Nous savons que le siècle appelle cela le fanatisme ; nous pourrions lui répondre par ces paroles de Rousseau : « Le fanatisme, quoique sanguinaire et cruel 49, est pourtant une passion grande et forte, qui élève le cœur de l’homme et qui lui fait mépriser la mort ; qui lui donne un ressort prodigieux, et qu’il ne faut que mieux diriger pour en tirer les plus sublimes vertus ; au lieu que l’irréligion, et en général l’esprit raisonneur et philosophique, attache à la vie, effémine, avilit les âmes, concentre toutes les passions dans la bassesse de l’intérêt particulier, dans l’abjection du moi humain, et sape ainsi à petit bruit les vrais fondements de toute société : car ce que les intérêts particuliers ont de commun est si peu de chose, qu’il ne balancera jamais ce qu’ils ont d’opposé50. » Mais ce n’est pas encore là la question : il ne s’agit à présent que d’effets dramatiques. […] « Il n’y a rien, ni dans le ciel ni sur la terre, qui soit ou plus doux, ou plus fort, ou plus élevé, ou plus étendu, ou plus agréable, ou plus plein, ou meilleur que l’amour, parce que l’amour est né de Dieu, et que, s’élevant au-dessus de toutes les créatures, il ne peut se reposer qu’en Dieu.
On va voir en foule un spectacle des plus affreux que les hommes puissent regarder, je veux dire le supplice d’un autre homme qui subit la rigueur des loix sur un échaffaut, et qu’on conduit à la mort par des tourmens effroïables : on devroit prévoir néanmoins, supposé qu’on ne le sçut pas déja par son experience, que les circonstances du supplice, que les gemissemens de son semblable feront sur lui, malgré lui-même, une impression durable qui le tourmentera long-tems avant que d’être pleinement effacée ; mais l’attrait de l’émotion est plus fort pour bien des gens que les reflexions et que les conseils de l’experience. […] Mais nous avons dans nos annales une preuve encore plus forte que celle-là, pour montrer qu’il est dans les spectacles les plus cruels une espece d’attrait capable de les faire aimer des peuples les plus humains.
Un des plus grands partisans du raisonnement severe que nous aïons eu, le pere Mallebranche, a écrit contre la contagion des imaginations fortes, dont le charme pour nous séduire consiste dans leur fécondité en images, et dans le talent qu’elles ont de peindre vivement les objets. […] Cependant le public enchanté par la poësie du stile de ces ouvrages ne se lasse point de les admirer, et il les place fort au-dessus de plusieurs autres, dont les moeurs sont meilleures, et dont le plan est regulier.
De toutes les impulsions, celle de la nature, dont il tient son penchant, est la plus forte. […] Tous les poëtes, dont le nom s’est rendu célebre, sont une preuve encore plus forte de ce que j’avance sur la force de l’impulsion du génie.
Je crois, en effet, ces sortes de défauts moins fréquents dans ses chefs-d’œuvre ; mais trop souvent encore y pourrait-on relever des pages comme celle-ci, qui est d’Indiana, son premier livre célèbre : « Raymond, cédant à la fatigue, s’était endormi profondément, après avoir reçu fort sèchement sir Ralph, qui était venu prendre des informations chez lui. […] Raymond était fort content de sa providence, car il en avait une à lui, à laquelle il croyait en bon fils et sur laquelle il comptait pour arranger toutes choses au détriment des autres plutôt qu’au sien propre », etc.
L’auteur d’un livre si singulièrement nommé : La Religion progressive, doit être bien plus fort comme postillon que celui qui intitulerait le sien, par exemple : « Religion du Progrès », car la religion du Progrès pourrait être quelque chose de fixe et d’absolu, que la pensée de l’homme ne traverserait pas comme une cour d’auberge et pour se remettre incontinent, après y avoir relayé, le cul sur la selle ; tandis que la Religion progressive, c’est tout autre chose : c’est une religion qui va toujours, et qui postillonne, à son tour, comme les philosophes, sur le chemin sans bout de l’humanité ! […] on s’attendait à une plus forte cuisine !
A vingt-cinq ans, enivrés par la méditation sentimentale que favorise l’Italie, ou par la méditation métaphysique, à laquelle les froides charmilles à la française du séminaire d’Issy sont fort convenables, ces deux adolescents merveilleux me semblent des sages. […] Renan, dans les premières années de sa majorité, a traversé une crise psychique ; il eut une de ces fortes congestions du cerveau qu’on remarque chez les enfants un peu notables, mis en présence des immenses ressources de la vie.
Ce même matin sur les onze heures, l’abbé Tallemant (que l’on appelait le père Tallemant pour le distinguer d’un autre abbé Tallemant son neveu, tous deux de l’Académie française), l’abbé Tallemant vint donc sur les onze heures du matin, et d’un air fort empressé apporta à ma mère une copie de ce sonnet qu’il avait copié lui-même pour elle. […] Il intervint utilement, et de la seule manière dont il le pouvait, en tâchant de faire prolonger indéfiniment les procédures : « Car il ne faut pas se flatter, écrivait-il, de terminer cette affaire autrement que par insensible transpiration, et en la traînant si longtemps que cela la fasse oublier, ce qui n’est pas même fort aisé ; car quand une fois un livre est dénoncé ici, vous ne sauriez croire avec quelle ardeur quatre zélés et quatre mille hypocrites le poursuivent. » Il réussit pourtant à rendre à son illustre confrère ce bon office auquel se prêta la partie sage de la cour romaine. — Le duc de Nivernais avait auprès de lui, dans son ambassade de Rome, un homme d’esprit et de talent, La Bruere, auteur d’opéras et capable de mieux, et qui, s’il avait vécu, aurait appris au public à distinguer son nom de celui de son presque homonyme. […] Mais sa personne est aimée et justement aimée, et l’on a fort applaudi ces vers de duc et d’amateur. » Il ne passait pas à Paris un souverain étranger, un prince Henri de Prusse, une grande-duchesse de Russie, que le duc de Nivernais ne les fêtât par quelques couplets impromptus, ou même par quelque opéra de sa façon. […] L’Académie occupait fort agréablement le duc de Nivernais, et, on vient de le voir, il en était mieux qu’une décoration. […] Je suis bien fâché de ne l’avoir pas pu posséder plus longtemps ; je lui ai escamoté deux soupers, dans lesquels il a été aussi aimable que l’homme du plus d’esprit qui soupe toute sa vie. » — Je crois pourtant devoir avertir que les lettres de Frédéric à Maupertuis, telles qu’on les a publiées, sont fort sujettes à caution, et qu’une nouvelle édition est nécessaire pour établir l’authenticité du texte.
Tantôt, comme dans l’interdiction des spiritueux ou des viandes, il fallait s’accommoder au climat qui prescrivait un régime végétal ou au tempérament de la race pour qui les boissons fortes étaient funestes389. […] J’en appelle à toutes les institutions politiques, civiles et religieuses ; examinez-les profondément, et je me trompe fort, ou vous verrez l’espèce humaine pliée de siècle en siècle au joug qu’une poignée de fripons se permettait de lui imposer… Méfiez-vous de celui qui veut mettre l’ordre ; ordonner, c’est toujours se rendre maître des autres en les gênant. » Plus de gêne ; les passions sont bonnes, et, si le troupeau veut enfin manger à pleine bouche, son premier soin sera de fouler sous ses sabots les animaux mitrés et couronnés qui le parquent pour l’exploiter409. […] Aucune d’elles n’est trop forte, même l’amour de soi. […] Il est dans la nature de l’égalité de s’accroître ; c’est pourquoi l’autorité des uns a grandi en même temps que la dépendance des autres, tant qu’enfin, les deux conditions étant arrivées à l’extrême, la sujétion héréditaire et perpétuelle du peuple a semblé de droit divin comme le despotisme héréditaire et perpétuel du roi. — Voilà l’état présent, et, s’il change, c’est en pis. « Car423 toute l’occupation des rois ou de ceux qu’ils chargent de leurs fonctions se rapporte à deux seuls objets, étendre leur domination au dehors, et la rendre plus absolue au dedans. » Quand ils allèguent un autre but, c’est prétexte. « Les mots bien public, bonheur des sujets, gloire de la nation, si lourdement employés dans les édits publics, n’annoncent jamais que des ordres funestes, et le peuple gémit d’avance, quand ses maîtres lui parlent de leurs soins paternels. » — Mais, arrivé à ce terme fatal, « le contrat du gouvernement est dissous ; le despote n’est maître qu’aussi longtemps qu’il est le plus fort, et, sitôt qu’on peut l’expulser, il n’a point à réclamer contre la violence ». […] La Bruyère (des Esprits forts).
Mais ce n’est pas seulement cela que j’aurais voulu… René Mauperin n’aurait pas été moins grande et elle n’aurait plus été incroyable, si, bien avant de mourir, la religion, plus forte que la douleur, lui avait redonné la grâce de son sexe ; car je ne connais que la religion qui soit plus forte que ce bête d’orgueil ! […] Après avoir si fort appuyé sur la pointe de leur burin, les auteurs se relâchent et ne vont pas plus avant. […] C’était plus fort. […] Moi, j’appelle cela du matérialisme, et du plus borné et du plus stupide, du matérialisme vieux et incorrigible comme le monde, et qui, exilé des littératures fortes, ne manque jamais de reparaître dans les littératures décadentes, quand le souffle divin de la spiritualité n’anime plus les peuples que les littératures expriment. […] Quel sujet de roman qu’une telle créature, pour un romancier fort en nature humaine, et qui sait la brasser.
