M. le rapporteur, après quelques considérations générales sur l’instruction des classes laborieuses et sur l’institution des bibliothèques populaires, disait : « Au lieu de vous donner un exposé des faits, nous abrégerons en vous lisant la pétition : elle est courte et rédigée en termes si modérés et si convenables que vous aurez désiré la connaître. » Or, cette pétition, dont il donna lecture, contenait une liste d’auteurs et d’ouvrages forts mélangés, tous également présentés comme répréhensibles. […] Que si j’avais, par hasard, à intervenir quelquefois et bien rarement, pensais-je, ce ne serait guère que s’il était question de littérature, c’est-à-dire de ce que je connais bien ; s’il s’agissait de défendre les intérêts de mes confrères du dehors, de rendre hautement justice à tant d’efforts laborieux, malheureusement trop dispersés, et de répondre peut-être à quelques accusations comme on est tenté d’en élever trop légèrement, à chaque époque, contre la littérature de son temps. […] « Je ne vous connais, monsieur, que par ce droit que vous vous êtes arrogé publiquement et de haut sur la direction et l’expression de ma pensée. […] Nul plus que moi ne respecte cette nuance d’opinion, dont j’ai connu autrefois, et dont même j’ai eu pour amis de jeunes et bien distingués représentants, alors dans toute la fleur du talent et de l’éloquence52. […] Sainte-Beuve ne se fit pas attendre, et nous avons déjà en occasion de la faire connaître dans les Lettres à la Princesse, page 86 : Non, je ne suis pas votre ennemi ; pourquoi le serais je ?
Car il n’appartient qu’aux époques de réflexion raffinée de goûter l’imitation des mœurs étrangères ou inconnues : l’instinct spontané de la foule inculte ne réclame que l’imitation des mœurs connues et familières. […] Si l’on songe que de ces 150 pièces, 61 nous sont connues par le recueil imprimé du British Muséum, et 72 par le manuscrit La Vallière, que les premières semblent s’être jouées dans la région lyonnaise, et les autres en Normandie, qu’enfin la plupart de ces pièces ne sont pas, dans leur forme conservée, antérieures au xvie siècle, on concevra qu’il n’y a guère d’induction à tirer, de l’ensemble des œuvres que nous avons, sur révolution du théâtre comique. […] On ne lui en fait guère accroire : il se connaît, et tels que lui-même, il estime les autres : il soupçonne le mal volontiers, et se défie de tout le monde. […] Il y a là, dans des proportions que la farce ne connaît pas, un développement des caractères et un maniement des situations qu’elle n’a pas connus davantage.
Mais il connaissait aussi bien que nous ce « fagotage de tant de diverses pièces » qu’étaient ses Essais. […] Mais il ne se pique pas d’inventer : il estime notre langue suffisante, à condition qu’on l’exploite et la cultive. « La recherche des phrases nouvelles et des mots peu connus, disait-il, vient d’une ambition scolastique et puérile : puissé-je ne me servir que de ceux qui servent aux halles à Paris. » Il devait donc moins chercher que fuir le néologisme, et peut-être Calvin et Amyot ont-ils hasardé plus de mots que lui. […] Mais regardant en lui, il y a trouvé quelque chose de plus que lui-même, l’homme : et, il a trouvé aussi qu’il ne se connaîtrait bien lui-même qu’en regardant hors de lui : ses voisins de Gascogne d’abord, ses voisins de France aussi, ses voisins d’Allemagne et d’Italie, ses voisins d’Amérique, ses voisins enfin de tout ce « petit caveau » qui est la terre dans l’univers : et les voisins du temps comme les voisins de l’espace, les gens d’hier, et d’avant-hier, et d’autrefois, l’humanité qu’on appelle ancienne. […] Il n’y a pas de mot qu’il prononce plus souvent que celui de vérité ; il ne connaît pas de plus excellente vertu que celle de savoir céder à la vérité, où qu’elle se présente ; et il connaît deux voies qui y mènent, la raison d’abord, puis au-dessous d’elle, et sous son contrôle, l’expérience.
Pour étudier le grand ensemble que forment les œuvres de la seconde partie du xviie siècle, il conviendra de porter d’abord notre attention sur celles qui, appartenant plutôt à des mondains qu’à des artistes, nous font ainsi connaître à la fois le milieu où se formèrent et le public auquel s’adressèrent les artistes. […] Le remède à la naïveté, mais le remède aussi à la vanité, est là, dans ce petit volume presque tout entier excellent et substantiel, dont ceux-là seuls médiront, qui n’auront pas su s’y connaître. […] On ne saurait imaginer ce qu’il dépense d’adresse, de ressources et de force d’esprit, d’éloquence, pour obtenir de rentrer en France en gardant son archevêché, où un homme comme lui pourrait recommencer une carrière, sans compter les riches revenus, qu’il ne dédaigne pas ; il faut lire ses lettres pour le connaître. […] Il faut lire avec quelle sûreté il joue de Gaston d’Orléans ; il en connaît le ressort, la peur ; mais il sait exactement les degrés et les moments, quelle pression, en quelles circonstances, produira la passivité, l’activité ou sentimentale ou oratoire ou physique, enfin le courage même. […] Mme de la Fayette361, que La Rochefoucauld estimait la femme la plus vraie qu’il eût connue, était une fine et adroite personne, très intelligente et point sentimentale, dont le style est, avec celui de Bussy, et mieux encore, la perfection du style mondain : elle a un style aisé, vif, sans affectation, sobre et net, lumineux plutôt qu’outré, sans passion ni grands éclats ni ampleur de geste, avec une pointe sèche de gaieté, et une malice aiguë, parfois meurtrière.
Il me semble que, dans un tout autre genre, Les Marges furent aussi indépendantes et connaissent semblable réussite ? […] Ils ajoutèrent bravement deux zéros, et même quelque chose de plus, annoncèrent 3 500 votants et envoyèrent à la presse un palmarès fantaisiste où, à côté de gens très connus et de gens qu’ils avaient intérêt à ménager, ils avaient glissé des noms dont personne, et pour cause, n’a entendu parler. Les noms connus étaient là comme des lampions, pour faire briller les autres. […] — « Mon journal, monsieur, est une affiche », me disait un directeur qui connaît son métier. […] Une enquête étendue aurait fait connaître, sans doute, quelques opinions intéressantes, mais un bien plus grand nombre de banales ou de cocasses.
« Cette illusion nous suffit », déclare Jean Moréas (Notes sur Schopenhauer — Revue indépendante, mars 1885) « et puisque l’homme ignorera toujours l’essence propre des choses et ne connaîtra que la manière dont elles affectent son organisation, ne serait-il pas prudent d’accepter sur la beauté de la femme le phénomène que l’instinct amoureux nous présente, sans chercher à pénétrer le noumène indéchiffrable ? […] À douze ans, dans un grenier, Rimbaud a connu toutes les femmes des anciens peintres. […] Ils connaissent de terribles rechutes. […] Verlaine ne connaîtra pas les hallucinations terribles des chastes, ce supplice du saint ermite qui voit surgir à l’horizon du désert : Les seins nus et pourprés de ses tentations. […] » Le plaisant, c’est que Jules Tellier qui juge bon ici de se moquer de Dorchain connaît absolument les mêmes débats et qu’il se désole avec la même insistance des mêmes nécessités.
Je veux dire qu’ils ont réellement découvert dans ce monde qui nous entoure, dans ce monde proche ou lointain, une nature totalement différente de celle que nous connaissions ; et dans l’homme à qui nous parlons dans la rue, dans l’homme qui vit loin de nous sous d’autres cieux, l’homme que vous êtes, l’homme que je suis, un être radicalement nouveau par sa nature et par sa vie, un être qui paraît surgir comme une tige nouvelle du sein d’une terre vierge. […] Figurez-vous un homme aux formes athlétiques, au visage splendide, rempli de séduction et de bonté, se promenant dans les rues, vêtu comme un ouvrier, causant familièrement avec tous, riant, interrogeant ou consolant, aimé de tous pour sa douce majesté, sa cordialité et son humeur joyeuse ; qui se baigne et ensuite se promène nu dans l’herbe humide au soleil, déclarant que « peut-être celui ou celle à qui la libre et exaltante extase de la nudité en pleine nature n’a pas été révélée, n’a-t-il jamais connu le sentiment de la pureté, ni ce que la foi, l’art ou la santé sont dans leur essence » ; parcourant la campagne ou soignant les blessés de la guerre civile ; prêchant l’exaltation de toutes les forces vives de l’individu, et allant vers tous, homme ou femme, les mains tendues, un cordial sourire aux lèvres ; en un mot, réalisant dans sa complète acception, encore insoupçonnée, l’homme de la Démocratie américaine, ou plutôt de la Démocratie universelle. […] J’emprunte à Camille Lemonnier quelques-unes des magnifiques paroles qu’il prononça lors de l’inauguration de l’Université Nouvelle ; je n’en connais pas de plus énergiques, de plus nouvelles, de plus généreuses : « … Partant de là, on peut prévoir ce que sera l’art de demain à travers la foi nouvelle qui, refermant le ciel sur un absolu décevant, le rouvre dans la conscience humaine. […] La vie d’Emerson est déjà lointaine, mais puisque sa parole est encore peu connue en de nombreux pays, et que notamment en France et en Belgique, il ne fut que récemment traduit et commenté, nous pouvons par une illusion d’optique, le considérer comme un contemporain. […] Que mille et mille lieues les séparent et leurs esprits demeurent unis, sans qu’ils se connaissent, sans même qu’ils se comprennent.
Si donc, disputant avec Perrault sur Homère et sur les Rapsodes, et lui citant à toute force Vitruve, Elien, et le commentaire d’Eustache, Boileau n’a pas étourdi son adversaire de cet éclatant témoignage, où l’existence d’Homère est personnifiée dans l’immortalité de ses chants, je suis tenté de croire qu’il ne le connaissait pas, ou l’avait trop peu remarqué. […] Boeck l’a essayé de nos jours ; mais aussi, on doit l’avouer, ils ne les entendaient pas avec la même sagacité, la même précision de sens hellénistique ; ils savaient le grec plus bonnement, plus naïvement : leur science n’avait pas autant pénétré dans la société grecque et n’en connaissait pas aussi bien tous les usages et toutes les formés ; et, d’autre part, leur goût s’alarmait de ces formes étrangères. […] Qui de vous, bienveillants lecteurs, connaît messire Henri de Gornay, seigneur de Talange, chevalier non moins obscur de son temps que ne le sont aujourd’hui bien des vainqueurs de Pise et d’Olympie ? […] il connaît les fins de la vie et le commencement donné de Dieu17. » Mais ailleurs il avait dit : « Qu’est-ce que Dieu ? […] Porphyrion ne te connaît pas, dans ses révoltes contre le droit suprême.
