Pour qu’une nation écoute et retienne ces récits chantés, il faut que ce qu’on lui chante soit déjà accepté comme un fonds de vérité dans ses traditions. […] Damayanti, s’élevant au-dessus d’elle-même, se met en prière ; elle conjure les dieux dans des strophes d’un pathétique admirable, et les invoque tour à tour au nom de la vérité. […] Enfin les dieux, après avoir suffisamment éprouvé la sincérité de ses paroles et la soif de vérité qui la dévore, accueillent ses vœux : ils se montrent à ses regards. […] La vérité, que Damayanti invoque avec des expressions si pathétiques, paraît enfin à ses regards, l’arrache à son incertitude, et devient sa récompense. […] Ô bel arbre, que ton nom soit une vérité pour moi !
Aux dernières scènes, ma voix fléchissante et entrecoupée trahissait mon inquiétude : je me repentais d’être venu chercher si loin une rude vérité. […] Cet âge est innocent ; son ingénuité N’altère point encor la simple vérité. […] Ici c’est l’esprit de vérité et de liberté qui soulève le poète et qui lui fait braver le despotisme d’un prince égoïste et impérieux. […] Ainsi, de piège en piège et d’abîme en abîme, Corrompant de vos mœurs l’aimable pureté, Ils vous feront enfin haïr la vérité, Vous peindront la vertu sous une affreuse image. […] Voilà ce qui nous distingue et ce qui distingue la France de ceux qui se sont appelés hier les romantiques, et qui s’appellent aujourd’hui les réalistes ; deux hérésies pleines de talents égarés, mais qui, en rentrant dans la vérité, feront faire de nouvelles conquêtes à la religion du goût et des lettres.
Elles aspirent à se réunir ; et chez nous, comme en Grèce autrefois, on dirait avec vérité qu’elles n’ont de raison d’être que par et dans l’épopée qu’elles devaient être un jour. […] Peut-être encore devons-nous à l’influence de la scolastique cette habitude, non pas d’approfondir les questions, mais de les retourner sous toutes leurs faces, et ainsi d’en apercevoir des aspects inattendus, et des solutions ingénieuses, trop ingénieuses peut-être, assez voisines pourtant quelquefois de la vérité, qui est complexe, et qu’on mutile dès qu’on veut l’exprimer trop simplement. […] Clercs ou laïques, les auteurs de nos Mystères, que l’on en appellerait plus exactement les fournisseurs, ne se proposent seulement plus de nous conter le « drame de la Passion », ni d’apprendre à la foule des vérités nouvelles, ou de lui présenter sous une forme nouvelle des vérités anciennes, mais leur dessein ou plutôt leur fonction, tout ce qu’ils sont et ce qu’on leur demande, n’est que de tracer une espèce de scénario qui serve aux bourgeois de Tours ou d’Orléans de prétexte à monter sur les planches, vêtus d’oripeaux éclatants, — et à se procurer ainsi le même genre de plaisir que leur donne de nos jours une « cavalcade » soi-disant historique. […] Le Roman de Jean de Meung ; — et que le poète n’a vu lui-même dans cette partie de son œuvre qu’une saillie de jeunesse ; — dont la signification n’est ainsi que plus caractéristique. — En respectant la fiction et le cadre de Guillaume de Lorris, Jean de Meung y introduit des intentions marquées de « satire sociale » et de « philosophie naturelle » ; — dont les premières le rapprochent des auteurs des « branches » additionnelles du Roman de Renart ; — avec lesquels il a encore de commun la violence de son langage, — et la licence de ses discours. — Ses intentions de « philosophie naturelle » semblent lui être plus personnelles ; — quoique d’ailleurs on puisse les rapprocher de la philosophie, très inconsciente, à la vérité, des auteurs de nos fabliaux. […] On voit par ces détails sommaires l’importance de la littérature « allégorique » au Moyen Âge ; — il resterait à rapprocher ces « personnifications » des « Entités » ou des « Quiddités » de la scolastique ; — et les unes et les autres de ce que l’on appellera plus tard « la réduction à l’universel » ; — ou, en d’autres termes, les idées générales. — Que, malheureusement, si les intentions étaient bonnes, le moyen était faux ; — car, à mesure qu’on allégorisait davantage, l’idée n’en devenait pas plus claire ; — et on s’éloignait à mesure du naturel et de la vérité. — C’est ce que voulait dire Pétrarque, dans la lettre citée plus haut, quand il reprochait aux auteurs du Roman de la Rose que leur « Muse dormait » ; — et quand il opposait à leur froideur l’ardeur de passion qui respire dans les vers de « ces chantres divins de l’amour : Virgile, Catulle, Properce et Ovide ».
Il a, comme l’a dit Taine, « l’instinct de la vérité ». […] Sa correspondance donne sur un homme une certaine vérité. […] L’ensemble, pour celui qui en prend conscience, constitue la vérité. […] Ce fut une vérité unanime. […] Cette vérité, c’est le principe de l’idéalité du monde.
— Nous avons jugé selon l’ancienne vérité. […] tu sais pas de grimace… De toi à moi, la vérité… Qu’est-ce qu’on dit ? […] Son entrée dans la salle du grand concours est un chef-d’œuvre de vérité. […] Le prêtre qui a confessé Savéli leur apprend la vérité. […] Ceux qui ont fait la dernière campagne en constateront la vérité.
