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1701. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Patru. Éloge d’Olivier Patru, par M. P. Péronne, avocat. (1851.) » pp. 275-293

Le célèbre avocat Antoine Le Maistre, après avoir rempli le Parlement de l’ardeur et du retentissement de ses plaidoyers, se retirait à l’âge de trente ans du Palais, et allait vivre en pénitent à Port-Royal (1637). […] Le père Bouhours, l’un de ses admirateurs et de ses disciples, et qui l’assista dans ses derniers moments, a dit : Les malheurs d’autrui le touchaient plus que les siens propres, et sa charité envers les pauvres, qu’il ne pouvait voir sans les soulager, lors même qu’il n’était pas trop en état de le faire, lui a peut-être obtenu du ciel la grâce d’une longue maladie, pendant laquelle il s’est tourné tout à fait vers Dieu ; car, après avoir vécu en honnête homme et un peu en philosophe, il est mort en bon chrétien dans la participation des sacrements de l’Église et avec les sentiments d’une sincère pénitence.

1702. (1865) Causeries du lundi. Tome V (3e éd.) « Portalis. Discours et rapports sur le Code civil, — sur le Concordat de 1801, — publiés par son petit-fils — I. » pp. 441-459

J’ai vécu dans la solitude et dans les cachots… Ce qu’il aurait dû ajouter, c’est qu’au sortir des cachots, il n’avait paru pour la première fois à la tribune politique qu’aux heures de l’arc-en-ciel, dans les intervalles de l’orage encore menaçant, pour y proclamer avec une douce gravité et une abondance persuasive les maximes saines, salutaires, équitables, tout ce qui calme et réconcilie. […] La Convention expirante, et tout à la veille de finir (car elle finit le 4 brumaire), avait lancé in extremis un décret de moribond en colère, un de ces codicilles testamentaires ab irato que les Assemblées conventionnelles finissantes ne sont pas fâchées de léguer à leurs héritiers pour les entraver et les empêcher de vivre, de se développer plus librement qu’elles n’ont pu faire elles-mêmes.

1703. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « L’abbé Gerbet. » pp. 378-396

Cela tient, je suppose, à ce qu’il a toujours vécu trop près de sa pensée, n’ayant jamais eu l’occasion de la développer en public : en effet, sa santé délicate, sa voix faible et qui a besoin de l’oreille d’un ami, n’a jamais permis à ce riche talent de se produire dans l’enseignement ou dans les chaires. […] Ce qu’il a fait et semé, dans tous les lieux où il a vécu et dans les sociétés qu’il a traversées, de jolis vers, de petits poèmes allégoriques, de couplets de fête et de circonstance, il l’a lui-même oublié.

1704. (1872) Les problèmes du XIXe siècle. La politique, la littérature, la science, la philosophie, la religion « Livre II : La littérature — Chapitre III : La littérature du xviiie et du xixe  siècle »

S’il eût vécu en ce temps-là, Boileau l’eût rendu peut-êtreplus difficile sur la correction ; mais en retour il eût appris à Boileau un idéal de l’élégie et de l’idylle bien autrement aimable que celui de l’Art poétique. » Cependant, quelque agrément et quelque intérêt que puisse avoir la littérature proprement dite au xviiie  siècle, il est clair que ce grand siècle n’est pas là, il est tout entier dans la philosophie et dans ces quatre hommes illustres : Voltaire, Buffon, Montesquieu et Rousseau. […] La vérité est que nous sommes sortis du xviiie  siècle, que nous vivons de son esprit et de sa flamme, là est notre véritable origine.

1705. (1912) Le vers libre pp. 5-41

Il y avait parmi eux des poètes en nombre mais aussi des orientalistes qui faisaient venir le mince fascicule jusqu’en des chancelleries d’Extrême-Orient et des jeunes hommes en le lisant se délassaient de la vue des cartons verts dans les ministères ; les autres vivaient à l’École normale ou s’intéressaient à notre effort entre deux cours des Hautes Études ou de la Sorbonne. […] Il avait accumulé sur un seul héros toutes les extravagances, les dandysmes, les manies, les afféteries qu’on allait nous reprocher à nous, soi-disant décadents, à nous les simples, les bons bûcheurs ou les bons flâneurs qui vivions bien tranquilles à l’instar de la plupart de nos aînés parnassiens : à la bibliothèque le jour, au café le soir.

1706. (1818) Essai sur les institutions sociales « Chapitre V. Seconde partie. Des mœurs et des opinions » pp. 114-142

Des mœurs et des opinions Je crois devoir maintenant appeler plus spécialement l’attention sur un des grands phénomènes qui marquent les temps où nous vivons, et qui les rendent si remarquables, je veux dire la différence qui existe entre nos mœurs et nos opinions. […] Un peuple léger, frondeur, impatient, sans prévoyance de ce que peut produire une démarche inconsidérée ; un peuple passionné, toujours disposé à vivre dans le présent, et à ne pas tenir compte des circonstances antérieures qui ont pu influer sur la conduite des hommes soumis à son éloge ou à sa critique ; un peuple enfin qui, avec un sentiment très vif de la justice, peut être si souvent entraîné à l’injustice par la violence et la spontanéité de ses passions, ou même par l’ascendant de ses caprices ; qui, avec le tact le plus exquis de la mesure et des convenances, est trop souvent jeté hors de toute mesure et de toute convenance par je ne sais quel besoin de plaisanterie, je ne sais quel attrait de frivolité : un tel peuple devrait plus qu’aucun autre être contenu dans les voies de la décence et de la modération, car il est toujours près d’en sortir.

1707. (1885) Les œuvres et les hommes. Les critiques, ou les juges jugés. VI. « Philarète Chasles » pp. 111-136

Il y avait vécu et il y avait écrit dans la langue du pays, comme Voltaire qui, jeune et fat comme un Français, s’était aussi permis d’y écrire, dans cette langue si opposée pourtant à son genre de génie. […] Mais ayant vécu dès son extrême jeunesse en Angleterre, il s’y impreignit de ce pays et il y devint protestant, — non de culte (il s’en souciait bien !)

1708. (1906) Les œuvres et les hommes. Poésie et poètes. XXIII « Alfred de Vigny »

Le livre que nous donne Ratisbonne sous le titre de Journal d’un Poète 4 est bien autrement intime, sincère, pensé, vécu, et saigné aussi, — car l’homme y souffre, — que ne pourrait l’être jamais un récit de Mémoires, toujours plus ou moins attifé. […] C’est assez pour si peu de jours à vivre.

1709. (1898) L’esprit nouveau dans la vie artistique, sociale et religieuse « I — La banqueroute du préraphaélisme »

Il faut voir Rossetti, italien d’origine et fortement incliné vers le catholicisme, s’abîmer dans le mysticisme dantesque, Holman Hunt ne vivre que par le Christ et passer en Terre Sainte de longues années, tel autre membre de la « Confrérie », Collinson, se réfugier au cloître, pour comprendre qu’elles pouvaient être les espérances et la vie intime de ce petit groupe.‌ […] La peinture a vécu jusqu’à nos jours, à de rares exceptions près, d’un poncif de lumière et d’ombre, du jour de l’atelier.

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