/ 2670
243. (1733) Réflexions critiques sur la poésie et la peinture « Troisième partie — Avant-propos » pp. 1-5

Si je ne dis rien ou très-peu de choses sur la science, qui enseignoit les principes de toute sorte d’accords et de toute sorte d’harmonie, c’est qu’il ne m’appartient pas de changer quelque chose ou d’ajouter rien aux explications que Monsieur Meibomius, Monsieur Brossard, Monsieur Burette et d’autres écrivains modernes ont fait des ouvrages que les anciens ont composez sur l’harmonie, et qui nous sont demeurez.

244. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Massillon. — II. (Fin.) » pp. 20-37

» Acceptant hardiment l’éloge et en tirant sujet de s’humilier : Dieu, dit-il, ne retire plus ses prophètes du milieu des villes, mais il leur ôte, si j’ose parler ainsi, la force et la vertu de leur ministère ; il frappe ces nuées saintes d’aridité et de sécheresse : il vous en suscite qui vous rendent la vérité belle, mais qui ne vous la rendent pas aimable ; qui vous plaisent, mais qui ne vous convertissent pas : il laisse affaiblir dans nos bouches les saintes terreurs de sa doctrine ; il ne tire plus des trésors de sa miséricorde de ces hommes extraordinaires suscités autrefois dans les siècles de nos pères, qui renouvelaient les villes et les royaumes, qui entraînaient les grands et le peuple, qui changeaient les palais des rois en des maisons de pénitence… Et faisant allusion à d’humbles missionnaires qui, durant ce même temps, produisaient plus de fruit dans les campagnes : « Nous discourons, disait-il, et ils convertissent. » J’ai cité, d’après la tradition, quelques-unes des conversions soudaines opérées par l’éloquence de Massillon : pourtant, sans nier les deux ou trois cas que l’on cite, je vois que Massillon croyait peu à ces sortes de conversions par coup de tonnerre, « à ces miracles soudains qui, dans un clin d’œil, changent la face des choses, qui plantent, qui arrachent, qui détruisent, qui édifient du premier coup… Abus, mon cher Auditeur, disait-il ; la conversion est d’ordinaire un miracle lent, tardif, le fruit des soins, des troubles, des frayeurs et des inquiétudes amères ». […] On a dit qu’en parlant de la sorte il faisait, en présence du jeune roi, des allusions et des satires indirectes contre Louis XIV : je ne le crois pas. […] Les plus raisonnables, qui ne laissèrent pas de se trouver en nombre, se contentèrent de le plaindre, et on convint enfin assez généralement d’une sorte d’impossibilité de s’en dispenser et de refuser. […] Il mêlait à cette tolérance une sorte d’aménité d’homme du monde ; il se plaisait à réunir à sa maison de campagne des jésuites et des oratoriens, deux sociétés assez peu disposées à s’entendre, et il les faisait jouer aux échecs : c’était la seule guerre qu’il leur conseillât. […] On y trouve des beautés, mais de plus en plus régulières et prévues dans leur expansion même ; c’est le talent habituel de Massillon, moins le mouvement et l’action qu’il imprimait à ces sortes de développements dans ses discours, comme, par exemple, lorsqu’il paraphrasait si puissamment le De profundis dans le sermon de Lazare.

245. (1869) Causeries du lundi. Tome IX (3e éd.) « Nouvelles lettres de Madame, mère du Régent, traduites par M. G. Brunet. — II. (Fin.) » pp. 62-79

La première Dauphine, qui était Allemande et née princesse de Bavière, le dit à Madame en pleurant, mais sans rien oser pour empêcher un tel affront qui les atteignait toutes deux : « Laissez-moi faire, répondit Madame, j’arrangerai cela ; car, lorsque j’ai raison, rien ne m’intimide. » Et le lendemain elle s’arrangea si bien qu’elle rencontra dans le parc une des deux demoiselles soi-disant comtesses palatines : elle l’aborda et la traita de telle sorte (les termes étonnants en ont été conservés) que la pauvre fille en prit une maladie dont elle mourut. […] À toutes les époques cependant et dès avant la mort de Monsieur, elle sut s’y faire une retraite et une sorte de solitude. […] La table sur laquelle elle écrivait d’habitude était un bureau un peu exhaussé, de telle sorte que, sans se déranger, elle pouvait, dans les moments de pause, suivre le jeu d’un des joueurs à l’une ou à l’autre des tables qui étaient de chaque côté : C’était là son occupation lorsqu’elle n’écrivait point ; mais, aussitôt que quelqu’un entrait et s’approchait d’elle pour la saluer, elle quittait tout pour demander : Quelle nouvelle ? […] Madame, en traitant de ces excès, a une sorte de vertueuse impudeur comme un Juvénal, ou plutôt, au sortir de sa lecture de la Bible, elle applique à ces scandales présents l’énergie du texte dont elle est remplie, et elle les qualifie dans les termes des Patriarches21. […] Je voudrais retrancher ces lettres du volume, auquel elles ne se rattachent en rien : il y a des recueils tout spéciaux où il convient de laisser ces sortes de choses.

246. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Journal du marquis de Dangeau — II » pp. 18-35

J’ai nommé Mme de Montespan : on ne peut s’empêcher de remarquer, chez Dangeau, de quelle sorte et dans quelle nuance fut sa rupture avec Louis XIV ; il y aurait eu pour un provincial de quoi s’y méprendre. […] Cela paraissait tout simple et au roi et aux courtisans, et à Dangeau qui enregistre ces succès avec une parfaite bonne foi, de telle sorte que lorsqu’il écrit dans son journal, à la date du 19 octobre de cette année 1685 : « Outre la cassation de l’Édit de Nantes de 1598, on casse l’édit de Nîmes de 1629, et tous les édits et déclarations donnés en faveur de ceux de la religion prétendue réformée ; ordre à tous les ministres de sortir du royaume dans quinze jours ; les enfants qui naîtront seront baptisés et élevés dans la religion catholique, etc., etc. » ; et que lorsqu’à la date du 22, il ajoute : « Ce jour-là on enregistra dans tout le royaume la cassation de l’Édit de Nantes, et l’on commença à raser tous les temples qui restaient » ; en prenant note de ces actes considérables, il semble ne faire que constater un fait accompli et que rendre compte d’une formalité dernière. […] Dacier, homme fort fameux par son érudition et ses ouvrages, qui a épousé Mlle Le Fèvre, plus fameuse encore que lui par sa profonde science, avait eu une pension du roi de 500 écus ; ils se sont tous deux convertis depuis quelques mois. » Bien plus, c’étaient M. et Mme Dacier qui avaient décidé la conversion entière de la ville de Castres. — « Dimanche, 17 février. — J’appris que le roi donnait à Foran 1500 francs de pension en faveur de sa conversion, outre celle de 2000 francs que le roi leur donna, à Villette et à lui, il y a quelque temps, comme chefs d’escadre ; ils sont tous deux nouveaux convertis, et le roi répand volontiers ses grâces sur ceux qu’il croit convertis de bonne foi. » — « 10 mars. — Le roi donne au marquis de Villette, cousin-germain de Mme de Maintenon et chef d’escadre, une pension de 3000 fr. ; il s’est converti depuis peu. » Ces sortes de pensions et de faveurs sont à l’infini : elles sont décernées hautement, données de bon cœur et de bonne foi, non pas comme motif de la conversion, mais après la conversion et comme marque de satisfaction du prince pour un retour à la règle. […] Le roi fait fondre résolument son argenterie : Samedi, 3 décembre 1689. — Le roi veut que dans tout son royaume on fasse fondre et porter à la Monnaie toute l’argenterie qui servait dans les chambres, comme miroirs, chenets, girandoles, et toutes sortes de vases ; et pour en donner l’exemple, il fait fondre toute sa belle argenterie, malgré la richesse du travail, fait fondre même les filigranes ; les toilettes de toutes les dames seront fondues aussi, sans en excepter celle de Mme la Dauphine. […] Ce mélange de sacrifice à la Cour et de faste encore persistant, de chasses, de jeux de toutes sortes, dont on sait le nom et chaque partie soir et matin, tout ce train habituel et détaillé de Versailles, dont le côté frivole disparaît dans la haute tranquillité du monarque, compose une lecture qui n’est pas du tout désagréable, du moment qu’on y entre, et je me suis surpris à en désirer la suite. — C’est en avoir assez dit, je crois, et c’est rendre assez de justice à l’homme qui ressemble le moins à Tacite, mais qui cependant a son prix.

247. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Madame de Staël. Coppet et Weimar, par l’auteur des Souvenirs de Mme Récamier »

Mme de Staël est une grande personne ; et le lecteur curieux, admis à l’entendre causer dans l’intimité, doit être un peu impatienté, ce me semble, de ne pouvoir l’aborder sans l’intervention continuelle d’une sorte de trucheman, d’un tuteur et d’un mentor qui l’explique, la commente, au risque de forcer parfois sa pensée, qui lui coupe peut-être la parole si elle est tentée d’en dire trop sur quelque point. […] Après les persécutions qui marquèrent l’essai de publication de cet ouvrage en 1810, on trouve Mme de Staël légèrement atteinte par les idées religieuses qui ne la quitteront plus, et Schlegel lui-même, qui avait été forcé de se séparer d’elle et de sortir de Coppet, nous apparaît en proie dans l’isolement à une sorte d’exaltation morale et mystique, mais qui ne fut chez lui que passagère. […] Je ne puis que renvoyer les curieux de ces sortes de questions à cette profession de foi finale du philosophe et du critique éminent, laquelle est à mettre pour la portée bien au-dessus de la page tant vantée de Jouffroy, et qui est plus vraie ou du moins plus largement religieuse que la solution de Pascal44. […] Je me contiens à l’extérieur ; une sorte de fierté me conseille de ne pas trop montrer ce que j’éprouve. […] Or, le maître et l’oracle en telle matière l’a observé, « le genre de bien-être que fait éprouver une conversation animée ne consiste pas précisément dans le sujet de cette conversation ; les idées ni les connaissances qu’on peut y développer n’en sont pas le principal intérêt ; c’est une certaine manière d’agir les uns sur les autres, de se faire plaisir réciproquement et avec rapidité, de parler aussitôt qu’on pense, de jouir à l’instant de soi-même, d’être applaudi sans travail, de manifester son esprit dans toutes les nuances par l’accent, le geste, le regard ; enfin, de produire à volonté comme une sorte d’électricité qui fait jaillir des étincelles, soulage les uns de l’excès même de leur vivacité, et réveille les autres d’une apathie pénible ».

248. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc, et à ce propos de l’ancien théâtre français »

Le Mystère du Siège d’Orléans ou Jeanne d’Arc63, et à ce propos de l’ancien théâtre français Lundi 27 octobre 1862  Ce mystère (c’est ainsi qu’on appelait les pièces sérieuses et religieuses de notre ancien théâtre) est, à vrai dire, une sorte de drame historique dont Jeanne d’Arc est l’héroïne ; il a été composé et sans doute représenté à Orléans au xve  siècle, de 1429 à 1470. […] On aurait, pour cette sorte de biographie collective de tout un genre si considérable, à profiter et à s’aider d’un savant travail récent, d’un chapitre substantiel et complet de M.  […] Il put y avoir de, la sorte, entre les anciens histrions et les modernes jongleurs, ou farceurs, une espèce de filiation non interrompue, de carrefour en carrefour, de taverne en taverne : « Ces rudiments du drame n’ont pas d’histoire publique et n’en pouvaient avoir aucune, leurs archives consistant surtout dans les prohibitions de l’autorité ecclésiastique. » Laissons ces choses de bas lieu dans leur poussière et dans leur fange, et attachons-nous, à ce qui compte véritablement, à ce qui recommence. […] Un jésuite très instruit, le Père Cahour, qui se livre à d’utiles travaux de littérature, vulgarisant et développant à son point de vue les résultats des premiers investigateurs, s’est attaché à faire valoir les mérites et l’espèce de pathétique grave et majestueux de cette sorte de drame primitif moderne qui était une annexe de l’office divin les jours de grandes fêtes, qui fleurissait et se déroulait dans le sanctuaire et avait sa racine jusque sous l’autel. […] Le drame va être ainsi une sorte de Bible historiée, le verset développé, paraphrasé, mis en action et en personnages.

249. (1867) Nouveaux lundis. Tome VII « Histoire de Louvois et de son administration politique et militaire, par M. Camille Rousset. »