Déjà, dans le poème féodal, le héros est beau parce qu’il est fort, témoin Guillaume au Court-Nez. […] Sans doute, par là même qu’elle est sa propre maîtresse, elle obéit à mille caprices, que la raison, plus forte, pourrait contrarier. […] Ce sont comme mille fils variés et ténus qui vont des uns aux autres et forment un réseau fort autant que délicat. […] À plus forte raison vous laisseriez-vous attirer par les artisans, que de choses curieuses à apprendre ! […] Si Falconet lut cette satire, il dut y applaudir, lui qui estimait si fort chez Puget le sentiment des plis de la peau, et la fluidité du sang.
Devient-elle plus forte, plus vive, c’est une passion. […] Il y a contre la théorie de l’hérédité une objection plus forte. […] Le second argument est plus fort. […] C’est une forte présomption pour que B soit la cause de A. […] La première ne peut donner qu’une forte présomption.
il s’esclaffe, et sa forte joie lui secoue le ventre jusqu’à faire éclater la braguette. […] Après un fort beau succès, Alfred de Vigny donna, pourrait-on dire, sa démission de poète dramatique comme, capitaine, il s’était retiré de l’armée. […] En outre, il a donné au théâtre des œuvres claires et fortes, poignantes et hautes. […] — une œuvre haute, forte, belle et rayonnante, qui ne s’éteindra jamais. […] Il en dérive, certes, car on est toujours le fils de quelqu’un ; mais Héraclès, né de Zeus, lui joua de fort vilains tours, entre autres la délivrance de l’homme.
Tout grand écrivain a une vision qui lui est individuelle : il écrit à partir d’un certain point fort reculé, mais que l’on devine demeurer chez lui toujours sensiblement le même. […] Ne vous laissez pas tromper par la grâce narquoise du tour : ce passage correspond à un sentiment fort profond. […] Et cependant ce serait le décrire inexactement que de ne voir en lui qu’un doctrinaire ; car le pur doctrinaire jouit toujours d’un contentement intime dont Albert était fort éloigné. […] Les plus grands artistes eux-mêmes ne disposent que d’un nombre fort limité de registres ; et leur grandeur précisément se mesure à leur capacité d’avoir l’air de disposer de tous par le degré même dont des leurs ils disposent. […] Le miracle qui a nom Shelley se manifeste à la fois sur trois plans, de signification fort diverse, et où le Shelley essentiel intervient dans des mesures très inégales.
Il a tiré des contrastes encore plus forts du mêlange des comiques. […] On dit de Boileau qu’il commençoit par le second vers, afin de s’assûrer qu’il seroit le plus fort. […] Un coloris trop brillant refroidiroit l’un, comme un pathétique trop fort obscurciroit l’autre. […] On a dit qu’une pensée appartenoit à celui qui la rendoit le mieux : cela ressemble au droit du plus fort. […] il est bien aisé à l’homme d’imaginer des corps plus étendus, plus forts, plus agiles que le sien.
Elle était fort intelligente. […] (C’était un fort bon clerc et fort bien appointé). […] Ils ne sont jamais bien forts. […] Lui seul est assez fort. […] C’était un fort honnête homme.
On se battit fort et ferme à la porte des marionnettes-Godard. […] Fortes fortuna adjuvat ! […] Nous avons fort envie de rire, fort envie de rire nous avons ! […] Des vers fort bons contre Boileau ? […] L’atmosphère était si fort chargée des miasmes catholiques !
Le scrupule intellectuel était trop fort chez lui. […] Du temps de l’Empereur, Julien eût été un fort honnête homme. […] » Le mal est le plus fort. […] Vous n’aurez pas cet accent d’âpre vérité, cette amère et forte éloquence. […] Tant est fort, à l’heure présente, le préjugé contre le mot déshonoré, le militarisme.
Quand vous voyez un homme attaqué avec acharnement, avec furie, par toutes sortes de gens (et même d’honorables mais intéressés) et par toutes sortes de moyens, soyez bien sûr que cet homme a une valeur et qu’il y a là-dessous quelque bonne et forte qualité en jeu et qu’on ne dit pas. […] Nous lui répondions qu’il exagérait sans doute un peu, et qu’il n’y avait peut-être pas lieu d’être si fort en garde. […] Ce qui résulte souvent de colère et de rancune pour une simple première discussion modérée et judicieuse est inimaginable, et la critique elle-même alors, quand elle récidive, a fort à faire pour ne pas se laisser gagner aux mêmes irritations.
On a fort discuté sur ce que pouvait être cette préparation appliquée à une statue ; sans prétendre l’assimiler exactement à l’office et aux soins d’éditeur, j’aime à croire, sur la foi de toute l’antiquité, qu’Homère également, si on pouvait l’interroger, répondrait : « De toutes mes Iliades, il en est une que je préfère, c’est celle à laquelle Aristarque a mis la main. » A moins de redevenir grammairien, c’est bien à elle, en effet, que l’homme de goût peut se confier et se tenir. […] Cette précision singulière qui règne dans Homère a frappé Napoléon ; il ne la retrouvait pas à beaucoup près dans Virgile, ce qui lui a fait dire : « Si Homère eût traité la prise de Troie, il ne l’eût pas traitée comme la prise d’un fort, mais il y eût employé le temps nécessaire ; au moins huit jours et huit nuits. […] On sait quelle forte éducation première reçurent de tout temps les hommes d’État de la Grande-Bretagne dans leurs colléges de Cambridge, d’Oxford ou d’Eton.
6° Plus originale, plus audacieuse est la méthode si fort préconisée par Ronsard : le provignement des mots : « Si les vieux mots abolis par l’usage ont laissé quelque rejeton, tu le pourras provigner, amender et cultiver, afin qu’il se repeuple de nouveau. » Ainsi de lobbe, on tirera lobber, de verve, verver, d’essoine, essoiner. […] Marie Stuart aussi le goûtait fort. […] Sa ferveur catholique le fit fort attaquer par les calvinistes, qu’il ne ménagea pas dans ses divers Discours et Remontrances.
La critique, dans la seconde moitié du xixe siècle, a exercé une très forte action sur la création littéraire. […] Vinet855, un Suisse, un protestant, a mêlé de fortes préoccupations morales à l’étude des œuvres littéraires : esprit grave, solide, ingénieux, fécond en idées et en vues sur toutes les parties de notre littérature qui posent le problème moral ou religieux. […] Cette forte doctrine a le défaut de tout expliquer : elle ne fait pas apparaître les éléments encore inexplicables de l’œuvre littéraire.
III Il est donc fort singulier que ce soit M. […] Lisez la pièce intitulée Émotions nocturnes : la première partie en est fort belle. […] Et je songe avec tristesse que, si un photographe appliqué pouvait, par un jeu savant de lignes, insérer dans la tête de mort la silhouette de la belle-mère au lieu du profil de Sarah Bernhardt, il aurait « transposé » fort exactement le sonnet de M.
Ce n’est ici qu’un fort léger surcroît aux causes d’erreur habituelles. […] Vous êtes restée jusqu’au bout la petite fille qui, dans les traînes du Berry, inventait de belles histoires pour amuser les petits pâtres… On assure que vous avez vécu fort librement : c’est que vous ne pouviez ni vous garder de la passion ni vous y tenir, votre pente étant surtout à la pitié et à la charité maternelle, qui est la vraie mission de la femme. […] Vos amoureuses adultères sortent broyées de leur aventure ; et, si vous avez paru reconnaître le droit absolu de la passion, ce n’est que de celle qui est « plus forte que la mort » et qui la fait souhaiter ou mépriser.
C’est une succession, souvent longue, de passions fort différentes, qui alimentent la vie et la renouvellent. » Autrement dit, un amour, c’est une vie. […] Il ne lui croit pas le cerveau très fort. […] * * * En résumé, Michelet est fort éloigné des théories et des vœux de nos féministes, et cela pour des raisons scientifiques et mystiquement voluptueuses.
Il a beau écrire Diamant du cœur, pour dire une larme et vouloir pétrifier tous ses pleurs pour en faire jaillir un rayon plus vif, dans son amour de l’étincelle, l’émotion est plus forte que sa volonté. […] Et poussant bien fort de longs cris d’alarmes, Ils t’ont refusé blessure et tourments, Parce que ton sang, parce que tes larmes Étaient des rubis et des diamants. […] Il professe, pour la forme, un culte extraordinaire, fort heureux en somme, puisque ?
