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256. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « PARNY. » pp. 423-470

Ces masses rocheuses, d’un aspect sévère, sont animées seulement du vol des ramiers sauvages qui s’y sont retirés ; les chasseurs y arrivent rarement et avec assez de peine. » Voilà un beau cadre, nous dira-t-on, un cadre grandiose, et que Parny ne saura pas remplir ; car, s’il eut en lui du ramier, ce ne fut certes pas du ramier sauvage, et son vol ne s’éleva jamais si haut ; on peut douter que, dans sa paresse, il ait songé à gravir au delà des trois petits bassins. […] Le jeune créole, à peine hors des bancs, trahit son caractère vif, enthousiaste et mobile ; il songea d’abord, assure-t-on, à prendre l’habit religieux chez les Pères de la Trappe, et il finit par entrer dans un régiment. […] Cinquante années n’étaient pas encore écoulées que lorsqu’on prononçait simplement le nom d’Éléonore, on ne se souvenait plus de celle de Parny, on ne songeait qu’à la seule et unique Éléonore, à celle de Ferrare et du Tasse : il n’y a que l’idéal qui vive à jamais et qui demeure. […] Voilà de ces vers discrets, délicats, sentis, comme il sied à l’élégiaque qui n’a plus d’amours à chanter d’en laisser échapper encore ; si quelque chose en français pouvait donner idée de ce je ne sais quoi qui fait le charme dans le trait léger et à peine touché d’Anacréon, ce serait cette pièce où Parny, sans y songer, s’est montré un Anacréon attendri. […] A considérer l’original de ce portrait, je songeais qu’il en est un peu pour nous du talent de Parny comme de ce profil, et qu’il a besoin d’être bien regardé pour qu’on en saisisse aujourd’hui le trait léger, le tour presque insensible.

257. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre I — Chapitre deuxième »

Un songe vint à propos le confirmer dans sa résolution. […] L’interprétation de Guillaume, le songe lui-même, c’était le bon sens français qui commençait à n’avoir plus foi aux croisades. […] Je n’y vois pas seulement une évidente imitation du Roman de la Rose, et ce lieu commun d’un songe qui défraye tous les écrits de ce temps ; j’y vois la preuve d’une pensée non moins romanesque qu’historique. Qui s’étonnerait donc que les Chroniques de Froissart n’eussent en beaucoup d’endroits que l’authenticité d’un songe, et qu’il eût quelquefois forgé certains détails pour flatter la forfanterie de quelque homme de guerre, ou payer le bon accueil d’un prince ? […] Mariée fort jeune, et bientôt privée de son protecteur Charles V, elle dut songer à vivre et à faire vivre les siens du savoir qu’elle avait acquis.

258. (1889) Histoire de la littérature française. Tome II (16e éd.) « Chapitre quatrième »

Voilà en quels termes énergiques il se pose ce problème ; voilà l’être pour lequel il songe à chercher quelque chose de meilleur et de plus solide que trois ou quatre vérités de religion naturelle, et quelques inventions physiques au service des besoins du corps. Pascal cherche une certitude pour tous ceux auxquels ni Montaigne ni Descartes n’ont songé ; c’est l’infinie multitude. […] Pascal seul a songé à eux. […] Bossuet a-t-il jamais songé à fortifier sa foi de quelque preuve tirée de la philosophie ? […] L’interlocuteur continuant à se plaindre, le père, après y avoir songé, lui demande s’il n’a pas quelque difficulté à dormir salis souper.

259. (1927) Approximations. Deuxième série

Valentin songea au Campo Santo ; il revit le préau, le lézard vert, le rosier. […] Je songe à ce portrait de Mlle D… qui fut exposé chez Manzi en mars 1914 ; à la Femme aux mains jointes de la collection Gardner. […] De retour en France, c’est Shakespeare encore que je retrouve avec Le Songe d’une Nuit d’été et Mesure pour mesure. […] Il faisait plus qu’y songer. […] (Moi, du moins je n’y songe qu’après coup et comme par devoir).

260. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Mélanges religieux, historiques, politiques et littéraires. par M. Louis Veuillot. » pp. 64-81

Veuillot et de la tolérance passée dans nos mœurs que, du moment qu’il s’est trouvé, ou à peu près, réduit au silence, personne ne lui en a plus voulu ; on a oublié l’injure pour ne songer qu’au talent, pour regretter même de ne plus rencontrer ce talent chaque matin, à la condition, s’il était possible, d’un moins âpre emploi. […] Que de personnages importants et agités, tout pleins d’eux-mêmes, qui posent complaisamment, sans songer qu’ils sont là devant Charlet, devant Gavarni ou Daumier, ou même devant Nadar ! […] les berceaux, la couronne, L’avenir… Maintenant, quand je songe à ces biens, J’ignore si je rêve, ou si je me souviens.

