« Je ne comprends pas de peinture, a dit un grand écrivain qui est peintre lui-même, s’il n’y a de la lumière et du soleil. » Le dialecte dorien chez Théocrite, et dès la première idylle, répond à ce soleil, à cette lumière. […] Elle nous le montre au plus beau moment du voyage, à son plus haut soleil du matin, au midi de l’été et de la journée, dans la fleur entière d’un talent et d’un cœur déjà épanouis. […] Le ton de Lycidas répond d’abord à son air, et tout ce qu’il touche s’anime aussitôt : « Simichidas, dit-il (c’est le nom sous lequel Théocrite s’est ici personnifié), où donc tires-tu de ce pas par ce soleil de midi, quand le lézard lui-même dort sur les haies et que l’alouette huppée ne vague plus ? […] Gracieuse Vomvyca, ils t’appellent tous Syrienne, maigre et brûlée du soleil ; moi seul je te trouve la couleur du miel.
Il est vrai que nous pouvons découvrir des défauts dans l’un et dans l’autre ; mais il ne faut pas confondre la faculté d’apercevoir des taches au soleil, avec celle de concevoir un soleil plus beau. […] À ceux qui ont besoin de trouver des taches au soleil, elle accorde sans peine que la reconnaissance finale est maladroitement expliquée, que les longs discours de Chrysalde sont inutiles, ennuyeux, et non seulement cela, mais qu’ils offensent trop le sens moral pour ne pas choquer le goût. […] Uranie leur dira-t-elle : Vous êtes des aveugles qui me priez de vous montrer le soleil ; allez-vous faire ouvrir les yeux, et vous n’aurez pas besoin que je vous le montre ? […] Jamais l’œil n’eût aperçu le soleil, s’il n’en avait pris la forme ; de même, si l’âme ne fût devenue belle, jamais elle n’eût vu la beauté. » L’école dogmatique et Molière Soyez de bonne foi, monsieur Lysidas.
C’est dans cette chambre qu’en été je venais apprendre mes leçons, contempler un orage, admirer le coucher du soleil et soupirer après la campagne. […] Du fond de la sombre maison de son père, à Francfort, le nom de Goethe, porté à la foule par Werther, porté à l’élite et aux universités par Goetz de Berlichingen, grandit, comme l’aloès, en un soleil. […] Son voyage, qu’il a imprimé dans ses Mémoires, n’a qu’un seul intérêt, l’enthousiasme d’un homme du Nord pour le soleil, l’ivresse de la nature respirée sur place dans les parfums de Naples et de Palerme. […] « Regarde plutôt décliner le soleil couchant, le jour expiré ! […] Et maintenant le premier rayon du soleil M’a surprise encore éveillée, Assise sur mon séant Dans ma couche de tristesse !
De même, selon Schneider, pourquoi la contemplation d’un coucher de soleil nous donne-t-elle une impression de calme et de paix ? « Il n’y a qu’une réponse : c’est que, depuis d’innombrables générations, la vue du soleil couchant est associée au sentiment de la fin du travail, du repos, de la satisfaction. » C’est trop dire, sans doute ; les teintes mêmes du soir et sa fraîcheur ont un effet psychologique qui entre comme élément dans notre émotion ; nos souvenirs personnels y sont aussi associés, et non pas seulement les réminiscences ancestrales ; pourtant il est plausible d’admettre que le calme des heures de repos goûtées par le genre humain depuis des siècles descend en nous avec les ombres du soir. […] La première lueur du soleil excite votre œil et, à mesure que le soleil levant monte à l’horizon, il semble que le plaisir se lève aussi et monte à l’horizon de votre conscience ; mais quand la lumière est devenue trop vive, votre œil est blessé, aveuglé. […] Qui ne connaît le passage classique de Bossuet : « Les yeux fixés sur le soleil y souffrent beaucoup et à la fin s’y aveugleraient ; mais le parfait intelligible récrée l’entendement et le fortifie ; la recherche en peut être laborieuse, mais la contemplation en est toujours douce. » Toutefois, ces plaisirs absolument purs de l’intelligence ne sont qu’un idéal irréalisable, la contemplation même dont parle Bossuet ne demeure douce que le temps pendant lequel l’attention n’est point fatiguée ; la plus haute extase ne va point sans une tension des muscles qui se manifeste dans l’attitude même, et sans un épuisement consécutif de la substance nerveuse.
