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184. (1773) Essai sur les éloges « Chapitre XVIII. Siècle de Constantin. Panégyrique de ce prince. »

Si nous examinons maintenant son caractère et ses qualités personnelles, nous lui trouverons cette ambition sans laquelle un homme n’a jamais donné un grand mouvement à ce qui l’entourait ; cette activité nécessaire à tous les genres de succès, à la guerre surtout, et dans un empire qui embrassait cent provinces ; cette férocité qui était le vice général du temps, et qui lui fit commettre des crimes, tantôt d’une barbarie calme, comme le meurtre de son beau-frère, celui de son neveu, et celui des rois prisonniers qu’il fit donner en spectacle et déchirer par les bêtes, tantôt des crimes d’emportement et de passion, comme les meurtres de sa femme et de son fils ; cet amour du despotisme presque inséparable d’une grande puissance militaire et de l’esprit de conquête, et surtout de l’esprit qui porte à fonder un nouvel empire ; un amour du faste, que les peuples prennent aisément pour de la grandeur, surtout lorsqu’il est soutenu par quelques grandes actions et de grands succès ; des vues politiques, sages, et souvent bienfaisantes, sur la réforme des lois et des abus, mais en même temps une bonté cruelle qui ne savait pas punir, quand les peuples étaient malheureux et opprimés. […] Constantin fit rouvrir les écoles d’Athènes, il honora les lettres, il les cultiva lui-même, mais comme on pouvait les cultiver dans son siècle, et parmi les occupations de la guerre et du trône ; l’éloquence romaine était alors très affaiblie ; l’éloquence grecque se soutenait.

185. (1788) Les entretiens du Jardin des Thuileries de Paris pp. 2-212

… Nulle part, mais je sens que mon amitié a besoin de cette absence pour se soutenir. […] La comtesse soutint qu’un domestique habile à parler plusieurs langues, pouvoit servir de truchement. […] Il est rare que la grandeur se soutienne dans les détails. […] Oui, quelquefois j’ai osé soutenir qu’un livre dont l’auteur me déplaisoit, étoit pitoyable ; & pourquoi l’auteur me déplaisoit-il ? […] Nous voyons, en conséquence de cet inconvénient, presque tous les corps prendre le plus mauvais parti, & le soutenir avec opiniâtreté.

186. (1817) Cours analytique de littérature générale. Tome I pp. 5-537

Mais, soutenu d’une force vertueuse, il poursuivra ses travaux, comme à l’abri de toutes les attaques. […] Les intérêts incidents à l’intérêt principal que font marcher les caractères, ont besoin d’un enchaînement sage qui les lie, et qui soutienne la curiosité jusqu’aux époques où tout se termine. […] Le tout ainsi justement regardé, paraît exact, plein de raison, et l’on voit que les figures s’accordent bien, et se soutiennent mutuellement. […] On descendait, pour la fondre, la statue équestre de Louis XIV, érigée sur la place Vendôme ; de gros câbles soutenus par de longues perches, étaient tendus de haut en bas. […] Négligerons-nous de prendre les mêmes soutiens et les mêmes précautions ?

187. (1865) Cours familier de littérature. XX « CXVIIe entretien. Littérature américaine. Une page unique d’histoire naturelle, par Audubon (1re partie) » pp. 81-159

Aujourd’hui que nous avons à parler à propos d’Audubon de la cause américaine, nous le faisons en tremblant, car nous craindrions également ou d’être injuste envers un grand peuple naissant dans l’Amérique du Nord, ou d’être injuste envers l’autre moitié de ce peuple qui soutient une mauvaise cause dans l’Amérique du Sud. […] Nous crûmes soutenir des républicains honnêtes. […] Je répétais à peine les premiers mots qu’un enfant bégaye, et qui causent tant de joie à une mère ; je pouvais à peine me soutenir, quand le plaisir que me donnèrent les teintes diverses du feuillage et la nuance profonde du ciel azuré me pénétraient d’une joie enfantine. […] Mon enthousiasme me soutenait toujours ; et vingt années d’investigations et d’observations accrurent encore cette flamme secrète qui m’animait. […] Vis-à-vis de moi se trouvait un jeune Indien dont les coudes s’appuyaient sur ses genoux, et dont les mains soutenaient la tête.

188. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Le maréchal de Villars — II » pp. 57-80

Villars paraît s’être acquitté fort convenablement de sa mission délicate d’ambassadeur auprès d’une cour naturellement très mécontente de Louis XIV et très alarmée de l’ambition qu’il témoignait à l’égard de la succession d’Espagne ; il sut y soutenir avec fierté et hauteur la dignité du roi son maître, amuser et contenir les ministres de Léopold, et suspendre, arrêter à temps la prise de possession provisoire, par les armées impériales, des états espagnols en Italie, tandis que le roi d’Espagne vivait encore et dans un moment où il s’y prêtait. […] Vous avez trop bonne opinion de la nation pour ne pas croire qu’elle puisse produire des gens qui, soutenus uniquement par leur zèle, osent penser noblement… Trop heureux s’ils peuvent être bien connus, et si des ministres éclairés, attentifs, justes, sans humeur et sans passion (avis à Chamillart !) […] Dès qu’on parle de Catinat, il y a à prendre garde : si le xviiie  siècle, en le célébrant et en cherchant à préconiser en lui un de ses précurseurs, une des victimes du grand roi, a raisonné un peu à l’aveugle de ses talents militaires et les a exaltés académiquement, il ne faut pas tomber dans l’excès contraire ni trancher au détriment d’un homme qui eut ses jours brillants, dont l’expérience et la science étaient grandes, et dont le caractère moral soutenu, élevé, est devenu l’un des beaux exemplaires de la nature humaine. […] Je me persuade qu’avec le corps de troupes que vous avez, lorsqu’il sera renforcé par celui-ci, vous serez en état par vous-même de vous avancer, sans craindre que l’armée des ennemis puisse vous en empêcher… Catinat recevait en même temps une lettre du roi qui lui disait, après les motifs déduits : Tout cela bien examiné et discuté, je ne vois pas de meilleur parti à prendre que de soutenir et de renforcer le marquis de Villars, afin de le mettre en état d’entreprendre seul ce qu’il jugera à propos pour faciliter sa jonction avec l’électeur de Bavière.

189. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « M. VINET. » pp. 1-32

Monnard s’était fait l’éditeur, ils soutinrent tous les deux un procès, et ils eurent un moment, sous forme de tracasseries qu’on leur suscita, quelque part à cette persécution si chère à subir pour ce qu’on sent la vérité. […] La thèse qu’il soutient, et qui serait fort à défendre à Paris même (qu’il importe d’étudier les classiques français pas à pas et dans un esprit scientifique), est surtout d’application rigoureuse aux lieux où il écrit. Quand il combat ceux qu’il appelle les réalistes à Bâle, et qui voudraient éliminer le plus possible la littérature pure de l’enseignement, il soutient, à propos des classiques français, la même cause que chez nous M. […] Vinet dans cette controverse : 1° une brochure intitulée Du Respect des Opinions (Bâle, 1824) ; 2° le Mémoire couronné et ici connu (1826) ; 3° Lettre à un Ami, ou Examen des Principes soutenus dans le Mémoire (Lausanne, 1827) ; 4° Observations sur l’Article sur les Sectaires inséré dans la Gazette de Lausanne du 13 mars 1829, et Nouvelles Observations sur un nouvel Article du 27 mars (Lausanne, 1829).

190. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « Mémoires sur la mort de Louis XV »

Cependant la fièvre se soutint dans la nuit avec assez de force, il y eut même de l’augmentation ; les douleurs de tête devinrent plus fortes, et nous apprîmes à huit heures du matin qu’on allait saigner le roi. […] Il n’en était pas de même du vil parti qui la soutenait : accoutumé aux menées sourdes, à des intrigues basses et enveloppées, il était déterminé à les employer dans une occasion réellement intéressante. […] Le roi se montra encore bien lui pendant et avant cette saignée ; sa peur, sa pusillanimité étaient inconcevables ; il fit venir du vinaigre qu’il fit mettre sous son nez, disant à la vue du chirurgien qu’il allait se trouver mal, se faisant soutenir par quatre personnes, et donnant son pouls à tâter à la Faculté, et faisant à chaque instant les mêmes questions aux médecins sur sa maladie, sur les remèdes, sur son état. […] On verra bien aisément que je donnais l’avis qui était le moins selon mes désirs ; mais il était selon ma conscience, et j’aurais été coupable de soutenir celui de M. de Bouillon, dont pourtant je désirais l’exécution, puisqu’en donnant au roi la certitude qu’il avait une maladie aussi dangereuse, il le déterminait à recevoir les sacrements et à renvoyer tout cet odieux tripot, toute cette infâme et honteuse clique.

191. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. John Stuart Mill — Chapitre II : La Psychologie. »

Et je soutiens qu’un être humain qui aime d’une manière désintéressée et constante ses semblables et tout ce qui tient à leur bien ; qui hait d’une haine vigoureuse ce qui tend à leur mal et agit en conséquence, est naturellement, nécessairement et raisonnablement un objet d’amour, d’admiration, de sympathie, qu’il est chéri et encouragé par le genre humain » ; que celui qui a des tendances contraires, est un objet naturel et légitime d’aversion ; et cela soit qu’ils jouissent l’un et l’autre de leur liberté ou non. […] Mill distingue, relativement à l’influence des motifs, trois doctrines : deux qu’il repousse et une qu’il accepte : Le fatalisme pur et simple, — le fatalisme asiatique ou celui d’Œdipe, — soutient que nos actions ne dépendent pas de nos désirs. […] Le fatalisme, que l’on peut appeler modifié, soutient que nos actions sont déterminées par notre volonté, notre volonté par nos désirs, et nos désirs par l’influence jointe des motifs qui se présentent à nous et de notre caractère individuel ; mais que ce caractère ayant été fait pour nous et non par nous, nous n’en sommes point responsables ni des actions auxquelles il nous conduit, et que nous tenterions vainement de le modifier. […] Mill a soutenu, à plusieurs reprises et sans varier aucunement, que la vérité d’une proposition n’est pas suffisamment établie par l’inconcevabilité de sa négative.

192. (1781) Les trois siecles de la littérature françoise, ou tableau de l’esprit de nos écrivains depuis François I, jusqu’en 1781. Tome I « Discours préliminaire, au lecteur citoyen. » pp. 55-106

On pourroit dire cependant au Philosophe, qu’autant les gens sages sont prêts à condamner les guerres d’ambition, autant il est nécessaire de soutenir quelquefois des guerres justes, soit pour la défense de l’Etat, soit pour le maintien de sa gloire. […] Peu contenus d’avoir travaillé à la rendre plus malheureuse, en tâchant de briser les liens qui la soutiennent, & d’anéantir les charmes qui l’attachent à la vie, ils se sont efforcés de la rendre vile & méprisable à ses propres yeux. […] Soutenir que l’ame sentira, pensera, jouira, souffrira après la mort du corps, c’est prétendre qu’une horloge brisée en mille pieces peut continuer à sonner ou à marquer les heures Syst. de la Nat. tom.  […] J’ai donc fait du mal aux hommes, en prenant la défense des principes qui soutiennent la société & assurent la tranquillité des individus ; & les Philosophes leur ont fait beaucoup de bien, en déclamant contre toutes les classes de Citoyens, en prêchant l’indépendance, en s’efforçant de briser tous les liens, en ôtant le frein des passions, en favorisant les crimes secrets, les désordres de toute espece, en arrachant du cœur des vertueux infortunés tout espoir de dédommagement, &c.

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