Elle compatit aux pauvres gens et aux affligés que frappe cette banqueroute ; elle en donne les détails et les chiffres précis à Senac de Meilhan, son correspondant très cher ; et, voyant la superbe famille de Rohan si humiliée et par cette catastrophe et par d’autres accidents qui bientôt suivirent, elle en revient aux réflexions morales ; elle se félicite au moins de ne tenir à rien, et de ne point prêter à ces revers subits du faste et à ces chutes de l’ambition ; elle se rejette dans la médiocrité, comme disait La Bruyère : Ô obscurité, s’écrie-t-elle avec un sentiment moral qui ferait honneur à toutes les conditions, tu es la sauvegarde du repos, et par conséquent du bonheur ; car qui peut dire ce qu’on serait en voulant des places, des biens, des titres, des rangs au-dessus des autres, où on arrive par l’intrigue, où on se maintient par la bassesse, et dont on sort avec confusion souvent, et toujours avec douleur ? […] Il y avait donc entre eux toute la conformité et les différences qui peuvent donner du charme à rintimité des esprits et de la vivacité à leur commerce. « Je suis très obligée à M. de Meilhan, lui écrit-elle un jour après un dîner auquel elle l’avait invité avec quelques amis, de regretter une société qui n’a de mérite que de connaître ce qu’il vaut ; ce n’en est peut-être pas un petit, malgré l’évidence. » On ne saurait parler à quelqu’un avec un sentiment plus marqué de considération et d’estime. […] Il demeurera prouvé pour nous, et pour tous ceux qui examineront désormais l’ouvrage, que les prétendus Souvenirs de la marquise de Créqui ne sont d’elle, à aucun degré, ni pour les faits, ni pour les sentiments, ni pour le ton.
S’il arrivait ce malheur à l’armée que vous commandez, quel serait votre sentiment sur le parti que j’aurais à prendre pour ma personne ? […] Tout s’ajoute donc, et même une sorte de modestie, pour rendre plus respectable et plus digne de mémoire le sentiment qui dicta ces royales et patriotiques paroles. […] Au lieu de rien demander après de tels services rendus, il n’avait qu’à s’abstenir, à se renfermer dans le sentiment de sa juste gloire ; mais alors il eût été un autre ; et il était surtout un talent, un beau zèle et une fortune.
Il opposait à de perpétuelles injures des railleries tranchantes qui redoublaient les fureurs de son antagoniste. » C’est aussi le sentiment de La Harpe. […] Il fallait faire passer tous les peuples du monde sous les yeux de votre lecteur… Il fallait, si vous le pouviez, imiter Tacite qui n’annonce pas fastueusement le tableau des nations, mais qui, sous le titre modeste d’Annales, peint l’univers… Cela veut dire qu’il ne fallait pas être Voltaire ; mais Voltaire, qui était lui et pas un autre, a peint à sa manière ce grand siècle dont un souffle avait passé sur son berceau, et il en a donné à tout lecteur impartial un sentiment vif, juste et charmant. […] Le recueil de ses œuvres nous donne le sentiment de cette aridité, recouverte d’une écorce assez mince.
Ce héros, messieurs, eut alors la bonté de me dire la pensée qu’il avait de vous rendre arbitres de la capacité, du mérite et des récompenses de tous ces illustres professeurs qu’il appelait, et de vous faire directeurs de ce riche et pompeux prytanée des belles-lettres, dans lequel, par un sentiment digne de l’immortalité, dont il était si amoureux, il voulait placer l’Académie française le plus honorablement du monde, et donner un honnête et doux repos à toutes les personnes de ce genre, qui l’auraient mérité par leurs travaux. […] Mais ce que Richelieu voulait décidément, ce qu’il a fait voir tout d’abord en demandant à l’Académie ses sentiments publics sur Le Cid, c’était (et indépendamment, je le crois, de la passion personnelle qu’il apportait dans cette question particulière du Cid) —, c’était de la faire juge des œuvres d’éclat qui paraîtraient ; de la constituer haut jury, comme nous dirions, haut tribunal littéraire tenu de donner son avis sur les productions actuelles les plus considérables qui partageraient le public. […] Qu’on se figure, sur chaque œuvre capitale qui s’est produite en littérature, un rapport, un jugement motivé de l’Académie prononcé dans les six mois ; et qui (toute proportion gardée, et en tenant compte des temps et des convenances diverses) n’eût pas été inférieur pour le bon sens, pour l’impartialité et la modération, à ces sentiments sur Le Cid.
