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462. (1906) Les œuvres et les hommes. À côté de la grande histoire. XXI. « Les Kœnigsmark »

Philippe de Kœnigsmark, — dont l’Hisloire n’a dit qu’un mot et à voix basse, car le métier de l’Histoire est de tout savoir, et la honte d’ignorer se mêlait pour elle à l’ignorance et au mystère, ce héros byronien, avant Byron, qui disparaît comme Lara ou comme le Corsaire, dont les uns disaient qu’il avait été jeté dans un four par la jalousie de Georges Ier, roi d’Angleterre, et les autres qu’il avait été enterré sous une des feuilles du parquet de sa royale maîtresse, Sophie-Dorothée, — Philippe de Kœnigsmark sort enfin des ténèbres qui pesaient sur son tombeau, et il en sort avec tout un monde que l’Histoire n’a pas vu, dans l’éblouissement d’une époque qui nous a trop longtemps aveuglés de sa gloire et qu’il faut aujourd’hui savoir juger ! […] Puis, quand elle l’eut bien cerné, enveloppé, garrotté presque d’assassins postés à toutes les portes du palais dont il fallait sortir, elle attendit cette sortie inévitable, — qui eut lieu enfin, et elle se vengea en buvant lentement sa vengeance.

463. (1909) Les œuvres et les hommes. Philosophes et écrivains religieux et politiques. XXV « Gustave D’Alaux »

Il est net, ferme, précis, sans fausse sentimentalité, sans déclamation, diagnostiquant hardiment, à travers Soulouque, les caractères de la race dont il est sorti… Malheureusement, comme beaucoup de braves, la chose faite, Gustave d’Alaux a été pris d’une peur rétrospective et il a attaché à un livre franc et plein de vaillance une préface de précaution qui nous étonne. […] l’histoire du nègre, pour qui sait la lire, a un sens plus profond que toutes ces imitations dont la civilisation ne sortira jamais, parce qu’elle n’en est jamais sortie ! […] De cet illuminisme qui domine la tête de Soulouque, et de la vanité du nègre (la vanité du nègre est quelque chose de sans nom) blessée par les classes éclairées, qui se moquèrent de son fétichisme dès les premiers moments de son avènement, l’historien fait sortir le Soulouque méchant enté sur le bon nègre, l’espèce de Tibère cafre qui, tout omnipotent qu’il soit, et féroce, sacrifie au préjugé des procédés judiciaires, et, trait de caractère, se sert un jour, pour condamner à la mort qu’il a résolue, de commissions militaires qu’il pourrait ne pas invoquer dans l’état absolu de sa puissance, mais qu’il invoque, nous dit d’Alaux avec une profondeur spirituelle, « pour ne pas être volé d’une seule de ses prérogatives ».

464. (1889) Les œuvres et les hommes. Les poètes (deuxième série). XI « Milton »

Pourquoi ce travail, qui semble sortir de terre, sur Milton ? […] Il s’est pris d’admiration pour Milton, à part de son siècle et aussi à part des théories du nôtre, et de cela — de ces deux à-partés — il est sorti un livre droit et simple, grave et renseigné, très heureusement pensé par places, et partout écrit avec une ampleur un peu traînante et un peu lourde, mais de cette lourdeur, que je ne crains pas, qui tient à l’étoffé du style et que l’on pourrait comparer à celle d’une draperie de velours. […] pas que « le ciel de Milton n’est qu’un Whitehall de valets brodés ; son Dieu, un roi constitutionnel avec une barbe à la Van Dyck ; le Verbe Créateur, un prince de Galles ; Adam, un jeune homme sorti récemment de l’Université d’Oxford ; Ève, une jeune miss anglaise, bonne ménagère… ».

