Certes je prise et goûte fort le joli récit traduit par Courier : il est net, proportionné, piquant, épigrammatique ; mais les additions d’Apulée ne me déplaisent pas tant ; elles m’apprennent bien des choses sur les mœurs tant publiques que privées, sur la police des villes dans les provinces, sur les travers éternels et les maladies de l’esprit humain : « Ce sont des tableaux de pure imagination, où néanmoins chaque trait est d’après nature, des fables vraies dans les détails, qui non seulement divertissent par la grâce de l’invention et la naïveté du langage, mais instruisent en même temps par les remarques qu’on y fait et les réflexions qui en naissent. » Tout cet éloge (sauf le point de la naïveté du langage), que Courier donne à son Lucius, je l’accorde à plus forte raison et je l’étends à notre Lucius latin, à notre Apulée, pour ses additions nombreuses ; lu à côté, le premier Lucius me paraît, je l’avoue, un peu sec. […] Arrivé sur le soir à Hypate, la première ville qu’il rencontre, et descendu chez le vieil avare auquel on l’a assez maladroitement adressé, il se couche sans souper ; mais le lendemain matin, éveillé avec le jour, il ne songe plus qu’à satisfaire sa soif d’aventures. […] C’est donc au sein de cette ville même que s’est passé l’événement que nous racontait, chemin faisant, le brave Aristomène ! […] De tout ce que j’apercevais dans la ville, je me figurais que rien n’était tel que mes yeux me le montraient. […] La ville d’Hypate célébrait tous les ans, par quelque farce ou mystification pareille, la fête du dieu du Rire.
Horace de Viel-Castel a trouvé à Londres, dans le British Museum, une notable lettre de Montaigne, alors maire de Bordeaux, et adressée à M. de Matignon, lieutenant pour le roi dans cette même ville, à la date du 22 mai 1585. […] Detcheverry, archiviste de la mairie à Bordeaux, a trouvé et publié (1850) une lettre de Montaigne, encore maire, aux jurats ou échevins de cette ville, du 30 juillet 1585. […] C’est pendant ce voyage que Messieurs de Bordeaux l’élurent maire de leur ville. […] Lui, il est comme Socrate, qui ne se considérait pas comme citoyen d’une seule ville, mais du monde ; il embrasse d’une imagination pleine et étendue l’universalité des pays et des âges ; il juge plus équitablement les maux mêmes dont il est témoin et victime : À voir nos guerres civiles, qui ne crie, remarque-t-il, que cette machine se bouleverse et que le jour du Jugement nous prend au collet ? […] Au reste, il fera tout pour pressentir à l’avance les événements : « Je ferai ce que je pourrai pour sentir nouvelles de toutes parts, et, pour cet effet, visiterai et verrai le goût de toute sorte d’hommes. » Enfin, après avoir tenu le maréchal au courant de tout et des moindres bruits de ville, il le presse de revenir, l’assurant « que nous n’épargnerons cependant ni notre soin ni, s’il est besoin, notre vie pour conserver toutes choses en l’obéissance du roi ».
Dans cette grande ville inconnue, sans relations aucunes, sans une lettre de recommandation, sans même la connaissance de la langue qu’on y parle, il se sent tout à coup pris d’un immense découragement, au milieu duquel il s’endort. […] — Monsieur, il n’y a pas aujourd’hui un seul morceau de poisson dans la ville de Rouen ! […] pendant quelque temps, un trouble de mon individu, dans lequel je ne savais pas ce que je faisais, et dans quelle ville je roulais en voiture. […] On parle des barbues à la normande et des canetons à l’orange de Mennechet, et des lèvres murmurent des noms de rues infâmes, avec des clignements d’yeux de matous amoureux… On arrive au cimetière, un cimetière tout plein de senteurs d’aubépine, et dominant la ville, ensevelie dans une ombre violette, qui la fait ressembler à une ville d’ardoise. Et l’eau bénite jetée sur la bière, tout le monde assoiffé dévale vers la ville avec des figures allumées et gaudriolantes.
Quelquefois, le poète se retourne par le souvenir et l’angoisse devers la grande ville quittée. […] Sans doute, est-il, là-bas, des tâches nécessaires — révolte, gestes de justice — qu’il ne faut point délaisser : Ô mon Dieu, je m’agenouille au coin du feu ; Et j’ose vous demander où est mon vrai devoir : Est-ce dans la joie de votre création, ô Dieu, Ou là-bas dans la ville où le soleil est noir ? Ou bien son rêve s’élance « vers les villes qu’on ne voit pas encore à l’horizon ».
