Celle-ci donne la sensation d’une image d’Épinal collée au mur d’une auberge de village ; celle-là fait songer à une pierre gravée, à un camée grec, et cette autre est pareille à une feuille de parchemin, ornée et fleurie par le soigneux pinceau de l’imagier.
Mais il devenait impossible de se payer d’arguments : la sensation nette, irrésistible, venait à chacun devant telle page des Rougon, non plus d’une brutalité de document, mais d’un violent parti-pris d’obscénité.
Les autres Européens n’admettent en sensations, réflexions, connaissances, etc., que ce qu’ils peuvent organiser, parquer dans les barrières assez étroites de leur entendement. […] Ce qui le pénétrait de sons, de couleurs, de goûts et de parfums trouvait un organisme assoupli et rythmique qui haussait toute sensation en joie et en beauté. […] C’est l’acuité de sa sensation qui fait l’énergie de son émotion, il absorbe la nature par tous les pores. […] Personne, mieux que Barrès, ne trouve un croquis savoureux et court où les couleurs se déposent à mesure des sensations des personnages. […] Comment surtout analyse-t-il tant ses sensations propres ?
J’ai commencé de longues recherches sur les sensations. […] Mes Sensations sont au net, mais mes phrases cicéroniennes ne sont encore qu’en brouillon. […] Garnier lui faisait savoir que les conclusions de sa thèse sur les Sensations empêchaient la Sorbonne de l’accepter. […] Le signe est le nom collectif d’une série d’images, l’image est le résultat d’une série de sensations, et la sensation le résultat d’une série de mouvements moléculaires. […] La délicatesse des organes fait celle des sensations », et tout ce qui suit, p. 265 et suivantes.
C’est la sensation globale d’une résistance opposée par les organes. […] Ainsi la montagne a pu, de tout temps, communiquer à ceux qui la contemplaient certains sentiments comparables à des sensations et qui lui étaient en effet adhérents. […] Celle-ci a de tout temps suscité des sentiments qui sont presque des sensations ; on a toujours goûté la douceur des ombrages, la fraîcheur des eaux, etc., enfin ce que suggère le mot « amoenus » par lequel les Romains caractérisaient le charme de la campagne. […] Les sentiments voisins de la sensation, étroitement liés aux objets qui les déterminent, peuvent d’ailleurs aussi bien attirer à eux une émotion antérieurement créée, et non pas toute neuve. […] De tout temps la femme a dû inspirer à l’homme une inclination distincte du désir, qui y restait cependant contiguë et comme soudée, participant à la fois du sentiment et de la sensation.
Certes, elle eut l’exquis résultat de pacifier ses nerfs, de donner à ses sensations de la jeunesse et de la force. […] C’est à cette époque que ses sensations se coordonnèrent et qu’il put se faire une vision générale du monde vivant. […] On sent des brises lumineuses filtrer avec lenteur dans le bruissant fouillis des verdures et les sensations olfactives, visuelles, auditives, s’orchestrent et s’ordonnent. […] Et il a tiré de la Vie contemporaine, ayant hiérarchisé, par la science, ses fortes sensations, un nouvel art classique, eurythmique et solide. […] Soumise aux lois organiques, elle est perpétuellement fertilisée, rajeunie par l’abondance des sensations physiques, et nous la nourrissons du rouge sang de nos artères, de la chaux vive et substantielle de notre ossature corporelle.
