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738. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Bernardin de Saint-Pierre. — I. » pp. 414-435

Bernardin le montre tel qu’il était en ces années 1772-1776, dans leurs longues promenades et leurs conversations familières sur tous sujets. […] Je n’ai pu toutefois parvenir à fixer le moment précis de la grande crise nerveuse de Bernardin, quand il se montre à nous (préambule de L’Arcadie) frappé d’un mal étrange, sujet à des éclairs qui lui sillonnent la vue, voyant les objets doubles et mouvants, et, dès qu’il rencontrait du monde dans les jardins publics et dans les rues, se croyant entouré d’ennemis et de malveillants.

739. (1865) Causeries du lundi. Tome VII (3e éd.) « Volney. Étude sur sa vie et sur ses œuvres, par M. Eugène Berger. 1852. — I. » pp. 389-410

Volney n’est pas un peintre, c’est un grand dessinateur ; dans ses descriptions de l’Égypte à laquelle il se montre sévère, il lui refuse absolument d’être pittoresque ; après l’avoir tant étudiée, il l’aime peu ; il l’exprime dans tous ses contours et dans sa réalité visible, sans en embrasser la grandeur profonde et sans en pénétrer peut-être le génie ; il n’a pas l’amour de son sujet. […] Il n’aime pas ce qu’il montre et ne le fait point aimer.

740. (1888) Préfaces et manifestes littéraires « Histoire » pp. 179-240

Qu’elle raconte Hercule ou Roland, elle dit l’homme dans le mouvement et dans les entreprises de son corps ; elle le montre dans l’exercice de sa force ; elle le représente en ses dehors. […] Il est dans un ancien une grande et magnifique image qui montre à notre conscience de plus hautes espérances, et doit la convier à de plus nobles devoirs.

741. (1888) La critique scientifique « La critique et l’histoire »

Toute réussite pratique et toute œuvre admirée, toute gloire de tout ordre, littéraire, artistique, militaire, religieuse, politique, industrielle, comprend donc les mêmes éléments, le même accord entre esprits supérieurs et inférieurs : l’œuvre, l’entreprise, est d’abord une conception, résultant, de plus en plus profondément, de l’intelligence acquise et originelle de son auteur, de la constitution de son cerveau, de tout son corps, des influences obscures encore qui l’ont formé tel : elle est ensuite cette conception détachée pour ainsi dire de son auteur et y tenant, comme un germe issu d’un être, passée de ce cerveau à d’autres, où elle se répercute, se reproduit, renaît, redevient efficace et cause des actes ou des émotions analogues à ceux qui existent dans l’âme primitive : cette reproduction, son degré marquent la similitude entre l’âme réceptrice et l’âme émettrice, en vertu du fait que les phénomènes psychiques d’un individu forment une série cohérente, en vertu encore du fait qu’une conception suppose la coopération de toute une série de rouages mentaux et qu’ainsi le fait de partager pleinement une conception montre ta similitude de ces rouages. […] Que ce soit bien la pratique des plaisirs artistiques qu’il faille accuse de ces défaillances et non l’opulence, l’exemple de la défense de Carthage contre Rome le montre, et celui de l’Angleterre, qui, malgré une extrême richesse, est restée vivace, parce que sans doute les plaisirs esthétiques n’y sont, n’y étaient naguère, le partage que d’un très petit nombre.

742. (1864) William Shakespeare « Deuxième partie — Livre I. Shakespeare — Son génie »

Le poëte en effet fait plus que raconter, il montre. […] Il vous montre une mère, Constance mère d’Arthur, et quand il vous a amené à ce point d’attendrissement que vous ayez le même cœur qu’elle, il tue son enfant ; il va en horreur plus loin même que l’histoire, ce qui est difficile ; il ne se contente pas de tuer Rutland et de désespérer York ; il trempe dans le sang du fils le mouchoir dont il essuie les yeux du père.

743. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Vien » pp. 74-89

Celle qui est sur le devant est attentive ; l’autre est groupée avec elle par son bras droit posé sur l’épaule gauche de la première ; elle regarde ; elle montre du doigt un de ses frères, apparemment, parmi ce groupe de disciples ou de prosélites placés debout derrière le saint. […] Si elle montre moins le nu qu’on ne désireroit, c’est qu’il y a vêtement sur vêtement.

744. (1767) Salon de 1767 « Peintures — Le Prince » pp. 206-220

Près de ce vaisseau, une paysane assise, un bras appuyé sur les bords du vaisseau, tenant de cette main un instrument de laiterie, l’autre bras pendant et dans la main un pot plein de lait qui se répand, tandis que la paysane s’amuse à considérer les caresses de deux pigeons qu’un pâtre debout à côté d’elle lui montre sur une troisième fabrique de gros bois arrondis et formant une espèce de réservoir d’eau, une auge où un petit courant est dirigé par un canal qu’on voit par derrière. à gauche, du même côté sur le fond, c’est une espèce singulière de colombier imitant une grande cage en pain de sucre, avec des rebords et des ouvertures tout autour, et soutenue sur cinq ou six longues perches inclinées les unes vers les autres. […] On n’a d’autre intérêt à les regarder que celui qu’on prend à l’accoutrement bizarre d’un étranger qui passe dans la rue ou qui se montre pour la première fois au palais-royal ou aux tuileries ; quelque bien ajustées que soient vos figures, si elles l’étaient à la française, on les passerait avec dédain.

745. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Son pantalon effiloché se répand en lambeaux sur des bottes crevées ; et le crayon seul de Gavarni pourrait analyser sa redingote qui montre la corde — que son cou revendique. — Repoussant et repoussé, il fait, quand il passe, le vide autour de lui. […] Eugène Guinot, — un journaliste qui se croit toujours à la mairie, — célèbre, pour la cinquante-troisième fois, le mariage du jeune clerc d’huissier Nanouchet avec la charmante comtesse Pascalowich, dont le saute-ruisseau a sauvé, — au péril de ses pantalons, — le voile vert pris aux branches d’un acacia ; alors, l’éternel suisse d’Aix-la-Chapelle étale en montre, dans la colonne réservée que lui loue tout chroniqueur bien élevé, les deux crânes de Charlemagne enfant et de Charlemagne empereur.

746. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre X. Première partie. Théorie de la parole » pp. 268-299

Virgile, en racontant les origines de l’empire romain, en transportant les pénates de Troie sur la vieille terre du Latium, nous montre comment se fondent les empires, comment les traditions lient les générations les unes aux autres. […] Virgile exprime encore les sentiments délicats et généreux d’une civilisation avancée, et montre ainsi comment avec un goût parfait le poète peut marier certaines idées et certaines mœurs d’un siècle avec celles d’un siècle antérieur, leçon admirable qui ne fut point perdue pour Racine et pour Fénelon.

747. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Révolution française »

Il montre également l’impossibilité de cet esprit principe, l’excrément des philosophes panthéistes qui souille, sous prétexte de les expliquer, toutes les histoires de notre temps, et l’inanité de cette autre théorie, moins ambitieuse, mais non moins fausse, à savoir : que la Révolution est sortie des salons du xviiie  siècle et des écrits des philosophes. […] Telle est, ramassée en quelques mots, cette Histoire des Causes de la Révolution qui vient l’éclairer par en-dessous, qui nous la montre sous le vrai jour de ses événements intérieurs, et non à la lumière trompeuse et rétrospective des nôtres.

748. (1901) L’imagination de l’artiste pp. 1-286

Le tableau ne nous montre en réalité que des images déformées, aplaties, projetées toutes sur une même surface. […] Mais cela montre à quel danger est exposé l’artiste qui dispose ainsi de facultés exceptionnelles. […] Si l’on me montre seulement l’envers de l’étoffe en me chargeant de deviner l’endroit, je resterai perplexe. […] Elle nous montre ce qu’il en a coûté aux artistes primitifs pour élaborer leurs types sculpturaux. […] Elle nous montre combien sont vagues d’ordinaire les images par lesquelles nous nous représentons la beauté.

749. (1871) Portraits contemporains. Tome V (4e éd.) « VICTORIN FABRE (Œuvres mises en ordre par M. J. Sabbatier. (Tome II, 1844.) » pp. 144-153

Quand il conversait, ses souvenirs se reportaient involontairement à l’époque brillante à laquelle l’aiguille de sa montre, en quelque sorte, s’était arrêtée ; même en s’adressant au jeune homme d’hier, il lui échappait de dire, comme entrée en matière, avec un clin d’œil d’allusion : « C’était en 1811 ; M.

750. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Études sur Blaise Pascal par M. A. Vinet. »

Vinet se montre d’une modestie excessive, et qui va jusqu’à l’humilité.

751. (1874) Premiers lundis. Tome I « Madame de Maintenon et la Princesse des Ursins — I »

Pourtant elle se montre aussi par de bons côtés, et nous essayerons dans un second article de rendre fidèlement l’impression qu’elle fait ici.

752. (1874) Premiers lundis. Tome I « Tacite »

« Vous croyez, dit-il, apprendre à connaître Tacite dans une traduction : eh bien, désabusez-vous ; vous ne le connaissez pas, vous ne le connaîtrez jamais par ce moyen ; on vous montre un fantôme, et l’on veut vous persuader que vous voyez Tacite : n’en croyez rien ; ce n’est pas lui, ce n’est pas même son ombre. » Dans la première ferveur du paradoxe, il ne tient nul compte de cette amélioration progressive, de cette sorte de perfection chronologique par laquelle la traduction la plus récente l’emporte presque nécessairement sur ses aînées.

753. (1874) Premiers lundis. Tome II « Charles de Bernard. Le nœud Gordien. — Gerfaut. »

M. de Pomenars, le vieil oncle, si fringant, et qui est le malin génie de l’aventure, semble avoir soufflé son esprit au romancier et tenir la plume en ricanant ; ou plutôt personne ne tient la plume ; chaque personnage agit, se comporte, parle comme il doit ; et si l’auteur se montre, ce n’est que pour les aider encore à mieux ressortir, comme un maître de maison plein d’aisance, qui s’efface ou reparaît à propos, et sait la vie.

754. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre IX. De l’esprit général de la littérature chez les modernes » pp. 215-227

La raison forte, l’éloquence mâle peuvent choisir, peuvent s’éclairer dans ces développements où le cœur humain se montre avec abandon.

755. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre II. Distinction des principaux courants (1535-1550) — Chapitre III. Les traducteurs »

Il ne l’explique point dogmatiquement : même dans ses dissertations, à plus forte raison dans ses Biographies, il peint ; il montre les individus, les actes, les petits faits qui sont la vie, les traits singuliers qui font les caractères.

756. (1895) Histoire de la littérature française « Troisième partie. Le seizième siècle — Livre V. Transition vers la littérature classique — Chapitre II. La langue française au xvie siècle »

Un des effets bizarres de cette réforme, et qui en montre l’inepte lourdeur, c’est la tentative de transformation de certains adverbes en ment.

757. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre IX. Beltrame » pp. 145-157

La Mascherata (la Partie de masques) nous le montre mari de la coquette Lucrezia et marchand ruiné par les folles dépenses de sa femme.

758. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XVII. Conclusion » pp. 339-351

Il n’est pas jusqu’à la Ruffiana qui ne montre le bout de sa cornette, quand Frosine essaye de marier Harpagon à la belle Marianne.

759. (1911) La valeur de la science « Deuxième partie : Les sciences physiques — Chapitre IX. L’avenir de la Physique mathématique. »

C’est bien ce que j’avais dit, et avec cela on nous montre bien que notre principe est hors des atteintes de l’expérience.

760. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Aristophane, et Socrate. » pp. 20-32

Le fils, impatient de se former à l’école d’un tel maître, & de se montre habile, débutoit par battre son père lui-même.

761. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre premier. »

C’est le charme et le secret de La Fontaine ; il nous montre ainsi qu’en parlant des animaux, il ne nous perd pas de vue un seul instant.

762. (1772) Bibliothèque d’un homme de goût, ou Avis sur le choix des meilleurs livres écrits en notre langue sur tous les genres de sciences et de littérature. Tome II « Bibliotheque d’un homme de goût — Chapitre XV. Des ouvrages sur les différentes parties de la Philosophie. » pp. 333-345

s’ Gravesande : l’agréable assaisonne l’utile dans la Philosophie du bon sens, dont M. le Marquis d’Argens vient de donner une derniere édition considérablement augmentée ; mais l’esprit d’irréligion s’y montre trop à découvert.

763. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Tout ce que j’ai compris de ma vie du clair-obscur » pp. 26-33

Autour de moi les objets gardent toute la force et toute la variété de leurs couleurs, ils se ressentent moins de la teinte de l’atmosphère et du ciel ; au loin ils s’effacent, ils s’éteignent, toutes leurs couleurs se confondent ; et la distance qui produit cette confusion, cette monotonie, les montre tous gris, grisâtres, d’un blanc mat ou plus ou moins éclairé, selon le lieu de la lumière et l’effet du soleil.

764. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mon mot sur l’architecture » pp. 70-76

Qu’on me montre sur toute la surface de la terre, je ne dis pas une seule figure entière, mais la plus petite partie d’une figure, un ongle, que l’artiste puisse imiter rigoureusement.

765. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Première partie — Section 21, du choix des sujets des comedies, où il en faut mettre la scene, des comedies romaines » pp. 157-170

Thesée est le dernier opera où Monsieur Quinault ait introduit des bouffons, et le soin qu’il a pris d’annoblir leur caractere, montre qu’il avoit déja senti que ces rolles étoient hors de leur place dans des tragedies faites pour être chantées, autant que dans des tragedies faites pour être déclamées.

766. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 16, objection tirée du caractere des romains et des hollandois, réponse à l’objection » pp. 277-289

Il est de niveau avec les plus basses, et c’est ce qui montre bien que le sol auquel tiennent par les racines les arbres dont j’ai parlé, est un terrain qui s’est abîmé.

767. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Section 14, de la danse ou de la saltation théatrale. Comment l’acteur qui faisoit les gestes pouvoit s’accorder avec l’acteur qui récitoit, de la danse des choeurs » pp. 234-247

Je n’en sçais rien, mais la chorégraphie de Feuillée dont j’ai déja parlé, montre suffisamment que la chose étoit possible.

768. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Jules Vallès » pp. 259-268

où souffle le vent d’un principe, une ligne où l’on sente que l’auteur a en lui ce point fixe des notions premières qui sont comme les gonds de la vie et sur lesquels elle tourne, mais sans jamais s’en détacher… Eh bien, à part cette nécessité d’être moraliste pour être vraiment supérieur dans un livre comme Les Réfractaires, y a-t-il même dans le coup de pinceau de Vallès, qui est énergique, autre chose que de la force qui fait montre de ses biceps, comme messieurs ces Hercules qu’il aime ?

769. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Topffer »

Mais l’intérieur de ces vieilles poitrines de grimpeurs de montagnes ou du cœur de rose de cette fillette, mais la manière de concevoir et de sentir la vie de ce mâle et pauvre curé qui, son bréviaire récité, sa messe dite, se rappelant qu’il est un robuste fils des Alpes, s’en va faire la guerre aux oiseaux du ciel pour nourrir les pauvres de la terre, voilà ce que l’on voudrait voir, voilà ce que Topffer ne nous montre pas avec assez de détails et ce qui n’aurait pas échappé à Sterne, par exemple, ce grand moraliste qui sait aussi fixer en trois hachures un paysage d’un ineffaçable fusain, grand comme l’ongle, mais infini d’expression, et qui reste à jamais, dès qu’on l’a vu, dans la mémoire, comme une pattefiche dans un mur !

770. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Proudhon et Couture »

Pour nous prouver que la société est essentiellement révolutionnaire, il nous la montre révolutionnée, comme si c’était là une raison, comme si ce n’était pas précisément parce qu’elle a été révolutionnée qu’elle ne doit plus être révolutionnaire !

771. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Charles Monselet »

Par-dessus l’élégiaque, il y a le lyrique, qui fait à tout instant des vers comme ceux-ci, par exemple (dans Le Harem) : L’une, soulevant ses cheveux Par un geste de canéphore, Montre au fond de ses deux grands yeux Une caverne de phosphore.

772. (1904) Les œuvres et les hommes. Romanciers d’hier et d’avant-hier. XIX « Erckmann-Chatrian » pp. 95-105

Restent donc, pour le fantastique essayé, Le Rêve du cousin Elof, qui n’est qu’un rêve somnambulique d’un effet usé et qu’il fallait renouveler, comme Edgar Poe, quand on ose toucher à ce genre de fantastique ; La Montre du Doyen, qui n’est qu’une histoire de la Gazette des tribunaux ; Les Trois Âmes, Hans Storkus, L’Araignée-Crabe.

773. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre premier. De la louange et de l’amour de la gloire. »

C’est à cette distance des hommes que la renommée paraît auguste, que la postérité se montre, que la gloire tourmente et fatigue l’imagination.

774. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre second. De la sagesse poétique — Chapitre VII. De la physique poétique » pp. 221-230

Ce qui le prouve, c’est qu’Achille, qui fait tant de bruit pour l’enlèvement de Briséis, et dont la colère suffit pour remplir une Iliade, ne montre pas une fois dans tout ce poème un sentiment d’amour ; Ménélas, qui arme toute la Grèce contre Troie pour reconquérir Hélène, ne donne pas, dans tout le cours de cette longue guerre, le moindre signe d’amoureux tourment ou de jalousie.

775. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome II

Le hideux spectacle que nous donne l’anarchie russe nous montre, avec une évidence atroce, où vont les peuples qui se laissent gouverner par en bas. […] L’Âme du chirurgien nous montre que cet art en apparence si brutal a aussi son esthétique. […] Ce que la France a fait nous montre ce qu’elle doit faire, pour préserver le fruit du sanglant effort. […] L’affreuse expérience tentée là-bas nous montre aussi par quels procédés devrait se maintenir cette soi-disant dictature du prolétariat. […] Il nous les montre encore « grimpant sur les montagnes à travers des monceaux de neige et de glace.

776. (1888) Poètes et romanciers

Il ne se démontre pas, il se montre. […] L’auteur y résume à son point de vue l’histoire générale des impressions de l’âme en face de la Nature ; il nous montre les arts se succédant dans le même ordre que les opérations de l’esprit humain sur le monde extérieur. […] Victor Hugo le procédé matériel qui se montre dans cette dernière œuvre à chaque page, presque à chaque vers. […] L’être montre éternellement sa double face, mal et bien, glace et feu. […] Sainte-Beuve nous montre, à peu près dans le même temps, trois talents occupés du même sujet et visant chacun à la gloire difficile d’un poème sur la nature des choses.

777. (1881) Le naturalisme au théatre

La critique, si débonnaire pour les auteurs arrivés, se montre tout d’un coup enragée contre certains débutants. […] Mais j’estime qu’un peuple qui élève un pareil temple à la musique et à la danse, montre une inquiétante lâcheté devant la pensée. […] Je l’ai dit, l’évolution se porte sur tout et c’est justement là ce qui en montre le caractère scientifique. […] Et moi, je demande qu’on montre l’homme tout entier. […] Cela montre une fois de plus quel est le flair des directeurs.

778. (1814) Cours de littérature dramatique. Tome I

Quatre ans après, le cardinal eut la même indulgence pour la tragédie de Saint Genet, dont l’auteur se montre beaucoup moins sage, moins réservé que Corneille. […] Voltaire trouve du faste dans les sentiments de Cornélie ; il est fâché qu’elle insulte César, et ne se montre pas plus reconnaissante de ses bontés : il voudrait une Cornélie simple, modeste et discrète. […] Corneille nous découvre l’intérieur de cette cour faible et lâche ; il nous montre ce misérable esclave couronné, recevant à genoux les ordres du sénat, obéissant aux volontés de sa femme, tremblant devant un fils qui le brave. […] Le jeune Attale, protégé par les Romains, et l’unique objet des crimes d’Arsinoé, augmente l’intérêt du dénouement, lorsqu’il se montre digne frère de Nicomède, et lui sauve, par un coup inattendu, la liberté et la vie. Toute cette conception est vigoureuse, originale ; elle montre plus qu’aucune autre la force et la fécondité du génie de Corneille.

779. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — Chapitre I. La Restauration. »

Il leur montre les vilenies du bas-fond où il les confine ; il veut qu’ils respirent cette fange ; il les y enfonce, non pour les en dégoûter comme d’une chute accidentelle, mais pour les y accoutumer comme à une assiette naturelle. […] Il est un personnage qui montre en abrégé son talent et sa morale, tout composé d’énergie et d’indélicatesse, Manly, le plain dealer, si visiblement son favori, que les contemporains ont donné à l’auteur en surnom le nom de son héros. […] La philosophie, qui nous les montre, nous conseille de n’y pas trop penser. […] Singulier contraste, et qui montre en abrégé tout ce talent et toute cette vie : des lords à ses funérailles et des recors à son chevet. […] La plus élégante personne du salon, lady Teazle, montre ses dents pour singer une femme ridicule, tire sa bouche d’un côté, fait des grimaces.