Les buccins et les nautiles de mer, les holoturies nacrées, s’étoilent de phosphorescences pour le tenter, et les spongites d’ambre et d’écailles, comme des bras, des lèvres ou des sexes, s’extravasent sous ses regards avides de profondeurs, de villes sous-marines et de solitudes impolluées où des formes glissent. […] Mais un nuage passe, le soleil, discret, se couche ; voici le soir, et le pilote, que les clartés mourantes des phares inquiètent, repense au départ : J’ai délaissé la ville adverse pour voguer Parmi les océans d’orage et de péril… Ces qualités de nature large et de pure lumière font du livre de M. […] Mais un jour il a suivi le conseil d’Éva, il a quitté toutes les villes.
Et puis, pourquoi n’en serait-il pas d’une littérature dans son ensemble, et en particulier de l’œuvre d’un poëte, comme de ces belles vieilles villes d’Espagne, par exemple, où vous trouvez tout : fraîches promenades d’orangers le long d’une rivière ; larges places ouvertes au grand soleil pour les fêtes ; rues étroites, tortueuses, quelquefois obscures, où se lient les unes aux autres mille maisons de toute forme, de tout âge, hautes, basses, noires, blanches, peintes, sculptées ; labyrinthes d’édifices dressés côte à côte, pêle-mêle, palais, hospices, couvents, casernes, tous divers, tous portant leur destination écrite dans leur architecture ; marchés pleins de peuple et de bruit ; cimetières où les vivants se taisent comme les morts ; ici, le théâtre avec ses clinquants, sa fanfare et ses oripeaux ; là-bas, le vieux gibet permanent, dont la pierre est vermoulue, dont le fer est rouillé, avec quelque squelette qui craque au vent ; au centre, la grande cathédrale gothique avec ses hautes flèches tailladées en scies, sa large tour du bourdon, ses cinq portails brodés de bas-reliefs, sa frise à jour comme une collerette, ses solides arcs-boutants si frêles à l’œil ; et puis, ses cavités profondes, sa forêt de piliers a chapiteaux bizarres, ses chapelles ardentes, ses myriades de saints et de châsses, ses colonnettes en gerbes, ses rosaces, ses ogives, ses lancettes qui se touchent à l’abside et en font comme une cage de vitraux, son maître-autel aux mille cierges ; merveilleux édifice, imposant par sa masse, curieux par ses détails, beau à deux lieues et beau à deux pas ; — et enfin, à l’autre bout de la ville, cachée dans les sycomores et les palmiers, la mosquée orientale, aux dômes de cuivre et d’étain, aux portes peintes, aux parois vernissées, avec son jour d’en haut, ses grêles arcades, ses cassolettes qui fument jour et nuit, ses versets du Koran sur chaque porte, ses sanctuaires éblouissants, et la mosaïque de son pavé et la mosaïque de ses murailles ; épanouie au soleil comme une large fleur pleine de parfums ? […] Il ne se dissimule pas, pour le dire en passant, que bien des critiques le trouveront hardi et insensé de souhaiter pour la France une littérature qu’on puisse comparer à une ville du moyen-âge.
PERNETY, [Jacques] Abbé, Historiographe de la ville de Lyon, & Membre de l’Académie de cette ville, né dans le Forez, mort en 1777, âgé de 81 ans.
Tu ne bâtis ton nid d’argile Que sous le toit du passager, Et, comme l’oiseau sans asile, Tu vas glanant de ville en ville Les miettes du pain étranger. […] Le 4 août suivant, la ville de Douai accomplissait un devoir douloureux envers son cher poète, et la population douaisienne remplissait cette église Notre-Dame, toute voisine de la maison de naissance de la défunte, pour assister à la messe solennelle qui était célébrée en sa mémoire avec le concours du corps de musique de la ville et de la Société chorale de Sainte-Cécile.
Des villes entières furent consumées, sans qu’il en restât de trace ; d’autres ne conservèrent pas un seul habitant. […] Chaque ville, chaque bourgade était séparée. […] Qu’on imagine un pays couvert autrefois de villes florissantes, mais renversées par des secousses et des tremblements de terre, et un peuple entier assoupi sur ces ruines, au bout de mille ans s’éveillant tout à coup comme par enchantement, ouvrant les yeux, parcourant les ruines d’un pas incertain, et fouillant à l’envi dans les décombres, pour en arracher ou imiter tout ce qui a pu échapper au temps : tels parurent les Européens dans cette époque. […] Tels sont, par exemple, ceux que l’on prononça à Rome, et dans plusieurs villes d’Italie, en l’honneur de Léon X.