Je me rappelle que l’Annonciation est traitée d’une manière sèche, roide et froide ; qu’elle est sans effet ; et qu’on dirait un morceau détaché d’une vieille coupole, qui a souffert et qui n’était pas d’un trop habile homme.
Il était le travail incarné, tandis qu’Horace était la peinture incarnée, de sorte que l’un souffrait en composant, tandis que l’autre jouissait, en produisant. […] … Les médecins vous ont dit de quitter, aussitôt que la convalescence d’Horace30 le permettrait, les lieux dont l’insalubrité a rappelé la maladie dont il a tant souffert. […] Il avait assisté à la première partie de l’expédition en juin-juillet 1854, et il avait souffert autant que personne de cette longue inaction de Varna. […] Cette préférence se marque volontiers encore dans l’opinion des étrangers, et tout récemment Landseer, le célèbre peintre anglais, se trouvant à une réunion d’artistes et d’amateurs, disait : « Les tableaux de Vernet l’emportent sur ceux de tous ses rivaux, parce qu’en dehors de leur propre mérite, ils ne procèdent que de lui-même et de l’observation de la nature ; chez tous les autres peintres, et dans toutes leurs œuvres sans exception, vous trouverez toujours une réminiscence de quelque ancien maître. » Mais à côté du miel, la piqûre : Horace Vernet, ainsi apprécié des étrangers, souffrit d’autant plus des préférences françaises hautement déclarées en faveur de M.
Le recueil adressé à Diane est plein des tourments qu’il a éprouvés au service de cette dame ; c’est, dit-il naïvement : C’est le papier journal des maux que j’ai soufferts. […] J’avois porté l’ennui d’aimer sans être aimé J’avois, sans recueillir, pour un autre semé ; J’avois souffert la mort qu’on sent pour une absence J’avois au désespoir fait longtemps résistance J’avois senti le mal qui vient d’être privé Du grand consentement dès qu’il est arrivé. […] Mais ce n’étoit qu’une ombre Ne nous hâtons pas de plaindre Desportes il goûte tant de contentement à souffrir, qu’il ne craint rien plus que d’être sans tourment : Je fais un magasin de soucis et de peines. […] Le tour d’esprit de Malherbe le portait vers la critique il ne pouvait ni se contenter des apparences, ni supporter les équivoques ; vif, passionné, d’une netteté de langage qui ne souffrait aucune obscurité chez les autres, ayant, dit Racan, une conversation, brusque, où tout mot portait ; intraitable sur tout ce qui touchait à l’art ; risquant ses amitiés, non pour un trait d’esprit, mais pour une vérité utile : témoin sa brouille avec Regnier, neveu de Desportes, qu’il estimait par-dessus tous les autres, mais devant lequel il n’avait pu s’empêcher de préférer un bon potage aux vers de son oncle.
Ses talents, à lui, furent inférieurs à son esprit et à ses idées, et il en souffrit : son énergie, moins justifiée en apparence, se concentra de plus en plus, elle s’aigrit en lui et l’ulcéra. […] Et cependant il sent bien qu’il prend sa part de leur bienveillance, qu’il en profite, et il en souffre. […] Un vieillard, me trouvant trop sensible à je ne sais quelle injustice, me dit : « Mon cher enfant, il faut apprendre de la vie à souffrir la vie. […] Autrefois, quand il allait dans le monde, il avait souffert de n’avoir point de voiture à lui : « J’ai une santé délicate et la vue basse, écrivait-il a un ami (vers 1782) ; je n’ai gagné jusqu’à présent dans le monde que des boues, des rhumes, des fluxions et des indigestions, sans compter le risque d’être écrasé vingt fois par hiver.
Les hommes veulent, souffrent qu’on leur plaise ; ils ne souffrent pas qu’on les instruise. […] J’en conclus que Sieyès, en effet, avait été beaucoup calomnié, que son sentiment moral élevé en avait souffert, que sa délicatesse orgueilleuse s’était révoltée, et qu’il en était résulté dans la partie la plus sensible de son être une maladie du genre de celle dont Rousseau et d’autres grands esprits solitaires se sont vus atteints36. […] Le sentiment de l’indignation est le plus fréquent ; en revenant sur le même objet, ce n’est plus contre la tyrannie qu’il est dirigé, j’en veux à la lâcheté, à la bassesse des victimes, je les méprise ; je vois qu’elles ne souffrent pas tout ce qu’elles méritent, qu’elles n’en ont pas encore assez ; je les vois qui s’enorgueillissent de leur abjection, de leur malheur, et je ris, non de gaieté, mais de mépris ; et tout de suite je détourne les yeux comme pour ne pas les souiller d’un spectacle honteux.
* * * Dans cette figure aimée, où il y avait l’intelligence, l’ironie, cette fine et joliment méchante mine de l’esprit, je vois se glisser, minute par minute, le masque hagard de l’imbécillité… Je souffre, je souffre, je crois, comme il n’a été donné à aucun être aimant de souffrir ! […] * * * En chemin de fer, — c’était la première fois que nous allions à Vichy, — il souffrait, ce jour-là, du foie, et dormait en face de moi, la tête renversée.
Le lion est le roi qui ne souffre pas une observation, qui ne souffre pas un reproche, une critique, et qui envoie tel ou tel homme qui n’a pas su être courtisan faire le dégoûté chez Pluton. […] Il a fait plus, et ici je crois en être sûr : je ne crois pas que Vigny malgré ses souvenirs de chasseur, qui certainement l’ont aidé, je ne crois pas que Vigny aurait écrit la Mort du Loup si La Fontaine n’avait pas existé, et aurait compris aussi bien le sublime stoïcisme du loup qui souffre et meurt sans parler, sous les six couteaux qui lui sont entrés dans le corps ; — et il n’aurait pas dit : Comment on doit quitter la vie et tous les maux, C’est vous qui le savez, sublimes animaux. […] Gémir, pleurer, crier est également lâche, Fais énergiquement ta longue et lourde tâche Dans la voie où le sort a voulu t’appeler ; Puis, après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
Ceux-là demanderont, au contraire, au romancier, de leur dire où l’on souffre et surtout pour quelle cause précise on souffre au fond de la mine, dans la carrière, l’usine, l’échoppe, dans la chambre où il y a plus d’enfants que de lits et plus d’appétit que de pain. […] Je ne suis jamais couchée avant minuit, ce qui est tard, quand on a une journée de travail derrière soi et une autre devant. » Une autre m’a dit : « Savez-vous ce qu’on souffre, quand on se sent impuissante devant un travail qui est un gagne-pain ? […] Il faut s’identifier avec eux, souffrir et se réjouir avec eux, de telle sorte que ce soient eux qui parlent et agissent par notre âme qu’ils possèdent.
Paul Bourget et à qui on pardonne tout, même d’avoir fait souffrir un poète : Édel, je vois en toi, Danoise aux yeux si doux, Cette amante qu’en rêve on adore à genoux, Devant qui le désir reste muet et grave, Tant du plus chaste amour on craint de la meurtrir, Et qui semble une fleur exotique et suave Qu’on n’ose point toucher, de peur de la flétrir.