Ainsi l’attrait des beaux-arts et des sciences tient pareillement à notre désir de nous bien connaître et de jouir de nous-mêmes. […] Vous le connaissez tous, et votre opinion devance ce que j’aurais à vous en dire. […] Si Longin eût pu connaître ce morceau de notre Pline, je ne doute pas qu’il ne l’eût jugé le prototype du beau. […] Ce n’est que du connu que l’on passe à l’éclaircissement de l’incertain et à la révélation de l’inconnu. […] Et vous me feriez croire que je dogmatise sur les choses de théâtre sans y rien connaître… (B) peut-être.
J’ai beaucoup connu cette seconde femme, si belle, si bonne, si aimante, qu’elle semblait une seconde jeunesse éclose sur le front encore vert d’un vieillard ; j’ai beaucoup connu et beaucoup aimé aussi l’ami et le disciple auquel il sembla, comme le Sauveur à saint Jean, léguer en mourant son âme et son génie avec sa femme, pour que rien ne restât sans protecteur après lui. […] L’enfance, qui connaît des caresses plus tendres, ne connaît point de plus doux noms. […] Cette grande partie de l’île, toute couverte de forêts, est si peu connue, même aujourd’hui, que plusieurs de ses rivières et de ses montagnes n’y ont pas encore de nom. […] » ceux-ci répondaient, sans les connaître: « Ce sont de bonnes gens. » Ainsi des violettes, sous des buissons épineux, exhalent au loin leurs doux parfums, quoiqu’on ne les voie pas. […] Ils connaissaient les heures du jour, par l’ombre des arbres ; les saisons, par les temps où ils donnent leurs fleurs ou leurs fruits ; et les années, par le nombre de leurs récoltes.
Et nous avons connu la profusion des systèmes. […] On ne connaît de lui que des vers réguliers. […] Courbaud, lui, les connaît. […] Égoïste, il ne connaît qu’une âme, la sienne ; et, maladroit, il se prive du plaisir le meilleur : connaître une âme et l’aimer. […] Ainsi Don Juan connaît les femmes.
La page qu’on va lire est donc un souvenir personnel, et elle nous montré aussi un enfant trop impressionnable ; « Pour vous le faire mieux connaître, il faut vous dire un trait de son enfance. […] On connaît leur thèse. […] Un de ses camarades de collège, qui l’a vu très souvent jusqu’au printemps de 1833, m’assure n’en avoir guère connu d’autre. […] Je m’y suis rendue par amitié plus que par amour, et l’amitié que je ne connaissais pas s’est révélée à moi sans aucune des douleurs que je croyais accepter. » (25 août 1833.) […] » Elle voudrait connaître la future maîtresse de Musset ; elle lui apprendrait à l’aimer et à le soigner.
Il traite ensuite des passions & des moeurs que tout orateur doit connoître. […] L’équivalent de cette expression n’est point connu en Asie, où les femmes sont moins reines. […] On ne connut guere le nom de François, que vers le dixieme siecle. […] Celle de Henri IV. augmente tous les jours, parce que le tems a fait connoître toutes ses vertus, qui étoient incomparablement plus grandes que ses défauts. […] Ces regles sont assez connues.
« 10 décembre 1513. » II Quel est le cœur qui ne soit pas ému de l’accent à la fois naïf, simple et pathétique de cette lettre, la plus belle protestation contre le sort que nous connaissions parmi toutes les lettres des grands hommes anciens et modernes retrouvées dans les archives du genre humain ? […] Ces ambassades, qu’on appelle les légations, lui firent connaître à fond la politique des puissances auprès desquelles il alla ménager les intérêts de sa patrie. […] Le monde moderne n’a eu qu’une tête de cette force, Bacon ; nous vous le ferons connaître un jour. […] XIII Le livre du Prince n’était cependant pas encore publié, mais on en connaissait l’existence et les principes par l’indiscrétion des Médicis. […] XXIX Un roi presque enfant, dont on ne connaît encore que le nom, se tient debout sous ces coups de vent, par le seul aplomb de la volonté de son père ; il semble survivre à ce père, le plus volontaire des rois de ce siècle.
Bossuet avait conçu cette éducation sur un plan sage et large, qu’il nous fait connaître dans une lettre latine adressée au pape Innocent XI. […] Il n’a point connu les chimères, les folies de la pensée, ni celles même de la vertu. […] De même, il allègue, il cite les écrits, les lettres d’Anne de Gonzague, pour nous la faire connaître telle quelle fut. […] Aussi les plus belles sont-elles celles où il parle des gens qu’il a connus et aimés, de Madame ou du prince de Condé. […] IV, 1892) ; Lettres et pièces inédites et peu connues, recueillies par A.
Lui-même est le premier de nos poètes qui ait choisi, qui ait eu du goût, qui ait fait des sacrifices à une raison générale, qu’il connaissait d’instinct avant qu’elle se fût clairement manifestée. […] Il est remarquable, en effet, que dans les deux pays qui ont connu avant nous la gloire des lettres, l’Espagne et l’Italie, la fondation des académies soit postérieure à la belle époque de leurs littératures. […] Les quelques hardiesses qui s’en détachent nous paraissent aujourd’hui de la langue générale, faute d’en connaître la date. […] En aucun ouvrage du même genre on n’a poussé plus loin l’art de s’approprier, ni mieux connu le chemin de toutes les intelligences saines, ni enseigné en termes plus exacts des notions plus précises et plus accessibles à tous. […] Respectons un anonyme qui n’a pas été un raffinement de l’orgueil, rehaussant le prix de son œuvre par l’énigme d’une origine mystérieuse, mai » le secret d’honnêtes gens qui faisaient le bien sans vouloir être connus.
Je connaissais cette expression, j’y devinais je ne sais quelle conversation muette avec un autre que moi, et, sans qu’elle eût besoin de me faire un signe, je rentrais dans le silence et je respectais sa lecture. […] Le plus grand nombre de mes condisciples était né et avait été élevé dans les villes ; il ne connaissait le printemps que par les livres. […] Ses deux chiens courants, au poil fauve, qui me connaissaient, venaient se coucher auprès de moi sur l’herbe chaude ; je détachais leurs colliers, pour que le tintement de leurs grelots ne m’empêchât pas d’entendre la lecture ou la conversation des trois amis. […] Moi seul je connaissais un peu plus que de vue M. de Valmont, mais non les deux sœurs ; il venait quelquefois à la ville passer une semaine ou deux de l’hiver ; pendant ces courts séjours il rendait visite, en costume alors très-décent et même recherché, à mon oncle. […] J’ai connu le monde, je l’ai jugé, je l’ai fui ; mais, comme l’homme est un être instinctivement sociable, j’ai trouvé dans cette maison, dans l’amitié de ces deux sœurs aussi sauvages que moi, une société pour mon cœur ; et je trouve dans ces livres, rapportés de mes voyages et jetés pêle-mêle à mes pieds, une société pour mon esprit.
Pictet en donne un exemple bien connu, dans la ressemblance générale des restes organiques des divers étages de la Craie, bien que les espèces de chaque étage soient distinctes. […] Les archives géologiques, de tout temps imparfaites, ne s’étendent pas assez loin dans le passé, je crois, pour prouver avec une évidence indiscutable que, depuis les premiers commencements de l’histoire connue du monde, l’organisation ait considérablement avancé. […] Mais nous voyons par là quelle est la difficulté insurmontable qu’il y a et qu’il y aura peut-être toujours à comparer avec une parfaite exactitude, à travers des rapports aussi complexes, le degré de supériorité relative des organismes imparfaitement connus qui ont composé les faunes des périodes successives de l’histoire de la terre. […] On connaît des faits analogues dans la distribution des animaux marins. […] Mais, longtemps avant cette époque, le monde a peut-être présenté un aspect tout différent ; les continents primitifs, formés de couches de sédiment plus anciennes que toutes celles que nous connaissons, peuvent être aujourd’hui passés à l’état métamorphique, ou peuvent dormir au fond des océans qui les recouvriront à jamais.
Oui, Coppée c’est par excellence le causeur parisien du siècle de la blague, avec tout l’admirable sous-entendu de la conversation de nous autres : les phrases commencées, finies par un rictus ironique, les allusions farces à des choses ou à des faits, connus du monde select et pourri de l’intelligence. […] Samedi 30 janvier Pour être connu en littérature, pour être universellement connu, on ne sait pas combien il importe d’être homme de théâtre, car le théâtre, pensez-y bien, c’est toute la littérature de nombre de gens, et de gens supérieurs, mais si occupés qu’ils n’ouvrent jamais un volume, n’ayant pas trait à leur profession : l’unique littérature en un mot des savants, des avocats, des médecins. […] Puis, il me demande, si je connais la cour de l’Hôtel Sully, rue Saint-Antoine, et m’apprend qu’il y a de grands bas-reliefs admirables, et que c’est là, ce que personne n’a dit, que Ingres a pris complètement sa Source, oui, et la pose et le mouvement de la figure, et même la forme de la cruche. […] Du reste pour mieux connaître la femme, et, je le répète, l’influence qu’elle a exercée sur moi, voici l’un de ces dimanches de Ménilmontant, que j’ai publié dans La Maison d’un artiste. […] En récompense, à lui qui ne connaissait et n’aimait que Musset, Judith faisait lire du Victor Hugo et du Leconte de Lisle.
Les liens nécessaires ou consentis qui vous unissent à vos camarades et à vos maîtres, vous ne les connaissez guère que par leur douceur, vous ne luttez que pour des palmes innocentes, vous n’avez pas à gagner votre pain les uns contre les autres ; vous avez, tout naturellement, des idées, des intérêts, des plaisirs communs. […] Corréard vous rappelait que la France a connu des heures plus terribles que l’heure présente.
Le public connaissait l’intrigue de d’Urfé et l’aversion du roi pour lui. […] Ce présent lui fut fort agréable, quoique l’auteur ne le lui fût guère. » Henri IV ne connut que ce premier volume.
Jeune, il fut très pauvre, très timide, et la femme, qu’il n’a point connue à l’âge où l’on doit la connaître, le hante d’une vision évidemment fausse.
