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418. (1862) Portraits littéraires. Tome I (nouv. éd.) « Quelques documents inédits sur André Chénier »

» Mais le poëte veut sortir de ces ténèbres, il en veut tirer l’humanité. Et ici se serait placée probablement son étude de l’homme, l’analyse des sens et des passions, la connaissance approfondie de notre être, tout le parti enfin qu’en pourront tirer bientôt les habiles et les sages. […] C’est de là qu’il a tiré sa jolie épigramme traduite d’Évenus de Paros : Fille de Pandion, ô jeune Athénienne, etc. […] Il s’est accrédité, parmi quelques admirateurs du poëte, un bruit, que l’édition de 1833 semble avoir consacré ; on a parlé de trois portefeuilles, dans lesquels il aurait classé ses diverses œuvres par ordre de progrès et d’achèvement : les deux premiers de ces portefeuilles se seraient perdus, et nous ne posséderions que le dernier, le plus misérable, duquel pourtant on aurait tiré toutes ces belles choses. […] Satire V : l’image, dans Perse, est celle du chien qui, après de violents efforts, arrache sa chaîne, mais en tire un long bout après lui.

419. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre cinquième. Le peuple. — Chapitre II. Principale cause de la misère : l’impôt. »

Vers la fin du règne de Louis XV, en Limousin, dit Turgot, le roi, à lui seul, tire « à peu près autant de la terre que le propriétaire658 ». […] Ici, nulle précaution de ce genre ; la seconde griffe est aussi visible que la première ; d’après sa structure et d’après les plaintes, je serais presque tenté de croire qu’elle est plus blessante  D’abord, la gabelle, les aides et les traites sont affermées, vendues chaque année à des adjudicataires qui, par métier, songent à tirer le plus d’argent possible de leur marché. […] Pour passer trois ou quatre jours jusqu’au samedi, elles firent bouillir un reste de saumure, dont elles tirèrent quelques onces de sel. […] Les notaires d’Angoulême sont affranchis de la corvée, de la collecte, du logement des gens de guerre, et ni leurs fils, ni leurs premiers clercs ne tirent à la milice. […] Pourquoi « le subdélégué ne fait-il tirer que les indéfendus et ceux qui n’ont pas de protections » ?

420. (1889) Histoire de la littérature française. Tome IV (16e éd.) « Conclusion »

Les phrases du philosophe de Genève, déclamatoires dans l’ouvrage d’où son contradicteur les a tirées, paraissent, en regard de la réfutation, simples et naturelles. […] Le caractère philosophique de ces livres, la morale tirée des événements, la profondeur et la gravité des maximes ; des vues supérieures et des leçons éloquentes sur la part de chacun dans la bonne et la mauvaise fortune des sociétés ; plus de penchant pour le principe d’autorité que pour le principe de liberté, dans une conviction égale de la nécessité des deux choses pour la bonne conduite et pour la gloire des sociétés humaines : toutes ces qualités indiquent que les nobles habitudes de l’enseignement public ont passé par là. […] C’est là son objet : tirer des lettres un enseignement pratique, songer moins à conduire l’esprit que le cœur, prendre plus de souci de la morale que de l’esthétique. […] C’est l’étude passionnée de ces modèles, mêlés et comme identifiés à sa nature, qui inspirait à Ponsard, dans des pièces inégales, les belles scènes où il tire des beautés nouvelles du même cœur humain que Corneille et Molière ont fait parler, et où sa langue, hardie avec goût, neuve sans néologismes, est plutôt un heureux accroissement qu’un écho de la leur. […] Elle y paraît étrangère, comme le sont, dans sa langue naturelle et simple, certaines expressions tirées du vocabulaire romanesque du jour, que la mémoire inattentive de l’écrivain emprunte à de moins riches que lui.

421. (1889) Le théâtre contemporain. Émile Augier, Alexandre Dumas fils « Émile Augier — CHAPITRE VI »

Additionnez les frais de location d’une école avec ceux de son a b c, tiré à vingt-cinq mille exemplaires, vous compléterez à peine une somme ronde de dix mille écus. […] Administrateur de quatre ou cinq grandes compagnies, il tire de ces sinécures les premiers frais de son existence ; le reste est fourni par la Bourse, où il joue avec un bonheur impudent. […] D’Estrigaud l’espère et reprend courage. — « Quel bonheur que tu puisses te tirer d’affaire sans m’épouser !  […] D’Estrigaud, tiré de sa syncope par les seaux de larmes qu’elle verse sur lui, se décide enfin à rouvrir les yeux. […] Emile Augier a tiré de cet arrangement nouveau deux scènes vigoureuses : d’Estrigaud, se redressant furieux lorsque sa fraude est découverte, jette à André Lagarde une provocation ; il prétend tuer, pour sa peine, celui qui vient de le ressusciter en sursaut.

422. (1895) La comédie littéraire. Notes et impressions de littérature pp. 3-379

Ils travaillent pour amasser un capital et en tirer bon parti. […] Et vous allez voir le parti qu’il en va tirer. […] D’accomplir un acte de justice, de tirer de l’enfer un damné ? […] Quel parti en tirera-t-il ? […] De ses méditations il pouvait tirer un traité d’économie politique, ou un livre de morale.

423. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Les Chants modernes, par M. Maxime du Camp. Paris, Michel Lévy, in-8°, avec cette épigraphe. « Ni regret du passé, ni peur de l’avenir. » » pp. 3-19

Brizeux, dans son dernier recueil, s’applique à tirer des simples histoires de la vie privée leur fleur de morale et de poésie. […] En parlant ainsi, vous tirez en plein sur vos troupes ; vous avez même l’air de tirer sur vos généraux.

424. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Entretiens de Gœthe et d’Eckermann (suite et fin.) »

Malgré son Gœtz de Berlichingen, Gœthe n’était point par goût et par choix dans le sens et l’esprit du moyen âge ; il n’aimait aucunement, même dans le mirage du lointain, la barbarie ni rien de ce qui y ressemblait : « De cette ancienne et ténébreuse Allemagne, disait-il un jour à propos d’une production de La Motte-Fouqué, il y a pour nous à tirer aussi peu que des chants serbes et des autres poésies barbares du même genre. […] Et ce sentiment se reproduisait encore avec bien de l’ampleur et de l’énergie dans ces paroles, lorsqu’il disait dans son aversion pour la politique étroite : « Dès qu’un poëte veut avoir une influence politique, il faut qu’il se donne à un parti, et, dès qu’il agit ainsi, il est perdu comme poëte ; il faut qu’il dise adieu à la liberté de son esprit, de son coup d’œil : il se tire jusque par-dessus les oreilles la chape de l’étroitesse d’esprit et de l’aveugle haine. […] De ces jugements de Gœthe sur Hugo, je ne donnerai que celui-ci, tiré d’une lettre à Zelter du 28 juin 1831 : « Notre-Dame de Paris de Victor Hugo éblouit par les qualités que lui donne une étude attentive et bien mise à profit des mœurs, de la physionomie locale, des événements du passé ; mais, dans les personnages, il n’y a absolument aucune apparence de vie naturelle.

425. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Salammbô par M. Gustave Flaubert. » pp. 31-51

Ceux qui admiraient son art et sa force sentaient pourtant quelques-uns de ses défauts, cette description trop continue, cette tension perpétuelle qui faisait que chaque objet venait saillir au premier plan et tirer le regard ; on aurait voulu aussi que, sans renoncer à aucune hardiesse, à aucun droit de l’artiste sincère, il purgeât son œuvre prochaine de tout soupçon d’érotisme et de combinaison trop maligne en ce genre : l’artiste a bien des droits, y compris celui même des nudités ; mais il est besoin qu’un certain sérieux, la passion, la franchise de l’intention et la force du vrai l’absolvent et l’autorisent. […] Il a cru devoir insister sur cette guerre atroce, que quelques-uns avaient qualifiée d’inexpiable, et il en a tiré une leçon politique sur les dangers qu’il y a pour un État à se servir de troupes étrangères, surtout quand elles sont comme celles-ci, confuses et ramassées de toutes parts. […] Une médaille, une inscription, un pan de mur découvert, une poterie quelconque, sont choses désormais respectables et presque sacrées : des savants ingénieux sont arrivés à tirer de ces fragments, en apparence si mutilés et si secs, des conséquences de tout genre et d’un grand prix.

426. (1887) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Troisième série « Gaston Paris et la poésie française au moyen âge »

Le travail enragé de presque tous les érudits sur le passé n’aboutit la plupart du temps qu’à découvrir ou à démontrer de petits faits purement contingents, absolument vides de signification, et dont il n’y a rien à tirer pour la connaissance de l’humanité et de son histoire. […] Celui qui, par un motif patriotique, religieux et même moral, se permet dans les faits qu’il étudie, dans les conclusions qu’il tire, la plus petite dissimulation, l’altération la plus légère, n’est pas digne d’avoir sa place dans le grand laboratoire où la probité est un titre d’admission plus indispensable que l’habileté. Ainsi comprises, les études communes, poursuivies avec le même esprit dans tous les pays civilisés, forment au-dessus des nationalités restreintes, diverses et trop souvent hostiles, une grande patrie qu’aucune guerre ne souille, qu’aucun conquérant ne menace, et où les âmes trouvent le refuge et l’unité que la cité de Dieu leur a donnés en d’autres temps. » Et voici une autre page où cet amour de la vérité s’exprime comme ferait la foi jalouse d’un croyant, en laisse voir les scrupules, les délicatesses, les pieuses intransigeances : … Il y a au cœur de tout homme qui aime véritablement l’étude une secrète répugnance à donner à ses travaux une application immédiate : l’utilité de la science lui paraît surtout résider dans l’élévation et dans le détachement qu’elle impose à l’esprit qui s’y livre ; il a toujours comme une terreur secrète, en indiquant, au public les résultats pratiques qu’on peut tirer de ses recherches, de leur enlever quelque chose de ce que j’appellerai leur pureté.

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