre ce que c’était, n’y rentrèrent point, et il n’a jamais su depuis ce qu’ils étaient devenus. […] À Auch, en 1578, pendant le séjour qu’y font la reine mère, la reine de Navarre et Henri, on voit Rosny qui, « n’oyant plus parler d’armes, mais seulement de dames et d’amour, devient tout à fait courtisan et fait l’amoureux comme les autres », chacun ne s’amusant alors à autre chose qu’à rire, danser et courir la bague. […] Il devient épris de la fille du président de Saint-Mesmin, qui était une personne à la mode en ce temps-là, et, ce semble, un peu coquette.
» — Gibbon était devenu si gros et si pesant qu’il n’y eut d’autre moyen pour Mme de Crousaz que de sonner un domestique et de lui dire : « Relevez monsieur. » S’il n’était pas fait pour ces grandes passions, Gibbon l’était essentiellement pour le commerce de l’amitié, et il en éprouvait tous les sentiments. […] Alors seulement la réunion est parfaite, les goûts se communiquent, les sentiments se répondent, les idées deviennent communes, les facultés intellectuelles se modèlent mutuellement ; toute la vie est double, et toute la vie est une prolongation de la jeunesse. […] Il est curieux de voir Gibbon devenu chaleureux comme un Burke, et levant la main pour l’Arche de la Constitution comme un Fox et comme un Macaulay84.
Si Damiette avait tenu bon, on se demande ce que serait devenue tout d’abord cette multitude d’assaillants, guerriers ou pèlerins, débarqués avec femmes et enfants, et campant sur le rivage. […] Bientôt le danger devient inévitable : on n’a qu’à choisir entre l’alternative d’être pris sur l’eau en se rendant aux galères du Soudan, ou d’être massacré par les Sarrasins en débarquant à terre. […] Joinville avoue que, pour lui, en un tel moment, il aurait cherché en vain de quoi se confesser, il ne se souvenait d’aucun péché ; il se contente de faire le signe de la croix et s’agenouille devant un des Sarrasins qui tient une hache, en disant : « Ainsi mourut sainte Agnès. » Cependant un chevalier, son voisin, qui se souvient mieux de ses péchés, se met, faute de prêtre, à se confesser à lui Joinville, et celui-ci, après l’avoir entendu, prononce la formule : « Je vous absous de tel pouvoir comme Dieu m’a donné. » — « Mais quand je me levai de là. ajoute-t-il avec innocence, il ne me souvint plus jamais de chose qu’il m’eût dite ni racontée. » J’omets quantité d’anecdotes caractéristiques de cette croisade et qui sont devenues célèbres depuis Joinville.
Devenu commissaire ordonnateur, il fut employé en cette qualité dans l’armée qu’on avait formée, en 1792, sur les côtes de Bretagne, et qui était destinée à agir au cas d’une descente des Anglais. […] De même dans cette épître (« Hoc erat in votis… ») qu’il rend d’ailleurs avec sentiment, dans le morceau célèbre sur le bonheur des champs, il ose bien nommer la fève que le poète devenu campagnard sert sur sa table, mais il recule devant ces petits légumes assaisonnés de fin lard, et dont Horace nous laisse arriver le fumet : Uncta satis pingui ponentur oluscula lardo ; et il dit en échange : Quand verrai-je ma table offrir du lait, des fleurs ! […] Et c’est ainsi que cette part de labeur qu’on avait acceptée et qu’on ne s’était point choisie, cette part qui pouvait ne sembler d’abord qu’ennui et corvée inévitable, imposée à l’ami des Muses, devient sa gloire la plus sûre auprès de la postérité ; car, à la suite et dans le cortège de celui qui ne mourra point, il a pris rang, lui aussi, comme témoin des prodiges, et il est entré dans l’histoire.
Mon désir serait de le faire dans un parfait esprit d’impartialité ; car cette impartialité, cette neutralité même que M. de Pontmartin m’a si souvent reprochée, devient, je l’avoue, un de mes derniers plaisirs intellectuels. […] Mais après cela, je le demande, si le résultat est favorable à la charmante et pure jeune fille, y a-t-il dans nos mœurs modernes bourgeoises (il faut le dire à leur honneur) un obstacle raisonnablement invincible à ce que Jules Daruel, le jeune avocat distingué, épouse cette belle enfant si bien élevée, Aurélie, et qu’elle devienne la plus honorée comme la plus aimable des épouses et des mères ? […] Grâce à Dieu, cette moralité de convention est chaque jour démentie dans la réalité et dans la pratique : les filles de femmes célèbres et même trop célèbres, de celles qui ont été le plus bruyamment admirées ou critiquées, ont chance, si elles sont belles et pleines de mérite, de devenir, selon les rangs et les fortunes, ou femmes d’avocats distingués, ou marquises et même duchesses.
Marie-Charlotte-Hippolyte de Campet de Saujon, fille d’un lieutenant des gardes du corps du roi, le comte ou marquis de Saujon, et de Louise-Angélique Rarberin de Reignac, qui devint en secondes noces Mme de Montmorency, fut baptisée à Saint-Sulpice le 6 septembre 1725, et elle était née probablement la veille ou le jour même23. […] Ce qu’elle espéra, ce qu’elle agita de pensées tumultueuses, ce qu’elle souffrit en ces moments, nous est révélé par des lettres de David Hume, le grand historien et philosophe, qui était devenu l’ami intime de Mme de Boufflers, son conseiller, une espèce de confesseur pour elle au moral24. […] Je prévois que vos passions si vives, continuellement remuées, mettront en pièces votre frêle machine : la mélancolie et une constitution ruinée deviendront alors votre lot, et les remèdes qui pourraient maintenant préserver votre santé et conserver l’équilibre de votre âme viendront trop tard pour les rétablir.
M. de Harlay devint le point de mire de ce Le Noir, il eut pendant des années son Le Noir à ses trousses, comme M. de Talleyrand son Maubreuil. […] Il ne fut point fâché que l’extinction du Calvinisme, qui devint dès lors la grosse affaire, arrivât tout à propos et à point pour lui donner prétexte de les rompre. […] Le rapporteur y prenait goût : « Je ne sais, nous dit-il, s’il y a un plus délicieux passe-temps que de voltiger ainsi de compagnie en compagnie, pourvu qu’elle soit triée, et d’apprendre exactement à cette source les anecdotes de son temps. » L’archevêque, qui était membre de l’Académie française, eut à un moment l’idée d’intervenir dans l’affaire de Furetière, violemment aux prises avec quelques meneurs de la Compagnie (1685), et de devenir arbitre entre des confrères.
Marie-Antoinette, arrivée jeune en France et après des efforts bien sincères pour faire le bien, pour être approuvée et pour réussir, se trompa un peu de chemin et de moyens : rien ne saurait prévaloir contre cette opinion universelle qui est devenue un fait acquis de l’histoire. […] Dans ses premières lettres elle insiste beaucoup sur ce qu’elle est Française, sur ce qu’elle l’est devenue « jusqu’au bout des ongles. » Elle ne demandait pas mieux que de l’être ; sa bonne envie est évidente : « Il faut avoir, disait-elle, les vertus de son état. » Mais à la contradiction, à l’incrédulité qu’elle rencontra sans cesse sur ce point irritant, il ne faudrait pas s’étonner si elle se redressait quelquefois et si elle redevenait en définitive la pure fille de Marie-Thérèse. […] C’est bien dommage, dit M. le Dauphin, car mon frère d’Artois aurait fini par devenir capable de bien gagner sa vie dans les amoureux à la Comédie-Française et à la Foire.
L’auteur vient de parler des vexations et des procédés brutaux qu’il eut à essuyer de la part des Prussiens dans son domaine d’Alsace, à Brumath ; cela le conduit à une réflexion fort sage : « De ces excès, dit-il, dont aucune armée n’est innocente, soit qu’ils empruntent de la main lourde et de l’intelligence lente des Autrichiens un caractère de petitesse et de détail, à la fois étouffant et solennel ; soit que la demi-civilisation du Russe leur imprime une fourberie raffinée ou une violence sauvage ; soit que le Prussien y mette sa hauteur et sa prétention ; soit enfin que la malice et la moquerie rendent insupportables les ingénieux tourments que le Français sait infliger à ses victimes, je ne veux tirer qu’une conséquence : c’est que la guerre, quelquefois si légèrement commencée, laisse aux intérêts et aux amours-propres des plaies qu’un siècle cicatrise à peine. « C’est grand pitié que de la guerre : je croy que si les sainctz du paradis y allaient, en peu de temps ils deviendraient diables », dit Claude Haton en 1 553 déjà. » 1815 vient renflammer les plaies et aggraver tous les maux. […] Le pouvoir est remis dans les meilleures mains ; peu s’en faut que l’Opposition libérale ne désarme, que Béranger ne devienne le chansonnier officiel. […] Alors, me supposant l’amie d’un homme à pendre, je suis devenue l’objet de la considération et de l’intérêt général, ce qui m’a valu des confidences de tous les genres et très nouvelles pour moi, je vous jure ; j’en ai bien fait rire notre ami.
Abandonnés à eux-mêmes, les uns, comme Soult, sont disposés à trop prendre sur eux, tandis que Ney, devenu plus incertain et s’effrayant de sa responsabilité, évacue le pays qu’il occupe et abandonne un peu légèrement la Corogne et le Ferrol. […] Et puis, il faut l’avouer, un chef d’état-major qui a, à chaque instant, un avis personnel, peut à la longue devenir contrariant et incommode, surtout si l’on ne réussit pas. […] Cependant, depuis un an, ma position est devenue telle, que je ne pouvais plus espérer de soutenir les fatigues d’un service à l’état-major.
Il est probable qu’à une certaine époque de sa vie le véritable Oberman a essayé réellement de devenir ce solitaire. […] Il en résulte que dans sa manière, particulièrement dans celle de ses derniers ouvrages, il devient en plusieurs endroits obscur et d’une lecture difficile, parce qu’il évite de spécialiser sa pensée en la revêtant d’exemples vifs, de citations ostensibles, en l’illustrant de détails et de rapprochements historiques. […] Les idées de suicide lui reviennent en ce moment et l’obsèdent sous un aspect plus froid mais non moins sinistre, non plus avec la frénésie d’un désespoir aigu, mais sous le déguisement de l’indifférence : il en triomphe pourtant ; il devient plus calme, plus capable de cette régulière stabilité qui n’est pas le bonheur au fond, mais qui le simule à la longue, même à nos propres yeux.
Vous m’avez écrit une lettre un peu folle, à moi qui suis devenue excessivement grave. […] Qu’est-ce que vous devenez, mon ami ? […] Je suis très-orgueilleuse, mon ami, et plus on dit de mal de moi, plus je deviens hautaine et concentrée.
Ceci devient plus sérieux. […] Cette fatalité en effet existe, elle est écrite désormais dans nos entrailles, dans la trame même et la substance entière de notre être, dans tout ce qui en ressort d’habitudes violentes, sans cesse irritées, qui sont devenues leur propre aiguillon, et qui n’ont plus qu’à se réveiller d’elles-mêmes. […] Cette femme aimable lui disait un jour avec un sourire triste, en le voyant devenir muscadin : « Benjamin, vous faites votre toilette, vous ne m’aimez plus !
Comme il n’y a rien d’intrinsèque dans la naissance, vous fûtes roi à Syracuse, et vous devenez particulier malheureux à Corinthe. […] S’il devient moins propre à la société, sa sensibilité se développe aussi davantage. […] Il accepta ; leur liaison se resserra, elle devint tendresse.
Une guerre qui heurte deux peuples l’un contre l’autre les rapproche dans ce corps à corps ; elle leur apprend à se mieux connaître ; les prisonniers deviennent entre eux un lien vivant ; le séjour des armées sur territoire ennemi amène des contacts journaliers et prolongés ; les négociations entamées en vue de la paix donnent lieu à des congrès où l’on discute autrement qu’à coups de canon. […] Avec André Chénier, l’aveugle harmonieux devient un grand vieillard inspiré qu’on fête et révère comme un demi-dieu. […] Les auteurs qu’on exhume deviennent des êtres agissants.
L’homme qui était son esclave, en devient subitement le roi. […] Les deux plantes mâle et femelle qui ont formé son berceau, deviennent son père et sa mère terrestres. […] Pramantha devint donc bientôt Pramâthyus, « Celui qui creuse en frottant », « Celui qui dérobe le feu ».
Mlle Le Couvreur avait eu deux filles qui vécurent : l’une, née à Strasbourg, fille de M. de Klinglin, qui était dès lors ou qui devint premier magistrat et, comme on disait, préteur de cette cité ; il est question plus d’une fois de cette fille de Monime dans les lettres de Voltaire. […] Ce n’est pas que je manque de reconnaissance ni d’envie de plaire ; mais je trouve que l’approbation d’un sot n’est flatteuse que comme générale, et qu’elle devient à charge quand il la faut acheter par des complaisances particulières et réitérées. […] Les Mémoires de Mme d’Épinay nous font assister à ces derniers ; l’entretien y est piquant, mais libre jusqu’à être licencieux, ce qui ne l’empêche pas de devenir parfois déclamatoire.
Dans les dernières années, et depuis Jocelyn, le cercle s’est élargi ou plutôt transformé, les Elvire sont devenues des Laurence. […] L’esprit froid du sage anglais était alors tout prononcé en faveur de celui qui voulait devenir son hôte. […] Chateaubriand, dans un jugement final, insistant sur le défaut essentiel du caractère, a dit de lui : Qu’un auteur devienne insensé par les vertiges de l’amour-propre ; que toujours en présence de lui-même, ne se perdant jamais de vue, sa vanité finisse par faire une plaie incurable à son cerveau, c’est de toutes les causes de folie celle que je comprends le moins, et à laquelle je puis le moins compatir.
Faites un seul moment une supposition : retirez au grand Corneille toute sa chaleur, toute son inspiration de cœur et d’âme, et demandez-vous ce qu’il deviendra avec cette faculté desséchée et refroidie de finesse exacte et de raisonnement. […] ses maladies elles-mêmes, ses infirmités avaient quelque chose d’indolent et de tranquille : « Il avait la goutte, mais sans douleur ; seulement son pied devenait de coton ; il le posait sur un fauteuil, et voilà tout. » C’était une âme et un corps où n’entra jamais l’aiguillon. […] À la longue, cette prétention (car c’en était bien une), en se réduisant et en s’adoucissant, finit par devenir l’habitude facile, le pas égal et naturel de sa pensée.
Il rasait bien, il chantait mieux, et peu à peu chalands et curieux de venir, si bien qu’un peu d’aisance, un petit ruisselet argentin, comme il dit, le visita, lui le premier de sa race, et qu’il devint même propriétaire de sa modeste maison. […] il deviendra bien assez ; ne me nommez pas encore, et ne tremblez pas pour moi : j’ai la force à mon bras, je travaillerai pour vivre ; pitié ! […] Jasmin, un certain jour, vers 1845, est devenu propriétaire en effet, non plus seulement de sa maison au Gravier, mais d’une petite vigne tout proche de la ville, et qu’il a baptisée aussitôt par cette inscription : À Papillote, comme qui dirait : à Babiole, à Bagatelle.
Buffon pourtant ne devint ce philosophe et ce sage que par degrés. […] C’est alors qu’il conçut le projet de tirer de sa position au Jardin du roi un grand parti et de devenir l’historien de la nature. […] C’est ici que Buffon devenait l’émule de Milton lui-même, un Milton physicien, moins la religion et l’adoration.
M. de Bonald avait donc bien près de quarante ans, et il n’avait pas songé à écrire ni à devenir auteur. […] Jamais il ne parle des Grecs qu’avec mépris et dédain comme d’une nation de femmes et d’enfants , ne songeant qu’au plaisir, et qui, dans leurs arts, « ôtèrent la pudeur même à la chasteté » 55 : ou encore comme d’une « nation d’athlètes » devenue bien vite un peuple de rhéteurs et de sophistes, et qui, en philosophie, « ne cherchèrent jamais la sagesse que hors des voies de la raison ». […] Le déiste, pour lui, n’existe pas : « Un déiste, dit-il, est un homme qui, dans sa courte existence, n’a pas eu le temps de devenir athée. » — (Voir un morceau intitulé « De l’origine du langage », par M.
Maître ès arts à dix-neuf ans, il alla ensuite à Bourges pour y étudier le droit ; il y devint précepteur et bientôt professeur des langues grecque et latine à l’université de la ville. […] Sur le meilleur pied à la Cour, voyant son élève chéri, le petit Charles IX, devenu roi dès l’âge de onze ans, et ne cessant jusqu’à la fin de le considérer comme le plus gentil et le plus doux des princes ( natura mitissimus erat ) ; également estimé et honoré de son autre élève Henri III, grand aumônier de France sous tous deux, bientôt évêque d’Auxerre, Amyot avait réalisé le plus beau rêve d’un savant et d’un lettré au xvie siècle. […] En France, la traduction d’Amyot est devenue un ouvrage original. » Ç’a été mon point de départ, et ce sera là aussi mon unique conclusion.
Devenu trop étranger à la langue française par suite de sa longue absence pour se charger lui-même du travail de rédaction qui devait joindre, lier et expliquer les pièces nombreuses à mettre en œuvre, M. […] Aussi ce publiciste tant injurié, tant calomnié, et qui lui-même n’a pas su toujours tenir sa plume exempte de duretés injustes et d’invectives, laisse-t-il empreint sur la totalité de ses pages un cachet d’élévation, de respect pour soi-même et de dignité, qui tient à la pureté de son intention, à son désintéressement fondamental, et qui pour nous tous aujourd’hui devient une leçon. […] « Le désordre est un effet qui devient cause toute-puissante lorsqu’il est manié par une force qu’aucune autre ne contrebalance » ; il s’accroît de ses propres ravages, il se fortifie, il s’organise, il crée des intérêts nouveaux, tout s’enchaîne.
La solennité du genre devient en quelque sorte une convenance naturelle en s’appliquant à Buffon. […] Quand il serait vrai qu’un tel marché honteux eût été conclu, et que le prince eût, dans les premiers temps, acheté ou obtenu de Le Brun le droit du seigneur, toute allusion de la part du mari ou de la femme, dans le procès, devenait impossible à cause de l’inviolabilité du personnage sérénissime. […] Sa servante devint sa femme ; elle le trompait22 et le maîtrisait.
Une lettre écrite au début de ses voyages montre qu’il eut un instant l’idée de devenir ambassadeur et d’être employé dans les cours étrangères ; mais le plus sûr est qu’il soit resté ce que nous le savons et ce que nous l’admirons, le grand, l’immortel investigateur, souvent hasardeux mais toujours fécond, de l’esprit de l’histoire. […] Quoi qu’il en soit du Siamois ou de l’homme de Java, l’idée est devenue originale chez Montesquieu par le développement qu’il y a donné, et la hardiesse avec laquelle il l’a naturalisée à Paris. […] Il y a des incorrections, par exemple : « La plus grande peine n’est pas de se divertir, c’est de le paraître. » Mais Montesquieu, sur le style, a des idées fort dégagées : « Un homme qui écrit bien, pense-t-il, n’écrit pas comme on écrit, mais comme il écrit ; et c’est souvent en parlant mal qu’il parle bien. » Il écrit donc à sa manière, et cette manière, toujours fine et vive, devient forte et fière et grandit avec les sujets.
Il est comme l’acteur de profession, chez qui tout geste et toute parole perd son caractère spontané pour devenir une mimique ; c’est Talma cherchant à tirer parti même du cri de douleur sincère qui lui est échappé à la mort de son fils, et s’écoutant sangloter. […] Il existe sans doute, au fond de tout individu comme de toute époque, un noyau de sensations vives et de sentiments spontanés qui lui est commun avec tous les autres individus et toutes les autres époques ; c’est le fonds de toute existence ; c’est le lieu et le moment où, en étant le plus soi-même, on se sent devenir autrui, où l’on saisit dans son propre cœur la pulsation profonde et immortelle de la vie. […] La pensée peut devenir vitale en quelque sorte, et le simple peut ne marquer qu’un degré supérieur dans l’élaboration du complexe ; c’est la fine goutte d’eau qui tombe du nuage et qui a eu besoin, pour se former, de toutes les profondeurs du ciel et de la mer.
Zola tend au démesuré, au typique, à l’incarnation, personnifie, en des êtres devenus tout à coup surhumains, les plus simples et les plus abstraites manifestations de la force vitale. […] Zola devint nécessairement pessimiste et misanthrope. […] Et la femme, force elle aussi, doublement magnifiée en sa puissance par le volontaire, en son charme par le mâle, devient la rayonnante et redoutable créature capable d’enivrer le monde.
Le titre de ce livre délicieux devient presque faux, quand il s’agit de le préciser. […] Hégel et qui se prépare à devenir un Robespierre, mais voyez ce qu’elle y ajoute ! […] Or l’auteur des Horizons célestes est devenu fort, en ces neuf mois qui suffisent à créer la vie.
C’est ainsi que le fier Sicambre d’autrefois est devenu le doux Sicambre. […] Dans l’article sur l’Histoire de la littérature allemande, par Menzel, qui finit par une si grande position faite à Goethe, et qui me plaît moins, de toute la différence qu’il y a pour moi entre Goethe et Cervantes, le critique, très jeune, du reste, quand il écrivit ce morceau, aie mérite de son article borné par son admiration exagérée de jeune homme pour Goethe, admiration qui s’amortit plus tard dans l’esprit devenu plus mâle de Henri Heine, lequel commença bien par toutes les idolâtries de son temps, mais fut plus fort qu’elles. […] En ces lettres, écrites de 1844 à 1855, le poète du Romancero et des Légendes devient le plus terrible des Nosographes.
Ces réflexions étaient devenues pour moi une espèce d’obsession ; j’ai voulu me soulager. […] Et remarquez que c’est aussi avec les larmes que l’homme lave les peines de l’homme, que c’est avec le rire qu’il adoucit quelquefois son cœur et l’attire ; car les phénomènes engendrés par la chute deviendront les moyens du rachat. […] Or, l’orgueil humain, qui prend toujours le dessus, et qui est la cause naturelle du rire dans le cas du comique, devient aussi cause naturelle du rire dans le cas du grotesque, qui est une création mêlée d’une certaine faculté imitatrice d’éléments préexistants dans la nature.
quand devint-elle autre chose que l’élan de la prière et de la foi ? […] Ce qui domine la foule devient bientôt un instrument pour le pouvoir. […] Peut-être deviendra-t-elle parfois monotone, et trop éblouissante pour l’âme qui veut s’en éclairer.
Il n’est pas moins vrai que cette Histoire devient, par nécessité, un procès continuel. […] Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il perdit Tullie, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment. — J’ai peur que Voltaire n’ait aimé que son esprit… Il ne serait pas besoin d’avoir beaucoup vu M.
Une disposition invincible à narguer et à chansonner les gens de loi, les gens d’église, les puissants, le beau sexe et les maris, devint un des traits persistants du caractère national. […] En demeurant le plus individuel des poëtes, aussi bien que le plus accompli des artistes, le chansonnier a su devenir le plus populaire, le seul même qui réellement l’ait été en France, depuis des siècles, en ce sens que, durant quinze années, ses œuvres, partout retentissantes, auraient pu, à la lettre, vivre et se transmettre sans l’impression.
Les éditeurs de ses œuvres avaient toujours jugé à propos d’éliminer un écrit, selon eux, trop familier : « Ce fut pendant ce voyage (d’Auvergne), est-il dit dans le Discours préliminaire de l’édition de 1782, et à l’occasion de tous les événements dont il y fut témoin, qu’il composa la relation des Grands-Jours, ouvrage écrit à la hâte, et qui ne ressemble en rien ni pour la gravité du ton, ni pour l’élégance du style, aux autres productions de sa plume… Aussi Fléchier, parvenu aux honneurs de l’Église et compté déjà parmi les hommes célèbres de son temps, n’a-t-il jamais permis que cette bagatelle devînt publique par l’impression. […] L’Oraison funèbre de Turenne reste très-belle, un des chefs-d’œuvre du genre, mais on se lasse de la savoir par cœur ; on s’ennuie d’entendre dire que Fléchier est juste ; le voisinage de Bossuet, qui grandit chaque jour comme tout ce qui est vraiment grand, lui faisait tort d’ailleurs, et on était en train, si je ne me trompe, de devenir ingrat, ou, qui pis est, indifférent, lorsque, par bonheur, M.
La nature et son impulsion primitive sont beaucoup, j’admettrai même qu’elles sont tout en commençant ; mais l’usage qu’on en fait et le ménagement de la vie deviennent plus importants à mesure qu’on avance vers la maturité, et, dans ce second âge, le caractère définitif du talent, sa forme dernière se ressent profondément de l’arriéré qu’on porte avec soi et qui pèse, même quand on s’en aperçoit peu. […] Ou bien le talent insensiblement s’altère, non point dans les détails du métier (il y devient souvent plus habile), mais dans le choix des sujets, dans la nature des données et des images, dans le raffinement ou le désordre des tableaux.
Il n’y aurait qu’un cas où toutes ces distinctions, qu’on trouvera peut-être subtiles, mais qui se rattachent, selon nous, à la partie morale de la critique, deviendraient aussi funestes que ridicules, et où la vérité seule devrait parler, dure, amère, inexorable. […] Un peu plus loin, il est vrai, l’auteur paraît regretter que le patronage qu’exerçaient les grands envers les philosophes soit souvent allé jusqu à l’intimité réciproque ; que devient la compassion, alors ?
Sans doute, si vous entendez par moi la force qui pense, qui veut et qui a la conscience nette, lucide et réfléchie de toutes ses sensations, vous arriverez à l’isoler à peu près complètement des autres forces que vous supposez dans les divers organes ; mais encore, comme vous ne pouvez nier que dans l’homme, tel qu’on l’entend communément, corps et âme, il n’y ait une certaine unité, il s’ensuivra qu’en nous le je ne sais quoi nécessaire qui unit le moi tel que vous l’entendez dans un sens restreint, et les autres forces des divers organes, est le moi supérieur, le vrai moi, l’homme réel et vivant : que devient alors votre dualité ? […] Ainsi seulement tout s’explique ; ainsi l’activité matérielle devient sainte au même titre que la pensée, et comme participant au même Dieu sous un aspect différent ; ainsi l’accord règne entre le monde et nous, et dans notre propre individu entre notre intelligence et notre puissance.
John Adams devint le chef avoué de ce parti fédéraliste, aristocratique et anglomane, que l’institution des Cincinnati avait révélé dès l’origine, mais qui désormais allait droit au but, s’armant habilement des excès de la République en France. […] Je vous donnerais la fièvre, si je vous nommais les apostats qui sont devenus les fauteurs de ces hérésies ; des hommes qui étaient des Salomons dans le Conseil et des Samsons sur le champ de bataille, et qui se sont laissé couper les cheveux par la prostituée d’Angleterre.
c’est que les grands mots, qui étonnent et détonnent, forcent les imaginations endormies et grossières, et y suscitent des images que les mots simples, employés aux usages domestiques, sont devenus par là même incapables d’y évoquer. […] Certaines façons de parler proverbiales ne le sont devenues que par là : Belle Philis, on désespère, Alors qu’on espère toujours.
Même dans la libre philosophie, dans Rabelais, comme plus tard dans Montaigne, rétablissement d’un idéal de la vie pratique devient la fin principale que poursuit la raison. […] L’humanisme, par les efforts de Budé, de Rabelais, de Turnèbe, de Lambin, de Cujas, de Ramus, des Estienne, abandonne chez nous l’imitation artistique pour l’examen critique : il devient la philologie ; Bembo est vaincu par Érasme.
Ces événements négligeables se passent dans un monde excessivement restreint, dans un très petit groupe humain, et ne deviennent intéressants (quelquefois, et pas pour tout le monde) que parce que ce petit groupe s’agite sur un point imperceptible du globe qui s’appelle Paris. […] Les chroniques des journaux, en vieillissant, deviennent mémoires.
Mort que je vois venir, que j’appelle et que j’embrasse, je voudrais au moins que tu fusses utile à quelqu’un, à quelque chose, fût-ce à la distance des confins de l’infini… » Il est vrai que lorsqu’il a vu, par le cynique dialogue de Ganeo et de Sacrificulus, ce que deviennent ses doctrines en passant dans des âmes basses qui n’en comprennent que les négations, il recule épouvanté et renie son œuvre involontaire. […] Joie de vivre, principe de noblesse et d’amour, tu deviens pour ces misérables un principe de bassesse.
Car, près de vous, je suis devenu triste et mauvais. […] Puis, c’est un phénomène connu, que les esprits très compliqués adorent souvent les âmes simples… Toutefois, cette préoccupation impie et affectueuse de la vie mystique commence à devenir singulière, chez M.
Il y a, dans Autour d’une tiare, où parmi les péripéties les plus grandioses et les plus douloureuses d’un étonnant pontificat, naît, sourd doucement, enfin clame l’amour de deux enfants, il y a des silhouettes sombres de moines fanatiques et meurtris, des aventuriers sataniques et des cardinaux de tapisserie ; mais la figure préférée, je suis sûr, c’est ce bon évêque Joachim, évêque sans évêché, puisqu’on l’a chassé, pour cause de pauvreté, de son diocèse d’Assise, et qui est devenu l’hôte du pape et le familier du Latran. […] Maintenant, il est fâcheux que le prince Hermann, dont certaines tirades sont ingénieuses, soit, dans l’action, un simple serin, parce que la position fût, avec plus d’intérêt, devenue celle d’un prince valeureux qui eût employé son autocratie à organiser le socialisme, et eût abdiqué quand le dernier rouage aurait été mis en sa place.
Qu’un habile cuisinier la mette en ragoût, voilà le bon devenu le beau. […] Au dix-huitième siècle, l’hôtel de Rambouillet est devenu le palais de Sceaux ; la nouvelle Julie est la duchesse du Maine.
Les autres devoirs deviendront ce qu’ils pourront. […] L’immoralisme brutal et cynique de Stirner ; l’immoralisme raffiné et narquois du dilettante social sont les deux variétés de cet individualisme. — Il y a d’autre part un individualisme aristocratique qui n’est pas de prime abord aussi nettement antisocial que le premier, mais qui le devient en fin de compte, par la force des choses.
Elle devint par cela même un admirable instrument de propagande. […] Mais soudain le rire cesse : le Pierrot famélique s’est transfiguré ; le pitre fait place au poète et c’est une voix émouvante et passionnée qui rythme de vivants sanglots : Pour devenir un jour celui que tu recèles, Et qui pourrait périr avant d’avoir été, Sous le poids d’une trop chamelle humanité, Ô mon âme !
Il sera comme le grain de sénevé, qui est la plus petite des semences, mais qui, jeté en terre, devient un arbre sous le feuillage duquel les oiseaux viennent se reposer 348 ; ou bien il sera comme le levain qui, déposé dans la pâte, la fait fermenter tout entière 349. […] Si Jésus, au lieu de fonder son royaume céleste, était parti pour Rome, s’était usé à conspirer contre Tibère, ou à regretter Germanicus, que serait devenu le monde ?
Les associations produites par la contiguïté deviennent plus certaines et plus rapides par la répétition ; et ainsi se produit l’association inséparable ou indissoluble. Quand l’association a acquis ce caractère d’inséparabilité, non-seulement les deux idées deviennent inséparables dans la conscience, mais les faits ou phénomènes qui correspondent à ces idées en viennent finalement à paraître inséparables dans l’existence.
Nous avons tué cet être que Dieu n’avait pas encore créé et qu’il ne créera probablement plus : le grand Poète de la Joie que Verlaine serait devenu à si bon marché. […] Qu’est devenu depuis cet allié des juges et des bourreaux anglais, ce pharisien qui osa jeter la première pierre ?
Marsyas, un des suivants phrygiens de Bacchus, l’avait, dit-on, ramassée et il était devenu un aulète habile. […] Le drame devient alors une des vocations du génie d’Athènes ; il se jette sur le théâtre comme sur une conquête.
La théorie des parnassiens, la beauté pour la beauté, devint chez eux celle de la beauté pour le rêve. […] De poétique il est devenu scientifique.
Mais elle devint plus vive. […] Cette affaire alloit devenir considérable, lorsque mademoiselle de Scudéri changea de ton.
Ils conviennent qu’on débite au barreau d’une manière propre au genre d’affaires qu’on y traite ; mais ils remarquent en même temps que les avocats, à force de vouloir être simples & modérés, deviennent souvent froids, pesans & monotones, & qu’ils prononcent un discours comme s’ils le lisoient. […] Cette dispute alloit devenir plus vive.
Moreau (de Tours), ne devenait aphasique que lorsqu’il avait la volonté réfléchie et consciencieuse d’articuler. — Sous l’empire d’une passion très-vive, on voit l’aphasique retrouver momentanément la parole. — M. […] Bridaine, et cela avec la plus parfaite netteté d’articulation et avec le ton le plus juste et le plus approprié, quoique évidemment il fût devenu incapable de comprendre un seul mot de ce qu’il disait.
Sans doute la théologie est devenue plus conciliante et plus condescendante lorsqu’elle a vu qu’elle pouvait utiliser nos services et que nous étions une bonne avant-garde contre des doctrines bien autrement menaçantes. […] Jules Simon, dans ses nombreux ouvrages devenus si populaires, ont constitué une vraie philosophie politique.
Il portait à merveille l’habit habillé que personne ne porte plus guère, depuis que nous sommes tous devenus les égaux de nos supérieurs. […] Du fond de son cercueil le mort doit défendre sa couronne funèbre, s’il ne veut pas que cette couronne devienne un outrage à quelque célébrité vivante.
Ces mots si simples, si usités, deviennent plaisans ici, parce que cette solitude était un vaste fromage. […] Mais ce mérite devint bientôt une prétention, et plusieurs se rendirent ridicules ; on distingua alors différentes espèces de précieuses, mais le nom fut encore respecté.
Celui qui voudrait porter la rigidité géométrique dans les rapports sociaux, deviendrait le plus stupide ou le plus méchant des hommes. […] Quant aux mathématiques proprement dites, il est démontré qu’on peut apprendre, dans un temps assez court, ce qu’il est utile d’en savoir pour devenir un bon ingénieur.
Qu’on empêche un homme vif de gesticuler en parlant, son expression devient languissante, et le feu de son éloquence s’éteint ? […] On disoit de lui qu’après avoir été long-temps un comédien, il étoit devenu une comédienne, une faiseuse de gestes, et on ne l’appelloit plus que Dyonisia.
… Si bronze qu’elle fût, en effet, par le bouillonnement, par le ruissellement, par l’ardeur, elle ne le fut qu’en fusion, mais elle ne froidit jamais assez pour devenir une dureté et offrir l’aspérité d’une résistance ! […] Seulement essayez de l’y mettre, et vous allez voir ce qu’elle va devenir !
Qui sait si, hors de son livre, elle n’est pas aimable et bonne enfant, comme de grandes actrices le deviennent après la représentation ? […] — l’abandon dans une société qui a exaspéré toutes les vanités de la femme jusqu’au délire de vouloir devenir des hommes contre les homme, et qui, pour les consoler de ces abandons qui prouvent bien qu’elles ne sont pas des hommes, ces pauvres orgueilleuses, ne leur a même pas laissé Dieu !
quand à cet arcane du génie se joint l’arcane d’un sentiment religieux qui fut autrefois une chose vivante, même lorsqu’elle était haïe, mais qui est devenue une chose méprisée, indifférente, presque détruite et de plus en plus incompréhensible, on reste incompréhensible comme elle. […] Il sait qu’en tombant dans la sphère de l’action et de la volonté, les erreurs de l’esprit deviennent toujours immanquablement les vices du cœur, et ce sont ces erreurs de l’esprit sur lesquelles il porte aujourd’hui le coup de hache de son regard.
» Ce fut lui qui, devenu l’argentier du roi, dit cette simple parole que l’Histoire a gardée : « Syre, tout ce que j’ay est vostre », et qui la fit suivre du fait, en versant une part de son immense fortune dans les finances de son pays. […] Ainsi frappé, qu’allait-il devenir ?
Marguerite d’Anjou, l’héroïne de la guerre des Roses, — de la Rose pâle et de la Rose sanglante, — cette détrônée destinée à devenir un type de Shakespeare, fut la parricide involontaire et innocente de la gloire de son père. […] De bouillant devenu pacifique, il rapporta, comme une consolation, de ses guerres de Sicile, un goût plus vif pour les lettres et les arts qu’il avait cultivés toute sa vie, au milieu de la politique et des armes.
Nous n’outragerons pas son intelligence au point même de le supposer, mais c’est un ennemi de l’Église qui écrit pour le commun des esprits et pour l’éducation élémentaire des pauvres jeunes gens qui ne se collèteront jamais avec les difficultés de l’histoire, et cela lui constitue un terrain sur lequel, si grotesque qu’on soit, on finit par devenir dangereux. […] L’histoire de ces temps auxquels nous touchons devient plus facile.
Il est impossible à celui dont la main peut gouverner les nations de quitter sa sphère céleste pour devenir un moine comme Charles-Quint — âme petite ! […] Avec l’explication, qu’une Critique historique digne de ce nom aurait hasardée, d’un sacrifice à l’opinion blessée de l’Espagne et dans l’intérêt de sa race, non seulement l’abdication de Charles-Quint devient intelligible, mais encore l’homme qu’il fut à Yuste et qui resterait incompréhensible, si on n’avait pas cette explication !
La meilleure vie, par le talent, de ces trois vies de soldats de la Révolution : — La Tour d’Auvergne, Desaix et Hoche, — est celle du plus humble, de La Tour d’Auvergne, qui, d’officier qu’il était, devint soldat et ne voulut être que soldat. […] La spirale, tout à coup, s’arrête… et tout ce peuple sans nom devient le marchepied d’un seul !
La psychologie d’un tel homme eût été bonne à étudier et à connaître dans le détail des circonstances suprêmes où, selon nous, il naufragea et se perdit… S’il fut un apostat, — car nous ne pouvons changer, parce que sa cendre est chaude encore, ni la nature des choses ni le sens des mots, — nous voulons cependant bien convenir qu’il ne fut pas, du moins, un apostat vulgaire, et que ses motifs pour le devenir n’étaient pas ceux qu’on lui a prêtés. […] Cependant, quelquefois sa raillerie s’éteignait dans une ironie pleine de tristesse, et c’était cette tristesse qui empoisonnait la morsure : « C’est une houlette qu’il lui fallait — (à Charles X) — et il l’aura peut-être, mais il est triste, à son âge, de devenir berger. » Certes !
L’éditeur de ces lettres, qui prend les choses de très haut, et qui ne s’étonne pas d’un état social où les classés commençaient à se mêler comme des numéros de loto dans leur sac, n’appuie pas beaucoup sur la question de savoir quelle fut la circonstance qui créa, de par un sentiment, une situation presque officielle en Europe, et sans exemple dans l’Histoire, depuis la nymphe Égérie, entre une marchande de glaces et le prince étincelant qui devait devenir Stanislas-Auguste. […] Déjà avancée dans la vie quand le prince Poniatowski lui présenta son fils, — car on en était alors arrivé à cette dégringolade de tout que les princes polonais venaient dans leurs grosses bottes, droits et heureux comme des princes, ainsi que le dit Sterne de son postillon, demander pour leurs fils les bontés de femmes dont on eût à peine parlé sous Louis XIV, mais qui étaient devenues des puissances parce qu’elles donnaient à dîner à quelques impertinents écrivassiers !
Le fait de son esprit qui finît, nous le reconnaissons, par devenir tout-puissant par l’ordre (toujours l’ordre !) […] Si, vous autres savants, vous vous laissez entraîner ainsi hors du vrai limité, impérieux, immuable, que voulez-vous que nous devenions, nous, devant les beautés littéraires de cet homme qui fut certainement, en définitive, plus un grand artiste dans l’ordre scientifique qu’un savant !
nous savons trop ce que, dans les préoccupations presque religieuses du penseur, devient ce Génie de la forme, qui vous aime et que l’on n’aime plus ! […] Il y a en lui des tendresses de cœur, des forces de sentiment qui ne savent plus que devenir dans ce système, sans Dieu personnel, de l’humanité progressive !
l’un comme l’autre, l’esprit qui vivait le plus comme celui qui vivait le moins, ils devaient si bien retenir, en eux, la marque de cette philosophie, que, malgré le temps, la réflexion et la peur inspirée par des doctrines qui ont fini par donner Arnold Ruge à l’Allemagne et Proudhon à la France, on la retrouve partout en eux à cette heure, aussi bien dans le plus puissant devenu le plus prudent, et qui affecte, pour désorienter l’opinion et n’y pas répondre, de sculpter avec un amour comiquement idolâtre le buste d’une femme sur un tombeau, que dans le plus faible resté le plus hardi, — puisqu’il est resté philosophe, — s’efforçant vainement, dans son interprétation de la métaphysique de saint Anselme, d’échapper aux conséquences, maintenant dévoilées, de la philosophie qui les a également asservis ! […] Si ce n’était pas là une simple tactique ; s’il était vrai, s’il était réel que la métaphysique d’un saint, et, par exemple de saint Anselme, eût des racines secrètes, inévitables, nécessaires avec toute cette métaphysique transcendante qui doit un jour remplacer, par la clarté de l’idée pure, le demi-jour des religions, une telle analogie, une telle rencontre ne serait-elle pas encore meilleure à montrer, à démontrer, à proclamer de toutes les manières possibles, comme une de ces preuves, grosses de bien d’autres, qu’on jette dans les esprits déducteurs et qui y doivent devenir fécondes ?
Jésus-Christ devient pour lui comme le portique et le degré qui conduit à la partie vraiment supérieure des Conférences, c’est-à-dire encore au gouvernement de Dieu. […] L’expérience, — ce fruit tardif, le seul fruit qui mûrisse sans devenir doux, — l’expérience a ajouté son enseignement aux facultés sagaces et translucides que la contemplation et la chasteté religieuse développent et fécondent, et cette double éducation de la pensée a communiqué à la voix et à la parole du P.
Appartiendrait-il à la famille de ce Clément Brentano qui fut un poète et qui devint l’ardent secrétaire de la sœur Emerich, la sublime Extatique dont il écrivit les extases ? […] Funck Brentano relève, il ne faut pas oublier qu’il a écrit cette phrase, qui enveloppe tout : « En vain l’idéalisme et le sensualisme changeront de nom et d’enseigne et deviendront le criticisme, le synthétisme, la philosophie du bon sens, « le positivisme, l’éclectisme, l’évolutionnisme, le nihilisme, on ne pourra conduire à, aucune solution sans un principe supérieur. » Le spiritualiste, dans M.
Si l’Église avait fléchi sur ce point principal pour elle, les grandes fonctions ecclésiastiques seraient devenues le privilège des familles nées des hommes puissants. […] L’Église serait devenue féodale.
Le christianisme ému et qui s’abat tant de fois dans son livre sur la pensée du poète devenue plus sérieuse et plus triste, et qui a été flagellé aussi comme le Sauveur, pourrait donner à M. de Beauvoir ce qui lui manque encore, ce christianisme plus écouté, plus accepté, plus appelé surtout ! […] L’auteur des Colombes et Couleuvres a les défauts de ses qualités, mais cette phrase, devenue si vulgaire, inventée par les Éclectiques de ce temps, pour éviter les embarras de la vérité et les lâchetés de la Critique, n’exprime pas pour nous une fatalité.
Il ne s’agit plus que de savoir si le souffle de la Critique fera ce que fit le souffle du Prophète, et communiquera à ces ossements assez de vie dans la Gloire pour devenir une Immortalité, Toute la question est là maintenant. […] L’Histoire n’a pas perdu une seule des paroles du soldat devenu prophète, et elles ont une beauté grandiose : « Dieu — dit-il — vous a frappé à la bouche, Sire (le couteau avait glissé, en remontant, jusqu’à la lèvre), parce que vous ne l’avez encore renié que débouché.
Un jour même, Lamartine, ce cygne blanc devenu noir tout à coup, écrivit son ode du Désespoir, — mais ce ne fut là qu’une minute d’impiété entre deux Méditations repenties, et il reprit presque au même instant la nitidité de son plumage. […] Mais cette femme, devenue… de lettres, a un talent… du diable, sans aucune plaisanterie.
Seulement, après les chefs-d’œuvre, il faut compter pour les seconds ces livres spirituels dont le cœur humain fait le fond, qui s’appellent René ou Werther, Ourika, Édouard, Frère Ange ou Adolphe, et qui furent écrits avec cette goutte d’encre dont parle Joubert, qui peut bien mettre du temps à tomber, mais qui, en tombant, devient une goutte de lumière. […] Ce qui manque, en effet, à ce soldat, ce qui fait tache à sa physionomie, c’est la foi religieuse, qu’on avait moins qu’à présent du temps de Jean Gigon dans l’armée, et dont l’enfant trouvé, devenu soldat pour mourir soldat, devait avoir encore plus besoin que le maréchal de Turenne.
Mais enfin Balzac vint, comme Malherbe, et la spirale devint infinie. […] Elle a la tristesse même de son impuissance à devenir vicieuse tout à fait, et cette tristesse vaut la peine qu’on l’explique.
Le plus célèbre d’entre eux fut Hérode Atticus ; il descendait de Miltiade, avait eu un de ses ancêtres consul à Rome, fut lui-même consul, devint le maître de Marc-Aurèle, et posséda des richesses immenses ; mais il préférait à tous ces titres la gloire de parler sur-le-champ d’une manière éloquente : il reçut des leçons d’un fameux orateur de Smyrne, et pour premier essai prononça sur-le-champ l’éloge de son père. […] Dès que Niger fut proclamé, aussitôt un de ces hommes qui se hâtent les premiers d’être vils, dès qu’un autre devient puissant, composa son panégyrique, et voulut le lui réciter.
L’homme, dans cet état, devient un je ne sais quoi qui n’a plus de nom dans aucune langue. […] Comme le style n’est que la représentation des mouvements de l’âme, son élocution est rapide et forte : il crée ses expressions comme ses idées ; il force impérieusement la langue à le suivre, et, au lieu de se plier à elle, il la domine et l’entraîne ; elle devient l’esclave de son génie, mais c’est pour acquérir de la grandeur.
Les uns, nés dans la pauvreté, ou se précipitant dans une indigence volontaire, aiment mieux renoncer à subsister qu’à s’instruire ; les autres, nés dans ce qu’on appelle un rang, bravent la mollesse et la honte, et ont le double courage et de devenir savants et de l’avouer. […] Si vous les comparez par leur état, vous trouvez, dans cette liste, des militaires qui ont uni les sciences avec les armes, des médecins qui, forcés d’être instruits pour n’être pas coupables, autant par devoir que par génie, sont devenus grands ; des religieux qui, privés par leur état même de toutes les passions, s’en sont fait une dont l’activité a redoublé par le retranchement des autres ; enfin un certain nombre d’hommes qui, jaloux d’être libres, n’ont voulu pour eux d’autre état que celui de s’instruire, et d’autre rang que celui d’éclairer.
Depuis qu’Eugène Sue est devenu le romancier prolétaire, Béranger le visite, et madame Sand le reconnaît.
Daudet À une époque où les littérateurs se préoccupent tellement de l’art de peindre qu’ils lui empruntent des procédés, des termes particuliers, il est curieux de voir les peintres entrer dans le domaine de la poésie avec cet éternel souci de la couleur qui peut leur devenir en littérature une qualité ou un écueil.
Écoutez Pygmalion racontant comment sa Daphné (la Galatée antique) est devenue femme : … C’était un soir, dans la cité… Une cité lointaine en des montagnes bleues Où les maisons sont des palais… C’était un soir… J’avais sculpté dans le carrare une statue Pour le temple du dieu Soleil — si merveilleuse Que le peuple venu pour la voir s’était mis À deux genoux, ainsi qu’on fait pour les déesses, Puis, en silence, était sorti… Et j’étais seul… [Le Siècle (21 mars 1898).]
Rousseau a deux défauts pour lesquels je ne suis pas près de devenir endurant : c’est l’esprit de chimère et la déclamation.
On peut donc le regarder dans ce démêlé, comme le Comte de Gormas devenu la victime du premier coup d’essai du jeune Rodrigue.
La postérité devient toujours sévere à l’égard des Auteurs, dont les contemporains ont été trop légérement enthousiastes.
Cette passion parasite devient, sous le pinceau des Poëtes lyriques, aussi fade que dangereuse ; & sa domination perpétuelle sur ce genre de spectacle, énerve le goût & les ames, & en éloigne les personnes sages.
On ne se seroit pas attendu, après cela, que les Entretiens de Phocion, si lumineux & si utiles pour la Morale, fussent devenus la matiere du radotage insipide d’un Héros de Roman.
Une autre observation qui fait plus d’honneur à son goût, & qui est devenue une regle de l’Art, est celle qui exige qu’au milieu de chaque Stance il y ait un repos, afin que ceux qui la récitent n’en coupent pas le sens en reprenant haleine.
Montagne a le talent de développer tellement chacun des objets successifs, qu’il devient l’objet principal, & fait oublier volontiers le point duquel l’Ecrivain est parti ; on s’y arrête avec complaisance, par le nouvel intérêt qu’il inspire.
Sera-ce en se nourrissant du style ampoulé de la Philosophie, ou de la frivole légéreté de quelques-uns de nos Ecrivains, qu'ils apprendront à devenir véritablement éloquens ?
Cependant, comme elles devinrent ennuyeuses à la longue, les confrères, intéressés à réveiller la curiosité du peuple, entreprirent, pour y parvenir, d’égayer les mystères sacrés.
Rossi lui a répondu avec une justesse, une vérité, une finesse railleuse qui ont enlevé tous les suffrages ; on retrouvait dans le pair de France, devenu en ce moment l’organe de toute la Chambre, l’homme des États romains qui a vu de près l’Église et qui en a pratiqué l’histoire.
Ferdinand Brunetière Le professeur obscur de Genève, le poète inconnu de Jour à jour et des Étrangères, est célèbre ; et il le restera, comme il l’est devenu d’abord à cause de la sincérité inexorable de sa confession, et aussi parce qu’il est un exemplaire accompli d’une certaine variété d’âmes modernes… Comme M.
Mais dès que Auguste Brizeux, préoccupé de symboles, adopte le rythme ternaire des vieilles proses de nos rituels, dès qu’à force de raffinement il croit être devenu un vrai primitif, tout charme s’évanouit, toute lumière et toute clarté disparaissent : il ne reste plus que des vers martelés, ternis, énigmatiques et vides.
Cependant, en considérant la position de Molière, et le plaisir que le roi prenait à diriger son talent, on se persuaderait sans peine qu’en approchant l’oreille des rideaux du roi, on sur prendrait quelques paroles dites à demi-voix, pour désigner à Molière ce caractère qui, bien que respecté au fond du cœur, avait quelque chose d’importun pour les maîtresses et pour les femmes qui aspiraient à le devenir.
