Il est certain qu’à l’heure où nous sommes ce qui a été jusqu’à ce jour l’éclairage du genre humain pâlit, et que le vieux flamboiement va disparaître du monde. […] Bossuet écrit sans sourciller, tout en palliant les faits çà et là, là légende effroyable de ces vieux trônes antiques couverts de crimes, et, appliquant à la surface des choses sa vague déclamation théocratique, il se satisfait par cette formule : Dieu tient dans sa main le cœur des rois. […] L’histoire, cette vieille histoire-là, est bonne personne pour les princes. […] Deux petits prés contigus à la vieille Marche et au duché de Zell, ayant quasi brouillé l’Angleterre et la Prusse, sont mémorables. […] La vieille gloire abdique ; les forts se couchent ; clémence à ces victorieux vaincus !
Si l’on en croit les conteurs et les poëtes, les fées sont indifféremment vieilles et jeunes, parce qu’elles sont fées, et Mlle de Guérin, qui était de cette race merveilleuse, ne pouvait rien perdre à vieillir. […] Au point de vue du temps d’aujourd’hui, vieux maniaque de connaissances et qui voudrait chasser l’ombre du monde comme une insulte à la lumière, cette éducation se réduisit à presque rien. […] Sa vie, qui n’a franchi que de quelques pas le seuil de cette chambre où, trois fois par jour, elle revenait prier, rappelle, en immobilité et en calme, les derniers jours du vieux Milton, éternellement assis sur une pierre à sa porte, et n’allant de cette pierre qu’à ce petit orgue placé dans le fond de la maison et dont les sons éclairaient sa cécité. […] Excepté de temps en temps, un regard charmant d’hirondelle, heurtant la tapisserie et cherchant son vieux mur du Cayla, à chèvrefeuille et à pariétaires, qui eût révélé dans cette fille calme autre chose qu’une femme du monde, capable de lui plaire, et, si elle avait voulu s’en donner la peine, de le dominer ? […] L’hirondelle revint au vieux mur.
Je voulais échauffer l’imagination de mes parents et de mes maîtres ; je voulais qu’ils me lâchassent au service : je m’y regardais déjà un peu, puisque de vieux dragons du brave régiment de mon oncle me portaient sur leurs bras et qu’ils me racontaient Clausen, Dettingen et Bonef. […] Si vous ne rêvez pas militaire, si vous ne dévorez pas les livres et les plans de la guerre, si vous ne baisez pas les pas des vieux soldats, si vous ne pleurez pas au récit de leurs combats, si vous n’êtes pas mort presque du désir d’en voir, et de honte de n’en avoir pas vu quoique ce ne soit pas de votre faute, quittez vite un habit que vous déshonorez. […] un vieux sous-lieutenant l’est plus qu’un ministre. […] Si vous n’êtes pas riche vous aurez tout ce qu’il vous faut, avec une maison à un étage, simple, propre, un toit caché, un enduit de couleur, quelques bas-reliefs en plâtre, ou un encadrement rustique, un ruisseau large et rapide, s’échappant d’un vrai rocher, un pont tremblant comme celui d’Aline, quelques bancs, peut-être une table de pierre ; une cabane de berger, salon ambulant, monté sur quatre roues ; quelques pins, fiers sans orgueil, quelques peupliers d’Italie, élevés, sans faste, lestes et obligeants ; un saule pleureur, un arbre de Judée, un acacia, un platane, trois plates-bandes de fleurs jetées au hasard, des marguerites sur une partie de votre pelouse, un petit champ de coquelicots et de bluets… Je supprime ici le chapitre des allégories, inscriptions, hiéroglyphes, dont il ne veut pas qu’on abuse, mais que toutefois il accorde, tribut payé au goût du temps : Avec tout cela, dit-il, et un haha 36 environnant et ignoré, qui fait jouir des coteaux, des plaines, des bois, des prairies, des villages et des vieux châteaux des environs, je surpasserais et Kent et Le Nôtre, et, avec vingt mille francs pour tout l’ouvrage et deux cents francs d’entretien, je détournerais de dix lieues tous les voyageurs. […] Il prend la campagne au retour des camps, dans l’intervalle de deux campagnes, comme il dirait lui-même en plaisantant : « Vous que la Cour et l’armée dispensent pour quelque temps de vos soins, amusez-vous dans vos jardins ; puis élevez vos âmes dans vos forêts. » Il est resté tellement sociable, même dans ses heures de solitude et de retraite, qu’il ne serait pas fâché que de son habitation champêtre on découvrît une grande capitale : « Voilà, dirais-je assis au pied d’un vieux chêne, le rassemblement des ridicules et des vices… » Et il entre dans l’énumération, il pousse jusqu’au bout le développement de ce joli motif qui parodie le sage de Lucrèce jouissant en paix du spectacle de l’orage.
