La littérature seule d’un siècle nous révèle les altérations que subissent les idées, les sentiments et la physionomie de ce siècle. […] On n’a pas plus tôt commencé le volume qu’on voit arriver l’appréciation complète du talent d’André Chénier, qui a clos le siècle, qui, pour mieux dire, est de ceux qui ont inauguré un siècle nouveau. […] Depuis près d’un siècle on nous a contesté, en littérature, toutes nos gloires. […] Le politique n’a qu’une heure dans la suite des siècles. […] La belle époque du siècle s’y mire, image sans défaut dans un miroir sans tache.
Mais, longtemps, l’esprit du fabliau, l’esprit gaulois fut hideux et néfaste ; il a bien mérité, après les siècles et les siècles, cette abjection suprême d’agoniser gaiement et misérablement dans le vaudeville et la chanson de café-concert. […] Laissez passer le siècle, les siècles ! […] Il est le soleil Moloch de tous les petits astres d’un siècle. […] Alors ce fut, pour les lettres françaises, un temps d’infécondité, de vacuité, seule lacune en notre admirable siècle poétique. […] pourquoi restes-tu, depuis tant de milliers de siècles, immobile et comme sans pensée ?
Le but de l’écrivain est-il de se poser en perpétuel candidat devant le suffrage universel des siècles ? […] Au même titre que les modernistes les plus dédaigneux du passé, ce chercheur de textes est un enfant du siècle. […] On disait communément, au commencement du siècle, que l’Ecosse abonde en sites romantiques. […] Le siècle avait manqué son œuvre. […] Il n’a pas essayé davantage de nier qu’une contagion de désespérance gagne le siècle.
Au commencement du siècle dernier, Louis XIV une fois mort, la licence avait été extrême, effrénée, monstrueuse. […] Louis XV, dont la faiblesse mal entourée ne reçut de son siècle que les influences mauvaises, subit et consacra ce coupable exemple.
Pas une réflexion, pas un mot qui y décèle la complicité de madame de Genlis avec son siècle, et cette contagieuse atteinte de l’opinion à laquelle échappent si peu d’élus ! […] Lui aussi s’est cru obligé en conscience de dénigrer et de flétrir, dans la dernière moitié de sa vie tous ceux qu’il avait connus et cultivés dans la première ; il a méconnu son siècle et n’y a rien loué que lui.
Lire des mémoires, s’amuser à dépouiller, en prenant des notes, les archives du siècle le plus spirituel, le plus dramatique, le plus galant, le plus copieux, pour en tirer de beaux volumes de curiosité érudite, combien en seraient demeurés là ! […] Ses portraits du xviiieº siècle, ses essais sur l’art d’autrefois et sur l’art japonais ne sont auprès de ses romans que divertissements et intermèdes.
Au xviiie siècle, ce siècle du joli, de l’esprit, des mœurs efféminées, nouvelle et longue éclipse. […] On n’a pas encore oublié quelle quantité de petits René, quelles contrefaçons de Don Juan les succès de Chateaubriand et de Byron firent éclore au commencement de notre siècle.
Renan, quelle est la règle de vie la plus convenable au philosophe qui fait le métier dangereux de toucher aux préjugés de son siècle ? […] Renan, en même temps qu’il introduisait dans les jugements du siècle une compréhension qui allait contre la discipline de Saint-Sulpice, s’imposa de garder pour soi-même la rigueur de mœurs qu’il avait vu pratiquer dans cet austère bâtiment.
L’enthousiasme pour son nom devint si passionné et si unanime, qu’Alphonse n’osa retenir plus longtemps dans une loge de fou celui que l’Italie et la France proclamaient à l’envi le Virgile de son siècle. […] On conçoit la popularité d’une pareille poésie dans un siècle où le fanatisme des croisades n’était pas encore éteint, où les traditions de la chevalerie subsistaient encore, et où la passion poétique de la renaissance italienne faisait des poètes tels que Dante, Pétrarque, le Tasse, les véritables héros de l’esprit humain. […] Le cardinal Cinthio voulait à lui seul venger l’injustice du siècle et l’injustice de la nature envers le Tasse. […] La foi était si jeune et si vive en ce siècle à Rome, qu’aucun doute n’en altérait la sécurité, et qu’on passait de cette vie à l’autre, comme si du sein des ténèbres mortelles on eût vu luire les splendeurs visibles du ciel chrétien. […] L’un et l’autre méritaient également cette préférence : ils avaient devancé leur siècle dans la tendresse pour un malheureux et dans le culte pour un grand homme.