Quand l’illusion s’est affermie par le succès, la vérité devient odieuse, son langage importune ; on tâche en vain de ramener aux principes, on n’excite qne des clameurs.
Mais qu’il nous soit permis d’observer que les mœurs de la Nation, l’état des Arts & des Sciences, les usages des différentes classes de Citoyens, devenus si intéressans sous la plume de MM.
Une pénétration singuliere, & l’ardeur la plus opiniâtre pour l’étude, l’entraînerent de bonne heure à tous les genres du savoir. l’Astronomie, la Physique, les Mathématiques, la Métaphysique, la Morale, l’Histoire, fixerent tour à tour son application, & lui devinrent si familieres, que ses connoissances dans une seule de ses parties, suffiroient pour lui faire un nom.
Pour bien dire, il faut être tribun du peuple, ou pouvoir devenir consul.
Ance marque particulièrement une atténuation du sens primitif qui devient alors moins déterminé, plus vague, et se nuance d’un recul.
La transparente vapeur des nuées se referme, la vision disparaît peu à peu dans le même encens diapré, au milieu duquel elle est apparue, et le morceau se termine par les premières six mesures devenues plus éthérées encore. […] Elle a été le Romantisme, et le Réalisme, et le Naturalisme, et le Dilettantisme ; elle semble devenir, aujourd’hui, décidément, le Pessimisme. […] Alors il comprend les raisons du cauchemar : il regarde en soi-même, se connaît la seule cause ; il est libre, et le Prisonnier de la Caverne devient le Mage Divin. […] Le symbole de Lohengrin « Lorsque j’entrepris la composition de Lohengrin, dit Wagner dans une Communication a mes amis31, j’étais devenu conscient de ma solitude, à tel point que le sentiment que j’en avais, pouvait seul m’exciter à me communiquer et m’en donner le pouvoir. » Pour que la certitude de ne pouvoir faire comprendre ses œuvres, le déterminât à en composer une nouvelle, il fallait en vérité qu’il fût dans une disposition d’esprit étrangement romanesque. […] Mais nous savons que jamais les vers d’un poète, pas même de Schiller et de Goethe, ne pourraient donner à la musique cette précision qu’elle demande ; seul peut la donner le Drame, et non point, certes, le poème dramatique, mais le Drame se mouvant réellement devant nos yeux, l’image devenue visible, de la Musique, où les mots et les discours appartiennent, seulement, à l’Action, non point à la Pensée poétique.
C’est le petit David envoyé en pension à Londres, dînant tout seul à l’auberge de Yarmouth, se laissant enlever par le garçon, d’une si amusante façon, le contenu de presque tous les plats, et passant ensuite aux yeux de l’hôtesse pour un petit misérable suspect de boulimie ; c’est encore, quand il devient étudiant en droit, l’épisode de la location de son premier appartement de garçon, ses rapports timorés avec sa trop sensible hôtesse, et le récit du mémorable dîner où M. […] C’est qu’il faut à toute force, et même contre la vraisemblance, que le spectateur ne puisse se tromper sur l’impression qu’on veut lui causer, et quand Gavarni et Grévin manquent à cette règle du grotesque forcé, c’est qu’ils deviennent peintres de mœurs et cessent d’être de véritables caricaturistes. […] La fortune de sa famille se rétablit en partie ; Dickens put, comme il le désirait ardemment, aller à une école passable ; il entra chez un avoué ; ayant appris la sténographie, il devint reporter judiciaire puis parlementaire de divers journaux ; il publia dans l’un d’eux des sortes de chroniques qui plurent et qui ont été réimprimées sous le titre d’Esquises par Boz. […] Dickens était un romancier riche et fameux, et depuis il marcha dans la carrière littéraire avec les triomphes que l’on sait, au point de devenir en peu de temps l’auteur et un des hommes les plus populaires d’Angleterre. […] Les années passèrent ; en sa figure plus ferme, construite en larges plans anguleux et dont la chair semble d’un grain particulièrement fin et ferme, — un visage d’acier, disait Mme Carlyle, — le regard est devenu plus dur, presque hautain sous le haut front poli ; une résolution excessive et surtendue s’accuse dans la bouche nerveusement pressée au-dessus du menton volontaire que prolonge une barbiche de commodore américain.
La logique est l’art de penser juste, ou de faire un usage légitime de ses sens et de sa raison, de s’assurer de la vérité des connaissances qu’on a reçues, de bien conduire son esprit dans la recherche de la vérité, et de démêler les erreurs de l’ignorance ou les sophismes de l’intérêt et des passions : art sans lequel toutes les connaissances sont peut-être plus nuisibles qu’utiles à l’homme, qui en devient ridicule, sot ou méchant. […] Il importe surtout qu’ils soient excellents moralistes, condition sans laquelle ils deviendront des corrupteurs dangereux. […] Mais accordons qu’au sortir des écoles, les enfants possèdent les langues anciennes qu’on leur a montrées : que deviennent ces enfants ? […] On sait alors tout ce qu’il faut savoir pour passer aux leçons propres à l’éloquence et à la poésie et devenir grand orateur et grand poëte, si l’on y est destiné. […] Qu’est-il devenu ?
C’est qu’ici un sénateur fait adopter par autorité du sénat, un fils naturel qui succède au nom, aux armes, à la fortune, à tous les priviléges de la légitimité, et peut devenir doge. […] Y rapporterions-nous toutes les autres qui deviendraient pauvres et mesquines par la comparaison avec ce modèle ? […] Allez voir l’ offrande à l’amour de Greuze, et vous me direz ce que sa figure principale devient à côté des arbres énormes qui l’environnent. […] Que sont-ils devenus ? […] C’est une observation assez générale qu’on devient rarement grand écrivain, grand littérateur, homme d’un grand goût, sans avoir fait connaissance étroite avec les anciens.
— Sur la lecture de la réponse de Janin dans les Débats, Dumas est devenu furieux, il a envoyé à Janin témoins sur témoins pour un cartel ; mais Janin était parti le matin pour les champs.
Il est devenu depuis inspecteur des beaux-arts ; il vient de manquer l’Académie des sciences morales où il était très-digne d’entrer.
Sainte-Beuve (car il y eut deux ventes) est lui même devenu aujourd’hui une rareté.
Tout le travail que je viens de recommander deviendrait singulièrement facile, et l’invention recouvrerait une surprenante fécondité, si l’on prenait les mots pour ce qu’ils sont, pour des signes, et si l’on s’accoutumait à leur substituer toujours les choses signifiées.
Il a voulu devenir l’enfant qui souffre et qui tremble, fébrile et troublé de l’émoi d’une première passion.
Bernard Jullien Millevoye, poète digne à plusieurs égards de l’attention de la postérité, s’est exercé assez souvent dans la narration poétique, et malheureusement il l’a toujours fait sans le moindre succès ; tellement que si l’on voulait juger de son mérite par ses travaux dans ce genre, on le mettrait avec raison au rang de ceux dont le nom est devenu ridicule.
Il allait, selon toutes probabilités, s’il avait vécu, devenir un maître, mais il ne l’était pas encore.
Jacques Normand est un chroniqueur en vers, à la verve facile et coulante ; c’est un poète de salon, qui a recueilli maints succès, et dont quelques morceaux sont devenus célèbres dès la première récitation.
Corneille & Racine ont sans doute puisé dans Sophocle & dans Euripide le goût des vraies beautés théatrales ; mais, quoique Disciples des Tragiques d’Athenes, ils ont néanmoins très-souvent égalé, & quelquefois surpassé leurs modeles, & le sont devenus à leur tour.
Cet Eloge n’empêche pas qu’il n’y ait des fautes dans son Histoire : ces sortes d’Ouvrages ne deviennent parfaits qu’avec le temps, qui offre chaque jour de nouvelles découvertes ; le meilleur ne sauroit être que celui qui a le moins de défauts.
Paulet fait voir ensuite l’analogie qu’il y a entre ces deux maladies & la premiere, toutes trois également étrangeres à nos climats, toutes trois contagieuses, qui se transmettent & s’étendent par la communication, & qui deviennent éternelles dans un pays, si l’on ne prend des mesures pour les faire cesser.
L’esprit, quand il cherche à se montrer, devient un supplice pour un homme sensé ; & les pensées brillantes éblouissent & fatiguent plus qu’elles ne plaisent, quand elles sont indiscrétement prodiguées, & encore plus quand elles paroissent jetées toutes dans le même moule.
Je crois voir de ta main tomber l’urne terrible ; Je crois te voir cherchant un supplice nouveau, Toi-même de ton sang devenir le bourreau !
La réciprocité des louanges était devenue un devoir de civilité ; on en demandait en proportion de ce qu’on en donnait. […] Qu’un caractère, un talent s’y produise, voilà l’un des partis qui devient le maître, et l’État est assuré. […] En recevant les dons du roi, depuis que le roi était devenu l’État, il n’aliéna pas son droit de dire la vérité, même au roi111. […] Leurs relations en devinrent moins intimes, mais il n’y eut pas brouille. […] Aujourd’hui, il est devenu amoureux de plus sévères plaisirs : J’aime mieux mon repos qu’un embarras illustre… Mes défauts désormais sont mes seuls ennemis.
Je ne parle point de ces figures de rhétorique, si chères à quelques pédants modernes, et dont le nom même est devenu si ridicule, que les professeurs les plus sensés les ont entièrement bannies de leurs leçons : il en est pourtant encore qui en font grand cas, et il est assez ordinaire d’interroger sur ce sujet important ceux qui aspirent à la maîtrise ès arts. […] Jamais cet avis ne leur fut plus nécessaire ; nos livres se remplissent insensiblement d’un idiome tout à fait ridicule ; plusieurs pièces de théâtre modernes, jouées avec succès, ne seront pas entendues dans vingt années, parce qu’on s’y est trop assujetti au jargon de notre temps, qui deviendra bientôt suranné et sera remplacé par un autre. […] La seconde raison de l’impossibilité de réformer entièrement notre orthographe, c’est qu’il y a bien des mots dans lesquels le besoin ou le désir de conserver l’étymologie, ne pourra être satisfait par de purs accents, à moins de multiplier tellement ces accents, que leur usage dans l’orthographe deviendrait une étude pénible. […] Mais ce verbiage, prétendu nécessaire, deviendra évidemment inutile, si on a soin de ranger les idées dans l’ordre convenable ; il résultera de leur disposition naturelle, une lumière qui frappera infailliblement et également tous les esprits, parce que l’art de raisonner est un, et qu’il n’y a pas plus deux logiques que deux géométries. […] L’affectation du style paraît surtout dans la prose de la plupart des poètes : accoutumés au style orné et figuré, ils le transportent comme malgré eux dans leur prose ; ou s’ils font des efforts pour l’en bannir, leur prose devient traînante et sans vie : aussi avons-nous très peu de poètes qui aient bien écrit en prose.
Regnault, à partir de ce jour, devint la plume et l’orateur du Conseil d’État sous la fin du Consulat et durant l’Empire. […] À la chute de l’Empire il devint étranger à toutes fonctions publiques. […] [NdA] Ce caractère et ce cachet de journaliste en Roederer déplairont à Napoléon devenu empereur, comme on peut le voir dans les Mémoires récemment publiés du roi Joseph, t.
Tout ce qui y tient leur devient relique. […] On sait la longue liaison devenue presque classique de M. de La Rochefoucauld et de Mme de La Fayette. […] [NdA] Cette biographie de La Boétie est devenue incomplète.
Si M. de Meilhan avait eu chance réellement de devenir contrôleur général, cela eût suffi pour le perdre du coup. […] Parcourant rapidement l’histoire de la dernière moitié du xviiie siècle, il montre comment une révolution s’est préparée et est devenue possible en France ; il démêle un à un les fils du câble qui a fini par se rompre : il insiste toutefois sur cette conviction que le câble pouvait résister à la tempête, pourvu qu’il y eût à bord un bon pilote. […] M. de Meilhan décompose, pour ainsi dire, son idéal entre ces deux personnages ; l’un est ce qu’il s’imagine avoir été dans sa jeunesse, l’autre ce qu’il se flatte d’être devenu dans son âge désabusé.
Une des plus singulières aberrations de Saint-Martin était de croire que ce Crocodile, avec un peu plus de travail et moins de négligence, et, comme il dit, avec une lessive de plus, aurait pu devenir un bijou. […] Quand on la contemple dans ses détails, on voit que, quoiqu’elle frappe à la fois sur tous les ordres de la France, il est bien clair qu’elle frappe encore plus fortement sur le clergé… Plein de respect pour l’idée de sacerdoce, qui est à ses yeux peut-être la plus haute de toutes, Saint-Martin trouve tout simple que les individus de cet ordre aient été les premiers atteints et châtiés, de même que cette « révolution du genre humain » a commencé par les « lys » de France : « Comme aînés, dit-il, ils devaient être les premiers corrigés. » Je ne fais qu’indiquer ces manières de voir qui nous sont devenues depuis lors familières par le langage si net et si éclatant de M. de Maistre ; mais Saint-Martin y mêle des idées et des sentiments qui lui sont propres et qui ont beaucoup moins de netteté. […] Il est vrai qu’il ajoute « qu’elle ne devrait jamais sortir de ces limites-là, et que par ce moyen elle deviendrait naturellement une des voies de l’esprit ».
La répartition plus ou moins égale et disputée de ces contributions entre le roi et l’électeur, et aussi entre le général du roi et les officiers de l’électeur, devint une cause secrète et assez peu honorable de brouille et de récriminations. […] On l’envoya, tout maréchal de France qu’il était, dans les Cévennes pour avoir raison des fanatiques révoltés, et pour extirper du cœur du royaume cette guerre civile religieuse qui devenait une complication fort maligne à cette heure d’une guerre générale extérieure […] Villars est d’avis d’étouffer le plus qu’on peut ces sortes d’aventures, qui, en éclatant, ne peuvent que mettre en branle les autres fous ou capables de le devenir.
» Elle n’en était pas moins enthousiaste pour cela. « Voltaire et l’Empereur se disputaient le cœur de Mme de Coigny. » Ajoutez qu’elle était devenue dévote, et combinez le tout comme vous le pourrez : il en résultait, quoi qu’il en soit, un très agréable composé, une vieille de grand air, vive, spirituelle, pas du tout ennuyée ni ennuyeuse. […] Pour ceux-ci elle a de bonne heure une prédilection, un art de les apprivoiser et de les élever, qui, avec les années, deviendra une science et ira jusqu’à une légère singularité ; Mme de Tracy n’en mangeait jamais. […] Elle fut de celles-là, et à ce titre elle mérite d’être citée en exemple aux femmes auxquelles leur situation donne des loisirs et peut engendrer par là même plus de regrets : L’âge, disait-elle, — et sans transition on la retrouve ici à plus de trente ans de distance ; elle avait vécu, souffert, aimé dans l’intervalle ; elle avait élevé sa famille et marié ses enfants ; — l’âge, disait-elle donc, ne nous enlève que des choses qui nous deviennent successivement inutiles, et qui sont remplacées par d’autres qui valent souvent beaucoup mieux.
. — J’ai passé une bonne journée, car j’ai vu beaucoup de choses, et beaucoup de choses différentes qui, malgré cela, en se réunissant dans ma tête, deviennent homogènes par le but auquel je me rattache sans cesse, celui de voir partout de la peinture. […] L’étonnement ne paraît jamais sur leur visage, ce qui explique les ordres froidement cruels donnés par Moïse et exécutés ponctuellement sans que les victimes se doutassent du sort qui les attendait. » * Tout cela est finement senti, et, sa pensée se précisant de plus en plus à la réflexion, il écrivait de Smyrne, au moment de s’embarquer : « C’est ici que je commence à bien me rendre compte de tout ce j’ai vu d’intéressant, de curieux, de magnifique et de nouveau ; c’est pour le coup que la Bible devient intéressante. […] Tâchons de parler d’autre chose… » Cette note humaine vibrante, qui lui est naturelle, nous la retrouvons encore. — Il part pour Constantinople, mais les Turcs ne sont pas son fait : Horace Vernet tient bon pour les Arabes, pour cette race fine et légère, il en devient même injuste pour Constantinople.
Or, Gavarni est devenu le nom d’un genre ; il est arrivé, sans le chercher, à cette solution la plus essentielle dans la destinée de tout artiste et, je dirai, de tout homme, d’avoir fait ce que nul autre à sa place n’eût su faire. […] En avançant, Gavarni, devenu plus maître et sentant qu’il dominait mieux son public, s’est accordé plus volontiers la série philosophique : mais ceci touche à une seconde manière que nous aurons à caractériser. […] Ce petit volume est un premier canevas qui mériterait d’être repris plus en grand ; cela deviendrait un guide, un fil conducteur dans l’œuvre de Gavarni, qui est bien comme un labyrinthe.
On en était là, lorsque le grand Saumaise découvrit à Heidelberg en 1616 (une date devenue chère aux érudits, dans la bibliothèque des comtes Palatins, le manuscrit de l’Anthologie de Constantin Céphalas, antérieure à celle de Planude : c’était le trésor dans sa pureté. […] Les courtisanes elles-mêmes ne se privaient pas de ces offrandes, et l’une d’elles, Calliclée, en se retirant, faisait comme Laïs, mais d’un air plus satisfait, et consacrait à Vénus ses instruments de toilette, devenus inutiles : « Cet Amour d’argent, une frange pour la cheville du pied, ce tour lesbien de cheveux foncés, une bandelette transparente pour soutenir le sein, ce miroir de bronze, ce large peigne de buis qui coule comme à pleine eau dans l’onde de la chevelure5, — voilà ce qu’ayant gagné ce qu’elle voulait, ô libérale Vénus, Calliclée vient déposer dans ton sanctuaire. » A côté de cela, une petite fille pieuse et fervente, — elle ou ses parents, — s’adressait à la déesse Rhéa pour obtenir d’arriver au seuil de l’hyménée dans toute sa fleur et sa fraîcheur : « Ô toi qui règnes sur le mont Dindyme et sur les crêtes de la Phrygie brûlante, Mère auguste des dieux, que par toi la petite Aristodice, la fille de Siléné, arrive fraîche et belle jusqu’à l’hyménée, jusqu’à la couche nuptiale, terme de sa vie de jeune fille ; elle le mérite pour avoir bien souvent, et dans le vestibule de ton temple et devant l’autel, agité çà et là (dans une sainte fureur) sa chevelure virginale ! […] Mais c’est André Chénier surtout que cette épigramme-idylle nous rappelle ; il l’a traduite, ou plutôt imitée et développée dans des vers que tout jeune ami des Muses a gravés de bonne heure dans sa mémoire ; c’est devenu chez lui toute une élégie : MNAïS.
Catinat, en apprenant la perte soudaine de l’homme qui l’avait toujours apprécié, poussé, protégé et aimé jusque dans les rudesses et brusqueries qu’il ne ménageait à personne, écrivait à Barbezieux, son fils et son successeur (20 juillet) : « Je suis dans une situation où je me fais de grandes violences pour ne me point laisser aller à la vive douleur que je ressens de la grande perte que vient de faire le roi, l’État, et moi de mon protecteur, dont l’affection m’a toujours cent fois plus touché que tous les biens qu’il pouvait me faire. » Louvois de moins, tout changeait ; Catinat perdait un point d’appui solide et puissant ; il dut être porté à en devenir plus circonspect encore. […] Il était en belle passe et à la veille d’être maréchal de France ; en vieillissant il était devenu un parti. […] Il y en a une infinité à me donner la vanité que tu m’inspires dans tes lettres ; mais, de bonne foi, cela ne me change point sur le jugement que je fais de moi-même, et je réfléchis combien aisément la fortune pouvait changer les événements qui m’ont procuré tant d’honneur, et toutes les raisons pour une affaire deviennent bien faibles contre me seule qui les fait manquer.
Cette aventure, qui est devenue le sujet d’un livre de M. […] C’est le premier souhait de tout jeune homme : ce sera surtout et toujours le vœu du comte de Saxe, même émancipé et devenu le plus illustre des guerriers. […] Elle avait écrit au maréchal en lui faisant part de ses inquiétudes sur ce que le pauvre Favart était devenu.
Et voilà comment Du Bellay, qui avait repoussé les traducteurs en vers des Anciens, devint lui-même, à certain jour, un traducteur en vers. […] Il cesse par là d’être un classique, et il est bien près de devenir tout à fait un moderne. […] À défaut du Roland devenu impossible, il y aurait eu moyen, j’imagine, d’aller choisir quelque grand fait, quelque épisode de nos chroniques nationales, de nos dernières guerres séculaires, comme les récits chevaleresques de Froissart en sont pleins ; quelque combat des Trente ; et, sans tant chercher, que n’est-on allé donner la main à la dernière chanson de geste de la seconde moitié du xive siècle, à la chronique de Du Guesclin !
Mais ce qui, chez son père, n’avait été qu’une distraction de jeunesse et un goût délassant, devint chez le fils une passion principale, entraînante, une verve durable et continuelle. […] Elle est devenue pour lui, à l’état d’étude, un entraînement successif, un sentiment continu et attachant, un voyage ému. […] Ce docte et original esprit, dont les idées historiques et littéraires, sans guère franchir encore le cercle de l’intimité, eurent tant d’effet autour de lui dès 1820, peut ici revendiquer un droit que s’est toujours empressé à proclamer, dans sa reconnaissance, le disciple émancipé, devenu maître à son tour.
Pour les gens du métier qui savent combien ces jugements portés sur les livres du jour par les critiques compétents sont utiles à l’histoire littéraire, et combien, à une certaine distance, il devient difficile de se les procurer dans des feuilles si vite disparues, il semblera tout naturel qu’un homme qui connaît autant les circonstances et les destinées des livres que M. […] Il en possède toutes les qualités primitives, fines et saines, menues et solides, l’intégrité qu’il faut bien louer, tant elle devient chose rare ! […] Dans ce Huron devenu artilleur, il y eut de l’Alcibiade. » — Au sortir de Longus et entre deux pages d’Hérodote, il lui parut plaisant de prendre à partie un régime tracassier et hypocrite qui l’avait piqué ; la difficulté de tout dire et de bien dire était l’amorce tout à fait propre à tenter cet esprit rompu aux grâces.
L’érudition, en ce qu’elle a de réputé exact et rigoureux, est devenue quelque chose d’aussi spécial que la chimie. […] Le Clerc est le premier à le reconnaître) que cette puissance de publicité devenue une fonction sociale ; ceci est aussi essentiellement moderne que le bateau à vapeur193. […] Mais c’est à dater de 89 surtout que les difficultés et les exigences du sujet se multiplieraient, et que le complet (littéraire et politique) deviendrait plus indispensable et plus insaisissable à la fois.
Ce que ne gardèrent pas moins, en général, les personnages de cette époque et de ce rang qui survécurent et dont la vieillesse honorée s’est prolongée jusqu’à nous, c’est une fidélité remarquable, sinon à tous les principes, du moins à l’esprit des doctrines et des mœurs dont s’était imbue leur jeunesse ; c’est le don de sociabilité, la pratique affable, tolérante, presque affectueuse, vraiment libérale, sans ombre de misanthropie et d’amertume, une sorte de confiance souriante et deux fois aimable après tant de déceptions, et ce trait qui, dans l’homme excellent dont nous parlons, formait plus qu’une qualité vague et était devenu le fond même du caractère et une vertu, la bienveillance. […] Les études sérieuses et positives auxquelles dut se livrer à l’instant le jeune colonel devenu diplomate, témoignaient des ressources de son esprit et marquèrent pour lui l’entrée des années laborieuses. […] J’eus occasion de lire votre Galerie morale et politique : bientôt un peu de calme entra dans mon sein ; je suivais avec intérêt le voyageur que vous guidez dans l’orageux passage de la vie ; j’aurais voulu l’être, ce voyageur, je le devins.
Il lui plaît qu’on prenne la conquête de l’empire grec pour un accident singulier amené par une suite de circonstances fortuites et fatales : il n’a garde de confesser que du jour où Boniface devint le chef de la croisade, c’était fait de la défense des lieux saints et du service de Dieu ; il n’a garde de laisser entendre que les Vénitiens ne sont pas des fils dévoués de l’Eglise, et peuvent entretenir des rapports quelconques avec Abd el-Melek, le sultan d’Egypte. […] Si les Macchabées devinrent une chanson de geste, les livres des Bois, mis en français au xiie siècle, sont vraiment un morceau d’histoire religieuse, et la Bible tout entière fut traduite à Paris vers 1235, sans doute par des clercs de l’Université. […] Après la prise de Constantinople, il reçoit les fiefs de Trajanople et Macra, et devient maréchal de Romanie.
Il a aperçu et décrit des états d’âme qui sont devenus de plus en plus fréquents et universels, des sensitifs et des impulsifs, des nerveux et des femmes. […] Dans les dernières pièces de Corneille, cela devient un système : il combine les atrocités historiques de l’antiquité avec les mœurs politiques du jour, plus rusées que cruelles, et ainsi l’ajustement de l’intrigue aux caractères est moins exact. […] En 1639, il devint lieutenant au bailliage de Dreux : il mourut en 1650, d’une maladie épidémique qui ravageait la ville.
Il suivit donc bonnement sa voie, et quand il eut ridiculisé ses adversaires, par des traits si justement assenés qu’ils sont devenus inséparables de leur mémoire, et partie intégrante de leur définition, il exposa les principes de son goût dans son Art poétique, auquel la neuvième Épître se joint nécessairement. […] En 1677 il devient historiographe du Roi avec Racine. […] Depuis longtemps asthmatique, affligé d’une extinction de voix, il devient sourd ; l’hydropisie l’atteint, puis une faiblesse générale, qui en 1709 le rend incapable de marcher.
Mais la tactique change, les attaques deviennent plus dirèctes et plus hardies. […] Là comme toujours, l’amour, la foi transfigurent leur objet : ce grand rieur qui passa sa vie à se moquer de tout le monde, devient sous la plume de Mme Suard un apôtre attendri, doux et bénin : c’est un Voltaire idéalisé, le Voltaire des âmes sensibles, à mettre en face de Rousseau sur une console. […] Mais la bourgeoisie dans l’ensemble est restée voltairienne, et le peuple l’est devenu.
Molière, qui avait alors trente-six ans, et qui était devenu un maître à son tour, en était le directeur. […] Zucca survient et plaisante messer Tebaldo de ce qu’il est devenu tailleur et de ce qu’il prend la mesure des vêtements. […] Molière cesse désormais d’être Mascarille et devient Sganarelle ; il adopte un type moins déterminé, plus mobile ; Mascarille est toujours valet, Sganarelle est placé tour à tour en différentes conditions, tantôt valet ou paysan, tantôt mari, père ou tuteur ; il ressemble, sous ce rapport, aux derniers venus de la comédie de l’art, à Beltrame, à Trufaldin.
En attaquant le clergé catholique par la science, elle le força de devenir savant ; en attaquant ses mœurs, elle les épura. […] La langue, jusque-là un peu monotone et lourde, se mouvant tout d’une pièce, comme un chevalier sous son armure, se dégage, s’articule, devient libre et variée, comme une conversation entre personnes d’humeurs très-diverses, mais qui toutes se ressemblent par le don d’exprimer leurs pensées avec esprit. […] Ces Psaumes, chantés d’abord par les protestants et les catholiques, devinrent bientôt, grâce à Calvin, le chant de guerre des protestants.
La Bruyère voyait les habitudes, et, au lieu de visages échauffés par la passion, agrandis ou rapetissés outre mesure par les événements, des figures au repos, où les passions, devenues des manières d’être de chaque jour, avaient laissé des traces et comme gravé des rides ineffaçables. […] Pourvu qu’il réussisse, soit à nous amuser aux dépens des autres, soit à nous rendre plus curieux de nous-mêmes, peu lui importe que nous devenions meilleurs ou qu’il suscite dans notre conscience un trouble salutaire. […] Chassang, peut devenir le sujet d’une intéressante étude. » Et il ajoute : « On y verra l’essai et pour ainsi dire la première épreuve de ces tours ingénieux et variés qui abondent dans le livre des Caractères. » (Œuvres complètes de J. de la Bruyère, 1876.
Rousseau fait-il un pas hors du lieu commun, et s’avise-t-il de penser hors des pensées des autres, d’écrivain incertain il devient barbare. […] L’épître, ce genre aimable, où le poète, devenu moins chatouilleux sur les défauts d’autrui et moins indulgent pour les siens, ne s’excepte pas de la morale qu’il fait aux autres, J. […] André Chénier est devenu païen, parce qu’il est poète, et nous le sommes un moment avec lui, parce que là où le vrai poète met son âme il y attache la nôtre.
Le passé devient le présent, le fait éloigné se rapproche, la bataille envahit la scène, les mots se font hommes et coursiers, flots et poussière, armes et navires ; le sépulcre même rend ses morts. — Les Evocateurs, c’était le titre d’une des tragédies disparues d’Eschyle, et c’est le nom que pourraient porter tous ses Messagers et tous ses Héraults. […] Une grossière image ityphallique représentait Hermès, avant qu’il devînt le type accompli de l’éphèbe. […] Étéocle répond au Chœur des vierges qui le supplient de ne pas combattre contre son frère : « Je suis aiguisé, tes paroles ne m’émousseront pas. » Ailleurs le fer s’incarne et s’anime, il devient « l’émigré de Seythie, un dur répartiteur d’héritages qui jette aux guerriers les dés de la terre ».
En parlant si librement de Bettina, j’ai presque besoin de m’en excuser, car Bettina Brentano, devenue Mme d’Arnim, veuve aujourd’hui d’Achim d’Arnim, l’un des poètes distingués de l’Allemagne, vit à Berlin, entourée des hommes les plus remarquables, jouissant d’une considération qui n’est pas due seulement aux facultés élevées de l’esprit, mais qui tient aussi aux vertus excellentes de l’âme et du caractère. […] Quand il voyait quelqu’un malade, triste et préoccupé, il rappelait de quelle manière il avait écrit Werther pour se défaire d’une importune idée de suicide : « Faites comme moi, ajoutait-il, mettez au monde cet enfant qui vous tourmente, et il ne vous fera plus mal aux entrailles. » Sa mère savait également la recette ; elle écrivait un jour à Bettina, qui avait perdu par un suicide une jeune amie, la chanoinesse Gunderode, et qui en était devenue toute mélancolique : Mon fils a dit : Il faut user par le travail ce qui nous oppresse. […] Oserons-nous dire qu’il nous semble souvent que la fleur naturelle est devenue par là une fleur artificielle plus brillante, plus polie, mais aussi plus glacée, et qu’elle a perdu de son parfum ?
C’est ainsi qu’il faut entendre cet autre passage de l’éloge, où il est dit : « Dès qu’on avait fait connaissance avec elle, on quittait sans y penser ses maîtresses, parce qu’elles commençaient à plaire moins ; et il était difficile de vivre dans sa société sans devenir son ami et son amant. » Ces expressions vives du peintre platonique ne sont que pour mieux rendre cette joie de l’esprit et cette pure ivresse de la grâce qu’on ressentait insensiblement près d’elle. […] Mme de Maintenonétait devenue indispensable au roi et à toute la famille royale, qui ne lui laissait pas un seul instant de répit. […] Mme de Maintenon, toute bonne paroissienne qu’elle la croyait, sentait bien pourtant que cette nièce charmante n’était pas devenue une recluse, et qu’elle recevait des amis de toute espèce : « Vous savez bien vous passer des plaisirs, lui disait-elle, mais les plaisirs ne peuvent se passer de vous. » Telle était Mme de Caylus autant qu’on la peut ressaisir d’après quelques pages où ne se trouve encore que la moindre partie d’elle-même : mais, avec l’aide des témoignages contemporains, nous sommes sûrs du moins de ne lui avoir rien prêté en cherchant à la définir.
M. de La Marck, fils cadet du duc d’Arenberg, avait passé au service de France à dix-sept ans, et y était devenu, à vingt (1773), colonel propriétaire d’un régiment d’infanterie allemande que lui avait laissé son grand-père maternel. […] unissons-nous. » Il le lui redisait même après le décret de l’Assemblée qui interdisait à ses membres de devenir ministres. […] Il faut entendre cet incomparable appel : Ici ce qui me reste à vous dire, écrivait Mirabeau à La Fayette, le 1er juin 1790, deviendrait embarrassant si j’étais, comme tant d’autres, gonflé de respect humain, cette ivraie de toute vertu ; car ce que je pense et veux vous déclarer, c’est que je vaux mieux que tout cela, et que, borgne peut-être, mais borgne dans le royaume des aveugles, je vous suis plus nécessaire que tous vos Comités réunis.
Parlant de la déclaration du roi dans la séance royale du 23 juin, il se demande pourquoi cette déclaration qui, un peu modifiée, pouvait devenir la Grande Charte du peuple français, eut un si mauvais succès ; et la première raison qu’il en trouve, c’est qu’elle vint trop tard : Les opérations des hommes ont leur saison, dit-il, comme celles de la nature ; six mois plus tôt, cette déclaration aurait été reçue et proclamée comme le plus grand bienfait qu’aucun roi eût jamais accordé à ses peuples ; elle eût fait perdre jusqu’à l’idée, jusqu’au désir d’avoir des États généraux. […] Le Palais-Royal a été puni par où il avait péché ; il a été mis finalement en pénitence, et il est devenu moral. […] et se peut-il que ce ne soit qu’un philosophe repenti et devenu politique, un incrédule qui s’est guéri de la sottise d’être impie ?
Bourrienne nous le montre dans le salon, dînant seul à part sur un petit guéridon, et devenu le héros du jour. […] À la seconde Restauration, les compagnies des gardes du corps ayant été réduites à quatre au lieu de six, Marmont cesse d’être capitaine des gardes (ce qu’il avait été en 1814) et devient l’un des quatre majors généraux de la Garde royale, faisant service chacun par quatre mois. […] Le général Canuel, ancien jacobin devenu ultra, peu scrupuleux en moyens, homme ambitieux et sanguinaire, avait tiré parti de quelque conspiration pour en supposer d’autres et pour organiser la terreur dans le département.
Jeudi 6 janvier Mme Barbé-Marbois, accourue à Blois pour délivrer son mari, le trouva parti pour Sinnamary, et devint folle. […] Dimanche 26 juin Quand on devient vieux, il se glisse dans vos yeux quelque chose, qui enlève de la vie vivante aux femmes et aux hommes, sur lesquels vont vos regards, et aujourd’hui il me semblait voir sur mon chemin, dans de la lumière ensoleillée, les gens non tels qu’ils étaient, mais ainsi qu’on verrait passer des hommes et des femmes à travers les rideaux de tulle d’une croisée. […] Mardi 20 juillet Dans la transparence glauque de l’eau, monte du fond de la rivière, comme une ombre en spirale, qui devient une forme aux flancs tigrés, se change en un poisson noir au petit groin blanc, et s’approche lentement de la mouche flottante, puis après un temps d’arrêt, la gobe dans un happement bruyant.
On ne sait ce que deviennent ces eaux qui auraient dû inonder tout le devant de la scène, et vous arrêter dès le premier pas, mais n’importe. […] Pour moi qui ne retiens d’une composition musicale qu’un beau passage, qu’un trait de chant ou d’harmonie qui m’a fait frissoner ; d’un ouvrage de littérature qu’une belle idée, grande, noble, profonde, tendre, fine, délicate ou forte et sublime, selon le genre et le sujet ; d’un orateur qu’un beau mouvement ; d’un historien qu’un fait que je ne réciterai pas sans que mes yeux s’humectent et que ma voix s’entrecoupe ; et qui oublie tout le reste, parce que je cherche moins des exemples à éviter que des modèles à suivre, parce que je jouis plus d’une belle ligne que je ne suis dégoûté par deux mauvaises pages ; que je ne lis que pour m’amuser ou m’instruire ; que je rapporte tout à la perfection de mon cœur et de mon esprit, et que soit que je parle, réfléchisse, lise, écrive ou agisse, mon but unique est de devenir meilleur ; je pardonne à Le Prince tout son barbouillage jaune dont je n’ai plus d’idée, en faveur de la belle tête de ce musicien champêtre. […] Substituez aux figures de Le Prince des français ajustés à la mode de leur pays, et vous verrez combien les mêmes tableaux exécutés de la même manière perdront de leur prix, n’étant plus soutenus par des détails, des accessoires aussi favorables à l’artiste et à l’art. à la jolie petite femme du concert substituez une de nos élégantes avec ses rubans, ses pompons, ses falbalas, sa coëffure ; et vous verrez le Bel effet que cela produira, combien ce tableau deviendra pauvre et de petite manière.
Chez nous, la littérature, ni la poésie, ni les arts, n’ont jamais pu devenir populaires. […] Phrynicus et Agathon n’ont pas seulement gâté la poésie pour les Grecs, ils l’ont gâtée aussi pour nous, parce que nous étant placés dans la sphère de l’imitation, les traditions ont été dénaturées pour nous dès l’origine, et toutes nos voies sont devenues incertaines. […] Ils n’écrivaient point les lois dans la langue vulgaire, mais dans une langue qui avait survécu à un grand peuple, langue devenue sainte et vénérable, où les limites de l’expression avaient cessé d’être positives.
Plus préoccupé, comme critique, — et selon nous avec raison, — de la moralité des œuvres, de leur portée dans l’intelligence humaine et des épouvantables dangers qu’elles créent aux sociétés qui les admirent que de leur valeur esthétique, il se recommande et se distingue par cette noble préoccupation, devenue un peu trop la distraction de la Critique moderne, exclusivement attachée à l’autre côté des choses et ne voyant guère, comme on sait, que la question de la forme en littérature. […] Nettement, dont le talent n’était pas précisément la légèreté, est tout à coup devenu souple entre la vérité et la sympathie. […] On voit qu’il a pris l’ordre longtemps chez M. de Chateaubriand ; mais il tempère la manière du maître par la sienne, et de ce mélange il résulte je ne sais quelle phraséologie solennelle et verbeuse qui se remue mal, s’étale, s’affaisse et devient, au bout d’un certain nombre de pages, un modèle de style accroupi.
Amédée Pommier, qui a parfois la solennité surhumaine de la Bible, y joint (et c’est là le caractère de son poème et de son talent) cette vis comica que le Moyen Age avait admise dans l’interprétation du dogme de l’enfer, et qui devenait, sous la main de ses artistes, du tragique renversé et redoublé par le contraste. […] — se démènent les trépassés), qui vont plus tard se prononcer, et s’élargir, et devenir ce grotesque grandiose que la Divine Comédie n’a pas repoussé. […] Mais aujourd’hui il s’est comme un peu détourné de lui-même ; il a plus songé à l’honneur de l’expression qu’à l’honneur de la pensée, ce vieux penseur, virtuose de l’expression aussi, et il a voulu montrer ce que la langue française, notre adorable langue française, insultée par des prosateurs qui l’appellent une gueuse fière parce qu’ils sont indigents, eux, et par des étrangers qui ne la savent pas, pouvait devenir dans les mains d’un homme qui la sait et qui l’aime.
Je collectionnerai tout d’abord pour le lecteur qui les ignore, quelques fragments parmi les plus étranges : L’eau sage s’est enclose en des cloisons de verre D’où le monde lui soit plus vague et plus lointain ; D’être recluse, elle s’épure, devient chaste Et, riche ainsi pour s’être enclose, l’eau s’écoute A travers les poissons et les herbages verts ; Elle est fermée au monde et se possède toute Et nul vent ne détruit son fragile univers. […] Des hommes comme Bruno, Spinoza, Schopenhauer, on se les représente difficilement comme maris et pères de famille ; ils seraient devenus autres, s’ils avaient eu femmes et enfants, plus prudents, plus circonspects, plus flexibles. » Descartes, Leibniz, Newton et Kant étaient aussi des célibataires, ajoute M. […] La dépense physique est devenue profit cérébral.
Il écrit la Rome nouvelle, où il prêche l’alliance du pape et de la démocratie, le salut des peuples modernes dans un retour à l’évangélisme primitif, à la religion des humbles, élargie et devenue la religion nouvelle. […] Il ne fait plus partie de la nature, il est devenu un être anormal, un organisme artificiel dont le fonctionnement spécial va commencer. […] Tel est l’avenir du prêtre : devenir un objet de pitié ou de mépris pour le monde, pauvre d’esprit ou charlatan.
Platon et Virgile, Homère et Lucrèce, Sophocle et Cicéron, devinrent les maîtres et les précepteurs des Gaulois. […] L’homme qui est né avec de la vigueur n’étant plus arrêté par des conventions, marche où le sentiment de sa vigueur l’entraîne ; l’esprit, dans sa marche fière, ose se porter de tous les côtés, ose fixer tous les objets ; l’énergie de l’âme passe aux idées, et il se forme un ensemble d’esprit et de caractère propre à concevoir et à produire un jour de grandes choses ; celui même qui par sa nature est incapable d’avoir un mouvement, s’attache à ceux qui ont une activité dominante et propre à entraîner : alors sa faiblesse même, jointe à une force étrangère, s’élève et devient partie de la force générale. […] C’est là, en effet, que les hommes réunis et opposés s’essaient, s’observent et se jugent ; là, en comparant toutes les manières de juger, on apprend à réformer la sienne ; là, les teintes rudes s’adoucissent, les nuances se distinguent, les esprits se polissent par le frottement, l’âme acquiert par l’habitude une sensibilité prompte ; elle devient un organe délicat, à qui nulle sensation n’échappe, et qui, à force d’être exercée, prévoit, ressent et démêle tous les effets.
Le ton épique lui devient aussi naturel qu’à Scott. […] Il devint celui de Barbares et Bandits. […] Elle devient le constant, l’unique objet de ses méditations. […] La Révolution lui devient une Foi, une Espérance, l’émouvante et consolante exaltation. […] La critique ambitionne de devenir un chapitre de la botanique des esprits.
Plus tard, il est vrai, il devient triste et dégoûté de la vie ; mais, au milieu de ses souffrances d’esprit et de corps, la chose qui l’occupe le plus, celle dont il parle sans cesse, c’est toujours sa chère peinture ; c’est toujours son tableau des Pêcheurs.
Les divers on dit littéraires et politiques, les propos courants sur les personnes et les choses sont devenus depuis quelque temps matière à des publications légères, périodiques, qui, sous cette forme nouvelle, ont assez réussi pour qu’on s’en occupe en passant et qu’on en relève l’espèce d’influence commençante.
Sainte-Beuve Il est curieux de voir comme M. de Chateaubriand, dès qu’il écrit en vers, devient un talent pacifique et doux.
Corneille & Racine ont puisé dans Sophocle & Euripide les alimens qui ont nourri & échauffé leur Muse ; & après s’être nourris & pénétrés de la substance des Grands Hommes qui les avoient précédés, ils sont devenus eux-mêmes propres à seconder l’essor de quiconque voudroit s’élever sur leurs traces.
Si on appelle cela écrire en Philosophe, les Annales des Nations sont donc à la veille de devenir un amas de chimeres, d'indécences, un dépôt de fiel & de corruption : tous les événemens ne tarderont pas à être altérés, travestis, & dirigés au but d'une subversion générale.
On constata, qu’avec l’aspiration vers la Vérité, l’homme propose à la vie phénoménale un but qui, atteint, irait à supprimer la vie phénoménale, qu’avec cette aspiration, il applique à ce qui est situé dans le devenir et dont l’essence est le mouvement dans la diversité, la loi de ce qui par hypothèse serait immuable et reposerait, inconcevable, dans l’identique.
Ma vertu, à moi chétif mortel, devient un bien commun pour tous les chrétiens ; et de même que j’ai été atteint du péché d’Adam, ma justice est passée en compte aux autres.
Quoi qu’il en soit, tout ce qui concerne Adolphe m’est devenu fort indifférent ; je n’attache aucun prix à ce roman, et je répète que ma seule intention, en le laissant reparaître devant un public qui l’a probablement oublié, si tant est que jamais il l’ait connu, a été de déclarer que toute édition qui contiendrait autre chose que ce qui est renfermé dans celle-ci ne viendrait pas de moi, et que je n’en serais pas responsable.
Il me semble que nos peintres sont devenus coloristes.
Horace dans l’insensé Damasippe, de brocanteur ruiné devenu philosophe, dont la première folie était de rechercher les vieilles cuvettes.
Enfin, quand on n’a plus rien à attendre de bon, les plus humbles petits bonheurs, même les simples trêves qui surviennent dans une infortune à laquelle vous étiez accoutumé, acquièrent un prix que ne soupçonnent pas ces faux malheureux de pessimistes… Et je crois aussi que, très cruels au début, les embarras d’argent, quand ils sont devenus un mal chronique, mènent assez aisément à une sorte d’insouciance bohème… 25 mai 1896. […] C’est là le miracle… Moi, je deviendrai folle ou sainte dans cette ville… Mélanie, on n’ose plus manger, ni avoir chaud, contre de telles infortunes… » Et ailleurs : « Quel spectacle depuis deux mois ! […] Nous devenons de véritables Angevins : molles, comme dit César (ou un autre). » Cela est vraiment joli ; et j’y reconnais la trace des leçons latines de Sainte-Beuve. […] Quant à l’Alice de la rue Miromesnil, cela me paraît fruit vert destiné à devenir fade.
Veut-il justifier son théâtre, ces développements, ces dialogues deviennent des « conversations trop longues », que les étrangers ont raison de reprocher au théâtre français. […] La foi qui devient de plus en plus impérieuse, le sang que chaque minute fait parler plus haut, peuvent bien arrêter sur ses lèvres tremblantes les paroles trop tendres ; mais ils ne la forceront pas à simuler la trahison ou l’indifférence. […] Ce que le nom de Gengis-kan éveille d’images de guerre et de destruction, rendues plus grandes par l’immensité et l’inconnu de l’Orient, ne nous prépare guère au sauvage doucereux de l’Orphelin de la Chine, rappelant à Idamé qu’il l’a aimée sous le nom de Témugin, et l’invitant à divorcer avec Zamore pour devenir sultane ; car, remarque-t-il : Le trône a quelques charmes, Et le bandeau des rois peut essuyer des larmes. […] C’est à ce propos qu’il écrivait au comte d’Argental : « Tout Paris est devenu Welche. » La même année, il avait écrit, pour la lecture, les Lois de Minos.
Le théâtre devient le rond-point sublime des mille sentiers de la Grèce. […] Il ne m’a plus répondu, ni par des devins ni par des songes. […] Celui qui traverse un fleuve avec des mains impures, les dieux le prennent en haine et lui préparent des calamités. » — Hérodote raconte qu’un Pharaon devint subitement aveugle pour avoir lancé une javeline sur le Nil dont les débordements noyaient ses jardins. […] Qu’est devenu ce formidable monarque que glorifiait le prologue, dont le char traîné par des millions d’hommes, fendait et labourait les nations ?
Alfred de Vigny, un des premiers, a senti que la vieille épopée était devenue presqu’impossible en vers, et principalement en vers français, avec tout l’attirail du merveilleux ; il a senti que les Martyrs sont la seule épopée qui puisse être lue de nos jours, parce qu’elle est en prose, et surtout en prose de M. de Chateaubriand ; et à l’exemple de lord Byron, il a su renfermer la poésie épique dans des compositions d’une moyenne étendue et toutes inventées ; il a su être grand sans être long. […] On vit l’imitation des anciens devenue originale et créatrice, réfléchir, en l’embellissant encore, la civilisation la plus splendide de notre monarchie, et de cette fusion harmonieuse entre la peinture de l’antiquité et celle de l’âge présent, sortir un idéal ravissant et pur, objet de délices et d’enchantements pour toutes les âmes délicates et cultivées. […] De temps à autre de nouvelles combinaisons de plaisirs, de nouvelles conditions de succès deviennent nécessaires. […] Les repos réguliers et les formes carrées des autres vers sont insupportables dans un poème de longue haleine ; l’admiration devient bientôt de la fatigue.
« Cet homme, disent-ils, était planteur de choux, Et le voilà devenu pape : Ne le valons-nous pas ? […] Vous savez comme la fin de la fable est rapidement menée, brusquement précipitée ; la nature devient hostile, l’atmosphère est pleine de clameurs, l’univers semble s’acharner contre les êtres, contre les animaux et contre les végétaux ; l’orgueilleux est brisé et l’humble se tire d’affaire ; le calme revient. […] Nous sommes revenus, évidemment, de cette délicatesse, et dans nos discussions littéraires modernes nous sommes devenus beaucoup plus faciles, peut-être même trop. […] Alors il devient assez intéressant, à l’aide de ces trois étiquettes, de classer les différents écrivains illustres avec lesquels nous avons commerce.
Cette vie devient si étendue et si facile, que s’en mettre dehors volontairement c’est donner un grand avantage à ses ennemis. […] Semblables aux bêtes féroces qui ont goûté au sang, quand les hommes ont goûté au succès ils deviennent insatiables. […] Par un juste retour des choses, ce billet terrible allait devenir toute la destinée de celui qui l’avait signé. […] Devenus, par un inévitable développement des choses, des rationalistes modernes, rencontrant l’impartialité quelquefois à force d’indifférence, des protestants comme Schlosser, Ranke, Schœll et Macaulay, ont souvent reproché au xviiie siècle l’atrocité ou la niaiserie de sa haine contre les fils de Loyola.
Est-ce qu’il peut, ce page de génie, capable de tourner la tête de toutes les demoiselles des Trois Cousines de la terre, devenir jamais fort et profond ? […] Lui qui (je m’en souviens) s’est moqué autrefois si joliment des Impassibles, ne peut pas, sans inconséquence et perversion de sa nature, en devenir un. […] le pinceau, c’est-à-dire ce qui appartient le plus à l’artiste ; — le pinceau, qui est à lui plus intimement que la composition et l’idée même de son œuvre ; le pinceau, qui lui appartient autant que sa main dont il est le prolongement ; qui est fait de ses cheveux que des Dalila coupent toujours ; trempé dans la source de ses larmes, — de celles qu’il a versées ou de celles qu’il versera, — et coloré de son sang, rose quand il est heureux, et qui devient si noir après les expériences de la vie ! […] Même pour ceux-là qui ne croient plus à elle, la Royauté fut une si grande chose qu’on ne raconte pas ce qu’elle est devenue sans porter involontairement sur sa pensée la réverbération de sa grandeur et de la misère de sa fin ; mais quand, au lieu d’être un historien qui raconte, on veut être un artiste qui crée et combine des effets saisissants, des effets d’art, pathétiques ou impitoyables, dans ce navrant sujet d’histoire contemporaine, la tentative ne fait pas le génie, non !
C’est qu’il est difficile de parler d’un seul et d’en omettre plusieurs : le choix de l’un devient injustice pour tous les autres. […] Il a donné, il y a quelques années, un récit cadencé, Héléna ; aujourd’hui, c’est Donald 47, l’histoire d’un employé, d’un industriel intelligent devenu un homme politique, probe, incorruptible, au cœur d’or et d’airain, qui résiste à toutes les tentations, à toutes les séductions, à force de conscience.
