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485. (1917) Les diverses familles spirituelles de la France « Chapitre vii »

… » met d’une manière vivante sous nos yeux le sentiment de ceux qui tiennent leur terre pour un sanctuaire et reçoivent leur loi des morts qu’ils révèrent. […] Ils tenaient à la mettre en formules. […] Sa joie intérieure est si forte qu’elle tient en échec les plus violentes misères du dehors.‌ […] Le corps a tenu en échec pendant vingt jours trois cent cinquante mille Boches sans perdre un pouce de terrain.‌ […] Le général de division, ce matin, en nous félicitant de notre «  indomptable énergie », a ajouté: « On pourra dire dans l’histoire : Tenir comme le 66e ! 

486. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « William Cowper, ou de la poésie domestique (I, II et III) — I » pp. 139-158

Ces lèvres sont les tiennes ; — c’est bien ton doux sourire que je vois, le même qui me consola si souvent dans mon enfance : il ne leur manque que la parole ; à cela près, comme elles semblent dire clairement : « Ne te chagrine point, mon enfant, chasse loin toutes tes frayeurs !  […] S’il pleuvait ou s’il faisait trop de vent pour sortir, la conversation se tenait au-dedans, ou bien on chantait quelques hymnes que Mme Unwin accompagnait sur le clavecin, et dans ce petit concert spirituel, c’était le cœur de chacun qui faisait le mieux sa partie. […] Il fut malade trois jours ; durant ce temps, je le nourris moi-même, je le tins séparé de ses compagnons pour qu’ils ne lui fissent point de mal (car les lièvres, comme plusieurs autres animaux sauvages, tourmentent l’individu de leur espèce, qu’ils voient malade), et, grâce à des soins constants et en le traitant avec des herbes variées, je lui rendis une parfaite santé. […] D’abord il ne faisait des vers que par manière d’amusement, comme il faisait des cages, comme il soignait des fleurs, comme il dessinait le paysage, cependant avec feu toujours ; il avait des veines pour chacun de ses goûts, et quand l’un le tenait, les autres devaient céder le pas pour quelque temps. […] [NdA] Cette traduction est celle d’une jeune femme enlevée trop tôt à l’affection de sa famille et de ses amis, Mme Langlais, épouse du député au corps législatif et fille de notre célèbre poète, Mme Desbordes-Valmore, de qui elle tenait le don de poésie.

487. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Une petite guerre sur la tombe de Voitture, (pour faire suite à l’article précédent) » pp. 210-230

Mais Balzac n’était pas homme à s’en tenir là. […] La Défense des ouvrages de M. de Voiture, dédiée à M. de Balzac, parut avec une préface de Martin de Pinchêne, neveu de Voiture, lequel reconnaissait tenir le manuscrit des mains de Conrart et prenait sur lui la responsabilité de la publication. […] Rose, alors premier secrétaire du cardinal Mazarin, en ayant lu des passages à Son Éminence, Costar reçut, sans savoir à qui il était redevable de ce bon office, une gratification de cinq cents écus ; il faisait bon en ce temps-là de défendre la mémoire de Voiture, cet auteur chéri dont Sorbière disait : « On est forcé de louer Hobbes, Descartes, Balzac, mais on est bien aise de louer Voiture. » Coslar ne se tenait pas de joie ; une fois en veine, il ne crut pas devoir s’arrêter, il ouvrit et desserra tous ses lieux communs et publia en 1654, sous ce titre un peu prétentieux : Les Entretiens de M. de Voiture et de M.  […] Les deux chefs avaient vécu entre eux dans les termes les plus décents ; mais après leur mort, leurs disciples et les gens de leur suite n’y tinrent pas, ils en vinrent aux mains, ils se gourmèrent : c’est l’histoire du débat de Girac et de Coslar. […] Il supposa d’abord inexactement que M. de Girac avait blâmé Voiture de ce qu’il n’écrivait point du tout dans le goût de Balzac, nihil Balzacianum, ce que M. de Girac n’avait pas exprimé de la sorte ni dans ces termes absolus : Il dit (c’est Costar qui parle) que M. de Voiture n’écrit pas de votre manière ; qu’il ne parle pas Balzac ; qu’il ne tient rien de ce noble caractère qui relève si fort vos pensées et vos paroles.

488. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres de Frédéric-le-Grand Correspondance avec le prince Henri — II » pp. 375-394

Frédéric s’empressa de visiter la portion de territoire qui lui était échue : J’ai vu, dit-il (12 juin 1772), cette Prusse (polonaise) que je tiens en quelque façon de vos mains ; c’est une très bonne acquisition et très avantageuse, tant pour la situation politique de l’État que pour les finances ; mais, pour avoir moins de jaloux, je dis à qui veut l’entendre que je n’ai vu sur tout mon passage que du sable, des sapins, de la bruyère et des juifs. […] Il n’y a point de gloire, mon cher frère, qu’à surmonter de grandes difficultés ; dans le monde on ne tient aucun compte des choses qui ne coûtent aucune peine. […] Il est curieux de voir, à cette fin de campagne, l’impatience du vieux guerrier qui, arrivé toutefois à son but pour la politique, frémit de colère de n’avoir pu frapper un dernier coup, et de se voir obligé à remettre l’épée dans le fourreau sans s’être vengé une bonne fois de ses ennemis dans une bataille : « En fait de campagne, disait-il en se jugeant avec une sorte d’amertume, nous n’avons fait (cette fois) que des misères55. » Dans les années qui suivent, on retrouve Frédéric et le prince Henri en conversation par lettres, en discussion philosophique sur les objets qui peuvent le plus intéresser les hommes, la religion, la nature humaine et le rang qu’elle tient dans l’univers, les ressorts et mobiles qui sont en elle, et les freins qu’on y peut mettre. […] Le roi surtout, à l’exemple de Bayle et de Montaigne, tient fort à rabattre, à humilier notre espèce : « Je suis persuadé que les fourmis de votre jardin de Rheinsberg se font souvent la guerre, mon cher frère, pour un grain de millet, et que vous n’avez aucune notion de leurs fameuses querelles. […] Il pouvait avoir à peu près cinquante-cinq ans à cette époque ; il était petit, mince, et sa taille, quoiqu’il se tînt fort droit, n’avait aucune noblesse.

489. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « La comtesse de Boufflers. »

Tenez, voyez-vous ces grands arbres ? […] Ce fusil était chargé à balle, et il le tenait en main, lorsque malheureusement, en le tournant et le retournant, le coup vint à partir et tua roide  mort le Père du Cerceau qui était vis-à-vis de lui. […] repartit vivement le prince, entêté, non, ce mot n’est pas dans mon dictionnaire, mais je suis ferme. » Diderot passa de là chez la comtesse de Boufflers, « avec qui il n’était pas aisé de se familiariser » ; il n’y tint pas davantage, et il lui mit, tout en causant, la main sur les genoux, tout comme il avait fait à l’impératrice Catherine. […] Un jour que le comte de La Marche, fils du prince de Conti, demandait à M. de Choiseul, alors ministre de la guerre, la croix de Saint-Louis pour un officier, comme M. de Choiseul refusait de la donner en disant que le sujet ne la méritait pas encore, le comte de La Marche insista ; M. de Choiseul tint bon, quoiqu’il ne fût pas d’usage de refuser là-dessus un prince du sang. […] « Vous pouvez penser que depuis mon retour à Paris, je n’ai cessé de tenir ouverts mes yeux et mes oreilles pour ne rien perdre de ce qui a rapport à votre affaire.