Quand on a trouvé une vérité scientifique, on la doit à l’humanité et on n’a pas le droit de la lui refuser. […] Il croit à la vérité de ses fantaisies les plus folles. […] Les peintres qui assurent qu’ils sont sincères et rendent la nature telle qu’ils la voient, disent souvent la vérité. […] Ils voulaient se rapprocher de la nature et se délivrer du joug de la tradition de l’école byzantine, devenue complètement infidèle à la vérité. […] Elle a même bon air, car elle laisse supposer la soif de la vérité et la noble préoccupation des grandes questions.
Eh bien, voici la vérité : je n’ai pas quitté Paris. […] Cette mutilation fait l’étonnante vérité de Giraud. […] C’est là que gît la vérité profonde du drame de M. […] La vérité de M. […] Et dites si notre civilisation industrielle et citadine ne tourne pas directement le dos à la vérité.
On en sait maintenant l’histoire, et l’on démêle la double part de vérité et d’invention dont il se compose, presque aussi bien que l’auteur lui-même. […] Quant à nous, aujourd’hui, qui venons de lire la correspondance de Goethe avec la vraie Charlotte et avec Kestner son époux, et qui avons en même temps relu Werther, il nous semble (pour emprunter aussi une image à la Grèce) que nous pourrions dessiner la ligne sinueuse qui unit l’épaule d’ivoire de Pélops au reste du corps vivant, c’est-à-dire séparer les parties artificielles et factices d’avec celles qui étaient la vérité même. […] Cela me confirme dans ma résolution de m’en tenir désormais uniquement à la nature : elle seule est d’une richesse inépuisable ; elle seule fait les grands artistes. » Ce que Werther dit là de la peinture, il l’entend également de la poésie : « Il ne s’agit que de reconnaître le beau et d’oser l’exprimer : c’est, à la vérité, demander beaucoup en peu de mots. » Et il cite en exemple une rencontre qu’il a faite, le jeune garçon de ferme amoureux de la fermière veuve, et amoureux tendre, timide, passionné : Il faudrait te répéter ses paroles mot pour mot, si je voulais te peindre la pure inclination, l’amour et la fidélité de cet homme. […] Je ne veux décidément rien entendre de vous avant que le résultat ait démontré l’exagération de vos craintes, avant que vos cœurs aient mieux apprécié dans ce livre l’innocent mélange de vérité et de fiction » (octobre 1774). […] Il répondait par des explications et des éclaircissements qu’on a, et qui sont précieux pour nous, en ce qu’ils déterminent exactement la part de vérité et de fiction dans Werther, et le procédé de composition.
A mesure donc que le tumulte des souvenirs, qui redouble pour d’autres, s’éclaircit pour moi et s’apaise, je me replie de plus en plus vers ces figures nobles, humaines, d’une belle proportion morale, qui s’arrêtèrent toutes ensemble, dans un instinct sublime et avec un cri miséricordieux, au bord du fleuve de sang, et qui, par leurs erreurs, par leurs illusions sincères, par ces tendresses mêmes de la jeunesse que leurs farouches ennemis leur imputaient à corruption et qui ne sont que des faiblesses d’honnêtes gens, enfin aussi par le petit nombre de vérités immortelles qu’ils confessèrent, intéressent tout ce qui porte un cœur et attachent naturellement la pensée qui s’élève sans sophisme à la recherche du bonheur des hommes. […] La Révolution, tout imparfaite qu’elle soit, a changé la face de la France, elle y développe un caractère, et nous n’en avions pas ; elle y laisse à la vérité un libre cours dont ses adorateurs peuvent profiter. » Les rapides conquêtes de 89, on le voit, étaient loin de lui suffire ; sa méfiance, son aversion contre les personnages dirigeants de cette première époque, ne tardent pas à éclater. […] A propos d’un pamphlet de Lally-Tollendal, elle disait des hommes de sa couleur : « Ils flattent les passions des mécontents, ils séduisent les hommes légers, ils ébranlent les esprits faibles : ôtez tous ces êtres de la société, comptez la classe ignorante qu’ils influencent à leur manière, et voyez le peu qui reste de bons esprits, de personnes éclairées, pour résister au torrent et prêcher la vérité ! […] Quant au reste, vérité, évidence, limpidité parfaite ; pas une tache, pas un voile à jeter ; regardez aussi avant que vous voudrez dans sa maison de verre, transparente comme avait souhaité ce Romain : la lumière de l’innocence et de la raison éclaire un intérieur bien ordonné, purifiant. […] — adieu, cabinets paisibles où j’ai nourri mon esprit de la vérité, captivé mon imagination par l’étude, et appris, dans le silence de la méditation, à commander à mes sens et à mépriser la vanité. » On a voulu, dans ces derniers temps, faire de Mme Roland un type pour les femmes futures, une femme forte, républicaine, inspiratrice de l’époux, égale ou supérieure à lui, remplaçant par une noble et clairvoyante audace la timidité chrétienne, disait-on, et la soumission virginale.