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472. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. THIERS. » pp. 62-124

Il abonde, lui, dans ce dernier sens. […] Nous n’avons noté en passant l’article sur l’œuvre de Boisserée que pour prendre acte de la vocation et signaler en tous sens les aptitudes diverses. […] La vivacité du sens historique s’y substitue presque partout à la sévérité morale des jugements ; sur ce point il n’y a pas de système, il y a de l’oubli. […] C’est aussi en ce sens qu’ils ont à ressaisir peut-être leur originalité la plus vraie. […] Sans prétendre diminuer le rôle de personne, je résumerai le sien en peu de mots quant au sens et au mouvement, sinon pour les paroles mêmes : « — Eh bien !

473. (1893) La psychologie des idées-forces « Tome second — Livre cinquième. Principales idées-forces, leur genèse et leur influence — Chapitre quatrième. L’idée du temps, sa genèse et son action »

Cette direction, je la sens, comme je sens en marchant que je suis dans le chemin familier et facile, non dans un chemin qui est à trouver et qui peut-être m’égare. […] Dans le présent il y a, non point un vrai repos (en ce sens que nous n’agirions pas et ne changerions pas), mais le repos relatif de la possession. […] Guyau lui-même a dit : « Le sens externe qui a le plus servi, après les sens internes, à tirer le temps de l’espace, à lui donner une dimension à part, c’est l’ouïe, précisément parce que l’ouïe ne localise que très vaguement dans l’espace, tandis qu’elle localise admirablement dans la durée. […] L’ouïe, dégagée progressivement des formes spatiales, en est devenue une sorte de numérateur rythmique ; elle est, par excellence, le sens appréciateur du temps, de la succession, du rythme et de la mesure. […] En réalité, pour Kant, le temps est la forme de ce qu’il appelle « le sens interne », c’est-à-dire de « l’intuition de notre état intérieur ».

474. (1870) Causeries du lundi. Tome XI (3e éd.) « Werther. Correspondance de Goethe et de Kestner, traduite par M. L. Poley » pp. 289-315

Goethe, âgé de vingt-trois ans, dans la plénitude et le vague d’un génie qui est à la veille de produire, mais qui hésite encore, le front chargé de nuages et de pensées qui vont en tous sens, le cœur gonflé de sentiments et ne sachant qu’en faire (sera-ce une passion ? […] … » Mon ami… Mais je sens que je succombe sous la puissance et la majesté de ces apparitions. […] Pourtant, dans tout cela rien de sensuel, et quand il dit à Kestner que ce n’est jamais dans le sens humain qu’il la lui a enviée, on le croit. […] Vous saurez plus tard le sens de cette parenthèse. […] Émile Montégut, pourqu’on arrivât en France à une interprétation si intime, si complète dans le meilleur sens, et à la fois si exempte de danger.

475. (1870) Portraits contemporains. Tome II (4e éd.) « DES MÉMOIRES DE MIRABEAU ET DE L’ÉTUDE DE M. VICTOR HUGO a ce sujet. » pp. 273-306

En ce sens, les mémoires des grands hommes sont des titres de famille pour tous les hommes qui reconnaissent en ceux qu’ils admirent des frères seulement plus favorisés ou plus bénis, ou plus rudement éprouvés. […] En un sens ce xviiie  siècle, impie et révolté, ne tend qu’à réaliser et à fonder dans la pratique civile les maximes de fraternité chrétienne et d’égalité des hommes devant Dieu. […] Deux autres grands hommes parallèles à Napoléon, et dont l’influence sur nous a été frappante, quoique moindre, ont aidé certes dans le même sens. […] La publication des lettres écrites du Donjon de Vincennes avait déjà révélé Mirabeau dans la pleine frénésie des passions et des sens, sous un jour romanesque, mais vrai, et que la postérité aisément pardonne. […] Lerminier procède dans ce large sens envers les figures qu’il rencontre.

476. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre cinquième »

Là, Malherbe, avec une sagacité impitoyable et un sens critique supérieur, arrachant sa défroque antique à la muse de Ronsard et dénonçant les mignardises de Desportes, rendait des jugements qui devenaient au dehors des arrêts de langage et de goût. […] Son sens supérieur discernait, entre tous ces souvenirs, ceux qui étaient, en quelque sorte, communs au monde ancien et au monde moderne, et qui devaient se mêler à toujours aux idées nouvelles. […] Il disait que la bonne langue se parlait sur la place Saint-Jean expression exagérée d’une pensée pleine de justesse, où Malherbe laisse voir en même temps son sens supérieur et son esprit agressif et normand. […] Car on peut douter qu’il eût le génie lyrique, surtout au sens qu’on y attache aujourd’hui. […] Qu’à l’un de ces moments-là Malherbe nous tombe sous la main, d’où vient que nous sommes si surpris de cette vivacité, de cette verdeur d’un sexagénaire, de ce grand sens de ces vérités qui ont reçu leur forme dernière, de ce style si précis, si noble, si frappant ?