Elle commettait bien à cette charge, selon nous, immense, d’écrire l’histoire, des hommes éprouvés et capables, qui semblaient avoir conquis une telle position, de haute lice, par l’élévation du talent et du caractère et cette conséquence de l’esprit qu’on ne connaît plus et qui est autant l’honneur de la vie que de la pensée. […] L’histoire, pour nous, c’est la nationalité, la nationalité, inviolable et violée chaque jour, par les historiens au nom de sentiments que nous ne connaîtrons jamais, jamais pour être plus grands qu’elle !
Peut-être ont-ils raison, ces marchands ; ils connaissent leur public et savent vers quel foin bêle l’imbécile troupeau que régit la routine. […] Quand l’auteur se fit connaître, il se trouva que c’était un vaudevilliste sifflé. […] Certain maître critique, adaptateur pédantesque du mot « évolution » aux choses de la littérature, connaît bien ce secret. […] On connaissait le pouvoir de l’affiche, le prestige des grandes lettres et l’art d’ameuter des admirateurs de commande. […] Si elle ne vous intéresse pas, j’aime autant ne pas la connaître ; elle m’ennuie d’avance, comme elle vous ennuie vous-même.
Elles se retrouvent telles que nos ouvrages antérieurs les ont fait connaître. […] Lamartine connut les peines précoces, jamais les chagrins incurables du premier âge. […] Il ne connaît les grands Hellènes que par de mauvaises traductions. […] Quant au génie de l’auteur, il n’a connu ni la faiblesse, ni l’épuisement. […] Quel dommage que tu ne le connaisses pas.
La planète ne vous connaît que comme animaux et matière à fumier. […] Autrefois les classiques connurent la grâce forte et tranquille. […] Il connut le mystère. — M. Mallarmé ne connaît que l’amphigouri. […] je connais ce livre.
J’ai peur que le plus bel axiome de la morale antique : « Connais-toi toi-même », n’ait été le plus souvent stérile. Car combien peu ont la force de se connaître ! […] Le public ne connut qu’en 1722 l’ouvrage resté jusqu’alors en manuscrit. […] Toute cette histoire est bien connue. […] La conduite que tint Fénelon est moins connue.
Je ne connais pas d’exemple plus net, plus éloquent de ce que devrait être la pensée constructive du dramaturge. […] On est chez soi et entre soi : on se connaît, on se comprend. […] Il connaît les hommes et les aime. […] Il n’a pas connu le grand air qui fouette, le courant d’échange qui trempe et nourrit. […] Je connais telles œuvres récentes, honnêtes et solides, qui sont de l’Augier rajeuni.
J’ai cherché, dans l’œuvre de quelques poétesses encore peu connues du public, l’expression secrète de la sensibilité féminine actuelle. […] Car l’âme qui palpite en toi, folle ou paisible, Tu ne la connais pas ! […] Il serait trop facile de dire que ces vers de quatorze, de quinze ou de seize pieds ne sont en somme que deux vers de mètres connus, soudés. […] « Et regardez donc ces hommes : leur œil en témoigne, ils ne connaissent rien de meilleur sur la terre que de coucher avec une femme. […] Va-t-elle enfin connaître la pudeur, acquérir un peu de vice ?
Qu’il s’agisse des moindres ou des plus sublimes effets, de choc et de pesanteur comme de pensée et de moralité, nous n’y pouvons vraiment connaître que les diverses liaisons mutuelles propres à leur accomplissement, sans jamais pénétrer le mystère de, leur production. […] D’après cette introduction systématique, ce dogme fondamental a tendu, sans doute, à s’étendre, par analogie, à des phénomènes plus compliqués, avant même que leurs lois propres pussent être aucunement connues. […] Ainsi à mesure que les lois physiques ont été connues, l’empire des volontés surnaturelles s’est trouvé de plus en plus restreint, étant toujours consacré surtout aux phénomènes dont les lois restaient ignorées. Une telle incompatibilité devient directement évidente quand on oppose la prévision rationnelle, qui constitue le principal caractère de la véritable science, à la divination par révélation spéciale, que la théologie doit représenter comme offrant le seul moyen légitime de connaître l’avenir. […] On ne, saurait, en effet, étudier rationnellement les, phénomènes, statiques ou dynamiques, de la sociabilité, si d’abord, on ne connaît suffisamment l’agent spécial qui les opère, et le milieu général où ils s’accomplissent.
Oui, reprit le lion, c’est bravement crié ; Si je ne connaissais ta personne et ta race, J’en serais moi-même effrayé. […] Vous connaissez ces lieux ? […] Le rat, « qui ne connaît l’Avent ni le Carême », est un joli petit gourmet, réjoui, tout rondelet, guilleret, et ne ressemble guère au héron dédaigneux et mélancolique. […] Pour bien connaître le juge, il faut voir d’abord le tribunal, l’enquête, les témoins, la chicane. […] Sa majesté lionne un jour voulut connaître De quelles nations le ciel l’avait fait maître.
Pourtant il en est une qui tranche sur toutes les autres en ce que je ne la connais pas seulement du dehors par des perceptions, mais aussi du dedans par des affections : c’est mon corps. […] Mais pour les uns et pour les autres, percevoir signifie avant tout connaître. […] Elle n’est donc, elle ne peut être rien de ce que nous connaissons, rien de ce que nous imaginons. […] Et à supposer qu’il faille distinguer, en chacun de nous, l’esprit et le corps, on ne peut rien connaître ni du corps, ni de l’esprit, ni du rapport qu’ils soutiennent entre eux. […] Il a trop souvent fait ainsi de la matière une entité mystérieuse, qui, justement parce que nous n’en connaissons plus que la vaine apparence, pourrait aussi bien engendrer les phénomènes de la pensée que les autres.
Que je la voudrais connaître ! […] Un jour, Ilionée, Si le Ciel en son cours ne rompt ta destinée, Tu connaîtras combien les moments sont cruels Qui ravissent un fils loin des bras paternels. […] Sa seconde manière, celle par laquelle il est surtout connu, va se produire. […] L’année même du Cid, comme par un retour de pensée vers Marie Stuart, l’auteur allait en Écosse et y passait trois jours à Abbotsford, visitant avec Walter Scott tous les environs à l’avance connus. […] Et Joachim Du Bellay en un sonnet bien connu : Quand reverrai-je, hélas !
Mais notre coup d’œil ne se bornera pas au livre, la personne nous attirera bien plus avant ; et ce sera notre plaisir, notre honneur d’introduire quelques lecteurs, de ceux même qui se souviennent d’elle, comme de ceux qui ont tout à en connaître, dans l’intimité d’un noble esprit qu’une confiance amicale nous a permis à loisir de pénétrer. […] Avide de saisir tout ce qui s’offrait à ses impressions, elle s’était bien gardée de ne pas connaître celles que peut inspirer l’aspect d’un beau site et d’une riante verdure ; elle demeurait en extase devant un point de vue qui lui plaisait ; elle écoutait avec ravissement le chant des oiseaux, elle aimait à contempler une belle fleur, et tout cela jusque dans les dernières années de sa vie. […] Il y avait bien des degrés dans les anciens noms ; mais celui de Vergennes était connu, était historique, et tenait à l’ancien régime. […] On prendrait une heureuse idée de sa personne à ce moment dans un très-fin portrait de Clary, tracé par une main, j’allais dire une griffe, bien connue, non en telle matière pourtant, et peu coutumière d’écrire243. […] On voit une personne qui connaît le cœur, qui possède à fond la réalité des cours, et qui ne dit pas tout.
Il s’est créé depuis une douzaine d’années une jeune école d’érudits laborieux, appliqués, ardents, enthousiastes, qui se sont mis à fouiller, à défricher tous les cantons de notre ancienne littérature, à en creuser tous les replis, à rentrer jusque dans les portions les plus explorées et censées les plus connues, pour en extraire les moindres filons non encore exploités. […] Les poètes connus viendront dans l’âge suivant ; mais le plus souvent, au lieu de s’appliquer à de dignes et sévères sujets, ils s’amuseront alors à des inventions purement romanesques, aux romans dits d’aventures. […] Certes, si on les avait alors connues, il y aurait eu mieux à faire avec ces vieilles épopées. […] Celui-ci n’a pas vécu assez pour connaître le vrai, le grand et royal Malherbe, pour assister à son entier développement et à son triomphe. […] On aura d’ailleurs, dans ce recueil, assez de preuves de la richesse de la dernière Flore française ; les plus grands noms, les plus connus, ont été ceux qu’on a le moins mis à contribution ; c’est dans les autres, chez les seconds (poetæ minores), qu’on a le plus abondamment puisé.
De la même façon vous n’étudiez le document qu’afin de connaître l’homme ; la coquille et le document sont des débris morts, et ne valent que comme indices de l’être entier et vivant. […] Rien n’existe que par l’individu ; c’est l’individu lui-même qu’il faut connaître. […] Notre grand souci doit être de suppléer, autant que possible, à l’observation présente, personnelle, directe et sensible, que nous ne pouvons plus pratiquer : car elle est la seule voie qui fasse connaître l’homme ; rendons-nous le passé présent ; pour juger une chose, il faut qu’elle soit présente ; il n’y a pas d’expérience des objets absents. Sans doute, cette reconstruction est toujours incomplète ; elle ne peut donner lieu qu’à des jugements incomplets ; mais il faut s’y résigner ; mieux vaut une connaissance mutilée qu’une connaissance nulle ou fausse, et il n’y a d’autre moyen pour connaître à peu près les actions d’autrefois, que de voir à peu près les hommes d’autrefois. […] On connaissait l’homme, on ne connaissait pas les hommes ; on n’avait pas pénétré dans l’âme ; on n’avait pas vu la diversité infinie et la complexité merveilleuse des âmes ; on ne savait pas que la structure morale d’un peuple et d’un âge est aussi particulière et aussi distincte que la structure physique d’une famille de plantes ou d’un ordre d’animaux.
