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219. (1899) Esthétique de la langue française « Esthétique de la langue française — Chapitre X »

. — La formation savante et la déformation populaire. — La vitalité linguistique. — Innocuité des altérations syllabiques. — La race fait la beauté d’un mot. — Le patois européen et la langue de l’avenir. […] Livrées à elles-mêmes, soustraites aux influences étrangères ou savantes, les langues ne peuvent se déformer, si on donne à ce mot un sens péjoratif.

220. (1870) Portraits contemporains. Tome IV (4e éd.) « M. DAUNOU (Cours d’Études historiques.) » pp. 273-362

Natalis de Wailly a parlé de lui dans le Journal des Savants et a retracé avec une précision affectueuse comme une première esquisse de cette grave figure. […] Daunou que nous avons tous connu ; nous nous attacherons à ce qu’il devint plus manifestement avec l’âge, au pur savant et littérateur. […] Daunou était plutôt un homme parfaitement et profondément instruit, et un savant écrivain, qu’un érudit à proprement parler. […] Journal des Savants, mars et décembre 1823. […] Journal des Savants, décembre 1827. — M.

221. (1893) Des réputations littéraires. Essais de morale et d’histoire. Première série

Le savant n’a rien à tirer de bien précieux de son imagination ainsi échauffée. […] Le désintéressement absolu de l’artiste, de l’écrivain et du savant lui-même n’existe pas, puisqu’ils sont hommes. […] Ils sont ou doivent être désintéressés à la façon des savants, et leur œuvre, comme celle des savants, peut périr tout entière dans sa forme, le résultat général de leurs travaux subsistant seul avec leur nom, lorsqu’ils ont réellement accru le trésor de la science. […] Combien donc faudrait-il de savants ordinaires mis bout à bout pour balancer un Newton ? […] Mettez sous les yeux du plus savant docteur en physique, mais qui n’est qu’un savant docteur, une pomme qui tombe, elle ne sera pour lui qu’une pomme qui tombe.

222. (1867) Causeries du lundi. Tome VIII (3e éd.) « Histoire littéraire de la France. Ouvrage commencé par les Bénédictins et continué par des membres de l’Institut. (Tome XII, 1853.) » pp. 273-290

Du Pin, cousin de Racine, trouvait le moyen d’être le matin un savant homme, et l’après-dînée un abbé fort coquet ; il faisait sa partie de cartes avec les dames, et ce n’était déjà plus un docteur de la vieille roche. […] On y aura un tableau vivant et animé, non des faits d’une nation policée, puissante, belliqueuse, qui se borne à former des politiques, des héros, des conquérants, mais des actions d’un peuple savant, qui tendent à former des sages, des doctes, de bons citoyens, de fidèles sujets. […] Nos savants d’aujourd’hui, ceux que j’appelle nos demi-bénédictins, dans leur application aisée, au sein de leurs cabinets chauffés et commodes, sont loin de nous représenter ces existences austères. […] Il sentit donc, sans être très avancé en âge, les premières atteintes du mal qui devait l’emporter : « Un gros rhume dont il fut attaqué vers la fin de l’année 1748, nous dit son biographe, le força de prendre une chambre à feu : c’est le seul adoucissement qu’il se permît. » Ainsi, jusque-là, il avait vécu, travaillé, étudié, comme le moins délicat de nous ne consentirait pas à vivre, même un seul hiver. — Sachons-le bien, quand l’encre venait à geler dans une de ces froides bibliothèques de bénédictins, le savant religieux était obligé, pour s’en servir, de l’aller faire dégeler un moment au feu de l’infirmerie ou de la cuisine.

223. (1870) Causeries du lundi. Tome X (3e éd.) « Le président Jeannin. — III. (Fin.) » pp. 162-179

Et L’Estoile se plaît à citer les libéralités du président envers les illustres savants de Hollande. Le président Jeannin (c’est en effet un des traits de son caractère, et qui le distingue encore de Villeroi) aimait les lettres et les savants. […] À défaut de la pension royale, le président avait un jour voulu faire présent à Scaliger d’une bourse où il y avait mille écus en espèces, mais le savant par délicatesse les avait refusés. Parmi les autres savants que le président avait connus en Hollande, il ne faut pas oublier, pour la angularité, un « grand géographe et bon mathématicien », Plancius, qui fut fort consulté par lui sur la question, encore pendante aujourd’hui, du passage du Pôle-Nord.

224. (1870) Causeries du lundi. Tome XII (3e éd.) « Œuvres inédites de P. de Ronsard, recueillies et publiées par M. Prosper Blanchemain, 1 vol. petit in-8°, Paris, Auguste Aubry, 1856. Étude sur Ronsard, considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare, par M. Eugène Gandar, ancien membre de l’École française d’Athènes, 1 vol. in-8°, Metz, 1854. — II » pp. 76-92

Ainsi, par exemple, Henri IV, qui n’était rien moins que savant, eut un précepteur qui lui apprit un peu de latin ; il en eut même un, La Gaucherie, qui essaya de lui apprendre du grec par forme d’usage, sans grammaire, et qui lui faisait réciter par cœur quelques sentences ou maximes. […] Ç’a été l’opinion de deux grands savants de delà les monts, Sperone et Castelvelro, dont le dernier, comme vous avez pu voir dans les livres que je vous ai envoyés, le compare et le préfère à son adversaire Caro dans la plus belle chose et de plus de réputation qu’il ait jamais faite, et le premier le loue ex professo dans une élégie latine qu’il fit incontinent après la publication de ses odes pindariques. […] Avec tout cela, je ne le tiens nullement méprisable, et je trouve chez lui, parmi cette affectation de paraître savant, toute une autre noblesse que dans les afféteries ignorantes de ceux qui l’ont suivi ; et jusqu’ici, comme je donne à ces derniers l’avantage dans les ruelles de nos dames, je crois qu’on le doit donner à Ronsard dans les bibliothèques de ceux qui ont le bon goût de l’Antiquité. […] Brunet, le savant auteur du Manuel du libraire, prépare sur le même sujet et dont il a réuni les éléments.

