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612. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « De la poésie de la nature. De la poésie du foyer et de la famille » pp. 121-138

Ce n’est pas que je les mette à côté l’un de l’autre… Et le 4 avril : Quand je vous dis que votre ouvrage est le meilleur qu’on ait fait depuis cinquante ans, je vous dis vrai. […] Ces jugements exprimés en dix endroits, et qui ressemblent à des contrevérités sur tous les points, sont aujourd’hui un peu compromettants pour celui qui les a portés : dans la poésie élevée, ou sérieuse avec âme, Voltaire n’a pas eu le vrai style, et il est à craindre qu’il n’ait pas même toujours eu le vrai goût. […] Saint-Lambert manquait des sources vraies d’où s’alimente le genre de poésie naturelle qu’il cultivait. […] En parlant ainsi, je touche aux vraies sources de cette poésie que Saint-Lambert a manquée17. […] Comme le chèvrefeuille enlace l’arbre qu’il peut atteindre, aune rugueux, frêne à l’écorce unie ou hêtre luisant, enroule autour du tronc ses anneaux en spirale, et suspend aux branches feuillues ses glands dorés, mais il cause un dommage là où il prête une grâce, entravant la croissance par un embrassement trop étroit ; de même l’amour, lorsqu’il s’enlace aux plus fiers esprits, empêche le déploiement de l’âme qu’il subjugue : il adoucit, il est vrai, la démarche de l’amant, le forme au goût de celle qu’il aime, enseigne à ses yeux un langage, embellit son parler, et façonne ses manières ; mais adieu toute promesse de plus heureux fruits !

613. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Le journal de Casaubon » pp. 385-404

. — Et c’est ainsi que tout en lisant Sénèque et les stoïciens, il s’emparait de leurs maximes pour leur donner le vrai sens, et il les détournait, il les accommodait, par une parodie d’un genre nouveau, disait-il, à la piété véritable. […] Au lieu de la vraie science, ce qui domine aujourd’hui dans le royaume, c’est la sophistique, la casuistique, la polémique, — l’amour de la dispute et le culte de l’argent. » Je ne fais qu’étendre ses paroles sans y rien ajouter pour le sens. […] Le ministre Du Moulin lui paraissait en bien des articles un novateur, un contempteur outré de l’ancienne Église : une fois, en sortant de l’entendre prêcher, Casaubon estima qu’il avait dit bien des choses nouvelles plutôt que vraies. […] Ô souverain maître du monde, tu m’as donné, il est vrai, la volonté de diriger ma vie selon tes préceptes ; mais, au moment où je cherche ton propre vouloir, quelquefois je me sens incertain entre les variétés merveilleuses des opinions des hommes. […] Il est vrai qu’il n’avait pas également sauvé tous les siens, et, avant de quitter la France, il avait eu le chagrin de voir son fils aîné converti, et qui se fera même Capucin. « Ô race de vipères !

614. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Correspondance de Béranger, recueillie par M. Paul Boiteau. »

Une des pensées les plus fausses de M. de Bonald, qui en a eu quelquefois de plus vraies, c’est « qu’un déiste est un homme qui, dans sa courte vie, n'a pas eu le temps de devenir athée. » Il y a, au contraire, chez le déiste sincère et convaincu, une impossibilité, une incapacité profonde d’entrer dans la manière de voir de l’athée, ou, pour mieux dire, du pur naturiste. […] Édouard Charton) il avait le droit, en le félicitant d’adresser ces sérieuses et cordiales paroles où respire la vraie morale sociale : « Vous voilà donc marié. […] Vous voilà dans le vrai ; soyez heureux en faisant des heureux ; vous méritez un pareil sort : tous vos amis s’en féliciteront, et les vieux garçons comme moi, en voyant votre bonheur, regretteront de n’avoir pas su prendre la même route. » Avec des faiblesses et de légers travers, on le voit donc foncièrement ami des hommes et philanthrope dans le juste sens du mot, bien plus que politique. […] Joseph Bernard, aux intérêts de l’humanité : c’est la politique des bonnes gens comme nous, et la seule vraie. » — « Quant à ma philosophie, disait-il encore à M.  […] Le mot souvent cité de Louis XIV à Mme de Sévigné, après une représentation d’Esther : « Il est vrai que Racine a bien de l’esprit », amène sous sa plume le commentaire que voici, à la portée de la jeune lectrice : « Le mot esprit pouvait s’appliquer ainsi alors.

615. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Malgré ce léger défaut d’action et de composition qui ne s’aperçoit qu’en y repensant et à l’analyse, l’effet de lumière est si vrai, si large, si bien rendu, si pleinement harmonieux ; la bonté, l’intelligence et les vertus domestiques peintes sur toutes ces figures sont si parfaites et si parlantes, que l’œuvre attache, réjouit l’œil, tranquillise le cœur et fait rêver l’esprit. […] Champfleury qui, l’un des premiers, est revenu à eux comme critique, et qui a plus fait que personne pour les remettre en honneur, a trouvé à leur sujet une conclusion élevée, presque éloquente, tant il est vrai qu’une étude approfondie et une sincère conviction amènent leur expression avec elle ! […] C’est un herboriste du métier dans cette espèce de botanique qui consiste à ne prendre dans nos terres si cultivées que de vrais simples et des fleurs des champs. […] Champfleury, qui a fort bien réussi et qui le mérite, car elle est d’une observation vraie et d’un tour original, — le Violon de faïence. […] Après une maladie de quelques mois, il se réveille guéri, complètement guéri, aussi pur et net de cerveau que s’il avait pris de l'ellébore et de plus entouré de deux bonnes et aimables cousines qui le soignent ; il épouse l’une d’elles, et il trouve désormais dans les affections vraies de famille la meilleure garantie contre les manies.

616. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Correspondance de Louis XV et du maréchal de Noailles, publiée par M. Camille Rousset, historiographe du ministère de la guerre »

avait-il été un vrai ministre des finances ? […] Les choses en vinrent au point que le duc de Noailles fut interpellé là-dessus en pleine galerie de Versailles par la duchesse de Saint-Simon indignée, qui le força d’avouer le vrai et lui en fit la leçon devant témoins. […] Il est très vrai que depuis ce moment il n’a plus considéré le duc de Noailles que comme un abîme de perversité, une âme caverneuse et noire, un démon capable de tout ; pour avoir été trompé et abusé par lui comme il l’avait été, il le supposait plus malin, plus rusé et plus ténébreux que le serpent. […] Elles assiègent la fortune à la sape, quand les hommes d’un vrai mérite perdent la leur par des orages ; et s’il arrive que quelques-uns de ces grands seigneurs se fassent une réputation d’application et de bons mots, on les charge d’affaires, et on en fait les premiers personnages du théâtre. […] La vérité, la vraie mesure sur le maréchal de Noailles, je n’ai pas le mérite de la trouver : je la rencontre tout exprimée chez un historien consciencieux, qui a beaucoup lu, beaucoup résumé, et dont le style piquant, un peu recherché, mais incisif, grave son objet.

617. (1868) Nouveaux lundis. Tome X « Saint-Simon considéré comme historien de Louis XIV, par M. A. Chéruel »

Saint-Simon mérite de se tirer de toutes ces critiques mieux encore que Retz, qui s’en tire pourtant ; il s’est donné plus de peine pour être vrai, il est moins à la merci de son imagination ou, lorsqu’il s’y abandonne, on le voit ; il est plus naïf. […] Il est vrai qu’il a répété quelques mots terribles d’égoïsme, et qu’il a fait entendre, à certains moments, le silence des courtisans, un silence à entendre marcher une fourmi. […] Je crois que c’est le vrai point. […] Saint-Simon a cette vertu de faire mieux ressortir des peintures vraies, mais qu’on remarquait moins avant qu’il fût là pour y jeter de ses réverbérations et de ses reflets. […] On n’osait le croire aussi vrai qu’il était : on ose maintenant.

618. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « JASMIN. » pp. 64-86

Au moment où elle prend un couteau pour trancher le mouton, il jette un coup d’œil sur sa main qu’elle voudrait dérober : ce n’est que trop vrai ! […] Une tradition populaire du pays en a fourni le sujet au poëte ; mais il a su y élever une composition soutenue, graduée, délicate et touchante, qui le classe, à bon droit, parmi les plus vrais talents en vers de notre temps. […] tu m’embrasses trop fort, tu m’étouffes, Marguerite. » — Je traduis mot à mot, en ne supprimant que l’harmonie du rhythme : qu’on juge du charme de ces simples et vraies paroles dans des vers purs, concis, auxquels pas un mot de trop, pas un ornement inutile n’est accordé ! […] Fonfrède ; mais Jasmin a eu le bon esprit de comprendre sa vraie situation et d’y rester fidèle. […] Nous concevons que Goudouli, au commencement du XVIIe siècle, ait été plus nourri dans son style des purs idiotismes provençaux, et que la saveur de ses vers garde mieux le goût de la vraie langue.

619. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Discours sur l’histoire de la révolution d’Angleterre, par M. Guizot (1850) » pp. 311-331

Ce sont des coquettes avec lesquelles il faut entretenir un commerce de galanterie, et dont il ne faut jamais songer à faire ni sa femme ni son ministre. » Cela est vrai de bien des gens de lettres, de quelques-uns même de ceux que nous avons vus, de nos jours, ministres. Mais ce n’est vrai ni de M.  […] Sa philosophie de l’histoire, pour être plus spécieuse et plus à hauteur d’appui, n’en est pas moins beaucoup trop logique pour être vraie. […] Pour moi, quand j’ai lu quelques-unes de ces hautes leçons si nettes et si tranchées sur l’Histoire de la civilisation, je rouvre bien vite un volume des Mémoires de Retz, pour rentrer dans le vrai de l’intrigue et de la mascarade humaine. […] Guizot me permettra ici de trouver que cette conclusion, en la tenant pour vraie dans sa généralité, est parfaitement vague et stérile.

620. (1857) Causeries du lundi. Tome I (3e éd.) « Lettres de la marquise Du Deffand. » pp. 412-431

Tant il est vrai qu’elle était destinée, comme on l’a dit, à être toujours sage en jugement, et à faire toujours des sottises en conduite. […] Il est vrai qu’elle avait déjà reçu une lettre de lui la veille, et cette lettre était surtout pour lui recommander le secret, la prudence. […] Ce que vous m’avez dit est vrai ; mais pourquoi sommes-nous sur terre, et surtout pourquoi vieillit-on ? […] Elle aimait le vrai avant tout, et qu’on fût bien soi-même. […] Et, en effet, on peut voir dans cette soudaine passion d’une vieillesse stérile une sorte de tendresse maternelle qui n’a jamais eu son objet, et qui tout à coup s’éveille sans savoir son vrai nom.

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