Il me connaît depuis quarante ans pour avoir été quêter toutes les semaines à sa porte, et pour m’avoir toujours donné autant de bonnes grâces pour moi que de bouteilles de vin d’Aleatico pour le monastère. […] Parmi tous ces moines, ces pénitents et ces prêtres qui vont venir tous les jours pour t’exhorter et te préparer à la mort par les sacrements, il faut dire que tu préfères les frères de l’ordre des Camaldules, qui t’ont enseigné la religion dans ton enfance, et que tu serais plus résigné et plus content si l’on pouvait t’accorder pour confesseur le vieux frère Hilario, du couvent de la montagne, dont tu as l’habitude, et qui daignera bien descendre pendant quelques semaines à Lucques pour adoucir tes derniers moments ; le bargello m’a dit qu’on ne refusait rien aux condamnés de ce qui peut leur ouvrir le paradis en sortant de la prison ; la présence de cet ami de la cabane dans ton cachot et dans la ville de Lucques, où il est connu et aimé, qui sait ? […] Le bon Dieu fera le reste ; nous saurons par lui des nouvelles de nos pauvres parents ; je me ferai connaître de lui avec confiance, il ne me trahira pas de peur de t’enlever ta dernière consolation jusqu’à l’heure suprême ; nous lui ferons transmettre nos propres messages à la cabane, il empêchera ta mère et mon père de désespérer, et, si nous devons mourir, soit l’un ou l’autre, soit tous les deux, il les soutiendra dans leur misère et dans leurs larmes. […] Rassure-toi, avait-il ajouté, je ne serai pas plus dur que la Providence, je ne séparerai pas avant la mort ceux qu’elle a réunis ; je ne ferai rien connaître au bargello ni à sa femme de votre secret ; il est peut-être dans les desseins de cette Providence. […] Je me gardai bien, à cause des autres prisonniers, d’avoir l’air de connaître le frère quêteur.
Je l’ai connu à fond, comme on le verra tout à l’heure. […] Je ne connaissais pas une âme dans Paris. […] On se connaît peu, et le cœur est un peu à froid ; mais les conversations sont dignes et élevées ; il s’y mêle peu de banalités et de commérages. […] Herder était l’écrivain allemand que je connaissais le mieux. […] Au moins, ceux qui me connaissent avoueront, j’espère, que ce n’est pas l’intérêt qui m’a éloigné du christianisme.
Cette méthode à l’aide de laquelle il étudie et construit l’Histoire est la méthode positiviste, la dernière méthode connue, — les méthodes étant comme les jours, qui se suivent et qui ne se ressemblent pas. […] Eh bien, c’est le métaphysicien primitif, que je connais, de vieux temps, dans M. […] Quand un nosographe fait la description d’une maladie, il la fait pour des médecins comme lui, qui se connaissent à la chose décrite et qui savent si on en a décrit tous les symptômes ; mais quand M. […] Je ne connais que M. […] Taine, qui s’était donné pour tâche de connaître les origines de la France moderne, plongea dans cette boue et ce sang et dit sans sourciller ce qu’il y avait vu.
Daru qu’il y a dans le palais de Dresde un piano qui conserve son accord dans toutes les saisons : « Je désire, écrit-il à l’administrateur de la Saxe, que, sans donner aucun ombrage, vous puissiez vérifier si ce piano existe, et me faire connaître en quoi consiste le secret de son mécanisme. » Accoutumé depuis la journée d’Iéna à une correspondance d’un genre plus sévère, cet administrateur put sourire de se voir chargé d’une telle commission. […] Le groupe de littérateurs dont je parle était instruit sans être savant ; mais tous connaissaient Horace et le citaient sans cesse, c’était leur bréviaire ; il était, à lui seul, toute leur Antiquité. […] L’un d’eux, homme de lettres peu connu aujourd’hui et même de son temps, mais d’un certain mérite et d’assez de goût, qui avait fourni à Picard plus d’un trait pour sa Petite Ville, M. de Larnac, du Languedoc, vieil ami de M. […] Quelqu’un qui vous lirait sans vous connaître croirait, à cette expression, que vous avez été fait capucin ou trappiste malgré vous : car enfin votre emploi n’est pas celui que vous auriez voulu choisir, mais cette histoire est celle de presque tous les hommes ; j’en vois bien peu qui eussent fait par plaisir ce qu’ils sont obligés de faire par devoir.
Lorsque Cowper s’était senti mieux et plus fort d’esprit, il avait commencé une correspondance avec un petit nombre d’amis, et il la suivit sans interruption pendant plusieurs années ; c’est là surtout qu’on apprend à le connaître et à pénétrer dans les mystères de son esprit ou de sa sensibilité. […] Un jour qu’il était à la fenêtre de la rue, il vit entrer dans un magasin d’en face une femme de sa connaissance et de celle de Mme Unwin, avec une étrangère qui n’était autre qu’une sœur, à elle, nouvellement arrivée dans le pays, et celle-ci avait je ne sais quoi de si attrayant et de si ravissant à la simple vue, que Cowper, tout timide qu’il était, désira aussitôt de la connaître. […] Ajoutons vite (car ceci n’est point une biographie que nous prétendons esquisser, et nous ne voulons que faire connaître l’homme et le poète par ses traits principaux) que dès que Cowper s’aperçut que la présence de lady Austen pouvait à la longue chagriner Mme Unwin, et que l’aimable fée apportait dans le commerce habituel un principe trop vif de sensibilité ou de susceptibilité, propre à troubler leurs âmes unies, il n’hésita point une minute ; et sans effort solennel, sans coquetterie, par une simple lettre irrévocable, il sacrifia l’agréable et le charmant au nécessaire, et l’imagination tendre à l’immuable amitié. […] La composition et la publication de son premier recueil n’avaient fait que le mettre en train et en verve ; il sentait que ce n’était qu’en écrivant, et en écrivant des vers, qu’il pouvait échapper complètement à sa mélancolie : Il y a, disait-il vers ce temps, il y a dans la peine et le travail poétique un plaisir que le poète seul connaît : les tours et les détours, les expédients et les inventions de toute sorte auxquels a recours l’esprit, à la poursuite des termes les plus propres, mais qui se cachent et qui ne se laissent point prendre aisément ; — savoir arrêter les fugitives images qui remplissent le miroir de l’âme, les retenir, les serrer de près, et les forcer de se fixer jusqu’à ce que le crayon en ait tiré dans toutes leurs parties une ressemblance fidèle ; alors disposer ses tableaux avec un tel art que chacun soit vu dans son jour le plus propice, et qu’il brille presque autant par la place qui lui est faite, que par le travail et le talent qu’il nous a coûtés : ce sont là des occupations d’un esprit de poète, si chères, si ravissantes pour sa pensée, et de nature à le distraire si adroitement des sujets de tristesse, que, perdu dans ses propres rêveries, heureux homme !
Les devanciers déjà vieux doivent ce premier témoignage d’estime aux hommes nouveaux qui comptent, de les regarder et de les bien connaître. […] N’ayant pas encore le plaisir de connaître personnellement M. […] Il en est de même pour les hommes et pour les esprits qui vivent dans le même siècle, c’est-à-dire sous un même climat moral : on peut bien, lorsqu’on les étudie un à un, montrer tous les rapports qu’ils ont avec ce temps où ils sont nés et où ils ont vécu ; mais jamais, si l’on ne connaissait que l’époque seule, et même la connût-on à fond dans ses principaux caractères, on n’en pourrait conclure à l’avance qu’elle a dû donner naissance à telle ou telle nature d’individus, à telles ou telles formes de talents.
Pouvait-il cependant tout connaître par le fait et tout décider de sa seule et pleine volonté ? […] Peut-on admettre qu’il n’ait fait preuve de ce bon jugement que pour bien connaître les hommes, et qu’une fois choisis, ce jugement l’ait abandonné pour le livrer à leur merci sur les choses, sur les partis combinés à l’avance et désirés par eux ? […] Connaît-on beaucoup de conquérants qui aient ainsi rendu justice et hommage, en pleine guerre, aux mesures désespérées de leurs ennemis et à l’exaspération de leur patriotisme : « Mais que ne fait-on point pour se soustraire d’une domination étrangère ! […] Je connais cette rivière ; elle est très difficile à passer : il y a des places qu’on peut rendre bonnes ; je compterais aller à Péronne ou à Saint-Quentin, y ramasser tout ce que j’aurais de troupes, faire un dernier effort avec vous, et périr ensemble ou sauver l’État ; car je ne consentirai jamais à laisser approcher l’ennemi de ma capitale » ; celui qui dira cette parole est bien le même qui, quarante ans auparavant, a honoré et loué les Hollandais d’avoir tout fait pour lui fermer l’accès d’Amsterdam.
C’est comme une veine délicate qui peut être confondue avec d’autres par un œil inattentif et neuf, mais à laquelle celui qui nous connaît de vieille date ne se trompe pas. […] Cet avertissement était nécessaire pour ceux qui, sans connaître l’auteur, liront le volume publié aujourd’hui. […] Quel qu’ait été et que soit mon goût pour Beyle, je ne puis en mon âme et conscience consentir à un tel jugement, et je ne pense pas qu’aucun de ceux qui ont connu le personnage y souscrive. […] » Que cet homme qui passait pour méchant auprès de ceux qui le connaissaient peu était aimé de ses amis !
— Toutes ces questions, sur lesquelles on n’avait, avant ces dernières années, que des réponses incomplètes, insuffisantes, et dont la légende même avait essayé de s’emparer pour y broder, sont aujourd’hui résolues, et l’on ne connaît guère mieux ce que faisait, disait et pensait chaque jour Napoléon à Sainte-Hélène que ce que faisait et pensait Charles-Quint à Saint-Just. Les vraies raisons de sa détermination finale, Charles-Quint les a dites sans arrière-pensée dans cette mémorable séance du 25 octobre 1555, tenue à Bruxelles en présence des États assemblés, lorsqu’après avoir fait faire un exposé de motifs par un de ses conseillers, il prit lui-même la parole et rendit compte de sa conduite présente en même temps qu’il résuma tout son règne, dans un discours improvisé pour lequel il s’aida de quelques notes et dont on connaît amplement la substance. […] Mignet persiste à la révoquer en doute et à la croire inconciliable avec les faits connus. […] L’enfant âgé de douze ou treize ans, portant alors le nom de Geronimo et passant pour le page de Quivada, vint quelquefois à Saint-Just dans les derniers mois de la vie de son glorieux père ; mais le vieil empereur le voyait sans faire semblant de le connaître.
donnez-moi votre parole d’homme : vous ne chercherez jamais à me connaître… » Michel, le poète artiste, donna sa parole, et il la tiendra : il ne saura jamais au juste ce qu’était la dame. Cette rencontre d’omnibus ne sera, après tout, pour lui qu’une sorte d’aventure de bal masqué dont il ne connaîtra jamais bien le domino. […] Michel, s’il ne l’avait connu jusqu’alors, apprendrait le respect près d’elle, près de celle qui semblait s’offrir d’elle-même. […] On a pu remarquer dans tout ce qui précède quantité de pensées qui feraient des légendes tendres et en sens inverse de celles que l’on connaît.
