/ 3932
2112. (1894) Propos de littérature « Chapitre II » pp. 23-49

La Philosophie étudie les conditions de l’être ; elle scrute sans répit le rapport du sujet à l’objet et tâche à trouver la raison de ce rapport, le générateur et la commune mesure de ses deux termes. […] Il trouve que cela n’est pas assez. […] On trouverait pourtant dans les œuvres de M. de Régnier, surtout en son dernier livre (Tel qu’en songe), maintes pages vraiment allégoriques. […] L’unité idéale qui en doit jaillir trouvera son centre non pas en chacune des formes ou en l’une d’entre elles, mais dans l’équilibre de leur conflit. […] Le leit-motiv devient un emblème, et rien de plus, s’il ne trouve dans l’orchestique sa raison d’être.

2113. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Madame Geoffrin. » pp. 309-329

On essayait, raconte-t-on, de lui faire lire quelque ouvrage d’histoire ou de voyages, et, comme on lui donnait toujours un premier tome sans qu’il s’en aperçût, il se contentait de trouver « que l’ouvrage était intéressant, mais que l’auteur se répétait un peu ». […] Plus d’un grand politique se serait bien trouvé, même de nos jours, d’avoir présente cette maxime, qu’elle avait coutume de répéter : « Les gens d’esprit font beaucoup de fautes en conduite, parce qu’ils ne croient jamais le monde aussi bête qu’il est. » Les neuf lettres d’elle qu’on a publiées, et qui sont adressées au duc de Richelieu pendant la campagne de 1743, nous la montrent en plein manège d’ambition, travaillant à se saisir du pouvoir pour elle et pour son frère le cardinal, dans ce court moment où le roi, émancipé par la mort du cardinal de Fleury, n’a pas encore de maîtresse en titre. […] Vers la fin ce salon voit se former, en émulation et un peu en rivalité avec lui, les salons du baron d’Holbach, de Mme Helvétius, en partie composés de la fleur des convives de Mme Geoffrin, et en partie de quelques têtes que Mme Geoffrin avait trouvées trop vives pour les admettre à ses dîners. […] Toutes choses resteront dans l’état où je les ai trouvées, et vous retrouverez aussi mon cœur tel que vous le connaissez, très sensible à l’amitié. […] Je n’ose lui dire à quel point je le trouve malheureux ; hélas !

2114. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Monsieur de Bonald, (Article Bonald, dans Les Prophètes du passé, par M. Barbey d’Aurevilly, 1851.) » pp. 427-449

Alors, quantité de définitions et de sentences d’or apparaissent : par exemple, cette définition de l’homme, que d’autres avant lui avaient trouvée, mais qu’il a réinventée et mise en honneur de nouveau : « L’homme est une intelligence servie par des organes. » Voici quelques-unes encore de ces belles pensées, et qui sentent le moderne Pythagore : En morale, toute doctrine moderne, et qui n’est pas aussi ancienne que l’homme, est une erreur. […] Publiciste, malgré ses hautes parties, je ne lui trouve pas les vrais signes du génie, qui sont l’ouverture d’instinct, le renouvellement de vue, la prescience et la découverte de vérités nouvelles : il n’a fait que rédiger et reconstruire, sous forme originale, idéale, et parfois bizarre, les doctrines du passé, sans admettre ni concevoir aucune des transactions et des transformations par où elles pouvaient se lier à l’avenir. […] Le nom et le personnage de M. de Bonald sont une de ces représentations les plus justes et les plus fidèles qu’on puisse trouver de l’ordre monarchique et religieux pris au sens le plus absolu ; il a été l’un des derniers sur la brèche et n’a pas cédé une ligne de terrain en théorie. […] Barbey d’Aurevilly, que M. de Bonald soit à la veille de trouver beaucoup de disciples ; mais les adversaires, ceux qui pousseront le plus par leurs systèmes vers les formes encore mal définies de la société nouvelle, croiront s’honorer eux-mêmes en le respectant, et en saluant en lui un champion du moins qui a eu jusqu’au bout l’intrépidité de sa croyance et qui n’a jamais fléchi. […] [NdA] Sans bruit et sans effort, cela vous plaît à dire : quand on remonte dans l’histoire, on ne trouve que bruit et qu’effort à chaque siècle, cependant il n’en est pas moins vrai qu’il y avait dans l’ancienne société, au milieu de tous ses dérangements, un ou deux grands ressorts qui continuaient d’aller ou qui reprenaient vite le dessus, et qui se sont brisés depuis.