465. (1773) Essai sur les éloges « Morceaux retranchés à la censure dans l’Essai sur les éloges. »

Il emprisonna ou fit périr sur l’échafaud plusieurs des amis de ce prince, le maltraita lui-même, l’obligea plus d’une fois, à force de persécutions, de fuir de la cour et de sortir de France, déclara tous ses partisans coupables de lèse-majesté, et fit ériger une chambre pour les proscrire. […] Presque toutes ses opérations de finance se réduisirent à des emprunts et à une multitude prodigieuse de créations d’offices, espèce d’opération détestable qui attaque les mœurs, l’agriculture, l’industrie d’une nation, et qui d’une richesse d’un moment fait sortir une éternelle pauvreté. […] On ne peut douter que les deux oraisons funèbres de Le Tellier, où Fléchier et Bossuet le représentent comme un grand homme et comme un sage, le jour et le lendemain qu’elles furent prononcées, n’aient été fort applaudies à la table et dans l’antichambre de Louvois, qui était son fils, et qui était tout-puissant ; mais si elles avaient été lues à ceux qui avaient suivi la vie entière de Le Tellier, qui l’avaient vu s’élever par degrés, et qui, si l’on en croit les mémoires du temps, n’avaient jamais vu en lui qu’un courtisan adroit, toujours occupé de ses intérêts, rarement de ceux de l’État, courant à la fortune par la souplesse, et l’augmentant par l’avarice, flatteur de son maître, et calomniateur de ses rivaux ; si elles avaient été lues à Fouquet dans sa prison, à ce même Fouquet dont Le Tellier fut un des plus ardents persécuteurs, qu’il traita avec la basse dureté d’un homme qui veut plaire, et qu’il chercha à faire condamner à mort, sans avoir cependant le bonheur cruel de réussir ; si elles avaient été lues en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, à toutes ces familles de Français que la révocation d’un édit célèbre, révocation pressée, sollicitée et signée avec transport par Le Tellier, fit sortir du royaume, et obligea d’aller chercher un asile et une patrie dans des contrées étrangères ; qu’auraient pensé tous ces hommes, et des oraisons funèbres, et de l’éloquence, et des orateurs ?

466. (1903) Le problème de l’avenir latin

Il semble qu’au sortir d’une chambre l’air vicié on respire tout à coup au grand air libre. […] Le sort des colonies espagnoles est pour nous un avertissement non équivoque. […] Identique me paraît devoir être le sort de tous autres moyens proposés. […] De ce fait me semble sortir un précieux enseignement. […] De la mort ne peut pas ne pas sortir la vie.

467. (1897) La vie et les livres. Quatrième série pp. 3-401

André Maurel, il sortait de son château. […] Jules Legras est sorti de l’École normale en 1889. […] Comment sortir de là ? […] Enfin, le cœur content, l’âme remplie de saintes pensées, il sortit de son extase. […] Elle doit sortir des écoles où l’on prépare des examens.

468. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Gui Patin. — I. » pp. 88-109

Il voulut que son fils en sortît : « Il me faisait lire, encore tout petit, les Vies de Plutarque tout haut et m’apprenait à bien prononcer. » Ce père, qui avait été reçu avocat lui-même, voulait faire de Gui Patin un avocat. […] Gui Patin se croyait sorti du xvie  siècle, et il ne l’était qu’à demi. […] Et semble que ce moyen de nous entravertir apporterait non légère commodité au commerce public ; car à tout coup il y a des conditions qui s’entrecherchent, et, pour ne s’entr’entendre, laissent les hommes en extrême nécessité. » Renaudot, qui savait sort Montaigne et qui s’en autorise, résolut d’établir ce centre commun d’annonces, d’adresses et de renseignements ; il eut l’idée de plus, soit par un sentiment d’humanité, soit pour mieux achalander son entreprise, de donner des consultations gratuites, et de se faire le commissaire officieux, mais qualifié et breveté, des pauvres et des malades, de ceux qui ne voulaient pas entrer dans les hôpitaux, et qui désiraient être traités à domicile : il se chargeait de leur procurer gratis médecins et médicaments. […] De là des colères, des injures sans nom, et des procès dont il ne put sortir qu’à ses dépens. […] » demanda Renaudot. — « C’est, lui répliqua le railleur sans miséricorde, que vous étiez camus en entrant ici, et que vous en sortez avec un pied de nez. » Gui Patin est coutumier de ces plaisanteries à la Dupin ; elles lui parlaient à propos et hors de propos, comme à l’autre.