« Ce prince, disait dès lors un bon observateur, est naturellement caché et secret ; quelque soin qu’on prenne de pénétrer ses véritables sentiments, on les connaît difficilement, et j’ai remarqué qu’il fait des amitiés à des gens pour qui je sais qu’il a de l’aversion… Je suis fort trompé si Madame Royale elle-même doit faire beaucoup de fondement sur sa tendresse et sur sa déférence, quand il sera le maître. […] Et pourtant elle commençait à connaître à qui elle avait affaire désormais en la personne du jeune duc. Voici le portrait confidentiel que traçait de lui celle que Saint-Réal avait appelée la meilleure et la plus heureuse des mères : « Pour faire connaître à M. de Louvois, écrivait-elle, la confiance entière que j’ai en lui et en sa discrétion, je vais lui dépeindre l’humeur de Son Altesse Royale, dont il ne rendra compte qu’au roi comme mon protecteur, à qui je me confie très respectueusement, et auquel j’ouvre le plus secret de mon cœur, avec la liberté qu’il m’a permise. […] Catinat connaît à fond le duc de Savoie ; il se laisse pourtant, en plus d’une rencontre, amuser et retarder par lui.
Son personnage principal, le duc Pompée-Henri de Joyeuse, un lion à la mode, beau, aimable, doué de tous les talents, un ténor et un virtuose comme on en a connu, — comme un Mario ou un Belgiojoso, — arrivé à l’âge de quarante ans, cette extrême limite de la jeunesse, à bout de ressources et de désordres, tout à fait ruiné, est appelé en Allemagne par un ancien ami de sa famille, un ami de sa mère, le comte Herman qui, en mourant, l’adopte et lui laisse par testament son immense fortune, à la condition de prendre son nom et de séjourner en Allemagne au moins une année. […] M. de Noirmont est un personnage bien vrai, et qui nous rappelle plus d’un profil connu : « Né avant 89, d’une ancienne maison, mais abandonné à lui-même dès l’enfance, libre par conséquent de préjugés traditionnels, il a assisté avec indifférence, presque avec joie, à la chute de la vieille société. […] C’est un homme d’un tact sur, d’une expérience consommée, et, quoi qu’on en dise, il a prouvé qu’il était exceptionnellement capable de dévouement. » Si j’osais prendre la liberté d’éclairer ces portraits par des noms connus, je dirais que ce comte de Noir-mont est un bon Montrond, un Montrond qui n’a été corrompu qu’à point. […] M. d’Alton-Shée qui l’a connue et pratiquée n’a pas de parti pris contre elle, et je l’en loue.
J’ai le plaisir de les connaître particulièrement, et j’ai tant entendu déraisonner sur eux à propos de ce dernier drame spirituel et passionné, vif et hardi, incomplet et brusque, qui méritait la critique et l’attention, — j’ai tant entendu débiter, à ce sujet, de lieux communs et de fadaises (Melpomène, la dignité des genres, la Maison de Molière, etc.), que l’envie me prend d’esquisser le portrait littéraire de ces deux frères unis, ou plutôt de l’extraire du présent volume qu’ils viennent de publier, Idées et Sensations, — un recueil de pensées, de fantaisies et de petits tableaux, qu’ils ont dédié à Gustave Flaubert. […] Ce goût déclaré qu’ils ont pour les civilisations arrivées à leur terme le plus raffiné fait aimer à MM. de Goncourt la Chine, le Japon, dont ils connaissent l’art travaillé, recherché et bizarre, avec ses merveilles d’imitation ou ses chimères, autant qu’on peut le connaître et l’apprécier de si loin. […] Voici un petit rêve d’élégie bien française, bien moderne, qui vaut certes toutes les réminiscences des Ovide et des Tibulle : c’est léger, délicat, d’une tendresse de dilettante, d’un regret de xviiie siècle dans le xixe ; un idéal rapide de bonheur d’après Fragonard et Denon : « J’ai toujours rêvé ceci, — et ceci ne m’arrivera jamais : Je voudrais, la nuit, entrer par une petite porte que je vois, à serrure rouillée, collée, cachée dans un mur ; je voudrais entrer dans un parc que je ne connaîtrais pas, petit, étroit, mystérieux ; peu ou point de lune ; un petit pavillon ; dedans, une femme que je n’aurais jamais vue et qui ressemblerait à un portrait que j’aurais vu ; un souper froid, point d’embarras, une causerie où l’on ne parlerait d’aucune des choses du moment, ni de l’année présente, un sourire de Belle au bois dormant, point de domestique… Et s’en aller, sans rien savoir, comme d’un bonheur où l’on a été mené les yeux bandés, et ne pas même chercher la femme, la maison, la porte, parce qu’il faut être discret avec un rêve… Mais jamais, jamais cela ne m’arrivera !
Ampère, dans son cours d’ouverture du dernier mois127, reprenant l’histoire des lettres en France à l’époque de Charlemagne, distinguait, avec cette vue lumineuse et ingénieuse qu’on lui connaît, trois renaissances, en quelque sorte graduelles : celle de Charlemagne, celle du xiie siècle, et celle enfin des xve et xvie , qu’on est habitué à désigner particulièrement sous ce nom. […] Clément Brentano, et traduit chez nous par un homme de la même foi et d’un talent bien connu, M. de Cazalès. […] Un poëte connu, M. […] « Pour populariser l’erreur, il abusait du vocabulaire de la liberté. » C’est le mot de quelqu’un qui l’a bien connu, d’un de ses anciens collègues et compagnons d’armes à la Chambre des pairs, le comte d’Alton-Shée.
Philarète Chasles a depuis exprimé manifestement le dessein plus formel de les venger, ou du moins de les faire connaître. […] Il suffit d’ouvrir, de feuilleter, de lire çà et là ces volumes, pour prendre aussitôt du vieux Colletet une idée plus complète, plus vraie ; on ne le connaît qu’alors dans toute sa bonhomie et toute sa culture gauloise. […] Ainsi, dans l’article sur Chapelain, on regrette qu’il n’ait pas connu une très-agréable conversation sur les vieux romans racontée et adressée par Chapelain au cardinal de Retz46, et qui vaut mieux que toute la Pucelle. […] Les impromptus, les saillies, je ne le nie pas, lui échappent sans grand effort ; il rencontre des vers heureux ; il dira presque comme Regnier : J’en connois qui ne font des vers qu’à la moderne, Qui cherchent à midi Phœbus à la lanterne, Grattent tant le françois qu’ils le déchirent tout… Mais, à deux pas de là, il fléchit, et son français pour n’être pas assez gratté, n’en paraît que diffus, prolixe et incertain.
Mme de Sévigné, à son tour, aimait beaucoup les champs ; elle allait faire de longs séjours à Livry chez l’abbé de Coulanges, ou à sa terre des Rochers en Bretagne ; et il est piquant de connaître sous quels traits elle a vu et a peint la nature. […] Jusque-là, rêver, c’était une chose plus facile, plus simple, plus individuelle, et dont pourtant on se rendait moins compte : c’était penser à sa fille absente en Provence, à son fils qui était en Candie ou à l’armée du roi, à ses amis éloignés ou morts ; c’était dire : « Pour ma vie, vous la connaissez : on la passe avec cinq ou six amies dont la société plaît, et à mille devoirs à quoi l’on est obligé, et ce n’est pas une petite affaire. […] Je trouve cela bien mauvais. » La religion précise et régulière, qui gouvernait la vie, contribuait beaucoup alors à tempérer ce libertinage de sensibilité et d’imagination, qui, depuis, n’a plus connu de frein. […] Cependant, et sans prétendre nier cette profonde dissemblance originelle entre deux âmes, dont l’une n’a connu que l’amour maternel, et dont l’autre a ressenti toutes les passions, jusqu’aux plus généreuses et aux plus viriles, on trouve en elles, en y regardant de près, bien des faiblesses, bien des qualités communes, dont le développement divers n’a tenu qu’à la diversité des temps.
Ce serait bien incomplétement connaître Mme de Duras que de la juger seulement un esprit fin, une âme délicate et sensible, comme on le pourrait croire d’après son influence modératrice dans le monde et d’après une lecture courante des deux charmantes productions qu’elle a publiées. […] M. de Chateaubriand, dans ses Mémoires inédits, après une vive peinture de cette même période d’émigration en Angleterre, et des diverses personnes qu’il y rencontra, ajoute : « Mais très-certainement à cette époque Mme la duchesse de Duras, récemment mariée, était à Londres ; je ne devais la connaître que dix ans plus tard. […] Aussi, tandis que Mlle Aïssé, aimée du chevalier d’Aydie, refuse de l’épouser pour ne pas le faire descendre, jouant ainsi quelque chose du rôle d’Édouard, la pauvre Ourika, méconnue de Charles qui ne croit qu’à de l’amitié, se dévore en proie à une lente passion qu’elle-même ne connaît que par une découverte tardive. […] Le couvent chez Mme de Duras est un vrai cloître, rude, austère, pénitent ; le prêtre est redevenu un vrai confesseur, et, comme dit Ourika, un vieux matelot qui connaît les tempêtes des âmes.
On les lit cependant : car, bien qu’ils ne fassent rien sentir et rien juger, incapables qu’ils sont eux-mêmes de sentir et de juger, ils font connaître. […] Nul ne connaît les hommes par théorie : pour les connaître, il faut les toucher ; on ne les touche que dans la mêlée. […] Que jamais armée ne connaisse ces cris que vous avez proférés contre le sénat !
Il a posé en face l’un de l’autre ces deux êtres destinés à s’aimer, qui se sentent disposés à s’aimer avant de se connaître, et qui font effort pour se connaître avant de s’aimer, qui s’observent, s’étudient, se tendent des pièges, tâchent de forcer le mystère de l’âme par laquelle ils se voient pris irrésistiblement. […] On connaît la qualité d’une passion à deux moments principaux : lorsqu’elle commence, et lorsqu’elle finit. […] Il se fit connaître à quarante ans par l’Épître de Clio contre les théories antipoétiques de La Motte, et aborda le théâtre en 1733 par la Fausse Antipathie.
