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519. (1870) Causeries du lundi. Tome XV (3e éd.) « Mélanges de critique religieuse, par M. Edmond Scherer » pp. 53-66

. — Et cependant (car je suis l’homme des doutes et des repentirs), tout en reconnaissant, surtout quand je considère certains disciples, que cette conception théocratique, telle que l’a présentée de Maistre, est en effet comme une armure du Moyen Âge qu’on va prendre à volonté, dans un vestiaire ou dans un musée et qu’on revêt extérieurement sans que cela modifie en rien le fond, je me demande, quand je considère d’autres disciples, s’il n’y avait pas un côté mystique en lui, plus intérieur, et répondant aux sources secrètes de l’intelligence et de l’âme. […] Il semble, et ce n’est pas le seul des ouvrages de Lamennais qui fasse éprouver cette impression, il semble qu’il y ait eu dans cette vigoureuse intelligence quelque vice organique, une lacune secrète, je ne sais quel manque de netteté dans les conceptions et de rigueur dans la dialectique.

520. (1864) Portraits littéraires. Tome III (nouv. éd.) « M. Rodolphe Topffer »

Il continuait de vivre et de jouer sous ces mille formes que lui dictait un secret instinct ; le crayon jouait sous ses doigts, et la saillie accompagnait le crayon, comme un air qu’on sait suit naturellement les paroles. […] Bernier, chargé des deux nouvelles ouailles qu’il s’est données, ses tribulations croissantes et toujours consolées, depuis le moment où il sort de l’hôtel au milieu des rires en les tenant chacune sous un bras, jusqu’au jour où il les recueille chez lui dans sa propre chambre et où la grossesse de la pauvre Rosa se déclare, ces incidents survenant coup sur coup et l’un à l’autre enchaînés sont touchés avec un art secret, et ménagés avec une conduite qui fait l’intérêt du fond.

521. (1796) De l’influence des passions sur le bonheur des individus et des nations « Section première. Des passions. — Chapitre III. De la vanité. »

Les peines de cette passion sont assez peu connues, parce que ceux qui les ressentent en gardent le secret, et que tout le monde étant convenu de mépriser ce sentiment, jamais on n’avoue les souvenirs ou les craintes dont il est l’objet. […] En concentrant sa vie, on concentre aussi sa douleur, et qui n’existe que pour soi, diminue ses moyens de jouir, en se rendant d’autant plus accessible à l’impression de la souffrance : on voit cependant à l’extérieur de certains hommes, de tels symptômes de contentement et de sécurité, qu’on serait tenté d’ambitionner leur vanité comme la seule jouissance véritable, puisque c’est la plus parfaite des illusions ; mais une réflexion détruit toute l’autorité de ces signes apparents, c’est que de tels hommes, n’ayant pour objet dans la vie que l’effet qu’ils produisent sur les autres, sont capables, pour dérober à tous les regards les tourments secrets que des revers ou des dégoûts leur causent, d’un genre d’effort dont aucun autre motif ne donnerait le pouvoir.

522. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Première partie. Préparation générale — Chapitre V. De la lecture. — Son importance pour le développement général des facultés intellectuelles. — Comment il faut lire »

Brunetière, n’a l’expérience directe que d’un petit nombre de faits ; mais chacun de nous, par compensation, a cette faculté de discerner, je ne dirai pas tout à fait le vrai d’avec le faux, mais le particulier d’avec le général et l’exception d’avec l’universalité. » De lointaines analogies, de secrètes affinités nous permettent de comprendre ce que nous n’avons jamais senti ; il s’agit de conclure du petit au grand. […] Mieux encore que La Bruyère, La Fontaine enseignera à saisir ces rapports secrets et sûrs qui unissent le moral et le physique, à deviner un caractère dans un geste, à entendre une âme dans l’accent d’une phrase.

523. (1890) Conseils sur l’art d’écrire « Principes de composition et de style — Troisième partie. Disposition — Chapitre V. Subordination et proportion des parties. — Choix et succession des idées »

Et voici le secret de sa perfection : « Ce n’est pas assez, écrit-il, qu’une chose soit belle, il faut qu’elle soit propre au sujet, qu’il n’y ait rien de trop ni rien de manque. » Ce retranchement exact assure l’unité et la brièveté. […] On a saisi son plan, sans avoir songé un moment que c’était son plan qu’il faisait : ou bien on croit l’avoir deviné, lui avoir dérobé son secret, et ce petit et imaginaire triomphe de l’amour-propre enfonce les choses dans l’esprit.

524. (1889) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Quatrième série « Barbey d’Aurevilly. »

tout ce que les hommes se disent entre eux se ressemble : les idées qu’ils échangent sont presque toujours les mêmes dans toutes leurs conversations ; mais dans l’intérieur de toutes ces machines isolées quels replis, quels compartiments secrets ! […] Il les considère avec un effroi plein de tendresses secrètes.

525. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — G — Gautier, Théophile (1811-1872) »

Phidias lui-même (qui savait bien les secrets de son art) ne serait pas arrivé à tailler une tête d’académicien à perruque verte, car il y a parfois un obstacle impérieux dans la nature des choses, et pour faire un marchand de parapluies ou un employé du Mont-de-Piété, vous n’auriez pas l’idée de prendre l’immortel Indra sur son char traîné par les coursiers d’azur, ni le Zeus-Clarios de Tégée, à la fois dieu de l’éther et de la lumière. […] Maxime Du Camp Toutes les pièces d’Émaux et camées sont composées avec un art maître de soi, que nulle surprise ne peut dérouter et pour qui la poésie n’a pas de secret.

526. (1903) Le mouvement poétique français de 1867 à 1900. [2] Dictionnaire « Dictionnaire bibliographique et critique des principaux poètes français du XIXe siècle — L — Lamartine, Alphonse de (1790-1869) »

Leurs rêveries secrètes, leurs sentiments inexprimés, leurs voix intérieures trouvaient en lui un divin organe. […] Cette âme pure et forte n’a pas appris à d’autres le secret de ses chants ; mais elle ne cesse pas du moins d’être écoutée dans la région qu’elle préférait elle-même, où elle habitait avec persévérance, au foyer de familles, où s’entretiendront toujours les affections simples, et où se rallieront à jamais les sentiments universels.

527. (1842) Essai sur Adolphe

Or, pour réaliser ce vœu d’Adolphe, pour étancher la soif de cette vanité qui le dévore, une femme belle et jeune, vivant dans le secret de la famille, élevée dans les doctrines de l’obéissance et du devoir, épargnée de la calomnie, nourrie dans un bonheur paisible, et défiant les tempêtes qu’elle ne prévoit pas, ne peut lutter avec Ellénore. […] Il ne rougira pas de honte et de colère en écoutant ces propos tenus à demi-voix, qui font du bonheur une nouvelle où les secrets du foyer se discutent comme la marche d’une armée.

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