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460. (1895) Histoire de la littérature française « Sixième partie. Époque contemporaine — Livre II. L’époque romantique — Chapitre IV. L’Histoire »

L’Histoire de la Révolution d’Angleterre 827, l’Histoire de la Civilisation en Europe, l’Histoire de la Civilisation en France, ces grandes œuvres froides et fortes, sont la démonstration, impartiale et scientifique eu apparence, systématique et passionnée au fond, de ces deux vérités : qu’une royauté même légitime n’a pas de droits contre les représentants de la nation ; et que le gouvernement doit appartenir aux classes moyennes qui ont la richesse et les lumières, qui, par intérêt et par capacité, assureront la prospérité du corps social. […] Tocqueville, comme les historiens orléanistes, voit dans la Révolution la conséquence, le terme d’un mouvement social et politique qui a son commencement aux origines mêmes de la patrie : au lieu que presque toujours, pour les légitimistes et pour les démocrates, la Révolution était une rupture violente avec le passé, une explosion miraculeuse et soudaine que les uns maudissaient, les autres bénissaient, tous persuadés que la France de 1789 et de 1793 n’avait rien de commun avec la France de Louis XIV ou de saint Louis. […] Quand il abordait l’histoire de France, il voyait dans l’affranchissement des communes « une véritable révolution sociale, prélude de toutes celles qui ont élevé graduellement la condition du Tiers État » : remontant plus haut, il crut trouver dans l’invasion franque « la racine de quelques-uns des maux de la société moderne : il lui sembla que, malgré la distance des temps, quelque chose de la conquête des barbares pesait encore sur notre pays, et que des souffrances du présent on pouvait remonter, de degré en degré, jusqu’à l’intrusion d’une race étrangère au sein de la Gaule, et à sa domination violente sur la race indigène ».

461. (1864) William Shakespeare « Première partie — Livre III. L’art et la science »

Et attendez un peu de temps, laissez se réaliser cette imminence du salut social, l’enseignement gratuit et obligatoire, que faut-il ? […] Il savait d’innombrables choses, entre autres celles-ci : — La terre est plate. — L’univers est rond et fini. — La meilleure nourriture pour l’homme est la chair humaine. — La communauté des femmes est la base de l’ordre social. — Le père doit épouser sa fille. — Il y a un mot qui tue le serpent, un mot qui apprivoise l’ours, un mot qui arrête court les aigles, et un mot qui chasse les bœufs des champs de fèves. — En prononçant d’heure en heure les trois noms de la trinité égyptienne, Amon-Mouth-Khons, Andron d’Argos a pu traverser les sables de Libye sans boire. — On ne doit point fabriquer les cercueils en cyprès, le sceptre de Jupiter étant fait de ce bois. — Thémistoclée, prêtresse de Delphes, a eu des enfants et est restée vierge. — Les justes ayant seuls l’autorité de jurer, c’est par équité qu’on donne à Jupiter le nom de Jureur. — Le phénix d’Arabie et les tignes vivent dans le feu. — La terre est portée par l’air comme par un char. — Le soleil boit dans l’océan et la lune boit dans les rivières. — Etc. — C’est pourquoi les athéniens lui élevèrent une statue sur la place Céramique, avec cette inscription : À Chrysippe, qui savait tout. […] Et Aristote croyait au fait d’Andron d’Argos, et Platon croyait au principe social de la communauté des femmes, et Gorgisippe croyait au fait de la terre plate, et Épicure croyait au fait de la terre portée par l’air, et Hermodamante croyait au fait des paroles magiques maîtresses du bœuf, de l’aigle, de l’ours et du serpent, et Echécrate croyait au fait de la maternité immaculée de Thémistoclée, et Pythagore croyait au fait du sceptre en bois de cyprès de Jupiter, et Posidonius croyait au fait de l’océan donnant à boire au soleil et des rivières donnant à boire à la lune, et Pyrrhon croyait au fait des tignes vivant dans le feu.

462. (1889) Émile Augier (dossier nécrologique du Gaulois) pp. 1-2

Jamais, ou bien rarement, il s’est aventuré sur la terre commune, celle où l’être humain, dépouillé des oripeaux de la convention sociale, nu et désarmé, lutte, souffre et meurt. […] S’il n’a point l’œil assez vaste, le regard assez puissant, pour voir, d’ensemble, la société qui s’agite à ses pieds, il s’attachera à en étudier la fraction qui, par son importance sociale, son intelligence, son éducation, le rôle qu’elle a joué a le plus d’affinités avec lui-même. […] Ma conviction a toujours été que notre théâtre de demain ne sera que le développement de la formule classique, élargie et adaptée à notre milieu social.

463. (1864) Corneille, Shakespeare et Goethe : étude sur l’influence anglo-germanique en France au XIXe siècle pp. -311

Non, l’idéal français tel qu’il se manifesta au xviie  siècle n’était pas l’idéal humain, c’était l’idéal social. […] Dans l’histoire du développement social et philosophique de la France, le dix-huitième siècle a été ce mauvais moment. […] Rousseau descendit plus profondément au cœur de la société, et il en tira l’homme du peuple, l’homme dans toute sa simplicité, l’homme dépourvu de toutes les grâces, de toutes les faveurs sociales. […] Dans Marie Tudor, Victor Hugo, continuant ses paradoxes sociaux, fait descendre la reine d’Angleterre aussi bas qu’une femme peut descendre, et la place entre un aventurier, son favori, et le bourreau. […] C’était l’idée sociale qui commençait à gronder dans la littérature, avant de se faire place dans la presse, à, la tribune et sur la place publique.

464. (1907) Propos littéraires. Quatrième série

La morale n’est pas seulement la résultante des exigences sociales. […] Charles travaille donc au salut social. […] Oui ; mais dans la mesure où le lien social ne sera pas sensiblement plus relâché qu’il ne sera ailleurs. […] Le Bon a raison, serait une folie, parce que ce serait un danger social. […] Au fond de toute transformation sociale il n’y a qu’un malaise économique.

465. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XX. Du dix-huitième siècle, jusqu’en 1789 » pp. 389-405

Rousseau, portant dans son sein une âme souffrante, que l’injustice, l’ingratitude, les stupides mépris des hommes indifférents et légers avaient longtemps déchirée ; Rousseau, fatigué de l’ordre social, pouvait recourir aux idées purement naturelles. […] Mais si l’art social atteint un jour en France à la certitude d’une science dans ses principes et dans son application, c’est de Montesquieu que l’on doit compter ses premiers pas.

466. (1897) Le monde où l’on imprime « Chapitre XV. Les jeunes maîtres du roman : Paul Hervieu, Alfred Capus, Jules Renard » pp. 181-195

Simultanément qu’un roman de mœurs et de caractères, L’Armature est un roman social. […] Le sujet social du livre est mal étreint.

467. (1905) Les œuvres et les hommes. De l’histoire. XX. « La Paix et la Trêve de Dieu »

c’est l’édifice social en haut, en bas, à tous les étages ; c’est la société même. […] Il avait constitué toutes les prépondérances et toutes les préséances sociales, à l’Église, au camp, et même aux festins.

468. (1906) Les œuvres et les hommes. Femmes et moralistes. XXII. « Si j’avais une fille à marier ! » pp. 215-228

, et tous les privilèges sociaux de l’homme (p. 31) doivent disparaître et disparaissent devant la grandeur de la vertu de la femme ». […] Faux en métaphysique, si on peut dire qu’il y ait de la métaphysique dans ces bigarrures de philosophie sans étoffe ; — faux en morale, puisqu’il la fait naturelle ; — et faux en conception du rôle social de la femme, qui n’est plus qu’un rôle physiologique, car l’idéal est imposé par la nature au nom des lois physiologiques, lesquelles, pour Weill, doivent comprendre toutes les espèces de lois, il est faux encore, le plus souvent, par le style romanesco-philosophique, et, par-dessus tout cela, il n’est pas amusant !

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