On connaît ses premiers essais. […] J’ai connu des gens de goût, mais d’un goût restreint et nourri à l’ombre du cabinet, qui, en jugeant Napoléon pour son talent de parole, en étaient restés sur cette première impression : Daunou, par exemple, écrivain d’un style pur, châtié et orné. […] Il fut connu qu’on se dirigeait d’abord sur Candie. […] Ce n’est pas ici quelqu’un qui veuille décrire les choses pour les peindre et s’en amuser ; s’il les décrit, c’est pour les connaître à fond et s’en servir.
J’avouerai que moi-même qui en parle, il n’y a pas bien longtemps que je le connais d’un peu près. […] Au reste, ce n’est point par un désir égoïste de vengeance qu’il écrit cette satire, c’est dans une pensée plus haute : Voici pourquoi j’écris ces vers puissants : c’est pour que le roi y prenne un conseil, qu’il connaisse dorénavant la puissance de la parole, qu’il réfléchisse sur l’avis que lui donne un vieillard, qu’il n’afflige plus d’autres poètes, et qu’il ait soin de son honneur ; car un poète blessé compose une satire, et elle reste jusqu’au jour de la résurrection. […] Ne reste pas avec les Turcs ; je ne connais personne dans l’Iran qui ait des épaules et des bras comme toi. […] Puisque tu es né d’une noble race, fais-moi connaître ton origine ; ne me cache pas ton nom, puisque tu vas me combattre : ne serais-tu pas Roustem ?
Le véritable artiste est digne de ne pas procéder ainsi ; et pour tous ceux qui ont de bonne heure connu et admiré Mme Sand, ç’a toujours été un sujet d’étonnement et une énigme inexplicable, que de la trouver si aisément crédule et, je lui en demande bien pardon, si femme sur un point : elle croit volontiers à l’idée des autres. […] On n’a pas affaire ici à un peintre amateur qui a traversé les champs pour y prendre des points de vue : le peintre y a vécu, y a habité des années ; il en connaît toute chose et en sait l’âme ; il sait le vol des grues dans le nuage, le babil de la grive sur le buisson, et l’attitude de la jument au bord de la haie, « pensive, inquiète, le nez au vent, la bouche pleine d’herbes qu’elle ne songeait plus à manger ». […] je vais chercher bien loin une femme que je ne connais pas, qu’on dit riche, qui est fière sans doute, qui croira me faire grand honneur en m’épousant avec mes trois enfants ; et voilà que j’ai tout près de moi une enfant simple, pauvre, mais riche des dons de Dieu, des qualités et des vertus naturelles, et qui serait un trésor dans ma maison et dans mon cœur. » Il faut que Germain, insensiblement, et avant la fin de ce court voyage, devienne amoureux de cette petite Marie qu’il n’avait jamais considérée jusque-là que comme une enfant. […] Tous ces jeunes cœurs, les naturels autant que les poétiques, ceux des filles comme ceux des garçons, sont connus, maniés, montrés à jour par Mme Sand, comme si elle les avait faits.
Sa manière d’être intérieure, sa véritable vie n’est connue que de lui ; mais, en récrivant, il la déguise ; sous le nom de sa vie il fait son apologie : il se montre comme il veut être vu, mais point du tout comme il est. […] J’ai cent fois projeté d’écrire à Paris pour faire chercher le reste des paroles, si tant est que quelqu’un les connaisse, encore : mais je suis presque sûr que le plaisir que je prends à me rappeler cet air s’évanouirait en partie, si j’avais la preuve que d’autres que ma pauvre tante Suzon l’ont chanté. […] Leur esprit, nous le connaissons de reste et nous en jouissons ; mais où est leur cœur ? […] Avant lui, le seul La Fontaine, chez nous, avait connu et senti à ce degré la nature et ce charme de la rêverie à travers champs ; mais l’exemple tirait peu à conséquence ; on laissait aller et venir le bonhomme avec sa fable, et l’on restait dans les salons.
Recueil de particularités inédites ou peu connues sur l’auteur des Essais, son livre et ses autres écrits, sur sa famille, ses amis, ses admirateurs, ses contempteurs. […] Celui-ci, dans un écrit où il faisait connaître d’intéressantes corrections ou variantes du texte même de Montaigne, parlant à son tour de M. […] Notre philosophe dit quelque part (livre II, chapitre xvii) qu’il connaît bien assez d’hommes qui ont diverses parties très belles : l’un, l’esprit ; l’autre, le cœur ; l’autre, l’adresse ; tel la conscience, tel autre la science, plus d’un le langage ; enfin chacun a sa partie : « Mais de grand homme en général, et ayant tant de belles pièces ensemble, ou une en tel degré d’excellence, qu’on le doive admirer ou le comparer à ceux que nous honorons du temps passé, ma fortune ne m’en a fait voir nul… » Il fait bien ensuite une exception pour son ami Étienne de La Boétie, mais c’est là un de ces grands hommes morts en herbe et en promesse, et sans avoir eu le temps de donner. […] « Dès ma première enfance, disait-il, la poésie a eu cela de me transpercer et transporter. » Il estime avec un sentiment pénétrant que « nous avons bien plus de poètes que de juges et interprètes de poésie, et qu’il est plus aisé de la faire que de la connoître. » En elle-même et dans sa pure beauté, elle échappe à la définition ; et celui qui la veut discerner du regard et considérer en ce qu’elle est véritablement, il ne la voit pas plus que la « splendeur d’un éclair ».
Et il continue de s’étendre sur sa noblesse ; il parle de ses nobles cousins de Suisse dont l’un l’a visité autrefois à Ferneyd, et dont l’autre était venu à Paris, il y avait quelques années, pour entrer au service de France : Sur ma recommandation, dit La Harpe, M. le comte d’Affry (commandant des troupes suisses) eut la bonté de le recevoir sur le champ parmi les cadets gentilshommes de l’un de ses régiments, et ce respectable vieillard, qui connaissait ma famille, n’exigea pas de mon jeune parent d’autre preuve que d’être reconnu par moi pour m’appartenir. […] Daunou, qui a composé sur La Harpe un morceau excellent, mais au point de vue strictement classique, se rabat à citer de lui, comme chef d’œuvre dans le genre lyrique, une petite romance fort connue de nos mères : Ô ma tendre musette ! […] Je ne lui connais plus, à présent, qu’un seul ennemi, c’est le public en corps qui se réunit en ce seul point, et qui ne veut ni écouter ses apologies ni lire ses ouvrages. […] L’ancienne tragédie française (je dis ancienne, parce qu’elle n’existe plus) avait ses règles, ses artifices, ses convenantes, que Racine surtout avait connus et portés à la perfection, et dont il était devenu l’exemplaire accompli La Harpe, après Voltaire, les entendait et les sentait plus que personne, et il est le meilleur guide en effet, du moment qu’on veut entrer dans l’économie même et dans chaque partie de ce genre de composition pathétique et savante.
Mais ces constatations de lois empiriques, toutes dérivées, ne nous expliquent pas les phénomènes et ne nous font pas connaître les lois les plus fondamentales. […] Le cerveau ne connaissait guère que la contiguïté, dont la similarité d’impressions est une conséquence ; l’intelligence ne connaît guère que la similitude, dont la contiguïté est pour elle une simple espèce et une ébauche. […] Le pigeon ou le rat à qui l’on a retranché cette calotte superficielle, le cochon d’Inde à qui l’on sectionne les deux pédoncules cérébraux en avant et au dessus de la protubérance, a encore des sensations, mais il ne les aperçoit plus au moment où il les a ; il ne les connaît plus, ne les répète plus en les systématisant et les classant ; il ne peut plus y faire attention, ni les lier à l’appétition du moment ; les organes répétiteurs n’existant plus ou ne répétant plus, il n’y a plus de mémoire ni de liaison d’images.
Mais généralement, dans la vérité, il n’en est pas ainsi : iº Parce que l’oreille des poètes, après avoir été très sensible, lors de leur période de formation, de débrouillement, et pendant l’aurore de la production où tout se colore d’une lumière propre si belle à nous-mêmes qu’elle en paraît nouvelle, s’habitue à un certain nombre de cadences et que le sens auditif du plus subtil s’endort, s’amortit, un peu comme celui d’un auditeur de bonne musique, qui ne sait plus se réjouir que de cadences connues ; 2° Que, pendant que ces poètes restent techniquement stationnaires, une génération nouvelle se lève, parmi laquelle plusieurs poètes sentent confusément la nécessité d’une révolution et qu’un au moins la ressent précisément et l’ose. […] Baudelaire connut l’œuvre wagnérienne, l’illustra de belles pages, et Mendès très longtemps orna le wagnérisme. » On répondra que Baudelaire en 1862 — date de sa connaissance du Tannhauser et de son étude critique — était âgé de quarante ans, fatigué de son bel effort, qu’il pouvait éprouver des plaisirs esthétiques nouveaux, et les traduire, admirablement, sans que cela l’induisît à modifier une formule de vers qui était déjà une conquête sur le passé ; et si la même raison ne peut valoir pour Mendès, quoi d’étonnant à ce que celui-ci soit, car son éducation poétique, quoique moins avancée, était déjà faite, resté fidèle à un idéal technique, dont il ne pouvait encore percevoir la caducité, puisqu’elle n’existait pas encore, et qui lui laissait toute la place pour ses réalisations encore neuves. […] Laforgue, depuis nos vingt ans simultanés, connaissait mes théories ; mais à l’application de mes principes encore embryonnaires, désirs plus que système, mais contenant en germe les développements à venir, nos vers furent bien différents de par nos organisations et nos buts dissemblables. […] Sans doute, ils connaissent l’admirable beauté intérieure (malgré l’uniformité de la coupe et de la rime du vers de Corneille, de celui de Racine, le charme de ceux de La Fontaine, et leurs ressources oubliées).
Lui, en effet, est très connu. […] VI Je ne connais personne, en effet, quand j’y regarde avec attention, qui soit plus fort que Lord Macaulay en critique littéraire, dans un temps que les critiques, assez intéressés à la chose, vantent plus pour sa critique que pour ses inventions. Si peu que je sois de cet avis, quand je pense à des inventeurs comme Walter Scott, Lord Byron, Chateaubriand et Balzac, qui furent tous, je crois, du xixe siècle, je n’en confesserai pas moins que la Critique a pris dans notre temps des proportions qu’on ne lui connaissait pas il y a un siècle, et que Macaulay, par exemple, puisqu’il s’agit de lui, n’a pas peu servi à l’arracher à l’affreux pédantisme dans lequel elle rampait, le long des œuvres du génie. […] Intérieur et extérieur, également embrassés, de l’ouvrage qu’il veut faire connaître, influences subies ou repoussées, époques reproduites à grands traits, individualités pénétrées, manière toute-puissante et presque magique de grouper les faits dans laquelle il est passé maître, vues ingénieuses et profondes, preuves historiques resplendissant d’exemples à l’appui de ses opinions, et, quand il n’est pas dans la vérité absolue, mirages historiques si bien faits que les plus savants peuvent y être pris, voilà les forces vives du genre de critique qui est la gloire de Macaulay !
