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1465. (1913) La Fontaine « I. sa vie. »

Voilà le système.

1466. (1886) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Première série

Pourtant il est bon de constater que le poète, qui représente dans ce qu’il a de meilleur l’esprit de ce siècle finissant, a reçu une éducation plus scientifique que littéraire par la grâce de la fameuse « bifurcation », médiocre système pour la masse, mais qui fut bon pour lui parce qu’il avait en lui-même de quoi le corriger. […] Cela nous avertit qu’il ne s’agit pas précisément d’un système philosophique, d’une théorie de l’univers et de la vie, mais plutôt d’un état intellectuel et sentimental. […] Voyez par là-dessus le Bossuet de Rigaud, front arrondi et dur comme un roc, bouche sévère, face ample et bien nourrie, tête rejetée en arrière ; magnifique dans l’écroulement des draperies pesantes et des satins aux belles cassures (il ne traînait pas toutes ces étoffes en chaire, mais je le vois ainsi quand même) : Bossuet, gardien et captif volontaire d’un des plus puissants systèmes de dogmes religieux et sociaux qui aient jamais maintenu dans l’ordre une société humaine, et participant, dans toute son attitude, de la majesté des fictions dont il conservait le dépôt. […] Ce sont systèmes de blocs unis par des crampons apparents. […] IV Ces préférences, réduites en système, l’ont certainement rendu, non pas injuste, mais chagrin, mais défiant à l’égard d’une grande partie de la littérature contemporaine, quoiqu’il se soit peut-être adouci depuis son premier article sur le Réalisme en 1875 et qu’il ait été un jour presque clément à Flaubert et, maintes fois, presque caressant pour M. 

1467. (1895) Nos maîtres : études et portraits littéraires pp. -360

En somme, cette doctrine est un effort précieux à construire le système complet des choses, mais a priori, arbitrairement, par le moyen d’un procédé facile et sans grande portée. […] Renan se manifeste à nous un philosophe très dogmatique, un croyant, d’invariable et naïve foi ; l’auteur encore du système le plus homogène que, depuis Hegel et Spencer, nous ayons connu. […] Non point qu’il se rallie sans réserve à la doctrine modèle du Transformisme, énoncée par Darwin, posée en système total par M.  […] Celle-là a inventé un système de correspondance, lui permettant de transmettre à des milliers de lieues une lettre qu’il suffit, pour cela, de déposer sur un guéridon. […] Jamais la pure beauté d’une image ou d’un rythme ne m’avait donné ce frisson de plaisir que me donnait, par exemple, la vérité d’un roman ou la subtilité d’un système philosophique.

1468. (1882) Études critiques sur l’histoire de la littérature française. Deuxième série pp. 1-334

Et c’est un système. […] Contentons-nous donc d’observer, en premier lieu, qu’il n’y a pas de système de morale qui ne soit dans la dépendance entière de quelque métaphysique. […] Ils déclamaient contre le despotisme et ils étaient pensionnés par des despotes… Ils faisaient tantôt des livres contre la cour, et tantôt des dédicaces aux rois, des discours pour les courtisans et des madrigaux pour les courtisanes ; ils étaient fiers dans leurs écrits et rampants dans les antichambres… On leur doit en grande partie cette espèce de philosophie pratique qui, réduisant l’égoïsme en système, regarde la société humaine comme une guerre de ruse, le succès comme la règle du juste et de l’injuste, la probité comme une affaire de goût et de bienséance, et le monde comme le patrimoine des fripons adroits. » Ces paroles ne sont pas échappées de la bouche ou de la plume de quelque apologiste attardé de l’ancien régime, d’un Bonald ou d’un de Maistre, mais, — le 18 floréal an II de la république, à la tribune de la Convention, — des lèvres de Maximilien Robespierre. […] De plus, en politique, il paraît qu’ils ne voulaient pas entendre à ce qu’ils appelaient le système des « contre-forces » ; et qu’ils n’affectaient pour la constitution d’Angleterre qu’une admiration modérée. […] La netteté, la précision que Diderot ne peut pas mettre dans ses jugements comme critique d’art, et qu’il y veut mettre pourtant, pour ne pas destituer sa critique de toute autorité, c’est comme littérateur et comme dramaturge qu’il va se faire tout un système de les y mettre.

1469. (1938) Réflexions sur le roman pp. 9-257

Mais certainement on y eût rencontré des pages d’une masse et d’une gravité puissantes dont la musique nous soutiendrait encore : quelque figure visible, sous une forme ou sous une autre, — cabinet de savant ou bureau du ministère — de ces « petits faits » se dégorgeant innombrablement pour devenir sous l’esprit ordonnateur un système, un levier, une preuve ; le tableau dont Taine nous donne comme le carton dans le paragraphe de la Révolution sur Roland et sa femme dépouillant le courrier de l’Intérieur. […] C’est le terreau qui permet la floraison, c’est le normal couronné et violenté par l’exception géniale qui lui fournit sa raison d’être, c’est la vie littéraire courante qui apporte, à l’élite, appui et résistance, et au-delà de laquelle s’épanouissent les moments privilégiés d’amour, c’est le système de rapports sans lequel il n’y aurait pas d’absolu, c’est l’ordre des appelés hors desquels sont tirés les élus, mais sans lesquels il n’y aurait pas d’élus. […] Il a fait, en technicien, en psychologue, en connaisseur minutieux de ce réseau téléphonique qu’est le système nerveux, une étude objective, admirable de science et de détail. […] Ou plutôt on songerait à leur compatriote Azaïs dont le système des compensations mérite mieux que les plaisanteries dont on l’a accablé : à un certain degré de sagesse, à certain biais que la sagesse permet à notre jugement, il n’y a pas de vie manquée, pas de vide, l’ordre de la vie est l’ordre du plein. […] Le roman se termine sur l’entrée du contrôleur des poids et mesures… Un contrôleur qui opérerait sur un registre plus délicat de poids, et qui incorporerait l’île Suzanne à des mesures plus subtiles, ne serait pas embarrassé pour lui trouver d’autres antécédents, et la rattacher à un archipel, à un système insulaire.