Puis je me trouvais couché dans une grande salle, sur un lit, dont la couverture était faite de deux figures pareilles à ces monstrueux masques de grotesques des baraques de saltimbanques, et cette couverture à images en relief se levait et s’abaissait sur moi, et bientôt la couverture ne fut plus faite de ces visages de carton, mais d’un dessus d’homme et d’un devant de femme, semblables à ces peaux de bêtes dont on fait des descentes de lit, et d’un immense semis de fleurs, à propos desquelles je faisais la remarque que j’avais la sensation de leurs couleurs, mais non la perception : — la couleur dans le rêve est comme un reflet dans les idées et non une réflexion dans l’œil. […] * * * — Se trouver en hiver, dans un endroit ami, entre des murs familiers, au milieu de choses habituées au toucher distrait de vos doigts, sur un fauteuil fait à votre corps, dans la lumière voilée de la lampe, près de la chaleur apaisée d’une cheminée qui a brûlé tout le jour, et causer là, à l’heure où l’esprit échappe au travail et se sauve de la journée ; causer avec des personnes sympathiques, avec des hommes, des femmes souriant à ce que vous dites ; se livrer et se détendre ; écouter et répondre ; donner son attention aux autres ou la leur prendre ; les confesser ou se raconter ; toucher à tout ce qu’atteint la parole ; s’amuser du jour présent, juger le journal, remuer le passé, comme si l’on tisonnait l’histoire, faire jaillir au frottement de la contradiction adoucie d’un : Mon cher, l’étincelle, la flamme ou le rire des mots ; laisser gaminer un paradoxe, jouer sa raison, courir sa cervelle ; regarder se mêler ou se séparer, sous la discussion, le courant des natures et des tempéraments ; voir ses paroles passer sur l’expression des visages, et surprendre le nez en l’air d’une faiseuse de tapisserie, sentir son pouls s’élever comme sous une petite fièvre et l’animation légère d’un bien-être capiteux ; s’échapper de soi, s’abandonner, se répandre dans ce qu’on a de spirituel, de convaincu, de tendre, de caressant ou d’indigné ; avoir la sensation de cette communication électrique qui fait passer votre idée dans les idées, qui vous écoutent ; jouir des sympathies qui paraissent s’enlacer à vos paroles et pressent vos pensées, comme avec la chaleur d’une poignée de main ; s’épanouir dans cette expansion de tous, et devant cette ouverture du fond de chacun ; goûter ce plaisir enivrant de la fusion et de la mêlée des âmes dans la communion des esprits : la conversation, — c’est un des meilleurs bonheurs de la vie, le seul peut-être qui la fasse tout à fait oublier, qui suspende le temps et les heures de la nuit avec son charme pur et passionnant ! […] Elle est pour nous le nid et l’autel de toutes sortes de sensations douloureuses, aiguës, poignantes, délirantes ; en elle et par elle, nous voulons satisfaire l’insatiable et l’effréné qui est en nous. […] 30 août Pourquoi cette sensation continuelle que nous avons tous les deux de manquer d’une chaleur intérieure, d’un montant physique, non pour le travail de la pensée et la fabrication d’un livre, mais pour le contact social, le choc avec les hommes, les femmes, les événements ? […] Le triomphateur est d’abord éreinté, il tombe de fatigue et d’accablement, il est tout au bout de ses émotions et de ses sensations nerveuses, et, pour ainsi dire, trop usé pour jouir de sa réussite.
Changer fictivement de milieu est pour elle sujet de distraction et de sensations nouvelles. […] On avait étudié et reproduit les sentiments, les passions, les idées, les caractères, les aventures, les événements possibles et impossibles, les situations variées il restait à définir les sensations et les causes physiologiques qui les déterminent. […] Et comme les instincts, les besoins n’appartiennent que rarement à un ordre élevé, il est alors inutile de nous rien dissimuler fragments de la nature, nos impressions et nos sensations sont infiniment plus bestiales que poétiques, et nos aspirations sont plus animales que spirituelles. » Nous reviendrons dans un instant sur cette appréciation de l’idéal. […] La raison en est simple, c’est qu’ils n’écrivent pas pour moraliser, mais pour gagneur de l’argent, et que le vice et le crime offrent des tableaux à sensation qui ont prise sur la masse du public ; et que cette peinture au niveau de toutes les intelligences, voire même les plus incultes, les dispense de style et de talent, et qu’ils l’adoptent comme étant la plus facile et la plus lucrative. […] Le roman est déjà un mode de lecture inférieur, plus propre à égarer l’esprit qu’à l’éclairer, soit qu’il dépeigne la vie en rose, soit qu’il la représente en noir ; il développe chez les uns, le goût des intrigues amoureuses ou d’une sentimalité outrée ; chez les autres, le besoin de sensations et d’émotions violentes, ne considérant l’existence qu’autant qu’elle fournit une suite de péripéties variées.
Condillac écrit le Traité des sensations d’après les idées de Mlle Ferrand, et donne aux jeunes filles des conseils sur la manière de lire sa Logique. […] Car, dans toute question générale, il y a quelque notion capitale et simple de laquelle le reste dépend, celles d’unité, de mesure, de masse, de mouvement en mathématiques, celles d’organe, de fonction, de vie en physiologie, celles de sensation, de peine, de plaisir, de désir en psychologie, celles d’utilité, de contrat, de loi en politique et en morale, celles d’avances, de produit, de valeur, d’échange en économie politique, et de même dans les autres sciences, toutes notions tirées de l’expérience courante, d’où il suit qu’en faisant appel à l’expérience ordinaire, au moyen de quelques exemples familiers, avec des historiettes, des anecdotes, de petits récits qui peuvent être agréables, on peut reformer ces notions et les préciser. […] Au contraire, après tant de compliments, de fadeurs et de petits vers, tout cela réveille le palais blasé ; c’est la sensation d’un vin fort et rude, après un long régime d’orgeat et de cédrats confits.