Il appartint comme élève à la première génération de l’École normale en 1811 ; il fit partie de ce qu’on pourrait appeler sans exagération l’avant-garde intellectuelle du jeune siècle : toutes les idées et les vues nouvelles qui flottaient depuis quelques années dans l’air et qui émanaient du mnonde de Mme de Staël, — qu’elle-même devait au commerce de l’Allemagne, — devinrent pour la première fois chez nous, dans cette haute École, des études précises et bien françaises. […] Vous êtes dispensé d’un rôle exclusif de tribun en littérature, qui deviendrait très-dangereux.
Le Comme il vous plaira de Shakspeare, cueilli au tronc de ce grand chêne, est devenu, aux mains de M. de Musset, la tige gracieuse et féconde de tout un petit genre de proverbes dramatiques, mêlés d’observation et de folie, de mélancolie et de sourire, d’imagination et d’humeur 74 ; nous avons eu par lui un aimable essaim de jeunes sœurs françaises de Rosalinde. […] L’auteur, dont la plume devient plus sûre de jour en jour, a quelque chose à faire pour l’entière harmonie de tous ces éléments divers, et volontiers disparates.
Plus le langage courtisan devenait le type de l’usage littéraire, plus il était nécessaire de le soustraire à la corruption de ce jargon d’outre-monts qu’apportaient les reines et les aventuriers d’Italie, et que la servilité de nos raffinés s’empressait d’imposer à la mode. […] Biographie : Pierre de Bourdeille (vers 1534-1614), né en Périgord ; on le trouve successivement en Italie, en Écosse, en Angleterre, dans l’armée du duc de Guise pendant la 1re guerre civile, avec les espagnols dans leur expédition contre les Barbaresques, en Espagne, en Portugal, en Italie, à Malte : il prend part à la 3e guerre civile, devient chambellan de Henri III, est exilé de la cour en 1582, et songe à passer en Espagne, quand une chute de cheval le met pour quatre ans au lit, et pour le reste de ses jours le condamne au repos. — Éditions : princeps, 1665 : ainsi le xvie s. a ignoré Brantôme ; éd.
Alors ne voulant pas humilier ce titan et, d’autre part, ne renonçant qu’à regret à un ornement dont l’indispensable beauté ne saurait être méconnue, il se résigna à prendre le parti de devenir chauve par devant, tout en gardant sur le derrière de la tête la richesse soyeuse et annelée d’une chevelure apollonienne. […] Mais alors que d’autres se crurent quittes envers l’art et envers eux-mêmes quand ils eurent poussé tel quel le cri arraché à leur chair sanglante par le hasard des heures mauvaises, Leconte de Lisle se haussa toujours jusqu’à une parole d’humanité universelle et voulut que toute glose devint inutile en éliminant de ses poèmes une allusion indiscrète aux événements particuliers qui leur avaient donné naissance, et, comme il refusait fièrement d’avertir et d’apitoyer, on déclara par arrêt sommaire que ses strophes étaient dénuées de sens et indigentes d’émotion.
Pour qu’un ensemble de sensations soit devenu un souvenir susceptible d’être classé dans le temps, il faut qu’il ait cessé d’être actuel, que nous ayons perdu le sens de son infinie complexité, sans quoi il serait resté actuel. […] Beaucoup d’entre eux pensent que les marées agissent comme un frein sur notre globe, et que la rotation de la terre devient de plus en plus lente.
Il ne faut pas, ce semble, prendre trop au sérieux ces déclamations devenues banales contre les tendances utilitaires et réalistes de notre époque, et, si quelque chose devait prouver que ces lamentations sont peu sincères, c’est l’étrange résignation avec laquelle ceux qui les font se soumettent eux-mêmes à la fatale nécessité du siècle. […] Quand on compare les œuvres timides que notre âge raisonneur enfante avec tant de peine aux créations sublimes que la spontanéité primitive engendrait, sans avoir même le sentiment de leur difficulté ; quand on songe aux faits étranges qui ont dû se passer dans des consciences d’hommes pour créer une génération d’apôtres et de martyrs, on serait tenté de regretter que l’homme ait cessé d’être instinctif pour devenir rationnel.
La physiologie est devenue de nos jours une puissante auxiliaire de la psychologie, sa sœur. […] Quelques grands hommes sont devenus l’objet d’une véritable idolâtrie ; ils ont eu leurs pontifes, leurs dévôts, leurs fanatiques ; leurs livres ont été commentés comme un texte sacré ; les plus minces événements de leur vie ont donné lieu à des querelles quasi théologiques ; des reliques problématiques de ces nouveaux saints ont même été pieusement recueillies sous verre et exposées à l’adoration des fidèles.
Le plus simple de tous les phénomènes, une sensation extérieure, a besoin, selon elle, d’un élément mental pour être une perception, et pour devenir ainsi, au lieu d’un état passif et fugitif de notre propre être, un objet durable extérieur à l’esprit. […] Et puisque ce sont ces lois combinées avec les circonstances qui produisent la conduite de chaque être humain, c’est de ces lois que doit partir toute tentative rationnelle de construction d’une science concrète et pratique de la nature humaine80. » « L’éthologie est encore à créer, mais sa création est devenue enfin possible, bien qu’on n’ait encore fait systématiquement que très peu de chose pour la créer. » Le progrès de cette science importante dépendra de l’emploi d’un double procédé.
Cette double conviction, absolument acquise et invariablement fixée en lui, devint un de ses points de départ dans l’examen de la question. […] Mais, au point de vue qu’on vient d’expliquer, ces altérations eussent été des falsifications ; ces lettres, quoique en apparence à peu près étrangères à la Conclusion, deviennent pourtant en quelque sorte des pièces justificatives ; chacune d’elles est un certificat de voyage, de passage et de présence ; le moi, ici, est une affirmation.
Si vous y regardez très souvent, vous devenez vates. […] Il devient extraordinaire aux autres hommes, ayant une mesure différente de la leur.
Quand on a le courage de faire le sacrifice de ces épisodes intéressans, on est vraiment un grand maître, un homme d’un jugement profond ; on s’attache à la scène générale qui en devient tout autrement énergique, naturelle, grande, imposante et forte. […] Il serait plaisant que cette grosse, matérielle, lourde, ignoble figure, fût de l’un ou de l’autre, devenu, comme par miracle, plus mauvais que lui-même.
Les baisers platoniques qu’il reçoit de la muse seraient devenus, là-bas, d’obscènes attouchements. […] Mais que deviendra le corps, « cette vile partie de nous-mêmes » ?
Le domaine des lettres, que Cicéron représentait avec tant d’émotion comme l’asile des malheureux et le port des naufragés, est devenu pour nous un champ de combat où nous apportons nos passions politiques ou religieuses. […] On s’abandonne à ce facile travail et l’on devient peu à peu incapable d’ouvrages qui demandent un plus grand effort d’esprit.
Les mots, il faut le dire, ne représentent plus les mêmes idées pour tous ; il en est même, s’il est permis de parler ainsi, qui sont devenus de simples sons, vides de sens, auxquels on ajoute plus aucune idée, le signe d’aucun sentiment. […] Il est devenu comme le contemporain de ces textes sacrés qui se mêlent à ses paroles d’une manière à la fois si audacieuse et si naturelle.
Tout grand pouvoir, qui se fait charmant, doit avoir pour les plus nobles esprits des fascinations d’Armide, mais quand on est un lynx, on garde ses yeux, et on ne permet même pas à la Toute-Puissance, devenue aimable, de vous les fermer avec sa plus douce main de fer, gantée de velours. […] On peut donc affirmer, sans même toucher à l’amour-propre de ces messieurs, que la Russie, « le fruit pourri avant d’être mûr » de Diderot, — éclair de bon sens qui avait passé dans son génie à travers les fumées grisantes du moka de Catherine II, — n’a pas encore un grand artiste, un grand poète, un grand penseur, un homme, enfin, qui se soit une seule fois servi en maître d’une langue que de Maistre (qui s’y connaissait) comparait à celle d’Homère, et qui pourrait devenir un des plus merveilleux instruments dont l’imagination des hommes put jouer.
Pour ceci, il fallait une force de vie morale sans laquelle la force de la vie intellectuelle défaillait et le triomphe du génie devenait impossible. […] Tout était devenu lumière, tout flambait d’azur ; l’étendue s’était clarifiée.
Caro nous montre Saint-Martin, abrité contre la révolution française dans le désert intérieur de sa spiritualité, et, quand la tempête est passée, plus tard, en 1795, il suit avec un intérêt mêlé d’éloge le solitaire devenu homme public, répondant sur la question de l’enseignement, agitée alors officiellement par le Pouvoir, aux attaques cauteleuses de Garat, le rhétoricien de la sensation. […] Mais ce qui n’a que l’importance du ridicule en littérature, en religion devient criminel.
Alors, encore, ce qui était facile à la Critique quand il s’agissait des combinaisons d’un roman, devient extrêmement difficile lorsqu’il faut rendre compte de cette adorable chose qu’on appelle des lettres d’amour, pour en faire apprécier intégralement la délicate et opulente beauté… Il n’y a plus là, en effet, ni plan qu’on puisse saisir, ni mise en œuvre, ni drame, ni visée d’art quelconque, mais seulement les tendresses et les transports d’une âme exceptionnelle, dépaysée par sa supériorité dans un temps de civilisation excessive, où l’amour, tel qu’il est dans ces lettres, a presque cessé d’exister. […] Ce ne fut plus que l’intimité, — l’intimité plus forte que tout encore, l’intimité fatale, déchirée, déchirante, dont on ne peut plus se passer quand on a goûté à son philtre… Les lettres de Réa, de brûlantes, deviennent touchantes, tristement amères, courageusement maternelles, et le recueil finit avant que la généreuse créature blessée ait cessé d’admirer l’homme qui ne la méritait pas, et jusqu’à la fin elle s’obstine à la fidélité de l’enthousiasme dans l’amour !
Faubert a montré que, s’il n’est pas un maître encore, il peut le devenir. […] A quelques jours de là, madame Bovary devient la maîtresse de M.
À ma voix se joindront, pour te former, celle de Platon et celle du précepteur d’Alexandre ; à l’école des sages, deviens le bienfaiteur du monde. » Je finirai cet extrait, déjà peut-être trop long, en citant encore un morceau où Thémiste implore la grâce, d’un philosophe, dont le crime était d’avoir été le favori de Julien ; il ne le nomme pas, mais c’était probablement Maxime. […] Ainsi, les hommes célèbres de ce siècle le seront dans les siècles suivants ; on parlera d’eux comme nous parlons de ceux qui les ont précédés ; leur gloire même n’étant plus exposée à l’envie en deviendra plus pure ; car il vient un temps où les ennemis et les rivaux ne sont plus.
Ils furent surnommés divins, dans le sens du mot devins, qui vient de divinari, deviner, prédire. […] Les premiers hommes qui abandonnaient la vie vagabonde occupèrent des terres et y restèrent longtemps ; ils en devinrent seigneurs par droit d’occupation et de longue possession.
Dans cet état, incertitude, curiosité, engouement, on se pousse dans un sens, et si l’on n’y prend garde, cela devient sérieux : l’entraînement suit.
Lerminier, qui a été un orateur brillant, un professeur éloquent, mais hasardeux, est devenu un écrivain plein de maturité ; on peut dire cela de bien peu aujourd’hui.
Flourens, aspire à devenir un écrivain, et il y parvient.
Lui-même, homme d’ordre avant tout, il allait devenir député, et un excellent député du centre, du juste milieu.
Même quand ils ne deviennent ni des fripons, ni des escrocs avilis, ni des hableurs impudents, quand quelque chose de l’honnête homme leur reste, et qu’on peut leur donner la main, il ne faut pas s’attendre à beaucoup de scrupules de leur part ; leur sens moral, chatouilleux peut-être et intact sur un ou deux points, vous paraîtra fort aboli et coulant pour tout le reste.
Il n’est pas moins vrai que cette Préface de M. de Meilhan est un morceau de prix, digne d’être conservé ; et comme ce premier volume des Annales de Tacite, traduit par lui, est devenu à peu près introuvable54, nous avons pensé qu’il n’était pas indigne de l’Académie des Bibliophiles de vouloir bien autoriser et patronner la réimpression du Discours préliminaire.
Malheureusement pour le poète, il ne peut pas, comme maître Jacques, retirer complètement son habit d’homme politique et devenir à son gré un autre personnage.
Une preuve certaine que nous dégénérons en tout, c’est qu’on remarque, en lisant les Mémoires de cette Académie, que plus on s’éloigne des temps de sa fondation, plus les Dissertations deviennent foibles, maigres, stériles ; cependant, en matiere d’érudition, le progrès du temps doit augmenter les richesses : tout dépend de savoir les recueillir, les digérer, & les mettre en œuvre.
C’est par-là que son Ouvrage est devenu classique dans toutes les Théologies de l’Europe.
MONTAGNE, [Michel de] né dans le Château de Montagne, près de Bordeaux, en 1533, mort en 1592 ; Auteur original, en vogue dès les premiers temps de notre Littérature, plus encore de nos jours, depuis que ses Essais sont devenus une Mine féconde, où nos Philosophes ne cessent de puiser.
La cause d’un père et celle d’un Dieu se confondent ; les vieux ans de Lusignan, les tourments des martyrs, deviennent une partie même de l’autorité de la religion : la Montagne et le Tombeau crient ; ici tout est tragique : les lieux, l’homme et la Divinité.
Dégoûtées par leur siècle, effrayées par leur religion, elles sont restées dans le monde, sans se livrer au monde : alors elles sont devenues la proie de mille chimères ; alors on a vu naître cette coupable mélancolie qui s’engendre au milieu des passions, lorsque ces passions, sans objet, se consument d’elles-mêmes dans un cœur solitaire55.
Il est juste maintenant de considérer le revers des choses, et de montrer que l’histoire moderne pourrait encore devenir intéressante, si elle était traitée par une main habile.
Les autres sont presque devenus pour nous les évenemens d’une histoire étrangere, d’autant plus que nous n’avons pas le soin de perpetuer le souvenir des jours heureux à la nation par des fêtes et par des jeux annuels, ni celui d’éterniser la memoire de nos heros, ainsi que le pratiquoient les grecs et les romains.
Ne pouvant supposer que la grossesse de celle-ci durât depuis mon départ de Matakon, je demandai à Ali ce qu’était devenu l’enfant dont elle avait dû accoucher après mon départ et il me raconta l’histoire que voici : Vers le mois de mai 1899, Nâna avait donné naissance à un garçon, mais ce petit garçon ne ressemblait en rien aux autres enfants.
Et le côté par où cette théorie semble froisser l’opinion commune passait alors au premier plan : nous aurions à nous appesantir sur les « paradoxes » de la théorie de la Relativité, sur les Temps multiples qui coulent plus ou moins vite, sur les simultanéités qui deviennent des successions et les successions des simultanéités quand on change de point de vue.
Pierre On avait fait croire à quelques exaltés qu’il pourrait le devenir. […] Le cas d’un mari qui tue l’amant de sa femme ne pourrait devenir mauvais que si l’on prouvait qu’il tenait surtout à la dot. […] Mauclair s’embourgeoisant devait devenir freudien. […] Il n’y a de venin que dans celles de leurs coreligionnaires du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et de la Moselle, parce que là elles deviennent une machine de guerre anti-française. […] Pierre Bourget est devenu terriblement pragmatiste.
Ce poème est à la fois l’Iliade, l’Odyssée et le Don Quichotte ; car son principal héros devient fou comme le héros espagnol, et est infiniment plus plaisant. […] On ne décrit pas l’ivresse, on ne peint pas la verve ; la beauté est la verve de la nature ; la sienne semblait enivrer l’air qui l’enveloppait et qui devenait lumineux et tiède en la touchant ; elle marchait, comme les héroïnes surnaturelles de l’Arioste, dans un limbe d’attraits et de fascination auquel on n’essayait même pas d’échapper. […] « Je me propose de dire, par la même occasion, de Roland, des choses qui n’ont jamais été dites encore ni en prose ni en rimes ; d’homme si sensé et si estimé qu’il était au commencement, il devint, par amour, insensé et furieux. […] « Apprends d’abord, lui dit-elle, qu’à la première fleur de mes années enfantines, je fus admise au service de la fille du roi, dont, en grandissant avec elle, je devins la compagne et l’amie plus que la suivante. […] Une fille de roi, aimée d’un paladin de la cour de son père ; une amitié tendre entre cette princesse et sa suivante, devenue en grandissant avec elle son amie ; la séduction de cette Olinde par un débauché qui abuse de son innocence, cette ruse infernale de l’échange des vêtements sur le balcon, qui donne l’apparence du crime à l’innocence endormie ; le désespoir de ce fidèle amant, témoin de la fausse infidélité de celle qu’il respecte et qu’il adore, le silence qu’il s’impose, et la mort qu’il essaye de se donner pour ne pas flétrir celle qui lui perce le cœur ; ce Renaud, étranger à tous ces intérêts d’innocence, d’amour ou de crime, qui vient, par le pieux culte de la femme et de la justice, se jeter l’épée à la main dans cette mêlée comme la Providence ; ce vieux roi, qui pleure sa fille et qui la livre à sa condamnation à mort par respect pour les mœurs féroces de son peuple ; cet Ariodant, qui se revêt chez l’ermite de son armure de deuil, et qui va combattre masqué contre son propre frère pour le salut de celle dont le crime apparent le fait mourir deux fois ; ce repentir et cette confidence de la suivante Olinde dans la forêt, retrouvée comme la vérité au fond du sépulcre ; ce Renaud, qui interrompt heureusement le combat fratricide entre Ariodant et Lurcin, qui tue Polinesso et qui lui arrache la confession de l’amour de Ginevra ; ces deux amants qui se retrouvent, l’une dans son innocence, l’autre dans son dévouement, et qui s’unissent dans les bras du vieux roi aux acclamations du peuple !
Il en naît de petits vers qui croissent et deviennent abeilles et bourdons : mais la semence d’où naissent les rois est roussâtre, elle a plus de consistance que le miel épaissi, et dès les premiers instants elle est d’un volume qui répond à celui du roi qu’elle produira. Le roi ne passe point par l’état de ver : il devient abeille tout d’abord. […] « Le cerf devenu trop épais, ce qui lui arrive en automne où il engraisse beaucoup, ne se montre plus nulle part. […] Sa raison de plus en plus soumise devient de plus en plus forte, et le terrain sur lequel elle s’appuie, de plus en plus inébranlable et fécond. […] Le titre de Macédonien fut un crime et une injure quand Athènes sentit que la mort d’Alexandre, à Babylone, délivrait la Grèce de ce héros devenu son tyran.
Le choix que l’amitié lui avait suggéré au conclave de Venise était devenu le choix de sa politique. […] VI On sait que, depuis Marengo jusqu’à Wagram, Napoléon, favorisé et si souvent enivré par la victoire, était devenu le maître incontesté de l’Europe. […] Enfin, pour ne pas trop m’étendre sur ce sujet, il était par malheur devenu l’intime ami d’une famille dont le mari, par soif du lucre, et la femme, par vanité, étaient mes plus cruels ennemis. […] Ils parlèrent en pleine liberté de la manière dont ils appréciaient l’affaire, et devinrent ainsi les principaux auteurs du rejet des modèles composés peu de minutes auparavant. […] C’est ainsi que de rouges nous devînmes noirs.
L’ami, si doux et si modeste dans Lorris, est devenu, dans la tête de son second père, un philosophe de la secte de Diogène. […] Voir, voir, mais j’emplis ma pance De bons morceaux et de bous vins, Tels cum il affiert (appartient) a devins (gens d’Église). […] Soixante ans pouvaient suffire pour faire de Papelardie Faux-Semblant ; mais il ne fallait-pas moins de quatre siècles pour que Faux-Semblant devînt Tartufe. […] D’où nous est venue cette vue si profonde et si lumineuse sur la suite de notre histoire politique, sinon du magnifique spectacle de la France une et homogène, et, comme on l’a dit avec force, devenue une personne ? […] Plusieurs sont morts : quant à ceux qui restent, les uns sont devenus grands seigneurs et maîtres Les autres mendient tout nuds ; Et pain ne voyent qu’aux fenestres.
2 janvier À propos de M. de Nieuwerkerke, devenu la cible et le Saint-Sébastien des petits journaux, il me semble que le gouvernement jette ses ministres et ses hauts fonctionnaires à manger à l’opposition, à l’exemple d’un Russe en traîneau, qui, poursuivi par une bande de loups toujours croissante et s’allongeant à l’infini, jette, pour les arrêter et gagner du temps, ses provisions, ses couvertures, ses bottes. […] La nuit tombait doucement, et la parole du vieillard devenait, de plus en plus, une parole de clair-obscur, une parole s’approchant du grand silence. […] Au banc, entre les gendarmes, quelque chose comme un paquet lamentable, et qui devient, quand le président lui dit de se lever, une petite vieille épouvantante. […] Est-ce que la volonté ne serait pas un fluide aimanté qui, par son intensité, deviendrait une force inconnue et magnétique ayant le pouvoir de l’attirement des choses et des faits ? […] Et, sans rien y connaître, nous voici devenus amoureux des deux arbres les plus chers du pépiniériste.
Or Kaethe un instant imitatrice encore sans doute et par comme Johannes nécessité d’analyse, discute, empruntant le verbe marital, devient donc partiellement intellect et compréhension de Johannes ; qui par contre-coup partiellement aussi s’identifie à Kaethe. […] J’aime mieux ses bois et eaux-fortes du Carton Jaune qu’il remplit avec Félix : un chien ou loup de chevaux de bois, suspendu : le chien hurlant à l’infini des vols nocturnes, illustration des chants de Maldoror ; la Chevauchée encore qu’inspirée de Bernard ; et surtout les gestes pointus de grêles gens, wayang (poura ou gedod) javanais sous les arbres noirs contre l’air transparent La banalité forcée s’universalise de préférer les dessins de Maufra à ses tableaux12. : peut-être parce que plus petit, devenu donc plus condensé, moins mou et aussi les os plus visibles. […] Puis c’est le massacre de Jaffa et le sacrifice des pestiférés ; la scène quasi grotesque où Bonaparte bafouille devant les Anciens et les Cinq-Cents et crie qu’on le poignarde afin d’avoir un prétexte pour faire entrer ses grenadiers ; la lettre de Kléber, général en chef de l’armée d’Egypte, accusant son prédécesseur près de lui-même devenu le gouvernement. — Ces pages suffisent sans doute pour justifier leurs deux volumes présents des Mémoires de Bourrienne ; on les peut consulter avec fruit pour l’époque, et sous les réserves déjà faites nous devons convenir qu’un éditeur a bien fait de les reprendre. — Les additions et pièces justificatives, par contre, se montrent aujourd’hui d’un attrait médiocre. […] Nous ne les pousserons pas de l’épaule, n’étant plus au XVIIe siècle ; nous attendrons que leur Ame raisonnable par rapport à elle-même et aux simulacres qui entouraient leur vie, se soit arrêtée (nous n’avons pas attendu d’ailleurs), nous deviendrons aussi des hommes graves et gros et des Ubus et après avoir publié des livres qui seront très classiques, nous serons tous probablement maires de petites villes où les pompiers nous offriront des vases de Sèvres, quand nous serons académiciens, et à nos enfants leurs moustaches dans un coussin de velours ; et il viendra de nouveaux jeunes gens qui nous trouveront bien arriérés et composeront pour nous abominer des ballades ; et il n’y a pas de raison pour que ça finisse. […] Et tout naturellement, Don Juan continue ou devient, et le voici, au son des cloches du béguinage (car il est historique que Don Juan voyagea en Flandre) en face de la mille et quatrième.
Elle peut sans crainte de compromettre des intérêts politiques et de blesser inutilement un vieillard devenu inoffensif étudier la vie de cet homme, au nom retentissant. […] Imiter Napoléon, devenir le Napoléon des lettres, berça l’ambition de toute sa vie. […] » — Le gaspillage le plus inutile et le plus ridicule devient une des voies mystérieuses de la divine providence pour créer l’harmonie sociale, basée sur la misère besogneuse et la richesse oisive. […] Tout écrivain que consacre l’engouement du public, quels que soient ses mérites et démérites littéraires, acquiert par ce seul fait une haute valeur historique et devient ce que Emerson nommait un type représentatif d’une classe, d’une époque. — Il s’agit de rechercher comment Hugo parvint à conquérir l’admiration de la bourgeoisie. […] Pièce de vers Sur le bonheur de l’Étude, envoyé au concours de poésie de 1817 : tout lui devenait occasion pour outrager son héros.
Cet équilibre parfait de l’imagination et de la raison, de l’enthousiasme et de la prudence, de la force d’impulsion et de la force de résistance, de la chaleur d’âme et du sang-froid d’esprit, conserve au génie français cette qualité des qualités, le jugement, sans lequel le génie devient une maladie mentale. […] Alors, guerrier débile et chancelant, il dépose sa couronne pour prendre ses armes impuissantes, et succombe au pied de l’autel de Jupiter, tel qu’un bœuf vieilli qui tend à la hache de son maître un cou mince et décharné par le travail, pauvre animal devenu maintenant importun à son maître ingrat ! […] Beaucoup de vers en sont devenus proverbes ; mais les proverbes, qui sont des images dans l’Orient, ne sont que des maximes en Occident. […] Qui ne se récrierait à cette caricature, devenue classique, de la mollesse ? […] Il fut un des fondateurs de cette monarchie du goût, qui fut d’abord française, et qui, grâce à l’unité de l’esprit humain qui se constitue de plus en plus en Europe, devient maintenant universelle.
Vous voyez, mon ami, que je deviens ordurier, comme tous les vieillards. […] Je ne scais où l’artiste a pris l’expression niaise d’Hersé ; elle n’est point du tout commune ; mais il la répétera tant dans ses compositions futures, qu’elle le deviendra. […] Ces globes deviendront des points lumineux, comme ils sont autour de la tête d’une vierge, dans une assomption ; et quelle comparaison entre ces globes du poëte, et ces petites étoiles du peintre. […] Oui, il faut en convenir ce tableau du Dauphin est d’un beau faire ; mais l’accessoir est devenu le principal, et le principal, l’accessoir, c’est une bagatelle. […] L’argent, avec lequel on put se procurer tout, devint la mesure commune de tout.
En religion, il n’y a pas de doctrine particulière qui ne devienne un schisme, pas de dissident qui ne dégénère en sectaire. […] Mais je veux voir ce miracle de désintéressement, cet être complètement détaché que la présence de Dieu occupe et remplit sans cesse, et chez qui toute pensée n’est plus qu’un effet immédiat de cette présence : que devient l’activité humaine ? […] C’est la royauté au tribunal du directeur spirituel ; c’est Fénelon confessant le duc de Bourgogne devenu roi. […] Le duc de Bourgogne était devenu théologien, témoin le mémoire qu’il avait écrit sur ces matières, et que fit publier Louis XIV après sa mort, pour démentir le bruit, répandu par les jansénistes, que le dauphin était bien disposé pour eux. […] Tandis qu’elles cherchent des qualités d’emprunt, elles perdent leurs qualités originelles ; et rien n’est si rapide que cette corruption, les esprits ne pouvant s’attacher à la chimère du mieux sans que le bien leur devienne insupportable.
La poésie s’est donc imposé ces conditions un peu appauvries de la prose gratuitement et en pure perte, puisque en restant claire et courante elle n’en est pas devenue plus populaire pour cela.
Chez lui, pas de ces hésitations et de ces tâtonnements par lesquels ont passé à leurs débuts tant d’écrivains en prose et en vers, qui plus tard sont devenus célèbres ; au contraire, il sut en un moment, comme d’instinct et par révélation, ce métier laborieux, compliqué et difficile de la poésie, si divers et si inépuisable, qu’on met toute sa vie à l’apprendre.
C’est le Génie qui se fait Verbe, et dans son vers l’on sent une force d’airain, l’on sent le glaive qu’accompagne une lyre d’or, son flamboiement qui s’écarlate, qui devient rouge de sang, rouge de Vie, et le poète passe, la tête altière, la gloire dans les yeux, splendide, à la conquête des Paradis futurs où viendront se rafraîchir de pureté et se baigner de beauté les souffrants, les esclaves, ceux qui demain seront les Hommes !
Villemain n’eut pas de plus constante pensée que de faire rendre aux couvents grecs les chefs-d’œuvre qu’ils pouvaient receler encore, et, si cette investigation, conçue et dirigée par lui, prouva que les chefs-d’œuvre inédits sont devenus bien rares, elle rendit au moins à la science des textes de première importance pour l’histoire de l’esprit humain.
Que faudra-t-il penser de sa Dialectique, si elle cesse d’être un moyen d’éclairer & d’instruire, pour devenir un instrument destructif qui s’attache à tout ?
Laus de Boissy, dit Alethophile *, pourra devenir, sinon un grand défenseur des Auteurs philosophes, du moins un défenseur qui ne les rendra pas si ridicules.
Cette passion, active comme sa mère, peut à son tour croître, se développer, prendre des traits, devenir un être distinct.
Mais un moment après Renaud devient un amant précieux et un amoureux affecté lorsqu’il répond à sa maîtresse qui lui dit : voyez en quels lieux je vous laisse, par ce fade compliment, puis-je rien voir que vos appas ?
Les Corbeaux sont de 1882 ; La Parisienne, de 1885 ; celui-là avait de quoi devenir le maître du théâtre contemporain. Pourquoi ne l’est-il pas devenu ? […] Par un retour curieux de l’anthropomorphisme tant décrié, la science devient une entité ; elle a ses sanctuaires et ses prêtres, ses dévots et ses « miracles » aussi. — Les peintres impressionnistes et les poètes décadents se réclament de Helmholtz ; c’est par le ballon dirigeable, chargé de mélinite, qu’on prétend assurer la paix universelle. […] Par contre, voyez comment Paul Astier de L’Immortel est devenu, par une transformation intime et directe, le Paul Astier de La Lutte pour la vie ; la préface que Daudet a mise à son drame montre avec netteté que l’indignation morale a fait passer le poète du récit au drame. […] Quand l’expression littéraire est générale, parce que conforme à l’esprit du peuple, qu’elle s’inspire surtout de logique, et que, sociable, elle tend à l’universel, comme c’est le cas en France, la littérature devient une démonstration lumineuse, qui éclaire toute l’histoire.
Ces jours-ci, à propos de l’exposition, chez Sedelmeyer, des tableaux de Turner qui me charment, je l’avoue, je me demandais cependant, si ce faire de la peinture n’allait pas au-delà de la peinture coloriste, ne devenait pas de l’art industriel, ne faisait pas concurrence aux flambés, avec leurs larmes de couleur. […] Ce que j’ai dit pour les gros ouvrages de la terre, devient tous les jours, plus vrai. […] La fenêtre qui, dans le démansardage des chambres formant le Grenier, a pris la profondeur de ces fenêtres du moyen âge, où de chaque côté se trouve un petit banc de pierre, est devenue, en cette baie retraitée, qui a du jour jusqu’à la nuit, le lieu d’étalage des gravures et des dessins aimés. […] C’est aujourd’hui dans sa bouche, et avec la mimique de sa physionomie et de tout son corps, l’histoire d’Adolphe Dumas le poète boiteux, destiné à devenir tailleur, le métier de tous les boiteux de là-bas. […] Aussitôt qu’elle était épousée, elle faisait venir l’apprenti tailleur, pour lequel elle avait une grande affection, lui faisait faire ses études, de rapides études, au bout desquelles il devenait l’homme de lettres, Adolphe Dumas, en relation avec Lamartine, qui par lui, prenait connaissance de Mireille, et écrivait l’article qui faisait Mistral célèbre.
Bailly intitulé Lumen, avec ce sous-titre Féerie chatoyante, tout entier dans la nouvelle manière et, pour cela même, devenu date en cette évolution littéraire. […] Bientôt, de blanche la feuille de papier devint noire, et j’allais — applaudissant à cette virtuosité — crier « assez ! […] Parmi les jeunes qui donnèrent les plus sérieux espoirs pour ce que Paul Adam et René Ghil appellent le « merveilleux devenir », il faut citer en première ligne M. […] Si vous perdez la rime, il devient donc nécessaire de forger des rythmes plus « nombreux » et plus originaux. […] Ces bonnes intentions et la tenue bien sage de ces tercets n’inciteront-elles pas Sully Prudhomme à dire que, Dieu lui ayant prêté la vie, le petit Dorchain est devenu bien grand ?.
Dans tous les cas, cette visite de la reine d’Angleterre, qui n’est qu’un caprice de jeune femme, devient et sera un grand événement politique.
Pourtant il nous semble que, dans ce genre de roman austère, comme elle l’appelle, je crois, madame Allart se pourrait créer une véritable originalité ; mais il lui faudrait se souvenir que si, dans le genre tendre et aventureux, il est permis, en composant, de laisser courir sa plume, qui va d’elle-même alors aux digressions faciles, aux grâces variées et abondantes, il devient indispensable, en abordant un ordre de sentiments plus contenu et plus réservé, de nourrir son expression et de marquer ses effets.
Prosper Mérimée Si l’on se rappelle à quel degré Nodier possédait la connaissance grammaticale, ses origines et ses transformations, on déplore amèrement qu’il n’ait pas laissé après lui quelqu’un de ces grands ouvrages dans lesquels la science du passé devient la règle du présent et le guide de l’avenir.
Cette question de l’origine, qui est négligeable quand il s’agit de peser la valeur d’un écrivain, devient importante quand il s’agit d’expliquer les faits et de justifier certaines hérésies.
Rigoley de Juvigny : on devient plus difficile à mesure qu'on voit plus de ressources dans un Ecrivain.
Ce n'est pas qu'il ne soit né avec du talent : il est peu d'exemples d'une versification aussi énergique & aussi vigoureuse que la sienne ; mais sa verve ayant presque toujours choisi le vice pour sujet, son esprit doit en tirer peu de vanité : au contraire, son nom est devenu un opprobre aux yeux de quiconque conserve encore de la pudeur.
Nous le suivîmes avec surprise, et non sans un secret plaisir de voir le philosophe si prêt à devenir notre camarade de jeux.
Relégués chez une classe de citoyens, ils deviennent plutôt un objet de luxe et de curiosité, qu’un sens de plus chez les nations.
Cela va devenir plus clair ; si les termes me manquent, les choses y suppléeront.
Mais la case diminue, diminue… et devient grosse à peine comme une graine de dar’har167.
L’ange, invisible et impalpable, bien entendu, devint tout oreilles. […] -V… et la presse a été généralement respectueuse envers cette grande mémoire — et cet illustre nom en train de devenir plus glorieux encore, — et si joliment ! […] En effet, l’art violent ou délicat prétendait régner presque uniquement dans les précédents et il devient dès lors possible de discerner des vues naïves et vraies sur la nature matérielle et morale. […] Après avoir ordonné le silence, ce qui fut obtenu, non sans peine, par un jeune homme d’environ seize ans, un élève destiné à devenir maître à son tour, Mr Andrews lut à haute voix les prières. […] Ce devint ensuite, littéralement, un bercement endormeur, pour moi du moins, las que j’étais d’une nuit sans sommeil, ou presque, et d’une journée d’interminable ennui.
Puis, peu à peu, Leconte de Lisle s’animait, la bouche devenait ironique, l’œil malicieux. […] Il arrive que ce silence et cet oubli deviennent définitifs et il y a des mémoires littéraires qui s’effacent à jamais. […] Ils y vivaient presque pauvrement, leurs biens de ci-devants devenus Biens Nationaux. […] Ce mauvais garçon devint un bon officier. […] Devenu un personnage marquant, Monge en avait conservé un souvenir reconnaissant.
Mais maintenant tu es devenu meilleur logicien, n’est-ce pas vrai ? […] La vie est devenue plus large et plus complexe et, partant, le vocabulaire s’est enrichi. […] D’autres, comme Laforgue, qui en mourut, deviennent Hartmanniaques. […] Les repentis et les assagis deviennent officiels. […] Un homme devient ce que désirent les événements.
Ces querelles d’Université et de sacristie sont tellement du réchauffé qu’après quinze jours on est à bout, et que le monde qui devient dégoûté n’y a jamais mordu.
Balzac est allé en Russie, mandé, assure-t-on, pour devenir le réfutateur officiel de M. de Custine.
Ce n’est pas ici le lieu d’apporter les correctifs à ce qui est devenu un engouement, et je crois que, pour qui sait lire, la double part est suffisamment faite dans ce qui précède.
Si critique et si rassis que nous devenions par le cours des choses, qu’il ne nous soit jamais interdit de nous écrier avec le poëte : Me juvat in prima coluisse Helicona juventa !
S’il en était ainsi, si ce principe de certitude et cette méthode pour arriver à la vérité demeuraient infaillibles, on sent que l’éducation de la mère de famille deviendrait facile, et que ce qu’elle aurait à enseigner à ses enfants serait également trouvé.
Ce nom est devenu, parmi nous, celui de l’Eloquence chrétienne, c’est-à-dire, de l’Eloquence de la raison & du sentiment.
Ceux-ci ne perdent pas courage lorsque quelque mensonge particulier leur devient apparent et les meilleurs s’efforcent seulement de le retrancher.
Heureusement nos écrivains sont devenus moins sensibles.
que sont devenus ces compagnons et ces compagnes de ma vie ? […] Alphonse, qui venaient, comme elles se l’étaient promis, nous dire bonsoir et s’opposer à notre départ. « Non, c’est trop tard, nous dit la plus âgée, qui avait été servante de l’abbé Dumont avant de devenir vigneronne ; on ne monte pas la montagne de Craz à une pareille heure, on ne s’engage pas dans les bois de l’autre côté, vous n’arriveriez pas à Saint-Point avant minuit, il n’y a pas de lune aujourd’hui ; nous ne souffrirons pas que ces jeunes demoiselles s’exposent aux loups du grand bois. […] Le pays devenait charmant de plus en plus, mais toujours aussi sauvage. […] Une religieuse était à la porte, elle nous conduisit au bout du jardin, à la chapelle funèbre où le sculpteur Adam Salomon était venu lui-même déposer sa statue, hommage d’une pure amitié ; c’est la mort devenue immortalité !
Qui pouvait mieux y pourvoir qu’un grand géomètre, devenu grand écrivain, qui allait traiter des vérités les plus essentielles à l’homme avec les habitudes rigoureuses de l’algébriste, posant ces vérités comme des problèmes au moyen de mots exacts comme des chiffres, et les résolvant par un enchaînement de propositions évidentes ? […] Ce doute deviendrait alors une affirmation, et Montaigne n’affirme pas même qu’il doute […] Je ne l’entends pas seulement de la nouvelle philosophie, par laquelle il est une idée personnifiée ; je l’entends aussi de ce prodige d’abstraction par lequel cet homme qui avait un corps, des sens, une imagination, était arrivé à ce qu’Aristote dit de Dieu : « C’est la pensée qui se pense, c’est la pensée de la pensée. » Il y a dans sa polémique je ne sais quelle sécheresse et quel ton absolu qui tient de l’idée plutôt que de l’homme ; on dirait une vérité aux prises avec des sophismes, et, là où la conviction devient superbe, une âme qui s’étonne d’être contredite par des corps. […] Descartes est un disciple devenu maître.
Car le péché était surtout devenu une immense habitude. […] C’était l’ancien paille, foin des régimes déchus, devenu sous la République et depuis le gouvernement de la raison le gauche, droite. Et c’était paille qui était devenu le pied gauche, et foin qui était devenu le pied droit.
Madame la duchesse de Berry et M. le duc d’Orléans, mais elle bien plus que lui, s’y enivrèrent au point que madame la duchesse de Bourgogne, madame la duchesse d’Orléans, et tout ce qui était là ne surent que devenir. […] On répondra que ces gens s’ennuyaient, que ces mœurs étaient une tradition, qu’un amusement est un accident, qu’au fond le cœur n’était pas vil : « Nanon, la vieille servante de madame de Maintenon, était une demi-fée à qui les princesses se trouvaient heureuses quand elles avaient occasion de parler et d’embrasser, toutes filles de roi qu’elles étaient, et à qui les ministres qui travaillaient chez madame de Maintenon faisaient la révérence bien bas. » L’intendant Voysin, petit roturier, étant devenu ministre, « jusqu’à Monseigneur se piqua de dire qu’il était des amis de madame Voysin, depuis leur connaissance en Flandre. » On verra dans Saint-Simon comment Louvois, pour se maintenir, brûla le Palatinat, comment Barbezieux, pour perdre son rival, ruina nos victoires d’Espagne. […] C’est « la plus grande plaie que la patrie pût recevoir, et qui en devint la lèpre et le chancre. » Lorsqu’il apprend que d’Antin veut être pair, « à cette prostitution de la dignité », les bras lui tombent ; il s’écrie amèrement : « Le triomphe ne coûtera guère sur des victimes comme nous. » Quand il va faire visite chez le duc du Maine, bâtard parvenu, c’est parce qu’il est certain d’être perdu s’il y manque, ployé par l’exemple « des hommages arrachés à une cour esclave », le cœur brisé, à peine dompté et traîné par toute la volonté du roi jusqu’à « ce calice. » Le jour où le bâtard est dégradé est une « résurrection. » « Je me mourais de joie, j’en étais à craindre la défaillance. […] Cette crudité de style et cette violence de vérité ne sont que les effets de la passion ; voici la passion pure : Prenez l’affaire la plus mince, une querelle de préséance, une picoterie, une question de pliant et de fauteuil, tout au plus digne de la comtesse d’Escarbagnas : elle s’agrandit, elle devient un monstre, elle prend tout le cœur et l’esprit ; on y voit le suprême bonheur de toute une vie, la joie délicieuse avalée à longs traits et savourée jusqu’au fond de la coupe, le superbe triomphe, digne objet des efforts les plus soutenus, les mieux combinés et les plus grands ; on pense assister à quelque victoire romaine, signalée par l’anéantissement d’un peuple entier, et il s’agit tout simplement d’une mortification infligée à un Parlement et à un président.
Dès qu’on parle de Catinat, il y a à prendre garde : si le xviiie siècle, en le célébrant et en cherchant à préconiser en lui un de ses précurseurs, une des victimes du grand roi, a raisonné un peu à l’aveugle de ses talents militaires et les a exaltés académiquement, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire ni trancher au détriment d’un homme qui eut ses jours brillants, dont l’expérience et la science étaient grandes, et dont le caractère moral soutenu, élevé, est devenu l’un des beaux exemplaires de la nature humaine. […] Je me suis permis d’exposer ce détail qui laisse voir en une sorte de conflit deux noms célèbres, ou du moins j’ai voulu l’indiquer en renvoyant aux vraies sources, aux Mémoires de la guerre de la succession, pour qu’on ne dise pas en deux mots que Villars a miné et supplanté Catinat à l’armée du Rhin, tandis que réellement Catinat, quelque respect que l’on doive à son caractère, s’y mina lui-même par une inaction et une circonspection excessive qu’il n’avait sans doute pas toujours eue à ce degré, mais qui s’était accrue avec l’âge, au point de devenir elle-même un danger. « Il y a des temps où les Fabius sont de bon usage, et des temps où les Marcellus sont nécessaires. » Le mot est de M. des Alleurs, un des amis de Villars, lequel l’accepte volontiers et s’en décore. […] Il pouvait se faire qu’une bataille gagnée devînt une bataille perdue.
Il faut connaître l’homme pour bien traiter cette matière-là. » Que l’on rapproche cette parole de Boileau, qui est la sagesse même, de la réponse que fit le duc de Bourgogne aux Comédiens qui venaient lui demander sa protection et la continuation des bontés qu’avait eues pour eux feu Monseigneur son père : « Pour ma protection, non ; mais, comme votre métier est devenu en quelque sorte nécessaire en France, consentez à y a être tolérés. » Après quoi il leur tourna le dos, et, moyennant cette tolérance de mépris, les théâtres furent rouverts. […] Bayle, le grand précurseur de Voltaire, mais un Voltaire à la hollandaise et le moins parisien des écrivains, est devenu assez difficile à sentir et à goûter ; il l’était même du temps de Mathieu Marais. […] Ce qui dut paraître alors à quelques-uns, et certainement à Mathieu Marais, qui vivait encore, une énormité et un blasphème, devint bientôt un jugement tout simple, qui résumait le dernier mot de l’avenir.
Ce pas en avant, il le faisait dès lors lui-même en réformant l’orthographe du poète, en essayant de son chef une édition critique qui, d’abord introduite sous le couvert de Heyne, mais bientôt détachée de sa souche et marchant seule hardiment, devint le point de départ et donna le signal de toute une nouvelle série de travaux. […] Virgile est un doux nom, cher à l’oreille et au cœur de tous : il est devenu tel à travers les âges ; il s’est francisé sous cette forme, et nul ne peut songer à nous le ravir : mais en latin il est bien certain que le nom est P. […] Seulement cette répétition qui, chez Homère faisant parler Hector, accentuait un sentiment héroïque et belliqueux, Virgile, qui n’oublie rien et qui ne fait rien comme un autre, Virgile, en s’en emparant, la transpose aussitôt sur le mode sensible et pathétique ; il la dépayse si je puis dire, pour qu’elle ne soit pas trop reconnaissable : voilà un des traits de son art ; le coup de clairon redoublé est devenu, grâce à lui, un écho de flûte plaintive ; il a soin de le reporter, ainsi adouci, et de le confondre dans son imitation du guerrier mort, gisant si loin de son berceau : cette imitation s’en relève et prend un tour original qui n’est plus de l’Homère : c’est du Virgile, et l’on a un admirable exemple de plus du genre de beauté poétique qui lui est propre et qui se désigne de son nom.
« Nous sommes dans un siècle qui lasse le mépris. » Après avoir dit et redit ce mot sur tous les tons pendant près de vingt ans à ses adversaires de gauche, il le répéta sur tous les tons pendant vingt autres années à ses anciens auditeurs de droite, devenus à leur tour ses adversaires. […] Demande à Dieu pour moi la grâce de supporter la vie elle me devient tous les jours plus à charge. » Il ne se dissimule pas un des périls les plus grands auxquels il sera soumis, la tentation d’écrire. […] Tout ce qui me le rappelle de près ou de loin me cause une émotion que je ne suis pas le maître de modérer. » De telles lettres publiées deviennent des pièces biographiques ineffaçables ; une page comme celle du 25 juin représente la pierre angulaire de toute une vie.
Étienne, en nombreuse et spirituelle compagnie, on le pressa au dessert de chanter, selon l’usage ; il commença cette fois d’une voix un peu tremblante, mais l’applaudissement fut immense, et le poëte sentit à cet instant-là, en tressaillant, qu’il pouvait rester simple chansonnier et devenir tout à fait lui-même. […] Depuis que Béranger a vu qu’il pouvait devenir poëte à sa guise, en demeurant chansonnier, il s’est noblement obstiné à n’être que cela : un goût fin, un tact chatouilleux, une probité haute, l’ont constamment dirigé dans ses nombreux et invincibles refus. […] Bref, la chanson de Béranger se sentait un peu la protégée des genres académiques ; depuis la réforme littéraire, elle est devenue légitimement l’égale, la concitoyenne de toute poésie.
Son propre cœur lui expliquait celui de Phèdre ; et si l’on suppose, comme il est assez vraisemblable, que ce qui le retenait malgré lui au théâtre était quelque attache amoureuse dont il avait peine à se dépouiller, la ressemblance devient plus intime et peut aider à faire comprendre tout ce qu’il a mis en cette circonstance de déchirant, de réellement senti et de plus particulier qu’à l’ordinaire dans les combats de cette passion. […] C’est elle que je me suis surtout efforcé de bien exprimer, et ma tragédie n’est pas moins la disgrâce d’Agrippine que la mort de Britannicus. » Et malgré ce dessein formel de l’auteur, le caractère d’Agrippine n’est exprimé qu’imparfaitement : comme il fallait intéresser à sa disgrâce, ses plus odieux vices sont rejetés dans l’ombre ; elle devient un personnage peu réel, vague, inexpliqué, une manière de mère tendre et jalouse ; il n’est plus guère question de ses adultères et de ses meurtres qu’en allusion, à l’usage de ceux qui ont lu l’histoire dans Tacite. […] Je compte les miennes pour rien ; mais votre mère et vos petites sœurs prioient tous les jours Dieu qu’il vous préservât de tout accident, et on faisoit la même chose à Port-Royal. » Et plus bas : « M. de Torcy m’a appris que vous étiez dans la Gazette de Hollande : si je l’avois su, je l’aurois fait acheter pour la lire à vos petites sœurs, qui vous croiroient devenu un homme de conséquence. » On voit que madame Racine songeait toujours à son fils absent, et que, chaque fois qu’on servait quelque chose d’un peu bon sur la table, elle ne pouvait s’empêcher de dire : « Racine en auroit volontiers mangé. » Un ami qui revenait de Hollande, M. de Bonnac, apporta à la famille des nouvelles du fils chéri ; on l’accabla de questions, et ses réponses furent toutes satisfaisantes : « Mais je n’ai osé, écrit l’excellent père, lui demander si vous pensiez un peu au bon Dieu, et j’ai eu peur que la réponse ne fût pas telle que je l’aurois souhaitée. » L’événement domestique le plus important des dernières années de Racine est la profession que fit à Melun sa fille cadette, âgée de dix-huit ans ; il parle à son fils de la cérémonie, et en raconte les détails à sa vieille tante, qui vivait toujours à Port-Royal dont elle était abbesse25 ; il n’avait cessé de sangloter pendant tout l’office : ainsi, de ce cœur brisé, des trésors d’amour, des effusions inexprimables s’échappaient par ces sanglots ; c’était comme l’huile versée du vase de Marie.
Il l’avait fait encore en n’appelant ses grands-officiers à Trianon qu’à quatre heures, et en les congédiant à neuf heures et demie ; et voilà vraisemblablement ce qui se serait passé pendant le cours de la maladie du roi, si elle se fût prolongée sans devenir plus grave. […] Cependant la fièvre se soutint dans la nuit avec assez de force, il y eut même de l’augmentation ; les douleurs de tête devinrent plus fortes, et nous apprîmes à huit heures du matin qu’on allait saigner le roi. […] Lorry avait dit à M. d’Aiguillon que l’état du roi pouvait devenir inquiétant ; mais la maîtresse et son favori n’en croyaient encore rien et n’en voulaient rien croire.
Le drame devient quelque chose d’énorme, de gigantesque, d’encyclopédique : l’homme, la femme, tout un siècle, tout un climat, toute une civilisation, tout un peuple, voilà le simple contenu d’Angelo. […] Richard Darlington, fils du bourreau, devenu membre du Parlement, jette sa femme par la fenêtre pour épouser une femme plus riche. […] D’abord la forme dramatique épure l’inspiration lyrique en l’objectivant, et surtout quand le thème éternel est l’amour, le lyrisme direct devient trop facilement agaçant ou ennuyeux.