Toute vie, toute action est une divination consciente ou inconsciente : « Devine, ou tu seras dévoré. » La plante même, dont la tige lentement croissante monte vers le ciel pour y trouver la chaleur et la lumière, compte sur le soleil et sur ses rayons d’aujourd’hui, pressent son retour futur : la croissance de la plante est une induction qui s’ignore, une inconsciente anticipation de l’avenir, une affirmation en acte que ce qui a été sera, que le soleil qui s’est levé aujourd’hui se lèvera demain, que les phénomènes de la nature ont des raisons constantes, qui font qu’on peut y vivre, grandir, fleurir et porter fruit. […] Platon comparait le soleil du monde idéal à celui du monde sensible ; mais notre soleil, si brillant à la surface, renferme un noyau obscur, et on peut se demander s’il n’en est pas de même du principe de l’être, si, rayonnant au dehors, il n’est pas obscur et opaque au dedans. Là existerait encore, comme dans le soleil, la chaleur de la vie, l’effervescence du mouvement ou de l’action ; mais ces ténèbres éternellement vivantes et éternellement insondables opposeraient leur barrière aux rayons de l’intelligence.
Shakespeare, qu’il faut toujours avoir devant soi quand on regarde Gœthe, parce qu’il l’éclaire bien, mais d’une terrible lumière, Shakespeare, sans lequel, au théâtre, Gœthe n’aurait jamais existé, a, je l’ai dit déjà, le grave défaut de manquer de cohésion dans la structure de ses drames : c’est la tache au soleil dans ce soleil. […] qu’une imitation du théâtre grec, mais qui ne lui ressemble que comme une statue de neige ressemble à une statue de marbre, éclatant aux feux du soleil ! […] Chose singulière, Gœthe, cet homme qui tenait tant à sa place au soleil et qui l’a eue si belle, cet égoïste qui s’est mis à côté de chaque événement pour ne pas troubler son bonheur, cet arrangeur de toutes choses, depuis ses Poésies sans élan jusqu’à sa maison et ses bibelots, avait la philosophie des fakirs, mais sans en avoir le mysticisme. […] Le Diogène protestant qu’il s’est tant vanté d’être dit au catholicisme, comme l’autre Diogène à Alexandre : « Ote-toi de mon soleil ! […] Les Entretiens d’Eckermann, publiés en ces derniers temps, nous ont assez divertis, quand ils parurent, par les colossales balourdises sur la littérature française contemporaine qui s’y prélassaient, comme des baleines nageant, sur la mer, au soleil.
Ne vous mettez pas devant mon soleil de province ; je vous le prêterai pour la santé de votre corps, laissez-le-moi pour le salut de mon esprit. […] sur la montagne, à côté du soleil ! […] Un automne plein de soleil ! […] adieu, gazon, fontaines, doux et riant soleil ! […] Jardin et soleil, fleurs et maison pour deux cents francs, difficile problème !
Et pourquoi les ouvrages des hommes ne passeraient-ils pas, quand le soleil qui les éclaire doit lui-même tomber de sa voûte ?
Symptomatiques penchants de l’Élite intellectuelle, qui méconnaît la radieuse santé, les édens de chairs et de soleil, resplendissant dans Germinal ou dans la Terre, et se divertit béatement aux manies cénobitiques, aux déformations psychologiques d’aussi médiocres prototypes que des Esseintes ou Durtal. […] Comme un Van Gogh affolé, il retourne à la nature n’y cherchant pas seulement le soleil et des couleurs, mais aussi un Dieu et des idées. […] Monet qui réalise cet hymen formidable de l’Œil et du Soleil où le Sens devient la Sensation ; Zola dans l’idylle panthéiste de l’abbé Mouret demeurent les précurseurs de l’art naturiste. […] Sully-Prudhomme : Ainsi le soleil vit en son moindre rayon Et quelle herbe rêva ses gloires embrasées ? […] Il le chante dans une molle campagne, fraîchement arrosée, dorée d’épis, sous un tiède soleil.