469. (1870) Causeries du lundi. Tome XIII (3e éd.) « Souvenirs militaires et intimes du général vicomte de Pelleport, publiés par son fils. » pp. 324-345

Pour sortir de cette position, n’ayant rien à espérer du gouvernement, il fallut combattre et vaincre. […] J’ai la confiance qu’avec votre courage et votre discipline vous sortirez glorieusement de cette position ; de l’autre côté de l’Apennin, vous trouverez un pays fertile qui pourvoira à tous vos besoins ; avant d’y pénétrer, vous aurez des marches forcées à faire, de nombreux combats à livrer : nos efforts réunis surmonteront toutes les difficultés. » Ce discours, que j’ai trouvé dans les archives de la 18e demi-brigade, ne produisit qu’un médiocre effet sur la troupe ; elle ne pouvait avoir confiance dans les promesses d’un jeune homme dont elle connaissait à peine le nom. […] Pelleport est bon à entendre ; il dit nettement leur fait aux fournisseurs et à ceux qu’il appelle « riz-pain-sel », ces hommes qui exploitèrent effrontément l’armée et le pays conquis ; mais les soldats et officiers restaient intacts : Nous étions pauvres en entrant en Italie, dit-il après ces deux immortelles campagnes ; nous en sortîmes bien vêtus et parfaitement équipés : voilà l’exacte vérité en ce qui concerne la troupe. […] si vous me répétez encore la proposition que vous faisiez il n’y a qu’un instant, je vous fais arrêter, et vous savez quel est le sort réservé aux personnes qui se laissent traduire pour ce fait devant le conseil de guerre. » Je n’avais pas terminé, que mon homme était déjà loin. […] La retraite allait commencer ; le 18 octobre (1812), à Moscou, dans la cour du Kremlin, l’empereur passant une revue du 3e corps, Ney lui propose Pelleport pour le grade de général de brigade ; l’empereur répondit : « Après la campagne ; j’ai besoin de mes bons colonels pour me sortir d’ici. » À tous les pas de cette retraite terrible, Pelleport fit office du plus brave et du plus humain des colonels.

470. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Histoire de la Restauration par M. Louis de Viel-Castel. Tomes IV et V. (suite et fin) »

Ce personnage original et unique, en un temps où il y en a si peu de parfaitement entiers, était, comme on sait, sorti de souche janséniste ou plutôt d’une famille imbue des principes et des maximes de Port-Royal, ce qui est, à mes yeux, un peu différent ; c’était, en un mot, de la sévérité morale chrétienne plutôt encore que de la théologie qui l’avait environné et nourri dès l’enfance, et il n’avait eu sous les yeux que l’exemple des justes dans son petit pays de Sompuis en Champagne, où, par hasard, la bonne et forte semence du pur Port-Royal était allée tomber. […] J’ai présents à la mémoire en ce moment nombre de ces mots salés et d’une belle amertume, et qui ne demandent qu’à sortir ; il n’est pas temps encore de les donner ; presque tous ses amis politiques y passent ; il ne se gênait avec personne : d’un tour, d’un trait, sans y viser, il emportait la pièce. […] La confiscation doit-elle les atteindre ; qu’on les fasse donc sortir du tombeau, et qu’on les ramène devant leurs juges, afin qu’ils entendent de leur bouche cette condamnation qui ne leur a pas été prononcée. » Mais on ne cite pas M.  […] Pasquier, lorsqu’il commença sa carrière de député dans la Chambre de 1815, n’était connu encore que par son habileté administrative et par ses qualités d’homme du monde et de société ; il sortait tout récemment du ministère où la confiance du roi l’avait appelé dès la seconde rentrée, et il tint même, pendant toute la durée, fort courte d’ailleurs, de ce premier Cabinet présidé par M. de Talleyrand, le double portefeuille de la justice et de l’intérieur, ce dernier à titre provisoire seulement. […] Royer-Collard fut l’âme ; je me permets plus de familiarité ; mais l’ouvrage de M. de Barante, sauf ce léger défaut de ne pas graver assez, est sage, judicieux, fin, net, excellent, comme tout ce qui sort de cette plume habile.

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