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621. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Mémoires d’outre-tombe, par M. de Chateaubriand. Le Chateaubriand romanesque et amoureux. » pp. 143-162

C’est dans des parties accessoires, dans des pages de rêverie telles qu’en offrent à tout propos les Mémoires de M. de Chateaubriand, qu’il faudrait plutôt chercher là-dessus des révélations vraies et sincères. […] Je sais bien que vous l’avez dit d’une autre manière, en le voilant de romanesque et de poésie, dans Le Dernier des Abencérages ; mais, du moment que vous faisiez des mémoires, il y avait lieu et il y avait moyen de nous laisser mieux lire dans ce cœur, s’il fut vrai et sincèrement entraîné un jour. […] Il se fait dire par lady Sutton : « Je ne vous trouve point changé, pas même vieilli… » Il est vrai qu’il lui avait demandé lui-même, comme ferait un parvenu : « Mais dites-moi, madame, que vous fait ma fortune nouvelle ? […] Cette lettre est, sur l’article qui nous occupe, sa vraie confession entière. […] La vérité finale et vraie sur lui, la voulez-vous ?

622. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Œuvres de Frédéric le Grand. (Berlin, 1846-1850.) » pp. 144-164

Frédéric, malgré le tort qu’il s’est fait par certaines de ses rhapsodies et de ses paroles, par le cynisme affiché de ses impiétés et de ses goguenarderies, et par cette manie de versifier qui fait toujours sourire, est un vrai grand homme, un de ces rares génies qui sont nés pour être manifestement les chefs et les conducteurs des peuples. […] Cela n’a l’air que d’une plaisanterie, et cela est vrai. […] Je laisse de côté quelques essais et quelques saillies de Frédéric très jeune et prince royal ; mais, du moment qu’il conçut son rôle de roi, je trouve tout l’homme d’accord avec lui-même, je le trouve vrai. […] En parlant de lui, il n’est ni fier ni modeste : il est vrai. […] [NdA] Ce trait rappelle le portrait que Xénophon, en sa Retraite des Dix Mille, a tracé de Ménon, qui en était venu, dans la voie du mensonge, jusqu’à regarder les gens vrais comme des gens mal élevés et sans éducation.

623. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « Frédéric le Grand littérateur. » pp. 185-205

J’ai essayé précédemment de dégager le Frédéric roi et politique dans sa forme la plus haute et la plus vraie, le Frédéric historique et non anecdotique. […] Il suffit, pour être informé des vrais goûts intellectuels de Frédéric, de l’entendre lui-même au naturel dans ses diverses correspondances. […] Il devait juger mieux de Polybe, chez qui le fond l’emporte ; un critique d’un vrai mérite (M.  […] Ici, c’est Frédéric qui est le vrai philosophe, le vrai citoyen de la société moderne, et qui lui répond : Je sais qu’un Français, votre compatriote, barbouille régulièrement par semaine deux feuilles de papier à Clèves ; je sais qu’on achète ses feuilles, et qu’un sot trouve toujours un plus sot pour le lire ; mais j’ai bien de la peine à me persuader qu’un écrivain de cette trempe puisse porter préjudice à votre réputation. […] De telles lettres rachètent bien quelques brusqueries de ton qu’on trouverait tout à côté et qui rappellent par accès la présence du maître ; elles répondent à ceux qui, ne prenant Frédéric que par ses duretés et par ses épigrammes, lui refusent d’avoir ressenti jusqu’à la fin des sentiments d’affection, d’humanité et, j’ose dire, de bonté, de même qu’il avait ressenti de vives et vraies amitiés dans sa jeunesse.

624. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « La Harpe. » pp. 103-122

Il est très vrai d’ailleurs qu’une sœur de La Harpe était mariée à un vitrier de Paris. […] Mais lorsque, plus tard, dans sa chaire du Lycée, ayant trouvé sa fonction et sa vraie place, il lisait avec physionomie, avec feu, ses leçons en général judicieuses et élégantes, on s’étonnait de sentir en lui le maître, on le reconnaissait et on l’applaudissait sans effort, sans révolte. […] La Harpe, comme tous les vrais critiques destinés à agir en leur temps, tels que Malherbe, Boileau, Samuel Johnson, a eu le courage de ses jugements, il en a eu l’intrépidité et jusqu’à la témérité imprudente, en face de la cohue des petits auteurs offensés. […] N’importe ; il est bon que cette première impression se donne, dût-on ensuite la pousser plus loin ; il est bon de se laisser faire avec lui, d’accueillir et de ressentir ce premier jugement, situé, si je puis dire, dans le vrai milieu de la tradition française ; il est bon en un mot d’avoir passé par La Harpe, même quand on doit bientôt en sortir. […] Il semblait que l’expérience ne lui eût pas appris « que ce qui nous a paru vrai dans un temps, peut ensuite nous sembler faux dans un autre15 ».

625. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome premier — Livre troisième. Le souvenir. Son rapport à l’appétit et au mouvement. — Chapitre deuxième. La force d’association des idées »

Le vrai problème de l’association consiste donc à déterminer pourquoi et comment deux images qui se sont rencontrées dans le temps ont pu se lier. Comme la synthèse doit être à la fois cérébrale et mentale, il faut en chercher la vraie explication 1° dans la manière dont le cerveau agit, 2° dans la manière dont la conscience agit. […] Les lois cérébrales de l’association, considérées indépendamment de toute réaction de la volonté intelligente, resteraient vraies même chez un être entièrement dépourvu de mémoire et de comparaison. […] Du côté psychologique, le vrai lien primitif des idées est leur rapports l’unité de l’appétition, de l’effort, de la volonté, jointe à l’unité de l’émotion et à l’unité de conscience. […] Si les idées ou images survivent dans la lutte et se conservent, la vraie et radicale raison, c’est qu’elles enveloppent à des degrés divers des sentiments tendant à se satisfaire par tels mouvements ; les idées sont des forces parce qu’elles recouvrent des appétits plus ou moins vagues ou précis.

626. (1860) Ceci n’est pas un livre « Une préface abandonnée » pp. 31-76

J’aime vos livres, je vous lis et je vous relis ; je vous relis, parce que le bon sens et l’esprit coulent tout ensemble de votre plume, et que votre scepticisme est traversé et comme amolli — par moments — des tristesses du sentiment vrai. […] Aussi sa peinture n’est-elle vraie qu’à la manière des exceptions, et les exceptions ne sont pas sympathiques, parce qu’elles ne sont pas humaines. — Si Lousteau est un vaurien méprisable, et d’Arthez un travailleur que nous respectons infiniment, nous ne sommes pas plus attirés par l’un que par l’autre. […] Tels sont les personnages de Murger, sympathiques et profondément vrais. […] « Ce sont de vrais bandits ! […] À consulter la terminologie, le réalisme consisterait à représenter des sentiments vrais et des mœurs vraies.

627. (1895) Les œuvres et les hommes. Journalistes et polémistes, chroniqueurs et pamphlétaires. XV « Xavier Aubryet » pp. 117-145

Fait, il est vrai, en plusieurs endroits, sur des articles qui furent comme les pierres d’attente de la pensée de leur auteur, le livre en question a été pensé à nouveau et inventé en beaucoup d’autres. […] Il ne l’est pas, il est vrai, au point où il pourrait et devrait l’être, mais enfin il l’est, et, qui sait ? […] Là, il a été moderne dans le vrai sens du mot, que les modernes actuels sont en train de fausser. […] La supériorité, démontrée avec éclat et profondeur à plus d’une place, du roman et du livre sur l’œuvre théâtrale, opinion si peu française, mais si vraie, nous dit de reste comme Aubryet met son chapeau. […] Mais elles n’en sont pas moins des pastels ravissants de chasteté d’attitude, de regards baissés, de rougeurs d’aurore, de beauté bien à elles, de beauté vraie, à éteindre et à effacer toutes les parures, tous les diamants, tous les maquillages de la terre !

628. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Macaulay »

Dès ses premières compositions, qui furent des vers (The last Lays of anciens Rome), Macaulay montra cette imagination docte qui est la vraie imagination du critique, laquelle s’embrase en se ressouvenant et diffère si profondément de l’imagination créatrice du poète. […] Il est vrai que cette ambition fut heureuse. […] Dans les Walpole, il est vrai, le talent de Macaulay commence d’apparaître, mais ce n’est pas dans Robert, sujet politique et plaidoirie whig, qu’il se montre, c’est dans Horace, sujet humain et littéraire, qui allait aux instincts et au genre de sagacité de ce grand critique littéraire en puissance, mais seulement en puissance, car il y est resté ! […] Quand le sujet tourne à l’histoire, le talent de Macaulay entre dans l’ombre de ses préjugés d’Anglais, et il y disparaît comme sous une voûte ; mais quand il revient à un homme ou à une question de littérature, son talent reparaît comme par enchantement dans la lumière, et il a sa vraie vie alors ; car l’auteur des Œuvres diverses est fait non seulement par le fond de l’esprit, comme tout le monde, pour la lumière, mais il est fait pour elle par la forme extérieure de sa pensée. […] J’ai nié le critique complet, absolu, décisif, celui dont Macaulay, en se réduisant à n’être que critique, eût peut-être réalisé l’idéal ; mais je n’ai pas nié le critique fragmenté, inachevé, le critique par moments, par éclairs, par percées, qui est ici et qui est le vrai Macaulay de la Gloire et de la Postérité.

629. (1864) Physiologie des écrivains et des artistes ou Essai de critique naturelle

Qu’importe qu’une chose soit vieille, si elle est vraie ? […] Un trop beau style est comme une vitre colorée qui change l’aspect vrai des objets. […] Il est vrai que le compositeur anglais a voulu faire une charge, et qu’il y a réussi. […] D’abord est-il bien vrai que la nature soit la même dans tous les pays ? […] Ce sont de vraies moissons d’appas.

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