Dans tous, on sent un maître qui avoit enseigné depuis plus de 40 ans les regles qu’il explique. […] Le Pere Bouhours sentit bien qu’il seroit critiqué & pour aller au-devant des censeurs, il se donna les plus grands éloges dans quatre Lettres anonymes à une Dame de Province, publiées en 1688. […] Rien n’y sent la sécheresse didactique ; le style est toujours plein d’agrément & de noblesse. […] Mais si ces divisions se suivent l’une l’autre, si au lieu de faire de chaque point comme un Sermon particulier, elles ne forment qu’un tout bien lié, bien suivi ; il me semble que ces divisions ne servent qu’à mettre plus d’ordre & de méthode, à faire sentir davantage si l’on a prouvé ce que l’on avoit entrepris de prouver. […] Mais il est plus aisé d’en sentir la bonté, que de les exécuter.
Ici, en sa qualité de poète, c’est-à-dire de voyant, il a vu et senti des choses qu’aucun critique n’avait jusqu’ici vues ou senties. […] Éclatante réplique au fameux axiome : Mens sana in corpore sano, de l’École de Salerne, qui renvoie si fièrement à l’école cette École… Heine, à travers la sympathique pitié qu’il est impossible de ne pas sentir pour des maux si grands, inspire pourtant je ne sais quelle joie orgueilleuse à ceux-là qui croient à la spiritualité humaine et qui pensent que, dans la créature de Dieu, les organes ne doivent pas être les maîtres, mais les serviteurs. […] Un jour, Henri Heine, dans sa floraison de jeunesse, écrivit, comme s’il eût senti les murmures en lui de cet horrible mal sous lequel il devait succomber, que « tout homme de génie était nécessairement malade et même que le génie n’était qu’à ce prix », et les gens qui se portaient bien trouvèrent la chose insolente et lui en firent la guerre. […] En vain nous dit-il, entre deux morsures du mal sous lequel il a succombé, que « malgré ses souffrances, il est gai, et que les pensées joyeuses le hantent », je ne connais, moi, rien de plus navrant que ces lettres dans lesquelles l’enchanteur intellectuel qu’il était, en conversation aussi animé, aussi éclatant, aussi poète que dans ses livres, sent la paralysie lui infliger l’affreux mutisme de l’impuissance, et se peint tête à tête avec sa femme deux heures durant, sans pouvoir rien lui dire, lui qui l’adore !
Un avenir où la vie de l’individu, la vie des groupes, la vie des peuples serait d’autant plus intense qu’elle serait plus libre ; mais où, en même temps, chaque manifestation individuelle se sentirait solidaire de la vie de son groupe, et de la vie de l’humanité, mais où voyez-vous là quelque chose d’incompatible avec les principes de 1789, ou que l’histoire contredise ? […] Comment le savant ne pourrait-il se sentir solidaire du savant, attaché aux mêmes problèmes, conduit par le même espoir spirituel ? Le philosophe ne se sent-il pas frère du philosophe, qui scrute le même monde et les mêmes abîmes de vie ? […] Le fait de la réunion cordiale d’hommes supérieurs de tous pays autour d’une question ou d’une idée, contient en lui-même une vertu inappréciable, dont l’influence ne peut pas ne pas se faire sentir. […] Pendant cette période, l’homme se sentira en communion avec l’homme pour reconstituer, avec une solidarité plus grande des éléments et une complexité plus riche de l’ensemble, tout ce qui était épars, dissous ; pour, aussi, harmoniser ce qui était antagonique » ?
