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292. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « HISTOIRE DE LA ROYAUTÉ considérée DANS SES ORIGINES JUSQU’AU XIe SIÈCLE PAR M. LE COMTE A. DE SAINT-PRIEST. 1842. » pp. 1-30

Quand le tour des rôles fut épuisé, quand tous les numéros historiques furent sortis, il y eut clôture. […] Nourri de vastes lectures, armé d’une érudition remuante, d’une hardiesse de construction très-prompte, il a fait brèche à son tour dans quelques-unes des lignes qui avaient semblé le mieux retranchées. […] Cependant l’idée de royauté, dont nous suivons l’histoire, faisait le grand tour ; elle arrivait de l’Asie par le Nord ; elle suivait assez obscurément, durant des siècles, la grande voie des migrations germaniques, et venait planter son drapeau dans les Gaules avec les Franks, avec Clovis. […] Nous achevons de suivre les intéressantes considérations qu’à son tour, et à son point de vue, M. de Saint-Priest nous développe sur les vicissitudes de l’idée de royauté en ces siècles obscurs.

293. (1892) Boileau « Chapitre II. La poésie de Boileau » pp. 44-72

Nous ne concevons pas ce sentiment sans un amour désintéressé, une sympathie profonde, ni presque sans un tour d’imagination religieusement panthéiste. […] Pour rendre la physionomie de Paris, le mouvement de ses rues et de sa foule, ce Parisien, qui ne perdit presque jamais de vue les tours de Notre-Dame, prit le ton dolent d’un provincial réveillé trop tôt, qui regrette le silence morne de sa petite ville : cela, c’était l’idée, et une idée morale, qui faisait de l’impression une démonstration. […] Il l’altéra par l’emploi de la rhétorique, de l’esprit, de toutes les formes et tours qui ne conviennent qu’à l’expression des idées. […] Il est aussi arrivé à Boileau de s’applaudir d’un tour élégant, d’une périphrase ingénieuse, d’une allusion noblement enveloppée, dont il avait désigné sa perruque, ou la mousqueterie, ou l’établissement des manufactures en France.

294. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Au fond, on ne s’étonne pas des méchants tours de Renart : il est naturel qu’il se serve de l’esprit que la nature lui a fait. […] Car, en passant des bords du Gange aux rives de la Marne ou de la Somme, ils perdaient leur sens religieux, leur haute et ascétique moralité ; les peintures vengeresses et salutaires des tours malicieux de l’éternelle ennemie, de la femme, piège attrayant de perdition, devinrent dans la bouche de nos très positifs bourgeois une licencieuse dérision de leurs joyeuses commères et de la vie conjugale. […] Plus fréquentes sont les farces de provinciaux goguenards, toute espèce de bons tours et d’aventures comiques, toute sorte de bons mots, de calembours et de reparties qui ont paru drôles. […] Vraiment, toutes ces histoires ne sont que fantaisie, et ne représentent exactement qu’une chose : la jovialité française, le tour d’imagination frivole et grossier qui était apte à produire et goûter ces histoires.

295. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Il sourit à la rareté d’un rapprochement, à l’inattendu d’un tour. […] Quand on lit les Épîtres et les Satires de Voltaire, on pense à Horace qui, dans la même morale, est plus élevé et plus aimable, et, par le tour et par l’image, plus poète ; à Boileau, qui, dans une morale supérieure, tire ses plus beaux vers de sa fidélité à cette morale ; on pense à Voltaire lui-même, qui, dans ses poésies légères, dira plus agréablement les mêmes choses. […] Comment ne pas tenir compte à Gresset de ses petits vers, quoique moins légers, par moments, de tour que de choses ; à Florian d’être resté avec esprit si inférieur à la Fontaine ? […] Et pourtant, tel est le péril que fait courir la mode aux esprits les plus originaux, qu’on n’est pas fâché de le voir, las tout d’abord de Paris, voyager deux ans en Suisse, en Italie, visiter en Orient les horizons de son enfance, et mettre les monts et les mers entre lui et le tour d’esprit passager qui rendait Bertin, Parny et Lebrun populaires.

296. (1900) Poètes d’aujourd’hui et poésie de demain (Mercure de France) pp. 321-350

Tels furent donc un certain byzantinisme et un excès de subtilité, les principaux défauts des Poètes qu’on appelait Décadents, défauts plus apparents que réels et plus passagers que durables et que rachetait amplement, un ardent désir de nouveauté, l’espoir d’étendre le domaine de la poésie et de cultiver à l’ombre de la Tour d’Ivoire des fleurs singulières, rares et parfumées. […] Un petit livre de parodies amusantes, intitulé les Déliquescences, et signé du pseudonyme d’Adoré Floupette, passa de mains en mains et fit le tour de la Presse. […] Une nouvelle génération, qui vient, rêve à son tour un art à sa convenance et à l’empreinte de son esprit. Son travail est commencé ; de nouvelles tendances se manifestent ; des réputations s’esquissent qui grandiront à leur tour.

