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416. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre IV. Bossuet orateur. »

Il expire en disant ces mots, et il continue avec les anges le sacré cantique. » Nous avions cru pendant quelque temps que l’oraison funèbre du prince de Condé, à l’exception du mouvement qui la termine, était généralement trop louée ; nous pensions qu’il était plus aisé, comme il l’est en effet, d’arriver aux formes d’éloquence du commencement de cet éloge, qu’à celles de l’oraison de madame Henriette : mais quand nous avons lu ce discours avec attention ; quand nous avons vu l’orateur emboucher la trompette épique pendant une moitié de son récit, et donner, comme en se jouant, un chant d’Homère ; quand, se retirant à Chantilly avec Achille en repos, il rentre dans le ton évangélique, et retrouve les grandes pensées, les vues chrétiennes qui remplissent les premières oraisons funèbres ; lorsqu’après avoir mis Condé au cercueil, il appelle les peuples, les princes, les prélats, les guerriers au catafalque du héros ; lorsque, enfin, s’avançant lui-même avec ses cheveux blancs, il fait entendre les accents du cygne, montre Bossuet un pied dans la tombe et le siècle de Louis, dont il a l’air de faire les funérailles, prêt à s’abîmer dans l’éternité, à ce dernier effort de l’éloquence humaine, les larmes de l’admiration ont coulé de nos yeux, et le livre est tombé de nos mains.

417. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XXIII. Des panégyriques en vers, composés par Claudien et par Sidoine Apollinaire. Panégyrique de Théodoric, roi des Goths. »

On conçoit comment il put louer Stilicon, qui n’était pas à la vérité un citoyen, mais qui était à la fois et un ministre et un général ; mais Honorius, qui toute sa vie fut, comme son frère, un enfant sur le trône ; qui, mené par les événements, n’en dirigea jamais aucun ; qui ne sut ni ordonner, ni prévoir, ni exécuter, ni comprendre ; empereur qui n’avait pas même assez d’esprit pour être un bon esclave ; qui, ayant le besoin d’obéir, n’eut pas même le mérite de choisir ses maîtres ; à qui on donnait un favori, à qui on l’ôtait, à qui on le rendait ; incapable d’avoir une fois du courage, même par orgueil ; qui, dans la guerre et au milieu des périls, ne savait que s’agiter, prêter l’oreille, fuir, revenir pour fuir encore, négocier de loin sa honte avec ses ennemis, et leur donner de l’argent ou des dignités au lieu de combattre ; Honorius, qui, vingt-huit ans sur le trône, fut pendant vingt-huit ans près d’en tomber ; qui eut de son vivant six successeurs, et ne fut jamais sauvé que par le hasard, ou la pitié, ou le mépris ; il est assez difficile de concevoir comment un homme qui a du génie, peut se donner la peine de faire deux mille vers en l’honneur d’un pareil prince. […] Tout tombait alors ; bientôt l’empire d’Occident, ébranlé pendant trois siècles, disparut.

418. (1898) XIII Idylles diaboliques pp. 1-243

Nous tombons ! […] Maître Phantasm tombe à la renverse. […] Il tombe une pluie mêlée de grêlons et de flammes. […] Et la foudre n’est pas tombée ? […] Le choc est si rude que Maître Phantasm tombe à la renverse.

419. (1730) Discours sur la tragédie pp. 1-458

Et sur ce mont sacré qui ne monte au sommet, tombe au plus bas degré. […] Voilà un jeu de mots ridicule, et qui ne peut pas tomber dans l’esprit d’un amant véritablement touché. […] Il y en a eu sur presque toutes les tragedies de Racine ; et qui, tant bonnes que mauvaises, sont toutes tombées dans l’oubli. […] Cette faute n’est pas sans exemple ; et l’on y tombe de trois manieres. […] Car je suis sûr que vous n’appréhendez pas que la prose fît tomber les vers : vous comptez trop sur le pouvoir de la mesure et de la rime pour craindre qu’elles pussent avoir du dessous.

420. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. DE VIGNY (Servitude et Grandeur militaires.) » pp. 52-90