Une vie entière d’étude, accompagnée de lumière et de poésie, l’avait porté dans les pures et paisibles régions de l’intelligence ; mais jamais on ne sent mieux la vérité des mots qui lui sont attribués, que lorsqu’on touche à ces questions qui nous lancent dans la double immensité du temps et de l’espace. […] si je me laissais aller à parler comme je sentais à l’âge où j’essayai pour la première fois de t’aborder, que ne dirais-je pas de toi ! […] Hippocrate ouvrirait-il son livre par cet avertissement solennel concernant l’occasion fugitive, s’il n’avait été frappé des malheurs causés par d’irréparables hésitations, et s’il n’avait senti par expérience toute la responsabilité des heures perdues ? […] L’idée d’étudier le vieux français, de remonter au-delà d’Amyot, de Montaigne et de Rabelais, ne vint que tard ; le grand siècle se suffisait à lui-même ; les grands écrivains des règnes de Louis XIV et de Louis XV se trouvaient trop bien chez eux, surtout en fait de langage, pour sentir le besoin d’en sortir. […] On sent qu’une seule et même main (comme pour le grand Dictionnaire de Johnson) a choisi les épis et noué le faisceau.
Jean de Meung sent qu’il est trop long ; mais, au lieu de se réduire, il se contente de montrer qu’il n’est pas dupe de ses longueurs. […] Dès que Dangier, Honte et Peur en ont senti la chaleur, ils s’écrient « A la trahison ! […] Le siècle sentait confusément qu’il n’avait pas assez de ses ressources propres. […] Cet esprit français, résumé pour la première fois, et présenté pour ainsi dire en bloc, va sentir sa force et trouver sa voie. […] Celui, qui perd vent et haleine Son fiel se crevé sur son cœur Puis sent, Dieu scait, quelle sueur !
Les cœurs ne sont pas aussi variés que les humeurs, et deux personnes véritablement touchées d’amour ou d’amitié sentent de la même façon. […] Ainsi, c’était le temps des amants qui pensent plus qu’ils ne sentent. […] Ils se piquent néanmoins de sentir plus que tout le monde : de là tant de lettres où les mots sont brûlants et les choses sont froides. […] Dans aucun autre pourtant il n’a déployé plus de séductions pour nous faire sentir avec son humeur, voir avec ses yeux, juger avec ses préventions, et dans aucun autre son éloquence n’est plus pure de déclamation. […] Ce qu’ils imitent du maître, c’est sa prétention à sentir plus vivement que les autres hommes.
Toujours on sent quelque chose de mystérieux entourer sa personne, comme d’un homme qui n’appartient pas au monde dans lequel il se meut. — Ce qui altère aussi considérablement la fable, c’est ce philtre d’amour. […] Mais ce qui nous fait sentir d’une façon si aiguë, et souvent inquiétante, cette domination hautaine de la musique, c’est précisément le manque de toute affinité entre la parole et la musique. […] La découverte d’un nouveau langage », dit Wagner. « était une nécessité métaphysique de notre époque… le développement moderne de la musique a répondu à an besoin profondément senti de l’humanité… (VII, 149). […] Devant une œuvre d’art aussi admirable, on sent la futilité de telles expressions. […] Il rétablit le phénomène suivant : « La souffrance, sentie immédiatement, revient à la perception comme représentée étrangère (comme si elle arrivait à un autre), on y compatit comme telle et on la sent soudain redevenir sienne, et c’est de cette répercussion de la réflexion que proviennent les larmes, qui représentent donc la pitié qu’on a pour soi-même (Mitleid fur sich selbst) ».
Que le lecteur, à son tour, sente et réfléchisse. […] C’est alors qu’il sentira sa force. […] On sent que le souffle est venu à l’auteur. […] On sent que l’auteur en a eu besoin, mais qu’il la dédaigne. […] En sentez-vous tout le bouquet ?
Cette lassitude se produisit vers 1630 : tous ceux qui défendirent les règles, la sentirent et l’exploitèrent en leur faveur. […] Il a la douceur patiente des têtus, quand il sent l’obstacle supérieur à sa force. […] C’est plaisir de sentir le contact de cette réalité substantielle, si souvent éliminée de son grand ouvrage. […] Combien rarement sent-on dans cette série d’événements la réaction du caractère intime ? […] Comparez une page de Le Sage à une page de Marivaux : vous sentirez ce qui manque à la psychologie de Le Sage.