C’est toi qui satisfais le penchant le plus digne de nous ; tu nous écartes des routes de la molesse pour nous faire marcher sur les pas des grands hommes ; tu ravis au néant le souvenir des nobles travaux ; sois toujours la passion la plus forte, la plus durable, la plus agissante dans l’homme de Lettres. […] Tandis que l’ennemi des beaux Arts sur le déclin de ses années, à charge à lui-même & aux autres, éprouvera un vuide affreux, n’envisageant que le spectre de l’ennui, & les ombres horribles de la mort : l’homme éclairé jouira du spectacle de sa vie passée ; il aura sçû apprécier, ce que vaut l’existence, & fort par sa pensée, il ne redoutera point l’instant inévitable qui doit terminer sa carrière : ainsi le généreux Fénélon, qui montra à l’Univers le caractère rare & sacré d’une ame remplie à la fois d’une extrême vertu & d’une extrême douceur, ne perdit point dans les Cours la simplicité de ses mœurs, & conserva dans son exil cette égalité d’ame que rien ne pût corrompre. […] Alors mes foibles accens rendus plus forts par la mâle éloquence de ce bienfaiteur de l’humanité iroient porter la honte & le remord dans le sein de leur persécuteurs ; alors l’Envie étonnée de se trouver sensible laisseroit tomber ses fléches empoisonnées ; & ses lâches Ministres réduits au silence, ne jouiroient plus du coupable plaisir de rabaisser un mérite qui les offusque.
On est d’abord conduit à penser que cette circonstance est le volume ou plutôt la masse des cerveaux7, car c’est une loi assez générale de la physiologie que la force des organes est proportionnelle à leur masse, et ainsi, par exemple, les plus gros muscles sont les plus forts. […] En effet, tout ce que nous savons des mœurs, des habitudes, des instincts propres aux poissons, nous oblige à regarder ces animaux comme généralement inférieurs aux insectes, et à les placer fort au-dessous des fourmis et des abeilles, tandis que leur système nerveux, comme celui de tous les vertébrés, offre de nombreux caractères qui le rapprochent du système nerveux de l’homme. » De cette considération, Leuret conclut, à l’inverse de Gratiolet, « qu’il ne faut pas attribuer à la forme de la substance encéphalique une très grande importance11. » Sans sortir de l’ordre des mammifères, il est très difficile d’attribuer une valeur absolue à la forme cérébrale, car s’il est vrai que le singe a un type de cerveau tout à fait semblable à celui de l’homme, en revanche, nous dit Lyell, « l’intelligence extraordinaire du chien et de l’éléphant, quoique le type de leur cerveau s’éloigne tant de celui de l’homme, cette intelligence est là pour nous convaincre que nous sommes bien loin de comprendre la nature réelle des relations qui existent entre l’intelligence et la structure du cerveau » 12. […] Cependant il ne faudrait pas voir là, suivant lui, l’expression d’une loi, car, d’après ce nouveau critérium, le renard et le chien seraient placés au même rang que le mouton, et fort en arrière du phoque et de la loutre ; le singe d’ailleurs serait aussi bien partagé que l’homme et même quelquefois l’emporterait sur lui.
Rien autre chose, sinon que la passion de l’étude, ainsi que toutes les autres, a ses instants d’humeur et de dégoût, comme ses moments de plaisir et d’enivrement ; que dans ce combat du plaisir et du dégoût, le plaisir est apparemment le plus fort, puisqu’en décriant les lettres on continue à ‘s’y livrer ; et que les Muses sont pour ceux qu’elles favorisent une maîtresse aimable et capricieuse, dont on se plaint quelquefois, et à laquelle on revient toujours. […] Il était loué par les uns, déchiré par les autres ; mais par malheur ceux qui lui rendaient justice louaient d’autres ouvrages que j’avais lus, et qui ne valaient pas mieux ; j’ai vu qu’il n’y avait rien à apprendre dans la lecture des journaux, sinon que le journaliste est l’ami ou l’ennemi de celui dont il parle, et cela ne m’a pas paru fort intéressant à savoir. […] Le trésor des remèdes de l’âme ; mais le trésor des remèdes de l’âme ne me paraît pas plus riche que tant de vastes pharmacopées qui annoncent des remèdes pour tous les maux du corps, et qui guérissent fort peu de malades.
il ne faut pas qu’on l’oublie, et j’avoue que j’ai un fort plaisir à le répéter aux écrivailleuses endiablées de cette époque superbement plate, puisqu’elle accepte leurs extravagantes prétentions, c’est qu’il faut que Dieu s’en mêle, par voie extraordinaire et par grâce surnaturelle, pour qu’une femme, en génie, vaille un homme… Dans l’ordre humain, cela ne s’est jamais vu. […] Nous savons bien, enfin, que cette terriblement privilégiée de Dieu, cette marquée par lui, cette grande stigmatisée, n’est explicable et intelligible que comme l’Église l’explique, à cette forte époque incrédule qui, hier encore, s’affolait de tables tournantes ; et, par parenthèse, on peut apprendre comment l’Église l’explique dans les introductions très bien faites que M. l’abbé Cazalès a placées à la tête des œuvres de la sœur Emmerich. […] Oui, pour rester inconnue, excepté de Dieu, il ne s’en est fallu que de la mince épaisseur de l’homme qui admira, sans réserve et sans peur, le spectacle qu’elle faisait à elle seule et qui était d’une sublimité si déconcertante que les cœurs les plus forts en tremblaient, et que les esprits les plus ouverts aux choses de la foi se fermaient presque au témoignage de leurs yeux qui le contemplaient.
Je ne m’occupe pas le moins du monde de savoir si les Planche, les Chasles et les Sainte-Beuve, qui furent les contemporains de Janin et qui ne furent non plus que des critiques à l’état fragmentaire, l’auraient docilement accepté pour leur Roi de la main fort peu consacrée de M. […] » Et le style, en effet, le tenait si fort, cet homme de style, marié grâce à son style, qu’il raconta le bonheur de son mariage dans un feuilleton enivré et resté célèbre, trouvant, cet enfant gâté du bonheur, que c’était augmenter son bonheur que de récrire, tant il était écrivain ! […] C’était en ce temps-là un joyeux garçon aux belles dents rieuses, frais comme une rose-pomme épanouie parmi tous ces pâles de Paris, au regard très doux et un peu indécis, un de ces regards qu’on appelle à la Montmorency et dont l’indécision, qui vous lutine, est plus piquante… Il avait de magnifiques cheveux noirs bouclés comme un pâtre de la campagne romaine, et qui, pour boucler, n’avaient pas besoin des papillotes que se plantait le grave Lerminier sur sa forte tête philosophique et législative.
En présence des œuvres fortes, des œuvres suées par les hommes de labeur et d’étude, la Critique a parfois de singulières mollesses ! […] En effet, ce christianisme plus fort que tout dans l’auteur de l’Histoire de la Liberté religieuse et qui lui a fait épouser les grandeurs catholiques autant que les grandeurs protestantes, a été reproché sourdement à M. […] Quoiqu’il eût déjà, quand il l’écrivait, des qualités éclatantes et fortes, il n’avait pas l’ampleur, la virilité enflammée et la solidité puissante qui disent maintenant qu’il a trouvé une forme adéquate à sa pensée, et qu’il a, littérairement, vocation d’histoire.
Quand on a affaire à un talent aussi prouvé que celui de madame Paul de Molènes, on n’a pas, vis-à-vis d’elle, l’embarras d’une critique forte, et on doit lui en faire honneur. […] Hélène, qui intéresse au moins par ses défauts, — parce qu’elle est une femme très bien observée de ce temps anémique et épuisé, qui n’a plus de passion réelle, qui voudrait en avoir ou s’en donner et qui ne peut, et qui n’a pas même la rage de son impuissance, — Hélène est, en somme, un type qu’on ne peut admirer que parce qu’il est ici admirablement exprimé ; mais, tel qu’il est cependant, il nous prend plus fort, à cause de sa réalité, que le type de l’Orpheline, de cette impeccable Madelaine, qu’on pourrait appeler la mécanique du devoir continu, remontée par son père pour sonner le dévouement et les services à rendre à toute heure de jour et de nuit. […] Elle rebrousse chemin et revient à l’autre rive… C’est une merveille que ces conversations qui font revirer de bord cette jeune âme, et cependant l’amant est digne de la séduction qu’il pratique ; car il est beau, spirituel, fort en femmes, expérimenté et épris, sincèrement amoureux, — toutes les puissances !
Gabriele d’Annunzio faisait un jour cet aveu naïf et typique à un rédacteur du New-York Hérald : « Je suis un pur Latin et chez tout individu de race différente j’aperçois un côté barbare. » Le Français dirait volontiers, lui aussi : « Je suis un pur Français, et tout ce qui n’est pas semblable à moi m’apparaît inférieur. » C’est l’inverse, on le voit, de la parole du personnage de Térence : Homo sum… L’individualisme national exclusif paraît être la plus forte vertu du Français qui, de bonne foi, se croit généralement d’une essence plus pure que les vulgaires humains. […] La France a pu être vaincue, il n’en est pas moins vrai qu’elle était la plus forte. […] Le « nationalisme », tel qu’il est généralement compris en France, ne peut aboutir qu’à la défaite et à la ruine, parce qu’il est basé sur une tromperie, et qu’il ne peut que propager cette inconscience formidable dont nous sommes paralysés, il faut avant tout savoir si on est fort ou faible, et dans ce dernier cas, savoir pourquoi, afin d’y remédier.