2115. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre sixième. Genèse et action des idées de réalité en soi, d’absolu, d’infini et de perfection »

La « mesure » intérieure du vrai est donc la constitution même de notre pensée, qui ne peut concevoir l’identité des contradictoires, parce qu’elle ne la réalise jamais en elle-même et ne la trouve jamais réalisée hors d’elle-même. […] On objecte, avec Descartes, 1° qu’on ne peut construire l’idée de perfection en niant l’imperfection, parce que la perfection est conçue par nous comme positive. — Mais ce que nous nions et éliminons, ce sont précisément les limitations que nous trouvons en nous-mêmes, le côté négatif de notre bonheur, de notre intelligence, de notre puissance ; le reste est donc constitué par des qualités positives et non négatives. 2° — Nous ne trouvons en nous, dit Descartes, que la puissance de progrès ; or la perfection est en acte, non pas seulement en puissance ; donc ridée de perfection ne peut avoir en nous son origine. « Peut-être, s’objecte Descartes à lui-même, que je suis quelque chose de plus que je ne m’imagine, et que toutes les perfections sont en quelque façon en moi en puissance, quoiqu’elles ne se produisent pas encore et ne se fassent point paraître par leurs actions. […] La volonté ne peut concevoir autre chose que ce qu’elle trouve en elle-même : or, que trouve-t-elle ?

2116. (1889) L’art au point de vue sociologique « Chapitre quatrième. L’expression de la vie individuelle et sociale dans l’art. »

La science embryonnaire ne voyait de merveilles que dans les choses placées bien haut hors de notre portée ; la science actuelle, tout au contraire, trouve le merveilleux à chaque pas, en toute chose. […] De nos jours, nous étant aperçus que notre milieu même avait des doubles fonds inconnus de nous, nous nous intéressons à quoi que ce soit, près ou loin, pourvu que notre imagination intelligente y trouve son compte. […] Or, les conditions de la société humaine sont de deux sortes : il y en a quelques-unes d’éternelles, qu’on trouve réalisées même dans les sociétés les plus sauvages ; il y en a de conventionnelles, qui ne se rencontrent que dans une nation déterminée à tel moment de son histoire. […] Pour trouver le durable dans l’art, Nisard et Saint-Marc Girardin ont proposé cet expédient : chercher le général ; en littérature, disent-ils, il n’y a de vrais que les sentiments les plus généraux. […] Après tout, le poète ou l’artiste qui a réussi à plaire un moment, fût-ce à une seule personne, n’a pas entièrement manqué son but, puisqu’il a représenté une forme de la vie capable de trouver chez un être vivant un écho mais le sympathique, difficile est de plaire à un grand nombre d’êtres vivants, c’est-à-dire d’atteindre à une forme plus profonde et plus durable de la vie ; et le plus difficile est de plaire surtout aux meilleurs parmi les êtres vivants.

2117. (1913) Essai sur la littérature merveilleuse des noirs ; suivi de Contes indigènes de l’Ouest-Africain français « Essai sur la littérature merveilleuse des noirs. — Chapitre I. »

On trouvera ici beaucoup d’expressions locales, familières sans doute aux coloniaux, mais médiocrement intelligibles, sauf explication, pour le lecteur européen. […] Mais on en trouvera de nombreux exemples chez d’autres folkloristes. […] On en trouve des exemples moins nombreux que ceux de la subdivision précédente. […] On en trouvera des spécimens dans Bérenger-Féraud : (L’homme à la poule) et dans Froger. […] Nombre de personnes, qui ne s’attendaient guère à trouver chez le noir une imagination aussi variée, m’ont demandé si j’étais bien certain que ces contes fussent vraiment populaires ou si l’on ne pouvait les supposer, au contraire, l’œuvre et l’apanage exclusif de relatifs lettrés.