261. (1863) Nouveaux lundis. Tome I « Lettres de Madame de Sévigné »

Mais lui-même, épris de son objet, il eut ses scrupules de puriste, son désir du mieux, ses idées de perfectionnement : il en résulta, dans la seconde édition qu’il donna, des corrections de son fait, méditées de longue main et portant presque toutes sur les naturelles et divines négligences d’un auteur charmant qui n’avait jamais songé à être auteur. […] Pecquet est ravi de songer que la petite n’a plus de besoin ; on voyait qu’elle en avait et qu’elle cherchait toujours. […] Je ne dormais plus en repos de songer que la petite languissait, et du chagrin aussi d’ôter cette jolie femme, qui pour sa personne était à souhait ; il ne lui manquait rien que du lait.

262. (1865) Nouveaux lundis. Tome III « Mémoire de Foucault. Intendant sous Louis XIV »

Non pas qu’il ait rédigé ses Mémoires ou son Journal dans le moment même où il agissait et administrait : il paraît n’y avoir songé que tard et après sa retraite des intendances ; mais il a rédigé ses notes sur pièces, à mesure que, dans la révision qu’il faisait de ses papiers, chaque lettre, chaque copie ou minute lui tombait sous la main et fixait ses souvenirs. […] C’est par un effet de cette même habitude d’ordre et de comptabilité privée, qu’au milieu des affaires les plus suivies de son intendance de Montauban, il songeait encore à noter sur un petit papier : « 1679, tel mois, j’ai prêté cinq louis d’or à M. le duc d’Elbeuf, qu’il ne m’a pas rendus. » Le bourgeois Foucault tient de son père d’être exact et strict en tout. […] Il ne songe à rien dissimuler de sa conduite dans ces odieuses opérations, qu’il lui était difficile d’alléger, sans doute mais qu’il est toujours disposé plutôt à aggraver : « Le 23 juillet 1681, j’ai proposé à M. de Louvois de faire venir de Roussillon deux compagnies de cavalerie dans le haut Rouergue et dans le haut Quercy, pour seconder les missionnaires ecclésiastiques. » Foucault n’a pas inventé les dragonnades, dont le triste honneur reste acquis à Marillac, intendant du Poitou ; mais il a été des premiers, on le voit, à accueillir l’heureuse idée et à vouloir la faire fructifier.

263. (1869) Nouveaux lundis. Tome XI « Le comte de Clermont et sa cour, par M. Jules Cousin. (Suite et fin.) »

Enfin, lorsque sous le Consulat la bonne société eut sa renaissance et que l’épouse du premier Consul, Joséphine, renouant la chaîne des traditions polies, eut l’idée de rallier les élégants débris de l’ancien monde, à qui donc songea-t-elle d’abord à s’adresser si ce n’est à Mme de Montesson elle-même qui vivait encore, et qui avait su conserver ou reformer après la Révolution son cercle distingué d’amis ? […] Le général des Bénédictins, comme on l’avait surnommé dans la dernière guerre, était désormais averti de songer tout de bon à se réformer. […] Son Altesse Sérénissime répondit tout en piss… : « Mortaigne, prenez garde de prendre votre c… pour vos chausses. » Sans doute, ajoute M. de Voyer, que ce prince sentit l’absurdité de tirer d’un point aussi éloigné que la droite le secours nécessaire à la gauche ; mais il eut la faiblesse de ne pas s’opposer à ce ridicule arrangement. » Supposez un moment en imagination que le prince de Condé, dans la gloire des journées de Rocroy et de Lens, et à la faveur d’un songe comme le figurent les poëtes épiques, aperçoive tout à coup, dans l’avenir, un de ses descendants perdant une bataille dans une telle posture et sur un tel mot, et demandez-vous ce qu’il en dira !

264. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « M. de Sénancour — Note »

« Je connais combien je suis loin de ce que l’homme peut atteindre, et de ce que moi-même j’eusse désiré dans ces moments d’énergie où l’on ne sent que l’élévation du beau sans songer aux entraves terrestres. […] « De bonne heure j’ai demandé aux hommes quelle loi il fallait suivre ; quelle félicité on pouvait attendre au milieu d’eux, et à quelle perfection les avaient conduits quarante siècles de travaux : ce qu’ils me répondirent me parut étrange ; ne sachant que penser de tout le mouvement qu’ils se donnent, j’aime mieux livrer mes jours au silence et achever dans une retraite ignorée le songe incompréhensible. […] En attendant, nous ne voyons que cet ecclésiastique ; nous le voyons parce qu’il s’est présenté, parce qu’il est tel que nous eussions pu désirer un voisin, et parce qu’il paraît avoir besoin de ces distractions auxquelles, nous, nous ne songions pas. 

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