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477. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « M. ULRIC GUTTINGUER. — Arthur, roman ; 1836. — » pp. 397-422

je n’étais pas malheureux alors ; je commençais à me fatiguer du tourbillon où mon inconstance m’avait entraîné, et à croire qu’il était temps de songer à une demi-retraite… Je me plaisais à mes maux, à mes pleurs, au faible murmure de mon repentir. […] » Pour achever ces indiscrétions sur l’auteur d’Arthur, je dirai que, si celui de Volupté l’avait connu, il semblerait avoir songé à lui expressément dans le portrait de l’ami de Normandie. […] Ils devraient souvent y songer, ceux qui vivent dans la fange des villes, dans leur corruption, dans leurs révoltes : à voir ce qu’il faut d’ordre, de résignation, de peines, pour féconder la terre et faire vivre ceux qui l’habitent, ils deviendraient plus calmes peut-être, et meilleurs.

478. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DE LA LITTÉRATURE INDUSTRIELLE. » pp. 444-471

La Société songera-t-elle au mérite réel dans l’admission ? peut-elle y songer ? […] Homme d’imagination et de fantaisie, il la porte trop aisément en des sujets qui en sont peu susceptibles, et il pousse, sans y songer, à des conséquences fabuleuses dont chaque œil peut redresser de lui-même l’illusion.

479. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LE COMTE XAVIER DE MAISTRE. » pp. 33-63

En ce qui est du comte Xavier, le naturel décida tout ; le travail du style fut pour lui peu de chose ; il avait lu nos bons auteurs, mais il ne songea guère aux difficultés de la situation d’écrivain à l’étranger. […] Loin de nous, en Savoie, en Russie, au ciel de Naples, il semblait s’être conservé exprès pour nous venir offrir, dans sa trop courte visite, à l’âge de près de soixante-seize ans, l’homme le plus moralement semblable à ses ouvrages qui se puisse voir, le seul de nos jours peut-être tout à fait semblable et fidèle par l’âme à son passé, naïf, étonné, doucement malin et souriant, bon surtout, reconnaissant et sensible jusqu’aux larmes comme dans la première fraîcheur, un auteur enfin qui ressemble d’autant plus à son livre qu’il n’a jamais songé à être un auteur. […] — « Je dois à la vérité d’avouer, répondait-il un jour en souriant à quelques-unes de mes questions d’origines, que dans cet espace de temps j’ai fait consciencieusement la vie de garnison sans songer à écrire et assez rarement à lire ; il est probable que vous n’auriez jamais entendu parler de moi sans la circonstance indiquée dans mon Voyage autour de ma chambre, et qui me fit garder les arrêts pendant quelque temps30. » Avant ce voyage ingénieux, il en avait fait un autre plus hardi et moins enfermé, un voyage aéronautique ; il partit d’une campagne près de Chambéry, en ballon, et alla s’abattre à deux ou trois lieues de là.

480. (1870) Portraits contemporains. Tome III (4e éd.) « LOYSON. — POLONIUS. — DE LOY. » pp. 276-306

L’humain entendement serait-il un mensonge, L’existence un néant, la conscience un songe ? […] Il allait donc sans songer au lendemain, quand un jour, à vingt et un ans ; il se maria ; comme La Fontaine, il ne semble pas s’en être longtemps souvenu. […] Que ce soit amitié, reconnaissance, dette acquittée dans la monnaie des poëtes, je ne l’en blâme pas moralement, si tant est que sa dignité n’en ait pas souffert ; mais la poésie vit de choix, et la sienne n’y a pas songé.

481. (1895) Histoire de la littérature française « Première partie. Le Moyen âge — Livre II. Littérature bourgeoise — Chapitre I. Roman de Renart et Fabliaux »

Ainsi Ysengrin le loup ne songe nulle part à manger Belin le mouton, mais il se nourrit de tous les congénères de dam Belin qu’il peut saisir dans les champs et dans les pares. […] Mais ils ne s’en veulent pas : ils jouent un jeu, où l’un perd et l’autre gagne, et celui qui perd, honteux ou furieux, songe à prendre sa revanche plutôt qu’à venger la morale. […] Les auteurs de Fabliaux n’ont pas songé à peindre les mœurs de leur temps, et leurs œuvres étaient pour nos pères ce qu’ont été pour nous la Boule ou le Chapeau de paille d’Italie.

482. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre premier »

Mais ses progrès avaient été si contrariés et si lents, sa marche si incertaine, que le jour où il lui vint comme un guide pour le prendre par la main et le pousser en avant, telle fut sa gratitude, qu’il ne songea plus à distinguer sa part dans l’immense progrès qui se fit tout à coup. […] François Ier songeait à faire renaître la légion romaine. […] Les Italiens nous méprisaient, et ne songeaient guère à nous faire participer à ces biens de l’esprit dont ils jouissaient tout seuls, ni à nous passer ce flambeau de la vie, dont parle Lucrèce.

483. (1880) Les deux masques. Première série. I, Les antiques. Eschyle : tragédie-comédie. « Chapitre IV, Eschyle. »

Plus tard il venait, dit-on, lui dicter en songe ses tragédies. […] Cela fait songer au projet réalisé du sculpteur d’Alexandre, modelant une montagne en colosse, lui faisant porter une ville sur la main droite, et verser de l’autre un fleuve dans la plaine. […] Leurs épithètes éblouissent, leurs exclamations font songer aux cris des orgies bachiques.

484. (1857) Causeries du lundi. Tome II (3e éd.) « Chansons de Béranger. (Édition nouvelle.) » pp. 286-308

Il y a quelques années déjà que, l’étudiant à part moi, et sans songer à venir reparler de lui au public, j’écrivais cette page que je demande la permission de transcrire, comme l’expression la plus sincère et la plus nette de mon dernier sentiment littéraire à son égard : Béranger a obtenu de gloire tout ce qu’il en mérite, et un peu au-delà ; sa réputation est au comble. […] Homme d’un patriotisme sincère, il est évident aujourd’hui qu’en poussant trop au triomphe des passions et à l’explosion des ressentiments populaires, il n’avait pas assez songé au lendemain. […] Les relations de Béranger dans les dix dernières années avec Chateaubriand, avec Lamennais, et même avec Lamartine, ont été célèbres ; elles sont piquantes quand on songe au point d’où sont partis tous ces hommes.

485. (1857) Causeries du lundi. Tome III (3e éd.) « La Grande Mademoiselle. » pp. 503-525

Mademoiselle n’y verra d’abord qu’un sujet de curiosité et de divertissement : « Toutes les nouveautés me réjouissaient… De quelque importance que pût être une affaire, pourvu qu’elle pût servir à mon divertissement, je ne songeais qu’à cela tout le soir. » Telle Mademoiselle était à dix ans, telle à vingt, telle à trente, telle elle sera toute sa vie, jusqu’à ce qu’une passion tardive lui eût appris à souffrir. […] Elle dit au maréchal de L’Hôpital, qui résistait le plus qu’il pouvait, ces nobles paroles : Songez, monsieur, que, pendant que l’on s’amuse à disputer sur des choses inutiles, M. le Prince est en péril, dans vos faubourgs. […] Notez qu’un couvent de carmélites est à deux pas dans la forêt, et que l’on ne manque pas d’aller s’y édifier quelquefois : car il faut, tout en menant douce vie, songer aussi au salut.

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