À proprement parler, des hommes de cette sorte sont de vivantes expériences de psychologie ; la nature en les faisant extraordinaires, a retranché ou hypertrophié chez eux quelques facultés à la façon dont un physiologiste modifie artificiellement la constitution de l’animal sur lequel il opère. […] Ici intervient la théorie moderne du plaisir et de la peine, pour expliquer comment cet être aux libres délicatement vivantes, au lieu d’être affecté, vivement mais également, par les sensations agréables et les douloureuses, tend plutôt çà s’assimiler ces dernières et transforme même les jouissances en sources de peine ; comment, en somme, tout artiste descriptif est exposé à ressentir dans sa vie plus de peines que de joies. […] S’il trouve qu’en vivant avec ses pareils, ses besoins sont plus aisément satisfaits que s’il vivait de ses seuls efforts, la société n’existe qu’en apparence.
On se demanderait, en lisant les philosophes de l’Inde, en lisant le poème de Job, en lisant les législations patriarcales de la Chine, en lisant la Bible, en lisant Homère, en lisant Platon, en lisant l’Évangile, en lisant Virgile ou Cicéron, en contemplant les Pyramides, les Palmyre, les Persépolis, les Parthénon, les Panthéon encore debout, en pâlissant d’admiration devant les marbres vivants de Phidias, on se demanderait où sont donc les traces de ce progrès indéfini et continu des facultés humaines. […] « L’homme ignore son prix ; elle n’habite pas la terre des vivants. […] Job, atterré et anéanti par cette énumération lyrique des œuvres de Dieu, cesse toute vaine discussion avec lui-même ou avec l’éloquence vivante de la création parlant en œuvres sous ses yeux.
Il est une preuve vivante de la faiblesse et du vague de l’hérésie protestante, mère elle-même d’une critique rudimentaire et incertaine. […] Ils sont au sommet d’une pyramide, sans communication avec les vivants, dont ils débattent les intérêts. […] La propriété, c’est le moule du corps mort et l’abri du corps vivant, l’un joignant l’autre. […] En vain, sur ces décombres, je cherchais un oiseau (fût-ce le corbeau en « jamais plus » d’Edgar Poe), une métaphore demeurée hardie et vivante. […] Tout ce qui est vivant et lumineux répugne à ces conservateurs de règles fausses.
Körting a séparé, on le réunira, et on ne le confondra pas, mais on le fera pour ainsi dire alterner dans le progrès d’une vivante histoire. […] Aussi longtemps qu’ils ont soutenu leurs écrits de leur personne, et comme accablé leurs adversaires du poids de leur vivante autorité, joint à celui de leur éloquence, ils ont suspendu ou fixé le cours du temps, ce qui est le plus grand et le plus rare éloge que l’on puisse faire ensemble de leur génie et de leur vertu. […] Elles en sont en même temps la partie vivante et féconde. […] On a dit de lui qu’il était une réponse vivante aux Provinciales, et on a eu raison, car il est difficile d’enseigner une morale plus sévère que la sienne, plus pure, plus étrangère à ces compromissions que Pascal avait éloquemment reprochées aux jésuites. […] Et si peut-être, toujours actuelles, ces questions sont toujours vivantes, je veux savoir enfin jusqu’à quel point je suis moi-même pour ou contre Molière.
Quelle volupté de dieu que de créer par la poésie de petits êtres, qui ne sont pas des moralités personnifiées, mais qui sont aussi vivants, aussi réels que s’ils étaient en chair et en os ! Marionnettes chéries, je n’ai garde d’idéaliser vos vertus, de faire de vous le type uniforme de toutes les perfections ; ayez et gardez vos travers, vos légers ridicules et vos graves défauts ; c’est par là que vous me plaisez, car c’est par là que vous êtes vrais et que vous êtes vivants. […] Ce n’est pas la forme pure, ce n’est pas l’art en soi, indépendamment de la matière ; car l’une de ces deux choses n’existe pas sans l’autre ; on ne les sépare point ; elles composent une harmonieuse et vivante unité. […] Au seuil de l’éternité, il parle à ses petits-enfants du ciel et de Dieu, tout naturellement et simplement, comme un homme qui se détache peu à peu de la terre et n’est plus retenu que par de faibles liens aux vivants objets de son affection. […] J’ai assez goûté de la vie, je n’en veux plus… Je suis aussi mal qu’il est possible en vivant encore… Souvent j’en suis à désirer la mort par la seule intensité des souffrances physiques. » La maladie n’a rien qui inspire.
