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320. (1885) Préfaces tirées des Œuvres complètes de Victor Hugo « Préfaces des recueils poétiques — Dédicace, préface et poème liminaire de « La Légende des siècles » (1859) — La vision d’où est sorti ce livre (1857) »

Ce rêve était l’histoire ouverte à deux battants ; Tous les peuples ayant pour gradins tous les temps ; Tous les temples ayant tous les songes pour marches ; Ici les paladins et là les patriarches ; Dodone chuchotant tout bas avec Membré ; Et Thèbe, et Raphidim, et son rocher sacré Où, sur les juifs luttant pour la terre promise, Aaron et Hur levaient les deux mains de Moïse ; Le char de feu d’Amos parmi les ouragans ; Tous ces hommes, moitié princes, moitié brigands, Transformés par la fable avec grâce ou colère, Noyés dans les rayons du récit populaire, Archanges, demi-dieux, chasseurs d’hommes, héros Des Eddas, des Védas et des Romanceros ; Ceux dont la volonté se dresse fer de lance ; Ceux devant qui la terre et l’ombre font silence ; Saül, David ; et Delphe, et la cave d’Endor Dont on mouche la lampe avec des ciseaux d’or ; Nemrod parmi les morts ; Booz parmi les gerbes ; Des Tibères divins, constellés, grands, superbes, Étalant à Caprée, au forum, dans les camps, Des colliers que Tacite arrangeait en carcans ; La chaîne d’or du trône aboutissant au bagne. […] C’est la tradition tombée à la secousse Des révolutions que Dieu déchaîne et pousse ; Ce qui demeure après que la terre a tremblé ; Décombre où l’avenir, vague aurore, est mêlé ; C’est la construction des hommes, la masure Des siècles, qu’emplit l’ombre et que l’idée azure, L’affreux charnier-palais en ruine, habité Par la mort et bâti par la fatalité, Où se posent pourtant parfois, quand elles l’osent, De la façon dont l’aile et le rayon se posent, La liberté, lumière, et l’espérance, oiseau ; C’est l’incommensurable et tragique monceau, Où glissent, dans la brèche horrible, les vipères Et les dragons, avant de rentrer aux repaires, Et la nuée avant de remonter au ciel ; Ce livre, c’est le reste effrayant de Babel ; C’est la lugubre Tour des Choses, l’édifice Du bien, du mal, des pleurs, du deuil, du sacrifice, Fier jadis, dominant les lointains horizons, Aujourd’hui n’ayant plus que de hideux tronçons, Épars, couchés, perdus dans l’obscure vallée ; C’est l’épopée humaine, âpre, immense, — écroulée.

321. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Seconde partie. Poétique du Christianisme. — Livre cinquième. La Bible et Homère. — Chapitre III. Parallèle de la Bible et d’Homère. — Termes de comparaison. »

On lave les pieds du voyageur : il s’assied à terre, et prend en silence le repas de l’hospitalité. […] Il en résulte un ébranlement, un froissement incroyable pour l’âme : car lorsque, exalté par la pensée, l’esprit s’élance dans les plus hautes régions, soudain l’expression, au lieu de le soutenir, le laisse tomber du ciel en terre, et le précipite du sein de Dieu dans le limon de cet univers. […] Cette coutume de jurer par la génération des hommes est une naïve image des mœurs des premiers jours du monde, alors que la terre avait encore d’immenses déserts, et que l’homme était pour l’homme ce qu’il y avait de plus cher et de plus grand.

322. (1827) Génie du christianisme. Seconde et troisième parties « Troisième partie. Beaux-arts et littérature. — Livre quatrième. Éloquence. — Chapitre II. Des Orateurs. — Les Pères de l’Église. »

Augustin offre pourtant un autre tableau : un jeune homme ardent et plein d’esprit s’abandonne à ses passions ; il épuise bientôt les voluptés, et s’étonne que les amours de la terre ne puissent remplir le vide de son cœur. […] Le saint ne se confesse point à la terre, il se confesse au ciel ; il ne cache rien à celui qui voit tout. […] vous me fîtes alors sentir votre bonté et votre miséricorde, en m’accablant d’amertume ; car, au lieu des douceurs que je m’étais promises, je ne connus que jalousie, soupçons, craintes, colère, querelles et emportements. » Le ton simple, triste et passionné de ce récit, ce retour vers la Divinité et le calme du Ciel, au moment où le saint semble le plus agité par les illusions de la terre, et par le souvenir des erreurs de sa vie : tout ce mélange de regrets et de repentir est plein de charmes.

323. (1827) Principes de la philosophie de l’histoire (trad. Michelet) « Principes de la philosophie de l’histoire — Livre cinquième. Retour des mêmes révolutions lorsque les sociétés détruites se relèvent de leurs ruines — Chapitre II. Comment les nations parcourent de nouveau la carrière qu’elles ont fournie, conformément à la nature éternelle des fiefs. Que l’ancien droit politique des romains se renouvela dans le droit féodal. (Retour de l’âge héroïque.) » pp. 362-370

Cet obsequium avec les charges qui en étaient la suite, fut vers la fin la condition des affranchis, liberti, qui restaient à l’égard de leur patron dans une sorte de dépendance ; mais il avait commencé avec Rome même, puisque l’institution fondamentale de cette cité fut le patronage, c’est-à-dire, la protection des malheureux qui s’étaient réfugiés dans l’asile de Romulus, et qui cultivaient, comme journaliers, les terres des patriciens. […] À cette expression répond celle de clientes dans le sens de vassaux roturiers, tels que purent être les clients, lorsque Servius Tullius par l’institution du cens, leur permit de tenir des terres en fiefs. […] C’était dans l’origine des terres accordées par les seigneurs aux prières des pauvres qui vivaient du produit de la culture. — (Voy.

324. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Ghéon, Henri (1875-1944) »

Henri Ghéon est un amoureux de la nature, un poète qui sait bien voir et souvent bien rendre les féeries et les enchantements des prés et des bois… Dans ce livre, qui fleure bon la terre et l’herbe fauchée, on ne regrette qu’un métier plus habile et une musique moins élémentaire. […] On risque de voir la terre et la campagne d’après les livres, à travers Virgile et Lamartine, et de composer des paysages Actifs trop semblables à ceux qu’ils décrivirent.

325. (1875) Les origines de la France contemporaine. L’Ancien Régime. Tomes I et II « Livre quatrième. La propagation de la doctrine. — Chapitre II. Le public en France. »

Quand on opère sur les choses réelles, on n’est pas tenté de planer dans le monde imaginaire ; par cela seul qu’on est à l’ouvrage sur la terre solide, on répugne aux promenades aériennes dans l’espace vide. […] Nos bonnes gens n’ont plus le temps d’être gais, ils ont trop à faire ; il faut d’abord qu’ils mettent par terre Dieu et le roi ; tous et chacun, hommes et femmes, s’emploient en conscience à la démolition. […] Toute terre ne doit-elle pas payer, et une terre peut-elle payer au-delà de son produit net ? […] Lorsque Latude sort de Bicêtre, Mme de Luxembourg, Mme de Boufflers et Mme de Staël veulent dîner avec Mme Legros, l’épicière qui « depuis trois années a remué ciel et terre » pour délivrer le prisonnier. […] Le duc de Charost, dès 1770549, abolit sur ses terres les corvées seigneuriales et fonde un hôpital dans sa seigneurie de Meillant.

326. (1859) Cours familier de littérature. VII « XXXIXe entretien. Littérature dramatique de l’Allemagne. Le drame de Faust par Goethe (2e partie) » pp. 161-232

Cet homme olympique montait de la terre au ciel et descendait du ciel à la terre avec la souplesse et la prestance d’un demi-dieu. […] misérable sur la terre ! […] que ne reprends-tu ta forme de ver de terre pour que je puisse t’écraser du pied ! […] Qu’est-ce qui s’élève de terre ? […] La nature, qui a ses saisons de fécondité morale comme la terre a ses saisons de sève et de fertilité matérielles, semblait avoir enfanté en peu d’années une race de géants pour l’Allemagne.

327. (1861) Cours familier de littérature. XI « LXIe entretien. Suite de la littérature diplomatique » pp. 5-79

L’égalité de grandeur, quoique de grandeur diverse dans les deux peuples, s’y oppose ; il faudrait pour cela que l’Angleterre renonçât à la terre ou que la France renonçât à la mer, et que chacun de ces deux peuples se contentât de l’empire d’un seul des deux éléments. […] Et moi, j’ose vous dire : L’Europe entière, pendant trente ans de guerre sur terre et sur mer, ne suffirait pas à les remplir. […] Ce vice est commun à tous les gouvernements orientaux ; on peut même dire qu’il est endémique en Orient, ce vice de mauvaise administration ; il tient aux lieux, aux climats, à la configuration des terres, aux montagnes, aux distances, aux déserts. […] Les flottes anglaises et les flottes françaises combinées détruiraient tous les jours par mer ce que l’Autriche aurait construit d’empire sur la terre ; Constantinople aurait le sort de Sébastopol avant qu’une année fût écoulée. […] C’est une proie qui est évidemment dévolue à ses rivaux de terre et de mer ; à aucun prix la France ne doit leur faciliter ou leur livrer une telle proie.

328. (1914) Note sur M. Bergson et la philosophie bergsonienne pp. 13-101

Après cela, j’ai examiné quels étaient les premiers et les plus ordinaires effets qu’on pouvait déduire de ces causes ; et il me semble que par là j’ai trouvé des deux, des astres, une terre, et même sur la terre de l’eau, de l’air, du feu, des minéraux, et quelques autres telles choses, qui sont les plus communes de toutes et les plus simples, et par conséquent les plus aisées à connaître. […] Il croit qu’il a déduit les cieux, les astres, une terre. […]   Nous qui avons vu tout le progrès et les développements de la physique depuis Descartes et qui les voyons tous les jours, que pouvons-nous penser d’une telle qualification et, par suite, d’une telle affirmation que les cieux, les astres, une terre, et même sur la terre de l’eau, de l’air, du feu, des minéraux et quelques autres telles choses seraient les plus communes de toutes et les plus simples, et par conséquent les plus aisées à connaître. […] (Que de déclarer que des cieux et une terre sont aisés à connaître.) […] C’est seulement celle qui, un jour, s’est bien battue au coin de ce bois : Heureux ceux qui sont morts pour quatre coins de terre.

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