Si les poëtes de la pléiade de la Restauration ont pu sembler à quelques-uns être nés d’eux-mêmes, sans tradition prochaine dans le passé littéraire, déconcertant les habitudes du goût et la routine, c’est bien sur M. de Vigny que tombe en plein la remarque. […] La scène a beau être disposée historiquement avec toute la science et l’application dont le poëte est capable ; ce jour fantastique et prestigieux, qui tombe d’en haut comme dans un souterrain, nous avertit toujours que nous avons affaire à l’idéal amant des régions supérieures. […] Nisard a dit récemment, en parlant d’Érasme : « Dans ce temps-là on ne connaissait pas le poëte, cet être tombé du ciel et qui meurt sans enfants, et pour qui le monde contemporain n’est qu’un piédestal d’où il s’élance, et où il vient replier de temps en temps ses ailes fatiguées. » Or c’est précisément ce poëte, contesté par l’homme de lettres et par le mondain, que M. de Vigny a voulu, non pas justifier dans des actes de frénésie28, mais plaindre, expliquer et venger aussi d’une oppression que peut-être la défense exagère. […] Ses conclusions sur l’honneur, seule vertu humaine encore debout, seule religion, dit-il, sans symbole et sans image au milieu de tant de croyances tombées ; les espérances qu’il fonde sur ce seul appui fixe de l’homme intérieur, sur cette île escarpée (disait Boileau), solide encore, selon M. de Vigny, dans la mer de scepticisme où nous nageons ; cet acte de foi en désespoir de cause sied à notre poëte. […] Je ne puis croire que vous résistiez à nous donner un choix semblable de la Pléiade et de sa queue, ainsi entrelacé de prose et de poésie de vous-même ; je le souhaite de toute mon âme… Au reste, ne vous fiez pas trop à mon amour pour nos devanciers ; c’est peut-être une ruse pour avoir encore à lire des pages aussi belles que celles où vous définissiez le vers comme un poëte seul le pouvait faire, et des vues aussi larges que celles de vos conclusions auxquelles on ne fera qu’un reproche juste s’il tombe sur l’illusion que vous vous faites à mon égard.

421. (1862) Cours familier de littérature. XIII « LXXIVe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins (5e partie) » pp. 65-128

Danton les suit dans la tombe. […] Ce parti tomba de faiblesse et d’indécision, comme le roi qu’il avait renversé. […] Les places fortes du Nord tombaient ou ne se défendaient qu’avec leurs murailles. […] Quelques larmes tombèrent sur ses genoux. […] La tête de la reine tomba.

422. (1865) Cours familier de littérature. XIX « CXVe entretien. La Science ou Le Cosmos, par M. de Humboldt (4e partie) » pp. 429-500

Dans les forêts de l’équateur, la scène est la même, ou peu s’en faut, tous les jours de l’année, ce qui rend d’autant plus intéressante l’étude du cycle quotidien : chaque jour voit apparaître des bourgeons, des fleurs et des fruits ou tomber des feuilles dans une espèce ou dans l’autre. […] La brise de mer, qui s’est levée vers dix heures et qui a fraîchi à mesure que le soleil devenait plus fort, tombe et meurt. […] Souvent, à midi même, en plein calme, on entend un craquement soudain qui se prolonge au loin ; c’est une grosse branche ou un arbre entier qui tombe. […] Une neige tombée en abondance la nuit précédente en faisait ressortir les gigantesques lignes sur l’horizon ; un ciel bleu, découpé par ses jours, éclatait dans l’intérieur ; il était absorbé dans l’admiration muette, cherchant comment il dresserait dans le ciel le théâtre de la grandeur du Dieu des chrétiens. […] Deux fontaines jaillissantes tombent et retombent éternellement avec la profusion de leur eau dans des bassins de porphyre des deux côtés de l’obélisque.

423. (1866) Cours familier de littérature. XXII « CXXIXe entretien. Fior d’Aliza (suite) » pp. 129-192

Je tombai sur mes deux genoux devant la lucarne pour remercier Dieu de ce qui était pourtant un signe de mort, et je me dis en moi-même : Voilà qu’on lui rend ses membres, à toi maintenant de lui rendre la liberté et la vie ! […] On eût dit qu’une muraille venait de tomber entre lui et moi et que nous nous parlions en nous reconnaissant pour la première fois. […] En disant cela, il se cachait le visage entre ses deux mains, et on voyait de grosses larmes glisser entre ses doigts et tomber sur la paille comme des gouttes de pluie. […] me dit-il en se désespérant et en ouvrant ses deux bras étendus en croix derrière lui, tel qu’un homme qui tombe à la renverse. […] Je sentis fléchir mes jambes sous moi, et, sans l’épaule de mon frère, à laquelle je me retins, je serais tombée à terre ; le petit chien Zampogna, qui l’avait reconnue avant nous, jappa de joie en voulant s’élancer vers elle, mais je le retins par sa chaîne, et nous fûmes bientôt devant la grille ouverte du cachot d’Hyeronimo.

424. (1892) Journal des Goncourt. Tome VI (1878-1884) « Année 1878 » pp. 4-51

Le crépuscule commençait à tomber. […] Samedi 3 août Mon cousin Marin a invité les femmes de la magistrature d’ici, à une pêche aux écrevisses, à la tombée de la nuit. […] Et dans la seconde, il était tombé sur un avoué de la localité, en chemise et en lunettes bleues, qui, ainsi surpris, avait passé tout le temps de la perquisition, assis sur une chaise, le nez dans le mur d’un angle de la pièce. […] Il raconte longuement, voluptueusement, l’anecdote d’un punais, du nez duquel tombe une viscosité, une sépia, qui force le docteur Trousseau à quitter son cabinet, et à n’y rentrer que le lendemain. Et comme bouquet de la fin, il narre l’histoire d’un pessaire retiré, au bout de dix-sept ans, par son père, du ventre d’une marchande de poissons, et dont l’infection était telle, que trois internes de l’hôpital de Rouen tombaient évanouis sur le cul.

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