Il en fait non des hommes, mais des demi-dieux, des statues, des types abstraits, vivant sur les hauteurs immaculées du devoir et de la vertu et ne participant aucunement aux faiblesses humaines. […] L’air manque, la vue se trouble ; on n’est plus en pays humain, on n’aperçoit d’abord qu’un entassement d’abstractions formidables, solitude métaphysique où il ne semble pas qu’un esprit vivant puisse habiter ; à travers l’Être et le Néant, le Devenir, la Limite et l’Essence, on roule, la poitrine oppressée, ne sachant si jamais on retrouvera le sol uni et la terre. […] — auprès de vous je l’ai cherché souvent, Carlos n’a point de père, et Philippe est vivant ! […] Mais ce qui est important, et ce que les classiques avaient oublié, c’est qu’un théâtre doit être l’expression sincère et vivante du génie national. […] Nous étions là huit cents jeunes hommes qui aurions mis en pièces Crébillon ou La Harpe, ou Lafosse, ou n’importe quel autre partisan des unités, s’ils avaient eu le courage de se montrer vivants dans le foyer.
Ses contemporains ont pour lui des admirations et des indulgences que peu de poètes ont connues de leur vivant. […] Nous voudrions en retracer les phases et en examiner le résultat le plus direct : ce drame de Gœtz de Berlichingen qui demeure, avec ses imperfections, une des œuvres les plus vivantes de Goethe, une de celles qu’on peut encore goûter avec le plus de franchise. […] La vérité et la beauté vivantes seront dans ses chants, au lieu de l’idéal en bulles de savon multicolores qu’on trouve en abondance dans les poèmes allemands. […] Nous croyons écrire d’une façon meilleure, plus moderne, plus vivante. […] Pour mieux comprendre, relisez quelques-unes des « chansons de société » qui datent de cette époque, entre autres la petite pièce intitulée : Les bons vivants de Weimar.
Après cela, le mur vivant de nos armées barre toute la route à l’invasion. […] Cette horloge, c’est tout ce qui paraît vivant, au village. […] Il la sait vivante. Vivante, mais enchaînée. […] Mais le vivant, pour se faire comprendre mieux, est là, et n’a qu’à parler, à écrire.
Quant à nous, aujourd’hui, qui venons de lire la correspondance de Goethe avec la vraie Charlotte et avec Kestner son époux, et qui avons en même temps relu Werther, il nous semble (pour emprunter aussi une image à la Grèce) que nous pourrions dessiner la ligne sinueuse qui unit l’épaule d’ivoire de Pélops au reste du corps vivant, c’est-à-dire séparer les parties artificielles et factices d’avec celles qui étaient la vérité même. […] L’ordre, la précision et la promptitude sont des qualités dont je tâche tous les jours d’acquérir un peu. » Au milieu de cela, des voyages en Suisse, en Italie, l’étude dans toutes les directions, la comparaison étendue dans toutes les branches des beaux-arts et des littératures ; bientôt les sciences naturelles qui vont s’y joindre ; une vie noble, assise, bien distribuée et ordonnée, occupée et non affairée, à la fois pratique et à demi contemplative (« Je demeure hors de la ville, dans une très belle vallée où le printemps crée dans ce moment son chef-d’œuvre ») ; tout ce qui, enfin, devait faire de cette riche organisation de Goethe le modèle et le type vivant de la critique intelligente et universelle.