2118. (1890) Les œuvres et les hommes. Littérature étrangère. XII « Henri Heine »

Après des années, c’est par cet ouvrage sur son pays, sur l’Allemagne, que Henri Heine, mûri par la réflexion et par la souffrance, nous introduit à ses œuvres complètes, à l’ensemble de ses pensées, et voilà que nous trouvons, mêlés à un talent suprême, de telles modifications, de tels changements dans le fond même des choses et de l’intelligence, que la Critique — cette jaugeuse des forces spirituelles, qui met la main sur la tête et le cœur des hommes à travers les œuvres, — est obligée de s’y arrêter. […] C’est un jalon, planté magnifiquement et avec une franchise d’une noblesse plus haute que le talent, à nos yeux, dans un champ où, pour sa récompense et pour sa gloire, Heine trouvé le genre d’inspiration qui convient le mieux à son génie, — à son génie qu’il a pris jusqu’ici à contre-sens de sa nature, comme bien des poètes, du reste, ces enfants gâtés et terribles, si souvent inconscients de leurs facultés et capricieux comme la puissance ! […] Dans les toiles d’araignées de la dialectique berlinoise, une mouche même ne trouverait pas la mort, et d’autant moins un Dieu !  […] Seulement, au milieu du cornet, vous trouverez deux diamants à plusieurs carats : c’est l’article sur le Don Quichotte et celui sur l’Histoire de la littérature allemande, par Menzel, que je recommande aux amateurs de critique littéraire non anatomique mais vivante, et qui s’essaient en ce genre dangereusement facile des comptes rendus dans les journaux. […] Un jour, Henri Heine, dans sa floraison de jeunesse, écrivit, comme s’il eût senti les murmures en lui de cet horrible mal sous lequel il devait succomber, que « tout homme de génie était nécessairement malade et même que le génie n’était qu’à ce prix », et les gens qui se portaient bien trouvèrent la chose insolente et lui en firent la guerre.

2119. (1887) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (deuxième série). IX « Ernest Hello » pp. 207-235

Lasserre doit trouver la splendeur physique de Moïse, puisque nous sommes dans les prophètes, faisait l’effet, lui, de ne pas s’en tirer du tout. […] Par exemple, dans ce livre de l’Homme, que voici, il se tire très bien d’une foule de pages que je trouve fort belles. […] Ce sont même les Saints les plus ridicules, les plus bas au regard du monde, qu’il a trouvés et qu’il a posés les plus grands à la lumière de Dieu. […] Baillet fut même appelé un dénicheur de Saints par ces tristes-à-pattes affreux, qui trouvaient ce surnom plaisant. […] Il n’a pas le sublime honneur d’être un Voyant de l’extase, et l’honneur aussi grand d’être traité avec mépris de visionnaire par les philosophes et les écrivains de son époque, qui trouvent en lui un homme de leur espèce, mais de leur espèce agrandie par la foi et armée par la vérité catholique, et qui, s’il eût vécu, aurait été — comme il l’est, en plusieurs endroits, dans ce livre où il y a tant de choses, — un redoutable combattant contre eux !

2120. (1859) Cours familier de littérature. VII « XLe entretien. Littérature villageoise. Apparition d’un poème épique en Provence » pp. 233-312

Cette mère vit encore ; elle n’a que quelques rares cheveux blancs comme une frange de fil de la Vierge rapportée du verger sous sa coiffe ; elle n’aspire qu’à trouver bientôt une Rébecca au puits pour son cher enfant. […] » Quelle expression neuve, naïve et passionnée, qu’aucune langue n’avait encore ou trouvée ou osée ! […] Lorsqu’on trouve à deux un nid au faîte d’un mûrier ou de tout arbre pareil, l’année ne passe pas qu’ensemble la sainte Église ne vous unisse… Proverbe, dit mon père, est toujours véridique.” […] Et vous êtes tout surpris, avec le sourire sur les lèvres, de trouver une larme sur votre main. […] « Et le cantique de la mort résonnait là-bas dans la vieille église, etc., etc. » XXIX Voilà la littérature villageoise trouvée, grâce et gloire à la Provence !

/ 3932