Le méchant, après sa mort, descend et devient bête, plante ou minéral, selon son crime. […] La « légende des siècles » devient ainsi, à force de simplification, une façon de Guignol épique. […] Et comme la douloureuse vieillesse du pauvre grand homme me devient chère quand je songe à la vieillesse d’idole embaumée de son heureux rival Et quant à Musset, je sais bien tout ce qu’on peut dire contre lui ; mais il a tant souffert !
Nous sommes devenus très difficiles sur les devoirs de l’historien. […] C’est ce temps où le doute théologique est devenu l’incrédulité, le doute métaphysique la négation de l’âme, et, comme conséquence inévitable, la négation de la liberté morale. […] Cicéron, tendre père d’une fille charmante, père désespéré quand il la perdit, en est meilleur citoyen, plus attaché à ses amis, plus épris de la vérité, laquelle devient plus chère à l’homme chez qui la tendresse de cœur se communique à l’esprit, et qui aime la vérité à la fois comme une lumière et comme un sentiment.
Le duc de Richelieu, au contraire, était opposé à celle-ci : il avait un autre candidat en vue, une grande dame ; car il semblait que, pour devenir maîtresse du roi, la condition première fût d’être dame de qualité, et l’avènement de Mme Le Normant d’Étiolles, de Mme Poisson, comme maîtresse en titre du roi, fit toute une révolution dans les mœurs de la Cour. […] Elle devint donc telle à peu près qu’il lui fallait être38 ; elle força sa nature, plus faite pour le gouvernement des petits cabinets et des menus plaisirs. […] La figure est jeune encore, les tempes ont gardé leur jeunesse et leur fraîcheur ; la lèvre est fraîche également et n’a pas encore été flétrie, comme on dit qu’elle le devint pour s’être trop souvent froncée et mordue en dévorant la colère ou les affronts.
Il en témoigne du regret, mais il ne ressentit jamais assez la honte de ses torts envers une faible et courageuse femme qui faillit en mourir sur le coup, et qui devint, à partir de là, une mère de charité et une sainte. […] Dans une orgie célèbre qu’il fit, lui, homme de plus de quarante ans, avec quelques débauchés de sa connaissance, durant la Semaine sainte de 1659, il fut accusé, non sans vraisemblance, d’avoir composé des couplets, d’horribles Alléluia qui offensaient à la fois la majesté divine et les majestés humaines ; et, à dater de ce moment, devenu particulièrement suspect à la reine mère et au roi, bien loin de se surveiller, il accumula les imprudences. […] C’est un vrai conquérant, il n’est plus reconnaissable ; Fabius est devenu Alexandre. » 37.
Je suis fier d’être soldat, d’être jeune, de me sentir brave et plein d’entrain ; je suis fier de rendre service à mon pays, à la France… La fidélité au drapeau, l’amour de la patrie, le respect de la parole donnée, le sentiment de l’honneur ne sont pas pour moi des mots creux et vides de sens ; ils résonnent comme un appel de clairon dans mon cœur de dix-huit ans, et c’est pour eux, s’il le devient nécessaire, que je saurai aller jusqu’au bout du sacrifice… (Lettres communiquées Des milliers de voix, toutes pareilles, s’élèvent des classes 14, 15, 16, 17 à mesure que la patrie les appelle. […] Bien des réalités de l’ordre spirituel, qui n’étaient que des fantômes, sont devenues chair et vie, par une expérience à chaque instant renouvelée. […] Ils en épanouissent la beauté et nous en rendent le parfum sans avoir eu le temps de se roidir pour devenir des individus.
Nous donne-t-il, par exemple, comme échantillon pindarique, la douzième olympique, l’ode à la Fortune, cette hymne courte et sublime, chantée à l’occasion de la victoire, qu’est venu chercher dans les fêtes des grandes cités de la Grèce un Crétois, chassé par une faction de Gnosse, sa patrie, où il avait langui longtemps dans les querelles obscures d’une petite démocratie, il se garde bien d’être simple et uni comme le poëte grec : il ne nomme pas ce coq guerroyant au logis, auquel Pindare compare son jeune héros, avant qu’il eut été délivré par l’exil et jeté par ce coup du sort en Sicile, pour y devenir citoyen paisible de la ville opulente d’Himère, et de là, vainqueur à Olympie : « Je n’ai osé, dit-il, me servir de ce mot de coq3, qui produirait un mauvais effet en français, et qui suffirait pour gâter la plus belle ode du monde. […] Maintenant couronné à Olympie, et deux fois encore, à Delphes et dans l’isthme, Ergotèle, tu vantes les bains tièdes des nymphes de Sicile, hôte familier de ces campagnes devenues tiennes. » Dans cette fin de notre dix-septième siècle toujours curieuse de l’antiquité, mais ne sachant plus en réfléchir la splendeur, aux bords de ce couchant déjà moins éclairé, l’imitation de Pindare fut fort essayée, et sa grande poésie admise, en quelque sorte, à correction. […] La traduction poétique de Lamotte, en effet, lors même qu’il était assez content de l’original et voulait seulement l’orner un peu, devenait une parodie.
M. de Sacy, sans en faire son occupation principale, l’a toujours aimée, cultivée, et y a su trouver, à chaque intervalle de loisir, ses plus chères délices : le loisir augmentant, et plus même qu’il n’aurait voulu, elle est devenue sa consolation et presque tout son bonheur dans l’ordre de l’esprit. […] Quand il faut traduire et trouver en français le mot propre pour répondre au mot latin, alors cette richesse et cette facilité apparentes deviennent la torture du traducteur.
Lundi 7 avril 1862, Il y eut pour le grand-duc, dans les années qui précédèrent son avènement au trône (1745-1762), deux périodes distinctes : celle où il prenait sa femme pour confidente, où il la consultait et se laissait assez volonvtiers diriger par elle dans les affaires qui touchaient à la politique ; et un second temps durant lequel il s’émancipa, sîirrita et devint plus ennemi et plus menaçant de jour en jour : mais en fait de ridicule et de puérilité gnotesque et grossière, ilne varia jamais. […] Arrivés dans mon cabinet, un petit chien de Bologne, que j’avais, vint au-devant de nous et se mit à aboyer fortement contre le comte Horn ; mais, quand il aperçut le comte Poniatowsky, je crus que le chien allait devenir fou de joie.
Lachat (page xxvii) que la plume de Bossuet soit devenue de plus en plus timide avec les années. […] Bossuet n’avait pas besoin d’être tout cela pour devenir et rester le plus grand orateur sacré et même un Père de l’Église, comme l’appelait La Bruyère : il avait plutôt besoin de n’être rien de cela et de n’admettre aucun doute, de ne tolérer aucune inquiétude d’opinion, aucune recherche de vérité nouvelle : il entrait en impatience dès qu’on remuait autour de lui, et tout son raisonnement, aussitôt, toute sa doctrine se levait en masse et en bon ordre comme une armée rangée en bataille.
On sort du collège, et, à peine sorti, on a déjà choisi son point de mire, son modèle dans quelque écrivain célèbre, dans quelque poète préféré : on lui adresse son admiration, on, lui porte ses premiers vers ; on devient son disciple, son ami, pour peu qu’il soit bon prince ; on est lancé déjà ; à sa recommandation peut-être, un libraire consent à imprimer gratis vos premiers vers ; un journal du moins les insère ; on y glisse de la prose en l’honneur du saint qu’on s’est choisi et à la plus grande gloire des doctrines dont on a le culte juvénile : comment revenir après cela ? […] Quoi qu’il en soit, en fait l’ouvrier littéraire, dans son imprévoyance, se multiplie et pullule chaque jour ; son existence est devenue une nécessité, un produit naturel et croissant de cette vie échauffée qui se porte à la tête et qui constitue la civilisation parisienne.
Le talent qui, dans le premier et bel hyménée de la jeunesse, ne fait qu’un d’ordinaire avec les sentiments dont une âme est possédée, s’il est fort, abondant, de trempe durable, s’en sépare bientôt, et devient jusqu’à un certain point distinct du fond même de l’âme. […] La plus longue pièce du volume est le poëme de Peau-d’Ane, et Peau-d’Ane, dans l’intention du poëte, tout en conservant bien des charmantes naïvetés premières, relevées dans un rhythme svelte et élégant, Peau-d’Ane est devenu un mythe.
On l’avait soupçonné d’être dangereux ; mais ne prouvait-il pas lui-même qu’il pouvait aisément le devenir ? […] Lui-même il a dit avec un mélange de satisfaction et d’humilité qui n’est pas sans grâce : « On se peint, dit-on, dans ses écrits ; cette réflexion serait peut-être trop flatteuse pour moi. » Il a raison ; et pourtant cette règle de juger de l’auteur par ses écrits n’est point injuste, surtout par rapport à lui et à ceux qui, comme lui, joignent une âme tendre et une imagination vive à un caractère faible ; car si notre vie bien souvent laisse trop voir ce que nous sommes devenus, nos écrits nous montrent tels du moins que nous aurions voulu être.
J’en suis à avoir envie d’apprendre à fumer : l’on dit qu’enveloppé de ces bouffées odorantes, les heures coulent vagues et rêveuses, et qu’avec de l’habitude on devient stagnant comme un Turc. […] C’est en 1844 que l’état de maladie se déclara décidément et devint sérieux.
» Mais on ne s’en tenait pas là, et il devenait trop clair que, pour une raison ou pour une autre, tout ce qui avait une plume et savait s’en servir d’une manière vive, acérée, spirituelle, venait se ranger dans des cadres opposés, et prenait plus ou moins parti contre vous. […] Je sais bien que c’est un reste de l’ancienne et première Constitution auquel on n’a pas voulu renoncer ; mais ce n’est plus qu’un anneau brisé : la chaîne fait défaut, puisque les ministres deviennent, en définitive, responsables devant le Corps législatif.
Et, comme on ne s’embarrasserait pas de tout lire, il deviendrait inutile de s’approvisionner de dates et de jugements sur ce qu’on ne lirait point : l’histoire de la littérature en serait considérablement abrégée, et l’on épargnerait bien du temps. […] Ils ont dans le livre une confiance touchante : ils n’oseraient le soupçonner de mensonge ni d’erreur ; la pensée imprimée, devenue comme impersonnelle, et n’ayant plus pour leurs oreilles le son de la voix humaine, prend par ce détachement l’apparence d’une vérité qui tombe du ciel.
L’ouvrage est homogène, puisque tout fait corps, tout y est organe vital et essentiel : il est court, puisqu’il devient incomplet, quoi qu’on en retire. […] Donc la querelle, qui venait ensuite, si elle n’était plus une vive entrée en matière, devenait un coup de théâtre émouvant : intéressés à la passion des jeunes gens, nous sommes plus touchés de la dispute des pères ; mais voir entrer deux hommes, qu’on ne connaît pas, dont on ne sait rien, qui ne nous sont rien, et les entendre échanger des insolences et des injures, c’est vif, si l’on veut : mais d’effet dramatique, je n’en vois pas.
Pour moi, je suis de mon pays ; seulement le séjour de la capitale et l’application assidue m’ont un peu corrigé. » Denis Diderot540, Langrois devenu Parisien, s’était corrigé en effet, mais non pas de la façon qu’il croyait. […] Dans la conversation, il est le même : de tout ce que vous lui dites en deux heures, il entend une chose, une seule ; il la prend, la travaille, la grandit ; votre toute petite pensée devient un gros système, et qui vous révolte parfois, ou vous épouvante.
Il y a dans l’Ensorcelée une pauvresse, ancienne fille de joie, Clotilde Mauduit : elle devient sibylline, monumentale de mystère, de dignité et d’orgueil. […] Après tout, l’outrance et l’artifice portés à ce point deviennent des choses rares et qu’il faut ne considérer qu’avec respect.
Elle ne le devient que par la charité ingénieuse de nos interprétations, par ce que nous lui prêtons de bonté, de vertus et d’intentions humaines. […] Elle devient vraiment son associé, son exquis camarade.
Il suffit de se rappeler ce que dit Brantôme du goût de Catherine de Médicis pour les spectacles de la commedia dell’arte, pour qu’on ne doute pas que l’apparition des artistes italiens parmi nous dût suivre de près le mariage de cette princesse et devenir, dès lors, de plus en plus fréquente. […] Enfin Chrisoforo, malgré toutes ses fourberies, triomphe, et lui aussi se marie avec une suivante de Lucida ; Lucida devient la femme légitime du vieux Polidoro, ce qui ne fait pas moins de quatre mariages au dénouement.
S’il le peut, il s’efforcera de se consacrer à des fonctions autres que celles de guerrier : il voudra devenir prêtre, poète national. […] L’œuvre d’art devient un simple moyen d’expression individuelle et de jouissance individuelle ; parfois une cure d’âme, une station de psychothérapie, un exutoire de sentiments qui gênent la sensibilité, qui cherchent une issue et dont on se libère on les exprimant.
Il se fait de plus en plus conscient, voulu, il devient égotisme, c’est-à-dire égoïsme théorétisé, volonté de différence et d’isolement, dilettantisme amoral et antisocial. […] Durkheim nous paraît différer de Spencer en ce qu’il n’admet pas, comme ce philosophe, une solution globale, unique et universelle du problème des antinomies, solution obtenue par le jeu mécanique de la loi d’évolution et valant pour l’humanité entière devenue finalement altruiste.
Pour cesser d’être juif, on ne devenait pas romain ; on restait sans défense sous le coup d’une législation théocratique de la plus atroce sévérité. […] Ses conversations, d’ordinaire pleines de grâce, deviennent un feu roulant de disputes 969, une suite interminable de batailles scolastiques.
L’exercice de nos sens musculaire, organique du goût, de l’odorat, de l’ouïe, du toucher, de la vue ne peut devenir volontaire qu’après de nombreux efforts et des tâtonnements quelquefois infructueux. […] De même, demander si nos volitions sont libres ou non, c’est tout confondre, c’est ajouter des difficultés factices à un problème qui de sa nature n’est pas insoluble ; c’est ressembler au personnage à qui Carlyle fait demander : « si la vertu est un gaz. » Un motif me pousse, la faim ; je prends la nourriture qui est devant moi, je vais au restaurant, où j’accomplis quelque autre condition préliminaire : voilà une séquence simple et claire ; faites-y entrer l’idée de liberté, et la question devient un chaos.
Elle disait elle-même, en se souvenant d’un ancien ami : « J’ai vu ici M. de Larrey, fils de notre pauvre ami Lenet, avec qui nous avons tant ri ; car jamais il ne fut une jeunesse plus riante que la nôtre de toutes les façons. » Sa beauté un peu irrégulière, mais réelle, devenait rayonnante en ces moments où elle s’animait ; sa physionomie s’éclairait de son esprit, et l’on a pu dire, à la lettre, que cet esprit allait jusqu’à éblouir les yeux. […] C’est ainsi que se sont conservés ces lettres et mémoires que Chardon de La Rochette retrouva en manuscrit à Dijon, dans les papiers du président Bouhier, et qu’il fit imprimer en 1808. — Infidèle à Du Boulay comme elle l’avait été à tous, et après quelques derniers éclats, Mme de Courcelles, devenue veuve, finit par faire ce qu’on appelle un sot mariage.
Il paraît donc démontré, au moins à nos yeux, qu’une pluralité (de succession ou de coexistence) ne peut parvenir à l’unité et à l’identité sentie, en d’autres termes que la matière ne peut devenir esprit. […] Dans la philosophie de Malebranche et de Spinoza, on sait ce que devient la personnalité ; elle y est ou singulièrement déprimée ou tout à fait anéantie.
Il y en a qui, comme un bois rugueux et dur, ne deviennent brillants et polis que sous les coups de hachette de la rature. […] devint une bedaine.
Ce philosophe, né avec plus d’imagination que de profondeur, et qui peut-être avait plus d’esprit que de lumières ; qui s’agita toute sa vie pour être en spectacle, mais à qui il fut plus facile d’être singulier que d’être grand ; qui courut après la renommée avec l’inquiétude d’un homme qui n’est pas sûr de la trouver ; qui quitta sa patrie, parce qu’il n’était pas le premier dans sa patrie, qui s’ennuya loin d’elle, parce qu’il n’avait trouvé que le repos, et qu’il avait perdu le mouvement et des spectateurs ; qui, trop jaloux peut-être des succès des sociétés, perdit la gloire en cherchant la considération ; frappé de bonne heure de la grande célébrité de Fontenelle, avait cru devenir aussi célèbre que lui en l’imitant. […] On peut citer en exemple Guillaume, prince d’Orange, devenu roi d’Angleterre.
Ainsi errants et solitaires, ils perdirent bientôt les mœurs humaines, l’usage de la parole, devinrent semblables aux animaux sauvages, et reprirent la taille gigantesque des hommes antédiluviens. […] … et que penserons-nous de celles des Romains, peuple tout occupé de l’agriculture et de la guerre, lorsque Thucydide fait un tel aveu au nom de ses Grecs, qui devinrent sitôt philosophes ?
Ce qu’il semble avoir emprunté aux doctrines religieuses de l’Inde devient original en lui. […] Comme l’école pythagoricienne, et dans les mêmes termes, il promettait que l’homme deviendrait dieu après la mort.
Le de Sade (si on veut le définir honnêtement) c’est la méchanceté, la cruauté, la perversité dans la volupté, — la volupté, non pas naïve comme chez nos vieux Gaulois, mais devenue méchante, perverse et cruelle.
Bien des gens disent et répètent que le temps de la comédie est passé, qu’elle est devenue impossible par toutes sortes de raisons, et les théories ingénieuses sur cette lacune désormais inévitable ne manquent pas.
Fontaney, un de ces hommes avec qui l’on sent, avec qui l’on est d’accord même sans se revoir, et qui font, en disparaissant successivement, que notre meilleur temps se voile, et que la vie devient comme étrangère29.
Ses types militaires sont destinés à devenir populaires : Potiron et Lidoire se substitueront dans l’imagination faubourienne au fusillier Pitou et à l’archaïque Dumanet.
Au Parcours du rêve au souvenir, nous assistions à ce spectacle d’un brave homme qui se croit devenu Ariel, et qui n’est qu’un triste homme-orchestre, empêtré dans sa grosse caisse, ses cymbales et son chapeau-chinois, dans les rues provinciales de quelque Brie-Comte-Robert ; ce n’est pas moi qui invente que ce poète se croit transformé en Ariel, c’est lui qui le dit sans pose.
Il a écrit pour des Esprits solides, pour des Chrétiens jaloux de connoître leur Religion dans son origine, dans ses progrès, dans ses vrais caracteres ; pour les ames droites qui lisent dans la vûe d’acquérir des connoissances utiles & de devenir meilleures ; pour les hommes de toutes les conditions qui n’ont ni le loisir, ni la facilité, ni le talent de puiser dans les sources & d’en écarter ce que la prévention, l’ignorance & la superstition ont pu y mêler de faux, d’excessif & d’indigne de la divinité du dogme & de la sainteté du culte.
Peut-on ignorer, ce qu’on a répété cent fois, que tout Ouvrage livré au Public, par la voie de l’impression, Devient esclave né de quiconque l’achete ?
L'envie de dominer les Esprits de son temps, de devenir le Législateur du Parnasse, prétention absurde qui ne manque pas d'exemples actuels, le jeta dans le galimatias ; mais les bornes du bon goût sont fixées, & ce ne sont pas des idées particulieres qui décideront les suffrages présens & à venir.
Cet Ouvrage, entre les mains de M. de Voltaire, est devenu, malgré sa médiocrité, une mine féconde, dont il a su tirer un grand parti.
La mort des personnes les moins connues est bientôt suivie d'une espece d'apothéose, & le moindre Artiste, sur le point de finir une carriere ignorée, pourroit presque dire comme Vespasien : Voici le temps où je vais devenir un Dieu.
Que deviendra l'espoir de la Nation, lorsque ses enfans, livrés de bonne heure à l'incrédulité & la licence, abjureront, du moins dans leur cœur, la foi & les vertus de leurs peres, & qu'ils n'auront désormais, pour la servir, d'autre motif & d'autre aiguillon, qu'un intérêt bassement personnel, aussi éloigné du Citoyen que du Héros, &c. » ?
Il y a apparence que l’Auteur de ces abominables bêtises se propose de devenir un jour l’Historiographe de Bicêtre, du moins quand il y sera renfermé ; il est certain qu’il a fait ses preuves & qu’il est très-digne de cet honorable emploi, pag. 430.
Caché dans le souterrain de l’église de Saint-Jean-Baptiste, le Religieux peignit avec ses doigts mutilés le grand saint dont il était le suppliant128, digne sans doute de devenir le patron des peintres et d’être reconnu de cette famille sublime que le souffle de l’esprit ravit au-dessus des hommes.
Vous atteindrez au comble de vos vœux, vous jouirez de tous vos désirs, vous deviendrez roi, empereur, maître de la terre : un moment encore, et la mort effacera ces néants avec votre néant. » Ce genre de méditations, si grave, si solennel, si naturellement porté au sublime, fut totalement inconnu des orateurs de l’antiquité.
Il est vrai qu’on n’y apprend que des particularités relatives à l’auteur ; mais cet auteur a tant de réputation que ses minuties deviennent des choses importantes.
Il faut donc qu’il se jette dans des chants, plûtôt nobles et imposans qu’expressifs, et parce que la nature ne lui aide pas à varier ces chants, il faut encore qu’ils deviennent à la fin uniformes.
Combien de textes qui méritent de devenir classiques !
Enfin, ne sachant que devenir, il remonte machinalement dans le yswoschtschiki. […] La pauvre Marie, devenue plus tranquille, lui disait tristement: « Ah ! […] Quoiqu’il fût toujours en mouvement, dès que sa sœur paraissait, il devenait tranquille et allait s’asseoir auprès d’elle: souvent leur repas se passait sans qu’ils se dissent un mot. […] Elle me disait quelquefois: « Si je venais à mourir, que deviendrait Virginie sans fortune ? […] Vernet ne veut rien perdre ; il prête toute son attention, et bientôt son silence devient plus éloquent que ses larmes et ses éloges.
Une sorte de géant, aux cheveux d’un nègre devenu poivre et sel, au petit œil d’hippopotame, clair, finaud, et qui veille même voilé, et, dans une face énorme, des traits ressemblant aux traits vaguement hémisphériques que les caricaturistes prêtent à leurs figurations humaines de la Lune. […] Tout en eux respirait le manque d’éducation, et montrait l’homme du peuple prétentieux, devenu insupportable par je ne sais quel orgueil d’idéal. […] Et il est devenu, pour ainsi dire, l’ombre transparente du petit et maigrelet homme qu’il était autrefois : une ombre avec quelques rares bouquets de poils blancs épars sur une figure spectrale. […] La curiosité est devenue une valeur plus sûre que la rente, que la terre, que l’immeuble. […] Qu’est devenu tout cela ?
» Vicomte Charles de Launay. » Ceci devenait vif, comme l’on voit, et peut du moins donner idée de la curiosité publique.
Ces sciences conjecturales, ces sciences à demi occultes sont-elles donc devenues comme la seconde vue de l’histoire ?
Je deviens leur avocat, leur secrétaire, ou encore leur héraut d’armes, comme je me suis vanté de l’être souvent.
Précisément à cause de cela, dès qu’on veut assigner un caractère un peu précis à la littérature de ce temps, elle est telle qu’à l’instant même il devient possible d’alléguer des exemples frappants du contraire.
Mais, non satisfaite encore de cette première apologie de Benjamin Constant qu’elle avait inspirée, Mme Récamier songea à faire publier les lettres qu’elle avait reçues de cet homme distingué, autrefois fort amoureux d’elle ; elle confia à cet effet un choix de ces lettres à Mme Louise Colet, qui devenait ainsi l’avocate officielle de l’ancien tribun.
Madame de Montesson avait un amant affiché, le comte de Guines ; elle commençait à se lasser de lui, et lui d’elle, quand le duc d’Orléans s’avisa de devenir amoureux de l’une et jaloux de l’autre.
Alphonse Daudet, qui fut un aimable prosateur en vers avant de devenir çà et là un grand poète en prose.
Voilà le phénomène devenu très rare et voilà précisément l’originalité d’A.
Elle devint veuve encore, & pour ne pas augmenter le nombre de ses infidélités, elle ne se remaria plus.
Le mépris devient parmi nous le fruit de l'ignorance ou du mauvais goût.
Elles sont devenues très-rares.
Son aventure devint l’objet de la satyre, & l’on jugea longtemps cet avocat d’après elle.
Nous verrons, à l’appui de cette vérité, que plus le poète dans l’Épopée garde un juste milieu entre les choses divines et les choses humaines, plus il devient divertissant, pour parler comme Despréaux.
Cette haute valeur est devenue si commune, que le moindre de nos fantassins est plus courageux que les Ajax, qui fuyaient devant Hector, qui fuyait à son tour devant Achille.
« Ces héros pleins de bonté et de lumière pensent toujours à leur Créateur, et sont tout éclatants de la lumière qui rejaillit de la félicité dont ils jouissent en lui. » — Et plus loin, « héros vient d’un mot grec qui signifie amour, pour marquer que, pleins d’amour pour Dieu, les héros ne cherchent qu’à nous aider à passer de cette vie terrestre à une vie divine et à devenir citoyens du ciel69. » Les Pères de l’Église appellent à leur tour les saints des héros : c’est ainsi qu’ils disent que le baptême est le sacerdoce des laïques, et qu’il fait de tous les chrétiens des rois et des prêtres de Dieu 70.
Dans la narration, nous devenons secs et minutieux, parce que nous causons mieux que nous ne racontons ; dans les réflexions générales, nous sommes chétifs ou vulgaires, parce que nous ne connaissons bien que l’homme de notre société170.
On ne la regarde pas longtemps sans devenir sensible.
Il découvre une difference infinie entre des objets, qui aux yeux des autres hommes paroissent les mêmes, et il fait si bien sentir cette difference dans son imitation, que le sujet le plus rebatu devient un sujet neuf sous sa plume ou sous son pinceau.
Celles du Nord, comme la Suède et le Danemark il y a un siècle et demi, et comme aujourd’hui encore la Pologne et l’Angleterre, semblent soumises à un gouvernement aristocratique ; mais si quelque obstacle extraordinaire n’arrête la marche naturelle des choses, elles deviendront des monarchies pures. — Cette partie du monde plus éclairée a aussi plus d’états populaires que nous n’en voyons dans les trois autres.
Voici celle de ce vieux chien qui perdait le respect pour Votre Majesté, et qui était devenu traître, tant à sa personne qu’à son État, lequel il ruinait par son audace et par sa tyrannie: il tramait une révolte qui eût coûté la vie à Votre Majesté, et c’est ce qui m’a obligé de lui ôter la sienne par l’amour que j’ai pour la vôtre. » Le roi, fort effrayé et consterné du spectacle, ne perdit pourtant pas le jugement, mais lui répondit fort prudemment pour un jeune prince, quoique en tremblant: « Janikan ! […] Lorsque ce grand roi vint établir sa cour à Ispahan, et qu’il conçut le dessein de rendre cette ville aussi magnifique qu’elle l’est devenue, il engageait non-seulement tous les grands seigneurs, mais encore tous les particuliers qu’il savait être gens riches, à construire quelque édifice public pour l’ornement et pour la commodité de la ville. […] Il arriva la dernière fois que l’épicier fut alité, que sa pauvre bête devint aussi malade, et elle se démena et se tourmenta si furieusement jusqu’au jour de sa mort, qu’elle mourut aussi au même instant. […] Ils se figurèrent que si cet aîné venait à régner, leur perte était infaillible ; qu’il y avait tout à craindre d’un esprit hautain comme le sien, qui, à l’âge de vingt ans, se verrait, de captif, tout à coup devenu souverain ; que, quand il ne se croirait pas avoir été offensé par eux, le plaisir qu’il prendrait à faire le maître le porterait à d’étranges résolutions, dont la moindre serait de changer la face de la cour. « Et qui sait, disaient-ils en eux-mêmes, s’il n’attentera point à nos vies ? […] N’aura-t-il pas sujet de se plaindre du peu d’affection que nous aurions témoigné à devenir ses esclaves, et que nous ne l’avons reconnu pour notre roi qu’après que son frère n’a pu le devenir ?
Puis le discours attendu de Clemenceau, le discours éloquent, où il montre le chevalier de Marie-Antoinette, arrivé par l’amour de la beauté, de la vérité, à devenir l’apologiste d’une Germinie Lacerteux, d’une fille Élisa, qui devaient être des femmes de la tourbe qui accompagnaient la reine à l’échafaud ; discours se terminant par ces hautes paroles : « Le paysan retourne le sol, l’ouvrier forge l’outil, le savant calcule, le philosophe rêve. […] Il s’agit d’une jeune fille qu’il a aimée, jeune homme, qui est devenue veuve, et pour laquelle son tendre sentiment a persisté. […] Mais lorsque celui-ci avait fini son internat, et était au moment de devenir une illustration, dans la capitale, le vieux médecin lui disait : « J’ai fait de vous un médecin, un médecin qui en sait plus que moi, un médecin tout à fait supérieur : je l’ai fait, je dois vous l’avouer, pour que vous donniez tous vos soins à ma fille, dont vous connaissez la santé maladive, et qui ne peut continuer à vivre, que sous une surveillance tout à fait aimante. » Et Titon épousait la fille du vieux médecin, et passait toute sa vie à être l’intelligent garde-malade de sa femme, à laquelle il ne survivait que six mois. […] Dimanche 6 octobre Les honneurs rendus aux grands hommes — tout Pasteur qu’ils peuvent être — deviennent, il me semble, un peu excessifs : ils héritent peut-être trop, de ce qui appartenait à Dieu, autrefois. […] Or le jour, où, après avoir fait tous deux de la peinture, nous passions à la littérature, mon frère, je l’avoue, était un styliste plus exercé, plus maître de sa phrase, enfin plus écrivain que moi, qui alors, n’avais guère l’avantage sur lui, que d’être un meilleur voyant autour de nous, et dans le commun des choses et des êtres, non encore mis en lumière, de ce qui pouvait devenir de la matière à de la littérature, à des romans, à des nouvelles, à des pièces de théâtre.
L’épanouissement des frondaisons de l’arbre n’est pas une « variation » du germe ; et ce n’est pas « changer », ce n’est pas devenir autre, que de développer le contenu de sa loi, puisque, au contraire, c’est achever de devenir soi-même17. […] Les pauvres, au même titre que les riches, sont de par le droit naturel des citoyens, c’est-à-dire du nombre des parties vivantes dont se compose, par l’intermédiaire des familles, le corps entier de la nation, pour ne pas dire qu’en toutes les cités ils sont le grand nombre… Comme donc il serait déraisonnable de pourvoir à une classe de citoyens, et d’en négliger l’autre, il devient évident que l’autorité publique doit prendre les mesures voulues pour sauvegarder le salut et les intérêts de la classe ouvrière… Pour ce qui est des intérêts physiques et corporels, l’autorité publique doit tout d’abord les sauvegarder, en arrachant les malheureux ouvriers aux mains de ccs spéculateurs qui, ne faisant point de différence entre un homme et une machine, abusent sans mesure de leurs personnes pour satisfaire d’insatiables cupidités. […] Le devoir n’est rien, s’il n’est sublime ; et la vie devient chose frivole si elle n’implique des relations éternelles22 ». […] Nous, qui le croyons d’une certitude absolue, comment donc serions-nous étonnés ou choqués de ces paroles de l’encyclique Humanum Genus : « La nature humaine ayant été viciée par le péché originel, et, à cause de cela, étant devenue beaucoup plus disposée au vice qu’à la vertu, l’honnêteté est impossible si l’on ne réprime pas les mouvements tumultueux de l’âme et qu’on ne place pas les appétits sous l’empire de la raison… Mais les naturalistes nient que le père du genre humain ait péché, et par conséquent que les forces du libre arbitre soient en aucune façon débilitées ou inclinées vers le mal. […] C’est ainsi que nous-mêmes nous ne devenons pas les viandes ni les herbes dont nous faisons notre nourriture ; mais nous nous les assimilons ; et « par la vertu de l’idée directrice » qui maintient en nous notre type, nous nous les convertissons en sang et en humanité.
J’ai passé par la philosophie scholastique sans devenir éristique, et par celle des plus vieux et modernes sans me partialiser : Nullius addictus jurare in verba magistri. […] Devenu l’un des domestiques, comme on disait, du cardinal de Bagni, adopté dans la famille, il se consacra tout entier à ses devoirs envers le noble patron, à l’agrément libéral et studieux de cette société romaine qui savait l’apprécier à sa valeur. […] Naudé n’appartient en rien à cette école de publicistes déjà émancipée au xvie siècle, et qui deviendra la philosophique et la libérale dans les âges suivants. […] Il considéra dès lors sa fortune comme un peu manquée ; il reconnut qu’après avoir tant usé de lui, de sa science et de ses services, on ne lui avait ménagé aucun sort pour l’avenir ; il en devint disposé à se plaindre quelquefois de la destinée plus qu’il n’avait coutume de faire auparavant243. […] Cette cour était devenue sur la fin un guêpier de savants qui s’y jouaient des tours ; Naudé n’y tint guère.
Que va devenir l’inépuisable improvisateur ? […] Mais il me semble qu’il y a dans cette succession d’incidents une étoffe assez large, et qui, découpée par une main habile, pourrait devenir une tragédie. […] Le théâtre, qui sous Louis XIV était une fête, devint une prédication, une palestre dialectique. […] Le séjour des armées ennemies prépara l’échange des littératures ; les livres de Berlin et de Londres devinrent populaires dans les salons de Paris. […] Soumise à ce régime, l’intelligence publique ne tardera pas à devenir exigeante.
Champfleury toujours de ce monde, encore que Germinie Lacerteux ait précédé L’Assommoir et que les Goncourt se réclament, avec quelque raison, d’avoir donné la formule du premier roman physiologique, encore que « le petit Chose » soit devenu M. […] Où le romanesque devient seulement haïssable, c’est si du drame il passe aux personnages. […] Une nouvelle sans défaut illustrait d’un coup son auteur, et Becquet, ignoré la veille, n’avait qu’à écrire Le Mouchoir bleu pour devenir « quelqu’un ». […] Dès qu’il s’y mêle une religion, toute pratique devient respectable. […] Alors commença son véritable travail, germa en lui la consolation réelle avec l’ambition de devenir un maître à son tour.
Le troisième, officier distingué au service du roi de Sardaigne, devait devenir plus tard colonel de la brigade de Savoie, c’est-à-dire général. […] Quand un homme de talent est malheureux, ruiné ou exilé par l’infortune, loin des montagnes ou des ravins qui l’ont vu naître ; quand les lieux, le temps, les personnes se représentent à lui comme des angoisses ou des remords, et qu’il ne les apaise qu’en les exprimant, sa douleur devient du génie, et il sort alors de son âme des cris qui sont l’apogée des tristesses humaines. […] Il est devenu pour moi une espèce de propriété ; il me semble qu’une réminiscence confuse m’apprend que j’ai vécu là jadis dans des temps plus heureux, et dont la mémoire s’est effacée en moi. […] Mes inquiétudes augmentent à mesure que la nuit s’avance ; et lorsqu’elle est près de finir, mon agitation est telle que je ne sais plus que devenir : mes pensées se brouillent ; j’éprouve un sentiment extraordinaire que je ne trouve jamais en moi que dans ces tristes moments.
La résistance modeste de la petite société à devenir une académie ; le soin de se réduire à la fonction de nettoyer la langue des défauts qui la gâtaient ; l’adoption du titre d’Académie française comme le plus propre à cette fonction ; une modération qu’inquiète, sans la corrompre, l’impatience du cardinal fondateur ; tout cela prouve qu’il y avait, au fond de cette institution, une vérité supérieure et générale qui dominait les volontés particulières. […] L’usage, qui doit être une sorte d’habitude, où l’on incline insensiblement, et un peu plus chaque jour, était devenu le caprice, qui est un mouvement brusque et irréfléchi de l’esprit. […] On la composa pour l’éducation du jeune duc de Chevreuse, élevé à Port-Royal, et ce fut le premier modèle de ces ouvrages d’éducation qui, dans les mains de Bossuet et de Fénelon, allaient devenir des chefs-d’œuvre littéraires. […] Par cette foi notre raison devient la raison de tous ; par elle, dans la naissante Académie, des poètes médiocres pensaient et écrivaient sainement en prose ; par elle toutes les plumes de Port-Royal ont été excellentes.
Elle deviendra peut-être la proie des hommes pervers, qui ne respecteront pas sa mère ; ils m’éloigneront, ils voudront connaître et profaner les mystères des saintes écritures qui leur sont interdites, et, si je veux la défendre, ils me la raviront par violence, comme les hérons ravissent les prémices des sacrifices offerts et laissés sur l’autel désert ! […] Ce poème, originairement épique, devint dramatique sous la main de Kalidasa, son second auteur. […] Mon esprit incline vers elle avec tant de violence, qu’il est impossible qu’elle ne puisse devenir mon épouse ! […] « Ô père », dit-elle à l’ermite, « lorsque cette charmante gazelle, qui n’ose se hasarder loin de l’ermitage, et dont la marche est ralentie par le poids du petit qu’elle porte dans ses flancs, sera devenue mère, ah !
Elle espérait y retrouver, avec son titre d’épouse, l’amour du héros devenu roi : tout présageait à Sacountala une réception triomphale et la suprême félicité. […] Quoiqu’il ait rejeté loin de lui tout le luxe de la royauté, qu’il n’ait conservé qu’un seul bracelet devenu trop lâche, et qui retombe incessamment sur son poignet amaigri ; que ses lèvres soient desséchées par l’ardeur de ses soupirs, et que ses yeux soient enflammés par la continuité des veilles auxquelles le condamnent ses pensers douloureux ; eh bien, malgré tout cela, il éblouit encore par l’éclat de ses vertus : semblable à un magnifique diamant qui, par les mille feux dont il brille, ne laisse point soupçonner qu’il ait rien perdu de son poids sous les doigts habiles du lapidaire qui l’a taillé. » Le roi paraît, s’avançant lentement et comme abîmé dans ses pensées. […] Une réflexion puissante vient-elle à jaillir de la profondeur de la contemplation ou de la force de la situation ; le poète a-t-il à réduire en sentences énergiques une morale élevée ; se livre-t-il à une imagination aussi exubérante que le ciel, le sol et le climat de l’Inde ; s’élance-t-il jusqu’à la plus grande hauteur de l’expression poétique pour rendre la délicatesse de la passion, le charme de la sensibilité, le pathétique de la pensée, la fureur de la colère, l’extase de l’amour ; en un mot, tout ce que l’âme humaine a d’émotions terribles et profondes : alors la prose de l’écrivain devient de plus en plus cadencée, et, par des modulations qui suivent les ondulations et les transports de la passion, elle s’élève peu à peu jusqu’à une diversité infinie de rythmes, tantôt simples, tantôt compliqués, brefs ou majestueux, lents ou rapides, harmonieux ou véhéments ; et cette diversité même rend souvent le théâtre indien tout aussi difficile à étudier que celui d’Eschyle et de Sophocle, également riche, également fécond en jouissances et en difficultés que les langues modernes ne connaissent pas. […] Un silence profond règne dans la forêt, excepté dans les endroits où les sources, en murmurant, jaillissent du rocher, où l’écho de la montagne répond au mugissement du tigre, où les branches deviennent, en éclatant, la proie des flammes qui pétillent, et qu’au loin s’étend l’incendie qui allume le souffle du feu… Oui, je reconnais cette scène, et tout le passé se présente à mon souvenir… Ces terribles ombres n’effrayaient pas Sita, heureuse de braver les horreurs de la forêt obscure avec Rama à son côté.
Diderot, j’ose croire que personne ne sera assez hardi pour s’y opposer. » L’idée du Dictionnaire de l’Académie auquel Diderot, auteur de toute la partie des arts et métiers dans le Dictionnaire encyclopédique, pourrait coopérer très utilement, s’offre à l’esprit de Voltaire comme prétexte et moyen efficace : Ne pourriez-vous représenter ou faire représenter combien un tel homme vous devient nécessaire pour la perfection d’un ouvrage nécessaire ? […] C’est que Paris devient la patrie universelle de tous ceux, de quelque pays qu’ils soient, qui y vivent en bonne compagnie.
Celui dont elles ont jugé la sensibilité et les connaissances proportionnées à leur tempérament et à leur caractère ; celui auquel elles ont révélé les secrets d’une constitution faible et délicate ; celui qu’elles ont en même temps chargé de la conservation de leurs enfants, et des mains duquel elles les ont reçus, est devenu pour ainsi dire nécessaire à leur existence ; le perdre est un malheur qu’elles ressentent vivement : que l’on juge d’après cette réflexion des regrets que la mort de M. […] Il semblait avoir à l’avance décrit et prédit son état moral, lorsqu’en mars 1784, dans l’Éloge de Sanchez, médecin de la cour en Russie sous Ivan et devenu victime des révolutions de palais, il avait dit : M.
Elle naît en lui à une certaine heure, devient l’idée fixe, châtiment ou revanche, — une folie, une frénésie avec de courtes intermittences, et chaque fois elle reprend avec plus de violence et de fièvre, jusqu’à ce que tout l’être moral et physique y périsse anéanti et consumé. […] Sa présence à mon côté m’était devenue insupportable ; c’était comme un poids qui m’étouffait.
Toutes ces circonstances de l’histoire de Jésus, tous ces personnages si connus de nom et montrés aux yeux, semblables aux gens d’à présent, devaient toucher les simples, les ignorants, qui étaient alors le grand nombre, et devenaient un enseignement vivant, parlant à tous. […] Elle a inspiré à de grands poètes tragiques, aux Shakespeare et aux Schiller eux-mêmes, des inventions odieuses ou absurdes ; elle a inspiré au plus bel esprit et à la plus vive imagination une parodie libertine qui est devenue une mauvaise action immortelle ; elle est en possession de faire naître, depuis Chapelain, des poèmes épiques qui sont synonymes d’ennui, et que rien ne décourage, qui recommencent de temps en temps et s’essayent encore çà et là, même de nos jours, sans arriver jusqu’au public : soyez bien sûrs qu’à l’heure où je vous parle il y a quelque part un poëme épique de Jeanne d’Arc sur le métier.
Jullien, celui qu’on appelait Jullien de Paris, qui, jeune, s’était fait tristement connaître par son fanatisme révolutionnaire, et qui, vieux, tâchait de faire oublier ses anciens excès par son zèle honorable de fondateur de la Revue encyclopédique, avait à la bouche, à chaque phrase, le mot de civilisation : c’était devenu un tic chez ce petit vieillard si actif et toujours courant. — Le mot est naturel et habituel dans l’ordre d’idées et dans la langue de Condorcet, de Volney ; il revient nécessairement sous leur plume, comme le mot de Dieu sous celle des dévots, et il tend à le remplacer : il marque leur religion aussi. […] Le janséniste girondin Lanjuinais, devenu comte de l’Empire, ne manquait pas de se faire appeler M. le Comte par ses gens et ne souffrait pas un oubli.
de Racine, disait Spanheim, a passé du théâtre à la Cour, où il est devenu habile courtisan, dévot même. […] devinrent par la suite un crime d’État.
Ses frayeurs, soit réelles, soit à demi jouées, étaient sur la fin devenues proverbiales ; ne pouvant les maîtriser ni en faire mystère, il avait trouvé plus simple d’être le premier à en rire ; on a raconté de plaisants apartés, des apostrophes qu’il s’adressait nez à nez devant son miroir. […] On a peine à comprendre comment il arrive si souvent à cet administrateur capable et habile de déchoir ainsi de rang et de devenir, comme on dit, d’évêque meunier.
M. de Crémille, l’excellent major général, le Chanlay du règne de Louis XV, écrivait au prince, du camp de Malines, le 14 juin : « Permettez-moi, Monseigneur, d’oser assurer Votre Altesse Sérénissime du plaisir que j’ai à voir commencer, sous ses drapeaux, les opérations de cette campagne, dont les succès ne peuvent manquer de devenir bien glorieux, par les dispositions excellentes qui les dirigent, et dont la conduite est remise en de si bonnes mains. » Et le maréchal lui écrivait de Louvain, à la date du 27 juin : « Monseigneur, J’ai reçu les lettres que Votre Altesse Sérénissime m’a fait l’honneur de m’écrire le 25 et le 26, etc. […] C’était une sorte de triomphe pour les lettres que cet hommage que leur rendait un prince du sang, honoré jusqu’alors pour ses succès militaires, et qui, en voulant bien devenir un académicien, aspirait à être un égal.
Jamais il ne peut en coûter à l’esprit de parti, d’abandonner des avantages individuels dont on sait la mesure, pour un but tel que cette passion le fait concevoir, pour un but qui n’a jamais rien de réel, de jugé, ni de connu, et que l’imagination revêt de toutes les illusions dont la pensée est susceptible : la démocratie ou la royauté sont le paradis de leurs vrais enthousiastes ; ce qu’elles ont été, ce qu’elles peuvent devenir n’a aucun rapport avec les sensations que leurs partisans éprouvent à leur nom, à lui seul il remue toutes les affections ardentes et crédules dont l’homme est susceptible. […] le malheur qu’il cause serait encore possible à supporter, s’il venait uniquement de la perte d’une grande espérance ; mais par quels moyens racheter les sacrifices qu’elle a coûtés, et que devient un homme honnête, alors qu’il se reconnaît coupable d’actions qu’il condamne en recouvrant sa raison ?
La Bible devient un des livres de chevet du poète. […] Il établissait que « tout ce qui est dans la nature est dans l’art » : ainsi le romantisme devenait un retour à la vérité, à la vie.
Le mot de monotone n’est-il pas devenu synonyme de fastidieux ? […] J’entends que dans une littérature, au moment même où décroît la tendance régnante, d’autres tendances coexistantes croissent en vigueur, montent de l’ombre à la lumière, se préparent à devenir à leur tour dominantes.
Que sont-ils devenus, les chagrins de ma vie ? […] Ces fines esquisses, ces gracieux Proverbes qu’il n’avait pas écrits pour la scène, sont devenus tout à coup de charmantes petites comédies qui se sont levées et ont marché devant nous.
On regrette qu’un observateur aussi impartial et aussi supérieur n’ait pas tracé un pareil portrait de la reine aux divers moments de son existence, jusqu’à l’heure où elle devient une grande victime, et où ses hautes qualités de cœur éclatent assez pour frapper et intéresser tout ce qui est humain. […] Au moment où Mme Campan la revit après le retour de Varennes, la reine ôta son bonnet, et lui dit de voir l’effet que la douleur avait produit sur ses cheveux : « en une seule nuit ils étaient devenus blancs comme ceux d’une femme de soixante-dix ans ».
Enfin ce même homme, dont le public avoit injustement fait sa divinité, devint, plus injustement encore, sa fable ; car Chapelain n’est pas un auteur sans mérite. […] Il retrancha de ses satyres le nom de Boursault, & devint son ami zélé.
Mais ce n’est pas tout à fait aussi simple. » C’est ici surtout que le débat entre les deux contradicteurs devient très-pressant. […] Le phosphore est devenu le grand agent de la pensée et de l’intelligence, le stimulant universel, l’âme elle-même.
Seulement, ici, dans ce livre de Lui on aurait pu croire que, puisqu’il s’agissait d’un amour partagé, ce qui ailleurs, n’était qu’un écho allait devenir une voix. […] Il est devenu un vice social.
Il était le petit-fils d’un archevêque d’York et petit-neveu d’un archidiacre, et crut longtemps devenir archevêque lui-même, bel et bien, ma foi ! […] S’il ne le devint pas, la faute en fut au puritanisme de Georges III.
Ils ont prouvé que les dolichocéphales se concentrent dans les villes ; mais si nous prouvons que les villes, comme elles sont des foyers de concentration pour les cerveaux dolichoïdes, sont aussi des foyers d’expansion pour les idées démocratiques, que deviendra le parallélisme établi entre l’égalitarisme et la brachycéphalie ? […] Vous demandez pourquoi l’opinion publique devient égalitaire ?
Le premier livre contient la vie d’Abélard, les livres suivants sont consacrés à l’analyse et à l’examen de sa philosophie, et deviennent indispensables à l’étude de la scolastique dont ils donnent la clef.
Les exercices les plus pacifiques de l’École devenaient des armes de guerre aux mains des deux partis.
Il y a là deux contre-sens qu’il importe de relever ; le jugement qu’on portera du livre en deviendra plus sérieux et plus sévère.
Poussé à un certain point, Je genre en question devient donc faux ; habituellement il n’est que périlleux, et c’est l’abus seul qu’il en faut proscrire.
Si elle reproduit tout à fait la mythologie et le fantastique des moralités et des peintures du moyen âge, elle n’en est pas un simple pastiche ; le manque absolu de foi et l’idée de néant qu’y jette l’auteur, en deviennent l’inspiration originale ; après tout, cette image physique de la mort, horrible, détaillée, continuelle, obsédante, ce n’est que celle qu’avaient les chrétiens de ces âges pieusement effrayés ; mais le poète, en prenant les images sans la foi, les éclaire d’une lueur plus livide, et qui les renouvelle suffisamment.
De son vivant, l’Aventurière et le Gendre de Monsieur Poirier sont devenus classiques.
Le troisième acte devient admirable, lorsque, connaissant son mal et son sort, le lépreux attend dans la maison de son père le cortège funèbre qui va le conduire à la maison des morts, et l’impression finale est qu’on vient de jouir d’une œuvre entièrement originale et d’une parfaite harmonie.
Nous y voyons Malherbe, honoré, fêté, chéri, y finir sa carrière ; le grand Corneille, distingué, encouragé, soutenu, y commencer la sienne ; et le sage, le vertueux, le sévère Montausier y fixer les vœux de la mère pour sa fille, et devenir maître de l’esprit et du cœur de Julie.
Henriette devint bientôt galante.
En 1664, on voit la société des quatre amis devenir plus étroite, à mesure que leur talent se développe.
Dorat se flétrir, se dessécher, tomber en poudre, & devenir un exemple capable de corriger dans la suite les Muses dissipées, inconstantes & volontaires.
On sait encore qu’après avoir contribué, par leurs libelles & par leurs intrigues, à le faire exclure de son Corps, ils sont parvenus, par de nouvelles menées, à surprendre des ordres à l’autorité pour lui ôter la rédaction du Journal de Politique & de Littérature, & le dépouiller ainsi du seul bien qui lui restoit : ce bien est devenu aussi-tôt la proie du plus acharné de ses ennemis, qui, au mépris des bienséances les plus indispensables, n’a pas rougi de le briguer & de s’en revêtir.