780. (1873) Molière, sa vie et ses œuvres pp. 1-196

Cette note fort curieuse montre quelle sorte d’autorité — toute morale — avait, jusqu’en ces années d’art à la belle étoile, celui qui allait devenir Molière. […] Nulle part d’ailleurs, — ceci soit dit en passant, — la tristesse, la mélancolie de Molière ne se montre si cruellement que dans Monsieur de Pourceaugnac. […] I, p. 207) nous montre Molière venant, deux jours avant la représentation des Femmes savantes, se défendre contre le bruit qui courait que Trissotin était le portrait du poète Cotin. […] Ce fier et hautain poète, son rival nous le montre quémandant et intriguant : « il a tiré des limbes son Dépit amoureux à force de coups de chapeau et d’offrir les loges à deux pistoles ». […] Soulié nous montre le lit, la grande chaise de repos à crémaillère, le coffre-fort, la table basse, le paravent.

781. (1860) Cours familier de littérature. IX « LIIe entretien. Littérature politique. Machiavel » pp. 241-320

Il explique avec une sagacité véritablement divine la pensée ou la passion des personnages, rois, consuls, magistrats ou peuple, qui amenèrent, dans tel ou tel but, telles ou telles vicissitudes dans les destinées du peuple romain ; il montre comment de l’événement accompli devait nécessairement découler tel autre événement par la seule fatalité des grands esprits, la fatalité des conséquences ; il refait l’histoire romaine tout entière avec une lucidité rétrospective qui éclaire mille fois mieux les faits que l’historien romain lui-même. […] Mais il y a quelque chose de plus étrange encore, et qui montre dans cette vigoureuse imagination aux prises avec l’indigence et l’abandon de sa patrie l’énergie légère et vicieuse des nations de ce pays et de ce temps. […] Un empire ne survit pas à une religion ; une nation qui n’a plus de capitale n’a plus de tête, plus de cœur, plus de nom, plus de langue, plus de vie. » Il trace à grands coups de plume les invasions des peuplades du Danube : Hérules, Thuringiens, Lombards, Ostrogoths, Visigoths, Allobroges ; il montre du doigt les haltes de ces peuplades campées d’abord, colonisant ensuite, se distribuant, au gré de chefs plus ou moins héroïques, sur les différentes provinces dépecées de l’antique Italie.

782. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXVIIe entretien. Phidias, par Louis de Ronchaud (2e partie) » pp. 241-331

Rien ne montre mieux, ce me semble, quelle distance sépare une civilisation toute matérielle de la civilisation véritable, et comme quoi le progrès de l’art se lie essentiellement à un développement religieux ou philosophique. […] XXXIII « Au moyen âge, sous l’influence d’idées bien différentes, la sculpture se montre également dépendante de l’architecture ; et, tandis que celle-ci produit des chefs-d’œuvre d’un genre nouveau, l’autre s’arrête à un degré de développement très inférieur. […] Platon nous montre, au commencement du Phédon, une fontaine voisine de l’Ilissus, qu’un agnus-castus ombrage de ses rameaux odorants, et autour de laquelle sont des statues du fleuve Achéloüs et de ses nymphes ; c’est là que Socrate s’assied avec son jeune disciple et qu’ils s’entretiennent philosophiquement de l’amour et de la beauté, au chant harmonieux des cigales.

783. (1868) Cours familier de littérature. XXVI « CLIe entretien. Molière et Shakespeare »

Viens, haut ou bas ; montre-toi, et fais ton devoir comme il convient. […] Oui, je le reconnais à présent ; rien n’est plus certain, car voilà Banquo, tout souillé du sang de ses plaies, qui me sourit et me les montre comme siens. — Quoi ! […] Le cinquième acte les montre rentrant en Écosse avec des forces nombreuses.

784. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre III. La poésie romantique »

Ni hors de lui, ni en lui, il ne nous montre rien : rien que sa profonde désespérance, et ses aspirations vagues vers un lieu qui n’a pas de nom. […] Mais j’entends la voix d’une âme qui chante à l’occasion de ces objets : elle ne me les montre pas, elle se montre par eux à moi, et le paysage est un hymne.

785. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre deuxième. L’émotion, dans son rapport à l’appétit et au mouvement — Chapitre quatrième. Les émotions proprement dites. L’appétit comme origine des émotions et de leurs signes expressifs. »

Mais Bain montre fort bien que les muscles qui se contractent alors ont précisément pour objet de permettre le relâchement des autres muscles : « Avec une petite force on en relâche une plus grande. » La dépense a ici pour objet une épargne, et c’est, à notre avis, parce que le premier mouvement en face de la douleur, étant un mouvement de conservation et de concentration sur soi, est aussi une tendance à épargner la force qu’on sent diminuer : on se retire de la douleur, on tâche de se ressaisir. […] elle rampe et se brise comme en agonie, si on crispe une feuille de métal, bien que le son soit alors si faible que nous l’entendons à peine ; elle danse en cadence une valse jouée par un instrument ; enfin elle bat la mesure au tic-tac d’une montre. […] Ce dernier montre d’ailleurs quelle connaissance approfondie et scientifique des organes avaient déjà les grands artistes de l’antiquité et de la renaissance, comme Leonard lui-même.

786. (1916) Les idées et les hommes. Troisième série pp. 1-315

C’est toute une littérature nouvelle qui se montre, qui va s’épanouir et peut-être foisonner. […] Puis un peloton de chasseurs d’Afrique se montre. […] Sans le dire, l’auteur de L’Élève Gilles nous le montre à merveille. […] La thaumaturgie s’apaise et l’occultisme montre quelque abnégation. […] À la fin de ce tome, un « petit nuage » se montre, un petit nuage, précurseur de la tempête.

787. (1911) Nos directions

Ghéon se montre sévère pour une œuvre qui lui paraît pompeuse, sonore et creuse, comme pour son auteur, qui lui paraît manquer de « décence esthétique ». […] Pour moi, je ne sais guère de plus harmonieuses phrases que celles de ce premier acte royal où s’expose l’action ; mais je défie qu’on m’en montre une qui résonne « gratuitement ». […] …………………………………………………………………………………………… Je n’ai point honte, mais je me montre et je suis toute à tous. […] Rostand s’y montre tout entier. […] Rostand se montre, à côté du géant, il demeure pâlot.

788. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. de Rémusat (passé et présent, mélanges) »

Une autre intitulée le Vaudeville politique, et dans laquelle il retrace toute l’histoire du noël satirique en France, montre à quel point il comprit dès le premier jour le rôle de la chanson représentative. […] Puis, après avoir réfuté quelques systèmes exclusifs sortis du dernier siècle, l’auteur aborde sur deux ou trois questions, tant spéciales que générales, l’analyse du fond, et nous montre à l’œuvre cette science à laquelle il voudrait nous convertir. […] Dans son Introduction, comme dans son Essai final, l’auteur se montre avec raison très-préoccupé de ce sensualisme pratique qui envahit la société française, disposition fort différente du système dit sensualiste, lequel s’alliait très-bien, chez les philosophes du dernier siècle, avec de hautes qualités morales et avec des vertus. Aujourd’hui on étale moins ses vrais principes ; au besoin on en a même de solennels pour les jours de montre ; l’époque est à la fois épicurienne de fait et ampoulée de langage.

789. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Mais, du moment que l’enfant dont on lui montre l’évasion s’appelle Louis XVII, elle résiste, parce qu’elle a idée que cette évasion n’a jamais eu lieu, et parce que Louis XVII, pour elle, c’est, essentiellement, l’enfant maltraité par le cordonnier Simon et mort de rachitisme au Temple. […] Lia, énervée, et comme ivre de chagrin, se montre d’autant plus imprudemment provocante et coquette que c’est la première fois et qu’elle y apporte quelque gaucherie. […] Puis c’est une pièce qui nous montre « l’étoile » dans toutes les postures où le public a coutume de l’admirer. […] Il arrive enfin que, sous la monarchie de Juillet, et grâce au régime censitaire, le nom de bourgeois s’applique réellement à une classe distincte du reste de la nation ; et, comme cette classe se montre en effet égoïste, cupide et pusillanime, on conçoit assez la défaveur croissante du mot dont elle est étiquetée.

790. (1889) Histoire de la littérature française. Tome III (16e éd.) « Chapitre quatorzième. »

Est-ce donc à dire que Fénelon soit le premier ou le seul écrivain du dix-septième siècle chez qui se montre l’esprit de liberté ? […] L’art, sous toutes les formes, en est alors comme l’image sensible : la hardiesse ne s’y montre jamais que dans la sagesse, et l’invention n’est que le bonheur de retrouver le bien de tous. […] Pourquoi donc l’esprit de liberté le tient-il pour suspect, et, au contraire, montre-t-il tant de faveur à Fénelon ? […] Que sont, en effet, ces exhortations de Mentor à Idoménée pour qu’il fasse fleurir l’agriculture, qu’il mette la paix avant la guerre, qu’il procure avant tout à son peuple l’abondance des aliments, qu’il se défende des détails, qu’il ne se mêle point des différends entre les prêtres des dieux, qu’il étouffe les disputes sur les choses sacrées dès leur naissance, qu’il ne montre ni partialité ni prévention en ces matières ; qu’est-ce que tout cela, sinon une critique des guerres de Louis XIV, de ses bâtiments, de sa passion pour les détails, de son intervention dans les disputes religieuses, de sa prévention dans celle du quiétisme ?

791. (1879) À propos de « l’Assommoir »

On nous pardonnera cette longue citation : elle montre, mieux que ne pouraient le faire des anecdotes, la conscience que M.  […] L’influence des faits, la tyrannie des choses est montrée par l’auteur avec un soin particulier ; il ne se contente pas de dessiner l’âme de son héros : il recherche et montre les parcelles empoisonnées que ce malheureux a respirées dans l’air, les poisons qu’il s’est laissé verser, les meurtrissures des obstacles qu’il a rencontrés, dont il n’a pas su faire disparaître la trace. […] Zola d’être un spéculateur sans vergogne, un écrivain sans foi   Cela montre sur quelle base s’appuient la plupart du temps ses détracteurs. […] … (Il montre le vide).

792. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1862 » pp. 3-73

Là, il nous montre les dons des artistes à sa critique, — pauvres dons qui attestent toute l’avarice et la lésinerie de ce monde de l’art envers un homme qui, pour un si grand nombre, a bâti des piédestaux en feuilletons, et a mis de la gloire autour de leurs noms inconnus avec le patronage de ses belles phrases et de ses descriptions si colorées. […] Il faudrait, pour la montre, des montagnes, des pêle-mêlées d’ossements et non des rayons. […] Il y a des fleurs partout, des plats de Chine dans les plafonds, des Watteau peints par Ballue, des vitrines pleines de dunkerques, du carton-pierre, des tentures de lampas, des stores peints, des tapis comme de la mousse, des reliures surdorées, des portes, couvertes, de bas en haut, de dessins, de lithographies, de photographies à deux sous, un salon de jeux avec des billards polonais et des toupies hollandaises, et des montées, des descentes, des machinations de dégagements qui ressemblent à une intrigue de vaudeville, et partout des objets d’art à ravir une fille : une maison triomphante avec jardin, écurie et remise, que vous montre un homme lugubre et gêné et tristement aimable, — que vous montre Jules Lecomte.

793. (1896) Journal des Goncourt. Tome IX (1892-1895 et index général) « Année 1893 » pp. 97-181

Dans ce monde de bibeloteurs japonais, c’est une folie de surenchères entre Gillot, Havilant, Manzi, et le bijoutier Vever, le plus passionné de tous, et qui nous montre le billet de sa place sur le paquebot, pour l’Exposition de Chicago. […] Enfin, il nous les montre, dans un accident, gravement blessés, courant au disque, pour constater que le mouvement n’a pas été fait. […] Sarah se montre très aimable, très occupée de moi, très attentive à ce que je n’aie pas froid. […] Aujourd’hui, au Grenier, quelqu’un demandant l’heure, on parle de la différence de l’heure, sur les montres tirées des poches.

794. (1889) Essai sur les données immédiates de la conscience « Chapitre III. De l’organisation des états de conscience. La liberté »

Elle le montre en effet ; et nous admettrons sans peine, quant à nous, l’existence d’une relation entre l’état actuel et tout état nouveau auquel la conscience passe. […] C’est donc une psychologie grossière, dupe du langage, que celle qui nous montre l’âme déterminée par une sympathie, une aversion ou une haine, comme par autant de forces qui pèsent sur elle. […] Et si l’expérience montre qu’on s’est décidé pour X, ce n’est pas une activité indifférente qu’on devra placer au point O, mais bien une activité dirigée par avance dans le sens OX, en dépit des hésitations apparentes. […] Bref, cette figure ne me montre pas l’action s’accomplissant, mais l’action accomplie.

795. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXVIII » pp. 266-276

Cousin, en terminant, conclut : « Selon nous, Pascal est l’exagération de Port-Royal comme Port-Royal est l’exagération de l’esprit religieux du xviie  siècle… » Puis il montre le xviiie  siècle réagissant en sens tout opposé : « Aujourd’hui, dit-il, le xixe  siècle a devant lui la dévotion sublime mais outrée du xviie  siècle, et la philosophie libre mais impie du xviiie  ; et il cherche encore sa route entre ces deux siècles… Son caractère distinctif qui déjà44 commence à paraître, consiste précisément à fuir toutes les extrémités qui jusqu’ici ont séduit et entraîné l’esprit français… Est-il donc impossible de s’arrêter sur la pente des systèmes et de concilier tout ce qui est vrai et tout ce qui est bien ?

796. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Denis nous transporte dans les bocages d’Otahiti, séjour charmant de la poésie et de la volupté, où le navigateur oublie l’Europe et la patrie ; soit qu’aux bords sacrés du Guige, il nous retrace les caractères des beaux lieux qu’il arrose, la plénitude de la végétation, des villes au sein des forêts, (les gazelles et les biches auprès du buffle et du tigre, l’éléphant sauvage et sa vaste domination sur les hôtes des bois, et ses guerres sanglantes contre des armées entières de chasseurs ; soit qu’accomplissant cette fois toute sa mission, il nous montre la littérature portugaise passant du Gange au Tage, et qu’il présente les fables des Indiens, et leurs riantes allégories, et leurs croyances si douces et si terribles tour à tour ; alors, en s’adressant aux poètes, il est poète lui-même ; sa pensée, singulièrement gracieuse, s’embellit encore d’une expression dont l’exquise pureté s’anime des couleurs orientales.

797. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre VI. De la littérature latine sous le règne d’Auguste » pp. 164-175

C’est l’homme tel qu’on le voit, tel qu’il se montre ; ce sont les fortes couleurs, les beaux contrastes du vice et de la vertu ; mais on ne trouve dans l’histoire ancienne, ni l’analyse philosophique des impressions morales, ni l’observation approfondie des caractères, ni les symptômes inaperçus des affections de l’âme.

798. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section II. Des sentiments qui sont l’intermédiaire entre les passions, et les ressources qu’on trouve en soi. — Chapitre II. De l’amitié. »

Deux hommes, distingués par leurs talents, et appelés à une carrière illustre, veulent se communiquer leurs desseins, ils souhaitent de s’éclairer ensemble ; s’ils trouvent du charme dans ces conversations où l’esprit goûte aussi les plaisirs de l’intimité, où la pensée se montre à l’instant même de sa naissance, quel abandon d’amour-propre il faut supposer pour croire qu’en se confiant, on ne se mesure jamais !

799. (1895) Histoire de la littérature française « Quatrième partie. Le dix-septième siècle — Livre IV. La fin de l’âge classique — Chapitre I. Querelle des Anciens et des Modernes »

Au fond, Boileau était dans une fausse position : il était très « moderne » lui-même, et la façon dont il a habillé son Longin à la française montre la puissance qu’a sur lui le moyen goût de son siècle.

800. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre I. Bernardin de Saint-Pierre »

Aux épithètes littéraires qui qualifient, il substituera l’épithète pittoresque qui montre : il nous fait voir l’ouara rouge et noir au milieu du « feuillage glauque des palétuviers », le savia jaune et gris perché sur le poivrier aux fleurs ternes, dont il mange les graines602.

801. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Grosclaude. »

Grévy, et nous montre M. de Freycinet s’apprêtant à découper le gâteau : « M. de Freycinet, dit-il, avec cette gravité qu’il apporte même aux choses sérieuses… » Cette simple phrase, remarquez-le, est un puits de profondeur, puisqu’on y suppose couramment admise une pensée qui passe elle-même pour surprenante et profonde, à savoir que c’est aux choses futiles que nous apportons le plus de gravité… N’ai-je pas raison de conclure que le délire de Grosclaude est le délire d’un sage ?

802. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre XII. Lo Ipocrito et Le Tartuffe » pp. 209-224

Qui ne se montre ami des vices devient ennemi des hommes.

803. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome III « Les trois siècle de la littérature françoise. — M. — article » pp. 239-252

Tel est l’empire de l’exemple : il agit plus puissamment que les regles, en ce qu’il montre, tout à la fois, & la route & le terme.

804. (1761) Querelles littéraires, ou Mémoires pour servir à l’histoire des révolutions de la république des lettres, depuis Homère jusqu’à nos jours. Tome I « Mémoires pour servir à l’histoire des gens-de-lettres ; et principalement de leurs querelles. Querelles particulières, ou querelles d’auteur à auteur. — Balzac, et le père Goulu, général des feuillans. » pp. 184-196

On en a chargé des chariots pour envoyer au siège de la Rochelle… Son portrait se montre par rareté au louvre. » Presque tous les ordres religieux épousèrent les intérêts du grand Phyllarque.

805. (1824) Notes sur les fables de La Fontaine « Livre sixième. »

La narration et la morale se trouvent dans le dialogue des personnages, et l’auteur s’y montre à peine, si ce n’est dans cinq ou six vers qui sont de la plus grande simplicité.

806. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre premier. Vue générale des épopées chrétiennes. — Chapitre III. Paradis perdu. »

Le berceau de Rome chanté par Virgile est un grand sujet, sans doute ; mais que dire du sujet d’un poème qui peint une catastrophe dont nous sommes nous-mêmes les victimes, qui ne nous montre pas le fondateur de telle ou telle société, mais le père du genre humain ?

807. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre II. Qu’il y a trois styles principaux dans l’Écriture. »

On ne montre pas comment un pareil style est beau ; et si quelqu’un le critiquait, on ne saurait que répondre.

808. (1765) Essais sur la peinture pour faire suite au salon de 1765 « Mes petites idées sur la couleur » pp. 19-25

Soyez sûr qu’un peintre se montre dans son ouvrage autant et plus qu’un littérateur dans le sien.

809. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Seconde partie — Section 37, des défauts que nous croïons voir dans les poëmes des anciens » pp. 537-553

La maniere dont l’un et l’autre arriverent à la mort, montre assez qu’ils ne la craignoient gueres.

810. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Lettres portugaises » pp. 41-51

Le fat qui montre des lettres de femmes, dans l’intérêt de son amour-propre, n’est-il pas capable de les altérer ?

811. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Henri Rochefort » pp. 269-279

Le Tintamarre est un journal plein de hardiesse et d’originalité, qui porte, et qui ne cache pas, car il le montre assez !

812. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « Taine »

Toutes ces constructions de sensations, toutes ces reviviscences d’images, toutes ces études d’hallucination, toutes ces dentelles d’analyses physiologiques faites au microscope, tous ces fils de la Vierge qu’on nous montre entre l’index et le pouce, toutes ces bluettes, en fin, qu’on veut nous donner et qu’on nous donne, c’est pour que nous ne puissions apercevoir du premier regard le but où l’on veut nous conduire, et ce but, c’est de réduire les plus grandes et les plus vivantes choses qu’il y ait dans le cœur et la tête de l’homme : Dieu, l’âme et le devoir, à n’être qu’une vile sensation, un ridicule bruit de sonnette dont on tire le cordon, en attendant qu’avec ce cordon on puisse les étrangler.

813. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Louis Wihl »

La gloire, pour ceux qui la méritent et qui ont la faiblesse de l’aimer, n’est jamais qu’une question d’heure qui se résout montre à la main.

