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1009. (1885) L’Art romantique

Qui a plus aimé sa tour d’ivoire, c’est-à-dire le secret ? […] Comme d’autres cherchent le secret pour la débauche, il cherche le secret pour l’inspiration, et il s’y livrait à de véritables ribotes de travail. « The one prudence in life is concentration ; the one evil is dissipation », dit le philosophe américain que nous avons déjà cité. […] Candaule a montré à son ami Gygès les beautés secrètes de l’épouse ; donc Candaule est coupable, il mourra. […] En un mot, quel est le grand secret de Dupont, et d’où vient cette sympathie qui l’enveloppe ? […] Si vous méprisez mon avis, cherchez un autre secret.

1010. (1861) Cours familier de littérature. XII « LXXe entretien. Critique de l’Histoire des Girondins » pp. 185-304

Le temps sait tout ; et nous ne pouvons savoir quelque chose qu’en l’associant à nos ignorances et en lui demandant ses secrets. […] Je n’hésitai pas : les vers et la requête du prince étaient secrets, il n’y avait aucune vile complaisance à moi de sacrifier, aux susceptibilités d’un prince que je n’avais pas eu l’intention de blesser, quelques mauvais vers de circonstance qu’il me priait d’effacer par la voix toute-puissante de ma mère. […] Le même courrier m’apportait une lettre de M. de Pansey, président du conseil du duc d’Orléans, sur un ton différent de celui de la prière à laquelle j’avais accédé. « Dites à M. de Lamartine, me faisait écrire le prince, que, s’il persiste à insérer ce passage dans son poème, il saura ce que c’est que le ressentiment du premier prince du sang. » XXIII À la lecture de l’article du Constitutionnel, et surtout à la lecture de cette injonction comminatoire du président du conseil du duc d’Orléans, je sentis que ma concession de la veille serait une lâcheté, et que, si j’avais dû au duc d’Orléans et aux larmes de ma mère d’obtempérer à l’instant à une demande secrète, je me devais à moi-même de révoquer ma concession confidentielle, et de maintenir contre une menace ce que j’avais effacé devant une prière, du moment surtout où la publicité injurieuse du Constitutionnel, qui ne pouvait venir que du Palais-Royal, avait mis le public dans la confidence. […] Le premier ministre me priait confidentiellement de me rendre chez lui, à huit heures, non au ministère, mais dans son hôtel de famille de la rue de la Ville-l’Évêque, pour assister officieusement à une conférence secrète des ministres sur le parti à conseiller à la couronne dans la décision urgente que le vote de la veille imposait au roi et à ses conseillers responsables.

1011. (1899) Les contemporains. Études et portraits littéraires. Septième série « Discours prononcé à la société des visiteurs des pauvres. » pp. 230-304

Et ce respect est bien celui qu’on a pour les choses qu’on achète : il est mêlé de quelque secrète mésestime. […] Dursay s’était fait passer pour marié, afin, dit-il, d’être tranquille, — et aussi pour qu’on ne pût escompter le dénouement et que Lia ne pût l’entrevoir ou le désirer, même dans le plus secret de sa pensée. […] De retour à Saint-Étienne, elle laisse échapper, dans une conversation avec son amant, le secret de son voyage à Paris ; comprend, à la colère de Dufresne, que c’est, au fond, sa femme qu’il aime ; éclate en imprécations forcenées, et le chasse. — Cinq ou six ans après, Zaza est devenue une étoile de café-concert de la plus haute distinction, de celles qui portent l’esprit français à travers le monde, qui ont les appointements de vingt généraux de division, qui envoient des lettres aux journaux et qui ont des opinions sur la littérature. […] L’artifice consiste d’abord à mettre dans la bouche des personnages de hideuses paroles, conformes peut-être à leur hideuse pensée secrète, mais que jamais, dans la réalité, ils ne prononceraient.

1012. (1881) La parole intérieure. Essai de psychologie descriptive « Chapitre III. Variétés vives de la parole intérieure »

Si quelque illusion est ici possible, c’est l’illusion inverse de l’hallucination : il croira peut-être encore parler en lui-même, quand sa parole, devenue extérieure, trahit son secret à son insu. […] Souvent la parole intérieure vive et l’état de l’âme qui la cause n’ont été révélés que par les éclats imprévus de la parole extérieure ; celle-ci n’étant évidemment que la suite d’un discours, il faut bien supposer que le début préexistait à l’état de parole imaginaire dans la conscience du parleur maladroit qui livre sa pensée secrète à des oreilles indifférentes ou railleuses. […] Surprendre un aparté, recevoir à l’improviste la confidence involontaire d’un taciturne, dérober un secret soigneusement caché sans être soi-même indiscret, voir à nu dans une exclamation le vrai caractère ou la passion maîtresse d’un politique, ce sont là de petits événements qui font pour une soirée la joie d’un observateur ; un moraliste en tire un portrait, un auteur comique l’idée d’une scène heureuse ou d’un caractère nouveau. […] Sans doute l’amour paternel est le mobile caché, l’inspiration secrète de tous les drames qu’invente l’imagination féconde de M. 

1013. (1897) Aspects pp. -215

Flocon, Caussidière et de Flotte lui font donner une mission secrète en Allemagne. […] Pendant près d’une année on le garde au secret. […] Et ils grincent des dents quand on viole le secret du temple, quand l’on démontre que leur idole est périssable. […] Paul Adam sait les secrets mieux que quiconque. […] Quand je les aurai pris, je vérifierai la couleur de leurs ailes, puis je leur rendrai la liberté sans même leur demander leur secret.

1014. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « M. Denne-Baron. » pp. 380-388

Il n’est plus : Au vallon, de sa tête muette         Dorment les débris jaunissants ; D’un reptile rongeur la dent lente et secrète         A dévoré ses pieds naissants.

1015. (1874) Premiers lundis. Tome I « Ferdinand Denis »

Si la beauté confie à la colombe messagère le secret qu’elle n’oserait révéler à ses austères gardiens, il ajoute : « Prête à voir l’oiseau charmant s’élever dans les airs, en emportant les vœux de sa tendresse, elle voudrait le retenir, comme on retient un aveu qui va s’échapper. » S’il parle des bouquets mystérieux qui racontent et les tendres inquiétudes et les douces espérances d’une jeune captive : « Messager, dit-il, plus discret que notre écriture, maintenant si connue, son parfum est déjà un langage, ses couleurs sont une idée. » L’ouvrage dont nous venons de rendre compte est suivi d’une espèce de nouvelle historique sur la vie du Camoëns.

1016. (1874) Premiers lundis. Tome I « Diderot : Mémoires, correspondance et ouvrages inédits — II »

Je lui dis que c’était une des plus puissantes affections de l’homme. « Un cœur paternel, repris-je ; non, il n’y a que ceux qui ont été pères qui sachent ce que c’est ; c’est un secret heureusement ignoré même des enfants. » Puis continuant, j’ajoutai : « Les premières années que je passai à Paris avaient été fort peu réglées ; ma conduite suffisait de reste pour irriter mon père, sans qu’il fût besoin de la lui exagérer.

1017. (1874) Premiers lundis. Tome II « Poésie — Poésie — I. Hymnes sacrées par Édouard Turquety. »

Turquety a bien consulté et rendu son inspiration secrète, c’est qu’il a trouvé dans d’autres cœurs une réponse.

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