Raffaëlli devient de mieux en mieux un peintre exact de types et d’expressions, un portraitiste de physionomies humaines. » — Or donc, n’est-ce rien que cela, s’écrie M.
Deux amis de Racan, l’ayant sçu, résolurent de se donner un divertissement qui pensa devenir tragique.
Son roman, ou plutôt son poème de Paul et Virginie, est du petit nombre de ces livres qui deviennent assez antiques en peu d’années pour qu’on ose les citer sans craindre de compromettre son jugement.
On oppose toujours Milton, avec ses défauts, à Homère avec ses beautés : mais supposons que le chantre d’Éden fût né en France, sous le siècle de Louis XIV, et qu’à la grandeur naturelle de son génie il eût joint le goût de Racine et de Boileau ; nous demandons quel fût devenu alors le Paradis perdu, et si le merveilleux de ce poème n’eut pas égalé celui de l’Iliade et de l’Odyssée ?
Mais si l’un de ces trois corps est l’astre qui nous éclaire pendant le jour, l’autre, l’astre qui nous luit pendant la nuit, et le troisième, le globe que nous habitons, tout à coup la vérité devient grande et belle.
Combien la sainte n’en serait-elle pas devenue plus intéressante et plus pathétique, si la solitude, le silence, et l’horreur du désert avaient été dans le local.
De tels crimes repugnent tellement aux coeurs qui ne sont pas entierement dépravez, qu’il ne suffit point d’avoir perdu quelque chose de la liberté de son esprit pour les commettre, sans devenir un scelerat odieux.
Devient aussi comique par l’exageration qu’il renferme, qu’aucun trait de L’Arioste.
Les sçavans médiocres et les personnes qui professent les arts liberaux avec un talent chetif, sont même devenus si communs, qu’il est des gens assez bizarres pour penser qu’on devroit aujourd’hui avoir autant d’attention à limiter le nombre de ceux qui pourroient professer les arts liberaux, qu’on en apportoit autrefois à l’augmenter.
Les géants enchaînés sous les monts par la terreur religieuse que la foudre leur inspirait, s’abstinrent désormais d’errer à la manière des bêtes farouches dans la vaste forêt qui couvrait la terre, et prirent l’habitude de mener une vie sédentaire dans leurs retraites cachées, en sorte qu’ils devinrent plus tard les fondateurs des sociétés.
Tout ce qui était absurde et invraisemblable dans l’Homère que l’on s’est figuré jusqu’ici, devient dans notre Homère convenance et nécessité — 1.
Les applaudissements redoublèrent dès qu’on l’aperçut lui-même à la porte de la loge ; mais ils devinrent plus vifs que jamais, quand, contraignant le bonhomme Ducis à prendre place sur le devant, il se tint modestement derrière ce patriarche de la littérature de l’époque, quoiqu’il y eut place aussi là pour lui. » Lorsque le général prépara l’expédition d’Egypte, Ducis fut l’un des premiers auxquels il pensa pour l’emmener avec son Institut de voyage et de conquête ; il voulait un poète au milieu de ses savants. […] Je suis devenu avare : mon trésor est la solitude ; je couche dessus avec un bâton ferré, dont je donnerais un grand coup à quiconque voudrait m’en arracher. » « La solitude est plus que jamais pour mon âme ce que les cheveux de Samson étaient pour sa force corporelle. » Mais cette solitude n’est pas tout à fait aussi farouche qu’elle en a l’air ; et avec toutes ces austères résolutions, si un ami arrive, il est du plus loin le bienvenu : « Il y a des voix humaines que j’aime à entendre résonner dans ma Thébaïde. […] *** J’ai reçu, il y a quelques années, par les soins d’un lecteur bienveillant, des extraits d’un Journal personnel, écrit en 1800 et 1801 par un jeune homme, alors élève de l’École polytechnique, et qui, plus tard, devint professeur et secrétaire de la Faculté des sciences de Caen, M.
zut alors, si Nadar est malade ; sous les décors bleus et autour des aquariums du moderne Parnasse, ce ne sont que gloussements et piaillements de toutes sortes ; mais le chant du rossignol est assurément devenu le plus rare de tous ; aussi l’hymne tendrement éploré de la nouvelle Philoméla a-t-il singulièrement stupéfié les premiers philistins qui l’ont entendu. […] Dans un sujet moderne, l’idéal n’est plus le réel, et cet idéal devient un singulier embarras. […] … C’est sous ces apparences dénuées de complications que je me représentais l’être exquis, de douceur et de simplicité, qui devait devenir non seulement le plus fidèle de mes amis, mais encore le plus délicieux et le plus jeune de mes camarades.
Dumoulin retrouvait les véritables sources et posait les règles fondamentales du droit français ; Bodin mêlait à des rêveries pythagoriciennes deux principes excellents, et qui sont devenus du droit public, l’inaliénabilité du domaine royal et la nécessite du consentement des sujets pour la levée des impôts. […] De même, s’il peut paraître trop fort que le cardinal de Pelvé se targue de la bassesse intéressée de son dévouement à la maison de Lorraine, quoi de plus vraisemblable qu’il loue Philippe II d’être prêt à donner une partie de ses royaumes, pour que tous les Français deviennent bons catholiques et reçoivent la sainte inquisition ? […] Après des études faites à l’Université de Paris, et, pour le droit, aux universités d’Orléans et de Bourges ; après cinq ou six ans de pratique du barreau, dont il se dégoûta, pour s’attacher à la théologie et à la prédication, il devint, à l’école de Montaigne, moraliste, en gardant la méthode du théologien et cette habitude rigoureuse d’écrire pour convaincre.
Ils lui disent : « Mais nous sommes très bien comme cela, nous ne regrettons » rien, et même nous avons lieu de nous féliciter du changement. » Vous direz : cela prouve que La Fontaine veut montrer l’imbécillité des hommes devenus animaux. Oui, cela pourrait être ainsi, l’imbécillité des hommes qui, devenus animaux, ne veulent pas redevenir hommes. […] Je suis roi ; deviendrai-je un citadin d’Ithaque ?
Cousin ne voudrait pas laisser pour souvenir à la jeune École, dont il est le chef, le spectacle de l’homme de l’avenir, devenu le galant des femmes du passé. […] Il voyait toutes ces poupées qu’il avait données à Louis XIII pour occuper son loisir jaloux, Mme de Hautefort, Mme de Lafayette et Cinq-Mars, devenir des poupées contre lui. […] Ce qu’il admire, ce n’est pas Anne d’Autriche, c’est Mme de Hautefort restant fidèle à ses amitiés, à ses illusions, à ses intrigues et à ses haines ; c’est Mme de Hautefort restant femme de chambre quand la reine Anne devient régente, la mère de Louis XIV, et que, l’esprit de la Royauté la soulevant d’elle-même, elle s’élève jusqu’au niveau des grandes vues et des grands hommes qu’elle avait longtemps méconnus !
— Ce même n° de la Revue des Deux Mondes peut montrer combien l’invention devient rare et combien la critique est obligée de se replier et de vivre sur soi : ce sont des amis qui se prennent à parti et s’analysent : Lerminier sur Quinet, Rémusat sur Jouffroy, Sainte-Beuve sur Daunou. — Nous faisons cette remarque, non point pour nous plaindre, car nous nous accommodons très-bien de ces judicieux et ingénieux retours, mais il est impossible de ne pas voir que la critique, qui a besoin de pâture et qui ne trouve guère où fourrager, se replie en pays ami.
Peu à peu, la forêt devint à la fois plus touffue et plus lumineuse ; les hêtres et les érables avaient succédé aux sapins.
Bien plus : à l’origine, ils sont tous vivants et, pour ainsi dire, chargés de sensations, comme un jeune bourgeon gorgé de sève ; ce n’est qu’au terme de leur croissance, et après de longues transformations, qu’ils se flétrissent, se raidissent, et finissent par devenir des morceaux de bois mort.
Stéphane Mallarmé est devenu décidément ce que M.
Il appelle son œuvre : Ces vers d’un méconnu, ces vers d’un résigné, Ces vers où ma douleur devient de ta lumière, Ces vers où ma tendresse a longuement saigné Comme un soleil couchant dans l’or d’une verrière.
Aujourd’hui, après qu’il a neigé sur ce chêne formidable, Alphonse Karr ressemble au Pape des Sages, car sa très longue barbe, qu’il porte en éventail, est devenue blanche comme le plumage d’un cygne, et sur son visage quelques chères rides sont les coups de griffe que lui donne, en s’enfuyant, l’insaisissable chimère !
Ils ont vu l’auteur de Psyché et d’Hermia devenir délicieusement chrétien dans les Poèmes évangéliques, s’enflammer jusqu’à la satire pour la défense de sa foi et de ses convictions, unir dans Pernette le drame à l’idylle, trouver, pendant les désastres de l’invasion allemande, des accents inoubliables de douleur et de patriotisme, répandre enfin, dans le Livre d’un père, les mâles et charmantes tendresses de son cœur.
François Coppée, toujours favorable aux jeunes poètes, il était devenu le familier du grand écrivain Edmond de Goncourt.
Il interdit aux hommes l’entrée de l’appartement de la reine 21.Gaston fut contraint d’épouser l’héritière de Montpensier, pour rendre impossible son union avec la reine, si elle devenait veuve.
Helvétius n’adopta-t-il jamais les intrigues & les procédés de la cabale qui avoit su se l’attacher d’abord par adresse, & le conserver ensuite, par la juste crainte qu’il avoit d’en devenir la victime.
S’il leur paroît plus facile de travailler au hasard & sans regle, de se conformer au goût d’une multitude abusée par des chimeres dont on la repaît ; ils ne peuvent s’attendre qu’à voir leur lauriers éphémeres se flétrir, se dessécher, & à devenir eux-mêmes le jouet d’un digne Successeur de Moliere, dont le plus utile essai seroit de venger Thalie des fades hommages qu’ils lui rendent.
Devenus les esclaves de la superstition scientifique, nous avons donné aux pédants tout pouvoir sur une activité intellectuelle qui est du domaine absolu de l’instinct ; nous avons cru que notre parler traditionnel devait accueillir tous les mots étrangers qu’on lui présente et nous avons pris pour un perpétuel enrichissement ce qui est le signe exact d’une indigence heureusement simulée.
On s’insulte, on s’injurie ; on se nuit réciproquement ; on devient la fable du public.
Ce qu’il y a de hardi dans l’expression, d’une musette qui dort, devient simple et naturel, préparé par le sommeil du berger et du chien.
Mais l’amante de Paul est une vierge chrétienne, et le dénouement, ridicule sous une croyance moins pure, devient ici sublime.
Pour moi, qui ne règne par bonheur que sur le cœur de Sophie, si elle se présentait à fines yeux dans cet état, que ne deviendrais-je pas ?
Il y a quelque temps que j’entrai par curiosité dans les atteliers de nos élèves : je vous jure qu’il y a des peintres à l’académie à qui ces enfans-là ne céderaient pas la médaille, il faut voir ce qu’ils deviendront.
Il faut que l’esprit ait contracté l’habitude de mettre en ordre ses idées et de penser sur ce qu’il lit ; car la lecture où l’esprit n’agit point et qu’il ne soutient pas en faisant des reflexions sur ce qu’il lit, devient bientôt sujette à l’ennui.
Par exemple, Achile, impatient de partir pour aller faire le siege de Troïe, attire bien l’attention de tout le monde, mais il interesse bien davantage à sa destinée un jeune homme avide de la gloire militaire, qu’un homme dont l’ambition est de se rendre le maître de soi-même pour devenir digne de commander aux autres.
Un caractere peiné devient d’abord suspect d’être contrefait, et l’on distingue facilement si un caractere est tracé librement, ou s’il est ce qu’on appelle tâté.
Ces mœurs montrent que la littérature est devenue une œuvre d’étude, non d’inspiration, un emploi du goût, non de l’enthousiasme, une source de distractions, non d’émotions. […] Les décorations enrichies et devenues mobiles, les rôles de femmes joués non plus par de jeunes garçons, mais par des femmes, l’éclairage splendide et nouveau des bougies, les machines, la popularité récente des acteurs qui devenaient les héros de la mode, l’importance scandaleuse des actrices, qui devenaient les maîtresses des grands seigneurs et du roi, l’exemple de la cour et l’imitation de la France attiraient les spectateurs en foule. […] Les mots, tout à l’heure animés et comme gonflés de séve, se flétrissent et se sèchent ; ils deviennent abstraits ; ils cessent de susciter en lui des figures et des paysages ; ils ne remuent que des restes de passions affaiblies ; ils jettent à peine quelques lueurs défaillantes sur la toile uniforme de sa conception ternie ; ils deviennent exacts, presque scientifiques, voisins des chiffres, et, comme les chiffres, ils se disposent en séries, alliés par leurs analogies, les premiers plus simples conduisant aux seconds plus composés, tous du même ordre, en telle sorte que l’esprit qui entre dans une voie la trouve unie et ne soit jamais contraint de la quitter. […] The Moors have heaven and me to assist them… I’ll whistle thy tame fortune after me… Il devient amoureux.
On peut être littérateur aussi, sans devenir un érudit critique à proprement parler ; le métier et le talent d’érudit offrent quelque chose de distinct, de précis, de consécutif et de rigoureux. […] Mais que devinrent les éclaireurs avancés, les enfants perdus de nos générations encore lointaines, lorsque, s’ébattant aux dernières soirées du Directoire, essayant leur premier essor aux jeunes soleils du Consulat, et croyant déjà à la plénitude de leur printemps, ils furent pris par l’Empire, séparés par lui de leur avenir espéré, et enfermés de toutes parts un matin en un horizon de fer comme dans le cercle de Popilius ? […] Les déclamations même sur la noblesse, sur les inégalités sociales, sur les sciences, ces traces présentes de Jean-Jacques, deviennent des traits assez vrais du moment. […] Son caractère aimable et la douceur de ses mœurs lui ayant procuré, comme partout, des protecteurs et des amis, il fut chargé de la direction de la librairie et devint, à ce titre, propriétaire et rédacteur en chef d’un journal intitulé le Télégraphe, qu’il publia d’abord en trois langues, français, allemand et italien, puis en quatre, en y ajoutant le slave vindique.
Ôtez la logique, l’intelligence est folle ; ôtez la conscience, la moralité est morte ; le crime et la vertu deviennent des choses discutables et douteuses comme des problèmes ordinaires, susceptibles de oui ou de non ; ils ne sont crime et vertu que parce qu’ils sont au-dessus de toute discussion. […] N’était-ce pas plutôt parce que les paroles, une fois écrites, deviennent mortes et froides comme la cendre dont la flamme s’est envolée, et qu’ils aimaient mieux s’en fier à l’écho vivant des lèvres humaines qu’à la lettre morte de leurs écrits ? […] « Mais je ne crois pas que ces oiseaux chantent de tristesse, ni les cygnes non plus ; je crois plutôt qu’étant consacrés à Apollon, ils sont devins, et que, prévoyant le bonheur dont on jouit au sortir de la vie, ils chantent et se réjouissent ce jour-là plus qu’ils n’ont jamais fait. […] Cette mort, véritable transfiguration de l’être mortel en être immortel, par la seule raison, dans un cachot devenu le Thabor de la philosophie humaine, a été appelée par J.
» Mardi 6 mai L’éreintement devient international. […] je suis perdue… Qu’est-ce que je vais devenir ? […] » Et le lendemain matin, le petit frère, dans l’oreille duquel étaient restés des mots, qui étonnent la pensée enfantine, passait tout le déjeuner, à vouloir savoir ce qu’on devenait, quand on était mort. […] Mardi 2 décembre C’est curieux, la jeunesse actuelle semble cesser d’être une jeunesse d’imagination, pour devenir une jeunesse de pédagogie.
Le sujet élève le génie ; l’homme devient divin en parlant de la Divinité. […] Cette conviction intime, qui devient illusion s’il s’agit d’un progrès indéfini et absolu de l’espèce, n’est nullement une déception s’il s’agit d’une amélioration relative, locale, temporaire d’une partie de l’humanité. […] Que vont devenir ma mère, mes frères, ma compagne, mes petits qui m’attendent dans le fourré, et qui ne reverront que ces touffes de mon poil disséminé par le coup de feu, et ces gouttes de sang sur la bruyère ? […] À mesure que la route devient plus longue, plus pénible et plus glaciale, le héros est abandonné de lassitude par ceux qui l’ont le plus aimé sur terre, qui ont d’abord tenté de le suivre, mais qui, rebutés de ses infortunes, retournent en arrière, ou succombent à ses pieds sur les sommets de glace et de neige dans son ascension.
C’est par lui que je suis devenu ce que je suis. Si vous voulez sérieusement devenir un grand poète théâtral, vous en êtes le maître ; mais ne faites plus de tragédie, faites le drame ; oubliez l’art français, grec ou latin, et n’écoutez que la nature. […] Son visage devenait à volonté sa pensée. […] Dans le temple des Juifs un instinct m’a poussée, Et d’apaiser leur Dieu j’ai conçu la pensée ; J’ai cru que des présents calmeraient son courroux, Que ce Dieu, quel qu’il soit, en deviendrait plus doux.
Son père étant devenu infirme et incapable de servir, il fut obligé d’exercer les fonctions de son emploi auprès du roi. […] La petite ode d’Horace, Donec gratus eram tibi a été regardée comme le modèle de ces scènes, qui sont enfin devenues des lieux communs. […] Le dénouement des Adelphes n’a nulle vraisemblance ; il n’est point dans la nature, qu’un vieillard qui a été soixante ans chagrin, sévère et avare, devienne tout à coup gai, complaisant et libéral. […] On ne songeait pas que si une tragédie est belle et intéressante, les entractes de musique doivent en devenir froids ; et que si les intermèdes sont brillants, l’oreille a peine à revenir tout d’un coup du charme de la musique à la simple déclamation.
À la renaissance de la peinture au xve siècle, les paysages, comme fond, étaient traités avec beaucoup de soin dans quelques tableaux historiques ; mais ils ne devinrent des sujets mêmes de tableaux qu’au xviie siècle : ce fut la conquête des Lorrain, des Poussin, des Ruysdael, des Karl Du Jardin et de ces admirables Flamands que Töpffer saluait les premiers paysagistes du monde. […] Les classiques d’alors s’attachaient à prouver, par toutes sortes de raisons techniques et de considérations d’atelier, que ces régions supérieures des Alpes étaient essentiellement impropres à être reproduites sur la toile et à devenir matière de tableaux.
Mais, même dans ces besognes obligatoires que la nécessité lui imposait, une fois la plume à la main, que ce soit la grande compilation de l’Histoire générale des voyages qu’il entreprenne (1746) que ce soit un simple Manuel lexique ou Dictionnaire portatif des mots français obscurs et douteux (1750), un de ces vocabulaires comme Charles Nodier en fera plus tard par les mêmes motifs ; que ce soit le Journal étranger, ce répertoire varié de toutes les littératures modernes, dont il devienne le rédacteur en chef (1755) ; de quelque nature de travail qu’il demeure chargé, remarquez le tour noble et facile, l’air d’aisance et de développement qu’il donne à tout ; il y met je ne sais quoi de sa façon agréable et de cet esprit de liaison qui est en lui. […] Après un long exil de sept ans, rentré en France en 1735, retiré quelque temps, pour la forme, à l’abbaye de La Croix-Saint-Leufroy au diocèse d’Évreux, chez l’abbé de Machault, où il voyait bonne compagnie, et d’où il correspondait avec Thieriot et avec l’abbé Le Blanc, qui lui donnaient des nouvelles littéraires ; ayant achevé sa courte pénitence spirituelle à Gaillon ; puis devenu l’hôte et l’aumônier commode et tout honoraire du prince de Conti, l’abbé Prévost, quoique souvent aux expédients jusque sous le toit d’un prince, vivait toutefois d’une existence relativement heureuse au prix de son ancienne vie errante, lorsqu’au commencement de 1741, un service de correction de feuilles, qu’il rendit imprudemment à un nouvelliste satirique, l’obligea de quitter de nouveau Paris et le royaume.
Le duc ou doge de Venise était alors Henri Dandolo, ce sage et preux vieillard, cet homme de plus de quatre-vingt-dix ans, qui était entièrement ou presque entièrement aveugle, et qui, en compagnie des pèlerins, va devenir un conquérant. […] Le doge, à cette époque, et quand ces députés d’outre-monts arrivèrent, pouvait beaucoup ; les Conseils qu’on lui avait déjà associés pouvaient beaucoup également et étaient devenus ses adjoints nécessaires : et enfin l’assemblée générale du peuple n’avait point encore été dépouillée de tout droit de sanction.
Cette nouvelle espèce de direction donnée à sa carrière, et que je n’ai ni le droit ni la pensée d’appeler une dispersion, devint pour lui un devoir selon ses goûts lorsqu’il eut été nommé secrétaire perpétuel de l’Académie des sciences en remplacement de Fourier, le 16 juin 1830. […] La difficulté de composer ces notices, lorsqu’on est secrétaire perpétuel pour les sciences mathématiques, est très grande et presque insurmontable, si l’on veut unir toutes les nécessités et les convenances, y compris les convenances oratoires : ou bien l’on néglige et l’on sacrifie en partie l’exposition des travaux de l’homme dont on parle ; ou bien, si l’on entre dans le détail de cet exposé, on devient nécessairement inintelligible pour la foule du public, même instruit et lettré, qui assiste à une séance publique de l’Institut.
C’est être inaccessible à l’ennemi ; c’est devenir invulnérable. […] La paix est pour vous dans une simplicité très délicate4. » C’est dans cette doctrine de silence et de quiétude en priant qu’est le germe de ce qu’on a appelé quiétisme et qui peut devenir une illusion.
Aujourd’hui l’opinion est bouleversée ici, on ne sait que devenir ; on voyait un port en moi, on n’y voit plus aujourd’hui qu’un jouet de l’orage qui n’est bon à rien… Jamais je ne consentirai aux traitements horribles que lui font éprouver (à la nation espagnole) les gouvernements militaires ; jamais mes mains ne déchireront ses entrailles et ne démembreront ses provinces, et je mourrai digne du trône en le quittant lorsqu’il sera bien démontré que je ne puis pas y remplir les devoirs d’un roi… (Novembre 1810.) […] L’intérêt capital de ce volume-ci est dans l’expédition de Masséna en Portugal et sa retraite, devenue si nécessaire, et payée d’une disgrâce non méritée.
Que devenait-elle cette sœur vigilante, pieuse, gardienne de l’autel et du foyer, pendant ces courses fougueuses et ces poursuites ardentes de son jeune frère ? […] Tout me devient d’une même couleur triste ; toutes mes pensées tournent à la mort.
Cet historien, non pas précisément orateur, mais cet historien éloquent, que Cicéron désirait chez les Romains, et que ses contemporains auraient voulu obtenir en lui, ce fut Tite-Live qui le devint trente ou quarante ans plus tard. […] Chaque sujet de l’histoire littéraire, traité de la sorte et soumis à cette espèce de réactifs, chaque nom célèbre d’écrivain, remis en question, retourné et comme refondu dans ce moule, va devenir nouveau.
Il y avait encore, disait-il, à voir les titres du grand cabinet, ceux du trésor de l’hôtel de Nevers, et enfin une table générale devenait indispensable pour ces derniers inventaires ; on lui demanda ce nouvel effort, et il s’y mit : « L’affection que j’ai toujours eue pour cette princesse ne m’a rien fait trouver de difficile ni d’ennuyeux, où il s’agissait de son service, et puis j’étais bien aise d’avancer toujours dans ma curiosité, pour y faire de nouvelles conquêtes quand l’occasion s’en offrait. » Depuis qu’il eut son logement en ce lieu d’honneur et d’étude, il semble qu’il ne lui manquait plus rien. […] Quant à la correction des mœurs de ses religieux, il n’estimait pas apparemment que son titre d’abbé commandataire lui conférât autorité suffisante pour cela, et, au lieu d’entrer en lutte avec ses moines, il avait mieux aimé patienter ; c’est à l’archevêque diocésain sous la juridiction duquel était placée l’abbaye, qu’il demanda enfin d’autoriser un rétablissement de règle devenu bien nécessaire.
Il y a quelque chose dans la nature, soit qu’elle rie et se pare dans les beaux jours, soit qu’elle devienne pâle, grise, froide, pluvieuse, en automne et en hiver, qui émeut non seulement la surface de l’âme, mais même ses plus intimes secrets et donne l’éveil à mille souvenirs qui n’ont, en apparence, aucune liaison au spectacle extérieur, mais qui sans doute entretiennent une correspondance avec l’âme de la nature par des sympathies qui nous sont inconnues. […] On dirait que le gosier des oiseaux s’est aussi rafraîchi à cette pluie : leur chant est plus pur, plus vif, plus éclatant, et vibre émerveille dans l’air devenu extrêmement sonore et retentissant.
Le voilà, d’Ange de lumière, devenu semblable à l’un de nous tous, et, selon moi, bien pire. […] Voici un petit livre que je vous offre ; abonné à la Presse pendant cette saison d’été, j’y lisais vos articles, et le charme de ces lectures augmentait mon désir de devenir un jour votre justiciable.
Si, par un hasard qui n’en était pas un et qui devait assez souvent se produire, quelque pièce dont ils étaient les premiers auteurs et rédacteurs sortait au jour, si quelque combinaison dont ils avaient suggéré le plan prenait corps et vie et devenait manifeste, ils se gardaient bien de dire : Elle est de moi, ou même de le penser seulement. […] Napoléon, dans une audience publique à Milan (juin 1805), fit une scène à l’envoyé extraordinaire de la reine, chargé de le complimenter, et la dénonça avec une colère calculée comme une furieuse ennemie de la France : « Si après tant d’années de règne elle ne sait pas mettre du calme et de la modération dans sa conduite et dans ses discours, le vaisseau anglais qu’elle tient dans la rade de Naples ne la sauvera pas. » Après de telles injures, l’ulcération, des deux parts, devint incurable.
Vif naturellement tout ce qu’il se peut, il est devenu patient et tranquille au-delà de ce qui se peut dire. — Comme j’en suis à cet endroit, on m’apprend qu’il est de mieux en mieux ; car je viens d’envoyer chez M. de Riberpré, son gendre, mon voisin. » De mieux en mieux ! […] Pourrai-je réussir à bien rendre cet état nouveau, cette direction devenue presque générale des esprits ?
Il y a certaines lettres qu’il prononce mal, des r sur lesquels il glisse, des c qui deviennent des t dans sa bouche. […] Puis l’observation devient plus suivie.
L’admiration est une sorte de fanatisme qui veut des miracles ; elle ne consent à accorder à un homme une place au-dessus de tous les autres, à renoncer à l’usage de ses propres lumières pour le croire et lui obéir, qu’en lui supposant quelque chose de surnaturel qui ne peut se comparer aux facultés humaines : il faudrait, pour se défendre d’une telle erreur, être modeste et juste, reconnaître à la fois les bornes du génie et sa supériorité sur nous ; mais dès qu’il devient nécessaire de raisonner sur les défaites, de les expliquer par des obstacles, de les excuser par des malheurs, c’en est fait de l’enthousiasme ; il a, comme l’imagination, besoin d’être frappé par les objets extérieurs ; et la pompe du génie, c’est le succès. […] Comme il n’y a jamais rien de suffisant dans les plaisirs de la gloire, l’âme ne peut être remplie que par leur attente, ceux qu’elle obtient ne servent qu’à la rapprocher de ceux qu’elle désire ; et si l’on était parvenu au faîte de la grandeur, une circonstance inaperçue, un obscur hommage refusé, deviendraient l’objet de la douleur et de l’envie.
tantôt la superstition défend de penser, de sentir, déplace toutes les idées, dirige tous les mouvements en sens inverse de leur impulsion naturelle, et sait vous attacher à votre malheur même, dès qu’il est causé par un sacrifice ou peut en devenir l’objet ; tantôt la passion ardente, effrénée, ne sait pas supporter un obstacle, consentir à la moindre privation, dédaigne tout ce qui est avenir, et poursuivant chaque instant comme le seul, ne se réveille qu’au but ou dans l’abîme. […] C’est dans la crise d’une révolution qu’on entend répéter sans cesse, que la pitié est un sentiment puérile, qui s’oppose à toute action nécessaire, à l’intérêt général, et qu’il faut la reléguer avec les affections efféminées, indignes des hommes d’état ou des chefs de parti ; c’est au contraire au milieu d’une révolution que la pitié, ce mouvement involontaire dans toute autre circonstance, devrait être une règle de conduite ; tous les liens qui retenaient sont déliés, l’intérêt de parti devient pour tous les hommes le but par excellence : ce but, étant censé renfermer et la véritable vertu et le seul bonheur général, prend momentanément la place de toute autre espèce de loi : hors dans un temps où la passion s’est mise dans le raisonnement, il n’y a qu’une sensation, c’est-à-dire, quelque chose qui est un peu de la nature de la passion même, qu’il soit possible de lui opposer avec succès ; lorsque la justice est reconnue, on peut se passer de pitié ; mais une révolution, quel que soit son but, suspend l’état social, et il faut remonter à la source de toutes les lois, dans un moment où ce qu’on appelle un pouvoir légal, est un nom qui n’a plus de sens.
De là l’oubli profond, l’étrange mépris où tomba Ronsard, dont le nom devint représentatif de tout ce que le xviie siècle ne pouvait accepter, ni goûter, ni comprendre dans l’héritage du xvie . Mais si l’on veut être juste envers la Pléiade, on se souviendra qu’avant le romantisme, Ronsard est en somme notre plus certain lyrique ; en second lieu, qu’il est à peu près notre unique lyrique qui ait cherché son inspiration hors de la religion, hors même des faits historiques et de l’héroïsme, le seul qui ait tâché de tirer son œuvre des sources intimes du tempérament ; enfin, que Ronsard, c’est vraiment la première ébauche et la période, si l’on peut dire, préhistorique du classicisme : qu’alors dans la langue, dans la poésie, apparaissent une multitude de formes dont quelques-unes survivront, et deviendront les types parfaits, et stables pour un temps, de la poésie.
Il renonça à l’espoir de devenir un jour capitaine de grenadiers, et sollicita un poste diplomatique. […] Il ne devint pas pourtant ennemi du christianisme.
Necker devient le héros de la Révolution française, le centre où tout se ramène ; et quand elle veut raconter son rôle, elle se trouve conduite à faire l’histoire de l’Europe, de Louis XVI à Napoléon : cette substitution de sujets lui semble nécessaire. […] Ce qui lui fera comprendre Rousseau, ce seront les Allemands : elle deviendra, dix ans avant sa mort, une chrétienne fervente, hors de toute église et de toute confession : le duc de Broglie définira son état « un latitudinarisme piétiste », c’est-à-dire un protestantisme libéral, très indépendant, très peu théologique, plutôt mystique ; cette religion est à la fois très rationnelle et très sentimentale.
Il a préféré la retarder : il est devenu l’obstacle, plus que M. […] Paul Desjardins, écrivain fantaisiste, subtil et spirituel, est devenu un simple, sincère et pénétrant moraliste : Esquisses et Impressions, in-12, 1888 ; le Devoir présent, 1891, pet. in-16.
Puis le petit Chose devient M. […] Ce fils, devenu grand garçon, vient voir son père, « seulement pour le voir, pour le connaître.
Or, si le comédien joue le premier Tartuffe, il fera rire ; mais l’action de la pièce deviendra totalement absurde. […] « Cette grossière interprétation du rôle devint la tradition, et Augé, grand, beau, bien fait, très aisé dans son jeu, au dire d’un contemporain, d’une gaieté un peu basse, naturel et inexact dans son débit, estropiant les vers, Augé s’y conforma en l’exagérant encore.
Marie resta de la sorte le chef de la famille, et c’est ce qui explique pourquoi son fils, quand on voulait le distinguer de ses nombreux homonymes, était le plus souvent appelé « fils de Marie 203. » Il semble que, devenue par la mort de son mari étrangère à Nazareth, elle se retira à Cana 204, dont elle pouvait être originaire. […] Déisme et panthéisme sont devenus les deux pôles de la théologie.
Elle deviendra un des éléments de cette méthode objective et inductive qui tend à prévaloir en psychologie. […] C’est maintenant une doctrine acceptée en philologie, que la racine d’un verbe est de la nature d’un nom abstrait, et que ce nom devient un verbe simplement par l’addition d’un affixe pronominal30.
On trouve dans sa correspondance de cette époque, dans une lettre au duc de Richelieu, qui est juste de cette date, une vive recommandation pour Mme de Graffigny, qui avait été fort liée avec Mlle de Guise, devenue duchesse de Richelieu. […] Souvent même il quittait le cercle pour aller jouer au volant en soutane avec Minette, grande et belle fille de vingt-deux à vingt-trois ans, la petite-nièce de Mme de Graffigny, et qui devint Mme Helvétius.
Dans ses jeux, il se transforme le plus souvent en grande personne et il devient à son gré un général, un médecin ou un empereur ; mais il peut être aussi bien, car il est protéiforme, chien, cheval, oiseau. […] Et ces métamorphoses dépassent les limites du jeu ordinaire ; la feinte risque à tout moment de devenir réalité : il arrive que le hardi chasseur, à l’affût derrière un tronc d’arbre, soit pris de panique, à entendre le rugissement du tigre qui s’approche et qu’il s’enfuie en courant vers les genoux de sa bonne.
Encore lorsque ce contraste est sublime, la scène change, et l’oisif devient le sujet principal. […] Celui qui aura jeté un morceau d’étoffe sur le bras tendu d’un homme, et qui faisant seulement tourner ce bras sur lui-même, aura vu des muscles qui saillaient, s’affaisser, des muscles affaissés devenir saillants, et l’étoffe dessiner ces mouvements, prendra son mannequin et le jettera dans le feu.
Parce qu’elle embrasse à la fois tout le domaine de la science, l’Année a pu, mieux qu’aucun ouvrage spécial, donner le sentiment de ce que la sociologie doit et peut devenir. […] Il est nul ou très faible dans le cercle des phénomènes religieux et moraux ou la variation devient aisément un crime ; il est plus étendu pour tout ce qui concerne la vie économique.
Faites donc penser un cerveau tout seul, voyez donc ce que devient la noblesse du cerveau quand le ventre est malade ? […] Zola, profitant de la liberté de la campagne, n’a donc fait ici qu’imiter les modèles, avec l’ambition d’en devenir un lui-même à son tour.
Il est bien vrai que les Mémoires de Longchamp et Wagnière empruntent un mérite particulier de la position des auteurs, et que les secrétaires d’un homme de lettres illustre qui deviennent ses historiens réclament de la postérité un quart d’heure d’attention, à tout aussi bon droit que la femme de chambre qui jase de la maîtresse favorite, ou le chambellan qui se remémore le potentat.
Son âme, jusqu’alors sereine, devint sombre.
Si j’ai bien compris l’auteur de Marfa, il voudrait qu’après la psychologie des personnes on tentât l’étude de ce qu’il y a en nous d’étranger et de supérieur à nous, des influences fatales dont nous n’avons pas clairement conscience et qui ne deviennent intelligibles qu’à la condition de les observer, non plus dans des individus isolés, mais dans des successions ou des groupes d’êtres humains.
Même la petitesse surprenante de leurs mains devient un sujet de dégoût et d’effroi.
Brunetière fût devenu réellement incapable de « lire pour son plaisir ».
L’amour et la mort sont deux grandes muses ; grâce à leur inspiration réunie, la manière trop attique d’André Chénier était devenue du pathétique.
Le Lion amoureux : La passion parle dans cette pièce, l’amour, ce phénomène devenu si rare au théâtre !
Cent ans au moins devaient encore s’écouler avant que le nom de leur obscur sujet, devenu dieu, revînt dans ces contrées éloignées rappeler sur leurs tombeaux le meurtre de Jean-Baptiste.
Le mal était devenu incurable.
Ma pièce est faite, et jeudi je dois la lire moi-même à Monseigneur dans son cabinet, et j’espère devenir le poète lauréat de la police.
Notre vie est devenue douce, mais nos envies ont grandi en disproportion.
Tu rends la confiance à ce cœur devenu défiant par le chagrin. » Elle dit ; et Ulysse, pressé du besoin de verser des larmes, pleure sur cette chaste et prudente épouse, en la serrant contre son cœur.
Quand les corps deviennent plus foibles et plus sensibles aux injures de l’air, il s’ensuit qu’un peuple doive changer quelque chose dans ses moeurs et dans ses coutumes, ainsi qu’il le feroit si le climat étoit changé.
Les gens qu’on ne gêne plus vous ensevelissent dans tous les parfums de l’éloge, et la bile de l’envie désopilée devient l’ambre jaune dans lequel on vous embaume pour la silencieuse éternité.
Les privilégiés de la veille se voyaient dépouillés, devenus chacun unus multorum, un dans la foule, mais en même temps débarrassés, purifiés, guéris de la sécheresse de cœur.
Hallays, savait bien quelle loge de concierge est devenue notre société moderne.
En effet les parents dont le lien des lois n’assure point l’union, perdent leurs enfants, autant qu’il est en eux ; le père et la mère pouvant toujours se séparer, l’enfant abandonné de l’un et de l’autre, doit rester exposé à devenir la proie des chiens ; et si l’humanité publique ou privée ne l’élevait, il croîtrait sans qu’on lui transmît ni religion, ni langue, ni aucun élément de civilisation.
Les fables naquirent, pour la plupart, bizarres, et devinrent successivement moins appropriées à leurs sujets primitifs, altérées, invraisemblables, obscures, d’un effet choquant et surprenant, enfin incroyables ; voilà les sept sources de la difficulté des fables. — 5.
Il a formé son art en n’étudiant que les monuments de l’urbanité latine ; il a pris le goût des élégances et de finesses, des réussites et des artifices de style ; il est devenu attentif sur soi, correct, capable de savoir et de perfectionner sa propre langue. […] Il devient député, secrétaire en chef dans le gouvernement d’Irlande, sous-secrétaire d’État, ministre. […] Elle reçoit auprès de son lit un homme qui vient lui faire visite, joue avec lui toute une après-midi au piquet, se promène avec lui deux ou trois heures au clair de la lune, devient familière avec un étranger dès la première vue, et n’a pas l’étroitesse d’esprit de regarder si la personne à qui elle parle a des culottes ou des jupons910. » Il combat en prédicateur l’usage des robes décolletées, et redemande gravement la chemisette et la décence des anciens jours : « La modestie donne à la jeune fille une beauté plus grande que la fleur de la jeunesse, répand sur l’épouse la dignité d’une matrone, et rétablit la veuve dans sa virginité911. » Vous trouverez plus loin des semonces sur les mascarades qui finissent en rendez-vous ; des préceptes sur le nombre de verres qu’on peut boire et des plats qu’on peut manger ; des condamnations contre les libertins professeurs d’irréligion et de scandale ; toutes maximes aujourd’hui un peu plates, mais nouvelles et utiles, parce que Wycherley et Rochester avaient mis les maximes contraires en pratique et en crédit. […] Toutes ses fautes en spéculation deviennent des mérites en pratique. […] Ils devenaient moins nombreux vers le milieu, mais se multipliaient et se pressaient en approchant des dernières arches complètes.
Causer avec Alphonse Daudet, c’était être traité en égal et devenir son ami. […] Il devenait votre guide. […] Il eût pu être un critique remarquable ; il a préféré devenir un romancier très lu, l’auteur chéri de la bourgeoisie française. […] Mariéton, à cette époque, ne jurait que par le colonel Marchand, dont il était devenu l’intime ami. […] Elle devint impopulaire auprès des radicaux, mais c’est elle qui a eu raison contre eux.
Brifaut souffre beaucoup, mais son courage ne se dément pas ; ce qui pourrait paraître frivole dans son esprit devient admirable dans sa triste situation. » 60.
Si tu fus jadis des plus sages, Tu deviendras fol malgré toi.
Mais le vice était devenu un besoin d’habitude ; on le garda, et comme on n’avait plus à faire ses preuves, on en usa désormais à son aise, à son loisir, ne le voilant ni même ne l’affichant plus ; on en fut à cette indifférence raisonnée, dernier degré de l’impudeur.
Ce caractère si peu naturel, ce nous semble à nous autres de sang-froid, était pourtant devenu si naïf chez eux, qu’ils ne le démentirent jamais ; tels ils avaient été à la tribune et au club, tels ils furent à la barre et sur la charrette, se drapant et déclamant encore ; gladiateurs du peuple, ils luttèrent dans l’arène jusqu’au bout, et tombèrent avec grâce.
Cette censure, dont les gouvernants auraient plus besoin que jamais, est devenue enfin là-bas insupportable et presque impossible, et voilà du Rhin à la Vistule un mouvement de presse indépendante, une ligue généreuse pour le maintien des journaux libéraux, analogue à notre coalition contre la censure en 1827.
C’est là du bon style ; mais il est fâcheux encore que toutes les saines pensées et les maximes justes de la pièce se trouvent rejetées dans la bouche de ce triste Féline, et qu’elles s’y trouvent (notez-le), non pas comme des ressorts de son rôle, mais à titre même de choses justes ; il devient ainsi par moments une manière d’Ariste véritable ; c’est Tartufe et Cléante mis en un, s’il est permis d’amener ici ces grands noms
L’Auteur pense & fait penser son Lecteur ; les détails les plus arides, les matieres les plus abstraites deviennent intéressantes sous sa plume, par la maniere agréable dont il les présente, & par l’air d’originalité qu’il leur donne.
Il faut que dans cet état, rempli d’observateurs politiques qui étendent leur attention sur bien des choses ausquelles on ne daigne point faire reflexion en d’autre païs, nos observateurs aïent remarqué que ces tableaux étoient propres à donner du moins aux enfans, qui doivent un jour devenir des hommes, plus de crainte des châtimens prononcez par la loi.
Cet auteur en raisonnant sur un endroit de l’oraison de Ciceron pour Milon, qui devoit devenir emphatique dans la prononciation, dit que cet endroit tenoit du cantique.
Il faut voir alors comme il se démène et comme ses subtilités deviennent laborieuses.
L’Auteur de ceci n’accepte pas l’immense platitude, devenue lieu commun, qui fait encore législation à cette heure, à savoir « qu’on doit aux vivants des égards et qu’on ne doit qu’aux morts la vérité. » Il pense, lui, qu’on doit la vérité — à tous, — surtout, — en tout lieu, et à tout moment, et qu’on doit couper la main à ceux qui, l’ayant dans cette main, la ferment.
Ainsi la Science nouvelle pourra devenir une histoire des idées, coutumes et actions du genre humain.
Puis, à mesure que, dans cette analyse prise sur le fait, il suit plus avant les progrès de la passion, le trait devient plus profond aussi, et le ton s’élève. […] L’épisode du siége de Perpignan était devenu ici une croisade pour la liberté. […] Te si diserto contigisset noscere Lusci Philippi malleo, Non hune inanis rumperet tentigo, sed Gratis abiret pœnitens. » — Voilà qui devient assez piquant.
Othon devient le plus résigné des philosophes et le plus désintéressé des citoyens. […] Aux gémissements du mourant, ses esclaves, ses affranchis et Plotius, préfet du prétoire, entrèrent : il était mort d’un seul coup. » IX « On hâta ses funérailles ; il l’avait recommandé avec instance, de peur que sa tête coupée ne devînt le jouet des vainqueurs. […] « Agrippine avait, longtemps avant l’événement, prévu et méprisé son genre de mort, car, ayant interrogé les devins de Chaldée sur son fils Néron, alors enfant, les Chaldéens lui avaient répondu qu’il pourrait régner, mais qu’il tuerait sa mère : — Soit, dit-elle, qu’il me tue, pourvu qu’il règne !
Il y a dans le cri de Kaïn une âpreté plus superbe, s’il se peut, que celle du poète de la Nature, et une espérance non plus forte, mais moins vague et plus voisine de son objet, que celle du Titan voleur de feu La protestation du corps contre la douleur, du cœur contre l’injustice et de la raison contre l’inintelligible, devient, semble-t-il, plus ardente à mesure que l’industrie humaine combat la souffrance, que l’idée de justice passe dans les institutions et que la science entame les frontières de l’inconnu ; comme si l’homme, moins éloigné de son idéal, en subissait plus invinciblement l’attraction et se précipitait vers lui d’un mouvement plus furieux. […] La palestre, l’Agora, les Dionysiaques et les Panathénées leur étaient de suffisantes raisons de consentir à voir la lumière et empêchaient la maladie métaphysique de devenir jamais mortelle à ce peuple subtil. […] Seuls, les prêtres et les bardes, soit orgueil sacerdotal, soit qu’ils subissent la fascination de leurs propres théogonies ou que leurs dieux désertés leur deviennent plus chers, résistent au dieu nouveau.
Au lieu que la prose et surtout l’éloquence sont moins exigeantes, elles ne fixent aucune limite à la verbosité qui devient même une qualité dans cette dernière branche de l’art. […] Les Méridionaux devinrent vite des parents pauvres, lointains, peu glorieux, que reniait Marot et que ridiculisa Molière. […] La musique, pour elles, tend à devenir aussi un mode d’expression oratoire.
« Un caractère particulier de la France, et surtout de Paris, écrivait, en 1817, Joseph de Maistre, c’est le besoin et l’art de célébrer. » Depuis 1817, grâce à la politique, le besoin est devenu plus grand, et l’art moins délicat. […] Un récit qui nous l’eût expliqué n’eût pas rendu Néron plus aimable ; mais il nous eût appris par quelle dépravation une société, devenue incapable d’une liberté réglée, se rend tout à la fois la complice et la proie d’un de ces despotismes monstrueux auxquels on ose à peine croire, même sur la foi d’un Tacite. […] Ces leçons, devenues des livres, ont gardé dans leurs parties les plus solides les qualités du style durable ; et, dans tout ce qui n’est que brillant, elles en ont encore le grand air.
I Au moment où un ordre nouveau de phénomènes devient objet de science, ils se trouvent déjà représentés dans l’esprit, non seulement par des images sensibles, mais par des sortes de concepts grossièrement formés. […] Par conséquent, ces faits et leurs analogues semblent n’avoir de réalité que dans et par les idées qui en sont le germe et qui deviennent, dès lors, la matière propre de la sociologie. […] Il pose, en effet, comme une proposition évidente qu’« une société n’existe que quand, à la juxtaposition, s’ajoute la coopération », que c’est par là seulement que l’union des individus devient une société proprement dite18.
L’homme qui passe sa vie à brasser les réalités de l’histoire, ce qui demande de la solidité et de l’aplomb, ne peut pas rester compromis et lancé sur ce principe glissant du devenir de Hegel ou du tout coule d’Héraclite, sur lequel il patine aujourd’hui. […] Pourquoi devenir un impie aux pieds même de son idole et se faire historien, railleur ou pleurard, comme l’est M. […] En effet, d’ordinaire, quand les erreurs d’un homme ne viennent pas de l’infirmité de ses facultés, ses facultés deviennent bientôt des infirmités comme ses erreurs, et telle cependant jusqu’ici n’a pas été l’histoire de M.
Ainsi nul animal n’est et ne devient moral ni religieux, quelle que soit sa supériorité naturelle, quel que soit le progrès de son éducation ; tout homme est et reste moral et religieux, quelle que soit son infériorité native ou sa dégradation, voilà ce que l’expérience atteste partout et toujours, sans une seule exception. […] Mais, si ces signes deviennent manifestes, il n’y a plus qu’à s’incliner devant le fait historique observé, tandis que les révélations du sens intime trouvent encore des contradicteurs, par cela même qu’elles peuvent être considérées comme plus ou moins personnelles. […] Et cette nécessité ne devient ni plus impérieuse ni plus évidente par la fréquence des actes intellectuels dont elle fait le caractère propre.
Tout est devenu caprice et fantaisie. — Et dans le sonnet à Alfred Tattet, qu’est-ce que « l’épervier d’or dont mon casque est orné » ? […] Molé, on se mit à remarquer que, s’il avait la conversation distinguée, il devenait aisément commun dans sa parole publique et dans ses discours de tribune. […] Pasquier, Decazes, d’Argout, Dumon, etc. ; Mme de Boigne a demandé ce que devenait M. de Cubières83. […] Léon Tbiessé ne me l’a jamais pardonné que quand je fus devenu ministre de l’Intérieur et qu’il était préfet. […] Va, deviens grand ; conquiers l’autorité parmi les âges ; que tes paroles gagnent en poids chaque jour, et qu’une fois, tout à la fin, un mot de toi, sorti lentement, n’ait qu’à tomber sur cette race des abjects Mévius pour qualifier leur nom dans l’avenir… Mais alors, ce mot, vieillard auguste et clément, tu ne le prononceras pas !
D’abord défensive dans ses commencements, la guerre romaine était devenue offensive, puis universelle. […] Le triomphe à Rome était devenu une institution : il donnait pour ainsi dire un corps à la renommée, et faisait, des triomphateurs, des candidats à la tyrannie. XII Pour entretenir cette concurrence de triomphes et cette guerre universelle et perpétuelle, de grandes armées, presque permanentes aussi, étaient devenues nécessaires. […] La tyrannie, qui n’avait été jusque-là qu’une éclipse de la liberté, devint une institution ; elle dispensa le peuple de toute vertu ; elle fit aux Romains, selon le hasard des vices ou des vertus de leurs maîtres, tantôt des temps de servitude prospère, tantôt des règnes de dégradation morale et de sang, qui sont l’ignominie de l’histoire et le supplice en masse du genre humain.
La belle Nina Thoma, fille de Tor-Thoma, prince voisin de Berrathon, en devint éprise, et s’enfuit avec lui. […] Pourquoi ta langue harmonieuse est-elle devenue muette ? […] Quant à leur beauté propre, on n’a qu’à se rappeler leurs splendides passages devenus classiques en naissant. […] La douleur, la gloire et la guerre étaient devenues les muses sévères de ce temps.
Notre tâche devient ici très difficile. […] Alors, le souvenir excitant l’espérance, L’attente d’être heureux devient une souffrance ; Et l’œil ne sonde plus qu’un gouffre éblouissant, Pareil à ceux qu’en songe Alighieri descend. […] Il le pouvait aussi dans la région des sentiments, témoin l’entretien de Dalti et de Portia dans les lassitudes du cœur : Portia le vit pâlir : « Ô mes seules amours, Dit-il, en toute chose il est une barrière Où, pour grand qu’on se sente, on se jette en arrière ; De quelque fol amour qu’on ait empli son cœur, Le désir est parfois moins grand que le bonheur ; Le ciel, ô ma beauté, ressemble à l’âme humaine : Il s’y trouve une sphère où l’aigle perd haleine, Où le vertige prend, où l’air devient le feu, Et l’homme doit mourir où commence le Dieu ! […] XI À dater de ce jour, Alfred de Musset semble devenir un autre homme.