814. (1902) Les œuvres et les hommes. Le roman contemporain. XVIII « J.-K. Huysmans »

Huysmans, qui fait le Titan contre la vie, ne se montre qu’un imbécile Tom Pouce quand il s’agit de la changer !

815. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre II. Des éloges religieux, ou des hymnes. »

Les objets qui l’environnent et qui le frappent, c’est l’architecture qu’il a créée, les métaux qu’il a tirés du sein de la terre, les richesses qu’il a cherchées au-delà de l’océan, les différentes parties du monde unies par la navigation, enfin tout ce qu’a de brillant le tableau de la société, des lois et des arts ; mais dans les campagnes, l’homme disparaît, et la divinité seule se montre.

816. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XIV. Panégyrique de Trajan, par Pline le jeune. »

Il nous montre ces figures autrefois menaçantes, dévorées par les flammes, et l’objet de l’effroi public changeant de forme, pour servir désormais à l’usage et aux plaisirs des citoyens28.

817. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre III. L’âge classique. — chapitre VI. Les romanciers. » pp. 83-171

Le roman pousse de toutes parts, et sous toutes les formes montre le même esprit. […] Vous tombez dans les phrases emphatiques et bien écrites1074 ; vous ne voulez pas montrer la nature telle qu’elle est, telle que la montre Shakspeare, lorsque, piquée par la passion comme par un fer rouge, elle crie, se cabre et bondit par-dessus vos barrières. […] Personne n’a égalé Sterne dans l’histoire de ces hypertrophies humaines ; il pose le germe, l’alimente par degrés ; il fait ramper alentour les filaments propagateurs, il montre les petites veines et les artérioles microscopiques qui s’abouchent dans son intérieur, il compte les palpitations du sang qui les traverse, il explique leurs changements de couleur et leurs augmentations de volume. […] C’est la bête que Hogarth montre dans l’homme, bien pis, la bête folle ou meurtrière, affaissée ou enragée. […] Ce ne sont plus des membres et des têtes qu’il nous montre, c’est la débauche, c’est l’ivrognerie, c’est la brutalité, c’est la haine, c’est le désespoir, ce sont toutes les maladies et les difformités de ces volontés trop âpres et trop dures, c’est la ménagerie forcenée de toutes les passions.

818. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre V. Les contemporains. — Chapitre III. La critique et l’histoire. Macaulay. »

Il ne condamne point les actions de Strafford ou de Charles ; il les explique ; il montre dans Strafford le naturel impérieux, le génie dominateur qui se sent né pour commander et briser les résistances, qu’un penchant invincible révolte contre la loi ou le droit qui l’enchaîne, qui opprime par une sorte de nécessité intérieure, et qui est fait pour gouverner comme une épée pour frapper. Il montre dans Charles le respect inné de la royauté, la croyance au droit divin, la conviction enracinée que toute remontrance ou réclamation est une insulte à sa couronne, un attentat à sa propriété, une sédition impie et criminelle : dès lors, vous ne voyez plus dans la lutte du roi et du parlement que la lutte de deux doctrines ; vous cessez de prendre intérêt à une ou à l’autre pour prendre intérêt à toutes les deux ; vous êtes les spectateurs d’un drame ; vous n’êtes plus les juges d’un procès. […] Pour cela, il faut faire appel à l’observation personnelle du lecteur, partir de son expérience, comparer les objets inconnus qu’on lui montre aux objets connus qu’il voit tous les jours, rapprocher les événements anciens des événements contemporains. […] Mais pour le gouvernement du pays, il y avait moins de part que le plus jeune commis ou cadet au service de la Compagnie… » Pour Nuncomar, le ministre indigène de la Compagnie, « il est difficile d’en donner une idée à ceux qui ne connaissent la nature humaine que par les traits sous lesquels elle se montre dans notre île. […] Voici une narration détachée qui montre fort bien et en abrégé les moyens d’intéresser qu’il emploie, et le grand intérêt qu’il excite.

819. (1887) Journal des Goncourt. Tome II (1862-1865) « Année 1865 » pp. 239-332

Il le montre, après la prise d’Eupatoria, se promenant dans le Palais, la nuit, avec ce pas de pierre qu’il avait, ce pas de la statue du Commandeur, et allant tout à coup à un soldat montant la garde, lui arrachant son fusil, et lui-même agenouillé en face du soldat, lui criant ; « À genoux… Prions pour la victoire !  […] On nous la montre, sa voiture attelée, dès sept heures du matin, courant Paris d’un bout à l’autre, pénétrant par des portes dérobées chez tout le monde politique et financier. […] L’Italienne est gracieusement sculpturale, et montre dans son droit profil et sa fine nuque de bronze florentin, une distinction de race, le style de ces campagnardes étrusques, où reste comme la marque d’un grand passé : femmes qui, tout peuple qu’elles sont, restent des reines de nature. […] Il nous montre ce type d’inventeur sublime volé, volé, volé par tout le monde, volé par Ericsen de sa découverte de l’hélice, volé par Girardin de sa découverte du physionotrace, et vivant, à la fin de sa vie, d’une misérable pension faite par le ministère de la marine, et toujours la tête dans un tas de découvertes, et soutenant en lui la flamme qui fait trouver avec de l’eau-de-vie, — et se préparant aux travaux de la nuit par le jeu enragé de deux ou trois heures de violon. […] Thierry nous montre une lettre de Camille Doucet, dans laquelle le ministre Rouher et le maréchal Vaillant nous font l’honneur d’avoir cherché, trouvé un dénouement à notre pièce.

820. (1853) Histoire de la littérature dramatique. Tome II « Chapitre premier. Ce que devient l’esprit mal dépensé » pp. 1-92

La langue nouvelle s’y montre dans tout son éclat, l’esprit dans toute sa verve, le dialogue dans la grâce et dans le naturel inimitable qui donne une si grande valeur au poème. […] Dans Le Bourgeois gentilhomme, Molière nous montre un marquis escroc et une comtesse qui est une franche aventurière ; il nous montre, dans Le Mariage forcé, toute une famille de gentilshommes déshonorée, depuis le père jusqu’à la fille. […] Quant au nombreux domestique imaginaire de notre Sicilien, il ne se montre pas, il est vrai, mais il est plus amusant cent fois que Lajeunesse et Léveillé, ce Léveillé maudit. […] peut-elle donc se comparer à la jeune fille, si naïve et si chaste que nous montre Molière ? […] C’est à ce moment que se montre Philinte dans tout son horrible égoïsme.

821. (1929) Les livres du Temps. Deuxième série pp. 2-509

Mais il se montre singulièrement chimérique dans l’application. […] Robert Dreyfus montre avec esprit qu’au fond M.  […] Il y montre une grâce charmante et un esprit souvent éblouissant. […] Suarès s’y montre brillant paysagiste. […] Suarès se montre ici plus équitable).