490. (1866) Nouveaux lundis. Tome VI « Lettres inédites de Michel de Montaigne, et de quelques autres personnages du XVIe siècle »

Nos superstitions sont de plus d’un genre, et toutes elles tiennent de près à des religions. […] Il traversait ses divers rôles, il ne s’y tenait pas. […] Le bourgeois de Bordeaux n’était aucunement taillable ; il pouvait tenir tous biens noblement, etc. […] Cette bonne contenance, que chacun tint d’après son conseil, eut son effet, et le péril fut conjuré. […] Il ne tient qu’à nous, à le voir errant à la tête de sa petite tribu et cherchant pour elle les gîtes les plus sûrs, de louer en lui un bon et courageux père de famille qui sut remplir tous ses devoirs envers ceux dont le salut lui était plus particulièrement confié.

491. (1867) Nouveaux lundis. Tome VIII « Catinat (suite.). Guerre des Barbets. — Horreurs. — Iniquités. — Impuissance. »

Une assemblée solennelle de tous les délégués des vallées se tint à Rocheplate le 19 avril ; c’était le vendredi saint. […] … Deux ou trois années se passèrent ; le mal du pays tenait à cœur aux Vaudois exilés ; ils se comparaient aux Hébreux en captivité, et, comme le peuple de Dieu, ils croyaient fermement au retour et à la délivrance. […] Ils en tenaient les postes les plus escarpés ; pour cela, il avait fallu combattre, et c’était toute une guerre qui recommençait. […] Catinat rentrait trop aisément dans le second rôle : bien faire le jour de l’action, et puis se tenir en deçà plutôt qu’aller au-delà. Un autre, à sa place, aurait frémi d’être ainsi tenu en laisse après un triomphe ; lui, il s’en accommode, il n’en est pas fâché au fond et s’en lave les mains.

492. (1890) L’avenir de la science « XIII »

Mais souvent ils ont bien l’air de tenir aux détails pour eux-mêmes. […] J’ai vanté la polymathie et la variété des connaissances comme méthode philosophique ; mais je crois qu’en fait de travaux spéciaux on ne peut se tenir trop sévèrement dans sa sphère. […] S’occupant exclusivement de leurs études, ils tiennent tout le reste pour inutile et considèrent comme profanes tous ceux qui ne s’occupent pas des mêmes recherches qu’eux. […] Ce défaut tient encore à une autre vanité des savants, qui tient elle-même de très près à l’esprit superficiel, contre lequel ils ont une si juste horreur : c’est de faire des livres non pour être lus, mais pour prouver leur érudition. […] Toutefois, comme il est vrai de dire qu’un système incomplet, pourvu qu’on n’y tienne pas d’une façon étroite, vaut mieux que l’absence de système, il serait peut-être désirable que, sans prétendre faire une œuvre définitivement scientifique, on esquissât, d’après l’état actuel des études sanscrites, une sorte de manuel ou d’introduction à cette littérature.

493. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Lettres de Mlle de Lespinasse. » pp. 121-142

Mme Du Deffand n’eut de cesse qu’elle n’eût tiré cette jeune personne de sa province, et qu’elle ne l’eût logée avec elle au couvent de Saint-Joseph pour lui tenir compagnie, lui servir de lectrice et lui être d’une ressource continuelle. […] Mlle de Lespinasse, n’ayant moyen de donner à dîner ni à souper, se tenait très exactement chez elle de cinq heures à neuf heures du soir, et son cercle se renouvelait tous les jours dans cet intervalle de la première soirée. […] Tout est destinée dans ce monde, et l’Espagne n’était pas digne d’avoir un M. de Mora. » Et encore (8 juillet) : « Il y a des vies qui tiennent à la destinée des empires. […] Reconnaissons toutefois qu’un homme qui put être à ce point aimé de Mlle de Lespinasse, et qui, ensuite, eut le premier l’honneur d’occuper Mme de Staël, devait avoir de ces qualités vives, animées, qui tiennent à la personne, qui donnent le change sur les œuvres tant que leur père est là présent. […] [NdA] Voici une anecdote que je tiens d’original.

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