477. (1854) Histoire de la littérature française. Tome I « Livre II — Chapitre septième. »

En tête, sont deux hommes d’un sens supérieur, les lumières du droit civil et du droit politique à cette époque, le plus grand jurisconsulte du xvie  siècle Dumoulin et le plus grand économiste Bodin. […] J’y reconnais la gaieté satirique de nos pères : rien n’y manque, ni le trait qui déchire, ni le jeu de mots qui assaisonne le sens, ni la pointe pour les goûts un peu grossiers. […] Il signifie généralement un état douloureux, inquiet, fort corrupteur à mon sens, si l’on y prend garde. […] C’est ainsi que Ronsard et Montaigne, quoique si inégaux et si différents, subissent l’influence du tour d’esprit de leur siècle, lequel met le plus petit hors de sens, et trouble la raison du plus grand. […] Le sens de ce grec francisé est transparent : Agnoste, inconnu ; Aléthée, vérité ; Éleuthère, liberté.

478. (1888) Revue wagnérienne. Tome III « I »

Aujourd’hui que les nombreux et précieux ouvrages consacrés à l’œuvre Wagnérienne se sont de plus en plus répandus et nous ont si puissamment aidés dans notre tâche de propagande, nous pouvons continuer notre campagne dans un sens nouveau. […] Francke me paraît être le seul musicien contemporain qui ait le véritable sens mystique : les âmes croyantes se complaisent en ses œuvres non moins que les artistes. […] Par contre, il enseigne : « Vérité, réalité, sensualité, sont trois termes identiques… il n’y a d’autre preuve de l’être que l’amour, que les sens. » Et Wagner nous dit : « Ce qui m’attira vers Feuerbach, ce fut que cet écrivain renie la philosophie et qu’il donne de la nature humaine une explication dans laquelle je crus reconnaître l’homme artiste tel que je l’entendais moi-même » (III, 4). […] Et dans l’œuvre de Wagner il a choisi des émotions très précises, qu’ensuite il a transposées dans le langage pictural : insoucieux parfaitement de l’exactitude scénique, des traditions de costumes ou de décors, tout occupé au sens intime des scènes, et le restituant. […] De plus l’intérêt du penseur pour les philosophies orientales va dans le sens des recherches de Wagner.

479. (1888) Journal des Goncourt. Tome III (1866-1870) « Année 1870 » pp. 321-367

» Il me regarda de l’air étonné d’un homme, qui voit percer le secret de sa pensée, et me répondit, en appuyant sur chaque mot : « Je sens que je ne pourrai plus jamais travailler… plus jamais !  […] Continuation de la nuit de samedi à dimanche, 4 heures du matin La mort s’approche, je la sens à sa respiration précipitée, à l’agitation qui succède au calme relatif de la journée d’hier, je la sens à ce qu’elle met sur sa figure. […] Mardi, une heure du matin Dans l’ombre tombante des rideaux enveloppant sa tête, les lueurs de la bougie allumée sur la table de nuit, et vacillant sous la brise de la nuit, promènent encore, çà et là, et par place, comme de la vie sur son visage… C’est bizarre, cette nuit, la première nuit qui suit sa mort, je ne me sens pas le désespoir de ces derniers jours, je ne me sens pas le déchirement auquel je m’attendais. […] * * * Allons, c’est Pélagie qui le dit : « Il faut manger pour avoir des forces demain, pour la rude journée de demain. » * * * Devant le cadavre de celui qui m’aima tant, de celui pour lequel il n’y avait de bien et de bon, que ce qui avait été fait ou dit par Edmond, je me sens travaillé de remords pour mes gronderies, mes duretés, pour tout ce cruel et intelligent système, à l’aide duquel je croyais le relever de son atonie, et lui redonner de la volonté… Ah ! […] * * * En dépit de tout ce que mes yeux voient, de tout ce que mes sens touchent de l’affreuse réalité, l’idée de la séparation éternelle ne peut s’asseoir dans ma cervelle.

480. (1911) Lyrisme, épopée, drame. Une loi de l’histoire littéraire expliquée par l’évolution générale « Chapitre IV. Conclusions » pp. 183-231

Piétons et véhicules y circulent en tous sens ; y compris les voies souterraines du Métropolitain. Dans un croisement incessant, tout le monde passe ; mais non pas à la fois ; chaque courant subit à son tour un temps d’arrêt : arrêt factice en un certain sens, mais nécessaire ; dans l’ensemble, c’est la vie continue. […] La première est dominée par la théocratie et par la féodalité, qui sont les « réalisations » (dans le sens indiqué plus haut) de deux principes beaucoup plus vastes. […] En réalité, il devrait s’employer en un sens à la fois plus large et plus étroit. […] Gœthe a dit un jour : « La poésie c’est la délivrance. » Donnons à ces mots un sens que Gœthe ne renierait pas : l’art est le défi superbe que l’esprit lance à la matière périssable ; il est le chant d’espoir d’une humanité qui marche à la liberté.

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