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186. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Les frères Le Nain, peintres sous Louis XIII, par M. Champfleury »

Le côté angélique et le fond céleste de la scène paraissent vagues et laissent fort à désirer. […] L’un, une scène d’après souper : — la bonne grand’mère est assise sur le devant, les deux mains posées l’une sur l’autre, regardant le spectateur et lui souriant. […] Je ne saurais toutefois lui passer de dire que, dans leurs scènes rustiques, ils ont « l’austérité de Poussin dans ses grandes compositions. Elle n’est pas la même, ajoute-t-il, mais elle part du même principe. » Poussin, dans le touchant ou le grave de ses scènes champêtres ou autres, introduisait un principe supérieur dont les Le Nain ne se doutèrent jamais, je veux dire l’idéal antique, le groupe composé avec harmonie et contraste, un type habituel de beauté romaine, un souvenir des jours d’Évandre et de l’Arcardie : la réalité chez lui était commandée par une vue supérieure et une pensée. […] Le moment où Gardilanne arrive à Nevers, en se faisant précéder d’une lettre que Dalègre ne reçoit qu’une demi-heure auparavant, le coup de foudre de cette chute d’ami qui le consterne, son premier mouvement pour dérober en toute hâte les moindres traces de son fragile et casuel trésor, le déménagement nocturne de la faïence par le maître de la maison et sa ménagère, pendant que le voyageur est endormi, la crainte que le cliquetis chéri ne le réveille (car tout collectionneur, comme tout amant, a le sommeil léger pour ce qu’il aime), tout cela fait une scène excellente.

187. (1800) De la littérature considérée dans ses rapports avec les institutions sociales (2e éd.) « Première partie. De la littérature chez les anciens et chez les modernes — Chapitre XIII. Des tragédies de Shakespeare » pp. 276-294

La foule des spectateurs, en Angleterre, exige qu’on fasse succéder les scènes comiques aux effets tragiques. […] Les Français ont souvent condamné les scènes d’horreur que Shakespeare représente. […] Cependant qu’y a-t-il de plus difficile dans le genre noble, de plus voisin du ridicule, que l’imitation d’un homme contrefait sur la scène ? […] L’art lui manque pour se soutenir, c’est-à-dire, pour être aussi naturel dans les scènes de transition, que dans les beaux mouvements de l’âme. […] Elle est en scène avec elle-même ; les amis lui servent de cortège, et les ennemis de témoins.

188. (1895) Histoire de la littérature française « Cinquième partie. Le dix-huitième siècle — Livre V. Indices et germes d’un art nouveau — Chapitre II. Signes de la prochaine transformation »

On ne peut plus supporter les spectateurs sur la scène604: et cette scène rendue libre appelle l’action, le décor, la figuration. De l’Opéra et de la Foire, le souci de la mise en scène, des accessoires exacts et pittoresques, gagne la Comédie Française : les princesses grecques quittent leurs paniers, les héros romains rejettent leurs perruques. […] Il est impossible que les unités continuent à tyranniser notre théâtre : la mise en scène, la structure des pièces, la curiosité physique des spectateurs réclament des cadres moins étroits. […] Le comte de Lauraguais donne 20 000 livres aux comédiens en 1739, pour qu’ils renoncent à placer des spectateurs sur la scène. […] Il eut en horreur les scènes sanglantes de la Révolution.

189. (1869) Portraits contemporains. Tome I (4e éd.) « George Sand — George Sand, Indiana (1832) »

Mais dès qu’en ouvrant le livre on s’est vu introduit dans un monde vrai, vivant, nôtre, à cent lieues des scènes historiques et des lambeaux de moyen âge, dont tant de faiseurs nous ont repus jusqu’à satiété ; quand on a trouvé des mœurs, des personnages comme il en existe autour de nous, un langage naturel, des scènes d’un encadrement familier, des passions violentes, non communes, mais sincèrement éprouvées ou observées, telles qu’il s’en développe encore dans bien des cœurs sous l’uniformité apparente et la régularité frivole de notre vie ; quand Indiana, Noun, Raymon de Ramière, la mère de Raymon, M. […] »  Indiana n’est pas un chef-d’œuvre ; il y a dans le livre un endroit, après la mort de Noun, après la découverte fatale qui traverse l’âme d’Indiana, après cette matinée de délire où elle arrive jusque dans la chambre de Raymon qui la repousse, — il y a là un point, une ligne de démarcation où la partie vraie, sentie, observée, du roman se termine ; le reste, qui semble d’invention presque pure, renferme encore de beaux développements, de grandes et poétiques scènes ; mais la fantaisie s’efforce de continuer la réalité, l’imagination s’est chargée de couronner l’aventure. […] Il faut voir, dès la première scène du roman, ces trois personnes, ce petit monde, sans oublier le beau chien griffon Ophélia, par une pluvieuse soirée d’automne, dans le vaste salon du castel de Lagny. […] Les personnages restent vrais, les scènes sont vraisemblables dans leur complication : sir Ralph seul touche un peu, par moments, à la caricature, mais nous ne le remarquerions pas, n’était le rôle final, le volte-face miraculeux auquel il est destiné.