Toute passion vive devient aisément cruelle quand elle se trouve en face de l’objet qui la gêne ou qui la brave. […] Devenue libre elle-même, elle les voulut près d’elle, et sut jouir presque en simple particulière de cette amitié unie et constante à laquelle elle croyait.
Ampère, dans ses leçons du Collège de France, voulant caractériser ces trois grands moments de l’éloquence de la chaire parmi nous, le moment de la création et de l’installation puissante par Bossuet, le moment du plein développement avec Bourdaloue, et enfin l’époque de l’épanouissement extrême et de la fertilité d’automne sous Massillon, y rattachait les antiques noms devenus symboles qui consacrent les trois grands moments de la scène tragique en Grèce. […] Distingué par la reine Anne d’Autriche, devenu vers la fin son prédicateur de prédilection, Bossuet avait d’abord dans le talent quelque luxe d’esprit, quelques-unes de ces subtilités abondantes et ingénieuses qui tenaient au goût du jour.
Il suffirait de rapprocher et de marquer à l’encre rouge sur un exemplaire les faits éloignés ; cette série seule, établie par de simples nouvelles de Dangeau, et sans y mêler aucune réflexion étrangère, deviendrait presque, par les considérations qui en ressortiraient en la lisant, un chapitre de Montesquieu. […] L’inquiétude de tous, non seulement à la Cour, mais dans Paris et dans le royaume, fut extrême ; et, comme la guérison marcha à souhait, la joie aussi devint universelle.
J’ai connu un homme qui était né professeur, il fut quelque temps avant de le devenir ; un jour enfin, il eut une chaire, et put s’y installer dans toute son importance. […] Ils s’affichent eux-mêmes par cette antipathie, devenue une théorie et presque une chevalerie chez M.
Le Tourneux n’eut que l’influence la plus morale, la plus directement chrétienne, et j’en ai pour preuve des lettres mêmes, inédites, adresséés par lui au poète devenu néophyte et un moment repentant. […] De même que dans La Harpe converti le critique ne le fut jamais, de même dans Santeul devenu auteur de saintes hymnes le poète resta incurable.
Son ambition fut en partie satisfaite, et dans les dernières années il devint un commensal, un favori, et comme un hôte indispensable de la maison de Condé. […] Dijon, dans les dernières années, était devenu comme une seconde patrie pour Santeul : il y accompagnait M. le duc, qui y allait tenir les états, et il y réussit par son tour d’esprit et son sel plus qu’à Paris même.
Un trait piquant d’abord plaît, frappe, étonne ; Mais il s’émousse, et devient monotone ; Et si le goût ne le place avec choix, Si d’un sel pur grâce ne l’assaisonne, Si l’épigramme à la vingtième fois Ne vous plaît mieux, elle n’est assez bonne. […] Les vieux médiocres deviennent parfaits.
Combes a fait de la princesse des Ursins le sujet d’une de ces thèses consciencieuses de la Faculté des lettres qui deviennent si aisément des livres : la princesse, après avoir été discutée et débattue en Sorbonne, a reparu devant le public dans un tableau solide et étendu. […] Combes, repasser sur les différentes phases de la carrière politique de Mme des Ursins pendant ses treize années d’influence ou de domination en Espagne : il a très bien distingué les temps, démêlé les intrigues selon l’esprit de chaque moment, montré Mme des Ursins représentant dès l’abord le parti français, mais le parti français modéré qui tendait à la fusion avec l’Espagne, et combattant le parti ultra-français représenté par les d’Estrées : — ce fut sa première époque : — puis, après un court intervalle de disgrâce et un rappel en France, revenue triomphante et autorisée par Louis XIV, elle dut pourtant, malgré ses premiers ménagements pour l’esprit espagnol, s’appliquer à briser l’opposition des grands et travailler à niveler l’Espagne dans un sens tout monarchique, antiféodal ; c’était encore pratiquer la politique française, le système d’unité dans le gouvernement, et le transporter au-delà des Pyrénées : — ce fut la seconde partie de sa tâche. — Mais quand Louis XIV, effrayé et découragé par les premiers désastres de cette funeste guerre de la succession, paraît disposé à abandonner l’Espagne et à lâcher son petit-fils, Mme des Ursins, dévouée avant tout aux intérêts de Philippe V et du royaume qu’elle a épousé, devient tout Espagnole pour le salut et l’intégrité de la couronne, rompt au-dedans avec le parti français, conjure au dehors la défection de Versailles, écrit à Mme de Maintenon des lettres à feu et à sang, s’appuie en attendant sur la nation, et, s’aidant d’une noble reine, jette résolument le roi dans les bras de ses sujets.
On sait qu’après l’opération, si bien faite par le chirurgien Félix, et couronnée d’un plein succès, l’infirmité royale était devenue à la mode parmi les courtisans : « Plusieurs de ceux qui la cachaient avec soin avant ce temps, nous dit le chirurgien Dionis, n’ont plus eu honte de la rendre publique ; il y a eu même des courtisans qui ont choisi Versailles pour se soumettre à cette opération, parce que le roi s’informait de toutes les circonstances de cette maladie… J’en ai vu plus de trente qui voulaient qu’on leur fît l’opération, et dont la folie était si grande, qu’ils paraissaient fâchés lorsqu’on les assurait qu’il n’y avait point nécessité de la faire. » La platitude humaine est alerte à prendre toutes les formes et toutes les postures. De même, lorsque Fagon fut devenu premier médecin, Fontenelle remarque« que toutes les maladies de Versailles lui passaient par les mains : on croyait faire sa cour de s’adresser au premier médecin, on s’en faisait même une espèce de loi ; mais, heureusement pour les courtisans, ce premier médecin était aussi un grand médecin. » Fagon, qui était depuis quelques années dans la confiance de Mme de Maintenon, supplanta d’Aquin en 1693.
Gœthe osait donc se découvrir devant Eckermann et montrer les nombreuses piqûres que son amour-propre avait reçues ; il semblait lui dire en les étalant : « Voyez, il n’y a pas d’homme complètement heureux. » Ainsi, un jour qu’il causait de son recueil de poésies à l’orientale, le Divan, et particulièrement du livre intitulé Sombre humeur, dans lequel il avait exhalé ce qu’il avait sur le cœur contre ses ennemis : « J’ai gardé beaucoup de modération, disait-il ; si j’avais voulu dire tout ce qui me pique et me tourmente, ces quelques pages seraient devenues tout un volume. — Au fond, on n’a jamais été content de moi, et on m’a toujours voulu autre qu’il a plu à Dieu de me faire. […] Nous étions alors, ou du moins quelques-uns, plus impartiaux dans notre jeunesse que nous ne le sommes devenus depuis.
On a pu montrer, dans une analyse faite avec autant de gravité que de science, comment la messe au complet, dont la partie essentielle est la consécration, le sacrifice et la communion, avait été graduellement formée, agrandie, enrichie, constituée enfin dans toute sa pompe et sa majesté, de manière à devenir le drame sacré et liturgique par excellence. […] Milton a donné à ce sujet biblique la seule invention, là seule profondeur, le seul recul possible, en remontant par-delà le commencement jusqu’à la chute des Anges, en nous transportant au milieu de ces démons précipités dont Satan est le roi, et qui, de loin, ont ouï parler confusément d’une nouvelle création, d’un nouvel être devenu le favori du Tout-Puissant.
Foucault y est gêné dans ses allures ; il ne peut procéder avec la même liberté que dans le Béarn ; il y a près de lui un nouveau converti, devenu lui-même ardent convertisseur, le marquis de Vérac, que Louvois a nommé lieutenant de roi du haut Poitou, et qui est en fréquent conflit d’autorité avec l’intendant. […] Foucault, tout en vieillissant dans cette douce intendance, avait un secret désir et quelque vague espoir de devenir ministre, surtout quand il vit son ami Chamillart contrôleur général, M. de Ponchartrain, un autre ami, étant chancelier.
L’écrivain pittoresque aurait même pu, dans un ou deux chapitres, nous livrer à l’état de rêve ou d’idéal rétrospectif sa reconstruction architecturale et morale, restitution imaginaire, mais devenue par là même plus plausible, puisqu’il n’aurait rien affirmé. […] Ne devenons jamais en littérature de ceux qui sont appelés dans ce roman les mangeurs de choses immondes.
Sérieusement, il me semble que les différentes positions qui sont à prendre dans la presse périodique et qui peuvent tenter des publicistes dignes de ce nom, commencent à être toutes occupées, et à l’être comme il convient, par des écrivains de réputation et de talent, lesquels, s’ils ne disent pas tout ce qu’ils voudraient, le font du moins très-bien entendre ; et il s’en faut d’assez peu que ce qui est réclamé par la plupart comme un droit ne devienne insensiblement et par usage un fait. […] Ceux qu’on appelait utopistes sont devenus pratiques, et on leur reconnaît généralement ce mérite.
» En deux mots voici l’histoire : le fils de Ménédème a fait comme bien des fils : il est devenu amoureux, et d’une jeune fille qui n’avait rien. […] de quoi y suffire, et jusqu’ici ça ne me ruine pas… » Le père adoptif, dans son entraînement, est devenu, on le voit, le frère et le compère de son fils ; il n’y a plus de distinction entre eux.
Le Rocher de Traben, qui en devint la base, faisait partie du territoire de Traerbach, et Louvois, le trouvant si fort à sa convenance, s’imagina aisément que c’était à nous. […] Noble cité qui n’a gardé de l’Allemagne que la science et la bonté, et devenue toute guerrière et toute française par le cœur !
Lorsqu’il sortit de l’École, en 1851, de grands changements pourtant, et qui étaient devenus nécessaires, s’accomplissaient ; mais on était passé, selon l’usage, d’un excès à l’autre ; on entrait en pleine réaction. […] A ce rude métier, il devint ce qu’il est surtout et au fond, un savant, l’homme d’une conception générale, d’un système exact, catégorique, enchaîné, qu’il applique à tout et qui le dirige jusque dans ses plus lointaines excursions littéraires.
Ces opinions, dans d’autres circonstances, ont pu se développer, devenir plus réfléchies ; mais je ne me rappelle pas en avoir jamais changé. » Malouet, en ces deux années d’études originales, faites aux sources, avait acquis la première étoffe, non-seulement du commissaire administrateur de Cayenne et de la Guyane, non-seulement de l’intendant de Toulon, mais celle du conseiller d’État qu’il fut depuis, du grand administrateur, créateur de l’arsenal d’Anvers, et du ministre de la marine. […] Parti pour Saint-Domingue en qualité de sous-commissaire, et bientôt ordonnateur au Cap, il se marie, il devient propriétaire ; il assiste pendant cinq années à l’exercice d’un système colonial dont il prévoit et dénonce les funestes conséquences.
On a bientôt fait de dire que Marius représentait le principe populaire, et Sylla l’élément patricien ; que le plébéianisme, depuis les Gracques, était généralement favorable à l’émancipation de l’Italie tout entière et à une égalité de droits à laquelle s’opposait le sénat ; que les Italiens s’armèrent pour conquérir par la force ce qu’on leur déniait avec iniquité ; que la guerre fut atroce et Rome plus d’une fois en danger ; que le patriciat, en triomphant même, en se relevant un moment par l’épée de Sylla, ne put guère faire autre chose que ce qu’aurait fait également l’autre parti s’il eût été victorieux, c’est-à-dire proclamer les concessions devenues inévitables et qui ne s’arrêtèrent pas là. […] La noblesse italiote, devenue cliente de Rome, ne fit longtemps de ses réclamations qu’une question personnelle, une affaire de faveur qui se menait par la corruption et l’intrigue.
Le grand crime, ou la suprême « besterie ». c’est « d’abâtardir les bons et nobles esprits », par une éducation qui comprime au lieu de développer : comme Gargantua d’abord, aux mains de maître Jobelin Bridé, était devenu gauche et lourd de son corps, et quoiqu’il étudiât très bien et y mit tout son temps, « toutefois en rien ne profitait ». […] L’égoïsme qu’il lâche en liberté est à peu près inoffensif, parce qu’il s’offre dans sa simplicité primitive, tout proche de la naturelle volonté d’être, parce qu’il est soustrait aux malignes complications que la société y introduit, parce qu’en un mot il reste égoïsme, et ne devient pas ambition ni intérêt.
« Si les enfants, dit-il, avaient les bras hors du maillot, l’exercice prématuré du toucher leur donnerait plus d’esprit. » L’usage de laisser aux nouveau-nés les bras libres est devenu général ; en avons-nous plus de gens d’esprit ? […] L’idée de Dieu se présente à Buffon en certains moments de clairvoyance supérieure ; mais elle disparaît avant d’être devenue un sentiment et une croyance.
Celles à qui, dans leurs rêves, il sourirait d’être mères, réfléchissent, en considérant, au miroir, leur teint pâle de chlorose, qu’elles courraient trop de risques à le devenir. […] La scission devient de plus en plus profonde et le déchirement définitif se produira au Congrès de la Haye (1872).
Avec plus d’étude, les écrivains apprendraient, par la connaissance du passé et par la comparaison, à mieux juger leur propre temps ; ils seraient moins hardis dans leurs tentatives, et, partant, dépenseraient moins de forces en pure perte ; ils développeraient leur sens critique d’autant plus utilement, que l’époque est passée où les grandes œuvres se produisaient inconsciemment, comme par l’effet de quelque mystérieux travail de la nature, et que la critique est devenue la meilleure source d’inspiration. […] La même différence se rencontre entre Homère et Dante, entre Sophocle et Shakespeare ; de plus en plus, l’art devient une confidence, celle d’une âme individuelle, qui, s’exprime et se rend visible tout entière à l’assemblée dispersée, indéfinie des autres âmes. » Mais M.
L’ordre des temps exige que nous examinions ici les rapports qui s’établirent entre les hommes de lettres et la société polie, lorsque ses progrès et les préférences que madame de Maintenon obtenait du roi sur ses maîtresses même, furent devenus très sensibles ; en d’autres mots, les nouveaux rapports qui s’établirent entre les mœurs devenues dominantes et la littérature.
Louis XI, qui est venu s’asseoir sur un escabeau, tout contre le paravent, rit aux éclats et lui dit de répéter, de parler haut, et qu’il commence à devenir un peu sourd. […] Le vice ignoble lui-même y devient colossal.
La Révolution, qui le surprit quand il avait vingt ans, coupa sa carrière : il était élève en médecine, il devint soldat ; il redevint élève après la Terreur, et suivit à Paris les cours de toute espèce qui signalèrent la renaissance confuse de cette époque de l’an iii. […] ce sont les défauts de Massillon qui deviennent ici les qualités de Pariset.
Quand Mazarin, pour remettre à la raison les anciens amis de la reine devenus trop importuns et trop importants, et qui revendiquaient le pouvoir comme une dépouille qui leur était due, eut fait arrêter le duc de Beaufort, tout le monde admira, chacun s’inclina. […] Le fils de Robert Walpole, Horace, prenant en main la défense de son père contre les ennemis qui l’avaient tant insulté, s’écriait un jour : Chesterfield, Pulteney et Bolingbroke, voilà les saints qui ont vilipendé mon père… voilà les patriotes qui ont combattu cet excellent homme, reconnu par tous les partis comme incapable de vengeance autant que ministre l’a jamais été, mais à qui son expérience de l’espèce humaine arracha un jour cette mémorable parole : « Que très peu d’hommes doivent devenir premiers ministres, car il ne convient pas qu’un trop grand nombre sachent combien les hommes sont méchants. » On pourrait appliquer cette parole à Mazarin lui-même, sauf le mot excellent homme qui suppose une sorte de cordialité, et qu’il ne méritait pas ; mais il est vrai de dire que c’étaient de singuliers juges d’honneur que les Montrésor, les Saint-Ibar, les Retz et tant d’autres, pour venir faire la leçon à Mazarin.
L’exemplaire va devenir précieux pour la Bibliothèque nationale, et à moi-même il m’a été très utile pour m’initier au secret de composition historique de M. de Lamartine. […] Une simple indication, fournie par les historiens ses devanciers, devient sous sa plume prestigieuse la matière et le thème du plus magnifique tableau.
En un style incorrect, tantôt emphatique et tantôt trivial, et encore à demi révolutionnaire, point ennuyeux ni fade cependant, il donnait plus d’un détail médiocrement honorable pour lui-même, mais nullement agréable pour l’ancien ami devenu son adversaire. […] Étienne, à ce libéralisme politique de la Restauration, dont il devint le champion le plus vulgairement distingué et l’un des plus populaires ; considérez la transformation habile et concertée, et ne vous en étonnez pas : mais, si quelqu’un rapprochait d’un peu trop près le nom de Molière et celui de M.
Une fiction, c’est toujours une partie de nous qui, aux mains de l’auteur, est devenue un personnage, une autre partie de nous qui est devenue un autre personnage, et ainsi de suite, et c’est encore le plus souvent par retour sur nous-mêmes que nous jugeons.
Le vœu subit entre les mains de l’archevêque Guibert une modification dans son principe même : de conditionnel il devint absolu, c’est-à-dire qu’il gardait toujours son caractère d’absolue remise en Dieu de tous les espoirs chrétiens, mais il perdait en même temps cette apparence de marchandage qu’il contenait au début. […] L’impression devenait alors comme d’une mer tourmentée, et, tandis qu’une rumeur profonde incessamment fluctuait, en un rythme d’océan, le regard se berçait sur les houles bleuâtres de cette marée de toitures où quelques façades débordantes moutonnaient comme des écumes.
Ses dernières années se passèrent dans l’étude, au sein de l’Académie des inscriptions dont il était membre assidu, ou au milieu d’une magnifique bibliothèque, qui, enrichie encore par son fils et depuis acquise au public, est devenue celle de l’Arsenal.
Cooper est allé se perfectionnant de jour en jour ; il a mieux connu son talent, à force de le mettre à l’œuvre ; sa manière, d‘abord timide et douteuse, est devenue plus ferme, plus large, plus originale ; il a osé avoir ses qualités et ses défauts propres ; en un mot, sans jamais cesser d’appartenir à la famille du romancier écossais, il a suivi sa route à part, et le colon s’est émancipé.
Par cette opération, faite avec tact, le langage prend une propriété rigoureuse, une précision énergique, sans devenir obscur ni âpre.
Dans une baraque où tout le monde entre pour vingt sous, elle devient tout bonnement un plaisir de collégiens vicieux, une excitation éhontée à la débauche.
Bref, la toilette féminine est devenue, essentiellement, expressive du sexe.
Je vous assure que leur moralité est fort supérieure à celle des chrétiens. » Il n’en est pas moins fâcheux que ces honnêtes gens, mus par le plus respectable des sentiments religieux, deviennent, à certains moments, de si surprenants massacreurs.
Il s’agit pour les parties éclairées du christianisme et de l’islam, d’arriver à cet état d’indifférence bienveillante où les croyances religieuses deviennent inoffensives.
Pour rester dans le domaine de la littérature, les grands hommes sont ceux qui apportent quelque chose de neuf et d’original ; ceux qui sont vraiment créateurs de formes, de sentiments, d’idées, de types, non encore réalisés ; ceux, comme dit le poète36, Dont les pas inventeurs ouvrirent les sentiers ; ceux ainsi qui devancent leurs contemporains, qui deviennent bientôt des modèles pour leurs admirateurs, qui sont le point de départ d’une longue vague d’imitation, précisément parce qu’ils ont été de puissants agents d’innovation.
Une circonstance déjà remarquée favorisa cette influence : à la tête du parti des mœurs était madame de Montausier, appelée à la cour de Louis XIV comme la représentante de la société des honnêtes femmes, avec laquelle le jeune monarque avait voulu se mettre en bonne intelligence, dont il voulait être l’allié, en attendant qu’il se sentit la force d’en devenir l’ami.
Il est vrai que les pensées du Chancelier d’Angleterre deviennent méconnoissables par la maniere étrange dont elles sont travesties : c’est un corps robuste duquel on n’a fait qu’un squelette, sans y laisser la moindre apparence de nerfs & de muscles ; tout y est en germe, tout y est si recondit & si obscur, qu’on peut regarder cette Interprétation comme beaucoup plus inintelligible que le texte.
Récemment la racine [mot en caractère grec] est venue donner naissance, d’abord à l’hippologie (qui n’est autre que la maréchalerie), puis à l’hippophagie ; les palefreniers sont devenus très probablement des hippobosques et enfin, ceci est plus certain, la colle faite avec la peau du cheval a pris le nom magnifique d’hippocolle.
Du reste, ces poëmes, divers par le sujet, mais inspirés par la même pensée, n’ont entre eux d’autre nœud qu’un fil, ce fil qui s’atténue quelquefois au point de devenir invisible, mais qui ne casse jamais, le grand fil mystérieux du labyrinthe humain, le Progrès.
Scioppius, le terrible Scioppius, surnommé le chien de la littérature, voulut aussi tenir le premier rang parmi ses confrères, & devenir l’Attila des auteurs.
Ceux-ci ne font qu’étonner l’esprit, au lieu que les autres deviennent pour un esprit philosophique un sujet d’étude.
Je ne sais ce que cet homme devient.
Je ne parle pas de celle qui dit son rosaire, qui fait de sa cour un couvent, et qui n’est pourtant pas une petite femme ; mais de celle qui donne des lois à son pays qui n’en avait point ; qui appelle autour d’elle les sciences et les arts, qui fonde les établissemens les plus utiles, qui a su se faire considérer dans toutes les cours de l’Europe, contenir les unes, dominer les autres, qui finira par amener le polonais fanatique à la tolérance ; qui aurait pu ouvrir la porte de son empire à cinquante mille polonais, et qui a mieux aimé avoir cinquante mille sujets en Pologne ; car vous le savez tout aussi bien que moi, mon ami, ces dissidens persécutés deviendront persécuteurs, lorsqu’ils seront les plus forts, et n’en seront pas moins alors protégés par les russes.
Nos voisins les italiens ont deux poemes épiques en leur langue, la Jerusalem délivrée du Tasse, et le Roland furieux de L’Arioste, qui, comme l’iliade et l’éneïde, sont devenus des livres de la bibliotheque du genre humain.
Il est donc devenu insensible au pathétique des vers et des tableaux, qui ne font plus sur lui le même effet qu’ils y faisoient autrefois, et qu’ils font encore sur les hommes de son âge.
La Pucelle devient de jour en jour plus méprisée, et chaque jour ajoute à la véneration avec laquelle nous regardons Polyeucte, Phedre, le Misantrope et l’art poëtique.
On devient grand general et grand orateur dès qu’on exerce ces professions avec le génie qui leur est propre, en quelque état qu’on puisse trouver l’art qui enseigne à les bien faire.
Le veau grandit et devint un taureau gros et gras.
Je vais te fournir les moyens de devenir vraiment riche. » Elle entre dans sa case et en ressort aussitôt : « Voici dit-elle le grigri que je t’ai promis ».
Le malentendu a pris de telles proportions que, dans ces dernières années, c’était devenu, chez les intelligences les plus averties, une habitude de soupçonner M.
Il était bien trop dégoûté pour attendre rien d’excellent même de ce qu’il aimait. « Lorsque, sous l’influence d’un mauvais régime, un organisme a contracté un vice qui l’atteint jusque dans ses éléments, ce régime lui devient presque nécessaire ; en tout cas, il ne faut pas songer à le modifier tout d’un coup. » Soyons tranquilles là-dessus !
Nous devenons, si nous n’y prenons garde, badauds comme des Byzantins.
Andrieux professa au collège de France, comme, depuis plusieurs années déjà, il professait à l’intérieur de l’École Polytechnique, et ses cours publics, fort suivis et fort aimés de la jeunesse, devinrent son occupation favorite, son bonheur et toute sa vie.
Il voulait, de plus, mettre cette passion en contraste et aux prises, à la fin, avec le calme de la religion, — de la religion qui, telle qu’il fallait peindre, devenait une nouveauté aussi, une résurrection et comme une découverte.
Et ainsi, toutes les impressions particulières que nous donnent les objets du monde physique, il les approfondit et les agrandit aussitôt par l’idée toujours présente que tout s’enchaîne et se tient dans le rêve ininterrompu de Maïa… Les frontières deviennent indistinctes entre les différentes formes de la vie — vie végétale, animale et humaine.
Et, par exemple, il est bien vrai que l’égalité des citoyens est inscrite dans nos lois, qu’il n’y a plus de castes et que, en théorie, tout est devenu accessible à tous.
Alfred Nettement Casimir Delavigne a su rarement se dégager de cet esprit voltairien ou philosophique qui est devenu le moule de son esprit, et ce moule étroit a étouffé en lui l’inspiration poétique dont il avait reçu le germe.
Et plus tard, dans le célèbre médaillon de David, vue de profil, — avec les mêmes traits, mais devenus si sérieux et si calmes, avec la grande paupière baissée, avec cette chevelure toujours courte qui s’arrange en masses, dignes de la statuaire, — comme à ce moment-là elle est épique et vraiment imposante !
Lutèce, qui n’était jusque-là qu’une banale gazette du Quartier Latin, devient ainsi l’organe officiel du Symbolisme naissant.
Selon la coutume romaine, le cadavre de Jésus aurait dû rester suspendu pour devenir la proie des oiseaux 1202.
Cette société ne le rebuta pourtant point : sa femme devint enceinte, une fois, deux fois, même trois fois, mais n’accoucha jamais que de productions informes.
L’exception que l’hôtel de Rambouillet faisait, depuis le commencement du siècle, aux mœurs dissolues, se soutint, s’étendit, passa en règle, devint exemple et autorité.
Celui qui imite un poëte romantique devient nécessairement un classique, puisqu’il imite.
Malgré cette précaution, à peine l’ouvrage est-il devenu public qu’il cause un scandale affreux.
Qu’est devenue cette redoutable cavalerie qu’on voit fondre sur l’ennemi avec la vitesse d’un aigle ?
J’ai voulu dire seulement que le théatre de Marcellus et les autres théatres magnifiques furent détruits ou devinrent inutiles par le dommage qu’ils avoient souffert, et que ces représentations somptueuses qu’on y donnoient cesserent, mais je n’ai pas prétendu dire que toute représentation de comédies ait cessée, au contraire, je crois que dans Rome et dans les autres grandes villes qui avoient essuïé les mêmes malheurs que cette capitale, on commença dès que les temps furent redevenus moins orageux, à joüer des pieces de théatres, mais sans l’appareil ancien.
« Sa vie passée dans le luxe, dit Bossuet, ne lui faisait point sentir la durée, tant elle coulait doucement17. » C’est le mot ordinaire ; mais si je veux, spontanément par trouvaille, ou volontairement par effort, si je veux donne ; à ce mot plus de hardiesse, l’accoupler à des pensées imprévues, ce simple verbe peut devenir admirable, la plume de Bossuet : « Laissez couler sur le prochain cet amour que vous avez pour vous-même18. » Et ailleurs « Dieu a tant d’amour pour les hommes et sa nature est si libérale qu’on peut dire qu’il semble qu’il se fasse quelque violence quand il retient pour un temps ses bienfaits et qu’il les empêche de couler sur nous avec une entière profusion19. » Et toujours de Bossuet dans cet ordre d’idées : « Les générations des hommes s’écoulent comme des torrents. » Encore une fois, ces trouvailles, ces images, ces transpositions de sens peuvent n’avoir pas coûté d’effort à Bossuet.
Victor Hugo est devenu un peintre en poésie ; Delacroix, toujours respectueux de son idéal, est souvent, à son insu, un poëte en peinture. […] J’ignore s’il peut devenir un franc coloriste, mais quelques parties de son tableau le font espérer. — Au premier aspect, l’on cherche dans sa mémoire quelle scène historique il peut représenter. […] Glaize croit qu’on devient coloriste par le choix exclusif de certains tons. […] Cela fait supposer que si on enlevait les vaches, le paysage deviendrait fort laid. […] Quand elle est devenue un art de salon ou de chambre à coucher, on voit apparaître les Caraïbes de la dentelle, comme M.
Les hymnes et les odes inspirées par la vapeur et la télégraphie électrique m’émeuvent médiocrement, et toutes ces périphrases didactiques, n’ayant rien de commun avec l’art, me démontreraient plutôt que les poètes deviennent d’heure en heure plus inutiles aux sociétés modernes. […] Si poète veut dire créateur, celui-là seul est un vrai poète qui donne à ses créations la diversité multiple de la vie, et devient, selon qu’il le veut, une Force impersonnelle. […] Quant à ceux qui s’enorgueillissent de n’être que de simples machines à vers, et dont l’ambition consiste à devenir quelque trompette publique, pendue à l’angle des rues, et dans laquelle soufflent le vent et la multitude, je les abandonne de grand cœur aux applaudissements de la critique. […] Les grands hommes de race homérique, Eschyle, Sophocle, Euripide, inaugurent bientôt, à l’éternel honneur de la Hellas, le règne des génies individuels ; Aristophane écrit ses comédies où la satire politique, sociale et littéraire, l’esprit le plus aigu, le plus souple, le plus original et souvent le plus cynique, s’illuminent de chœurs étincelants ; les purs lyriques abondent, et l’inspiration hellénique devient l’éducatrice du monde intellectuel latin. […] Cette langue si neuve, si riche et si précise, ces figures, ces péripéties dramatiques, ces noms ne sortiront plus de notre mémoire ; la vision du Poète est devenu la nôtre.
Entre l’homme actif et l’homme inerte, l’égalité de biens devient une injustice ; car l’un crée et l’autre dépense. […] Mais alors que devient la liberté ? […] Les hommes légers au commencement de l’action deviennent peu à peu sérieux, dévoués, tragiques comme la pensée qui les enveloppe et les élève dans son tourbillon.
CCXXIV Je ne sais pas combien durèrent tantôt ces entretiens, tantôt ces silences entre nous ; mais nos deux cœurs étaient devenus si légers depuis que nous les avions soulagés involontairement du secret de notre amour, que nous aurions marché au supplice la main dans la main, allègrement et sans sentir seulement la terre sous nos pieds ! […] Dieu, que deviendrions-nous si nous venions à nous perdre dans cet infini où tu me chercherais éternellement, comme dit l’histoire de Francesca de Rimini. […] Voilà pourtant, monsieur, ce que nous étions devenus en si peu de temps, et comment nous entrions dans la ville de Lucques.
Deschanel, et même ne l’est pas du tout, c’est que, dans une page fort intéressante, il essaye d’imaginer ce que deviendrait le même sujet traité dans la forme romantique : on assisterait aux expériences de Locuste, au banquet où Britannicus est empoisonné. […] Les pleurs de l’Aurore, c’est devenu bien banal ; mais ce ne l’a pas toujours été, et au moins cela s’entend. […] Sauf la complaisance satanique dans le péché, qui est chose de nos jours et peut-être factice, c’est déjà l’état d’âme décrit par un poète qui a bien connu certains sentiments bizarres : Tête à tête, sombre et limpide, Qu’un coeur devenu son miroir !
Celui que Mme Du Deffand et Grimm faisaient d’abord quelque difficulté d’admettre comme de la pure race des esprits français, l’était si naturellement devenu, qu’écrivant en 1807 de Tœplitz à son compatriote le prince d’Arenberg, l’ancien ami de Mirabeau, et lui parlant de M. de Talleyrand, qui venait d’arriver : « Jugez, disait-il, de son plaisir d’être reçu par moi, car il n’y a plus de Français au monde que lui, et vous et moi, qui ne le sommes pas. » Et il disait vrai en parlant ainsi. […] Il y en a un sur le choix des semences aux environs des parcs ; le prince suppose toujours qu’ils ne sont point enclos de murailles et que la vue s’étend à l’entour par des éclaircies bien ménagées : il soigne alors les nuances diverses des semences dans les plaines, et veut assortir « le petit vert du lin, le mêlé, le tacheté du sarrasin, le petit jaune du blé, le gros vert de l’orge, et bien d’autres espèces que, dit-il, il ne connaît pas encore », toutes ensemble faisant le fond du tableau et qui deviennent le plaisir des yeux.
Né vers 1224, Joinville ne mourut que vers 1317, à l’âge de quatre-vingt-quatorze ans environ, et il écrivit ou plutôt il dicta ses mémoires dans son extrême vieillesse, à cet âge où les impressions, quand elles ne deviennent pas décidément chagrines et moroses, font volontiers un retour aimable en arrière et se teignent encore une fois des couleurs de l’enfance. […] Si la figure de ce saint roi est devenue aussi reconnaissable et presque aussi populaire que celle de Henri IV, c’est à Joinville qu’on le doit.
Le mérite de Bourdaloue s’annonça dès l’enfance : « Il était naturel, plein de feu et de bonté, dit Mme de Pringy ; il suça la vertu avec le lait, et ne sortit de l’enfance que pour entrer dans les routes laborieuses du christianisme. » Il n’eut dans sa vie qu’une seule aventure et qui fut décisive, ce fut, si j’ose dire, l’aventure de piété qui devint le point de départ de sa carrière. […] Nous sommes devenus difficiles : le style purement judicieux nous rebute et nous ennuie, et Bourdaloue, en parlant, ne raffinait pas : il a l’expression claire, ferme, puisée dans la pleine acception de la langue ; il ne l’a jamais neuve (une ou deux fois il demande pardon d’employer les mots outrer, humaniser).
Son neveu, M. de Pomponne, le fils d’un des exilés et des patriarches de Port-Royal, allait devenir ministre de Louis XIV. […] Admettez que tous les Jésuites aient ressemblé à Bourdaloue pour la doctrine, ce qu’on a appelé jansénisme devenait inutile et n’avait plus de raison d’être.
N’allons pas cependant, passant d’un premier effroi à la superstition, et pour nous payer de notre peine, nous mettre à admirer des choses très simples et des plus ordinaires, uniquement parce qu’elles sont revêtues de ces formes devenues pour nous un peu étranges. […] On aurait à relever bien d’autres choses dans le journal de Casaubon ; on y apprend bien des particularités sur les hommes célèbres du temps avec lesquels il est en relation, et sur son beau-père Henri Estienne, devenu le plus bizarre des hommes en vieillissant, qui avait si bien commencé et qui a si mal fini, et sur Théodore de Bèze dont la vieillesse, au contraire, est merveilleuse ; et sur des personnages considérables de la Cour de France, le duc de Bouillon et d’autres ; mais le personnage intéressant, c’est lui-même, lui, à toutes les pages, nous faisant l’histoire de son âme : aussi, pour ceux qui aiment ce genre de littérature morale intime qui nous vient de saint Augustin, on peut dire qu’il existe maintenant un livre de confessions de plus.
Les rapports, toujours ambigus et pénibles, de M. de Lamennais avec l’autorité diocésaine avaient empiré dans les derniers temps, et il devenait convenable que la petite école se dispersât. […] Ces deux volumes qu’on donne aujourd’hui le feront vivre ; et par une juste compensation d’une destinée si cruellement tranchée, ce qui est épars, ce qui n’était écrit et noté que pour lui seul, ce qu’il n’a pas eu le temps de tresser et de transformer selon l’art, devient sa plus belle couronne, et qui ne se flétrira point, si je ne m’abuse 3.
Une des pensées les plus fausses de M. de Bonald, qui en a eu quelquefois de plus vraies, c’est « qu’un déiste est un homme qui, dans sa courte vie, n'a pas eu le temps de devenir athée. » Il y a, au contraire, chez le déiste sincère et convaincu, une impossibilité, une incapacité profonde d’entrer dans la manière de voir de l’athée, ou, pour mieux dire, du pur naturiste. […] Il faut le voir en présence de cette intelligente enfant qui devient peu à peu une personne ; comme il s’y prend bonnement et gentiment pour lui donner une idée du style, de la manière d’écrire et de lire !
A force de remuer les choses dans la pensée, elles changent de valeur et on éprouve cette lassitude de l’intelligence qui ne la fait se reposer que dans le paradoxe ; et il arrive que parfois le distingué vous devient si commun, l’esprit vous paraît si bête, et qu’enfin tout ce qu’on préconise vous est si peu, qu’on irait volontiers boire au cabaret avec des charbonniers pour trouver quelque distinction, — et qu’on y va plus ou moins. » Tantôt il y met plus de tendresse et un accent ému, éloquent, qui élève et passionne le regret : « Oh ! […] que j’aurais aimé à souffler sur ton front, entre deux baisers, cette puissance de tout voir sans éblouissement ; j’aurais voulu te faire regarder tout en face ; j’aurais surtout aimé à te voir sourire dédaigneusement au nez de tous ces valets de l’intelligence qui vont, la livrée au cerveau, servant chacun quelque chose à tout le monde, — Pierre une philosophie, — Paul un scepticisme, — celui-ci une croyance, celui-là un blason ; un autre ne portant rien, ou seulement portant des gants jaunes… Je t’aurais montré : Ceci est un maçon, ceci est un marquis, mais ceci est un homme… * « Nous aurions eu ensemble l’esprit de tout prendre et de laisser tout, même l’esprit, quand il serait devenu de trop entre nous.
Son faire devenait plus sûr et plus décisif en même temps que ses observations s’étendaient à d’autres travers encore qu’à ceux de la jeunesse. […] Il était devenu aussi un jardinier consommé ; comme ce vieillard de Virgile, il savait les expositions heureuses, les saisons propices, le terrain où se plaît le mieux chaque arbre, et le voisinage qui le contrarie.
Pourquoi un livre qui n’a été écrit qu’en vue d’une nation et dans un dessein tout particulier, tout local, devient-il, presque dès sa naissance, le livre des autres nations voisines et l’enfant adoptif de tout le monde ? […] Il attiédit la verve de Cervantes ; un comique large et franc devient partout mince et discret. » Il fait regretter l’ancien traducteur.
Dauban, devient pour nous un symptôme significatif de l’esprit du temps où l’ouvrage fut d’abord publié, est celle-ci. […] Lanthenas, apparemment comme le vulgaire, content de ce qu’il a lorsque d’autres n’obtiennent pas davantage, s’aperçut que je ne demeurais point insensible, en devint malheureux et jaloux ; rien ne rend si maussade et même injuste : je le sentis, et j’étais trop fière pour l’épargner : il s’éloigna d’autant plus furieux, imaginant le pis ; ses opinions même prirent une nouvelle teinte ; son cœur l’empêchait d’être féroce comme les montagnards, mais il ne voulut plus voir comme moi, et bien moins comme celui qu’il me voyait chérir ; il prétendit se mettre entre le Côté droit dont il blâmait les passions, et le Côté gauche dont il ne pouvait approuver les excès ; il fut moins que rien, et se fît mépriser des deux parts. » C’est bien dur et bien écrasant pour Lanthenas, qui avait souffert pour elle, qui ne s’éloignait qu’à cause d’elle, et qui était dans le vrai en étant jaloux.
Mais il est à remarquer qu’elle dit toujours cette nation, et jamais notre : elle n’était pas devenue, malgré tout son effort et son désir, partie intégrante de cette nation. […] « Il en devint jaune, vert, hideux.
Comme la question de l’écriture est devenue assez importante à cause des correspondances précoces qu’on a supposées de sa part, voici ce que l’abbé de Vermond disait dans la même lettre, quelques mois avant le départ de la jeune dauphine pour la France : « Mme l’archiduchesse parle aisément et assez passablement français. […] A un moment, l’abbé demande à M. de Mercy d’être relevé de sa résidence habituelle à la suite de la Cour ; il allègue ses ennuis, ses dégoûts, et paraît résolu à se retirer (14 août 1773) : « Je suis devenu inutile à Mme la dauphine.
Faute d’autres, elles se sont vidées de toute image et sont devenues simples. […] Il arrive que la métaphore, dans cette extension spontanée, teint de sa couleur tout un groupe d’idées : elle devient alors indépendante, elle se suffit à elle-même, et le sens propre des mots qui sont assemblés dans la phrase et dérivent tous de la même image, contente l’esprit, en dehors de toute réflexion sur le sens figuré.
C’est assez pour amasser dans un cœur une douleur sans nom, dont chaque goutte devient un torrent, et que font éclater tout à coup d’épouvantables aveux, capables de compromettre et de briser des existences chéries. […] Messieurs, les braves gens qui raisonnent ainsi oublient une chose qu’il est important de savoir : c’est que cette vie intime, ces redoutables secrets dont ils font tant de cas, sont, pour le prêtre qui en doit prendre connaissance, à leur centième, à leur millième et peut-être à leur dix millième édition, et qu’ainsi ils deviennent non plus la pâture de sa curiosité, mais d’une héroïque patience.
Giboyer, qui faisait peur, fait pitié ; cette âme difforme devient presque belle ; on sait gré au poète d’avoir jeté un sentiment pur dans ce tas de boue. […] Dès qu’elle est un privilège, la polémique devient un abus.
Quoiqu’il ne soit pas de ces écrivains destinés jamais à devenir populaires, la publication première de ses deux volumes de Pensées et de Lettres, en 1842, a suffi pour le classer, dès l’abord, dans l’estime des connaisseurs et des juges ; il ne s’agit que d’étendre un peu le cercle de ses lecteurs aujourd’hui. […] Il devient réellement insupportable de converser avec des hommes qui n’ont, dans le cerveau, que des cases où tout est pris, et où rien d’extérieur ne peut entrer.
… Mais le fils d’un esclave ne peut valoir grand-chose, quand même son père serait devenu roi… Quand tu planterais dans le jardin du paradis un arbre dont l’espèce est amère, quand tu en arroserais les racines, au temps où elles ont besoin d’eau, avec du miel pur puisé dans le ruisseau du paradis, à la fin il montrera sa nature et portera un fruit amer. […] Quand il eut atteint l’âge de dix ans, personne dans son pays n’osait lutter contre lui. » Il se distinguait, à première vue, de tous les Turcs d’alentour ; il devenait manifeste qu’il était issu d’une autre race.
Par exemple, ces ameublements riches et bizarres, où il entassait au gré de son imagination les chefs-d’œuvre de vingt pays et de vingt époques, devenaient une réalité après coup ; on copiait avec exactitude ce qui nous semblait à nous un rêve d’artiste millionnaire ; on se meublait à la Balzac. […] La physiologie et l’hygiène d’un écrivain sont devenues un des chapitres indispensables dans l’analyse qu’on fait de son talent.
Il n’était question d’abord que de m’exercer à la lecture par des livres amusants ; mais bientôt l’intérêt devint si vif, que nous lisions tour à tour sans relâche, et passions les nuits à cette occupation. […] — Nous venons là de reconnaître la première forme des pensées et presque des phrases de René, de ces paroles devenues déjà une musique et qui chantent encore à nos oreilles : Mon humeur était impétueuse, mon caractère inégal.
Le marquis de Vauvenargues, né en 1715 et mort en 1747, issu d’une noble famille de Provence, entra de bonne heure au service et devint capitaine dans le régiment du Roi. […] Lui, si épris de la gloire de l’action, et qui se sentait une capacité innée pour la guerre ou pour les affaires, il paraît avoir eu besoin de quelque raisonnement pour s’en détourner et pour s’acheminer ainsi à devenir auteur.
Qu’on y voie la grotte où ce grand homme vécut abandonné des Grecs qu’il avait servis, son pot de bois, … l’arc et les flèches d’Hercule… Et il compose ainsi tout un effet moral qui gagne à un certain éloignement et devient plus auguste à distance, « parce que faire du bien aux hommes, dit-il, et n’être plus à leur portée, est une ressemblance avec la Divinité ». […] Il avait amené avec lui un chien qui devint malade.
Une pensée plus haute le préoccupait : il amena ses parents, et son père en particulier qui résistait, à permettre qu’il embrassât l’état ecclésiastique, et qu’il devînt le bras droit et le prévôt de l’évêque de Genève, alors résidant à Annecy. […] Ces âmes fines, qui ont reçu en don le maniement des cœurs, auraient peu à faire pour devenir de parfaits instruments de politique ; ce qu’on peut leur demander, c’est de ne jamais se servir de leur science qu’à bonne fin, et c’est ce que fit saint François de Sales en toute sa vie.
Qu’elle devient discrète, la vieille rime tyrannique qui faisait sonner son bâton sur les dalles comme un suisse de cathédrale ! […] Note sur un vers libre latin Vers le neuvième siècle, en même temps que le vers latin, de mélodique, se faisait syllabique, la prose oratoire subissait la même transformation, les syllabes aiguës étant devenues les syllabes fortes.
Non, certes, en valeur intrinsèque, il est ce qu’il était, mais en puissance efficace, il agit où il n’agissait pas ; les âmes lui deviennent sujettes pour le bien. […] Or, le besoin de lire étant une traînée de poudre, une fois allumé il ne s’arrêtera plus, et, ceci combiné avec la simplification du travail matériel par les machines et l’augmentation du loisir de l’homme, le corps moins fatigué laissant l’intelligence plus libre, de vastes appétits de pensée s’éveilleront dans tous les cerveaux ; l’insatiable soif de connaître et de méditer deviendra de plus en plus la préoccupation humaine ; les lieux bas seront désertés pour les lieux hauts, ascension naturelle de toute intelligence grandissante ; on quittera Faublas et on lira l’Orestie ; là on goûtera au grand, et, une fois qu’on y aura goûté, on ne s’en rassasiera plus ; on dévorera le beau, parce que la délicatesse des esprits augmente en proportion de leur force ; et un jour viendra où, le plein de la civilisation se faisant, ces sommets presque déserts pendant des siècles, et hantés seulement par l’élite, Lucrèce, Dante, Shakespeare, seront couverts d’âmes venant chercher leur nourriture sur les cimes.
Tu ne me réponds pas. écoute-moi donc, car je vais tâcher de t’expliquer comment les anciens, qui n’avoient pas d’antiques, s’y sont pris, comment tu es devenu ce que tu es, et la raison d’une routine bonne ou mauvaise que tu suis sans en avoir jamais recherché l’origine. […] Dites que, s’il arrivoit qu’un petit service qui vous est rendu par l’amitié devînt pour moi la source de quelque grand chagrin, vous ne vous en consoleriez jamais.
Après l’Unité spirituelle, il écrivit le livre de la Douleur, un livre de mysticité tendre comme les Saints en auraient écrit un avant que leur sang fût devenu lumineux et quand il fait mal en coulant encore. […] , épouvanté de ne pas trouver le mot de ce monde, qui, s’il n’est pas tombé, n’est plus que l’œuvre d’un diable devenu fou, — comme disait Byron, — c’est-à-dire une absurdité, finit pourtant par accepter.
Mais cette survie ne sera heureuse que s’il devient un homme de devoir, que s’il dompte l’instinct le plus fort qu’il y ait chez nous tous, l’égoïsme. […] Jeudi saint. — La canonnade devient violente.
Les livres un moment célèbres de Thomas Paine, de Godwin, de Mistress Macaulay, en sont la preuve : et cette exagération des publicistes devenait aussi celle des poëtes. […] Un simple prélude qu’on lui avait demandé, pour une quête en faveur de missions évangéliques, devient un hymne sur la future conversion du monde : « Des montagnes glacées du Groënland, des rivages de corail de l’Inde jusqu’aux lieux de l’Afrique, où des sources brûlantes roulent leur sable d’or, de la rive des fleuves, du fond des plaines ombreuses, les hommes nous appellent pour les délivrer d’esclavage.
Après avoir reçu le livre, il écrivait à Mme d’Albany, le 14 octobre 1816, — et cette lettre est devenue désormais le jugement et le commentaire inséparables d’Adolphe : … J’ai profité du retard pour lire deux fois Adolphe ; vous trouverez que c’est beaucoup pour un ouvrage dont vous faites assez peu de cas, et dans lequel, à la vérité, on ne prend d’intérêt bien vif à personne.
Jamais il ne s’appliqua tant qu’en ces années la devise du peintre antique, qui est devenue tout à fait, de nos jours, celle des nouvellistes et des correspondants des journaux français à l’étranger : Nulla dies sine linea.
Quelques obscurités pourtant sont dues uniquement à des inadvertances typographiques, qui deviennent si communes dans les publications le plus en vogue, et dont les éditeurs font trop bon marché, au détriment des lecteurs et de l’auteur.
André Chénier, comme nous l’avons dit, s’il eût survécu à la Terreur, serait devenu un chantre des émotions publiques, et ses idylles à la Théocrite, ses élégies éperdument amoureuses, ses Camille et ses Lycoris se fussent voilées ; les soupers de Barras eussent guéri cette muse des molles orgies d’autrefois.
Nous en sommes donc, en 1830, à la tolérance religieuse la plus absolue ; la philosophie, qui naguère était hostile aux cultes, est plutôt devenue bienveillante, et l’indifférence un peu matérielle, dont la société souffre depuis plusieurs années, commence à céder à des besoins de moralité plus épurée et de solutions supérieures.
Sans doute cette faculté puissante et féconde, à laquelle nous devons tant de nobles jouissances, tant d’heures d’une émotion pure, tant de créations merveilleuses qui sont devenues une portion de nous-mêmes et de nos souvenirs, sans doute cette belle faculté commençait à faiblir sensiblement ; on n’osait plus en attendre des chefs-d’œuvre comparables aux anciens ; on craignait même de la voir se complaire dans une postérité de plus en plus débile, comme il arrive aux plus grands hommes en déclinant comme le bon Corneille ne sut pas assez l’éviter dans sa vieillesse.
Et que deviendrait la mince action de la pièce sans cela ?
La Diana, organisée comme elle va l’être, et d’après le plan indiqué, méritera de devenir une société modèle.
Évitons surtout, par des préceptes ou des exemples en apparence élémentaires, d’offrir à, leur mémoire des formules et des types, qui deviendraient, dans l’application, des ficelles et des recettes.
Le jour où, acculé contre une petite porte de l’Hôtel-de-Ville, monté sur une chaise de paille, visé par des canons de fusils, la pointe des sabres lui piquant les mains et le forçant à relever le menton, gesticulant d’un bras tandis que de l’autre il serrait sur sa poitrine un homme du peuple, un loqueteux qui fondait en larmes le jour où, tenant seul tête à la populace aveugle et irrésistible comme un élément, il l’arrêta — avec des mots — et fit tomber le drapeau rouge des mains de l’émeute la fable d’Orphée devint une réalité, et Lamartine fut aussi grand qu’il ait jamais été donné à un homme de l’être en ses jours périssables.
L’enseignement religieux devient souvent, ici, d’un illogisme charmant, l’institution même de la noblesse et jusqu’à ses préjugés d’honneur allant contre l’esprit de l’Évangile.
Bien qu’il devienne peu à peu célèbre dans le monde supérieur de l’art littéraire, ses livres : Les Lèvres closes, la Messe du vaincu, les Amants, Poèmes et poésies… sont peu connus de la foule, — et je suis sûr qu’il n’en souffre pas.
Comme nous, nous disons : « 1857, l’année de Bovary, des Fleurs du mal, des Poésies barbares, de Fanny », on dira seulement, mais c’est quelque chose : « 1893, l’année des Trophées », et dans un tiers de siècle, j’espère, les nouveaux me permettront de mentir un peu sur ce 1893 et sur cette apparition des Trophées, avec la grâce délicate que les jeunes gens ont tant raison de garder au bon chroniqueur devenu mûr et qui se souvient tout haut.