297. (1900) La méthode scientifique de l’histoire littéraire « Troisième partie. Étude de la littérature dans une époque donnée causes et lois de l’évolution littéraire — Chapitre IX. La littérature et le droit » pp. 231-249

Parfois le droit fournit des sujets à la littérature qui, à son tour, travaille à modifier certains articles du code. […] Victor Hugo fait ce tour de force78 d’apitoyer les lecteurs sur un personnage sans nom, dont ils ignorent et les antécédents et l’état civil et le crime même, dont ils ne savent rien sinon qu’il est un homme retranché par d’autres hommes du nombre des vivants et condamné non seulement à la mort par la guillotine, mais à l’agonie lente qui la précède. […] Le droit civil à son tour peut prêter et emprunter beaucoup à la littérature. […] Beaumarchais, le futur père du formaliste Bridoyson, commence sa renommée par le combat épique qu’il soutient contre des juges vendus qui le « blâment » et qui sont blâmés à leur tour par l’élite du Paris d’alors.

298. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — Chapitre II »

Le vers se ressent de cette indécision générale : il flâne d’A quoi rêvent les jeunes filles, aux Femmes savantes picorant ici et là une rime, un tour, une vieillerie de langage, une coquetterie de mots, une perle ou un grain de mil. […] Il serait injuste de lui refuser l’agilité de l’allure et la souplesse du tour, mais, en revanche, quelle disparate dans sa facture ; de quelles nuances, incohérentes et criardes, est plaquée cette mosaïque de procédés et de centons, ou les tournures de Molière s’embarrassent dans les enjambements de la poésie moderne et coudoient les pointes de Dorat et de Marivaux ? […] Heureusement que le drame s’indigne à son tour, et qu’il élève enfin la voix pour maudire et exécrer son triste héros. […] Frédérique parle à son tour, mais elle ne pleure plus, la brave enfant, elle ne connaît plus ce misérable, elle ne l’aime plus ; l’a-t-elle jamais aimé ?

299. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La duchesse du Maine. » pp. 206-228

Mlle de Launay elle-même, qui n’est peut-être pas mise encore à son rang comme moraliste, me représente un La Bruyère femme, placé dans l’alcôve de sa princesse ; elle ne dit pas tout, mais elle voit tout, et, en mesurant ses paroles, elle ne fait que graver ses observations dans un tour plus concis et ineffaçable. […] Son esprit n’emploie ni tour ni figure, ni rien de tout ce qui s’appelle invention. […] Tous ceux qui ont parlé d’elle ont noté ce tour précis de son esprit et cette justesse dans le brillant : elle était de cette école de la fin du xviie  siècle, à qui Mme de Maintenon avait appris que les longues phrases sont un défaut. […] [NdA] L’aimable prince de Ligne a dit : « Je crois que je me serais ennuyé chez Mme la duchesse du Maine ; elle avait aussi un tour d’épaule dans l’esprit.

300. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « Madame Necker. » pp. 240-263

Et moi je dirai, et tous ceux qui ont connu et habité ce pays diront : Oui, cherchez-y sinon des Julie et des Saint-Preux, du moins des femmes du genre de Claire ; j’entends par là un certain tour d’esprit mêlé de sérieux et de gaieté, naturel et travaillé à la fois, très capable de raisonnement, d’étude, de dialectique même, vif pourtant, assez imprévu, et non du tout dénué d’agrément et de charme. […] Cet homme grave avait ce tour d’esprit persifleur et fin qui était bien à lui, et il l’a prouvé depuis par quelques écrits qui attestent une observation minutieuse et pénétrante. […] Ainsi, loin de regretter le monde qui nous fuit, nous le fuyons à notre tour ; nous échappons à des intérêts qui ne nous atteignent déjà plus ; nos pensées s’agrandissent comme les ombres à l’approche de la nuit, et un dernier rayon d’amour, qui n’est plus qu’an rayon divin, semble former la nuance et le passage des plus purs sentiments que nous puissions éprouver sur la terre à ceux qui nous pénétreront dans le ciel. […] Mais cette influence serait plus aisée à retrouver en d’autres membres de leur descendance, et la forme d’esprit de Mme Necker, adoucie, assouplie après la première génération, a dû entrer pour beaucoup dans le tour d’idées si élevé et dans le fonds moral, toujours éminent, d’une famille illustre31.

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