190. (1863) Molière et la comédie italienne « Chapitre VI. La commedia sostenuta » pp. 103-118

Avec quelle brutalité Giordano Bruno traite ce personnage, une scène suffira à en donner une idée. […] Voici la scène que nous voulons citer : BARRA. […] Molière fit, avec cette étrange scène, un intermède du Malade imaginaire, mais il en atténua beaucoup les détails et substitua au pédant le vieil usurier Polichinelle, qui, après avoir essayé des croquignoles et des coups de bâton, finit par payer aux archers les six pistoles. […] Les valets balourds et poltrons en arrivent de bonne heure à se ressembler sur les deux scènes comiques : ainsi le Zucca de L’Interesse (l’Intérêt ou la Cupidité), comédie régulière de Nicolo Secchi, Zucca qui est devenu le Mascarille du Dépit amoureux, était un véritable Arlequin poltron et balourd dont Molière n’a pas complètement effacé les traits, tandis que le Mascarille de L’Étourdi n’était autre, comme on le verra plus loin, que le rusé Scappino, le Scapin-modèle emprunté à Beltrame, l’un des plus fameux artistes et écrivains de la commedia dell’arte. […] Rappelons en quelques mots où en était la scène française à la même époque.

191. (1836) Portraits littéraires. Tome II pp. 1-523

Suit une scène empruntée au drame de M.  […] La scène est admirable et tire des larmes de tous les yeux. […] À proprement parler il n’y a pas une scène complète. […] Une scène indiquée, c’est une pierre précieuse dans sa gangue. […] Le lieu de la scène, vous le connaissez.

192. (1833) De la littérature dramatique. Lettre à M. Victor Hugo pp. 5-47

Témoin muet jusqu’à présent de cabales et de nombreuses intrigues, il était de mon devoir, de mon intérêt, comme le plus fécond des auteurs de la scène française, de défendre ce bel art dramatique que vous avez voulu complètement détruire. […] Vous avez voulu paraître sur la scène française, et les grands maîtres et leurs disciples en ont disparu. […] Tous les auteurs vivants qui avaient illustré la scène se sont vus abandonnés. […] Ils ont complètement oublié que la scène française n’avait acquis sa réputation que par le choix éclairé des ouvrages qui se recommandaient d’eux-mêmes par la pureté du style, l’énergie de la pensée, le naturel du dialogue et par des effets dramatiques ingénieusement amenés. […] Je n’y étais pas ; mais cette scène bruyante m’a été racontée par vingt témoins.

193. (1858) Cours familier de littérature. V « XXVIe entretien. Épopée. Homère. — L’Iliade » pp. 65-160

Cette scène serait de la haute comédie de Molière, par le mépris, si elle n’était pas de l’épopée par l’énergie de l’éloquence. […] Voyez et écoutez cette scène conjugale entre Hector, son épouse et son enfant, scène qui a servi et qui servira éternellement de texte à toutes les poésies de l’épopée, du drame, de la peinture et de la sculpture. […] Nous ne reviendrons pas sur ces scènes trop prolongées d’Homère. […] L’excès des scènes de guerre donne à ce milieu du poème la confusion et la satiété d’une éternelle mêlée. […] On voit, par cette incomparable scène et par cette incomparable élégie, qu’Homère aurait été aussi dramatique qu’il était épique, lui, la source inépuisable de tous les drames que son poème a inspirés à toutes les scènes de l’univers !

194. (1894) Journal des Goncourt. Tome VII (1885-1888) « Année 1886 » pp. 101-162

C’est suivi d’une scène, cherchée dans la réalité, d’une scène du noyé, du machabée à palmes vertes, rapporté dans la cour de l’Institut. […] Elle a des scènes de coquetterie délicieuses, avec le gai rire de sa bouche aux dents blanches, avec le tendre rire de ses doux yeux de chevreuil. […] Hier les acteurs troublés par la présence de Mme Daudet, ont très mal joué, et la scène de Mme Bourjot avec son amant, et la scène du père Mauperin avec Denoisel, ont paru longues, si longues, que tout le monde semblait désespéré, et Porel plus que les autres. […] Mauvaise impression produite dans la salle, sans que je m’en doute trop, par la scène châtrée de Bourjot, que Céard supprime, sur la crainte, exprimée par Zola, que la scène ne soit accrochée. […] Une salle dont la froideur, aussitôt l’entrée en scène de Cerny et de Dumény, se dissipe, et qui s’amuse franchement et prend plaisir à l’esprit de la pièce.

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