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335. (1903) Articles de la Revue bleue (1903) pp. 175-627

Cette esthétique est la science des lois du Beau. […] Qu’on conçoive cette unité des sciences, cette unité des esthétiques, c’est possible, mais dans une sphère de métaphysique, non dans une sphère de critique et de raisonnement. […] La littérature est en retard de cent ans sur la science. » Et plus loin : « Les poètes, a dit Shelley, sont les législateurs méconnus du monde. […] L’anticléricalisme s’en mêlant, on a étriqué la science et méconnu le mystère. […] * *   * S’il est définitivement établi, comme tout paraît le démontrer, qu’il ne peut pas y avoir une science, mais des sciences, et que ces sciences, loin de conduire l’homme à une vision d’ensemble de l’univers, lui fournissent au contraire continuellement des points de vue nouveaux sur le Réel dans des ordres de connaissance différents, les hommes risquent de perdre toute vue synthétique sur l’ensemble des choses, les sciences allant vers la diversité et non vers l’unité.

336. (1856) Leçons de physiologie expérimentale appliquée à la médecine. Tome I

Rapprocher les faits pour en tirer des lois, c’est la méthode suivant laquelle toute science se constitue ; de même que le procédé logique qui consiste à partir de ces lois formulées pour y faire rentrer les recherches nouvelles, est le seul moyen que cette science possède pour avancer réellement. […] En se plaçant à ce point de vue, vous comprenez, Messieurs, qu’on pourra faire dans nos sciences deux espèces de découvertes : Les unes prévues par le raisonnement ou indiquées par la théorie ; elles se réalisent d’autant mieux que les sciences sont plus avancées, que les phénomènes sont plus simples et les lois mieux établies, et c’est dans les sciences physiques qu’on les rencontre le plus souvent. […] Ces découvertes imprévues doivent être d’autant plus rares que les sciences sont mieux constituées, et d’autant plus fréquentes que les sciences sont moins avancées. […] Dans chaque science, le point de vue propre à cette science doit prévaloir et subordonner les autres. […] Il ne faut jamais oublier, en effet, Messieurs, que dans la science de la vie les faits bruts ne sont pas des preuves.

337. (1920) Essais de psychologie contemporaine. Tome I

Renan est une œuvre de science. […] Renan une science d’une souveraine importance. […] La méthode se trouve être la même dans les sciences dites morales et dans les sciences dites naturelles. […] C’est l’œuvre aussi de la science des corps. […] A cette foi absolue dans la Science, M. 

338. (1881) La psychologie anglaise contemporaine « M. Herbert Spencer — Chapitre II : La psychologie »

Cependant cette extension de la correspondance dans le temps se manifeste plus spécialement dans le progrès de la science. […] Comte, et il y en aura un tant que la science humaine durera. […] Il y a six sciences fondamentales, et il y a entre elles un ordre de filiation. […] Il y a trois catégories de sciences : I. […] Sur la psychologie considérée comme science indépendante et ayant des caractères absolument propres, lire ce chapitre tout entier.

339. (1902) Le culte des idoles pp. 9-94

Entre autres niaiseries qui souillèrent l’esprit de la plupart de cette époque, il y eut la croyance à la science et en particulier à la science allemande. […] Évidemment, la science ne pouvait exercer une telle séduction que sur des gens très ignorants, car c’est le propre du savoir humain lorsqu’il est raisonnable, de voir les limites de son maigre royaume ; mais pour cette génération française de la fin de l’Empire, la science était une fatalité tangible, une divinité souverainement bienfaisante, qu’il suffisait de toucher pour être sauvé. […] Tel est l’esprit de la science, paraît-il ; c’est de n’en point avoir. […] Que vaut la science de tels hommes ? […] On devint grave à son exemple sous prétexte de science et de philosophie.

340. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XVII. Saint-Bonnet »

Pour cela, la philosophie pesa sur l’esprit de l’homme de deux manières, par les sciences qui ne s’adressent qu’à l’esprit et qui finissent par lui donner le vertige de sa force, et par l’effet du paganisme sur l’âme, influence — il faut le reconnaître — que le dix-huitième siècle n’avait pas créée ; qui existait depuis la Renaissance, mais qui, grossie chaque jour, avait fait avalanche sur la pente escarpée de ce siècle, où toutes les erreurs entassées avaient fini par se précipiter. […] Il désire que les sciences morales et dogmatiques l’emportent dans l’éducation sur les sciences expérimentales et naturelles, et il rédige ainsi son programme : « La littérature prise dans les saints Pères avant de passer à l’étude de l’Antiquité ; la philosophie avant la rhétorique, et surtout la science parfaite et solide des doctrines théologiques, puisées dans les auteurs approuvés par le Saint-Père. » Quelle plus grande simplicité ! […] Le docte historien nous raconte, avec un détail qui honore sa science et son talent d’exposition, ce que fut l’enseignement classique depuis le quatrième siècle jusqu’à Charlemagne et Alcuin, depuis Raban Maur jusqu’à Alexandre de Villedieu, et depuis le douzième siècle jusqu’à la Renaissance.