C’est comme une veine délicate qui peut être confondue avec d’autres par un œil inattentif et neuf, mais à laquelle celui qui nous connaît de vieille date ne se trompe pas. […] Enfant du XVIIIe siècle et païen à sa manière, — païen vertueux et innocent, — les scrupules néo-chrétiens, qui de notre temps ont prise sur tant d’âmes jeunes ou vieilles, lui sont restés inconnus et étrangers. […] Mais celui qui habituellement y tenait le de et y faisait le diable à quatre, qui harcelait le maître de la maison, tenait tête à Courier, et relançait un chacun jusque dans les derniers retranchements des vieilles doctrines, c’était Beyle, autrement dit Stendhal, la trompette à la fois et le général d’avant-garde de la nouvelle révolution littéraire. […] d’idées et de phrases convenues : « Je regarde Dussault, disait-il, comme le Fiévée du classicisme, le meilleur avocat d’une vieille platitude. » Il appelait de tous ses vœux un digne adversaire et un vrai contradicteur : « Prions Dieu que quelque homme de talent prenne ici la défense du classicisme, et force ainsi les romantiques à faire usage de tout leur esprit, et à ne laisser aucune erreur dans leur théorie. » Il écrivait cela de Milan en 1819, et en vue du romantisme italien de Manzoni. […] Viollet-le-Duc était un homme d’esprit, exact ; délicat, peu fécond, très-occupé d’ailleurs de fonctions administratives, qui avait précédé tout le monde dès le temps de l’Empire dans le goût des vieux auteurs français antérieurs à Malherbe et de la poésie du xvi siècle : le Catalogue qu’il a dressé de sa bibliothèque, et dans lequel il donne un aperçu de chaque auteur de sa collection, est un livre qui restera.
Voici donc le pendant de ce beau morceau du Centaure, mais en prose gauloise, digne des vieux aïeux rabelaisiens de la terre bourguignonne ; ce n’est plus un Centaure qui parle ici, mais un paysan (notez-le bien), un manant, fils et petit-fils de manants, d’anciens soldats redevenus bûcherons et un peu braconniers ; c’est l’ancien bouvier devenu trop citadin à son tour, et qui regrette les heures rustiques de sa jeunesse. […] Écoutez ce qui vient à la fin de ce joli récit, où son vœu secret lui échappe : « Le 14 mars 1836. — Une visite d’enfant me vint couper mon histoire hier (une histoire de pauvre vieille et de mendiante sur son grabat). Je la quittai sans regret, j’aime autant les enfants que les pauvres vieux. […] Si elle lit un jour le bon vieux saint de ses amis, saint François de Sales, au chapitre des Amitiés : « C’est bien le mien, remarque-t-elle, le cœur cherche toujours sa pâture. […] Que ce soit la couleur du temps, le loquet d’une porte, un vieux château qu’elle visite, ou l’une quelconque des fêtes et, cérémonies rurales, le baptême ou la fonte d’une cloche, la bénédiction des bestiaux, la messe de Noël où elle se rend en famille à minuit « par des chemins bordés de petits buissons blancs de givre, comme s’ils étaient fleuris », elle trouve sur tous ces thèmes fortuits ou naturels des pensées charmantes, légères et célestes, dignes d’une Cymodocée chrétienne.