Victor Hugo, il est vrai, n’a pas inventé de mètres nouveaux, mais d’une part le symbolisme lui-même a montré par ses essais que le champ ouvert à l’invention métrique est fort limité, et d’autre part, Victor Hugo a dépassé de loin Ronsard dans l’invention de combinaisons métriques nouvelles, de strophes ou plutôt d’associations de strophes selon le mouvement oratoire ou poétique (ce qui est en somme de l’invention métrique). […] Barre attribue à ce morceau une importance poétique qu’il n’a pas. — La part de l’intentionnel et du conscient est fort exagérée ; nul poète plus que Mallarmé n’est mené, tyrannisé, par les mots, les images, les associations les plus accidentelles et les plus imprévues ; comme poète, il est ici plus près des romantiques et de Verlaine que des classiques et de Baudelaire. […] Le dernier a même trouvé une veine comique fort drue dans existences (la première partie du moins, car la seconde reste à l’état de brouillon).
Libanius, dans tout le reste du discours, qui est fort étendu, parcourt en détail la vie de Julien, depuis sa naissance jusqu’à sa mort ; quelquefois éloquent, quelquefois plus historien qu’orateur, toujours pittoresque dans son style, ayant en général moins d’élévation que de dignité, et un genre de sensibilité plutôt tendre que forte. […] Elle était devenue un sentiment, une passion, mais une passion d’autant plus forte qu’elle était calme, et n’avait pas besoin des secousses de l’enthousiasme.
Il semble plutôt que l’antique esprit d’Hésiode, esprit grave, religieux, positif, tout nourri de bon sens et d’apologues, ait passé de bonne heure dans la forte Étrurie, et que de ce côté il ait fait longtemps la seule part de poétique héritage. […] Il y a une petite églogue, la neuvième, qui a fort occupé les commentateurs, et qui me paraîtrait avoir un sens assez simple, si l’on supposait que le poëte l’a écrite en revenant au genre pastoral après quelque infidélité et quelque distraction qu’il s’était permise ; un autre amour l’avait un moment séduit : c’est un retour, une sorte de réparation aux Muses bucoliques. […] Cet homme d’esprit, qui manquait de plusieurs sens, se croyait fort en état de juger des diverses sortes de peintures, et en particulier de celles de l’amour : « Les anciens, dit-il dans son discours sur l’Églogue, n’ont guère traité l’amour que par ce qu’il a de physique et de grossier ; ils n’y ont presque vu qu’un besoin animal qu’ils ont daigné rarement déguiser sous les couleurs d’une tendresse délicate. […] Hier encore, cet amour d’Antiochus pour Stratonice, qui rebutait si fort La Motte, a été mis en tableau, et représenté physiquement aux yeux par un grand peintre : M. […] Nous ne pouvons nous dissimuler pourtant que nous sommes en tout ceci fort loin de Bérénice et de ses mélodieux ennuis.
Ce n’est pas le génie cependant qui manque aux Allemands, fortes têtes de la famille européenne, c’est l’emploi de leur génie ; ils jouent avec leur imagination comme des enfants avec leurs jouets. […] Là il connut le philosophe allemand Herder, neuve, vaste et forte pensée dont M. […] Oui, ce sujet est le plus beau de tous pour une âme forte ; nous comprenons qu’il ait tenté Goethe : combien de fois ne nous a-t-il pas tenté nous-mêmes ! […] Faust, en esprit fort qui a si souvent évoqué les puissances occultes de la nature, n’est nullement étonné ; il conserve son sang-froid ; il cause familièrement avec l’hôte infernal de sa solitude. […] Non, mais j’ai tout saisi fort scrupuleusement.
Aussi ai-je été fort occupée toute la matinée aux deux dîners. […] C’était mon passe-temps tout à l’heure ; je l’aime fort : les bluettes sont si jolies ! […] J’aime fort ces conversations et ces revoirs. […] Je regrettai fort mon bouquet : c’était triste de le voir fondre et diminuer goutte à goutte. […] Il est beau et fort caressant, je l’aime ; et je lui cherche un nom.
La proposition me plut fort, et il me parut alors que, de toutes les servitudes, c’était la moins servile. […] Il prit alors une des plus fortes résolutions qu’un héros ou un homme de lettres puisse prendre au commencement de sa vie, celle de s’expatrier pour l’amour du dialecte ou de la gloire : mais il lui fallait un prétexte ; il le trouva dans je ne sais quelle haine idéale du despotisme de la maison de Savoie. […] Somme toute, j’y ai gagné, ce me semble, une physionomie et une allure tragiques, où peut-être il y a fort à reprendre, mais qui, à coup sûr, sont de moi. […] « Mais dans le cours de cet automne, pressé à plusieurs reprises par un de mes amis de me laisser présenter à elle, et me croyant désormais assez fort, je me risquai à en courir le danger, et je ne fus pas longtemps à me sentir pris, presque sans m’en apercevoir. […] On écrit très fort au nonce par cet ordinaire, pour régler avec la cour où vous êtes les moyens de votre départ sûr et tranquille : il faut vous en rapporter à eux.
Cacault ajoutait que le genre des matières traitées, fort peu comprises par les séculiers et par ceux surtout qui professaient des principes différents, offrait un obstacle de plus à cette persuasion. […] « Ce discours du comte de Cobenzel fut accompagné de beaucoup d’autres paroles sortant très réellement de la bouche d’un véritable homme de cour, toutes pleines de politesse et de grâce, ce en quoi il était fort expert. […] Fesch avait un caractère fort soupçonneux, et il s’imaginait presque toujours voir en réalité ce qui n’existait pas même en rêve. […] Les deux ministres furent ébranlés par nos réponses, et comme ils étaient déjà fort affligés de ce qui arrivait et qu’ils désiraient, ainsi que du reste la politique le suggérait, arranger l’affaire, ils avouèrent que si l’Empereur avait entendu ces paroles, on pourrait espérer qu’il écouterait la voix de la clémence. […] « En prenant congé de lui, on commit l’imprudence de lui donner à entendre qu’on avait fidèlement copié les expressions suggérées par les ministres, expressions qu’il eût été fort malheureux d’adopter.
Les érudits regrettent fort que l’Inde ne nous ait laissé aucune histoire. […] Il est trop fort, il écrase du premier coup. […] De là ces défis sur la puissance respective des dieux, chaque nation tenant à ce que les siens soient les plus forts, mais qui n’impliquent nullement qu’ils soient seuls dieux. […] Pythagore lui-même ressemble fort à un théurge. […] Rabelais les atteste ; aucun historien ne les a contredits ; le sceptique Lamothe Le Vayer les a si fort respectés qu’il n’en dit pas un mot.
Le génie divers, prompt, souple, fort, fantastique des peuples qui parlent cette langue promet prochainement de grands siècles littéraires à la Russie. […] Je devais dans cette prévision, trop vite vérifiée, faire prendre une position de forte expectative à la république sur les Alpes. […] Il fallait donner une diversion aux rêves : il n’y en a point de plus forte qu’un voyage. […] Quelqu’un cita à la fin de la conversation cette phrase d’Alfieri : La pianta uomo nasce più forte e più robusta in Italia , etc., etc. « La plante homme naît plus forte et plus robuste en Italie qu’ailleurs !
messieurs les philosophes, vous avez affaire à plus fort que vous ! […] C’étaient quelques esprits comme le sien, à convictions roides et fortes, ou au caractère marqué au coin de la philosophie stoïque, comme M. […] Mais les phrases ne changent rien aux faits, et la situation que nous avons essayé de décrire était plus forte que toutes les protestations, plus forte que l’empereur lui-même, plus forte que les preuves de bon vouloir que donna le Journal des Débats échangeant son titre contre celui de Journal de l’Empire, et M. […] C’est celui d’un homme dont les paroles et la conduite, fort honnêtes en elles-mêmes ne sont pas de son temps. […] Son fils dénaturé mourut de la peste à quarante-quatre ans, après un règne fort agité.
Tantôt au contraire les mots les plus forts se débattent emportés, étouffés. […] Il faut que leur auteur se fasse assez fort pour envelopper la forme, sans qu’elle cesse de tressaillir, d’un dessin de plus en plus serré. […] Mais la répétition même augmente peu à peu l’émotion jusqu’aux larmes : chaque retour pénètre d’une pitié nouvelle et plus forte. […] Ce n’est pas qu’elle soit fort complexe ; mais elle ne prend pas souci de se distinguer d’abord de toute autre. […] plus fort qu’oiseaux, eussé-je cru, pussent chanter234.
la beauté, but premier, risquera fort de s’effacer bientôt pour eux, devant les clartés éclatantes de la réalité et de la vérité ! […] Gygès est un pêcheur, un simple, un sain, un fort. […] Les pommettes saillantes, les joues en plan droit, les lèvres fortes… — mais vais-je tenter un portrait ? […] Fort crânement, il réclame pour son ouvrage la double épreuve de la scène et du livre. […] Je le crains fort.