Par quel hasard les novateurs choisirent-ils pour maîtres d’honnêtes bourgeois d’Édimbourg, sensés, peu connus, médiocres ? […] Si je sais qu’un temps s’est écoulé entre vos deux mouvements, c’est parce que je sais qu’un temps s’est écoulé entre mes deux perceptions si je conçois que vous avez duré, c’est parce que j’ai connu que je durais, et si je mesure votre durée, c’est parce que je puis mesurer la mienne. […] Mais je ne connais la vôtre que par la mienne, et je n’en sais rien que je n’aie puisé en moi. […] Il dira à la Chambre des pairs : « On déporte les hommes ; les lois fondamentales d’un pays ne se laissent pas déporter. — Les fleuves ne remontent pas vers leur source ; les événements accomplis ne rentrent pas dans le néant. » Il disait à la Sorbonne : « A mesure que la réflexion retire la causalité que l’ignorance avait répandue sur les objets, les volontés locales, exilées du monde matériel, sont successivement rassemblées et concentrées par la raison en une volonté unique, source commune de toutes les volontés contingentes, cause première et nécessaire que la pensée de l’homme affirme sans la connaître, et dont elle égale le pouvoir à l’étendue, à la magnificence, à l’harmonie des effets qu’elle produit sous nos yeux. » Il invente des expressions superbes, qu’on n’oublie plus, images puissantes qui condensent sous un jet de lumière de longues suites d’abstractions obscures.
Reste un point : comment connaissons-nous cette force ? […] Ce rapport n’est point connu par raisonnement, au moyen d’un axiome étranger. Ce rapport n’est point connu par expérience répétée, au moyen d’une généralisation préalable. […] Vous avez beau regarder votre bras, connaître les muscles convenables, leur donner ordre, vouloir atteindre le but, si vous ne voulez rien d’autre, vous n’atteindrez pas le but avec cette pierre.
M. de Viel-Castel était de ces jeunes esprits, éclos non pas au début, mais sur le déclin de la Restauration, qui en avaient reçu pleinement le souffle politique et l’influence, qui en auraient voulu le succès sans les fautes ; il en a gardé le goût sans en avoir le culte, sans en porter le deuil ; il la connaît à fond, hommes et actes ; il la juge. […] Monsieur, comte d’Artois, qui avait précédé son frère, était à peine installé aux Tuileries, qu’il avait (indépendamment du ministère officiel, dès lors constitué) ses conseillers à part, son comité intime, sa police secrète : Il y avait donc, nous dit M. de Viel-Castel, deux gouvernements, l’un officiel, connu de tous, conduisant les affaires, composé en général d’hommes sages et expérimentés, mais pour qui le prince n’éprouvait ni confiance ni sympathie, bien qu’il les ménageât beaucoup ; l’autre, occulte, formé pour la plus grande partie de courtisans sans lumières et d’intrigants sans conscience, n’agissant qu’indirectement sur l’administration, mais surveillant et contrariant par des voies souterraines ceux qui en étaient chargés, se préoccupant beaucoup plus des personnes que des choses, et régnant d’une manière absolue sur l’esprit du lieutenant général. […] Malgré le budget déjà équilibré et les justes combinaisons financières du baron Louis, malgré les succès diplomatiques de M. de Talleyrand à Vienne, les deux côtés honorables de 1814, et qu’il nous fait si bien connaître ; malgré ces compensations qui n’étaient pas sensibles aux yeux du public, l’historien nous montre la situation intérieure comme s’étant peu à peu délabrée d’elle-même et comme étant devenue par degrés désespérée.
Si l’abbé avait été un homme de lettres déjà connu par des ouvrages imprimés et publics, il aurait eu maille à partir avec l’Académie dès le jour de son entrée, à cause de son orthographe. […] L’abbé était connu d’ailleurs pour n’aimer personne en particulier ; il embrassait trop le genre humain en masse pour se resserrer ainsi dans un choix unique. […] Buffon faisait des siens des jardiniers ; j’ai connu un riche anglais qui établissait les siens comme apothicaires.
Cet abbé Nicaise, que Rancé avait connu durant son voyage de Rome, était, comme on sait, le plus infatigable écriveur de lettres, le nouvelliste par excellence et l’entremetteur officieux entre les savants de tous les pays ; c’était un Brossette avec beaucoup plus d’esprit et de variété ; il ne résistait pas à l’idée de connaître un homme célèbre et d’entretenir commerce avec lui. […] C’est toujours un rôle délicat de donner des conseils sur un ouvrage dans lequel on se trouve loué, soit que, comme M. de La Rochefoucauld, on revoie d’avance l’article que Mme de Sablé écrivait pour le Journal des Savants sur le livre des Maximes, soit qu’ici, comme Rancé, on soit simplement consulté par l’auteur sur la Relation d’un voyage à la Trappe, et qu’on lui suggère quelque idée de ce dont il serait plus à propos de parler : « Comme, par exemple, du nouvel air que vous respirâtes en arrivant dans la terre où habitent des gens qui font précisément et uniquement dans le monde ce qu’ils sont obligés d’y faire, etc., etc. ; faire un petit éloge de la solitude et des solitaires, autant que le peu de moments que vous les avez vus vous ont permis de les connoître, etc., etc. » Hâtons-nous de corriger ce que notre remarque semblerait avoir d’un peu railleur et enjoué, en déclarant qu’à part ce passage, rien dans cette correspondance n’accuse le moindre vestige subsistant d’amour-propre mondain ni de vanité.
Il faut connaître leurs défauts, tantôt les ménager, tantôt les dominer ; mais se bien garder de cet amour-propre qui, accusant une nation plutôt que soi-même, ne veut pas prendre l’opinion générale pour juge suprême du talent. […] Sans doute les plus grands hommes connus n’ont pas tous été distingués comme écrivains ; mais il en est très peu qui n’aient exercé l’empire de la parole. […] Le laconisme des Spartiates, les mots énergiques de Phocion, réunissaient autant, et souvent mieux que les discours les plus soutenus, les attributs nécessaires à la puissance du langage ; cette manière de s’exprimer agissait sur l’imagination du peuple, caractérisait les motifs des actions du gouvernement, et faisait connaître avec force les sentiments des magistrats.
Tâchez de n’être point sot, de connaître la vie, de n’être point dupe d’autrui ni de vous-même, voilà, je crois, l’abrégé de ses conseils. […] Platon, à ce qu’on rapporte, ayant appris que le grand roi voulait connaître les Athéniens, fut d’avis qu’on lui envoyât les comédies d’Aristophane ; si le grand roi voulait nous connaître, ce sont les livres de La Fontaine qu’il faudrait lui porter.
Sans géographie l’histoire n’existe pas, la politique est aveugle, la guerre ne sait ni attaquer ni défendre, la paix ignore sur quels fleuves, sur quelles mers, sur quelles montagnes il faut construire ses forteresses ou asseoir ses limites ; la navigation ne peut se servir de ses boussoles, le commerce s’égare sur les océans, inhabile à découvrir quelles sont les productions ou les consommations qu’il doit emprunter ou porter aux climats divers dont il ne connaît ni la route, ni les richesses, ni les besoins, ni les langues, ni les mœurs, ni les philosophies, ni les religions. […] Les événements, qui ne remuaient jadis que de petits territoires contigus à la France, remuent en ce moment le globe tout entier ; comment juger avec connaissance de cause ces événements, sans en connaître la scène et les acteurs ? […] Dufour et Le Chevalier a créé, pour abréger le globe et pour l’éclairer sur toutes ses faces, afin que les lieux racontent les choses, que les choses rappellent les hommes, que les hommes retracent leur histoire, que les cosmos soient contenus dans quinze ou vingt pages in-folio, et que ces quinze ou vingt pages, muettes jusqu’ici, mais rendues tout-à-coup plus éloquentes qu’une bibliothèque, soient devenues la photographie parlante du monde où nous passons sans le connaître, mais qui nous dira lui-même, pendant que nous passons, ce qu’il fut, ce qu’il est, ce qu’il sera ?
— L’inspiration du poète qui était allé des Cariatides aux Odes funambulesques et s’était risqué avec tant de hardiesse sur ce dangereux trapèze lyrique, cette inspiration était bien connue. […] mais j’aime mieux l’y voir rire que de l’y voir gambader… Nous arrivons à ces Idylles prussiennes qui ont fait tout à coup surgir de Banville comme un Banville qu’on ne connaissait pas… Toutes les pièces de ce recueil d’Idylles sont superbes et d’un pathétique d’autant plus grand que le désespoir y est plus fort que l’espérance ; qu’il y a bien ici, à quelques rares moments, des volontés, des redressements et des enragements d’espérance, mais tout cela a l’air de s’étouffer dans le cœur et la voix du poète, et on épouse sa sensation… Les hommes sont si faibles et ont tant besoin d’espérer, que c’est peut-être ce qui a fait un tort relatif aux Idylles prussiennes de M. […] Seulement s’il a connu, jeune, l’adoration mystique de la ligne, il a eu aussi la folle passion de la couleur.
Nous voudrions nous représenter l’univers extérieur, et ce n’est qu’à ce prix que nous croirions le connaître. […] Sans doute, mais qu’on y prenne garde ; nous ne connaissons jamais directement les phénomènes physiques B et C ; ce que nous connaissons, ce sont des sensations B′ et C′ produites respectivement par B et par C.
Ce qui s’impose à l’évidence, c’est que l’auteur du Traité du verbe connaît mieux que personne les ressources du vocabulaire, que sa bonne foi ne saurait être mise en doute et que, s’il bronche parfois dans le harnais, ce n’est ni par maladresse ni par impuissance. […] Je connaissais Le Cardonnel de réputation. […] Je connaissais encore mieux son introducteur de qui j’avais lu des poèmes dans la Revue du Monde Nouveau de Charles Cros.