Le forgeron et sa femme, et l’un des enfants, vous regardent bien en face, mais le vieux père et un autre enfant qu’il a près de lui regardent ailleurs et ont l’air distraits ou occupés par je ne sais qui ou je ne sais quoi qui est de côté. […] Souvent encore, les Le Nain ont peint un vieux flûteur entouré de charmants enfants bouclés, qui prêtent une oreille attentive à la musique simple qui sort de cette flûte naïve. […] Une préface, intéressante par la quantité du faits et de renseignements que l’auteur y a ramassés, nous montre bien quelle est la difficulté d’avoir, en telle matière, du vieux et du naïf authentique. […] Champfleury m’a remis heureusement en mémoire le charmant Essai de Charles Lamb, la Vieille porcelaine de Chine, où la légère manie qui y est retracée s’accompagne et se relève de tant de remarques fines, de tant d’observations délicates sur le cœur humain et sur la vie : le tableau entier respire une ironie indulgente et douce. […] Champfleury la différence de la vieille porcelaine à la faïence.
Le sujet en est le vieux drame de Noël, le drame des Prophètes du Christ : mais il s’est amplifié, il a tendance à absorber tous les épisodes saillants de l’Ancien Testament, et par suite à se scinder en drames épisodiques. […] Même de toute façon, pour la conduite de l’action, pour le sens dramatique ou poétique, ce vieux drame est supérieur à la Passion du xve siècle, comme au mystère du Vieux Testament, partout où on les peut comparer. […] Sur la vieille légende contée par Hilaire, qui fait de saint Nicolas le garde du trésor d’un barbare, Bodel a jeté librement les sentiments, les habitudes de son temps et de sa ville. […] Appliquée au vieux thème des pastourelles, elle donna le Jeu de Robin et de Marion, la première de nos pastorales dramatiques, ou, comme on a dit, de nos opéras-comiques : en effet, de son origine lyrique, le sujet a gardé la musique.
L’état de l’Ordre à ce moment suprême, ses divisions intestines, les dispositions des chevaliers, la plupart philosophes et mondains, qui n’étaient plus que de vieux garçons en exil sur un rocher, le manque absolu des grands mobiles qui portent les hommes à se sacrifier, tout est vu en passant avec le coup d’œil d’un moraliste, cette fois au service d’un conquérant. […] Il parut même ignorer que le vieux cheikh Sadah était le chef de la révolte, et il l’accueillit comme auparavant. […] Plus tard, général en chef lui-même, il fit bâtonner imprudemment le vieux cheikh, et le coup de poignard du fanatisme s’ensuivit. […] On saisit à nu, dans ce chapitre, l’œuvre d’une vieille société en reconstruction sous une main puissante, une vieille civilisation avec ses pièces essentielles, hardiment remise, comme un vaisseau de haut bord, sur le chantier.
Mme Sand est momifiée de plus en plus, mais toute pleine de bonne enfance, et de la gaieté d’une vieille femme du siècle dernier. […] Ce bureau de La Vie parisienne a le clair-obscur de l’appartement d’une vieille femme galante retirée du commerce des tableaux, un appartement où rutilent les chaleurs de faux chefs-d’œuvre. […] Je me rappelais, ces temps-ci, le mot de ma pauvre vieille cousine de Bar-sur-Seine : « Vous verrez, je ne vivrai pas longtemps, je suis si fatiguée, si fatiguée ! […] Cette Italie qu’il croyait, après sa rénovation, reprendre un élan, et redevenir quelque peu l’Italie du xvie siècle, il constate tristement qu’elle imite maintenant les États-Unis, et est obligé de déclarer que les vrais et désintéressés savants qu’elle possède encore, sont des savants de la vieille génération : « On sait très bien, dit-il, comment se fait une vocation, c’est par l’action sur l’imagination des enfants, des jeunes gens, du rôle que joue dans les conversations autour d’eux, un individu de leur famille ou de leur connaissance. […] Et la jeune femme a pour repoussoir à son éblouissante jeunesse, d’un côté le chinois Tsing à la face plate, au nez retroussé, de l’autre sa mère, la vieille Grisi, dans son ratatinement souffreteux.