Guadet52, qui est le résultat d’une longue et consciencieuse enquête, dans laquelle l’auteur a été animé par les plus honorables sentiments de famille et de patriotisme. […] On hésite à dire un mot sur de telles tentatives, inspirées par d’honorables sentiments et poursuivies avec opiniâtreté pendant toute une vie. […] Nous arrivons donc un jour avec lui sur l’heure de midi, à cette fameuse Chartreuse dont il nous fait un magnifique tableau pour la grandeur des bâtiments, pour y hospitalité opulente et toutes les choses du dehors, et sur laquelle il nous apporte un véridique et saisissant témoignage en ce qui est des mœurs et des sentiments cachés.
M. de Harlay était trop courtisan et trop voué à son ambition pour avoir le sentiment de la justice ; mais il était doux, d’un naturel humain, et il dut souffrir de ces sévérités exigées en son nom et pour sa défense. […] Dans un grand nombre d’affaires qu’on traita dans cette Assemblée, quoiqu’il parlât et dît son sentiment après tous les autres, il trouvait toujours de si fortes et nouvelles raisons, qu’il était bien difficile de ne pas se rendre à ses décisions. » Tel était, dans l’entière vérité du portrait, l’homme dont on n’a pas à dissimuler les faibles, mais dont il faut reconnaître, avec tous les contemporains éclairés, la supériorité et l’espèce de génie53. […] Feuillet lui répondit qu’il n’en savait rien, mais que depuis peu il avait dit sur ce sujet à Monsieur (et l’on sait de quelle nature étaient les mœurs de ce prince) qu’il n’avait point besoin de confesseur en menant la vie qu’il mène à la Cour, et qu’il lui conseillait d’épargner les 6,000 livres qu’il donne à son confesseur qui ne sert qu’à le tromper, et qu’il valait bien mieux pour lui de les donner aux pauvres, afin de fléchir pour leurs prières la miséricorde de Dieu sur sa personne : après quoi, si Jésus-Christ lui donnait quelque sentiment de pénitence pour se convertir, il choisirait lui-même un homme de bien pour régler ses mœurs et la conduite de sa vie. — Ce discours, que la plupart des gens prendraient pour quelque chose de bien grave et de bien sérieux, parut à M. de Paris si agréable et si divertissant qu’il fut plus d’un bon demi-quart d’heure à en rire de tout son cœur. » 54.
« Je crains qu’on ait beau faire, disait un plaisant de ma connaissance, et qu’il n’y en ait eu vingt-cinq. » Le plus grave inconvénient moral, et qui saute aux yeux, c’est d’obliger Chimène, dans ce court espace, à des revirements incroyables de sentiments. […] Ils ne se contentent point du gros des sentiments ni de la chose même ; ils en veulent la fleur et le panache. […] Elle se lamente et se demande dans sa candeur si elle obéira, à l’égard de Rodrigue, au sentiment de sa dignité ou à l’attrait de son amour ; puis, sa gouvernante qui survient la conseillant dans le sens le plus fier, elle lui déclare qu’elle veut aller derechef donner Rodrigue à Chimène, comme si celle-ci avait besoin de permission pour le prendre.
Il y a des gens qu’on peut appeler gais, parce qu’ils participent du meilleur de leur cœur à la gaîté des autres, sans la produire par eux-mêmes : il y en a, au contraire, qui font naître la gaîté autour d’eux sans en éprouver le sentiment. […] Si l’on excepte ses couplets sur la Prise de Port-Mahon et trois autres couplets satiriques qu’il risqua sous le ministère Maupeou, Collé ne s’est jamais fait l’organe du sentiment public. […] Il a écrit dans son Journal, à la date de janvier 1772 : « J’ai soixante-trois ans presque accomplis ; jusqu’ici je me porte assez bien, je ne désire point ma fin ; mais si des douleurs aiguës, continues et irrémédiables, s’emparaient de votre serviteur, la mort la plus prompte lui serait la plus agréable ; voilà mes sentiments… » Ce qu’il disait là assez lestement et par manière de souhait, il put bien y aider en effet douze ans plus tard dans son excès d’ennui et de tristesse.
Il écrivait à Louvois, le 5 mars (1686), dans le premier mouvement de sa reconnaissance : « Je ne saurais rien dire, Monseigneur, que vous exprimer mes sentiments sur l’honneur que vous m’avez procuré d’un si beau commandement. […] Aucun sentiment étranger à la pure raison et à l’amour de son art ne perce dans ces critiques du précurseur de Saint-Cyr et de Jomini. […] Je souhaite que vous continuiez comme vous avez commencé, et de trouver les occasions de vous marquer les sentiments que j’ai pour vous. » La joie fut grande à Paris parmi les nombreux amis que s’était faits le mérite modeste de Catinat.