Il avait imaginé une sorte de paix rongeante et envahissante qui devait exclure les risques et les inconvénients de la guerre, pour ne laisser subsister que les avantages qu’elle aurait procurés, — beaucoup de profit sans effusion de sang et sans grosse dépense. » C’est cette paix ambiguë et d’une espèce toute particulière dont l’historien nous fait suivre pas à pas la procédure et les progrès. […] Le ministre français près la Diète de Ratisbonne, M. de Verjus, recevait de Louvois l’ordre de répondre de la bonne sorte aux plaintes des Allemands, — c’est-à-dire de ne rien répondre à la Diète en corps, et de ne daigner s’expliquer qu’à l’oreille des amis en particulier : « Le droit de Sa Majesté est si bien établi par le Traité de Munster, qu’il ne sera rien dit pour le justifier. […] On sait comment les Étoliens, qui s’étaient abandonnés à leur foi, furent trompés ; les Romains prétendirent que la signification de ces mots, s’abandonner à la foi d’un ennemi, emportait la perte de toutes sortes de choses, des personnes, des terres, des villes, des temples et des sépultures même. […] La nature en eux y suppléait ; chaque grand ambitieux n’a pas tant d’effort à faire pour réinventer cette sorte de machiavélisme à son usage. […] Turenne et Créqui, dans les dernières campagnes, avaient eu lieu d’être mécontents d’elle, et si la petite république n’avait pas été annexée plus tôt et comprise dans un article du Traité de Nimègue, c’est que Louvois comptait bien s’en accommoder bientôt après à meilleur marché, et sans qu’il fût demandé en retour de compensation d’aucune sorte ni d’équivalent.

250. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DIX ANS APRÈS EN LITTÉRATURE. » pp. 472-494

Il semble qu’après dix ans les dispositions littéraires se rejoignent plus qu’elles n’avaient fait dans l’intervalle, qu’elles se rapprochent du moins ; on ne revient pas au point de départ sans doute, et le cercle ne se ferme pas ; mais il y a une sorte de correspondance, comme d’un cercle à l’autre dans la spirale. […] Ces sortes de natures si entières se corrigent-elles jamais, et ne mettent-elles pas leur point d’honneur à être ou à paraître jusqu’au bout invincibles ? […] d’exclusif contre ce qui entoure, rien de littérairement chatouilleux sur soi-même ni sur les autres ; mais, au contraire, une sorte d’insouciance généreuse et de courage d’esprit qui ne demande qu’à toujours aller. […] Mais, ainsi que je l’ai posé en commençant, depuis trois ou quatre années, les choses politiques s’étant graduellement apaisées ou affaissées en ce qu’elles avaient d’habituellement imminent et absorbant, on a le loisir, on se regarde ; rien ne s’est recomposé littérairement et avec le feu des premières œuvres ; du moins les individus se retrouvent, s’essayent ; il y a une sorte de retour des uns à leurs anciens travaux, il y a persistance et perfectionnement chez d’autres, un peu de désabusement chez tous, mais en somme une disposition assez favorable et qui s’intéresse avec assez de sincérité. […] Voilà ce que je me hasarderais à penser de la politique de conservation, en idée du salut du pays, si toutefois je m’étais accoutumé d’assez longue main à concevoir le salut et l’honneur du pays sous ces sortes d’aspects.

251. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Seconde partie. De l’état actuel des lumières en France, et de leurs progrès futurs — Chapitre II. Du goût, de l’urbanité des mœurs, et de leur influence littéraire et politique » pp. 414-442

Cette sorte de goût, plutôt efféminé que délicat, qui se blesse d’un essai nouveau, d’un bruit éclatant, d’une expression énergique, arrêtait l’essor des âmes ; le génie ne peut ménager tous ces égards artificiels ; la gloire est orageuse, et les flots tumultueux de son cortège populaire doivent briser ces légères digues. […] L’insouciance dédaigneuse exerce un grand pouvoir sur l’enthousiasme le plus pur ; la douleur même perd jusqu’à l’éloquence dont la nature l’a douée, lorsqu’elle rencontre un esprit moqueur ; l’expression énergique, l’accent abandonné, l’action même, l’action généreuse est inspirée par une sorte de confiance dans les sentiments de ceux qui nous environnent ; une froide plaisanterie peut la glacer. […] Sous ce rapport, il n’est pas dépourvu d’une sorte de philosophie ; mais cet esprit décourageant arrête le mouvement de l’âme qui porte à se dévouer ; il déconcerte jusqu’à l’indignation ; il flétrit l’espérance de la jeunesse. […] Si la société qui inspirait cette sorte d’instinct, ce tact rapide, est anéantie, le tact et l’instinct doivent finir avec elle. […] Si des faveurs de l’opinion nous passons au maintien du pouvoir légal, nous verrons que l’autorité est en elle-même un poids que les gouvernés ont peine à supporter ; les esprits qui ne sont pas créés pour la servitude, éprouvent d’abord une sorte de prévention contre la puissance.

/ 2670