225. (1870) Causeries du lundi. Tome XIV (3e éd.) « Correspondance de Buffon, publiée par M. Nadault de Buffon » pp. 320-337

On n’avait point jusqu’ici un recueil des lettres de Buffon ; on n’en avait que des extraits qui avaient servi de pièces à l’appui dans des biographies ingénieuses et savantes ; mais le lecteur aime, en fait de correspondance, à se former lui-même un avis ; il prend plaisir, quand il le peut, à aborder directement les hommes célèbres et à les saisir dans leur esprit de tous les jours. […] Montesquieu écrit peu (autant du moins qu’on en peut juger par ce qu’on a), et il écrit sans prétention : son grand esprit, sa forte et haute imagination, sa faculté élevée de concevoir et son talent de frapper médaille ou de graver, sont tout entiers tournés et employés à ses compositions savantes et rares. […] Lui qui rend si pleine justice à Voltaire, il reste fidèle à ses connaissances et à ses admirations du bon cru : le président de Brosses demeure pour lui jusqu’à la fin « le plus digne de ses amis comme le plus savant de nos littérateurs. » L’homme qui a le plus fait pour Buffon en ce temps-ci, en commentant ses idées, en rééditant ses œuvres et en conférant ses manuscrits, M.  […] » demandait brusquement Napoléon, un jour qu’il sortait de causer avec Mascagni, un de ces savants italiens à qui l’imagination ne faisait pas faute. — « Sire, répondit Corvisart, c’est que l’imagination tue l’observation. » — L’imagination ne tue pas toujours l’observation ; bien souvent aussi elle l’éveille, elle la provoque et la stimule ; elle la devance.

226. (1864) Nouveaux lundis. Tome II « Halévy, secrétaire perpétuel. »

Placé aux confins de l’école française, un des représentants de cette école, non plus chez elle et dans les douceurs du chez-soi, dans les grâces légères de l’insouciance et du loisir, mais en marche et comme en voie de conquête, lorsque, chargée déjà de butin étranger, elle a un pied par-delà le Rhin, il fait la chaîne d’Auber à Meyerbeer ; d’un genre un peu mixte sans doute, mais non pas hybride ; élevé, savant, harmonique, très-soigneux de bien écrire musicalement parlant, sachant plaire toutefois, ne négligeant pas la grâce, cherchant et trouvant agréablement ce qu’Auber trouve sans le chercher, mais enclin surtout et habile à exprimer dramatiquement la tendresse et la passion. […] Je le prendrai surtout par ses côtés accessoires et où il aurait pu exceller très-vite, pour peu qu’il s’y fût adonné : il y avait en lui l’étoffe d’un savant littérateur autant peut-être que d’un grand musicien ; et il le montra bien lorsque, dans ses dernières années, il eut si peu d’efforts à faire pour être aussitôt un secrétaire perpétuel tout formé, un orateur académique des plus spirituels et des plus avenants Ce n’est pas de lui, certes, qu’on aurait dit, comme d’un autre compositeur célèbre en son temps : « C’est une bête, il n’a que du génie. » Il était un beau talent servi par un habile esprit. […] Je n’ai pas assez étudié les nombreuses notices consacrées, depuis le XVIIe siècle et durant tout le XVIIIe, aux membres de l’ancienne Académie de Peinture et de Sculpture31, pour prétendre en mesurer le mérite et en indiquer la valeur précise ; mais ce qui me paraît vrai et certain, c’est que dans ce genre de notices dont les artistes, peintres, sculpteurs, graveurs, etc., font les frais, il n’y avait en France aucune de ces suites mémorables comme celle que Fontenelle avait donnée sur la vie et les mœurs des Savants, et qui établissent un genre littéraire nouveau. […] Halévy, l’habile compositeur tout occupé de ses partitions dramatiques ou savantes, semblait loin de prétendre à son héritage.

227. (1865) Nouveaux lundis. Tome IV « Daphnis et Chloé. Traduction d’Amyot et de courier »

Si l’on voulait se donner le spectacle de l’incertitude et de la fragilité du goût, même chez les plus savants hommes, et même en ces matières classiques, il suivrait de lire le jugement que porte le docte Huet de ce joli roman ; c’est dans sa Lettre à Segrais, en tête de  ; il vient de parler de deux mauvais romans composés par des Grecs byzantins : « Je fais à peu près le même jugement, dit-il, des Pastorales du sophiste Longus ; car, encore que la plupart des savants des derniers siècles les aient louées pour leur élégance et leur agrément, joint à la simplicité convenable au sujet, néanmoins je n’y trouve rien de tout cela que la simplicité, qui va quelquefois jusqu’à la puérilité et à la niaiserie. […] On est confondu, en vérité, de lire un pareil jugement, de la part d’un si savant homme et qui avait traduit le livre dans sa jeunesse, de celui même qui, en homme de goût, relisait son Théocrite une fois chaque année, au printemps. […] Chassang, qui paraît être d’avis que c’est bien une méprise et qu’il n’y a pas de Longus. — Je dois dire pourtant que cette conjecture, dès longtemps émise par Schoell, et qui s’appuie d’une citation légèrement inexacte, a paru invraisemblable à l’excellent critique Frédéric Jacobs, et qu’elle le paraît également à un savant grec, philologues des plus précis et des plus sagaces, qui s’occuper en ce moment à donner à son tour une édition critique de la jolie pastorale, le docteur Piccolo.

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