1470. (1866) Histoire de la littérature anglaise (2e éd. revue et augmentée) « Livre IV. L’âge moderne. — Chapitre II. Lord Byron. » pp. 334-423

S’il y monte parmi les poëtes, c’est en partie grâce à son système classique. […] Le papier ne suffirait pas, s’il fallait transcrire les injures des revues décentes « contre ces hommes (entendez cet homme) au cœur gâté, à l’imagination dépravée, qui, se forgeant un système d’opinions accommodées à leur triste conduite, se sont révoltés contre les plus saintes ordonnances de la société humaine, et qui, haïssant cette religion révélée dont avec tous leurs efforts et toutes leurs bravades ils ne peuvent entièrement déraciner en eux la croyance, travaillent à rendre les autres aussi misérables qu’eux-mêmes en les infectant d’un poison moral qui les rongera jusqu’au cœur. » Emphase de mandement et pédanterie de cuistre : dans ce pays, la presse fait l’office de gendarme, et jamais elle ne l’y a fait plus violemment qu’alors.

1471. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre VI. La parole intérieure et la pensée. — Second problème leurs différences aux points de vue de l’essence et de l’intensité »

L’avènement du langage conventionnel n’a pas entièrement corrigé nos pensées de cette habitude, en définitive, vicieuse : une fois l’homme convaincu que le son en général est de toutes les sensations la plus facile à imiter et qu’il est la matière naturelle du meilleur de nos systèmes de signes l’élément sonore de la pensée prend à nos yeux une valeur toute nouvelle, et l’attention le favorise à notre insu, même au hasard et sans dessein particulier d’imitation. […] Les caractères propres d’un grand nombre d’idées peuvent être effacés par l’habitude sans que la pensée dans son ensemble ait approché d’assez près de l’inconscience pour être arrêtée ou gênée dans sa marche, sans que les actions et réactions mutuelles des idées cessent de se faire avec une parfaite rigueur logique ; la possession d’un esprit par lui-même n’implique pas la possession actuelle et complète de toutes les idées qui le constituent ; les faiblesses de la conscience peuvent être compensées à mesure par un système naturel de suppléances et de reflets.

1472. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

Les Déracinés sont moins un roman qu’une thèse de philosophie sociale ou encore autre chose, les premiers mémoires d’un conspirateur qui analyse son système et inspecte son arsenal. […] Mauclair sort toujours vainqueur, et on le vit forcer le symbolisme à ne plus être qu’un système d’allusions, un pont de lianes jeté au-dessus de rien pour relier l’abstrait au concret. […] Pour qu’une œuvre soit importante, c’est-à-dire inexplicable, inexcusable, admirable dans le bien, exécrable dans le mal, il faut qu’elle apparaisse désintéressée, que les roues initiales qui la meuvent soient d’un métal absurde, d’un système incompréhensible, que tout le mécanisme se déroule selon le mystère de principes tout à fait inabordables au peuple des fidèles.

1473. (1898) Manuel de l’histoire de la littérature française « Livre III. L’Âge moderne (1801-1875) » pp. 388-524

Elles sont l’œuvre d’Auguste Comte, — dont on ne s’attend pas que nous résumions ici le Cours de philosophie positive (1831-1842), — mais dont il faut bien savoir que le grand effort a été dirigé contre la prétention de l’éclectisme à faire du Moi le juge de l’erreur ou de la vérité contenue dans les systèmes. […] Lisez et relisez son œuvre, examinez, considérez d’un peu près le fond et la fin de sa méthode, vous ne trouverez rien de plus, dans l’éclectisme, que l’affirmation du droit de Victor Cousin à reprendre dans tous les systèmes le bien de Victor Cousin ; et son « observation de soi-même par soi-même » n’est qu’une application de l’individualisme aux choses de la philosophie. […] De même que la curiosité de « l’ennui de celui-ci et de la fantaisie de celui-là » s’était changée en « pitié du peuple », cette pitié s’organisait à son tour en système, devenait toute une philosophie, « Vivre, c’est en essence avoir l’humanité pour objet », écrivait Pierre Leroux ; et il expliquait sa pensée en ces termes : « La normalité de notre existence consiste à ne pas violer le lien qui nous unit à l’humanité. […] Le Philosophe ; — et d’abord si cette appellation n’est pas bien ambitieuse pour lui ; — en tant du moins qu’avoir une « philosophie » c’est avoir un système lié ; — une vue générale des choses, ou seulement une « doctrine » [Cf. plus loin l’article Taine].

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