Faubère, voici venir les deux forts volumes de M. […] Mais il est juste de dire que l’angoisse de l’inconnu est rendue plus forte par l’effroi de l’enfer. […] Le mot n’est pas trop fort, si l’on s’en tient à la stricte constatation des faits. […] La douceur que lui procure son attendrissement est plus forte que la peine et que le remords. […] L’afflux des sensations personnelles est encore ici trop fort.
Et la raison sans doute en paraîtra assez forte, si l’on se rend compte qu’il n’y aurait autrement ni société, ni langage, ni littérature, ni art. […] Mirbeau, — qu’il faut bien que je finisse par nommer, puisque c’est lui qui se plaint le plus fort, — ou ceux encore de M. […] la vérité est encore la plus forte ; et décidément, depuis vingt ans, non, ils n’y sont point ! […] Ici encore, les naturalistes auront beau faire, la nature des choses sera plus forte qu’eux et que leurs prétentions. […] Une autre raison me paraît d’ailleurs plus forte, et c’est par là que je veux terminer.
La grandeur de l’action ; car qu’y a-t-il de plus grand, que de vaincre les plus forts instincts de la nature, et de sacrifier un bien qu’on voudroit, s’il étoit possible, racheter de sa propre vie ? […] Il n’y a pas même beaucoup de différences à cet égard entre des poëtes fort differents d’ailleurs. […] Et si proche du terme votre illustre inconstance est-elle encore si ferme, que ce reste de feu que j’avois crû si fort puisse dans quatre jours se promettre ma mort ? […] et ce reste de feu que j’avois crû si fort ? […] Il nous arrive dans la passion de laisser échaper quelques paroles que nous n’adressons qu’à nous-mêmes : c’est encore de n’y point admettre les raisonnemens, ni à plus forte raison les récits.
C’est parmi ce verger opulent et ténébreux qu’on se promènera, s’asseyant un instant au pied des arbres les plus forts, les plus beaux ou les plus agréables. […] Le poète, qui n’a pas de scrupules psychologiques, ne s’attarde pas au soin de partager les hallucinations en vraies et en fausses ; pour lui, elles sont toutes vraies, si elles sont aiguës ou fortes et il les raconte avec ingénuité, — et quand le récit est fait par M. […] Celle-ci n’est pas fort méchante : Bourget, Maupassant et Loti Se trouvent dans toutes les gares. […] Quoique fort laborieux, il produit peu, et surtout peu à la fois, semblable à ces patients burineurs qui taillent l’acier avec une lenteur géologique. […] Aimer, c’est se charger d’un impérieux fardeau au moment même où, cessant d’être libre, on cesse d’être fort.
Voici un homme des plus singuliers dans la littérature et la philosophie du xviiie siècle ; il a publié ses ouvrages sans nom d’auteur ou sous le seul titre de Philosophe inconnu, d’Amateur des choses sacrées ; ses livres ont été peu lus, mais sa personne et sa parole ont été fort goûtées de quelques-uns ; il a eu son influence vers la fin : pour nous aujourd’hui il a surtout une signification de contraste, d’opposition, de protestation dans le courant d’idées alors régnantes. […] Ce qu’il sentit là dans la famille, il le sentira bientôt à plus forte raison devant tout son siècle. […] Je ne veux pas abuser avec Saint-Martin des pensées détachées, sachant qu’il a dit, de celles mêmes qu’il écrivait : « Les pensées détachées ne conviennent qu’aux esprits très faibles ou qu’aux esprits très forts ; mais, pour ceux qui sont entre ces extrêmes, il leur faut des ouvrages suivis qui les nourrissent, les échauffent et les éclairent tout à la fois. » Saint-Martin n’ayant écrit aucun ouvrage qu’un lecteur ordinaire puisse lire de suite, il faut bien en venir aux pensées et aux extraits avec lui pour en donner quelque idée au monde. […] Lorsqu’en 1791 l’Assemblée nationale dressa une liste de noms, parmi lesquels on devait choisir un gouverneur au Prince royal, Saint-Martin fut fort étonné de se voir porté sur cette liste ; il y était à côté de Sieyès, de Condorcet, de Bernardin de Saint-Pierre, de Berquin : véritable image de l’amalgame et de la confusion d’idées du siècle.
Le premier essai est un récit fort agréable, une espèce de journal d’un Voyage à Plombières, que fit Mlle Newton, âgée alors de dix-huit ans, en compagnie de Mme de Coigny, celle dont le général Sébastiani avait épousé la fille29. […] Mme de Coigny dit que c’est fort bon de lire de temps en temps des ouvrages ennuyeux. […] Il n’a rien compris à ce que Mme de Coigny lui a dit ; moi, je n’ai pu que lui rire au nez encore plus fort. […] Penser par soi-même est fort rare en France dans le monde, et chez une femme c’est assez mal vu d’ordinaire ; on s’en indigne ou l’on en sourit.
C’était une nature particulière ; une sensibilité poétique, une volonté poétique, plus forte que sa puissance d’exécution et que son talent. […] … « Hier je voulais te voir en sortant d’une visite fort triste à Béranger. […] Elle était fort attentive à ses rêves. Elle en avait souvent et de fort distincts, dont elle se souvenait au réveil, et qu’elle se plaisait à raconter.
Art, science et métier, le sang-froid dans l’extrême péril, la liberté du jugement et la fermeté d’action au fort du combat, l’ensemble et le concert des grandes opérations, l’à-propos et le pied à pied de la tactique, il avait rêvé d’unir toutes ces qualités et toutes ces parties ; — tout un idéal complet du savant capitaine et du brave. […] La pièce capitale de son apologie, la Correspondance avec le baron de Monnier, publiée en 1819, et de laquelle j’ai extrait tant de passages intéressants, m’a, je l’avoue, fort préoccupé, et il y a quinze jours encore j’inclinais à supposer que le correspondant du général pouvait bien avoir été (moyennant une légère faute typographique) le baron Mounier, le spirituel causeur, celui qui est mort pair de France, qui avait été secrétaire du cabinet de Napoléon, et qui me paraissait remplir plusieurs des conditions du correspondant confidentiel. […] La Bruyère même eût été embarrassé de le définir exactement… (Et plus loin, après les entretiens d’Erfurt) : Je crus avoir jeté de la poudre aux yeux de mon rival de gloire et de puissance ; la suite me prouva qu’il avait été aussi fin que moi. » Napoléon, obligé de juger lui-même sa campagne de 1812 et de se condamner, se souvient à propos d’un beau mot de Montesquieu : « Les grandes entreprises lointaines périssent par la grandeur même des préparatifs qu’on fait pour en assurer la réussite. » Un trait fort juste sur Napoléon et qu’ont trop oublié ses détracteurs aussi bien que ses panégyristes, c’est que cette volonté de fer était souvent bien mobile comme celle de tous les joueurs passionnés, et qu’elle remettait souvent ses résolutions ultérieures les plus graves aux chances les plus fortuites. […] Des officiers instruits et capables (et l’armée belge en compte de fort distingués) soulevèrent la question de l’abandon et de la démolition de la fameuse ceinture de forteresses érigées en 1815 comme un boulevard contre la France et qui n’avait d’autre résultat que de mettre la Belgique dans l’impossibilité de se défendre.
Un autre bel exemple encore à proposer d’une forte combinaison semblable au sein d’un talent, est celui de M. de Tocqueville, lequel, avec le regret natif des anciens jours, est arrivé, comme malgré lui, à l’idée et à l’initiation de la démocratie grandissante. […] En procédant toujours par des faits précis plutôt que par développement rationnel ou effusion oratoire, et plutôt en traits qu’en couleurs, l’historien s’élève avec son sujet, et, à l’heure de l’immense catastrophe où la société s’abîme, il atteint à une véritable éloquence dans la forte étude qu’il nous ouvre de Grégoire de Tours, cet Hérodote de la barbarie. […] Or, plusieurs théologiens prétendirent que le Père Sirmond s’était fort mépris sur la valeur du manuscrit, et qu’il avait lu au sérieux un pur libelle, forgé, il y avait plus de douze cents ans, par quelque semi-pélagien qui s’était donné à plaisir un adversaire absurde et odieux pour le mieux réfuter, comme il arrive quelquefois173. […] Mes amis ont raison, j’aurais tort, en effet, De me plaindre ; en tous points mon bonheur est parfait : J’ai trente ans, je suis libre, on m’aime assez ; personne Ne me hait ; ma santé, grâce au ciel, est fort bonne ; L’étude, chaque jour, m’offre un plaisir nouveau, Et justement le temps est aujourd’hui très-beau.
Magnin, sans se révolter ou s’engouer, sans parti pris, mais avec curiosité, ouvrait le livre, le lisait plume en main, l’analysait, citait ce qu’il trouvait de neuf et d’acceptable sans taire ce qui lui semblait un peu fort et outré. […] Magnin y allait moins doucement : il savait le fort et le faible de la place, il ne frappait pas à côté. […] Je l’ai toujours pensé, pour être un grand critique ou historien littéraire complet, le plus sûr serait de n’avoir concouru en aucune branche, sur aucune partie de l’art (à moins d’avoir excellé dans toutes) ; car autrement on porte dans l’examen du passé ou, à plus forte raison, du présent, une prédilection, une exclusion, nées de cette concurrence179, une susceptibilité d’impatience et d’ennui, qui est le contraire de l’esprit d’eclectisme et d’impartialité exigé dans une telle œuvre. […] Magnin, que la critique elle-même s’était fort désorganisée depuis lors : voilà un livre arrivé à plus de onze éditions ; les partis l’ont loué ou blâmé, selon l’intérêt de leur cause ; la valeur littéraire n’a pas encore été extraite et réduite à son poids.
On était au fort des intrigues molinistes, et Mme de Noyon, sa tante, liée avec les Tencin, les Rohan, tenait bannière levée pour ce parti. […] M. de Murçay était un caractère très à part, fort peu extérieur et tout nuancé, qu’elle n’aurait jamais eu l’occasion d’apprécier sans doute, si, pour lui rendre service dans l’angoisse touchante où il la vit, il ne s’était approché d’elle avec plus d’entraînement qu’il n’avait coutume. Allié ou parent éloigné de Mme de Maintenon, il était né protestant : on l’avait converti de bonne heure à la religion catholique : Fort jeune, il avait servi avec distinction dans la dernière guerre de Louis XIV, et il avait été honoré à Denain d’une magnifique apostrophe de Villars. […] oui, je verrai, s’il le faut, M. le Régent, » quand M. de Murçay, qui jusque-là avait gardé le silence, s’avançant brusquement vers Mme de Pontivy, dont le bilboquet (c’était alors la fureur) venait fort à propos de tomber à terre, lui dit assez bas en le lui remettant et en lui serrant la main avec signification : « Gardez-vous en bien !
Eynard n’a pas de termes assez forts pour flétrir ce qu’il appelle cette épouvantable mort, et il y voit un tableau aussi lugubre que saisissant . […] C’est un parti pris chez elle ; elle était forte pour les partis pris, et son imagination ensuite, sa faculté d’exaltation et de sensibilité tenaient la gageure. […] « Les âmes fortes aiment, les âmes faibles désirent. […] En voyant cette étrangère, belle encore et fort élégante, descendre de voiture, d’un air si sûr de son fait, pour demander les objets de fantaisie qu’elle inventait, les marchands se sentaient saisis d’une bienveillance inexprimable et d’un désir si vif de la contenter qu’il fallait bien qu’on parvînt à s’entendre… Grâce à ce manège, elle parvint à exciter dans le commerce une émulation si furieuse en l’honneur de Valérie, que pour huit jours au moins tout fut à la Valérie. » On est aux regrets d’apprendre de telles choses, si piquantes qu’elles soient.
Au reste, ses origines, sa vie, son tempérament, sa conversation, tout en lui exclut l’idée d’une forte nature poétique. […] De ces impressions de Parisien sont faites les satires III et VI, une bonne partie du Lutrin, les plus forts endroits de la satire X : et le vrai Boileau, le Boileau original et qui compte en art, est là. […] Même dans l’antiquité, il se représente très confusément, très inexactement, d’après Horace et Aristote, la naissance et les progrès du théâtre : il n’a pas l’idée de ce qu’est une ode de Pindare et de ce qui la différencie d’une ode de Malherbe ; il n’a pas sur Homère les inquiétudes ingénieuses d’un abbé d’Aubignac368 ; Homère est un très grand, très grand monsieur, le plus fort et le plus adroit artiste qu’on ait jamais vu. […] La part marquée, aussi grande que possible, aux imperfections de l’Art poétique, il y reste une grande et forte doctrine, faite de deux pièces finement ajustées : elle combine le rationalisme moderne avec l’esthétique gréco-romaine ; elle mêle les deux courants du cartésianisme et de l’humanisme.
Fabio en est fort surpris, et s’étonne de voir son père rire ainsi au moment où il lui annonce un combat qu’il lui peint si terrible. […] Elle avait de la sorte l’avantage de ne point renvoyer ses spectateurs sur une impression triste : ceux-ci appréciaient fort cette attention, car quelques francs éclats de rire étaient une bonne préparation au repas qui les attendait au sortir du théâtre, la comédie se terminant alors vers sept heures du soir. […] Les Italiens avaient, paraît-il, effleuré ce sujet : « Molière, dit l’auteur des Nouvelles nouvelles, eut recours aux Italiens ses bons amis, et accommoda au théâtre français les Précieuses qui avaient été jouées sur le leur et qui leur avaient été données par un abbé des plus galants (l’abbé de Pure). » Malgré cette affirmation, il nous paraît fort peu vraisemblable que les Italiens eussent pu faire la satire du ridicule que la pièce nouvelle attaquait et qui git principalement dans le langage. […] Molière a donc cette fois la véritable initiative, il aborde la critique des mœurs contemporaines, il y exerce son propre esprit d’observation, il est lui-même et doit fort peu aux autres.
C’est une digne et grave figure que celle de ce vieux statuaire incorruptible et fort, comme le marbre que taille sa main laborieuse. […] L’amour, plus fort que lu mort, est aussi plus fort que le mépris. […] Ce prince des habiles et ce roi des forts ne savait même pas le métier des petits faiseurs : il entassait les bévues sur les maladresses ; toutes ses manœuvres tournaient à sa honte.
On s’accorde à dire qu’il était d’une physionomie agréable, d’une taille avantageuse, et qu’il avait été fort bel homme dans sa jeunesse. […] Gilles et Fagotin auront là un bon maître : Apollon avait un fort mauvais écolier. » Voltaire avait trop d’esprit pour ne pas louer Gil Blas, mais il l’a loué le moins possible, et il a mêlé à son éloge une imputation de plagiat inexacte et tout à fait malveillante. […] Je viens de lire sa Foire des fées, son Monde renversé, de fort jolies farces vraiment. […] En faisant parler Arlequin, il ne croyait pas si fort déroger ; il passa même, un instant, d’Arlequin aux marionnettes.
Le fond pourtant s’y fait sentir à qui le cherche ; et, après avoir vécu quelque temps auprès d’elle, on se dit qu’il n’est rien de tel encore qu’une race forte quand la grâce s’y mêle pour la couronner. […] [NdA] Voltaire a fort maltraité ce M. […] L’abbé Fraguier, homme de goût, a fort célébré Rémond dans ses Poésies latines ; on assure qu’il en parlait moins bien en prose. […] [NdA] Mme des Ursins, dans ses lettres à Mme de Maintenon, n’avait cessé de faire valoir son amie, depuis sa rentrée en grâce auprès de sa tante ; elle varie ses louanges sur tous les tons : « Elle n’a rien de fardé, et est d’ailleurs aussi aimable par l’esprit que par la figure… Vous trouveriez en elle des ressources infinies, personne n’ayant plus d’esprit, et n’étant plus amusante sans aucune malice. » Mme de Maintenon, à la fin, s’avoue presque vaincue : « Il est vrai que je m’accommode mieux de Mme de Caylus qu’autrefois, parce qu’elle me paraît revenue de l’entêtement qu’elle avait pour le jansénisme, étant difficile de se trouver agréablement avec ceux qui pensent différemment que nous : son visage est toujours aussi gracieux, mais elle a une taille qui la défigure fort ; du reste, je ne vois point de femme ici si raisonnable qu’elle. » (Lettre à Mme des Ursins, du 26 août 1714.)
Le futur historien de l’Empire romain était fort jeune lui-même alors ; son père l’avait envoyé à Lausanne pour y refaire son éducation et se guérir « des erreurs du papisme », où le jeune écolier d’Oxford s’était laissé entraîner. […] Mme Du Deffand, juge si sévère et si redoutable, et qui se lia plus tard avec les Necker, goûtait fort le mari et reconnaissait à la femme de l’esprit et du mérite ; elle disait de lui pourtant qu’au milieu de toutes ses qualités il lui en manquait une, et celle qui rend le plus agréable, « une certaine facilité qui donne, pour ainsi dire, de l’esprit à ceux avec qui l’on cause ; il n’aide point à développer ce que l’on pense, et l’on est plus bête avec lui qu’on ne l’est tout seul ou avec d’autres ». […] Forte de son exemple, des vertus et de la religion de toute sa vie, elle vient plaider pour l’indissolubilité du mariage ; elle ne conçoit pas qu’on livre ainsi une institution fondamentale à la merci des caprices humains et des attraits : Car le premier attrait de la jeunesse n’est, dit-elle, qu’un premier lien qui soutient deux plantes nouvellement rapprochées jusqu’à ce qu’ayant pris racine l’une à côté de l’autre, elles ne vivent plus que de la même substance. — Dans l’âge mûr, pense-t-elle délicatement, la femme qui doit plaire le plus est celle qui nous a consacré sa jeunesse. […] Mais ces défauts se rachètent ici plus aisément qu’ailleurs : le sujet l’inspire ; c’est élevé, c’est ingénieux ; et quand elle en vient à la considération du mariage dans la vieillesse, à ce dernier but de consolation et quelquefois encore de bonheur dans cet âge déshérité, elle a de belles et fortes paroles : « Le bonheur ou le malheur de la vieillesse n’est souvent que l’extrait de notre vie passée. » Et montrant, d’après son expérience de cœur et son idéal, le dernier bonheur de deux époux Qui s’aiment jusqu’au bout malgré l’effort des ans, elle nous trace l’image et nous livre le secret de sa propre destinée ; il faut lire toute cette page vraiment charmante : Deux époux attachés l’un à l’autre marquent les époques de leur longue vie par des gages de vertus et d’affections mutuelles ; ils se fortifient du temps passé, et s’en font un rempart contre les attaques du temps présent.
Cette brutalité amusa fort la galerie et passa pour un tour de carnaval. […] Surprise, inquiète, elle se lève, parcourt la maison dans la crainte qu’il ne lui soit arrivé quelque accident (il y était fort sujet) ; elle trouve enfin M. de La Harpe dans une petite chambre écartée, à genoux devant une console sur laquelle brûlaient deux bougies. […] Nous sommes devenus difficiles et de haut goût ; nous aimons les choses fortes, fortes en couleur, sinon en nature et en sentiment.
Les gens simples pleurent au théâtre comme devant de véritables infortunes ; les chants guerriers soulèvent les masses ; et fort souvent cette émotion factice suffit à ceux qui l’éprouvent et leur ôte l’envie d’en éprouver de vraies de même ordre. […] Pour une cause de même genre, la criminalité violente est fort rare parmi les membres des professions libérales et sévit surtout dans les pays illettrés. […] Or, comme l’art préfère en général jouer des passions les plus fortes de l’âme humaine, qui sont les instinctives, les primitives, il tend à maintenir l’homme dans la pratique de ces inclinations ataviques, et s’oppose ainsi dans une mesure assez forte, croyons-nous, au progrès moral, au développement de tendances nouvelles mieux en relation avec l’état social actuel.
On doit lui savoir gré d’un travail fort épineux en lui-même, mais dont il ne peut manquer de revenir beaucoup d’utilité à ceux qui voudront en profiter. […] Ses définitions, fur-tout, paroissent fort justes. […] Il peut être fort utile non-seulement aux étrangers, mais encore à tous ceux qui composent, & particuliérement aux Poëtes. […] Il paroît que ceux qui parlent ainsi, ont reçu eux-mêmes une fort mauvaise éducation.
La capacité ou l’incapacité d’un sujet rare par son intelligence ou par sa stupidité décide la sorte d’instruction forte ou faible qui lui convient. […] Est-ce d’après * le discours d’un professeur que vous discernerez un pouls fort ou faible, lent ou vite, large ou serré, régulier ou sautillant, élevé ou concentré ? […] Peut-on être un grand poëte sans une forte teinture d’histoire, de physique et de géographie ? […] La variété des connaissanees primitives qui lui sont nécessaires, suppose donc qu’il s’est avancé fort loin dans la carrière des écoles publiques.
L’effet du sentiment en nous est plus concentré ; celui de l’imagination est plus fait pour se répandre au dehors ; l’action de celle-ci est plus violente et plus courte, celle du sentiment est plus forte et plus constante. […] Mais si les ombres du tableau sont nécessaires, elles ne doivent pas être trop fortes ; il faut sans doute à l’orateur et à l’auditeur des endroits de repos, mais dans ces endroits l’auditeur doit respirer, et non s’endormir ; et c’est aux charmes tranquilles de l’élocution à le tenir dans cette situation douce et agréable. […] Qu’il soit néanmoins sobre et circonspect dans l’usage de cette finesse même ; surtout qu’il se l’interdise sévèrement dans les sujets susceptibles d’élévation ou de véhémence, qui n’exigent qu’un coloris mâle et des traits forts et marqués ; la finesse d’expression dans ces sortes de sujets en bannirait la noblesse, et ne servirait qu’à les énerver sans les embellir. […] Cette attention de Cicéron à l’harmonie dans un morceau pathétique, ne contredit nullement ce que nous avons avancé, que les idées fortes et grandes dispensent du soin de chercher les termes : il s’agit ici, non de l’expression en elle-même, mais de la disposition mécanique des mots.
La rare pureté du style de l’écrivain, ses principes, sa forte éducation classique, passèrent, à dater de ce jour, pour de l’étroitesse d’idées, de l’aridité de sentiment, de la pruderie universitaire. […] C’est du style parfaitement littéraire, d’un mérite fort mince, il est vrai, mais après tout un de ces styles convenables, corrects, comme il s’en confectionne beaucoup à Londres, et qui se ressemblent tous les uns aux autres, comme toutes les vignettes anglaises et toutes les écritures anglaises se ressemblent. […] Il aura été plus fort que le barbier de Midas, qui creusa la terre pour y mettre sa confidence. […] Enfin, si la douleur, la douleur mortelle de sa vie, fut de boiter, de traîner son aile, c’est, qu’il ne pouvait rien à cela ; c’est que l’homme s’appelle infirme quand il a rencontré dans son corps quelque chose de plus fort que son âme, et qu’être infirme est la plus cruelle des afflictions d’une créature qui a soif d’immortalité !
Nous l’avons fait voir aussi prosaïque qu’un souverain qui entend les affaires, futé, maquignon, général à la dernière extrémité, temporisateur, le Fabius cunctator de la Barbarie, bonne caboche, du reste (comme disait le maréchal de Villars d’une fausse forte tête qu’il méprisait), et dont le front conique entrerait sans effort, à ce qu’il semble, dans le feutre gris des temps modernes. […] Amédée Thierry est un historien à qualités fortes. […] Thierry, chauffant pour la première fois l’histoire, mais pas très fort, d’un feu contenu, et la vivifiant d’un coloris sobre, que les contrastes circonvoisins firent paraître très animé. […] On a, selon moi, beaucoup trop vanté l’épisode de saint Épiphane et de saint Séverin, ces fondateurs d’empires moraux comme le monde jusque-là n’en avait jamais vu, alors que les plus forts empires matériels s’en allaient en poussière.
… Elle est morte dans d’aussi forts et peut être dans de plus forts que M. […] Ainsi dans le sonnet : Sous les derniers soleils de l’automne avancée, où je reconnais le Joseph Delorme à l’ardeur physique des derniers vers, à ces fermentations d’un matérialisme que l’Imagination colore… Mais en ces pièces nouvelles, ce qui rappelle et ressuscite, pour une minute, l’ancien Joseph Delorme est fort rare, dans cette proportion du moins. […] Je ne suis point sans désir, moi, et je désirerais fort que M.
Quoique les Grecs de ce temps-là fussent aussi loin peut-être de ressembler aux Grecs du temps de Constantin et de Julien, que ceux-ci étaient éloignés des Grecs du temps de Périclès et d’Alexandre, cependant ils parlaient toujours la langue d’Homère et de Platon ; ils cultivaient les arts ; et ces plantes dégénérées, à demi étouffées par un gouvernement féroce et faible, et par une superstition qui resserrait tout, portaient encore au bout de quinze cents ans, sur les bords de la mer Noire, des fruits fort supérieurs à tout ce qui était connu dans le reste de l’Europe. […] Alors la langue harmonieuse et douce de l’Arioste et du Tasse, la langue forte et précise de Machiavel et du Dante, vint donner de nouvelles leçons, comme de nouvelles richesses à la nôtre. […] Ces invocations, ces prières, ces spectacles pathétiques présentés par un homme éloquent, et soutenus de l’accent de la douleur et de la pitié, faisaient la plus forte impression sur un peuple sensible. […] n’était-il pas forcé comme malgré lui de donner plus de dignité à ses idées, plus de hauteur à son imagination, plus de noblesse à son langage, et je ne sais quoi de plus auguste et de plus fort à son accent ?
M. de Lamartine, dans de fort belles méditations et dans sou dernier chant de Childe-Harold, avait point à merveille les grands traits des horizons et des paysages, l’idéal en quelque sorte élyséen de ce ciel, de cette mer de Naples, de cette éternelle enchanteresse au sein de laquelle l’auteur des Martyrs nous avait déjà introduits un moment avec saint Augustin, Jérôme et Eudore ; mais dans ces harmonieux tableaux de M. de Lamartine, les hommes avec leurs variétés et leurs contrastes, les monuments avec leurs caractères, n’étaient pas touchés : la nature envahissait tout, et encore la nature dans sa plus vague plénitude, sans contours arrêtés, sans détails curieux et distincts, telle en un mot qu’elle se réfléchit dans un cœur que remplit l’amour ; ce n’étaient que chauds soleils, aubes blanchissantes, comme dans Claude Lorrain, firmaments étoilés, murmures, vapeurs et ombrages. […] Nous recommandons plus particulièrement à ceux que la pensée politique préoccupe, et qui aiment à voir le talent des artistes s’en faire l’auxiliaire et l’organe, cette troisième partie où sous le nom de Salvator, le génie mécontent, sinistre et découragé, est repris, remontré par l’homme du peuple en ces termes magnanimes : Du peuple il faut toujours, poëte, qu’on espère, Car le peuple, après tout, c’est de la bonne terre, La terre de haut prix, la terre de labour ; C’est ce sillon doré qui fume au point du jour, Et qui, empli do séve et fort de toute chose, Enfante incessamment et jamais ne repose.