822. (1925) Proses datées

Faguet se montre donc envers lui bienveillant, mais il se montre aussi, comme je le disais, familier, et cette familiarité, d’ailleurs parfaitement respectueuse, a pour raison que Faguet échappe complètement au prestige qu’exerce d’ordinaire sur ceux qui l’étudient l’existence, même que mena Balzac. […] Ajoutons que la société prête les mains, le plus souvent, à ces ruses et joue son rôle dans ce complot, Balzac nous montre comment le guet-apens échoue devant une volonté tenace et déterminée. […] L’un se bombe en carapace de tortue et montre, dans son vernis jaune, de charmants Chinois à longues nattes ; l’autre, tout noir, encadre de ses arabesques dorées de minuscules personnages de la comédie italienne. […] Il se montre à nous tout entier. […] Une assez médiocre miniature qu’entoure un cadre de bois noir le montre vêtu d’un habit bleu, le cou cerclé d’une ample cravate de mousseline dont les bouts font papillon.

823. (1925) Promenades philosophiques. Troisième série

Nous arrivons aux chapitres où il montre que les plantes, construites sur le même plan que l’homme, possèdent de plus, selon leurs espèces, des similitudes particulières, dont l’emploi thérapeutique est tout indiqué. […] Au premier rang est la grenade, dont le fruit ouvert montre de véritables dents (fig. 2) ; elle est bonne à raffermir les gencives et assurer les dents ébranlées. […] Il en est de même de la racine de dentaire ou cardamine, comme le montre sa forme. […] Le Dantec, dont il montre la sincérité et l’ardeur scientifique. […] » Voilà un scrupule qui montre à la fois la profondeur et la puérilité des répulsions entre castes.

824. (1900) Molière pp. -283

La crédulité, la vanité, même la vanité méchante, l’instinct du mal, voilà surtout de quoi il nous les montre pétries. […] À cette fantaisie de Dom Juan, le Pauvre résiste ; Dom Juan le presse, il résiste jusqu’au bout, et se montre, armé de sa foi, plus fort que Dom Juan. […] Toute femme, selon lui, qui prend quelque soin de ne pas paraître absolument laide, est une femme perdue ; toute femme qui va au spectacle et qui se montre en public, — ceci est textuel, — se déshonore ! […] … Est-ce que vous croyez par hasard que ce soit un rire bien gai, que le rire violent qui nous montre dans Tartuffe une famille honnête bouleversée par l’imbécillité d’un dévot et l’insolence d’un hypocrite, ou cet autre rire effrayant qui nous montre un type monstrueux comme celui de Turcaret, où tous les vices, la cruauté, l’avarice, la cupidité, sont réunis ? […] Ayant devant elle un champ plus vaste et plus libre, elle est obligée à moins de détours et de déguisements pour s’accommoder au goût de chaque époque, et l’époque s’y montre naïvement ce qu’elle est.

825. (1922) Nouvelles pages de critique et de doctrine. Tome I

Il nous le montre réservé, taciturne, se dressant « à céler aux autres les émotions de son âme trop tendre ». […] Il vous la montre et vous la voyez avec lui, comme lui. […] Il est trop intéressé par le mécanisme intérieur de la montre qu’il étudie. Il admet qu’elle sonne une autre heure que sa montre à lui. […] On y montre encore son caveau.

826. (1870) De l’intelligence. Première partie : Les éléments de la connaissance « Livre troisième. Les sensations — Chapitre II. Les sensations totales de la vue, de l’odorat, du goût, du toucher et leurs éléments » pp. 189-236

L’optique nous montre que, s’il y a un spectre, c’est que les divers rayons contenus dans la lumière blanche se sont infléchis, les uns moins, les autres davantage, en passant par le prisme ; ils se sont d’autant plus infléchis que leurs ondes sont plus courtes et plus rapides ; partant, si l’on suit, du rouge au violet, la série des rayons qui font le spectre, on trouve que le raccourcissement et l’accélération des ondes vont croissant. […] Le nombre n’a pu en être fixé ; il est probablement beaucoup plus grand ; peut-être, pour l’ondulation éthérée comme pour l’ondulation aérienne, il suffit de deux vibrations successives pour produire une sensation perceptible encore à la conscience ; en ce cas, la plus courte sensation de lumière perceptible à la conscience serait composée, comme la plus courte sensation de son perceptible à la conscience, de deux sensations élémentaires imperceptibles à la conscience et douées chacune d’un maximum, d’un minimum et d’intermédiaires. — Sans pousser l’induction si loin, le cas de l’étincelle électrique montre que la sensation de lumière, comme la sensation d’un son très aigu, est composée d’une suite continue de sensations très nombreuses, successives et semblables qui, pour nous, forment un bloc indécomposable et simple. […] En somme, tout ce que l’observation nous montre dans les nerfs du toucher, ce sont des systèmes différents de déplacements moléculaires transmissibles.

827. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 mai 1885. »

Wagner montre, dans la Seconde Partie, comment Beethoven a rendu la musique à sa destination naturelle20 : L’aptitude d’un musicien à son art, sa vocation à cet art, ne se peuvent, certes, traduire d’autre façon que par l’action manifeste, sur lui, des œuvres musicales environnantes. […] Mais, en revanche, la rude vivacité, déjà mentionnée, de son être humain, apparaît encore ici, et nous le montre impatient, — avec tout le sentiment d’une douleur intime, — de l’enclave où les formes, comme toutes les autres chaînes de la convention, retenaient son génie. […] Il semble, au contraire, que les Français ne connaissent point, en eux, cette intime source de rénovation : nous les voyons préoccupés, seulement, dans la politique comme dans l’art, à la forme extérieure, et prêts, toujours, à renverser complètement la forme qui leur déplaît, avec l’espoir, sans doute, de ce que la forme nouvelle s’élèvera, d’elle même, déjà parfaite… L’esprit Allemand, cependant, se développe à l’aise, même en des genres étrangers… C’est ainsi que nous avons reçu des italiens la musique, avec toutes ses règles ; et, ce que nous avons fait dans cet art, le génie de Beethoven nous le montre, par ses œuvres, supérieures à toute compréhension.

828. (1886) Revue wagnérienne. Tome I « Paris, 8 juin 1885. »

Ainsi, par exemple, dans sa Neuvième Symphonie, dont la première partie nous montre l’idée du monde sous son jour le plus sombre. […] Fantin-Latour nous a consolé de cette misère : celui-là, d’abord, est un Wagnériste conscient, connaît, admire, célèbre le Maître, mais il a, surtout, cette extrême gloire, que seul, aujourd’hui, il a, résolument compris la double tâche possible au peintre : il a, dans ses grands tableaux, dont chacun montre une victoire nouvelle, reproduit, plus exactement que tous et plus entièrement, la vie objective, réelle, totale des formes : et il a, en d’adorables dessins, écrit le poème de l’émotion plastique, communiquant aux âmes des émotions étrangement douces et tièdes, par une combinaison fantaisiste des lignes et des teintes. […] Et c’est ainsi qu’après avoir établi que chaque œuvre d’art nous montre les choses telles qu’elles sont, il nous dit plus tard : « Chaque œuvre d’art est une réponse de plus à la question : qu’est-ce que la vie ? 

/ 1972