Le détail de chacun de ces voyages est peu connu ; car les synoptiques n’en parlent pas 584, et les notes du quatrième évangile sont ici très confuses 585. […] Ils connaissent aussi bien que Jean la relation de Jésus avec Joseph d’Arimathie. Luc même (X, 38-42) connaît la famille de Béthanie.
Sa récente Physiologie mentale (1875) est un abondant répertoire d’observations, de documents, de faits peu connus de psychologie normale ou morbide. […] Ils combattent les cérébralistes (Bain), qui s’appuient sur la corrélation des forces, en disant que les théories cérébrales n’expliquent pas du tout le fait de conscience ; qu’expliquer la conscience par le mécanisme, c’est expliquer ce qu’on connaît peu par ce qu’on ne connaît pas. — Ils combattent l’Associationisme en disant « que son πρώτον φενβδος c’est de ne pas reconnaître l’activité de l’esprit dans la connaissance » ; que la théorie de l’Association n’explique bien que les processus inférieurs de l’esprit ; que dans sa théorie du raisonnement Stuart Mill est obligé d’ajouter à l’Association et « the exspectation concerning the uniformity of nature » et que Bain resorts to emotional nature to explain belief , etc., etc.
… La Fontaine savait que madame de la Sablière, non seulement avait oui parler de la philosophie, mais il savait qu’elle y était même très-versée ; en effet, elle la connaissait mieux que La Fontaine ; mais elle craignait de passer pour savante. […] je ne connais pas de sujet de fable moins fait pour plaire à La Fontaine que celui-ci. […] Est-ce faire connaître un palais, de n’en montrer que les portions consacrées aux usages les plus rebutans ?
J’ai suivi jusqu’ici l’ordre et la discipline de nos collèges, parce que j’en ai connu par mon expérience l’utilité pour les bonnes mœurs et pour les progrès dans la science. […] On examinera s’il sait bien lire, si son caractère d’écriture est bon, s’il sait orthographier passablement, s’il connaît les chiffres de l’arithmétique et s’il n’ignore pas les premiers principes de sa religion. […] Je ne dirai qu’un mot sur la manière d’enseigner, c’est que si les élèves connaissaient mieux la fatigue des maîtres, ils supporteraient plus aisément la leur.
Que de fois, d’ailleurs, il arrive que nous ignorons le détail des obligations qui nous incombent et que, pour les connaître, il nous faut consulter le Code et ses interprètes autorisés ! […] Spencer, une éducation rationnelle devrait réprouver de tels procédés et laisser faire l’enfant en toute liberté ; mais comme cette théorie pédagogique n’a jamais été pratiquée par aucun peuple connu, elle ne constitue qu’un desideratum personnel, non un fait qui puisse être opposé aux faits qui précèdent. […] En effet, quand on veut connaître la façon dont une société est divisée politiquement, dont ces divisions sont composées, la fusion plus ou moins complète qui existe entre elles, ce n’est pas à l’aide d’une inspection matérielle et par des observations géographiques qu’on y peut parvenir ; car ces divisions sont morales alors même qu’elles ont quelque base dans la nature physique.
profond, à fond d’âme, qui nous vengerait des étouffements de l’étouffeur Moore, ne serait pas, ne pourrait pas être, sous un titre fallacieux, ce vieux procès de lord Byron, jugé par tous les témoins de sa vie, ces témoins que nous connaissons tous, — que nous avons rapprochés et comparés tous, et dont nous avons épuisé tous les témoignages ! […] — en ce livre de tant de promesses, — un seul fait, une seule réalité, un seul détail, qui ne soit connu, — qui ne soit presque devenu un lieu commun de l’histoire de Byron. […] Dans la vie, lord Byron sur lequel on a tant parlé et tant écrit, — tant entassé de versions ineptement brillantes ou absurdement contradictoires, lord Byron, malgré tout cela, et peut-être à cause de cela, n’est pas lumineusement et intégralement connu encore.
comme si nous connaissions l’affreux mystère qui nous fait échouer ! […] Mais l’histoire ne connaît de grands joueurs que ceux qui gagnent la partie. […] Frédéric de Prusse connaissait une majesté plus grande que la sienne : c’était Sa Majesté le hasard.
Il ne réalise d’aucune façon la vieille définition connue du ministre protestant, qui joue au prêtre, mais qui ne peut pas en être un ; car la prêtrise est un sacrement. […] Ce n’est, après tout, qu’une torsion de plus de la Bête multiple que nous connaissons, autour du tronc de l’arbre impénétrable et immortel ! […] C’est toujours la séparation de Jésus-Christ et de son Église, malgré les paroles divines de Jésus-Christ, auquel croit pourtant le comte de Gasparin, sur leur identification éternelle. « Si Jésus-Christ ne ment pas, l’Église ne peut errer », disait ce saltimbanque de Luther, qui, par là, se condamnait lui-même… C’était assez, à ce qu’il semblait, pour l’hérésie, que ce mensonge de Jésus-Christ, mais l’historien d’Innocent III a cru devoir ajouter aux raisons connues, et réfutées tant de fois par les théologiens catholiques, d’être et de rester protestant, une conception nouvelle, qui ne fausse pas que l’idée chrétienne, mais la nature des choses elle-même, et c’est cette conception, qui n’est qu’une chimère, qui donne à la publication intitulée Innocent III le peu qu’elle a de triste originalité.
» ajoute-t-elle, dans un mot qui est le plus joli sourire… Tout cela est dit aussi avec cette grâce d’expression que ne connaissent pas les bas-bleus, et qui semble demander pardon pour la profondeur de la pensée. […] Je ne connais que dans ce roman de Delphine, — un des plus noblement passionnés de la littérature française, et, par cette raison, à peine lu, tant nos esprits se sont abaissés depuis quelque temps ! — je ne connais que dans ce roman des lettres d’une beauté d’éloquence et de couleur comparables à celles de ces lettres de Réa Delcroix.
Vous connaissez combien rudes sont les travaux de Mars, qui fait couler tant de pleurs ; vous savez la violence de l’impitoyable guerre : et, soit vaincus et fuyant, soit vainqueurs acharnés, ô jeunes gens ! vous avez connu l’une et l’autre épreuve. […] À la même époque, les Romains, à la fois instruments et victimes du pouvoir absolu, connaissaient mieux la haine instinctive que ce pouvoir porte au génie des lettres.
… Le seul livre que j’aie constamment médité est celui qui est ouvert à tous, c’est-à-dire l’homme agissant sous les influences qui le dominent sans cesse, ses intérêts et ses passions ; et si quelquefois j’ai jeté un coup d’œil rapide sur La Bruyère et sur La Rochefoucauld, je ne l’ai fait que pour être certain de ne pas laisser de simples réminiscences se glisser parmi mes propres observations. » De cette manière de composer il est résulté quelquefois, en effet, que le lecteur, familier avec les écrits soit de Sénèque, soit de La Rochefoucauld et de La Bruyère, soit de Massillon, de Montesquieu et du comte de Maistre, sent se réveiller en lui des traces de pensées connues, en lisant tel passage de M. de Latena. […] Car, pour louer ensuite plus à mon aise M. de Latena, je veux en passant avouer une disposition de mon esprit qui est peut-être un faible, mais dont je ne puis faire tout à fait abstraction dans mes jugements : je suis (sans être Alcibiade) du goût de celui-ci, à qui Socrate disait : « Vous demandez toujours quelque chose de tout neuf ; vous n’aimez pas à entendre deux fois la même chose. » Je suis de ceux qui, dans cet ordre moral, pencheraient plus volontiers du côté du nouveau (si le nouveau est possible) que du trop connu ; en ce qui est de l’expression, le brillant du tour et la pointe (dans le sens des anciens) ne me déplaisent pas non plus autant qu’à d’autres.
Zacharias Werner, Berthold, Kreisler, vous tous artistes de nos jours, au génie inquiet, à l’œil effaré, que l’air du siècle ronge ; inconsolables sous l’oppression terrestre, amoureux à la folie de ce qui n’est plus, aspirant sans savoir à ce qui n’est pas encore ; mystiques sans foi, génies sans œuvre, âmes sans organe ; comme il vous a connus, comme il vous a aimés ! […] il a connu mieux que personne le mal de ce siècle ; il en a souffert lui-même et c’est pour cela qu’il l’a si bien exprimé.
Pour dédaigner les richesses, attendez que vous ayez connu les années du malheur, que de longues privations aient diminué vos forces, et que vous ayez vu, dans la pauvreté, le génie même devenir stérile, à cause de la perpétuelle résistance des choses, ou de la faible droiture des hommes. […] Or, il n’est pas inutile de savoir même les rêves et les cauchemars d’une époque, comme disait Chapelain (en cela plus spirituel que de droit), de même que les médecins s’inquiètent quelquefois des rêves de leurs malades pour les mieux connaître.
Jérôme est à la voile à bord de sa frégate ; je vous ai déjà fait connaître que vous rangiez sous son commandement l’incorruptible et l’Uranie. […] Il fait son devoir dans les terribles journées des Quatre-Bras et de Waterloo ; blessé, il continue de lutter ; il se bat simplement, vaillamment, dans ce bois accidenté d’Hougoumont dont chaque arbre est pris et repris avec tant d’acharnement pendant tout le jour ; le soir, il rejoint l’héroïque et désespéré Capitaine dans le carré de la vieille garde, où l’âme guerrière de la France s’est comme réfugiée ; et il entend cette parole qui, en un tout autre moment, eût réjoui son cœur : « Mon frère, je vous ai connu trop tard. » On n’a pas à suivre le prince Jérôme dans les longues années de la proscription et de l’exil.
On se persuade que la crainte d’être puni, peut empêcher les hommes violents de se porter à de certains excès, ce n’est pas du tout connaître la nature de l’emportement. […] Si la vengeance n’est pas proscrite par l’esprit public dans une nation où chaque individu existe de toute sa force personnelle, où le despotisme ne comprimant point la masse, chaque homme a une valeur et une puissance particulière, les individus finiront par haïr tous les individus, et le lien de parti se rompant à mesure qu’un nouveau mouvement crée de nouvelles divisions, il n’y aura point d’homme qui n’ait, après un certain temps, des motifs pour détester successivement tout ce qu’il a connu dans sa vie.
Lamartine a connu des triomphes égaux pour le moins à ceux de Victor Hugo, et peut-être a-t-il senti autour de lui un frémissement d’âmes plus spontané, plus amoureux et plus chaud. Et cependant, combien sommes-nous qui connaissions aujourd’hui et qui adorions encore le long poète élyséen à l’âme harmonieuse et légère ?