Il y a des vertus toutes composées de craintes et de sacrifices, dont l’accomplissement peut donner une satisfaction d’un ordre très relevé à l’âme forte qui les pratique ; mais, peut-être, avec le temps découvrira-t-on que tout ce qui n’est pas naturel, n’est pas nécessaire, et que la morale, dans divers pays, est aussi chargée de superstition que la religion. […] Le bonheur qui naît des passions est une distraction trop forte, le malheur qu’elles produisent cause un désespoir trop sombre pour qu’il reste à l’homme qu’elles agitent aucune faculté libre ; les peines des autres peuvent aisément émouvoir un cœur déjà ébranlé par sa situation personnelle, mais la passion n’a de suite que dans son idée ; les jouissances, que quelques actes de bienfaisance pourraient procurer, sont à peine senties par le cœur passionné qui les accomplit.
Les premiers humanistes qui essayèrent, dans des traductions ou autrement, d’appliquer la langue vulgaire à de hautes pensées, se sentirent fort embarrassés. […] Il y avait bientôt deux siècles que les adjectifs dérivés de la classe où la forme en latin est unique pour les deux genres masculin et féminin, s’assimilaient peu à peu aux autres, et que grand, fort, etc., s’enrichissaient de terminaisons féminines par l’adjonction d’un e muet.
Ils se trouvaient ensemble dans les résidences royales, participaient souvent aux mêmes fêtes, aux mêmes spectacles ; ils assistaient à de communs repas : « Molière, dit Palaprat, vivait dans une étroite familiarité avec les Italiens, parce qu’ils étaient bons acteurs et fort honnêtes gens. » On s’explique parfaitement l’influence qu’un de ces théâtres eut sur l’autre. […] Les dominant par la forte éducation qu’il avait, comme tous ses contemporains, puisée chez les grands maîtres de l’antiquité, il put se servir de ce qu’il avait sous la main, en restant toujours supérieur.
Et c’est pour cela même qu’elle est plus belle et plus forte, risquée au milieu des orages politiques. […] C’est l’écho de ces pensées, souvent inexprimables, qu’éveillent confusément dans notre esprit les mille objets de la création qui souffrent ou qui languissent autour de nous, une fleur qui s’en va, une étoile qui tombe, un soleil qui se couche, une église sans toit, une rue pleine d’herbe ; ou l’arrivée imprévue d’un ami de collège presque oublié, quoique toujours aimé dans un repli obscur du cœur ; ou la contemplation de ces hommes à volonté forte qui brisent le destin ou se font briser par lui ; ou le passage d’un de ces êtres faibles qui ignorent l’avenir, tantôt un enfant, tantôt un roi.
Il avoit mauvaise opinion des femmes, & s’égayoit sur leur compte par des comparaisons applaudies de son temps, & fort insipides aujourd’hui. […] Qu’on juge combien devoir plaire à la multitude ce fonds de comédie exécuté par un excellent comique, qui peignoit tout du pinçeau le plus animé, le plus brillant, le plus hardi, le plus fort ; qui chargeoit toujours ses portraits, prodiguoit des allusions grossières.
Fort inférieurs, beaucoup plus mal taillés sans doute que ces bûches de bois informes, auxquelles le charpentier a fait à peu près un nez, des yeux, une bouche, des pieds et des mains, et devant lesquelles l’habitant de nos hameaux fait sa prière. […] Qui est le grand peintre, ou de Raphael que vous allez chercher en Italie, et devant lequel vous passeriez sans le reconnaître, si l’on ne vous tirait pas par la manche, et qu’on ne vous dît pas Le voilà ; ou de Rembrand, du Titien, de Rubens, de Vandeick et de tel autre grand coloriste qui vous appelle de loin, et vous attache par une si forte, si frappante imitation de la nature que vous ne pouvez plus en arracher les yeux ?
Le nombre des personnages rassemblés dans un assez petit espace est fort grand ; cependant ils y sont sans confusion, car ce maître excelle surtout à ordonner sa scène. […] Sa couleur est belle et forte, quoique ce ne soit pas encore celle de Chardin pourtant.
Hommes doux et débonnaires dans les autres saisons, ils deviennent presque féroces durant les fortes gelées. […] Ils ne passent pas du païs qu’ils habitent dans les contrées voisines où l’air nous semble être le même que l’air auquel ils sont si fort attachez.
Car le bruit qu’une personne fait en déclamant, est un bruit moins fort et moins éclatant que celui que la même personne feroit si elle chantoit. […] Si le comedien astreint à suivre une mesure reglée, continuë Ciceron, peut soulager sa vieillesse en rallentissant le mouvement de cette mesure, a plus forte raison un orateur peut-il bien soulager sa caducité.
C’est cette grande difficulté — la grâce des forts — d’être léger en littérature, autrement qu’à la manière du liège, sans cesser d’être substantiel, pénétrant, profond, incisif, qu’Edmond About a affrontée. […] Son âme est fort tranquille.
Évidemment, c’est là le retour dissimulé, mais complet, au régime parlementaire, au régime que les ennemis de l’Empereur demandent, eux aussi, pour des raisons moins vaines, — parce que l’expérience leur a appris qu’en France, avec un tel régime, on pouvait venir facilement à bout du gouvernement le plus fort ! […] Les quatre ans du règne de Napoléon III, rappelés en quelques pages, ne sont là que comme un prétexte pour parler d’un autre règne au Constitutionnel, la grande époque de Véron, quand cette forte tête gouvernementale passait des jours sans repos et des nuits sans sommeil : … On ne dort pas quand on a tant d’esprit !
L’auteur des Chants du Passé est de cette époque qui a pesé sur nos jeunesses, qui les a perdues, et où les âmes les plus fortes, amollies par l’air de ce siècle, aussi lâchement spiritualiste que le siècle précédent avait été grossièrement sensuel, n’eurent pour se sauvegarder de la corruption des décadences ni les occupations héroïques de la guerre ni la placide et grandiose fortitude des sentiments religieux. […] Certainement il y a là du talent, et beaucoup de talent encore, mais ce talent éclatant et chaud est moins original et moins fort que celui des simples et nerveux sonnets historiques consacrés aux Héros de la Vendée et de la Bretagne ; car le talent est comme les vierges : ce qui fait sa force, c’est sa pureté.
L’un nous dit : Soutiens-toi, sois patient et fort. […] ∾ Note VII. — Une jeune femme a fait, devant moi, un mot fort spirituel et profond.
Le troisième éloge est, pour l’exécution et le sujet, d’un mérite fort supérieur à celui-là ; c’est l’éloge funèbre d’un roi, adressé à son fils : ce roi, grand homme assez obscur, se nommait Évagoras, et était souverain de l’île de Chypre. […] Enfin, le philosophe attache par l’étendue et la profondeur des idées ; l’orateur ne peut attacher que par les passions fortes ; l’effet des mouvements doux et tranquilles se perd, et n’arrive à la postérité que comme le ressouvenir d’un songe à demi effacé.
Mais, selon la forte parole de M. […] Platon aurait été fort surpris de cette interprétation exclusive du mot εἶδος. […] Si nous étions seuls dans le monde, nous serions déjà fort en peine de satisfaire tous nos désirs. […] Les plus forts sont les maîtres de plein droit. Puisque le droit est la force, le faible peut se plaindre de la nature qui ne l’a pas fait fort, et non pas de l’homme fort qui use de son droit en l’opprimant.
À plus forte raison, les sujets chez lesquels la suggestibilité hypnotique est très développée s’endorment-ils pour peu qu’on leur donne l’idée de dormir. […] Il en résulte qu’elle exerce une forte action sur les idées ou sensations antagonistes : elle les « inhibe » à ce point qu’elles sont comme si elles n’étaient pas. […] L’enregistrement des suggestions à échéance, qui tourmente si fort aujourd’hui les psychologues, nous paraît se faire d’une manière analogue. […] Keulemans, au milieu d’une occupation quelconque, aperçoit tout d’un coup en imagination un panier contenant cinq œufs, dont trois fort gros. […] A plus forte raison, chez l’homme, chaque image ou groupe d’images conserve toujours un rapport réel à l’individu vivant, un lien quelconque avec la masse du cerveau et de l’organisme.
Un enfant est fort curieux de savoir si on verra Henri IV dans la pièce, et le demande plusieurs fois avec instance à sa mère. […] * * * — Tous les côtés forts du jeune homme, aujourd’hui tournés vers l’intrigue, la fortune, la carrière, étaient tournés autrefois vers ou contre la femme. […] À ce blasphème Saint-Victor, devenu positivement fou furieux, se remet à hurler avec sa voix de zinc et ses cris d’aliénés, que c’est trop fort, que c’est impossible à entendre, que nous insultons la religion de tous les gens intelligents. […] Hors le moderne qu’ils méprisent, les plus vrais talents, tels que Baudry, sont toujours amenés à refaire ce que de plus forts qu’eux ont déjà peint. […] Depuis nous l’avons connu d’une manière assez intime, et notre jugement de 1866, sur lui, s’est fort modifié.