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151. (1872) Nouveaux lundis. Tome XIII « Le général Jomini. [II] »

J’ai souvent admiré comment, en arrivant le soir dans une misérable cabane, le cuisinier trouvait moyen, au bout de deux heures, de nous donner un excellent dîner de Paris. […] Le soir était venu, et il vient vite à cette époque de l’année. […] Ney, qui la veille ignorait, comme Napoléon lui-même, qu’il allait y avoir bataille le 8 février, avait envoyé le 7 au soir au quartier général l’aide de camp Fezensac, pour rendre compte à l’Empereur de sa marche et de l’attaque qu’il poussait vivement contre le général prussien Lestocq : « C’est la plus importante mission que j’aie remplie, nous dit M. de Fezensac, et la plus singulière par ses circonstances ; elle mérite donc d’être racontée avec quelques détails. « Je partis de Landsberg, le soir à neuf heures, dans un traîneau. […] On lit dans l’Histoire du Consulat et de l’Empire, tome vii, p. 372, au récit de la bataille d’Eylau : « Napoléon se hâta de dépêcher le soir même du 7 février plusieurs officiers aux maréchaux Davout et Ney pour les ramener l’un à sa droite, l’autre à sa gauche… » — « C’est une erreur, dit M. de Fezensac, en ce qui concerne le maréchal Ney ; il ne reçut aucun avis et ne sa doutait pas de la bataille, quand je le joignis le 8, à deux heures dans la direction de Creutzburg. » 41.

152. (1857) Causeries du lundi. Tome IV (3e éd.) « L’abbé Maury. Essai sur l’éloquence de la chaire. (Collection Lefèvre.) » pp. 263-286

Mais son organisation, même dans sa fougue, ne se laissa jamais détourner du travail opiniâtre qui devait le conduire au but : Cet auteur est une preuve, a dit La Harpe (son rival), de ce que peut le travail obstiné et la force des organes… Il était né avec de l’esprit, et, se levant tous les jours à cinq heures du matin, étudiant jusqu’au soir, il avait acquis des connaissances littéraires. […] Marmontel fit part de cet entretien à l’abbé Maury le soir même : Il n’est que trop vrai, répondit celui-ci, que dans leurs spéculations ils ne se trompent guère, et que pour trouver peu d’obstacles la faction a bien pris son temps. […] Mais il est certainement dans le bon sens, lorsque dans la séance du soir du 19 juin (1790), une suite de motions étourdies s’étant succédé coup sur coup contre la statue de Louis XIV de la place des Victoires, contre les titres de noblesse et les simples noms de terres, et tout cela de la part des Noailles, des Montmorency, de tous ceux qui en feront depuis leur mea culpa solennel, lui, l’abbé Maury, monte à la tribune, venge ingénieusement Louis XIV, et répond à toute cette noblesse ambitieuse de s’abolir, par ce mot d’un ancien à un philosophe orgueilleux : « Tu foules à tes pieds le faste, mais avec plus de faste encore. […] Arrivé tard, à l’une de ces séances du soir, quand la discussion était engagée sur quelque sujet tout à fait inattendu, on l’a vu appelé tout à coup par ses amis, qui lui criaient dès l’entrée : « Allons, l’abbé, voilà comme vous êtes toujours ; vous êtes absent, et voilà ce qu’ils vont faire passer !  […] Le soir, je le revis encore ; nous parlâmes longuement sur différents sujets qu’il rasa à tire-d’aile.

153. (1860) Ceci n’est pas un livre « Hors barrières » pp. 241-298

Et, certain soir que le fils des croisés criait : « A-Almanachs ! […] Le soir d’une de ses premières (on venait de baisser la toile) je l’ai entendu demander avec des clameurs furieuses par une salle en délire. […] Il arrivait chaque soir, à la même heure — au même café, s’appuyant d’une main sur la large pomme d’ivoire d’une canne courte et trapue, — et de l’autre, sur un parapluie couleur feuille morte. […] Après de longues méditations, je m’arrêtai à ce plan : « Demain soir, j’arrive de bonne heure au café, je me place à la table de mon petit vieux, — j’accapare sa Gazette et son Charivari. […] pensai-je… et Philarète Chasles sera bien content. » Le soir, le petit vieux ne vint pas au café, — le lendemain non plus.

154. (1876) Chroniques parisiennes (1843-1845) « LXI » pp. 237-241

Il est homme à déclamer durant quinze jours de suite, en plein air, du matin au soir, et sans lasser les autres ni lui-même. […] La séance publique avait lieu le soir dans une salle improvisée sous la halle : Six mille âmes et plus qui saluent la croix Étayée de six évêques, Deux cents chanoines alignés, Musique de messieurs, musique de soldats, Et le prêtre au milieu.

155. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Laforgue, Jules (1860-1887) »

Dans Lohengrin, fils de Parsifal, le grand-prêtre, ami de Séléné, se lève, et se tournant vers les vierges assemblées « dans le silence polaire », il leur dit : « Mes sœurs, comme ces soirs vont décidément à votre beauté ! » Eh bien, je vous affirme qu’à l’endroit où elle se trouve, cette petite phrase des faubourgs de la vie est plus conforme à je ne sais quel sourire auguste de notre âme que la page la plus éloquente sur la beauté des soirs… Un poète n’est jugé justement que par ceux qui l’entourent et par ceux qui le suivent.

156. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — R — Rodenbach, Georges (1855-1898) »

Rodenbach nous satisfait par ses condensations de mots lorsqu’il dépeint, par exemple, des eaux : Une eau candide où le matin se clarifie Comme si l’Univers cessait au fil de l’âme, ou définit des yeux : Reliquaires du sang de tous les soirs tombants ou bien Sites où chaque automne a légué de ses brumes. Il a de même donné d’un peu longues, un peu insistantes, mais intéressantes sensations sur les vitres où meurt le soir, sur les malades à la fenêtre ; c’est souvent ténu, aigu et délicat.

157. (1896) Le IIe livre des masques. Portraits symbolistes, gloses et documents sur les écrivains d’hier et d’aujourd’hui, les masques…

moi, j’ai sa chevelure… mais voici que la voisine a le son de sa voix ; et puis celle-là ce soir te représente un brin de ton rêve… Va, nous savons bien que tu nous méprises au fond véritable de ton cœur de fou. […] De la nuit éternelle nous allons à travers des obstacles vers la nuit éternelle, nous sommes un drapeau qui flotte une journée au bout d’un mât et qu’on rentre le soir et qui ne reverra jamais la lumière. […] Comme c’est beau, un soir d’été ! […] Fontainas : l’eau calme, grave et tiède d’une anse où, parmi les roseaux, les nénuphars et les joncs, le fleuve, dans la sérénité du soir, se repose et s’endort. […] un seul instant, revenir vers le passé qu’on a vu mourir, un soir d’adolescence, un soir de jeunesse, un soir d’amour : Il y a de grands soirs où les villages meurent ― Après que les pigeons sont rentrés se coucher.

158. (1860) Cours familier de littérature. X « LVIe entretien. L’Arioste (2e partie) » pp. 81-160

Seulement nous n’étions plus mollement accoudés, pour l’entendre, sous une grotte sonore rafraîchie par un jet d’eau : mais le soir, à l’heure où la gondole remplace la calèche dans les lagunes de Venise, nous laissions le gondolier louvoyer à son caprice entre les îles, aux dômes dorés par le soleil couchant, qui se détachent comme des faubourgs à l’ancre de la ville, à l’embouchure de la vaste mer ; et, à demi couchés sur les bancs, au branle de la barque, nous demandions au professeur un chant de poète pour compléter toute cette poésie du soir à Venise. […] Si Angélique s’asseyait à l’ombre ou si elle s’éloignait de la cabane, le jour, la nuit, elle avait le beau jeune homme à ses côtés, le matin et le soir ; tantôt cette rive du ruisseau, tantôt un antre elle allait cherchant, ou bien quelque prairie verdoyante ; au milieu du jour, une grotte les couvrait de son ombre. […] Le dernier soir de notre lecture en commun dans la gondole fut aussi le dernier soir de notre séjour à Venise. […] Notre bonheur, bonheur vague, indéterminé, indécis comme l’horizon du soir sur l’Adriatique, allait finir avec le volume. […] — Précisément, reprit-il : ce n’est pas le poète de l’adolescence ni de la jeunesse, c’est le poète du soir de la vie.

159. (1865) Causeries du lundi. Tome VI (3e éd.) « Madame, duchesse d’Orléans. (D’après les Mémoires de Cosnac.) » pp. 305-321

Mais Monsieur était si satisfait de pouvoir, tous les soirs qu’il passait à Paris, demander à dix ou douze personnes en particulier : « Eh bien ! […] Elles avaient l’honneur de la suivre au Cours ; au retour de la promenade, on soupait chez Monsieur ; après le souper, tous les hommes de la Cour s’y rendaient, et on passait le soir parmi les plaisirs de la comédie, du jeu et des violons ; enfin on s’y divertissait avec tout l’agrément imaginable, et sans aucun mélange de chagrin. […] C’est trois jours après cette lettre écrite, que le 29 juin, sur le soir, vers cinq heures, Madame étant à Saint-Cloud, demanda un verre d’eau de chicorée à la glace ; elle le prit, et neuf ou dix heures après, à deux heures et demie du matin, le 30, elle expira dans toutes les douleurs de la plus violente colique. […] Dans le premier moment, ou avait fait venir un docteur Feuillet, chanoine de Saint-Cloud, grand rigoriste : ce docteur ne ménagea en rien la princesse ; il lui parla presque durement ; écoutons son récit à lui-même : À onze heures du soir, elle m’envoya appeler en grande diligence.

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