Elle crut qu’une victoire obtenue sur l’amour le plus vrai et le plus tendre ennoblissait le sujet, et en cela elle ne se trompait pas ; mais elle avait encore un intérêt secret à voir cette victoire représentée sur le théâtre : elle se ressouvenait des sentiments qu’elle avait eus longtemps pour Louis XIV et du goût vif de ce prince pour elle. […] Je ne sais à quel ton au juste appartiennent, dans l’ordre des genres, tant de vers faciles, tendres, naturels et amoureux, mais qui sont le soupir et la plainte de tous les cœurs bien touchés : Voyez-moi plus souvent, et ne me donnez rien ! […] Les difficultés du rôle étaient réelles : Bérénice est un personnage tendre ; le plus racinien possible, le plus opposé aux héroïnes et aux adorables furies de Corneille ; c’est une élégie ; Mademoiselle Gaussin y avait surtout triomphé à l’aide d’une mélodie perpétuelle et de cette musique ; de ces larmes dans la voix, dont l’expression a d’abord été trouvée pour elle par La Harpe lui-même.
Remarquez comme, dans la littérature de notre temps, tous nos sentiments, toutes nos façons d’être, toutes nos attitudes intellectuelles et morales se sont tendues et exaspérées. […] Toute âme un peu douce, un peu tendre, un peu soucieuse de l’équité, un peu pitoyable à ce peuple dont on n’a guère le droit d’exciter les appétits quand on n’a rien à lui donner, sera effrayée et scandalisée de l’œuvre de M. […] Le personnage que nous jouons, par nécessité ou par goût, ce que nous livrons de nous-mêmes au public, c’est rarement nous tout entiers, et, comme dit Balzac, « nous mourons tous inconnus. » Tel qui, dans son journal, sème l’outrage et la révolte ; tel qui, moitié par tempérament, moitié sous la pression des circonstances, a fait de la démagogie sa carrière, est l’homme le plus doux, le meilleur ami, le père de famille le plus tendre et plus dévoué.
Ou, au contraire, reproduit-il avec prédilection les nuances douces et tendres, les harmonies délicates et changeantes comme celles du cou de la colombe ? […] Parcourez toute l’œuvre de Colin d’Harleville : vous n’y trouverez que des affections douces, des sentiments tendres voilés d’une légère brume de mélancolie. […] Nous savons à n’en pas douter, par ces conflits violents de devoirs et de passions autant que par ses aveux formels, qu’il a prétendu frapper fort, faire couler des flots de larmes, tendre les nerfs jusqu’au paroxysme.
Ce mode de reproduction mentale peut s’établir de la façon suivante : « Des actions, sensations, sentiments qui se produisent ensemble ou se succèdent immédiatement, tendent à naître ensemble, à adhérer de telle façon que quand plus tard l’un se présente à l’esprit, les autres sont aussi représentés. » Les états associés peuvent être ou bien de même nature (sons avec sons, mouvements avec mouvements, etc.), ou de nature différente (couleur avec résistance, mouvement avec distance, etc.). […] La loi qui la régit s’énonce ainsi : « Les actions, les sensations, pensées ou émotions présentes tendent à raviver celles qui leur ressemblent, parmi les impressions ou états antérieurs. » L’association par contiguïté sert surtout à acquérir, l’association par ressemblance sert surtout à découvrir : elle joue un rôle prépondérant dans le raisonnement et les divers procédés scientifiques. […] Il y a ici moins qu’une identité ; de là des comparaisons trompeuses qui ont donné lieu à de fausses conclusions, comme l’assimilation de la société à la famille, ce qui tendrait à faire du souverain un tuteur ou un despote.