D’aucuns préfèrent ses premiers vers, un peu dépourvus pourtant de la véritable angoisse humaine, aux chants plus larges, mais âpres et trop frustes, où il s’essaie à devenir le chantre de la Terre.
La Dame à la Faulx besogne éternellement parmi les œuvres, les peuples, les hommes et les vœux des races, afin de faciliter la tâche des devins.
Mais si on lui confie de plus amples sujets, il devient impayable.
Personne ne voulut céder, et on lutta à qui se moquerait le mieux ; les reparties devinrent plus aigres ; aux plaisanteries succédèrent les cris et les huées : ce fut une vraie bataille.
On a été conduit ainsi à les regarder comme des vérités expérimentales ; la conception des forces centrales devenait alors un soutien inutile, ou plutôt une gêne, puisqu’elle faisait participer les principes de son caractère hypothétique.
Il est vrai que ceux qui jouissent de la faculté de voir, ne peuvent concevoir une chose étendue sans la concevoir colorée ; ils joignent par association aux qualités tactiles les qualités visuelles, qui même deviennent prédominantes.
La maison de la comtesse de Soissons, devenue bientôt célèbre par ses intrigues galantes, réunit les autres nièces du cardinal et fut ouverte à tous les grands.
Il était sage conseiller du roi quand il lui montrait ses flatteurs à La Cour du Lion, leur lâcheté envers Le Lion devenu vieux, leur bassesse dans Les Animaux malades de la peste ; le danger des maîtresses dans Le Lion amoureux ; l’esprit des courtisans, les uns à l’égard des autres, dans Le Lion, le Loup et le Renard ; le danger des petits ennemis dans Le Moucheron et le Lion ; la dissimulation des gens prudents à la cour des rois méchants, dans La Cour du Lion.
Mais rentré à Athènes, retrempé dans son air énergique et libre, le petit satrape devint un grand citoyen.
Il résulte de tout cela que l’Orient, soit comme image, soit comme pensée, est devenu, pour les intelligences autant que pour les imaginations, une sorte de préoccupation générale à laquelle l’auteur de ce livre a obéi peut-être à son insu.
Sous ces grands maîtres d’éloquence, il le devint bientôt lui-même ; &, dès l’âge de dix-sept ans, il plaida contre ses tuteurs, & les fit condamner à lui payer trente talens qu’il eut la générosité de leur remettre.
Pour peu que Saint-Gelais & Ronsard eussent voulu souffler ces restes de feu de discorde, il seroit devenu plus violent que jamais.
Uranie ne le vit qu’après moi ; & tout chaud qu’il étoit, immédiatement après sa production, je le portai au bonhomme M. de Malherbe. » Balzac, après avoir dit que Malherbe en devint jaloux, ajoute : « Je m’intéressai, avec chaleur, à ce qui regardoit la gloire de mon ami.
Sa diction devint moins élégante & moins correcte, à mesure qu’il vieillissoit à Bruxelles.
Un livre de cette nature ne devient tout ce qu’il peut être qu’à force de longueur de temps ; — et surtout qu’avec l’indulgence, et avec la collaboration du public.
Il fallait s’arrêter à ces deux vers faits pour devenir proverbe.
On apprécie les incertitudes ; on calcule les chances ; on fait sa part et celle du sort ; et c’est en ce sens que les mathématiques deviennent une science usuelle, une règle de la vie, une balance universelle ; et qu’Euclide, qui m’apprend à comparer les avantages et les désavantages d’une action, est encore un maître de morale.
Le heros devient un capitan.
Vous devenez exigeant sur la mise des auteurs.
L’assemblée devint permanente.
Avec Nicolas, cette tentation devient très forte.
Ils deviendraient des messieurs, des citoyens.
Il est nécessaire, sans doute, et l’ordre de la société, fondé sur la politique et sur les lois, demande que ces distinctions subsistent pendant la vie ; mais des cendres renfermées dans des tombeaux, deviennent égales.
La cape est devenue oripeau, le panache est défraîchi ! […] Nous prîmes des rues à côté, où les murs se rapprochaient, où la lumière devenait faible. […] Il est possible que la gloire de ce poète devienne enviable, mais sa vie est empoisonnée à jamais. […] Tout autour, les pentes des monts deviennent presque arides. […] Lorsqu’il récite ses vers, sa voix devient émouvante extraordinairement.
Ce n’est pas uniquement la forme, le style qui devient chaque jour plus national chez les bons écrivains, c’est le fond et l’esprit de leurs productions. […] Après avoir circulé aux mains de tout le monde, les livres de chevalerie devinrent un objet de curiosité. […] Diderot écrivit la Religieuse en feignant que ce fussent les mémoires d’une jeune fille, obligée par sa famille à devenir religieuse sans vocation, et qui, après mille luttes, s’échappe du cloître. […] En juste châtiment de ce défaut, ses romans tendent à devenir sinon aussi fanés que ceux de Chateaubriand et de Lamartine, du moins un peu anémiques. […] Pour la nation anglaise, le roman est devenu un article de première nécessité et de consommation quotidienne, comme le bifteck qui répare ses forces, comme le charbon dont la chaleur tempère ses journées glaciales et réjouit ses longues nuits.
Quand l’abbé Nadal publia, en 1700, les Œuvres posthumes du chevalier, les choses étaient devenues autrement manifestes, et l’humble Esther siégeait sous le dais. […] Aussi la vraie honnêteté est indépendante de la fortune ; comme elle s’en passe au besoin, elle ne s’y arrête pas chez les autres ; elle n’est dépaysée nulle part : « Un honnête homme de grande vue est si peu sujet aux préventions que, si un Indien d’un rare mérite venoit à la cour de France et qu’il se pût expliquer, il ne perdroit pas auprès de lui le moindre de ses avantages ; car, sitôt que la vérité se montre, un esprit raisonnable se plaît à la reconnoître, et sans balancer. » Mais ici il devient évident que la vue du chevalier s’agrandit, qu’il est sorti de l’empire de la mode ; son savoir-vivre s’élève jusqu’à n’être qu’une forme du bene beateque vivere des sages ; son honnêteté n’est plus que la philosophie même, revêtue de tous ses charmes, et il a le droit de s’écrier : « Je ne comprends rien sous le ciel au-dessus de l’honnêteté : c’est la quintessence de toutes les vertus. » Vous êtes-vous jamais demandé quelle nuance précise il y a entre l’honnête homme et le galant homme ? […] Cependant j’en devins, en moins de deux heures, si ardemment amoureux, que je fus toute la nuit sans dormir. […] Pour se rendre compte de la grande réputation du personnage, et, en général, pour s’expliquer ces hommes qui laissent après eux des témoignages d’eux-mêmes si inférieurs à la vogue dont ils ont joui, il faut se dire que les contemporains, surtout, dans la société, s’attachent bien plus à la personne qu’aux œuvres du talent ; là où ils voient une source vive, volontiers ils l’adorent, tandis que la postérité, qui ne juge que par les effets, veut absolument, pour en faire cas, que la source soit devenue un grand fleuve.
L’honneur de Richelieu est de l’avoir senti avec une énergie ardente et un indomptable génie d’exécution : le malheur de Rohan, celui de sa position, est de n’avoir pu le sentir, d’avoir été l’allié naturel et comme nécessaire de l’étranger, de quiconque était alors l’ennemi de la patrie, d’avoir continué de penser là-dessus comme un seigneur féodal en retard, devenu républicain par rencontre, et qui, en vue d’une conviction religieuse particulière, usait de tous les moyens de défense, sans se douter de ce qu’il allait choquer au sein de cet autre sentiment moral et religieux aussi, de ce sentiment patriotique, tout à l’heure universel. […] Voilà comme cette pauvre ville, qui fut autrefois la retraite et les délices du roi Henri IV, est devenue depuis l’ire et la gloire de son fils Louis XIII.
C’est ce qui lui est arrivé en dernier lieu pour le roman intitulé Le Val funeste, qui, on l’a dit plaisamment, est devenu pour lui Le Vol funeste. […] Une fois faufilé dans le grand monde, et la Révolution aidant, avec de l’audace et de l’esprit il devint ce qu’on l’a vu.
Mme de Boufflers s’était liée avec Jean-Jacques dès le commencement de son séjour à Montmorency (1759) et en même temps que la maréchale de Luxembourg : il devint aussitôt l’objet de tous leurs égards et de tous leurs soins ; le prince de Conti, à la suggestion de ces dames, alla même faire deux fois visite à Rousseau, et il choisit un moment où M. et Mme de Luxembourg n’étaient pas à Montmorency, afin de bien marquer que ce n’était pas une visite de ricochet et qu’elle était toute à l’intention de l’illustre solitaire. […] Il veut bien reconnaître toutefois, dans ses Confessions, que ce grossier remercîment en retour d’une bonne grâce fut de sa part une sottise ; mais il ajoute aussitôt, toujours en ayant l’air de passer condamnation sur ses sottises, sauf à les recommencer dans un autre sens : « Si je ne fis pas celle de devenir son rival, il s’en fallut peu ; car alors Mme de Boufflers était encore sa maîtresse, et je n’en savais rien.
C’est toujours un profit que d’aimer, et, s’il faut aimer une nation, je ne vois pas laquelle on préférerait aux Français. » Se retrouvant à Paris en 1815, il prend fait et cause pour l’essai constitutionnel des Cent-Jours, se fait, en pur volontaire, le second de Benjamin Constant, devient un champion officieux du gouvernement dans le Moniteur, et, sur ce point brûlant du libéralisme impérial, se sépare avec éclat de ses autres amis politiques. […] Elle lui dit : « Qu’elle avait écrit, il est vrai, qu’il fallait se roidir contre l’opinion publique, mais non pas contre celle de ses parents ; que, d’après ce qu’on lui avait raconté, la demoiselle qu’il recherchait n’ajouterait par sa famille aucun lustre à la sienne, mais au contraire qu’elle ne lui apporterait aucune fortune et le mettrait dans la dépendance ; qu’elle regardait bien toutes ces distinctions de famille à Genève comme très-ridicules et de fort peu de poids ; mais que cependant elles en acquéraient davantage lorsque l’alliance que l’on contractait pouvait ouvrir ou fermer la porte de la meilleure compagnie et faire tourner la balance ; qu’il devait considérer la nature de son attachement et la personne qu’il aimait ; que si elle était telle qu’il crût réellement impossible de la remplacer, pour l’esprit et le caractère, par une autre qui lui fût égale, alors cette considération pouvait devenir la plus puissante de toutes ; mais, que s’il n’avait pas ce sentiment, il fallait peser toutes les autres convenances. » « J’ai répondu, poursuit Sismondi, que je jugeais en amant et que je ne pouvais éviter de voir cet accord parfait. — Elle a répliqué qu’un homme d’esprit, de quelque passion qu’il fût animé, conservait encore un sens interne qui jugeait sa conduite ; que toutes les fois qu’elle avait aimé, elle avait senti en elle deux êtres dont l’un se moquait de l’autre. — J’ai ri, mais j’ai senti que cela était vrai… » C’est là de la bonne foi, et c’est cette entière bonne foi, cette disposition naïve, italienne ou allemande comme on voudra l’appeler, mais à coup sûr peu française, qui, jointe à un grand sens et aux meilleurs sentiments, est faite pour charmer dans le Journal et dans la correspondance de Sismondi. — Et comment finit le roman d’amour ?
« L’ingénieuse absence avait agi sans nous et pour nous. » Un jour donc, Dominique se laisse aller à ouvrir son cœur et à livrer le secret de sa jeunesse à son nouvel ami, devenu son hôte au château des Trembles, — c’est ainsi qu’on nomme sa maison de famille ; — et cet ami, à son tour, nous fait part de la confidence. […] Je ne suis plus tout à fait juge ; il faut être jeune pour se bien mettre au point de vue de tels livres, quand ils sont, comme celui-ci, tout de sentiment : chaque lecteur alors ajoute, retranche, rêve à son gré, et devient proprement collaborateur dans sa lecture.
« Dulcissima rerum » (page 252), pour « Dulcissime rerum… » ; « Quod spero et placeo » (p. 87), pour « Quod spiro »… Le « in publica commoda peccem » est devenu « in publico commodo »… (p. 186). […] Lorsque ma fortune a été un peu arrangée, et que les passions ont commencé à se ralentir chez moi, ce qui est arrivé de bonne heure, n’étant pas né très fort, c’est dans ce temps-là que j’ai cherché dans mon cabinet des ressources contre l’ennui. » A un moment, un peu tard comme Béranger, à trente-huit ans seulement, il trouva sa veine ; il fit sa première comédie, La Vérité dans le vin, la meilleure qu’il ait jamais faite (1747), et il devint le divertisseur en vogue du comte de Clermont, et surtout du duc de Chartres, bientôt duc d’Orléans.
Marie-Thérèse, qui se contente d’abord, après un espoir si longtemps stérile, de voir la jeune reine déguignonnée, dût-elle n’avoir la première fois qu’une fille, finit cependant par s’insurger ; elle demande à cor et à cri un garçon, un dauphin : « J’étais indiscrète, mais à la longue je deviendrai importune… il nous faut un dauphin… il nous faut absolument un dauphin (juin 1780). » Après dix ans d’attente, ce n’était pas trop. […] Il a même eu quelque temps la réputation d’esprit, qu’il a perdue par quelqu’une de ses lettres qui ont paru dans le public et qui étaient peu honnêtes et très-maladroites. (12 novembre 1775.) » Cette réputation d’esprit qu’on avait refaite à Louis XVIII devenu roi fut également compromise aux yeux de tous par la publication de ce pitoyable Voyage à Bruxelles et à Coblentz.
Je crois que M. de Chateaubriand devient un peu pesant pour lui, et on ne voit pas les efforts qu’il prétend faire pour les personnes qui lui sont dévouées. […] L’ancien ministre de la guerre, le Dupont de Baylen, et qui était devenu métromane dans l’adversité.
Quand on a soi-même des portions de l’artiste, qu’on l’a été un moment, ou du moins qu’on a désiré de le devenir à quelque degré, la vigilance sur les créations naissantes est extrême ; le clin d’œil est rapide et peu trompeur ; on reconnaît avec un instinct vif, presque jaloux, ces lumières qui pointent à l’horizon et vont à mesure éteindre les anciennes. […] C’est de là que vient ce titre la Coupe et les Lèvres ; il y avait chez les Grecs un vers devenu proverbe : Πολλὰ μεταξὺ πέλει ϰύλιϰος ϰαὶ χεὶλεος ἄϰρου, Multa cadunt inter calicem supremaque labra : ce que nos bons aieux traduisaient bourgeoisement : « Entre la bouche et la cuiller il arrive souvent du détourbier. » Et le vieux Caton en son temps disait de même : « Inter os et offam, » entre la bouche et le morceau.
Enfin, si on calcule par la pensée l’incalculable ondulation de ces vagues succédant aux vagues qui battent depuis le commencement du monde de leur flux et de leur reflux les falaises dont les granits pulvérisés sont devenus un sable impalpable à ces frôlements de l’eau, on s’égare dans la supputation des siècles et on a quelque sentiment de l’étendue. — Émotion ! […] Le jeune homme ne tarda pas à devenir prêtre, resta à Paris, et fut employé, pendant trois ans, à expliquer les mystères aux enfants du peuple, les jours de fête et les dimanches, dans la sacristie de l’église Saint-Sulpice.
Ce qui amène deux conséquences : la littérature devient l’expression de la vérité ; il faut donc qu’elle soit sincère et objective. […] Il établit des aciéries à Ousonne-sur-Loire, puis à Châtillon-sur-Loire, dont il devint gouverneur.
Une partie de son livre est devenue banale, en s’inscrivant dans les faits. Une autre est devenue fausse, démentie par les faits.
Sa maison est devenue la sienne ; elle s’est faite la mère de sa fille et la fiancée à son fils. […] Souvent ce jeune homme leur venait en aide : bientôt Jeannine est devenue sa maîtresse.
Un de ceux qui l’accompagnaient et qui fut de ses secrétaires, un des écrivains les plus estimables de ce temps, Alain Chartier, a exprimé énergiquement cet état de détresse, pendant lequel il n’y avait plus pour un homme de bien et d’étude un seul lieu de paix ni de refuge dans tout le pays, hors derrière les murailles de quelques cités ; car « des champs, on n’en pouvait entendre parler sans effroi », et toute la campagne semblait devenue comme une mer où il ne règne d’autre droit que celui du fait, et « où chacun n’a de seigneurie qu’à proportion qu’il a de force ». […] Mais ces juges, comme tous les pharisiens du monde, comme ceux qui condamnèrent Socrate, comme ceux qui condamnèrent Jésus, ne savaient pas bien au fond ce qu’ils faisaient, et leur procès-verbal authentique et paraphé devient la page immortelle et vengeresse, l’Évangile de la victime.
S’il se trompe et s’abuse en faisant de lui une manière de dernier grand seigneur féodal, en le donnant comme issu du plus noble sang et, au moins par les femmes, de la lignée de Charlemagne, cette illusion devient un principe de générosité et de vertu. […] Mais, ici, l’Hippocrate ne sait pas garder son sang-froid ; il laisse échapper la joie qu’il y prend et à quel point sa curiosité se délecte ; il s’écrie, en présence de cette multitude de sujets de son observation : La promptitude des yeux à voler partout en sondant les âmes à la faveur de ce premier trouble de surprise et de dérangement subit, la combinaison de tout ce qu’on y remarque, l’étonnement de ne pas trouver ce qu’on avait cru de quelques-uns, faute de cœur ou d’assez d’esprit en eux, et plus en d’autres qu’on n’avait pensé, tout cet amas d’objets vifs et de choses si importantes forme un plaisir à qui le sait prendre, qui, tout peu solide qu’il devient, est un des plus grands dont on puisse jouir dans une cour.
Ayant reconnu « que cette liberté, cette douceur, et pour ainsi dire cette facilité de la monarchie, avait passé les justes bornes durant sa minorité et dans les troubles de l’État, et qu’elle était devenue licence, confusion, désordre », il crut devoir retrancher de cet excès en s’attachant toutefois à conserver à la monarchie son caractère humain et affectueux, à maintenir auprès de lui les personnes de qualité dans une familiarité honnête, et à rester en communication avec les peuples par des plaisirs et des spectacles conformes à leur génie. […] La condition des rois héréditaires allait devenir de plus en plus pareille à celle des fondateurs d’empires : il fallait presque, pour conserver désormais, le même génie et le même courage que pour créer et pour acquérir.
Dans sa Pétition pour des villageois, qui est une pièce des plus achevées, il se pose tout à fait en vieux soldat laboureur, devenu bûcheron et vigneron, ami de la vieille gloire nationale ; et, quand ce jeune curé d’Azay ou de Fondettes, sorti du séminaire de Tours où il a été élevé par un frère Picpus, interdit la danse sur la place de l’endroit, Courier s’écrie : Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour le plus simple amusement, leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. […] Cette dernière partie de la déposition de Frémont, devenu à son tour accusateur, ne fut point admise, et celui des frères Dubois qui survivait fut acquitté par le jury à égalité de voix (14 juin 1830).
L’espace même, où nous nous figurons le mouvement, est un mode de représentation qui tient probablement à l’organisation de notre cerveau ; les lois du mouvement sont des successions uniformes qui tiennent peut-être à ce que tout devient successif et uniforme dans notre conscience, si bien que nous ne pouvons rien concevoir en dehors de ce cadre imposé aux choses par notre cerveau. […] La volonté, répandue partout dans l’univers, n’a besoin que de se réfléchir progressivement sur soi et, par cela même, d’acquérir une plus grande intensité de conscience pour devenir en nous sentiment et pensée.
Nous avons tout à l’heure rappelé un mot devenu fameux : l’Art pour l’Art. […] S’il connaît le monde une fois, de dupe il devient fripon. » — … — « La sainte liberté de la presse, quelle utilité, quels fruits, quel avantage vous offre-t-elle ?
Admirateur des Grecs & des Romains, il en devint l’heureux interprête. […] Sur ce pied là, il faut désormais que nos Prédicateurs deviennent étiques ; il ne leur sera plus permis de se bien porter ; la jaunisse & la maigreur seront deux parties essentielles dans l’éloquence sacrée ; & voilà ce que personne n’avoit enseigné jusqu’à présent.”
mais devenu cardinal, mais premier ministre de France sous Monseigneur le Régent ! […] L’intérêt se concentre donc exclusivement sur Saint-Simon, le Saint-Simon double qui apparaît comme un autre Saint-Simon aujourd’hui, et qui devient pour l’histoire quelque chose comme un problème.
Et l’eussent-ils déclaré eux-mêmes avec une netteté souveraine, serait-ce encore une raison, parce qu’ils seraient devenus catholiques du xiie siècle en étudiant le catholicisme dans ses hommes et dans ses institutions, pour déduire d’une préoccupation individuelle, engendrée par l’étude, quelque chose qui pût ressembler à une tendance générale ou à une direction supérieure de l’opinion vers le but qu’il convient le mieux de lui donner ? […] il ne le fut point, mais le crime achevé, consommé, il en devint le complice par l’indulgence, par le silence.
Les statues que le Moyen Âge avait coloriées y furent remplacées par les statues qui jouaient le marbre, et, de chaudes et vivantes qu’elles étaient, devinrent blêmes, froides, glacées. […] Même les figures que l’on connaît le mieux, — celles qui ont été cent fois peintes, et qui remplissent si bien de leur grandeur acceptée les annales du monde qu’elles semblent être devenues les lieux communs de l’Histoire, sont pour Ernest Hello des sources de révélations.
C’est plus tard, c’est quand la poésie devient une science littéraire, que, dans le Musée d’Alexandrie, dans la cage des oiseaux chanteurs nourris par les Ptolémées, loin des religieux anniversaires qui ramenaient l’offrande sacrée de la muse tragique, loin des triomphes patriotiques qui inspiraient sa voix, Callimaque, Apollonius, Lycophron, maîtres experts au métier de la poésie, feront indifféremment des hymnes aux dieux, des cantates aux rois, des tragédies, des épigrammes, et ne craindront pas même de reprendre en sous-œuvre et de versifier de nouveau ces grands sujets que s’était appropriés le génie aux jours de sa jeunesse créatrice, les Pélopides, Œdipe, Agamemnon, toute une part du répertoire d’Eschyle et de Sophocle. […] Le poëte lyrique, avec son autorité sainte, dans les fêtes et les jeux sacrés de la Grèce, est le conseiller de la patrie commune, le messager d’alliance entre les villes de même origine, de même noblesse hellénique, entre les métropoles et les colonies devenues indépendantes et souveraines à leur tour.
Son silence par cause de rhume est devenu une calamité publique.
Il s’épura par degrés et ne tarda pas à paraître dans toute sa magnificence : semblable à un fleuve qui en s’éloignant de sa source dépose peu à peu le limon qui troublait son eau, et devient aussi limpide vers le milieu de son cours qu’il est profond et majestueux.
Voilà qui est bien conforme et « en parfaite harmonie avec le goût théâtral du moment où nous vivons71. » Pour peu donc qu’on ait le sentiment dramatique et qu’on se mette à envisager les choses à ce point de vue, on indiquerait d’avance, comme dans un bon cours de rhétorique, les endroits, les motifs qui prêtent à une jolie lettre et qui font canevas ou thème : Le moment où la Dauphine quitte les terres de l’empire ; Le moment où elle met le pied sur la terre de France ; Le moment, la minute qui suit la célébration du mariage ; Le moment, la minute où elle devient reine, Louis XV venant de rendre le dernier soupir ; Le moment où, souveraine outragée, elle apprend l’Arrêt du Parlement dans l’affaire du Collier, etc., etc.
La renommée des œuvres fut prompte à mûrir durant l’absence du poète ; la postérité commença vite pour lui : on le relut avec larmes et délices ; son nom devint cher et familier à tous ; on se montra presque facile à reconnaître le génie de celui qui était absent et qu’on ne voyait plus.
Ces passions violentes et fatales, même dans leur générosité ; ces utopies politiques et sociales, filles du xviiie siècle, et qui étaient devenues le rêve des plus chauds et des plus nobles cœurs ; ce prestige républicain, attaché à certaines maximes, à certaines formes de gouvernement ; cette éducation de collège et de livres, toute romaine : et Spartiate, sans l’intelligence de ce qui diffère dans les temps modernes ; enfin la guerre au dehors qui excitait et commandait l’énergie en toutes choses : voilà les causes réelles qui renversèrent la Constitution de 91 : et qui eussent renversé toute autre eu sa place ; voilà, en y ajoutant les faits et les mille incidents qui survinrent, ce qui amena le 10 août, la Convention » et la Montagne.
Une entreprise comme la sienne devient respectable par ses dangers mêmes : elle est toujours intéressante et utile, quel qu’en soit le succès, et il est triste qu’au lieu d’en faire sortir une controverse instructive, on n’y ait trouvé, en général, qu’un prétexte de misérable taquinerie.
Ce qui semblait si puissant et fécond, tant qu’on était sur la rive droite du fleuve, devint tout d’un coup stérile dès qu’on fut porté sur la rive gauche.
Mais en France, la comédie, peignant véritablement les mœurs, pourrait influer sur elles, et il devient bien plus important alors de lui imposer des lois sévères.
Macbeth, honnête homme au premier acte, séduit par sa femme, assassine son bienfaiteur et son roi, et devient un monstre sanguinaire.
. — En ce cas, le nom devient le substitut du groupe.
Par Buffon, la description de la nature, qui n’était qu’un thème pittoresque, pourra devenir un thème lyrique.
Pour rien, pour un bibelot d’étagère, il devient jaloux du passé de sa maîtresse, cherche un duel absurde et y est tué.
Cette santé devint sa marque dans l’opinion commune.
Je voudrais que l’état de torpilleur devînt la profession noble par excellence, celle des grands idéalistes, à qui l’on donnerait le moyen de rêver tranquillement en ce monde, sauf à les engager, aux heures héroïques, avec quatre ou cinq chances contre une de n’en pas revenir.
Par cette double contrariété, il est également devenu le jouet de la louange & du blâme, en sorte qu’il n’est presque plus possible d’en parler sans un mouvement de dédain ou de plaisanterie.
On devient tendre et véhément, on courtise l’aurore avec frénésie.
L’illusion du libre arbitre devient ici le reflet de cet acte arbitraire, c’est-à-dire échappant à tout déterminisme, par lequel l’Etre, brisant le sceau de son unité et s’éveillant du sommeil de l’inconscience, prend connaissance de lui-même dans la division infinie de sa substance.
Le matin donc, lorsque, paresseusement encore, nous rêvions d’éditions, d’éditions à la Dumas père, claquant les portes, entrait bruyamment le cousin Blamont, un ci-devant garde du corps, devenu un conservateur poivre et sel, asthmatique et rageur.
* Il n’est pas de brouillards, comme il n’est point d’algèbres, Qui résistent, au fond des nombres ou des cieux, À la fixité calme et profonde des yeux ; Je regardais ce mur d’abord confus et vague, Où la forme semblait flotter comme une vague, Où tout semblait vapeur, vertige, illusion ; Et, sous mon œil pensif, l’étrange vision Devenait moins brumeuse et plus claire, à mesure Que ma prunelle était moins troublée et plus sûre.
Pour le voir devenir triste & rêveur, il suffisoit qu’il se trouvât en présence de Montmaur.
Le grand mérite de notre langue, & ce mérite a dû lui suffire pour devenir la langue la plus générale de l’Europe, c’est la douceur & la clarté.
Les citations étoient devenues à la mode au palais, du temps du premier président de Thou : ce magistrat les aimoit.
Nous voyons les lésions de l’instrument compensées par le génie de l’exécutant, tel instrument malade et blessé devenir encore une source de merveilleuse émotion entre les mains d’un article ému et sublime.
Si l’on personnifie, en Voltaire, la Raison critique, indépendante, saine, la logique et l’ironie, l’esprit de réforme contenu dans le culte du goût, de tradition légitime et de nécessité, le respect de la langue, il deviendra facile d’identifier Rousseau à cet esprit de révolte, d’instinct brutal, de mépris pour la forme, de lyrisme hors de propos, d’orgueil maladroit qui semble nous dominer aujourd’hui.
Quel ne fût point devenu ce grand homme, s’il n’avait été chrétien !
Les ouvrages de Racine, devenant toujours plus purs à mesure que l’auteur devient plus religieux, se terminent enfin à Athalie.
Quand il fait un saut entre deux épées prêtes à le percer, si dans la chaleur du mouvement son corps s’écartoit d’un point de la ligne qu’il doit décrire, il devient un objet digne de toute notre curiosité.
Tout devient palettes et pinceaux entre les mains d’un enfant doüé du génie de la peinture.
Son triomphe, devient de ce fait, encore plus significatif que celui du renard sur le loup dans les fabliaux de notre pays.
Chateaubriand survit ; et quand on vient nous dire que « les beautés littéraires varient avec les royaumes et avec les époques », on énonce une affirmation qui ne deviendra jamais un principe parce qu’elle ne contient qu’une part de vérités très restreintes.
Flaubert avait une manière de travailler exceptionnelle ; mais, quand je vois Malherbe raturer sans cesse, Boileau se remettre vingt fois sur le métier, Chateaubriand refaire jusqu’à dix-huit fois la même page, je deviens rêveur, et je me dis qu’il est très possible que tous les grands écrivains aient à peu près autant travaillé.
Le plomb dispersé de quelques articles cinglants est, en se ramassant, devenu la balle mortelle d’un livre, — une balle d’argent ou d’or, qui n’en tue pas moins comme la balle de Robin-des-Bois, et même plus sûrement, car elle est mâchée… L’auteur de ce livre, qui aurait dû en fierté délicate se nommer, puisque son livre était une attaque, — (il s’est nommé dans la revue où son travail parut pour la première fois, mais ceux qui maintenant liront le livre n’auront peut-être pas lu la revue), — pourquoi tairions-nous son nom, nous ?
Otez, en effet, par la pensée, la personnalité de Christophe Colomb de la synthèse du monde, que, seule, l’Église embrasse, et que seule elle explique, et il ne sera plus qu’un homme à la mesure de la grandeur humaine ; mais avec l’Église et faisant corps avec elle, il devient immédiatement le grand homme providentiel, le bras charnel et visible de Dieu, prévu dès l’origine du monde par les prophètes des premiers temps… Les raisons de cette situation miraculeuse dans l’économie de la création, irréfragables pour tout chrétien qui ne veut pas tomber dans l’abîme de l’inconséquence, ne peuvent pas, je le sais, être acceptées par les esprits qui chassent en ce moment systématiquement Dieu de partout ; mais l’expression de la vérité, qu’ils prennent pour une erreur, est si grande ici, qu’ils seront tenus de l’admirer.
Ce regard singulier, avec quelque chose de retourné en dedans, pas très net, un peu brouillé, vraiment d’un homme qui voit des abstractions, et qui doit se réveiller pour saisir la réalité, contribuait à lui donner, quand il causait idées, un air de surveiller sa pensée et non son interlocuteur, et ce défaut devenait une espèce de beauté morale.
L’équité civile, ou raison d’état, devient le privilège d’un petit nombre de politiques et conserve dans le cabinet des rois son caractère mystérieux.
Son intervention en Écosse dont elle tenait la reine dans ses mains, et dont le régent Murray avait tout à espérer ou à craindre, devenait toute-puissante par cette attitude d’Élisabeth ; elle allait régner en arbitre et sans troupes sur ce royaume. […] Élisabeth commença à sentir le danger de garder dans ses châteaux une magicienne dont tous les geôliers devenaient les adorateurs et les complices. […] Tant qu’elle n’a pas expié, elle est une meurtrière ; après l’expiation, elle devient victime à son tour.
Étienne Pascal, devenu intendant à Rouen, s’étant cassé la jambe sur la glace, fut visité par deux gentilshommes normands qui firent lire au jeune Blaise Jansénius, Saint-Cyran, Arnauld. […] Il y eut là une lutte pénible, que compliquèrent des questions d’intérêt : enfin Jacqueline l’emporta et devint la sœur Sainte Euphémie. […] Si l’admirable aspiration de quelques doux rêveurs a pu devenir la loi de sociétés immenses, c’est que la casuistique a transposé l’utopie irréalisable en précepte pratique, et ses décisions représentent souvent, en face de la folie ascétique, le ferme et naturel bon sens.
Le beau lui déplaît, comme une sorte de royauté devenue légitime par la longue obéissance des esprits. […] Il aime les morts comme nous aimons les absents, dont les défauts s’oublient, et dont les qualités nous deviennent plus chères par l’illusion de l’éloignement. […] L’indifférence inquiétée devint bientôt hostile.
Les mots, chez les linguistes, deviennent des dénominations vagues, des représentations effacées, dès à peu près de vocables, des entités. […] Là, il me raconte ses misères, sa jeunesse passée jusqu’à vingt ans, aux Quinze-Vingt : son père étant devenu aveugle à trente-six ans. […] un pont à son pantalon, un homme qui a un pont à son pantalon, vous concevez… sa femme, une intelligente femme au fond, est colletée jusqu’à la pomme d’Adam, avec sur la tête des couvre-chefs singuliers… elle fait faire ses robes à Maremmes, c’est tout vous dire… Ils allaient, dans le temps, aux soirées de Louis-Philippe, en omnibus, en compagnie de deux beaux-frères qui étaient des officiers de la garde nationale… vous les voyez tous les quatre, les beaux-frères avec leurs oursons, se faisant descendre devant le château, et sortant toujours des Tuileries, de façon à ne pas manquer l’omnibus de onze heures… Il a été un moment orléaniste, puis cela lui a passé, il est devenu républicain… Oui, il va à la messe, à la messe de cinq heures du matin, avec un livre de messe particulier, où il y a des prières de je ne sais plus qui… enfin c’est un janséniste… Il n’est pas bon, oh !
On a là au vrai le jugement d’un ami impartial et clairvoyant sur Voltaire homme et écrivain, à cette époque déjà si avancée de sa carrière, mais avant qu’il fût devenu cette espèce de personnage amplifié de la légende philosophique et le patriarche de Ferney. […] [NdA] Pour bien comprendre cet endroit, il faut se rappeler une remarque qui revient souvent chez d’Argenson, à savoir que le courage spirituel est très distinct du courage corporel, et que Voltaire, qui a dans l’âme beaucoup de hardiesse et même de témérité, devient peureux et poltron dès qu’il s’agit du moindre danger pour son corps : il jette le gant et ne soutient pas la gageure.
Abel Jeandet sur le savant et trop savant Pontus de Tyard52, poète, philosophe, mathématicien, astronome, qui savait tout, de qui l’on avait pu dire, en parodiant le mot d’Ovide : Omnia Pontus erat, et qui, devenu dans sa vieillesse évêque de Châlon, s’honora par son courage en face de la Ligue. […] C’est durant cette expédition qu’elle devint éprise d’un beau gendarme, celui même dont elle a fait l’objet de ses poésies amoureuses.
Ses crimes à lui avaient au moins une certaine intellectualité qui les rendait non pas moins odieux, mais plus intelligibles ; ils avaient pour but une idée implacable, une idée fausse, ce qu’on appelle une utopie, mais enfin une idée impersonnelle, l’idée de tous les fanatiques devenus bourreaux à toutes les époques de l’histoire des rénovations accomplies ou tentées sur la terre. […] C’était la pensée égalitaire devenue homme, l’incarnation d’une impossibilité à laquelle tend l’idéal, mais à laquelle la nature résiste, et qui n’est pas par conséquent le plan divin des sociétés.
L’esquisse de Boileau est fidèle, impartiale, sans méchanceté, relevée tout au plus d’une pointe de gaieté malicieuse : le trait est un peu appuyé, sans devenir une charge. […] Soudain le trait devient plus net et plus vigoureux, la couleur plus vive ; on sent je ne sais quelle flamme où se trahit l’allégresse de l’artiste qui sait ce qu’il veut faire et est sûr de le faire.
C’est toutes les fois surtout qu’il parle de guerre que l’expression chez lui s’anime et s’éveille : lui qui, lorsqu’il traite des choses constitutionnelles d’Angleterre, dont le département lui était presque dévolu à cause de son précédent ouvrage, est assez terne et sans caractère, il devient lucide, intéressant, quand il parle de l’expédition d’Alger, de l’embarquement des troupes (18 mai 1830) ; il se met au-dessus de ses antipathies politiques, il s’élève à un sentiment militaire patriotique, qui confond un moment tous les drapeaux. […] Ce mot, si bien infligé peut-être dans le cas dont il s’agissait, semblait être devenu trop habituellement la devise de Carrel ; il semblait trop dire à tout venant : Quand vous voudrez, monsieur !
En 1699, il devint principal du collège dit de Beauvais ; il ne s’y détermina qu’après avoir consulté un ecclésiastique pour qui il avait une tendre vénération, l’abbé Du Guet, qui se chargea de l’assister de ses conseils et de ses secours, particulièrement dans l’explication de l’Écriture. […] « Il est bien aisé d’être fécond, lui disait son adversaire, quand on ne fait que copier ; tout le monde en peut faire autant. » Non, cela n’était pas si aisé, et la preuve c’est que personne autre que Rollin ne réussissait alors à le faire ; car, tout en copiant et en traduisant, soit dans les termes mêmes, soit dans les liaisons qui joignaient les passages d’emprunt, Rollin y mettait de son propre esprit et de son âme ; un courant de bon sens et de bonté s’y faisait sentir, et animait cet ensemble qui devenait agréable et plus neuf que ce qu’on avait vu jusqu’alors en ce genre.
Notez que ces calomnies secrètes et dites à l’oreille de tant de gens n’empêchèrent pas, cinq ans après, Voltaire renouant avec M. de Brosses, devenu alors premier président du parlement de Bourgogne, de lui écrire au sujet de quelque affaire qu’il lui recommandait (novembre 1776) : « Pour moi, à l’âge où je suis, je n’ai d’autre intérêt que celui de mourir dans vos bonnes grâces. » Littérairement, de Brosses eut une fois à juger Voltaire ; c’est à la fin de sa Vie de Salluste, et il le fit avec équité, sans qu’on y puisse découvrir trace de ressentiment. […] Mentez, mes amis, mentez, je vous le rendrai dans l’occasion. » Quand on joue ainsi de bonne heure et si gaiement avec le mensonge, il nous devient un instrument trop facile dans toutes nos passions ; la calomnie n’est qu’un mensonge de plus ; c’est une arme qui tente ; tout menteur l’a dans le fourreau, et on ne résiste pas à s’en servir, surtout quand l’ennemi n’en saura rien.
Partie des maigres et médiocres essais d’un La Harpe, devenue les articles gracieux, étriqués et de mince importance de Sainte-Beuve, relevée par M. […] Que l’on considère en outre que de plus en plus, à mesure que la civilisation s’affine à mesure que les hommes deviennent plus paisibles et plus vertueux, les actes absorbent une moindre partie de l’énergie, et ont derrière la nature brute de la volonté qu’ils expriment, un arrière-fonds plus ténébreux de pensées et d’émotions qu’ils sont impuissants à signifier.
Dans les sections coniques, dans les logarithmes, dans le calcul différentiel et intégral, dans le calcul des probabilités, dans le calcul infinitésimal, dans le calcul des ondes sonores, dans l’application de l’algèbre à la géométrie, l’imagination est le coefficient du calcul, et les mathématiques deviennent poésie. […] Vous devenez fier, ambitieux, désintéressé.
On a dû faire du style ce qu’on a fait de l’architecture ; on a entièrement abandonné l’ordre gothique que la barbarie avait introduit pour les palais et pour les temples ; on a rappelé le dorique, l’ionique et le corinthien : ce qu’on ne voyait plus que dans les ruines de l’ancienne Rome et de la vieille Grèce, devenu moderne, éclate dans nos portiques et dans nos péristyle. […] Ces ouvrages ont cela de particulier qu’ils ne méritent ni le cours prodigieux qu’ils ont pendant un certain temps, ni le profond oubli où ils tombent, lorsque le feu et la division venant à s’éteindre, ils deviennent des almanachs de l’autre année.
Je l’ai connu jeune ; et il n’a pas tenu à lui que je ne devinsse opulent. […] C’est à l’aide de ces fictions qu’une scène champêtre devient autant et plus intéressante qu’un fait historique.
Mais dans ceux qui ont le talent de la poésie, cette contrainte même devient une source de beautés. […] La plupart des poètes, accoutumés au langage ordinaire de la versification, le transportent comme malgré eux dans leur prose : ou s’ils font des efforts pour la rendre simple, elle devient contrainte et sèche ; et s’ils s’abandonnent à la négligence de leur plume, leur style est traînant et sans âme.
Souvent même les caricatures, comme les gravures de modes, deviennent plus caricaturales à mesure qu’elles sont plus démodées. […] A propos du lamentable massacre de la rue Transnonain, Daumier se montra vraiment grand artiste ; le dessin est devenu assez rare, car il fut saisi et détruit.
Le régime libéral devient le gouvernement normal de l’Europe. […] — C’est que les fonctions n’y sont pas encore différenciées, et que tout le monde remplit à peu près les mêmes ; au moment où elles se différencient, on les voit le plus communément devenir la propriété de castes. — En un mot s’il est possible de définir dès maintenant le trait auquel on reconnaîtra qu’une société est primitive, ce sera justement l’absence de cette idée de la valeur propre à l’individu qui nous a paru si nécessaire à la constitution de l’égalitarisme.
Conduit à Caracas, où son père devenait président de l’audience royale, respirant l’air de la première république proclamée à Venezuela, il ne rêva plus que le rôle de Tyrtée du nouveau monde. […] Marié et devenu père de famille, l’orageuse instabilité de l’Orient américain l’épouvanta d’autant plus.
Ils effrayent l’honnête boutiquier qui devient féroce du contre-coup.
— Or, voilà que depuis peu, à trente-cinq ans d’intervalle, ses amis se sont avisés, un matin, de réveiller son nom comme celui d’un poëte candidat naturel à l’Académie : il a certes pour cela les titres suffisants ; c’est un général qui, au début de sa carrière, a remporté une victoire : comme Jourdan devenu bonhomme en vieillissant, il a eu sa journée de Fleurus.
Vinet et à ses amis, et que les théologiens protestants ont volontiers accueillie, c’est que les Pensées de Pascal, dans l’état où les a mises la controverse récente, et ramenées plus que jamais à l’état de purs fragments grandioses et nus, sont par là même plus propres à un genre de démonstration chrétienne qui prend l’individu au vif, et peuvent devenir la base d’une apologétique véritable, tout entière fondée sur la nature humaine.
Hugo dans ses premières odes politiques : et, s’il n’y avait pas là de quoi faire un chantre populaire, si le siècle ne se pouvait prendre d’amour pour qui lui lançait des anathèmes, et si, en un mot, le Lamennais de la poésie ne devait pas prétendre à devenir le Béranger de la France, peut-être au moins il avait dans sa franchise et son talent des titres à l’impartialité et à la justice.
Ce ne fut guère qu’à la fin du XVIIIe siècle qu’on s’en écarta, et que la traduction devint une lutte véritablement littéraire, pleine de fatigue et d’honneur.
Cette pièce, pourtant, n’est pas toujours onction et douceur ; elle devient parfois une extase, un délire, la voix du poète s’élève, éclate, et il s’écrie avec la trompette des anges, avec la lèvre ardente des prophètes : Mon âme a l’œil de l’aigle, et mes fortes pensées Au but de leurs désirs volant comme des traits, Chaque fois que mon sein respire, plus pressées Que les colombes des forêts, Montent, montent toujours, par d’autres remplacées, Et ne redescendent jamais !
Soudain le rythme change, il devient plus vif, plus pressant ; il palpite de sollicitude ; on dirait qu’à cette crainte d’un oubli le poète tombe à genoux, et qu’il prie à mains jointes, avec sanglots, pour obtenir des morts un souvenir miséricordieux : Ah !
L’apostasie de nos gouvernants, l’impudente palinodie de certains hommes qui se retournent aujourd’hui contre les idées dont ils sont issus ; l’hésitation de la société à se reconnaître et à reprendre son train progressif au milieu du désappointement qui a suivi la dernière secousse ; toutes ces circonstances ont favorisé chez quelques esprits élevés, mais trop absolus, trop prompts, le dénigrement inconsidéré des principes et des garanties qui sont pourtant devenus plus que jamais l’indispensable condition de la société moderne.
Si vous rencontrez Almont, quand votre âme est découragée, sa vive attention à vos discours vous persuade que vous êtes dans une situation qui captive l’intérêt, tandis que, fatigué de votre peine, vous étiez convaincu, avant de le voir, de l’ennui qu’elle devait causer aux autres ; vous ne l’écouterez jamais sans que son attendrissement pour vos chagrins, ne vous rende l’émotion dont votre âme desséchée était devenue incapable ; enfin, vous ne causerez point avec lui, sans qu’il ne vous offre un motif de courage, et qu’ôtant à votre douleur ce qu’elle a de fixe, il n’occupe votre imagination par un différent point de vue, par une nouvelle manière de considérer votre destinée ; on peut agir sur soi par la raison, mais c’est d’un autre que vient l’espérance.
Ils ne vivent que d’une vie factice, soutenus par la mode et par l’éducation, réduits à l’application mécanique de règles devenues arbitraires, parce qu’on n’en comprend plus le sens artistique.
Tant de propositions qui devinrent, par la suite, du domaine populaire y avaient été préalablement agitées par les fins esprits du temps, et consignées dans les secrets rituels des Initiés, des Savants et des Mystagogues.
Mais combien le stratagème devient plus piquant, employé par une jeune fille prisonnière !
On reprend le mot sceptique de Voltaire : « Quand on est aimé d’une jolie femme, on se tire toujours d’affaire », mais on épingle à côté cette pensée de Joubert qui va devenir l’évangile symboliste : « Les beaux vers sont ceux qui s’exhalent comme des sons ou des parfums. » La querelle des idéalistes et des réalistes s’y poursuit.
Cette langue que les conteurs ont recueillie de la bouche populaire et dont ils ont fait déjà un instrument d’art, cette langue va devenir celle de Rutebeuf, de Villehardouin, de Joinville ; elle va atteindre sa perfection avec.
Il ressent, en abandonnant ce livre inutile au flot populaire qui emporte tant d’autres choses meilleures, un peu de ce mélancolique plaisir qu’on éprouve à jeter une fleur dans un torrent, et à voir ce qu’elle devient.
Dans un temps comme le nôtre, en deux ans, l’instinct des masses devient goût.
Il étoit devenu le plastron de mille gens qui n’avoient aucun de ses talens.
Balzac accablait les typographes, ses malheureux exécutants, des mêmes difficultés qui empêchèrent longtemps Beethoven et Wagner de devenir populaires dans les concerts.
Cette science devient immense & le seul recueil des Mémoires des Académies de l’Europe, épuiseroit la fortune d’un homme aisé.
Vos arrière-neveux deviendront ce qu’il plaira au destin, qui dispose de tout.
Décidément, je deviens bête comme un honnête homme.
La littérature devient de la biologie.
En écrivant toute cette histoire, qui fut un peu la sienne, il renfonce les larmes que Diderot laisserait couler : Diderot, qui écrivit l’histoire du réfractaire Neveu de Rameau, Diderot, qui fit des sermons à un louis pièce pour manger, qui fut un réfractaire comme Vallès, et qui n’en devint pas moins bourgeois de Paris, académicien, père de famille, un gros bonhomme en robe de chambre et en serre-tête, comme un jour le sera peut-être Vallès.
Ils ne doutent de rien, et, dans l’abandon de leur béatitude, ils donnent leur petite tape d’amitié aux plus majestueuses prestances, et deviennent les Sans Gêne de la Comédie, cassant les ressorts des pendules qu’ils remontent même quand elles n’ont pas besoin d’être remontées.
Les beaux vers, ces perles du collier des nations jeunes, qu’elles ne mettent plus dans leur vieillesse, les beaux vers deviennent de plus en plus rares ; les âmes tarissent, les imaginations se décolorent, et ce douloureux et magnifique oiseau, au bec lumineux, à la gorge teinte de la pourpre éclatante de son cœur : la Poésie, meurt, étouffé sous le large pouce de ces intérêts matériels dont la main brutalise à cette heure les plus pures et les plus fortes intelligences… Seulement, s’il y avait à faire une exception en faveur des poésies sur lesquelles les reflets d’un enthousiasme sincère se voyaient encore, n’était-ce pas en faveur de celles qui s’étoilent d’un nom glorieux et s’appellent Poésies de l’Empire 57?
Histoire vulgaire, poignante de réalité, et qui, sous sa plume, est devenue une poésie.
Nous nous proposons d’examiner ce qu’ils ont été chez les différentes nations et dans les différents siècles : quels sont les hommes à qui on les a accordés, à qui on les a refusés ; comment le pouvoir les a usurpés sur la vertu ; comment ce qui était institué pour être utile aux peuples, est devenu quelquefois le fléau des peuples en corrompant les princes.
Plusieurs de ses disciples devinrent de grands hommes ; et comme partout le succès fait le mérite, leur gloire ajouta à la sienne.
C’est lui qui, dans les dissensions entre les chefs de l’armée d’Orient, défenseur des intérêts de cette armée, parvint à réconcilier Baudouin, empereur de Constantinople, avec le marquis de Montferrat devenu seigneur de Théssalonique et de ses dépendances ; c’est lui qui négocia le mariage d’Agnès, fille du marquis, avec l’empereur Henri, successeur de Baudouin. […] Depuis la prise de Constantinople, tous les chevaliers comptaient devenir princes. […] Les Mémoires de Comines sont l’histoire de sa vie, de ses débuts à la cour du duc de Bourgogne contre la France, puis de sa désertion, qu’expliquent les mœurs du temps, à la cour de Louis XI, dont il devint le confident et le conseiller de ses services publics et secrets ; de ses disgrâces sous Charles VIII, de son emprisonnement à Loches dans une de ces cages de fer imaginées par Louis XI, et qu’on appelait les fillettes du roi ; de sa rentrée en grâce ; de la part qu’il prit aux guerres d’Italie, et de ses dernières années, sous le règne de Louis XII.
Il semble même que ces îles soient toutes particulièrement convenables à l’existence de tels animaux, car des Grenouilles ont été introduites à Madère, aux Açores et à l’île Maurice, et elles s’y sont multipliées au point de devenir un fléau. […] Les plantes autochtones de la Nouvelle-Zélande ressemblent beaucoup plus à celles de l’Australie qu’à celles d’aucune autre région, ainsi du reste qu’on devait s’y attendre ; mais elles ont aussi des affinités évidentes avec celles de l’Amérique du Sud, qui, bien que venant immédiatement après l’Australie sous le rapport de la distance, est cependant si éloignée que ces affinités deviennent une anomalie. […] Les organismes fixés au sol durent se diviser en zoophytes et en phytozoaires, les uns destinés à devenir plus tard de vraies plantes et les autres de vrais animaux ; tandis que d’autre côté les formes libres ou flottantes revêtirent successivement, et peut-être dans une période relativement courte pour de si grands changements, les quatre types principaux du règne animal, c’est-à-dire les rayonnés mous et gélatineux ou pierreux et testacés, ensuite les mollusques, puis les articulés qui donnèrent en se divisant les crustacés, les arachnides et les insectes, et, enfin, les types vertébrés qui, au lieu de se former une carapace, un test, ou une coquille, se sécrétèrent peu à peu un squelette intérieur.
eut-il l’occasion, un jour, de combattre Sully et de le pousser si vivement l’épée à la main, que plus tard le guerrier devenu surintendant en garda rancune au poète ? […] Mais l’Ode pindarique, cet homme de tact et de goût sentait lui-même qu’il n’était pas sage de s’y trop aventurer et qu’elle devenait un immense et périlleux hors-d’œuvre : Pindarum quisquís studet æmulari… Il semblait d’avance présager l’excès de certains modernes, l’échauffement à froid, à huis clos, le parti pris d’imiter, l’essor disproportionné et la chute. […] Sapey, mais de la thèse, devenue un livre à son tour, d’un écrivain d’ailleurs fort instruit et fort estimable, M. […] Devenu vieux, sa plus grande peine était dans la privation de ce qui lui semblait, comme à La Fontaine, le plus charmant des biens ; il l’a dit dans une lettre à Balzac (1625) avec une vivacité ingénue et une chaleur qui compense bien la délicatesse : « Toutes choses, à la vérité, sont admirables en elles (le donné) ; et Dieu, qui s’est repenti d’avoir fait l’homme, ne s’est jamais repenti d’avoir fait la femme.
Cicéron (2e partie) I On vient de voir, dans le précédent entretien, que toute la vie de Cicéron ne fut qu’un admirable équilibre entre la pensée et l’action : homme d’État pendant les convulsions politiques de sa patrie, il devenait homme de lettres pendant les loisirs que l’impopularité ou l’exil lui faisaient à la campagne ou hors de l’Italie. […] Les uns m’ont poursuivi avec acharnement, par haine de ce que j’ai sauvé la patrie malgré eux ; d’autres, sous le masque de l’amitié, m’ont indignement trahi ; d’autres, n’ayant pu obtenir les honneurs, parce qu’ils n’ont rien fait pour les mériter, me les ont enviés et sont devenus jaloux de ma gloire ; les autres enfin, préposés à la garde de la république, ont vendu ma vie, l’intérêt de l’État, la dignité du pouvoir dont ils étaient revêtus. […] Sur ce principe, que deviendraient la piété, la sainteté, la religion ? Ce sont là de véritables devoirs obligatoires qu’il faut savoir exactement accomplir… Il en est de la piété comme de toutes les autres vertus ; elles ne consistent pas dans de vains dehors : sans elles point de sainteté (mot qui signifie moralité de nos actes) ; sans elles point de culte, et dès lors que devient l’univers ?
Après s’être occupé quelque temps, et non sans trouver à y louer de deux pièces, l’une80 d’une exécution assez vigoureuse, atteignant à des effets dramatiques assez émouvants, mais trop pénible de combinaison et d’une moralité un peu forcée ; l’autre81 délicate et gracieuse, toute morale d’intention sans doute, mais bien légère de tissu et d’un dessin trop arrangé, la commission s’est sentie particulièrement attirée vers un ouvrage qui lui était signalé par un succès vif, dû à un agréable entrain, à une facilité de bonne veine, à beaucoup de gaieté et de naturel, qualités excellentes et qui deviennent rares.
Devenu évêque, et absent depuis bien des années, il s’est empressé de se déclarer un peu vite et un peu à l’étourdie vraiment (si un tel mot est permis à l’égard de ces graves personnages) contre une institution qu’il ne connaissait pas encore.
C’est un polype élégant, et la nature semble avoir été dans l’indécision quand elle le fit naître. » Et ailleurs, à l’occasion des déserts de l’Arabie et de l’Amérique : « L’amour dans ces pays brûlants devient un sentiment dont rien ne peut distraire ; c’est le besoin le plus impérieux de l’âme ; c’est le cri de l’homme qui appelle une compagne pour ne pas rester seul au milieu des déserts. » Certes Bernardin de Saint-Pierre n’eût pas mieux dit.
On a besoin d’une plus profonde connaissance de l’homme pour être un grand moraliste que pour devenir un bon historien.
Que devient cependant le plaisir de se confier, si l’on aperçoit de l’indifférence, si l’on surprend un effort ?
Il n’a eu à trouver que l’idée très simple, l’idée de génie par laquelle la niaiserie philosophique est devenue efficace et profonde.
Tel est le fond du poème, tel est le motif de roman ou de romance qui, par le détail, devient épique et qui fait jaillir de la pensée du poète tout un monde grandiose, passionné, héroïque, infini, où passent des lueurs à la
C’est déjà le Pierrot mélancolique qui va devenir le Pierrot en détresse de Verlaine : Sa gaieté, comme sa chandelle, hélas !
Du moment qu’elle devint confidente et dépositaire des sentiments et des pensées du roi, et même des secrets de l’État, elle cessa de s’appartenir à elle-même : ce fut un devoir pour elle de donner au roi une parfaite sécurité sur le dépôt que sa confiance mettait à la discrétion de son amie ; elle lui devait de rompre toute familiarité qui aurait pu compromettre ce dépôt : il n’y a rien de si difficile à cacher qu’un secret avec tes personnes à qui l’on parle habituellement à cœur ouvert ; et il y a des secrets à la cour qui se découvrent par le soin de les cacher ; si bien qu’affecter de taire certaines choses, c’est les dire.
Ces deux hommes d’un caractère si opposé devinrent amis.
Alors le génie seul, et non le corps, devient amoureux ; c’est lui qui brûle de s’unir étroitement au chef-d’œuvre.
On peut peindre en quelques mots le caractère du style évangélique : c’est un ton d’autorité paternelle, mêlé à je ne sais quelle indulgence de frère, à je ne sais quelle considération d’un Dieu qui, pour nous racheter, a daigné devenir fils et frère des hommes.
Dans les commencemens, on se contentoit d’indiquer l’usage des livres modernes, & d’en porter des jugemens sans aucun extrait ; mais peu à peu le Journal est devenu annalitique.
L’étude de l’écorché a sans doute ses avantages ; mais n’est-il pas à craindre que cet écorché ne reste perpétuellement dans l’imagination ; que l’artiste n’en devienne entêté de la vanité de se montrer savant ; que son œil corrompu ne puisse plus s’arrêter à la superficie ; qu’en dépit de la peau et des graisses, il n’entrevoie toujours le muscle, son origine, son attache et son insertion ; qu’il ne prononce tout fortement, qu’il ne soit dur et sec, et que je ne retrouve ce maudit écorché même dans ses figures de femmes ?
J’ai un masque qui trompe l’artiste, soit qu’il y ait trop de choses fondues ensemble, soit que les impressions de mon âme se succédant très-rapidement et se peignant toutes sur mon visage, l’œil du peintre ne me retrouvant pas le même d’un instant à l’autre, sa tâche devienne beaucoup plus difficile qu’il ne la croyait.
Mme Marie-Alexandre Dumas est devenue chrétienne, je le veux bien, et j’en suis aise, mais elle est chrétienne comme elle est Dumas !
Mais l’horrible clarté dont il brille va nous servir au moins à quelque chose, en nous montrant ce que les femmes de l’ancienne société française sont en train de devenir dans la transformation actuelle de nos mœurs, et, ma parole d’honneur, c’est à faire trembler !
La vérité que tout le monde oublie devient si piquante dès que quelqu’un y a pensé !
La Critique pourrait donc admettre, même en l’admirant, l’idée commune, comme dans César Birotteau, par exemple, où elle est relevée par des détails tels qu’au lieu d’être une infériorité, elle devient un mérite de plus.
Nous ne pouvons suivre malheureusement sur ce terrain Rigault, devenu le Blondel de Victor Hugo, que l’univers abandonne (sans calembour), mais la critique, qui est aussi une justice, ces messieurs des Débats ne la permettent pas, et Rigault, leur porte-voix, nous l’interdit.
Mais, philosophiquement, je n’ai qu’à examiner le principe premier de Taine, qui est la sensation, quoi qu’elle devienne.
Voyez Spinosa et une foule d’autres, Heine lui-même, — Heine l’apostat, qui, en se jetant dans le vif argent de l’esprit français, est devenu le Voltaire allemand, et qui n’a pu enlever complètement cependant le caractère juif à son génie.
Huysmans pût germer dans une tête humaine, il fallait vraiment que nous fussions devenus ce que nous sommes, — une race à sa dernière heure.
Par toi, la confusion devient de l’ordre : par toi, les éléments qui se combattent s’unissent.
Alors la fureur des panégyriques redoubla, et ils devinrent une étiquette du trône.
L’Asie était devenue le séjour habituel des empereurs, et le langage d’Athènes dominait dans presque toute l’Asie.
Déjà héros par leur naissance, puisqu’ils étaient nés de Jupiter, c’est-à-dire nés sous ses auspices, ils devinrent héros par la vertu.
Et l’on a parlé misère de peuple et promiscuité des faubourgs, et Sainte-Beuve s’est écrié avec un accent d’humanité de 1788, qu’il ne pouvait comprendre que, sur le trône, on ne fût pas un saint Vincent de Paul ou un Joseph II. « Assainir tout cela, ce serait quelque chose, ce serait le commencement », a-t-il répété deux ou trois fois… et de ces hauteurs humanitaires et philosophiques, il est vite descendu à causer des petites filles du peuple, qu’il a fort étudiées, nous dit-il, et qui — remarque très juste — ont, à la puberté, deux ou trois ans de folie, de fureur de danse, de vie de garçon, jetant ainsi leurs gourmes et leurs bonnets par-dessus les moulins : après quoi elles deviennent rassises, rangées, femmes d’intérieur et de ménage. […] Sainte-Beuve dit que le paganisme a été d’abord une jolie chose, puis est devenu une véritable pourriture, une v…… Et le christianisme a été le mercure de cette v….. ; mais on en a trop pris, et maintenant il faut que l’humanité se guérisse du remède. […] Un peu plus tard toute cette pâleur de la lumière tourne au bleuâtre, devient un pur Achenbach, azur et blanc, avec des luminosités sibériennes. […] D’abord, idolâtre de Hugo chez Hugo, et là, faisant les meilleurs vers qu’il ait faits : les vers à sa femme ; puis saint-simonien ; puis mystique à croire qu’il allait devenir chrétien, et maintenant très mauvais. […] C’est l’autobiographie d’un malheureux qui, à trois ans, devient bossu par devant et par derrière, puis dartreux à vif, et que des charlatans brûlent avec de l’eau-forte, puis boiteux, puis cul-de-jatte, le récit sans récrimination, et terrible par cela même, d’un martyr de la fatalité, — morceau de papier, qui est encore la plus grande objection, que j’ai rencontrée dans ma vie contre la Providence et la bonté de Dieu.
À ce dîner, le colonel Yung disait que l’intelligence de Mac-Mahon, — reconnue par tous assez médiocre — fouettée par la mitraille, s’éclairait, grandissait, devenait surprenante, tandis que celle de Bourbaki, cependant d’une valeur héroïque, se perdait, tombait en enfance. […] L’autre jour, dans un salon, cette femme a tout à coup aperçu son doucheur, qui est celui du maître de la maison, invité par hasard à la soirée, alors elle s’est mise à rougir, et est devenue tout à coup embarrassée, comme une femme, qui se verrait soudainement déshabillée. […] Il nous fait voir aussi une robuste esquisse d’une femme nue, d’une Italienne, d’une créature courte et élastique, d’une panthère selon son expression, qu’il dit, avec un regret dans la voix, ne pouvoir terminer : un de ses élèves, un Russe étant devenu amoureux d’elle, et l’ayant épousée.
A force d’avoir versé sa douleur dans ses lettres, de l’avoir mêlée à seslectures, promenée dans la campagne et partout épandue, il l’avait presque tarie ; si bien que Mme Arnoux était pour lui comme une morte dont il s’étonnait de ne pas connaître le tombeau, tant cette affection était devenue tranquille et résignée. » En cette forme de style Flaubert s’exprime dans ses romans, quand apparaît une scène ou un personnage qui l’émeuvent ; dans Salammbô et la Tentation, quand l’exaltation lyrique succède au récit. […] Constitué comme une symphonie d’un allegro, d’un andante et d’un presto, le paragraphe type de Flaubert est construit d’une série de courtes phrases statiques, d’allure contenue, où les syllabes accentuées égalent les muettes ; d’une phrase plus longue qui, grâce d’habitude à une énumération, devient compréhensible et chantante, se traîne un peu en des temps faibles plus nombreux ; enfin retentit la période terminale dans laquelle, une image grandiose est proférée en termes sonores que rythment fortement des accents serrés. […] Le mot, qui, selon les linguistes allemands (Steinthal, Geiger), est à l’idée ce que le cri est à l’émotion, ne peut constituer l’antécédent de l’idée, que lorsque le langage, énormément développé par des génies verbaux de premier ordre, devient quelque chose que l’on apprend, que l’on emmagasine, et non un mince bagage traditionnel, qu’il faut utiliser et augmenter selon ses besoins.
Soyez donc heureux de votre jeunesse, mais n’en soyez pas si tiers, et ne vous obstinez pas à rester verts quand vous aurez dû devenir mûrs, ni à rester étourdis quand vous devez être sérieux. […] On connaît trop bien cette histoire pour que ce soit une indiscrétion de la rappeler. » M. de Sainte-Beuve a raison ; du jour, en effet, où ce jeune poète cessa de croire à la sainteté de l’amour et à la durée de l’enthousiasme, il fit plus que de tomber dans l’incrédulité, il tomba dans la dérision de l’amour, il devint un sceptique du sentiment, un athée de l’enthousiasme, un blasphémateur du feu sacré ; de là au cynisme il n’y a qu’un pas ; sa nature élégante et attique lui défendait de s’y livrer, mais il glissa trop souvent dans des libertinages de style qui ne se dégradent pas jusqu’à l’Arétin, mais qui rappellent Boccace, le Musset immortel d’Italie. […] Aussi regarde : qu’es-tu devenue depuis que cette moralité du plaisir a été aspirée par toi dans ces vers ivres de verve, mais malsains de substance.
Vous mettez à l’index ministériel Lanfrey pour son Histoire des Papes : mettrez-vous donc à l’Index également tous ces sots livres imbus d’une doctrine ultramontaine que repoussait la religion de Bossuet et qu’on accepte couramment aujourd’hui, — qu’on a l’air d’accepter, — car on est devenu d’une pusillanimité étrange ? […] Ces calomniés de la veille deviennent les honnêtes gens du lendemain et ceux que la société porte le plus haut et préconise.
L’on n’a point, au-dedans de soi, de transaction à faire avec des obstacles étrangers ; l’on mesure sa force, on triomphe, ou l’on se soumet ; tout est simple, tout est possible même ; car, s’il est absurde de considérer une nation comme un peuple de philosophes, il est vrai que chaque homme en particulier peut se flatter de le devenir. […] Le public aussi, dont on avait éprouvé la faveur, perd toute son indulgence ; il aime les succès qu’il prévoit, il devient l’adversaire de ceux dont il est lui-même la cause ; ce qu’il a dit, il l’attaque ; ce qu’il encourageait, il veut le détruire : cette injustice de l’opinion fait souffrir aussi de mille manières en un jour.
Et quand il s’agit de termes abstraits, qui expriment des concepts tout intellectuels, associés dans l’idée de l’auteur par certaines relations logiques, l’inexactitude perpétuelle finit par devenir une erreur considérable, un contresens total. […] Et ainsi le plaisir même que donne la poésie, cette chose toute mobile et tout individuelle, le plaisir devient quelque chose de constant et de général : il est raisonnable, sans cesser d’être un plaisir.
Michel de Montaigne est un aimable homme, quand il parle de soi (et il en parle toujours), mais jamais plus que lorsqu’il parle de cette partie de lui qui est son intelligence, ses idées : alors il devient singulièrement intéressant ; alors il nous parle de nous, en parlant de lui ; il nous confesse, en se confessant ; il nous guide, en s’orientant. […] Il sorti du collège de Guyenne en 1546, étudia le droit, et devint conseiller à la Cour des aides de Périgueux dans le siège de son père, puis, cette cour étant supprimée en 1557, conseiller au Parlement de Bordeaux.
Heureusement il n’en est pas ainsi ; nous sommes heureux grâce à une inconséquence et à un certain tour qui nous fait prendre en patience ce qui avec un autre tour deviendrait un supplice. […] Que si, par un retour qui n’est pas sans exemple, une telle manière devient influente, c’est bon ; on viendra à moi, mais je ne me mêlerai pas à ces tourbes.
… Et quand la société dure depuis assez longtemps pour que tout cela soit dans tous une habitude innée et soit devenu une sorte de religion, je dirais presque de superstition, certes alors un pays a le meilleur esprit public qu’il puisse avoir. […] A lui demandé commant il sapelloit A répondu quil senomoit André Chenier natife de Constentinoble âgé de trente et un ans demeurant à Paris rue de Clairy section de Brutus A lui demandé de quelle ané il demeuroit rue de Clairy A lui répondue depuis environ mil sept cent quatre vingt douze au moins A lui demandé quel son ses moyent de subsisté A lui répondu que de puis quatre vingt dix quil vie que de que lui fait son père12 A lui demandé combien que lui faisoit son père A répondu que son père lui endonnoit lorsquil luy endemandoit A lui demandé s’il peut nous dire a combien la somme quil demande à son pere par an se monte A repondu quil ne savoit pas positivement mais environ huit cent livre à mille livre par année A lui demandé sil na auttre chose que la somme quil nous déclare cy-dessus A repondu qu’il na pas d’auttre moyent que ce quil nous a déclarée A lui demande quelle manierre il prend son existance A repondu tenteau chez son père tenteau chez ses amis et tentot chez des resteaurateurs A lui demandé quel sont ses amis ou il va mangé ordinairement A répondu que cetoit chez plusieurs amis dont il ne croit pas nécessaire de dire lenom A lui demandé s’il vien mangé souvent dans la maison ou nous lavons aretté A repondu quil ne croyoit n’avoir jamais mangé dans cette maison ou il est aresté, mais il dit avoir mangé quelque foy avec les mêmes personnes apparis chez eux A lui demandé sil na pas de correpondance avec les ennemis de la République et la vons sommé de nous dire la vérité A repondu au cune A lui demandé sil na pas reçue des lettre danglaitaire depuis son retoure dans la République A repondu quil en a recue une ou deux ducitoyent Barthelemy àlorse ministre plénipotensiêre en Anglaitaire et nen avoir pas reçue dauttre A lui demandé à quelle épocque il a recue les lettre désigniés sy dessus sommé a lui denous les representés A répondue quil ne les avoit pas A lui demandé ce quil en àfait et le motife quil lat engagé à sendeffaire A repondu que ce netoit que des lettre relative à ses interrest particulier, comme pour faire venire ses livres et auttre effest laissé en Anglaitaire et du genre de celle que personne ne conserve A lui demandé quel sorte de genre que personne ne conserve et surtout des lettre portant son interest personnelle13 sommé de nous dire la vérité A répondu il me semble que des lettre qui énonce l’arrivé des effest désigniés cy-dessus lorsque ses effest son reçue ne son plus daucune valeure A lui representé quil nest pas juste dans faire réponse, dautant plus que des lettre personnelle doive se conserver pour la justification de celui qui à En voyé les effet comme pour celui qui les à reçue A repond quil persite à pensé quand des particulier qui ne mettre pas tant dexactitude que des maison de commerce lorsque la reception des fait demandé est accusé toute la correspondance devient inutisle et quil croit que la plus part des particuliers en use insy A lui représenté que nous ne fond pas des demande de commerce sommé à lui de nous répondre sur les motifes de de son arestation qui ne sont pas affaire de commerce14 A repondu quil en ignorest du faite A lui demandé pourquoy il nous cherche des frase et surquoy il nous repond cathegoriquement15 A dit avoir repondue avec toute la simplicité possible et que ses reponse contiene lexatte veritté A lui demandé sil y à longtemps quil conoit les citoyent ou nous l’avons aresté sommé a lui de nous dire depuis quel temps A repondu quil les connaissoit depuis quatre ou cinqt ans A lui demandé comment il les avoit conu A repondu quil croit les avoir connu pour la premiere fois chez la citoyene Trudenne A lui demandé quel rue elle demeuroit alors A repondu sur la place de la Revolution la maison à Cottée A lui demandé comment il connoit la maison à Cottée16 et les-citoyent quil demeuroit alors A repondu quil est leure amie de l’anfance A lui represanté quil nest pas juste dans sa reponse attendue que place de la Revolution il ny a pas de maison qui se nome la maison à Cottée donc il vien de nous déclarés A repondue quil entandoit la maison voisine du citoyent Letems A lui représentes quil nous fait des frase attandue quil nous a repettes deux fois la maison à Cottée A repondue quil a dit la vérité A lui demandée sil est seul dans lappartement quil occuppe dans la rue de Clairy nº quatre vingt dix sept A repondue quil demeuroit avec son père et sa mère et son frère ainée A lui demandée sil na personne pour le service Il y à un domestique commun pour les quatre qui les sere A lui demandée ou il étoit a lepoque du dix aoust mil sept cent quatre vingt douze A répondue a paris malade d’une colique nefretique A lui demandee sy cette colique le tient continuellement et sil elle tenoit le jour du dix aoust quatre vingt douze A répondue quil se rétablissoit a lors d’une attaque et que cette maladie le tiend presque continuellement depuis lage de vingt ans plus ou moins fortes A lui demandés quelles est cette malady et quelle est le chirurgient quil le traitoit alors et sy cest le même qui letraitte en core A repondu le médecin Joffroy latraitté au commancement de cette maladie et depuis ce temps jai suis un régime connue pour ses sorte de meaux A lui demandée quelle difference il fait d’une attaque de meaux ou de maladies.
* * * — J’ai parfois l’idée, si je devenais riche, de me faire peindre, pour l’été, un paysage, un paysage très bien peint — et rafraîchi par un vrai courant d’air. […] Mon rêve en chair et en os… » Mais il doit arriver souvent pour cette femme, ce qui arrive pour la maison dont on devient passionné, toqué, — elle est louée.
Quand une langue a un mélange heureux d’expressions douces et d’expressions sonores, il en devient plus facile de composer dans cette langue des phrases harmonieuses. […] C’est en effet de cette seule manière, avec beaucoup de temps, d’étude et d’exercice, qu’on peut devenir un bon écrivain dans sa propre langue ; on sait même combien il est rare encore d’y réussir ; et on veut se flatter de bien écrire dans une langue morte, pour laquelle on n’a pas la millième partie de ces secours ?
Après de sinistres retours sur la maison des Atrides, la prophétesse, animée par les interruptions du chœur, devient plus intelligible. […] Maintenant, je pense aller bientôt prophétiser aux bords du Cocyte et de l’Achéron. » Puis, excité par les reproches du chœur, que troublent ces paroles, le délire mélancolique de Cassandre devient plus expressif encore : « Déjà, dit-elle, la prophétie ne regarde plus, à travers les voiles, comme une jeune fiancée : mais elle se découvre tout éclate tante et pressée de paraître à la pleine lumière du soleil levant. » Alors commence et se précipite à torrent tine nouvelle prédiction de la captive sur Agamemnon, sur Clytemnestre, sur Oreste et sur elle-même.
L’institution des primes est bonne, utile, et peut devenir féconde en résultats à l’avenir, mais à la seule condition qu’on ne se départira jamais, en l’appliquant, de la pensée essentielle qui l’a inspirée.
Mais La Motte, que Duclos appelle le plus aimable des gens de lettres, ne s’éloignait guère, et pour cause, du café Gradot : Après avoir vécu dans les meilleures sociétés de Paris et de la Cour, devenu aveugle et perclus des jambes, il était réduit à se faire porter en chaise au café de Gradot, pour se distraire de ses maux dans la conversation de plusieurs savants ou gens de lettres qui s’y rendaient à certaines heures.
Précisément à cause de cela, dès qu’on veut assigner un caractère un peu précis à la littérature de ce temps, elle est telle qu’à l’instant même il devient possible d’alléguer des exemples frappants du contraire.
Béranger, le poète, me disait un jour qu’une fois que les hommes, les grands hommes vivants, étaient faits types et statues (et il m’en citait quelques-uns), il fallait bien se garder de les briser, de les rabaisser pour le plaisir de les trouver plus ressemblants dans le détail ; car, même en ne ressemblant pas exactement à la personne réelle, ces statues consacrées et meilleures deviennent une noble image de plus offerte à l’admiration des hommes.
Entre ses mains la critique littéraire devient une sorte d’apologie du christianisme.
Desmoulins (1760-1794). né à Guise, fit son droit, prit une part active aux mouvements populaires de la Révolution, se fit journaliste, fut élu député de Paris à la Convention, et devint secrétaire général de Danton, ministre de la justice.
La dot devient la misère des jeunes filles riches, l’obstacle au bonheur, dans Ceinture dorée (1855), dans Un beau mariage (1859), dans les Fourchambault (1878), déjà dans Philiberte (1853).
Et, en même temps qu’il apportait à la description des souffrances humaines un esprit plus fraternel, plus attentif, plus incliné, Maupassant devenait chaste.
Il devient « l’humble qu’une logique éternelle asservit ».
Antoine est devenu directeur de théâtre.
Sainte-Beuve a écrit22 : « On serait étonné si l’on voyait à nu combien ont d’influence sur la moralité et les premières déterminations des natures les mieux douées quelques circonstances à peine avouables, le pois chiche ou le pied-bot, une taille croquée, une ligne inégale, un pli de l’épiderme ; on devient bon ou fat, mystique ou libertin à cause de cela. » Il arrive mainte et mainte fois, témoin les dernières années de la vie de Rousseau, que le biographe est obligé de faire appel, pour comprendre certains actes et certains écrits, au secours de la science médicale.
Aujourd’hui la séparation des genres dans les écrits littéraires est devenue à peu près impossible ; elle ne peut plus être une règle de l’art d’écrire, au moins une régie aussi sévère qu’avant la révolution.
Ce qui le blessa le plus, ce fut de voir un petit auteur fripon, nommé Claveret, qu’il avoit sauvé de la faim & de la misère, devenir le plus ardent à lui nuire.
S’il n’en était ainsi, l’homme, en s’éloignant toujours de son origine, serait devenu une sorte de monstre ; mais, par une loi de la Providence, plus il se civilise, plus il se rapproche de son premier état : il advient que la science au plus haut degré est l’ignorance, et que les arts parfaits sont la nature.
Si, dans la littérature et les arts, le génie pittoresque a succédé au génie statuaire ; dans la société, l’énergie du sentiment moral et la force d’expansion du principe intellectuel sont devenues deux puissances tout à fait distinctes.
Malheureusement, nous ne la brisons pas toujours, et c’est ainsi que, les défaillances du caractère s’ajoutant au scepticisme de l’esprit, la critique non seulement n’existe pas, du fait même de ceux qui l’exercent, mais elle devient impossible.
Mirabeau, tout Mirabeau qu’il fût, n’avait jamais parlé que de « vertus inertes », mais Suleau, qui trempa, d’ailleurs, dans ce glorieux complot de Mirabeau pour sauver une monarchie qui ne voulut pas être sauvée, Suleau sut dire le mot terrible qu’aucun royaliste d’alors n’eût osé prononcer et qu’aucun n’ose prononcer encore, quoique ce mot soit devenu le jugement suprême et définitif de l’histoire !
Il eut beau faire le grec aussi, il ne fut ni si savant que Courier, ni si parfumé d’archaïsme, ni si filtrant lentement la goutte d’encre au bout de sa plume jusqu’à ce qu’elle devienne — comme dit Joubert — une goutte de lumière.
Un moment peut-être, au commencement de son enseignement, il inclina vers le côté qui est devenu la pente moderne et même la chute ; il alla du connu à l’inconnu, de l’homme à l’ange et à Dieu, mais bientôt il redressa ce faux pli de méthode.
Lefèvre-Deumier, par le fait du temps, de l’étude, de tous les apaisements de la vie, est devenu plus artiste, plus correct, plus savant de langage, que quand il vomissait son cœur dans les vers de ses Confidences.
Il n’est pas moins naturel qu’aux temps humains le droit devenu plus large et plus bienveillant, ne considère plus que ce qu’un juge impartial reconnaît être utile dans chaque cause (axiome 112) ; c’est alors qu’on peut l’appeler proprement le droit de la nature, fas naturæ, le droit de l’humanité raisonnable.
Mais ici la rapidité n’est plus la même : c’est le complet auquel aspire l’historien dorénavant formé par la connaissance des affaires, et devenu à son tour homme d’État.
XI La pensée est la superfluité de la vie : dans la jeunesse, on peut la mener de front avec les autres dépenses du dedans ; mais plus tard elle devient incompatible avec l’excès ou même avec l’usage des plaisirs.
Deux jours sans direction, le peuple des rues agit de lui-même ; tandis que le peuple des palais, des salons et des Chambres regardait l’action sans pouvoir comprendre comment la force qu’on avait toujours appelée brutale était devenue intelligente sans rien perdre de son énergie, au contraire.
Puis, par les progrès de la civilisation, ses idées se dégagent ; il ne sent plus le besoin de figures, de symboles, il devient mûr pour connaître la vérité sans voile ; sa raison peut se passer de formes ; c’est le règne de la philosophie.
Ce sont là matières graves et discrètes, auxquelles d’ailleurs la défense, selon moi, nuirait presque autant que l’attaque, si cette défense se prolongeait et devenait une thèse opposée à une autre thèse.
Mais, je le demande aux penseurs éclairés, s’il existe un moyen de lier la morale à l’idée d’un Dieu, sans que jamais ce moyen puisse devenir un instrument de pouvoir dans la main des hommes ; une religion ainsi conçue ne serait-elle pas le plus grand bonheur que l’on pût assurer à la nature humaine !
Que serait-ce, si, quittant les idées nuancées, je parlais des exemples qu’il reste encore, d’intolérance superstitieuse, de piétisme, d’illumination, etc. de tous ces malheureux effets du vide de l’existence, de la lutte de l’homme contre le temps, de l’insuffisance de la vie ; les moralistes doivent seulement signaler la route qui conduit au dernier terme de l’erreur : tout le monde est frappé des inconvénients de l’excès, et personne ne pouvant se persuader qu’on en deviendra capable, l’on se regarde toujours comme étranger aux tableaux qu’on en pourrait lire.
On ne voit pas bien en quoi elle consiste, jusqu’où elle doit aller, où elle commence à devenir étroitesse, dans quelles limites elle peut se concilier avec la largeur.
Dans l’exécution, cela devient l’enflure, le vague, le faux, tout le contraire de la vie.
Peu à peu on se disperse, la chaussée devient impraticable.
Le messianisme, tout politique chez les Juifs orthodoxes, devenait chez elles tout social.
Minces détails, si l’on veut, qui sont pourtant des traits de caractère, des indices révélateurs d’un ensemble d’opinions et qui peuvent en certains cas devenir le point de départ de conjectures intéressantes !
Tantôt agréable & piquant, un bon mot lui suffit pour faire sentir l’absurdité d’un Ouvrage : tantôt plein de force & d’énergie, un seul trait parti de sa plume devient le fléau du vice & l’hommage de la vertu.
l’ignorance & quelquefois même le mépris des grands modèles ; 4°. la manie qu’ont les uns d’être auteurs, & les autres connoisseurs ; 5°. le défaut capital de ne pas sçavoir connoître son genre de talent, & s’y renfermer ; 6°. l’imprudence d’applaudir trop tôt à de jeunes auteurs qu’on perd au lieu d’encourager ; 7°. la nécessité des besoins, ne faut-il pas commencer par vivre avant que de songer à devenir immortel ?
S’il fut fort bon Humaniste, il devint encore plus grand Philosophe.
Depuis que l’égoïsme est devenu le ton du siécle, nous avons eu beaucoup de livres de morale & de caractères où l’on prend ce ton.
Je ne conserverais donc pas des prêtres comme des dépositaires de vérités, mais comme des obstacles à des erreurs possibles et plus monstrueuses encore ; non comme les précepteurs des gens sensés, mais comme les gardiens des fous ; et leurs églises, je les laisserais subsister comme l’asile ou les petites-maisons d’une certaine espèce d’imbéciles qui pourraient devenir furieux si on les négligeait entièrement.
Et si ces pensées qui ne sont pas tout à fait ridicules s’élèvent, je ne dis pas dans un bigot, mais dans un homme de bien, et dans un homme de bien je ne dis pas religieux, mais esprit fort, mais athée, âgé, sur le point de descendre au tombeau, que deviennent le beau tableau, la belle statue, ce groupe du satyre qui jouit d’une chèvre, ce petit Priape qu’on a tiré des ruines d’Herculanum ; ces deux morceaux les plus précieux que l’antiquité nous ait transmis, au jugement du baron de Gleichen et de l’abbé Galiani, qui s’y connaissent ?
Enfin, voici deux autres diplomates, hommes très distingués, mais à des titres très différents ; car Donoso Cortès, ce Joseph de Maistre espagnolisé, ce Joseph de Maistre de profond devenu sonore, est plus près de la gloire, cette fille du vulgaire, que le comte Racsynzki, qui est resté toute sa vie dans la haute et mystérieuse sphère de son action, d’où l’on veut le descendre dans le jour commun de la publicité.
Je le croyais perdu… Ce poète qui n’avait jamais appuyé sur rien, pas même sur les lèvres et le cœur de sa maîtresse, et qui, s’épaississant, était devenu (Dieu lui pardonne !)
L’homme de Malherbe devient l’homme de Vaugelas, de Vaugelas dont les mérites si grands sont oubliés, et qu’il nous rappelle.
Avec cette pensée de relever la royauté avilie dans le cœur d’un Roi devenu fidèle, la vie de Marie-Antoinette prend un sens qu’elle ne perdra plus.
Avec cette pensée de relever la royauté avilie, dans le cœur d’un Roi, devenu fidèle, la vie de Marie-Antoinette prend un sens qu’elle ne perdra plus !
La presse, toujours si bavarde à propos du moindre bouquin, devenue muette tout à coup, n’a rien dit, quand il a paru, sur ce livre qui touche à ce qu’il y a de plus sensible, de plus facilement saignant et criant sous la plume d’un homme : un sujet d’histoire contemporaine !
Simon, au lieu de compliquer et de tortiller, à la manière allemande, les arabesques déjà si brouillées de la philosophie, les simplifient au contraire, jusqu’à la ligne la plus mince et la plus diaphane, afin que cela devienne si facile d’être philosophe que naturellement tout le monde le soit !
Et probablement ce n’est pas chez ce peuple cul-de-jatte, qu’elle progressera assez pour le devenir.
Certes, quand on descend d’une pareille chaîne d’esprits et qu’on va d’Aristote à… Sieyès, à travers le christianisme qui de toutes les manières fut une révélation, on se demande ce qui aurait manqué à l’humanité, devenue chrétienne, quand elle n’aurait pas eu, pour tracasser ses annales, tous ces gaillards-là !
Martin Doisy catholique, aussi à l’aise dans son sujet que les protestants le sont peu, par la raison naturelle que pour juger l’Église qui n’a jamais varié, il ne faut pas être devenu — si tard que cela ait été — l’ennemi de cette Église, Martin Doisy a montré par tous les développements de son ouvrage que la charité, qui a sauvé et nourri le monde, n’a pas concentré son action dans les premiers temps du christianisme.
À force d’être innocent et enfançon, Dieu sait ce qu’il devient !
L’étude et le temps ont leur devenir.
On sait que, seul et sans secours, il fit trembler Philippe ; qu’il combattit successivement trois oppresseurs ; que, dans l’exil même, il fut plus grand que ses concitoyens n’étaient ingrats ; qu’il pensa, parla, vécut toujours pour la liberté de son pays, et travailla quarante années à ranimer la fierté d’un peuple devenu, par sa mollesse, le complice de ses tyrans.
Telle était cette princesse ; elle devait tuer un jour, bien involontairement, le jeune peintre qui aurait pu devenir le Raphaël de son siècle et qui ne fut que Léopold. […] Léopold Robert, timide d’abord, encouragé ensuite, familier enfin, devint l’habitué de ce salon. […] Il n’a pas eu besoin de dénaturer le costume moderne pour peindre des hommes et des femmes d’hier en habits antiques ; son œil groupe la toile, le drap, le cuir, comme il groupe les personnages ; en restant vrai il transfigure tout en beau : le vulgaire devient idéal sous sa touche.
Mais quand nous serons près de la ville qu’entourent un mur élevé et, des deux côtés, un beau port, l’entrée devient étroite. […] Ayez une colombe, et n’importe laquelle, En vivant avec elle, en jouant avec elle, Avec elle on devient oiseau. […] Il se plongea dans les Pères de l’Église, et devint mystique comme eux ; il retrouva la paix dans le mysticisme.
La chaleur descend de la tête au cœur, les fortes raisons se succèdent et s’enchaînent dans un ordre naturel ; la stérile abondance du procédé fait place à la fécondité de l’invention ; on est ému, on sent quelque chose de ce trouble où nous tient Bossuet tant qu’il parle ; on devient attentif comme à la vigoureuse dialectique de Bourdaloue. […] Serait-il devenu conséquent ? Chrétien par la douceur et la pureté, le serait-il devenu par la croyance ?
. — Plus tard Xerxès, dans une vallée de la Grèce, devint amoureux d’un platane à l’ombre duquel il avait dormi. […] Le défilé devint un antre de héros féroces. […] C’était pour eux assez de gloire qu’il les choisît entre tous les Grecs, pour les absoudre de leur offense et devenir leur ami. — Les Spartiates parlèrent à leur tour : — Athènes écouterait-elle ce tyran, messager d’un autre tyran ?
— On ne peut douter, après ces diverses considérations, que l’ensemble des documents géologiques ne soit extrêmement incomplet ; mais, si nous concentrons notre examen sur chaque formation séparément, il devient beaucoup plus difficile de comprendre pourquoi nous n’y trouvons pas une série étroitement graduée de variétés intermédiaires entre les espèces qui vivaient au commencement et celles qui ont vécu à la fin. […] Je ne suppose pourtant pas que nous voyions ici les véritables degrés transitoires par lesquels l’aile de l’oiseau a dû passer pour se former137 ; mais je ne trouve aucune difficulté à admettre qu’il pourrait devenir avantageux aux descendants d’un Manchot quelconque, d’abord d’acquérir la faculté de battre l’eau, comme l’Anas brachyptera, et ensuite de s’élever à sa surface en se soutenant sur l’air seul138. […] Si, au contraire, le fond de la mer reste stationnaire, à mesure que la formation devient plus puissante, la vitesse d’accumulation doit progressivement diminuer ; mais elle doit aussi progressivement s’enrichir en formes organiques, et les espèces doivent encore changer, sans que leur changement ait pour cause leur transformation par sélection naturelle.
Il s’attache à en énumérer les principales sortes, à en dénombrer les sources les plus fréquentes : les mauvais tours, les transpositions de mots et les entrelacements maladroits, les constructions que l’on appelle louches, « parce qu’on croit qu’elles regardent d’un côté, et elles regardent de l’autre. » Notez ici que l’écrivain devient spirituel à force de propriété et de justesse, comme il sied à un grammairien. — La longueur des périodes est encore un des vices les plus ennemis de la netteté du style : Vaugelas entend parler surtout de celles qui suffoquent et essoufflent par leur grandeur excessive ceux qui les prononcent, « surtout, ajoute-t-il avec esprit, si elles sont embarrassées et qu’elles n’aient pas des reposons, comme en ont celles de ces deux grands maîtres de notre langue, Amyot et Coëffeteau. » Reposoir est fort joli. […] L’homme de mérite qui prit ce sujet de thèse en 1851, excellent esprit, très-fort latiniste, et, à ce titre, devenu plus tard maître de conférences à cette même École dont il avait été un des élèves les plus distingués, est mort il y a deux ans. — Je dois recommander encore, comme non moins essentielle, la thèse de M.
Il essaya de se faire le précepteur particulier des fils d’un riche financier, mais cette vie d’assujettissement lui devint insupportable au bout de trois mois. […] Madame de Puisieux (autre erreur) durant dix années, mademoiselle Voland, la seule digne de son choix, durant toute la seconde moitié de sa vie, quelques femmes telles que madame de Prunevaux plus passagèrement, l’engagèrent dans des liaisons étroites qui devinrent comme le tissu même de son existence intérieure.
Tel sujet, Dandin ou le Malade, ne peut rester une comédie qu’à la condition de devenir une farce ; il faut pousser jusqu’à la bouffonnerie, si l’on ne veut que le drame déborde. […] Enfin, voici le passage décisif, et qui ne laisse subsister aucun doute : Les grands mots, selon les habiles connoisseurs, font en effet si peu l’essence entière du sublime, qu’il y a même dans les bons écrivains des endroits sublimes dont la grandeur vient de la petitesse énergique des paroles, comme on le peut voir dans ce passage d’Hérodote, qui est cité par Longin : « Cléomène étant devenu furieux, il prit un couteau dont il se hacha la chair en petits morceaux, et s’étant ainsi déchiqueté lui-même, il mourut. » Car on ne peut guère assembler des mots plus bas et plus petits que ceux-ci : se hacher la chair en morceaux, et se déchiqueter soi-même.
Devenus pères, en les faisant réciter à nos fils, nous nous étonnons d’y trouver de graves plaisirs pour notre âge mur, après y avoir pris un si vif intérêt dans notre enfance. […] Le français-gaulois, si vif pour tout ce qui est détail familier, fine moquerie, trait d’humeur, idées nées du sol et qui ne nous seraient jamais venues du dehors, y tient sa place à côté de ce grand langage, fruit de l’esprit français, alors qu’il est devenu la plus pure image de l’esprit humain.
Ainsi il trouve dans Xénophane, au moins des germes de scepticisme204 ; son disciple Parménide « n’a pas seulement une notion vague et générale de l’incertitude de la connaissance humaine ; il maintient que la pensée est trompeuse, parce qu’elle dépend de l’organisation205 », ce qui louche de plus au matérialisme, Héraclite ne voit dans tout qu’un devenir. — Empédocle se lamente sur l’incertitude de la connaissance et la fragilité de la vie humaine. […] Si l’on remarque que les centres sensitifs sont diversement affectés par les mêmes stimulus, qu’un courant électrique cause des sensations sapides au goût, odorantes à l’odorat, auditives au nerf acoustique, lumineuses au nerf optique, tactiles au nerf du tact ; si l’on remarque que des narcotiques, introduits dans le sang, causent des effets analogues ; de ces faits, et de bien d’autres, on conclura que la sensation dépend des centres et non des stimulus externes ; que l’impression doit devenir sensation.
Michel Lévy et Jacottet devenus les Augustes de tous ceux qui salissent du papier pour vivre. […] Il nous parle très curieusement de la religion laissée par Robespierre chez des amis, nous donnant des détails sur un nommé Henri Clémence, juré au Tribunal révolutionnaire, et qui, devenu maître d’école sous la Restauration, avouait, dans le vin, son culte pour l’Incorruptible, mélangé de l’apologie franche de la guillotine.
Les religions dogmatiques vont s’affaiblissant ; plus elles deviennent insuffisantes à contenter notre besoin d’idéal, plus il est nécessaire que l’art les remplace en s’unissant à la philosophie, non pour lui emprunter des théorèmes, mais pour en recevoir des inspirations de sentiment. […] Par les désirs sensuels, l’âme tend en bas et tombe : « l’être lumineux » devient un « être obscur ».
Jadis on nous faisait voir des criminels, on nous fait voir aujourd’hui des malades, et le roman est devenu une clinique d’hôpital. […] Un écrivain n’est pas devenu un savant pour s’être barbouillé de quelques livres de médecine qu’il a compris par à peu près et dont il a retenu quelques termes baroques qu’il place ensuite, au hasard le plus souvent.
Celui que nous appelions Bion est devenu plus sauvage, il désire presque d’être pâtre comme l’était en Écosse le Berger d’Ettrick Mais il a beau vouloir, l’art grec s’attache à lui, et se trahit en parfum sous cette âpreté (1833).
Dans des vers charmants que les lecteurs de cette Revue n’ont certes pas oubliés, Alfred de Musset, répondant à des vers non moins aimables du vieux maître190, lui disait, à propos de cette fraîcheur et presque de cette renaissance du talent : Si jamais ta tête qui penche Devient blanche, Ce sera comme l’amandier, Cher Nodier.
Des traités en langue vulgaire sur les divers arts et métiers, sur diverses parties des sciences d’alors, des livres de compte même peuvent devenir précieux pour l’histoire des origines et des progrès de la langue, par leur date, par leur terminologie, La littérature de ces époques revendique très directement, et à titre même de poèmes didactiques, les traités en vers sur la chasse, sur l’équitation, sur les échecs, etc.
Quand il y a dans le discours un véritable mouvement, nulle part on n’aperçoit de solution de continuité : le développement s’achemine tout d’une suite à son but, comme, dans l’être vivant, chaque état du corps, chaque moment de la vie plongent dans l’état et dans le moment qui précèdent, et ne sauraient s’en distinguer : l’enfant devient homme insensiblement, et change en restant le même.
Dès lors, les juxtapositions d’anecdotes les plus bizarres deviennent légitimes, de par la logique et la liaison occultes des choses signifiées, dont nos symboles sont les projections disparates.
On lui a persuadé dès son enfance, et depuis il n’en a pas douté, qu’un fils ne peut jamais s’acquitter de tout ce qu’il doit à une mère, voire à une mauvaise mère qui est devenue sa marâtre, et qu’un citoyen est toujours obligé à sa patrie, voire à son ingrate patrie et qui l’a traité en ennemi. » Plus loin, il montre le consul romain à la tête de l’armée.
Celui-ci fit voir, dans une ode, que les difficultés de la versification disparoissent devant ceux qui sont nés poëtes ; & que, bien loin d’être nuisibles au talent, elles contribuent à le faire sortir, & deviennent la source de mille beautés : De la contrainte rigoureuse, Où l’esprit semble resserré, Il acquiert cette force heureuse Qui l’élève au plus haut dégré.
Mais dès que les mouvemens de leur coeur qui opere mécaniquement, viennent à s’exprimer par leur geste et par leur contenance, elles deviennent, pour ainsi dire, une pierre de touche qui donne à connoître distinctement si le mérite principal manque ou non dans l’ouvrage qu’on leur montre ou qu’on leur lit.
Cela devient une fortune.
Pour cela il faudrait que le cœur fût devenu du bronze, comme la plume de l’Histoire, qui, dit-on, est de ce métal.
On doit y applaudir, d’autant plus qu’à présent, les livres femmes deviennent plus rares, — les livres femmes que les femmes manquent toutes, par la prétention d’être, ma foi ï aussi hommes que nous.
Être doué d’un esprit prodigieux dans le sens le plus leste et le plus brillamment impertinent de ce mot d’esprit, qui souvent dominait chez Joseph de Maistre toutes les gravités du génie, et devenir d’autant plus spirituel qu’on est plus respectueux, et gagner, dans cette compression féconde, mais douloureuse, d’un respect même immérité, des formes toutes — puissantes ou délicieuses pour sa pensée, qu’on n’aurait peut-être jamais eues sans cela, voilà ce que nous tenions à faire remarquer, nous qui pensons que la moralité d’un homme ajoute toujours à la beauté de ses œuvres !
L’abbé Galiani devenait un monsieur du dix-neuvième siècle, Candide était fini, et pour mon compte, je le regrettais.
… Supposez qu’il cesse d’être un bohème comme on l’était au xve siècle, donnez-lui une place dans le classement d’un monde où chacun était classé, faites un moine, un soldat, un être quelconque de cette société féodale, qui lut un chef-d’œuvre de hiérarchie, de cet escholier indomptable qui a rompu son ban et qui est devenu un véritable outlaw en plein Paris, — autant, ma foi !
On a dit que ce régicide ne le devint que parce qu’on avait tué son père, en supprimant son Année littéraire au nom du roi, rendant ainsi, coup pour coup, à la royauté, le coup qu’il avait reçu d’elle… Crime plus grand que dans un autre, dans le fils d’un homme comme Fréron, qui dérogea si épouvantablement à sa naissance et aux vertus de son père, et à qui on pourrait appliquer le mot grandiose et terrifiant de Chateaubriand, parlant d’un autre fils coupable : « Si son père l’eût su dans sa tombe, il serait revenu lui casser la tête avec son cercueil !
II Et ceci dépasse de beaucoup la personnalité du comte de Fersen, si touchante qu’elle soit, et il en est peu d’aussi touchantes… Venu de Suède en France et grand seigneur dans son pays, ami de Gustave III, de ce seul Roi de battement de cœur royal qu’il y eût alors en Europe, le comte Jean-Axel de Fersen, officier supérieur en Suède, le devint en France, croyant servir la Suède encore en servant la France, tant la France et la Suède, de temps immémorial, étaient unies.
De nombreux passages de ses écrits, relevés avec discernement par Gilbert, semblent indiquer cette préoccupation de Vauvenargues, devenue plus profonde dans l’oisiveté d’une garnison.
Il est plus ancien que Louis XIV lui-même, et ce ver, qui est devenu de taille à avaler la monarchie de Louis XIV, existait bien avant les vers qui ont dévoré son cercueil !
L’auteur du livre intitulé : À travers l’Antiquité, nous donne de ces rhéteurs, qui furent d’abord des Grecs, et qui devinrent des Romains, une idée qu’aucun livre n’en avait donnée, même approximativement.
Comme vos vers chantaient nos amours, mon nom commençait de devenir célèbre et la jalousie des autres femmes fut enflammée. » Être célèbre !
Gilbert, semblent indiquer cette préoccupation de Vauvenargues, devenue plus profonde dans l’oisiveté d’une garnison.
Comme vos vers chantaient nos amours, mon nom commençait de devenir célèbre et la jalousie des autres femmes fut enflammée. » Être célèbre !
L’idée chrétienne, qu’il faut saluer partout où elle passe, brille dans le roman américain, mais tronquée, humanisée, et telle qu’elle devient toujours au toucher trop appuyé, du protestantisme.
» Et cependant, malgré tout ce paganisme rapetissant et glaçant qui empêche le poète d’Impressions de s’élever et le fixe à la terre, — et même à la fange de la terre dont il est fou, quand elle est blanche et rose, — il y a dans son recueil un talent vrai, très cultivé déjà, et, sous la culture, devenu facile et ample.