341. (1860) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (première série). I « XXXI. Sainte Térèse »

« Je suis en tout de la plus grande faiblesse, dit-elle, mais, appuyée à la colonne de l’Oraison, j’en partage la force. » Malade, pendant de longues années, de maladies entremêlées et terribles qui étonnent la science par la singularité des]symptômes et par l’acuité suraiguë des douleurs, Térèse, le mal vivant, le tétanos qui dure, a vécu soixante-sept ans de l’existence la plus pleine, la plus active, la plus féconde, découvrant des horizons inconnus dans le ciel de la mysticité, et sur le terrain des réalités de ce monde, fondant, visitant et dirigeant trente monastères, quatorze d’hommes et seize de filles. […] » Et effrayée, humblement et raisonnablement effrayée, elle appelle à soi la Science, la Doctrine, la paternité du Confesseur ; elle y appellerait toute l’Église pour s’attester qu’elle ne se trompe pas ; que ses visions ne sont pas des pièges de l’orgueil. […] Alors apparaît et s’annonce cette grande conductrice d’âmes qui devait littéralement gouverner du fond de son monastère d’Avila tout un peuple de religieux et de religieuses et déployer dans celle conduite une prudence, une fermeté, une science des obstacles, et enfin un bon sens (ce bon sens, maître des affaires, a dit Bossuet) qu’aucun chef d’État n’eut peut-être au même degré que sainte Térèse, l’Extatique, la Sainte de l’Amour. […] Si des hommes, comme Cuvier et Geoffroy Saint-Hilaire sont des colosses d’investigation et de profondeur dans les sciences naturelles, dans le monde extérieur de la vie, une Sainte Térèse est un colosse du même ordre, à l’opposite de ces sciences, dans le monde interne de la spiritualité.

342. (1899) Les œuvres et les hommes. Les philosophes et les écrivains religieux (troisième série). XVII « L’abbé Gratry »

… Le livre de l’abbé Gratry, ce traité de la Connaissance de Dieu d’un homme qui ne débute ni dans la science, ni dans la vie, et qui s’est préparé à dire sa pensée par une étude et une méditation inconnues aux hommes de ce temps, cet ouvrage, si largement tracé, et qui n’est pourtant que la façade du vaste système que l’auteur est près de démasquer comme on démasque, pan par pan, quelque majestueux édifice, peut-on le considérer, tout à la fois, comme une révélation et comme une promesse ? […] Il n’en restera pas moins acquis comme un enseignement qui vient à temps, que cette faiseuse de découvertes, la métaphysique du xixe  siècle, représentée par une intelligence très digne d’elle, est arrivée à confesser tout simplement au nom de la science ce que la philosophie moderne regardait de fort haut, c’est-à-dire la vieille induction tirée des facultés de l’homme aux attributs de Dieu, et le grand raisonnement, mêlé de raison et de foi, des causes finales. […] » Or, comme dans toute théodicée il n’y a jamais qu’une démonstration, la démonstration de l’existence de Dieu, faite par autant de voies que l’esprit peut en inventer, et impliquant, quand elle est bien faite, non seulement la science de Dieu, mais la science de l’homme s’élevant à Dieu et le rencontrant à l’extrémité de tous les rayons de sa vie, il est évident que le moyen d’appréhender cette vérité première, de s’élever à Dieu, de l’approcher de nous, de nous le démontrer enfin, est toute l’originalité ou toute la vulgarité, toute la force ou toute la faiblesse du traité qui, en ce moment, nous occupe. […] L’ouvrage actuel de l’abbé Gratry atteste avec une irrésistible éloquence la dépendance de la philosophie de la grande donnée théologique, et le parti que la science purement rationnelle pourrait tirer de leur union.

343. (1908) Après le naturalisme

Aujourd’hui la science a vaincu la foi. […] De plus, ses principes contredisaient nettement la science et l’évolution des idées. […] Science n’est pas autre chose que connaissance et la connaissance ne se suffit pas à elle-même. […] Elles ne sont plus alors de la science pure. […] Une nouvelle carrière épique encore inexplorée va, par la suprême science, s’ouvrir devant nous.

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