Nous qui n’y étions pas, nous ne pouvons parler qu’avec une extrême réserve de cette époque comme mythologique de Mme Récamier, où elle nous apparaît de loin telle qu’une jeune déesse sur les nuées ; nous n’en pouvons parler comme il siérait, non pas qu’il y ait rien à cacher sous le nuage, mais parce qu’une telle beauté tendre et naissante avait de ces finesses qui ne se peuvent rendre si on ne les a du moins aperçues. […] Non, elle n’a jamais aimé, aimé de passion et de flamme ; mais cet immense besoin d’aimer que porte en elle toute âme tendre se changeait pour elle en un infini besoin de plaire, ou mieux d’être aimée, et en une volonté active, en un fervent désir de payer tout cela en bonté. […] Une personne d’un esprit aussi délicat que juste, et qui l’a bien connue, disait de Mme Récamier : « Elle a dans le caractère ce que Shakespeare appelle milk of human kindness (le lait de la bonté humaine), une douceur tendre et compatissante.
Leur premier chapitre est de prouver la Divinité par les ouvrages de la nature. » Et continuant de développer sa pensée, il prétend que ces discours, qui tendent à démontrer Dieu dans ses œuvres naturelles, n’ont véritablement leur effet que sur les fidèles et ceux qui adorent déjà. […] « Il est bon, s’écrie-t-il, d’être lassé et fatigué par l’inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au Libérateur. » On n’a jamais mieux fait sentir que lui ce que c’est que la foi ; la foi parfaite, c’est « Dieu sensible au cœur, non à la raison. — Qu’il y a loin, dit-il, de la connaissance de Dieu à l’aimer ! […] En le prenant de la sorte, on résistera suffisamment à sa logique quelque peu étroite, opiniâtre et absolue ; on s’ouvrira cependant à cette flamme, à cet essor, à tout ce qu’il y a de tendre et de généreux en lui ; on s’associera sans peine à cet idéal de perfection morale qu’il personnifie si ardemment en Jésus-Christ, et l’on sentira qu’on s’est élevé et purifié dans les heures qu’on aura passées en tête-à-tête avec cet athlète, ce martyr et ce héros du monde moral invisible : Pascal pour nous est tout cela.
Il avait l’imagination tendre et vive ; enfant, sa pensée se tournait naturellement aux choses célestes, et, dans ce pays de montagnes, il s’était accoutumé à les considérer comme les colonnes qui portaient le palais du Roi des mondes ; il ne s’agissait que de gravir pour y atteindre : Comme cette pensée roulait sans cesse dans son esprit, nous dit M. de Rémusat, qui se fait ici le traducteur excellent et l’humble interprète du premier biographe, il arriva qu’une nuit, il crut la réaliser. […] Anselme avait, je l’ai dit, l’âme tendre, la conscience délicate ; ces reproches de son père et ceux qu’il se faisait à lui-même le portèrent à un grand parti : il résolut de quitter le pays ; accompagné d’un seul clerc pour serviteur, il traversa le Mont-Cenis ; épuisé de fatigue et défaillant, on raconte que, pour réparer un peu ses forces, il ne trouvait à manger que la neige du chemin : Un âne portait leur mince bagage ; le serviteur inquiet chercha s’il n’y trouverait pas quelque nourriture, et, contre son attente, il trouva du pain blanc qui leur rendit la vie. […] En tous les lieux où il allait, sa belle et douce figure, sa physionomie vénérable et tendre, et comme doucement rayonnante, le faisaient aimer : des disciples chéris s’attachaient à lui et ne le quittaient plus.
On roula sur un tas d’ossements, comme l’autre, cette nouvelle tête d’Yorick, de ce pauvre bouffon d’Yorick, dans laquelle avaient fleuri tant de pensées joyeuses et tendres, et ce ne furent pas les fossoyeurs de Shakespeare qui jouèrent à la boule avec cette tête de génie, ce furent, avec leurs mains sanglantes, des chirurgiens ! […] , reprocha à Sterne sa dureté de cœur envers sa mère, comme si, lui, avait été si tendre déjà avec la sienne ! […] Il est, lui, le Rabelais des Délicats et des Tendres, dans les parties du Tristram Shandy qui sont réussies : l’histoire de Le Fèvre, l’abbesse des Andouillettes, etc., et surtout ces types heureux de M.
Il suit du premier défaut que le style dans cette partie est trop tendu et trop continuellement magnifique. […] Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns.